Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Réunion du lundi 22 juillet 2019 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • coopernic
  • coopérateur
  • coopérative
  • distributeur
  • fournisseur
  • marque
  • marques internationales

La réunion

Source

L'audition commence à dix-sept heures quarante.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous poursuivons nos auditions et accueillons maintenant les représentants de la société Coopernic, M. eaurent Collot, directeur général, et M. Frédéric Louis, avocat, responsable de la conformité juridique.

Je précise que cette audition est ouverte à la presse mais, si une partie de nos échanges le nécessite, elle pourra, le cas échéant, se poursuivre à huis-clos.

Avant de vous passer la parole, je dois, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure. »

MM. Laurent Collot et Frédéric Louis prêtent successivement serment.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Nous avons répondu à votre convocation, dans le but d'avoir un échange sur nos activités dans le cadre de votre commission d'enquête, nonobstant le fait que, compte tenu de la loi belge qui régit les activités de la société Coopernic SCRL, je suis soumis au respect des clauses de confidentialité de mon contrat de travail, ce qui pourrait m'interdire de répondre à certaines de vos questions qui ouvriraient sur la révélation potentielle de secrets d'affaires.

Pour autant, notre intention est d'être les plus ouverts et collaboratifs possible, pour vous permettre de bien appréhender les éléments-clés du fonctionnement de Coopernic.

Je commencerai mon propos liminaire par la description de Coopernic, les missions qui lui incombent, sa gouvernance, son équipe et le fonctionnement afférents à la négociation collaborative de la coopérative.

Avant cela, permettez-moi de vous donner une idée de mon parcours professionnel, un peu « hybride ».

En 1985, j'ai commencé à travailler pour le groupe BSN, devenu, peu de temps après, le groupe Danone ; j'y suis resté jusqu'en 2000. J'ai ensuite rejoint le groupe Unilever où j'ai pratiqué la négociation au niveau régional, national, puis international : à partir de 2009, j'étais ainsi responsable des accords nationaux puis internationaux pour trois distributeurs, dans seize pays et trois continents ; en d'autres termes, je négociais les contrats accompagnant et structurant notre développement international.

En 2014, j'ai rejoint Coopernic à Bruxelles. Coopernic est une société coopérative de droit belge, créée en 2006 par cinq distributeurs européens indépendants, pour coopérer avec les grands fournisseurs multinationaux.

Cette alliance est une alliance stratégique qui, sur la forme, diffère de bien d'autres organisations internationales. Aujourd'hui, les membres associés coopérateurs de Coopernic sont le groupe belgo-néerlandais d'origine familiale Ahold-Delhaize, également présent aux États-Unis et en Indonésie, ainsi que la société coopérative italienne Coop Italia, Leclerc, et le groupe allemand Rewe. Au total, les quatre associés sont présents dans vingt-deux pays : ils y détiennent quarante enseignes alimentaires de tous types ; on parle au total de vingt-deux mille magasins à travers l'Europe, du Portugal à la Russie, de la Grèce à la Lituanie.

Chaque membre dispose d'une voix, conformément aux statuts de la coopérative RCRL, statuts qui sont disponibles sur le site ouvert du Moniteur belge, comme le sont tous nos bilans.

Coopernic a trois missions principales. La première consiste à coordonner la négociation et l'exécution de contrats internationaux portant sur des prestations de service avec les grandes marques internationales pour différentes catégories de produits : épicerie, liquides, frais, surgelés, parfumerie, droguerie et non-alimentaire. Pour cela, nous organisons les réunions au cours desquelles s'assoient à une même table les représentants choisis de nos quatre associés et les industriels, pour fixer le cadre et définir les prestations qui font l'objet d'un contrat.

Ensuite, nous avons des revues trimestrielles à Bruxelles avec le fournisseur et les associés coopérateurs pour faire le point sur l'exécution des services et corriger le tir, le cas échéant.

Ce sont les représentants des associés coopérateurs et des fournisseurs qui assurent au niveau local le suivi de l'exécution des engagements pris à Bruxelles. D'une manière générale, les services portent sur des activités additionnelles – on top –, telles que le développement de produits et l'augmentation de la visibilité des marques via des promotions ou différents outils de merchandising – boxes, cross category ou offres thématiques liées à certaines périodes de l'année, comme Noël, Pâques ou la rentrée scolaire.

À la demande des fournisseurs, nous les aidons également à développer leur réseau de relations, en opérant des médiations avec les pays où les métiers dans lesquels ils n'ont pas encore d'entrée, ou en leur obtenant des rendez-vous avec les décideurs-clés des enseignes ou des revues d'affaires.

Enfin, nous leur apportons un support à l'innovation permettant d'accélérer la disponibilité des produits sur les étagères, grâce à la mise en place des outils idoines.

L'ensemble de ces services se déclinent en une grande variété d'actions, mises en oeuvre chez nos partenaires avec les représentants des fournisseurs, sachant, par ailleurs, qu'il existe également une bonne douzaine de leviers permettant des actions locales et ciblées, lesquelles ont l'avantage d'offrir souplesse et liberté d'exécution aux deux parties. Cette souplesse et cette liberté sont particulièrement appréciées des fournisseurs, qui les préfèrent à d'autres modèles de fonctionnement plus centralisés.

De fait, les associés de Coopernic réfléchissent en permanence à ce qu'ils pourraient offrir aux consommateurs, en lien avec le fournisseur, pour coller au plus près à des attentes qui ne cessent d'évoluer.

J'insiste donc sur ce point : nos services se traduisent concrètement sur les étagères des magasins ; dans les vingt-deux pays européens où sont présents nos associés coopérateurs, ils contribuent au développement des produits, amplifient voire redressent les plans commerciaux des fournisseurs.

Notre deuxième mission, peu connue du grand public, concerne les marques de distributeurs (MDD) de nos associés coopérateurs – Coop pour Coop Italia, Repère pour Leclerc, Rewe, Beste Wahl, Penny ou Ja ! pour Rewe, ainsi que les marques d'Ahold-Delhaize.

Pour ces marques de distributeurs (MDD), Coopernic est une plateforme de sourcing à l'échelle européenne. Avec les équipes des associés coopérateurs, nous organisons la préparation d'appels d'offres internationaux, qui permettent à des fournisseurs de marques de distributeurs, y compris français, d'élargir leur espace – et donc leurs volumes – de vente, en ayant accès à un vaste marché européen sur lequel ils peuvent promouvoir le meilleur de ce qu'ils veulent développer. Ces marchés portent sur des produits transformés, comme les glaces, mais aussi sur des produits plus basiques, comme le riz.

Notre troisième mission enfin est également d'une grande importance pour nos associés, puisqu'elle concerne la réalisation d'appels d'offres pour les achats indirects, c'est-à-dire tous les produits nécessaires à l'exploitation des magasins – gondoles, caddies, ampoules, gants et produits de nettoyage –, qui peuvent faire l'objet d'un sourcing international.

Dans ce cadre, nous oeuvrons au rapprochement des spécifications et à l'amélioration des propositions de produits ou de solutions, notamment à travers le partage d'expérience.

J'en viens à la gouvernance et à la manière dont fonctionne la négociation collaborative. La société coopérative Coopernic est constituée d'une équipe de onze salariés, de nationalités française, belge, danoise et portugaise, qui parlent au total sept langues.

En tant que directeur général, je rapporte au conseil d'administration, constitué des représentants dirigeants des associés coopérateurs. Le conseil d'administration vérifie les résultats de la coopérative, valide son budget de fonctionnement et fixe les axes de développement à moyen terme sur les trois missions majeures de l'alliance.

Jouant un rôle de coordinateur, Coopernic contribue à la préparation et au bon déroulement des entretiens de négociation tout au long du processus, veille au bon fonctionnement de la relation commerciale entre les fournisseurs et les associés coopérateurs, s'efforçant de construire les meilleures offres de service, adaptées aux besoins des uns et des autres.

Enfin, les coordinateurs Coopernic – vous noterez que l'on ne parle pas d'acheteurs –, s'efforcent de rapprocher les différentes cultures propres aux associés coopérateurs et aux fournisseurs, pour que le point de rencontre coïncide avec l'intérêt commun. Avant de terminer mon propos, je souhaitais aborder la question de la confidentialité, qui a été beaucoup évoquée au cours des différentes auditions que vous avez menées. C'est une donnée importante tant pour nos coopérateurs que pour les fournisseurs, et c'est également l'une des raisons pour lesquelles nos coopérateurs ne sont pas concurrents entre eux, ce qui est une garantie pour les fournisseurs.

Coopernic a toujours veillé au respect de la confidentialité et du secret des affaires. La préservation des informations détenues par les collaborateurs, la robustesse de l'engagement réciproque des associés, qui signent pour une durée de cinq ans – le texte d'engagement est consultable sur Le Moniteur belge –, font de Coopernic une alliance exemplaire dans son domaine.

Les collaborateurs Coopernic signent dans leur contrat de travail une clause de non-concurrence et de confidentialité. Les coordinateurs internationaux associés aux activités de Coopernic sont soumis à la procédure dite de « La Muraille de Chine » (Chinese Wall), qui leur interdit d'être en relation avec les acheteurs locaux. Ils ne traitent et ne coordonnent que des activités internationales, ne s'intéressent qu'aux activités de nos associés et ont signé un engagement de confidentialité à ce sujet.

Le contrat commercial de Coopernic contient également une clause de confidentialité, qui engage Coopernic – nous jouons en quelque sorte le rôle d'une black box – et le fournisseur à ne pas communiquer à des tiers des informations sensibles figurant au contrat.

Un avocat indépendant, spécialiste du droit de la concurrence – il s'agit en l'occurrence de Frédéric Louis, qui travaille pour nous depuis six ans –, assure au quotidien la formation des équipes en matière de conformité juridique, de respect des bonnes pratiques, de rédaction des contrats et de contact avec les fournisseurs. Toutes ces dispositions ont contribué à instaurer au cours de ces dernières années, un haut niveau de confiance entre nos fournisseurs et Coopernic.

Telle est, dans un secteur en pleine mutation notre vision des relations entre coopérateurs et fournisseurs. Coopernic renouvelle sa collaboration avec les fournisseurs internationaux depuis quatorze ans, dans le cadre de contrats bisannuels pour la plupart d'entre eux, mais qui peuvent également être trisannuels pour une minorité des fournisseurs, avec lesquels la collaboration est plus approfondie.

Cette collaboration ne cesse d'évoluer et de se réinventer, pour suivre les attentes des consommateurs et le développement des marchés. À ce titre, nous avons une approche très pragmatique de notre métier, et des projets-pilotes sont engagés avec certains de nos fournisseurs dans l'objectif de développer conjointement de futurs services innovants, engageant les parties sur des concepts collaboratifs de plus long terme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pouvez-vous nous expliquer qui siège au conseil d'administration de Coopernic ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Le conseil d'administration est composé de huit membres, soit deux cadres dirigeants par associé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Michel-Édouard Leclerc fait-il partie des administrateurs ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Oui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourriez-vous nous préciser le rôle du conseil d'administration, car nous avons toujours beaucoup de mal à comprendre qui dirige Eurelec, Scabel ou Coopelec ? En d'autres termes, quel est le rôle de Michel-Édouard Leclerc au sein du conseil d'administration de Coopernic ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Aussi médiatique qu'il soit, Michel-Édouard Leclerc ne représente que l'un des quatre associés au sein du conseil d'administration.

Coopernic n'est pas une société de Leclerc mais une coopérative regroupant quatre associés distributeurs européens, présents dans une vingtaine de pays. Elle est administrée par les quatre PDG de ces entités et quatre administrateurs choisis parmi leurs cadres.

Quant à leur rôle, le conseil d'administration se réunit deux à trois fois par an pour un bilan, présenté par le directeur général, de nos trois missions essentielles, à savoir le développement des marques internationales, des marques de distributeurs et des achats indirects. Il vise nos résultats et valide le budget de fonctionnement de la coopérative.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On peut donc considérer que Monsieur Leclerc occupe des fonctions exécutives, puisque, même s'il n'assume pas la gestion quotidienne de la coopérative, il participe au conseil d'administration, qui fixe les grandes lignes et le budget.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Il faut s'entendre sur la définition d'une fonction exécutive. Selon moi, les membres du conseil d'administration ne sont pas des opérationnels. Nous leur présentons notre fonctionnement, qu'ils peuvent éventuellement infléchir, ainsi que nos résultats, mais ce n'est en aucun cas eux qui définissent les grandes orientations de Coopernic. C'est à notre équipe qu'il revient de leur faire des propositions, qu'ils valident ou non.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ils jouent malgré tout un rôle dans la gestion de l'entreprise puisqu'ils se prononcent sur les orientations que vous leur soumettez, qu'ils peuvent ajourner les conseils et vous demander de revoir votre copie.

Qu'on bénéficie ou non de jetons de présence, lorsqu'on est membre d'un conseil d'administration, on fixe des orientations, ce qui s'apparente à une fonction exécutive.

Permalien
Frédéric Louis, avocat responsable de la conformité juridique de Coopernic SCRL

C'est en effet le conseil d'administration qui valide les grandes orientations politiques de la coopérative, sur la base des propositions qui lui sont faites. Dans de nombreuses sociétés européennes, à l'exception toutefois des sociétés allemandes où il existe de fait deux conseils d'administration, le conseil d'administration est composé pour partie de membres ayant une fonction exécutive et de membres n'en ayant pas.

Ce n'est pas le cas chez Coopernic. Il n'existe pas d'administrateurs plus opérationnels que d'autres et qui auraient, contrairement aux autres, les « mains dans le cambouis ! ».

Aucun des administrateurs n'a de fonction exécutive, dans l'acception anglo-saxonne du terme, même si ce sont évidemment eux qui prennent les décisions de politique générale, sur la base de des propositions qui sont faites par les salariés permanents de Coopernic et Laurent Collot.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous posais cette question car, chaque fois que j'envoie un courrier à Michel-Édouard Leclerc qui, à mes yeux, est le président de l'entreprise, j'obtiens la même réponse, à savoir qu'il n'assume aucune fonction exécutive.

Pourriez-vous par ailleurs nous donner le nombre d'industriels qui ont contractualisé avec vous et ont été amenés à acheter des services Coopernic ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

En ce qui concerne notre activité liée aux marques internationales, nous avons cent cinq fournisseurs. Pour les marques distributeurs, je ne suis pas autorisé à être aussi précis, mais nous avons plusieurs centaines de fournisseurs, dont un quart sont français.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre coopérative propose ses offres de services à cent cinq marques internationales, qui, par définition, diffusent leurs produits et ont des activités partout dans le monde. Quelle est donc la valeur ajoutée que peut leur offrir Coopernic ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Comme je vous l'ai dit dans mon propos liminaire, j'ai eu, à l'époque où je travaillais pour un fournisseur, à négocier des contrats internationaux.

Un fournisseur de marques internationales a pour objectif de gagner des parts de marché contre – ou face à – ses concurrents. Pour gagner ces parts de marché, il lui faut se développer, soit en lançant de nouveaux produits, soit en augmentant son chiffre d'affaires, ce qui signifie que l'entreprise est en croissance. Pour cela, ces multinationales, dont la plupart ne sont pas françaises, même si elles ont des sites en France, ont des business units dans chaque pays où elles sont implantées. Cela pourtant ne suffit pas pour gagner les batailles commerciales qui se jouent à l'échelle européenne ou mondiale. Il faut donc des accélérateurs, et Coopernic est exactement un accélérateur de croissance, qui fonctionne comme un guichet unique. En d'autres termes, au lieu que chaque business unit ait à construire sa relation commerciale dans les vingt-deux pays et les quarante enseignes alimentaires et non alimentaires de nos associés, on s'adresse à Coopernic, comme à un unique interlocuteur qui officie sur l'ensemble du périmètre, avec cet avantage que, lorsqu'une innovation est lancée de manière concertée dans vingt-deux pays, sa contribution à la croissance est tout autre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prenons un exemple français. Le compte-clé d'un vendeur de yaourts en charge de Leclerc va négocier en France avec le Galec. Mais, si ce roi du yaourt veut se développer en Pologne, je suppose qu'il y dispose aussi d'un compte-clé, en relation avec les « Galec locaux », et qu'il n'a pas attendu Coopernic pour vendre ses produits là-bas.

Ce que nous n'arrivons pas à comprendre c'est la disproportion entre les taux prélevés par Coopernic et les services rendus.

Les industriels que nous avons auditionnés n'ont pas remis en cause la réalité de ces services rendus par Coopernic, Coopelec ou les centrales d'achat. Ce que la plupart dénoncent ce sont les tarifs de ces prestations, assimilables, si on grossit le trait, à des péages censés ouvrir sur des autoroutes mais qui ne débouchent en réalité que sur de simples chemins. Il y a donc manifestement un problème de proportionnalité entre le prix demandé – nous vous poserons d'ailleurs, comme à Coopelec, la question des montants que vous facturez – et la prestation fournie.

Faire du data sharing ne requiert qu'un logiciel SAP. Il suffit d'appuyer sur un bouton pour avoir les sorties de caisses de l'ensemble des magasins en réseau, et on nous a expliqué, lors de nos auditions, qu'il suffisait d'une trentaine de seconde pour obtenir les données relatives à une centaine de références provenant de dix fournisseurs différents et commercialisées dans plusieurs centaines de magasins !

Sans remettre en cause le travail que vous effectuez, nous nous interrogeons sur un potentiel abus de position dominante, sachant qu'en n'achetant pas certaines prestations, on n'a pas accès aux data et que, si l'on se prive globalement des services de Coopernic, on se ferme peut-être la porte des marchés espagnols ou polonais, ou on court le risque de voir certains de ses produits déréférencés.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Il y a toujours un responsable compte-clé dans chaque pays. C'est un poste que j'ai occupé en France pendant plusieurs années ; et pour faire un mauvais jeu de mots, je dirais que l'on n'a pas toutes les clés lorsque l'on est compte-clé.

Quand vous achetez une voiture et que vous prenez un modèle de base, vous n'avez que le modèle base. Ainsi, le compte-clé négocie-t-il les éléments qui font partie de son périmètre de responsabilité dans le cadre de la relation de service local ; et il fait au mieux. Il peut s'agir d'assortiment, de promotion ou de marchandising.

Au niveau international, comme j'ai tenté de vous l'expliquer tout à l'heure, à travers le guichet unique, on passe de quelqu'un qui est généralement un compte-clé à quatorze comptes clés « accords ». C'était le cas de la multinationale pour laquelle j'ai travaillé, qui comptait quatorze comptes-clé « accords » pour une seule société ; il y avait donc un compte-clé derrière chaque clé « accords ».

Non seulement on passe d'une catégorie à quatorze, mais on passe à quatorze catégories sur quatorze pays ; ça n'est pas du tout le même terrain de jeu ni le même niveau de discussion. L'idée n'est pas de refaire le plan de promotion locale, mais d'apporter ces éléments accélérateurs de croissance que recherchent les multinationales. Ce sont donc des activités distinctes, qui, dans le cadre de la relation, font sens pour ces entreprises.

Pour ce qui regarde la proportionnalité, elle réside dans la proportion existant entre la valeur de l'investissement d'un compte-clé sur une catégorie en France et la valeur de ce dont celui-ci s'occupe. La valeur d'une activité d'un service n'est plus la même dans l'exécution, la réalisation lorsque l'on passe à vingt-deux pays ; et cela est très important pour expliquer la singularité de Coopernic. Encore une fois, notre contrat et nos services sont négociés dans le cadre de discussions menées de gré à gré ; et cette valeur est reconnue par nos fournisseurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'entends que le fait de travailler avec quatorze accords dans vingt-deux pays et beaucoup de références est compliqué, et que beaucoup de monde serait nécessaire. Cela est particulièrement vrai pour les eaux, les boissons gazeuses, les charcuteries, les céréales, les couches, les alcools… Nous les avons tous entendus en audition.

Vous considérez que les accords sont compliqués, mais vous n'êtes que onze à Coopernic ! Vous comptez dans vos clients des entreprises comme Danone, Lactalis, Coca-Cola, Mars et Hertha entre autres, nombre d'entre elles sont satisfaites des relations qu'elles entretiennent avec Coopernic, Coopelec, les groupes Leclerc et la grande distribution, mais d'autres se plaignent. C'est pourquoi vos explications sont peut-être un peu courtes.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

La valeur n'attend pas le nombre des années, et le nombre non plus ne fait pas la valeur ! En tant que salarié de la coopérative Coopernic, nous sommes onze, mais j'ai déjà indiqué qu'il s'agit d'une « coopérative collaborative ». Nous ne sommes pas onze : cette activité doit être démultipliée par le nombre de coopérateurs qui participent aux activités de Coopernic à Bruxelles, ce qui fait que nous constituons un groupe d'acteurs beaucoup plus importants et connectés au business.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il nous est revenu que le rôle du coopérateur est de fédérer l'ensemble des données pouvant être recueillies dans certains magasins, et de faire remonter l'information à l'échelon de la centrale de services. Le coopérateur ne fait que remonter de l'information ; il ne met pas les mains dans le cambouis pour appeler en Pologne, au Portugal ou en Espagne pour essayer de monter un plan de promotion portant sur trois pays. Or, vous n'êtes que onze pour réaliser votre chiffre d'affaires.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Je précise que nous sommes onze salariés à Coopernic pour les trois activités que nous avons évoquées.

Vous centrez vos travaux sur la France, alors que Coopernic est une centrale européenne. Notre activité portant sur les marques internationales occupe quatre coordinateurs, dont moi-même, parmi les onze.

Afin de répondre à votre question, il faut que je vous en dise plus au sujet de Coopernic. Lorsque nous rencontrons un fournisseur pour passer des « accords d'accélération de croissance » au niveau européen, nous disposons des trois types de leviers que j'ai évoqués : le développement produit, le support innovation et le développement de la relation. Dans le cadre du contrat, nous discutons avec le fournisseur des services, qui sont préférentiels, tous nos interlocuteurs n'ont pas le même degré de maturité dans le développement de leurs relations, certains ont déjà de bons contacts et préfèrent développer d'autres activités ; nous adaptons donc notre offre à chacun d'entre eux.

Une fois le contrat décidé, les représentants locaux du fournisseur et les représentants de nos associés passent à l'exécution, qui est toujours locale - sur les étagères des magasins -, de ces contreparties. C'est là qu'ils optimisent les activités du plan à l'international. Les représentants du fournisseur dans chacun des vingt-deux pays donnent la contrepartie réalisée dans le contrat pour chacun de nos partenaires à leur compte-clé, celui ou ceux qui viennent nous voir – car ils viennent parfois de différents pays –, dans le cadre d'une « scorecard », une feuille de pilotage. Ce document décrit le service, la période, l'exécution, etc., et indique aux comptes clés les points d'accord ou de désaccord ; l'accord impliquant la rémunération du service tel qu'il était prévu.

À Bruxelles, nous exerçons une action de coordination avec les partenaires associés pour faciliter la mise en place ; c'est cela que nous faisons. Nous ne sommes donc pas trois salariés chez Coopernic à Bruxelles plus les représentants des associés négociateurs à Coopernic ; tout cela est démultiplié par le nombre des représentants des fournisseurs, qui – je me permets de vous le préciser – disposent d'une organisation miroir à la nôtre. Le fournisseur a donc son propre représentant dans chacun des pays.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les choses ne sont pas encore très claires, si ce n'est que j'ai l'impression que vous vous servez de la force de vente de vos fournisseurs pour faire votre travail et démultiplier vos conditions de vente.

Vous avez évoqué la question de la confidentialité de vos accords. Quelles sont vos relations avec les différentes structures, notamment avec le groupe Leclerc en France, qui est aussi présent en Belgique ; avec qui travaillez-vous ?

Au sujet de votre second axe stratégique, vous avez mentionné les entreprises qui créent des marques de distributeur (MDD). Comment les choses se passent-elles avec elles ? Car il ne s'agit pas de marques internationales ni de groupes internationaux, mais la plupart du temps de PME, qui en général n'ont ni la volonté ni la capacité d'aller à l'international.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Nous n'utilisons pas la force de vente comme moyen de pression, je dirais plutôt que les fournisseurs font leur travail. Lorsqu'on leur signale un accord international à mettre en place, les représentants internationaux des fournisseurs les transmettent à leurs comptes clé locaux, et ils se chargent de l'exécution de la contrepartie de ce qui est négocié à l'échelon local. J'ai indiqué tout à l'heure que les intéressés ne disposant pas de toutes les clés, nous leur donnons une clé internationale supplémentaire qu'ils doivent mettre en place avec les représentants des associés.

S'agissant de la confidentialité, je rappelle que Coopernic travaille sous contrat de confidentialité avec une clause de non-concurrence, et nos représentants associés coopérateurs participant à la négociation qui travaillent chez nous ont aussi signé une clause de confidentialité. Lorsque le contrat international est finalisé, l'information est transmise à l'ensemble des coopérateurs associés qui sont sous contrat de confidentialité. Ils communiquent alors à leurs représentants locaux les informations d'obligation de contreparties qu'ils ont à réaliser.

Par exemple, une contrepartie doit être réalisée sur une marque d'eau pour l'accélération de l'innovation attendue ; il revient à l'acheteur local de le mettre en place avec son interlocuteur local, et le pourcentage lié au service n'est pas communiqué.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous répondrez tout à l'heure à la question que M. le rapporteur vous a posée au sujet du chiffre d'affaires réalisé par Coopernic.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Au-delà du fait que cette audition est publique et que nous ne souhaitons pas renseigner nos concurrents, notre chiffre d'affaires constitue une information relevant du secret des affaires, que nous ne pourrons malheureusement pas vous communiquer.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Non.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous pourriez, en revanche, terminer votre réponse à Mme Motin.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Nous avons plusieurs centaines de fournisseurs de MDD, dont un quart est français. Vous pouvez imaginer que dans ce contexte la fonction de Coopernic est de promouvoir à l'international l'entreprise, le tissu industriel français, qui fabrique des marques pour les distributeurs que sont nos associés.

Encore faut-il, et je suis d'accord avec vous, qu'elles le veuillent et qu'elles en aient les compétences et la capacité. Nous faisons la promotion des entreprises françaises qui veulent fabriquer des marques de distributeur lorsqu'elles le souhaitent. Si un distributeur français a un plan de charge dans son usine, qu'il fabrique par exemple des bâtonnets de glace, et qu'il est à 60 % de sa capacité, il peut venir chez nous en souhaitant utiliser 30 % de sa capacité résiduelle pour fabriquer des bâtonnets de glace pour nos associés.

Il a alors la possibilité d'entrer dans un appel d'offres international, un cahier des charges lui sera remis, qui devra présenter la composition du produit ainsi que toutes les spécificités. Dans le cadre de l'appel d'offres, nous discuterons avec lui du prix et des conditions de livraison pour d'autres associés de Coopernic. S'il est déjà fabricant pour Leclerc, par exemple, il peut devenir fabricant pour Rewe.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

M. Collot, notre commission d'enquête a été créée au mois de mars dernier ; et, depuis de nombreuses années, des parlementaires s'intéressent à la question des négociations commerciales en France, aux déséquilibres constatés. Ils s'intéressent aussi au fait que les enseignes de la distribution se sont regroupées en centrales d'achats et de services afin de mieux négocier les prix, mieux vendre des prestations de services et obtenir des contributions financières.

L'enseigne Leclerc, par exemple, est une entreprise familiale, dont, au terme de quatre mois d'auditions, nous nous demandons toujours qui en est le véritable patron ! On trouve des structures et des satellites à tous les niveaux, dont les magasins locaux, les sociétés coopératives régionales, l'Association des centres distributeurs E. Leclerc, présidée par Michel-Édouard Leclerc, Galec, Eurelec, qui négocie des achats et facture à Scabel ; il y a encore Coopelec et Coopernic… À vous entendre, tout va bien et tout est sous contrôle ; depuis quatre mois nous procédons à un certain nombre d'auditions, or, à la quasi-unanimité des entreprises que nous entendons, qu'il s'agisse de PME, d'entreprises intermédiaires ou multinationales : tout le monde dépeint des négociations difficiles et tendues.

Et nombre de nos interlocuteurs, qui sont vos clients, mais aussi clients d'autres centrales, car cela ne concerne pas le seul groupe E. Leclerc, nous parlent de pratiques déloyales et abusives, de déréférencement, de suspension de commandes, de demandes de paiement de compensation de perte de marge, de pénalités.

Cela à tel point que, ce week-end, Bercy et le Gouvernement français ont assigné le groupe E. Leclerc pour lui infliger une amende de 117 millions d'euros. Cela parce que les travaux de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) corroborent l'analyse faite par cette commission d'enquête, celle de pratiques abusives et déloyales dénoncées devant elle.

Par le passé, E. Leclerc s'est déjà vu infliger une amende, il est membre de Coopernic…

Permalien
Frédéric Louis, avocat responsable de la conformité juridique de Coopernic SCRL

Leclerc est un actionnaire minoritaire de Coopernic, il représente une voix sur quatre. Nous ne sommes pas une filiale du groupe Leclerc, nous ne pouvons pas parler pour lui, nous ne pouvons rien vous dire au sujet des accusations de la DGCCRF à propos de l'entité Eurelec…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous pouvez nous parler des pratiques, donc des négociations de prestation de services. Lesquelles sont contestées en France, notamment par Bercy. Nous ne sommes pas en Belgique, mais en France, et, en tant que parlementaires français, nous sommes en droit de vous parler de l'actualité sans parler du détail du dossier puisque nous ne le connaissons pas.

Il n'empêche que certaines pratiques sont en cause ; la ministre, Mme Pannier-Runacher, a évoqué des pratiques répétitives et de récidives. C'est pourquoi je souhaite, qu'en tant que General manager, monsieur Collot, vous nous parliez du travail de ces négociateurs et de ces pratiques qui créent des tensions dans les négociations commerciales en France. Nous sommes bien au coeur du sujet !

Je ne vous demande pas de commenter l'« affaire Leclerc » qui est au coeur de l'actualité, mais de parler des pratiques qui sont source de tensions qui sont revenues aux oreilles de la commission d'enquête. Une grande partie des auditions ont été publiques, vous avez donc pu prendre connaissance des propos qui nous ont été tenus.

Permalien
Frédéric Louis, avocat responsable de la conformité juridique de Coopernic SCRL

Monsieur le président, mon propos était de dire que Coopernic ne peut faire de commentaires que sur ses seules activités ainsi que sur les négociations qu'elle conduit…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est ce que je vous demande : évoquer les relations avec marques internationales, à savoir la coordination des négociations et le fait de veiller à leur exécution ; ensuite les négociations avec les marques distributeurs.

Le premier sujet concerne 105 entreprises multinationales, et le deuxième, concerne les marques distributeurs (MDD).

Je vous invite à être clair, net et précis !

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Je serais, monsieur le président, clair, net précis et calme.

Au sujet des marques distributeurs – et ce sera pour moi l'occasion de répondre hors enregistrement à Mme Motin au sujet d'une entreprise précise –, nous travaillons avec des PME pour ces marques.

L'objet de la coordination des appels d'offres internationaux est de promouvoir ces PME à l'international lorsqu'elles le veulent. Une fois qu'elles sont retenues, au lieu de simplement vendre des produits de marque distributeur en France, elles ont la possibilité de développer leurs activités à l'international.

Pour prendre un exemple récent, je dirai qu'aujourd'hui une société vend ses produits dans l'ensemble des enseignes du groupe Rewe en Allemagne pour les marques de ce groupe. C'est donc une entreprise qui fabrique des produits de marque distributeur (MDD), par exemple la marque Leclerc, et grâce à Coopernic, cette même entreprise – en changeant l'étiquette, qui correspond à une recette – vend en Allemagne des volumes énormes sous les enseignes de trois grandes marques.

Cela est l'effet de la promotion de l'entreprise à l'international. Les discussions portent sur les recettes, les prix, qui dépendent du cours des matières premières, les données sont partagées de façon officielle et publique. Les choses se passent très correctement ; nous construisons une collaboration.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Selon vous quel pourcentage de l'activité de ces centaines d'entreprises de marques distributeur représente leur business à l'international, lorsqu'elles y sont parvenues ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Votre question me fait plaisir ; elle me donne l'occasion de dire que 30 % de nos fournisseurs français livrent au moins un autre pays que la France dans le cadre de notre collaboration.

Quant à votre question portant sur les marques internationales, monsieur le président…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question concerne les pratiques. Et je rappelle à M. Louis, avocat, que si Coopernic a été invitée par la commission d'enquête, c'est parce que le groupe Leclerc est membre de cette centrale internationale de services ; il ne s'agit pas d'Horizon, d'Envergure ou de C.W.T. En France, toutes les enseignes se sont regroupées en centrales européennes et internationales : il s'agit de centrales d'achat, de centrales dites de services avec des satellites à tous les niveaux !

Pour dénouer tout cela, il serait bon que la France s'y intéresse et que la France se secoue ; notamment l'autorité de la concurrence européenne !

Permalien
Frédéric Louis, avocat responsable de la conformité juridique de Coopernic SCRL

C'est pour cela que nous sommes là ; vous avez le droit de nous interroger. Le problème est que nous ne faisons pas partie du groupe Leclerc, qui est un de nos actionnaires minoritaires. Nous ne savons pas ce que font les autres entités, et nous ne pouvons commenter leurs activités.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je comprends. Mais il est normal que je ramène M. Collot à notre actualité en France.

Donc, monsieur Collot, parlez-nous de ces fameuses pratiques : sont-elles discutables ? Quelles sont les tensions, les pratiques abusives ou les pratiques qualifiées de déloyales ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Bien que je vive à Bruxelles, j'ai suivi un certain nombre d'auditions en tant que citoyen qui s'intéresse à l'actualité et j'ai constaté que vous étiez préoccupés par les problèmes liés aux tensions susceptibles de se produire puisque vous considérez que ces activités doivent avoir du sens, bien sûr, mais qu'elles doivent aussi s'exercer en respectant les personnes.

L'une des personnes que vous avez auditionnée a souligné qu'il y avait quelque chose de culturel chez les Français. Je me suis permis de vous apporter un petit article de la Harvard Business Review avec un graphique suivi d'analyses qui vous éclaireront. Il y a bien un atavisme culturel des Français mais, aussi, des Européens de l'Ouest, qui se divisent en deux groupes : ceux qui sont dans la confrontation ou la non-confrontation, ceux qui sont dans la collaboration ou la non-collaboration. Vous serez étonnés de constater sur le graphique que ceux qui se situent le plus dans la confrontation et qui éprouvent le plus de difficultés à collaborer forment un groupe, tout en haut à gauche, constitué par les Russes, les Israéliens et les Français ; au milieu, les Américains – mais, généralement, un contrat juridique est signé – et tout en bas à droite : les Japonais, qui détestent ce fonctionnement, les Coréens et les Suédois - comme quoi il n'est pas nécessaire d'être très éloignés pour être très différents !

M. Alexandre Bompard a parlé du jeu de la négociation et des caricatures qui en sont faites. Je négocie aujourd'hui au service de la coopérative Coopernic et j'ai négocié jadis en tant que négociateur international. Le jeu de la négociation implique des concessions et des contreparties tant les enjeux sont importants. Les fournisseurs veulent avoir un maximum de contreparties en payant le minimum et les distributeurs – dont les étagères ne sont pas extensibles – doivent faire des choix et des compromis. Eux tendent plutôt à obtenir un maximum de collaborations en offrant un minimum. De ce jeu qui, parfois, peut être tendu, ressort un accord.

J'ai vu que vous aviez auditionné environ 23 industriels, que je connais bien. Peut-être le huis clos favorise-t-il un positionnement opportuniste. Je trouve que les caricatures et les exagérations sont nombreuses. Les relations de Coopernic avec ses fournisseurs ne relèvent pas des propos que j'ai pu entendre précédemment.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lorsque vous parlez de services avec vos équipes, vous parlez de tout sauf du produit qui fait l'objet de la négociation car le niveau de celle-ci est très éloigné du distributeur local et des différents producteurs et transformateurs. Le service que vous proposez et facturez vise à négocier des contreparties et à obtenir des contributions financières qui s'ajoutent aux prix que d'autres équipes ont déjà négociés pour l'enseigne de distribution, lesquels sont souvent serrés. Tout cela tend à dégrader, à détruire de la valeur, comme nous disons en France, alors que nous, nous passons notre temps à encourager, en amont, les producteurs et les industriels à en créer. Il y a donc une anomalie dans cette négociation qui se situe plutôt dans le registre de la confrontation que dans celui de la collaboration.

Vous avez parlé de négociation collaborative, or, cela ne correspond pas tout à fait à ce que l'on nous a dit lors des auditions. Au contraire, c'est un manque de négociation collaborative qui a été souligné, un manque de négociation gagnant-gagnant pour les industriels, c'est-à-dire les fournisseurs, et vous, les représentants des distributeurs.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Je sais que vous êtes breton mais je vais vous faire une réponse de Normand, quoique je ne le sois pas. Nos services sont-ils loin des produits ? Oui et non. Ils sont éloignés, en effet, parce que nous ne les achetons pas. Ils ne le sont pas et ils sont très près de l'activité commerciale car, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, ils se retrouvent concrètement sur les étagères. Il n'est rien de plus connecté aux produits, à la promotion des marques et au développement de leur visibilité qu'un accord passé avec Coopernic - et, je me répète, avec l'ensemble de ses collaborateurs dans 22 pays – pour un industriel qui effectue des opérations transversales, thématiques, catégorielles, « cross-catégorielles » même. Ce n'est pas parce que nous n'achetons pas les produits que nous ne sommes pas connectés à eux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comment, avec onze salariés, pouvez-vous assurer à un industriel de soda, par exemple, que des stocks pourront être déployés en plein été, en même temps, dans 22 pays, même en vous asseyant sur les représentants de sa force de vente, alors même que vous n'achetez pas et que vous n'avez pas forcément de garanties de Rewe, d'E. Leclerc ou de Colruyt ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

C'est une question très pertinente car ce n'est pas comme cela que cela se passe. Si je vous répondais que c'est possible, ce serait erroné ou, pire, un mensonge, ce qui n'est pas le but.

Lorsqu'un fournisseur convient d'une opération catégorielle, thématique, de visibilité de ses marques dans nos magasins en contractant avec Coopernic, il a la garantie qu'elle sera effective dans le cadre d'un engagement coordonné, chaque trimestre, avec nos équipes, qui voient ses représentants internationaux. En revanche, cette réalisation n'est jamais simultanée et n'a jamais lieu de la même manière.

Monsieur le rapporteur a évoqué les couches mais on peut aussi parler des rasoirs. Même la marque qui a lancé la « cinquième lame », celle qui coupe le mieux, ne souhaite pas que son produit soit présent en même temps dans tous les magasins de 22 pays : les plans de communication et de fabrication sont différents. Comme je le disais dans mon propos liminaire, les industriels veulent de la souplesse, de la flexibilité, de la liberté. Avec leurs interlocuteurs locaux, ils s'adaptent à chaque pays. La période, comme le produit, peut donc être différente.

Vous avez évoqué une même marque dans les 22 pays, or, le consommateur européen est un mirage et n'existe pas encore. Les grands groupes que vous avez cités ont peut-être une marque à destination de la moitié des pays mais ils en ont une deuxième ou une troisième pour d'autres pays et ce n'est jamais la même en raison d'une histoire, des liens de chacune d'entre elles avec les consommateurs respectifs de ces derniers. Nos représentants, en association avec ceux des fournisseurs, ont la capacité d'adapter les plans.

Je vous ai parlé tout à l'heure de la « scorecard », de la feuille de pilotage remplie par les fournisseurs. Ceux-ci nous disent alors, en fonction de l'engagement que nous avons pris à Bruxelles, qu'ici, c'est fait et que là, cela ne l'est pas. Dès lors, soit nous pouvons « rattraper le coup », soit, nous ne sommes pas payés, voilà tout.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un industriel peut-il refuser de contractualiser avec Coopernic ? Si oui, ses produits seront-ils distribués dans les centres E. Leclerc, en France, dans d'autres pays européens, à l'étranger ? Une multinationale vend un certain nombre de produits, elle juge sa stratégie suffisamment forte, elle a besoin de l'enseigne E. Leclerc parce que c'est une belle signature de la distribution – je n'ai rien contre Michel-Édouard Leclerc, j'ai souvent dit que j'aimais bien le patron… breton – mais peut-elle refuser de contractualiser avec vous ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Notre contrat international n'est pas d'adhésion et est négocié de gré à gré avec nos interlocuteurs. La réponse à votre question est donc simple : oui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous travaillez actuellement avec 105 industriels et je gage que de plus en plus seront sollicités ou contactés par vos services. Comment cela se passe-t-il lors d'une première sollicitation ? Une entreprise a des habitudes de négociation sur les plans local, régional, national mais comment cela se passe-t-il lorsqu'il faut passer à la vitesse supérieure ?

Tout est en effet coordonné : la négociation avec Coopernic, avec Coopelec, avec Eurelec ; j'imagine qu'il faut cocher toutes les cases pour pouvoir signer le contrat final.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Je ne sais pas de quel contrat final vous parlez, monsieur le président.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comment cela se passe-t-il lorsqu'une entreprise française, dont la distribution est assurée par des centres E. Leclerc, est amenée à discuter avec Coopernic ? Comment s'effectue la coordination avec l'ensemble des autres acteurs qui travaillent pour le compte de la signature E. Leclerc ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Encore une fois, je ne comprends pas le concept du contrat général « E. Leclerc ». En ce qui me concerne, je m'occupe du contrat « Coopernic », et c'est déjà beaucoup.

Vous avez dit que nous avions vocation à avoir plus de fournisseurs - je vous ai répondu que nous en avions 105 - mais je ne crois pas que ce soit exact. L'année dernière, j'ai même refusé deux candidats. Tout fournisseur n'a pas vocation à intégrer Coopernic, quand bien même il travaille avec un ou plusieurs de nos associés. Il y a une question de taille – nous ne travaillons qu'avec des multinationales – et nous ne regardons pas l'annuaire des fournisseurs qui pourraient être à l'international.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je reviens sur la question posée par le président.

Vous avez des difficultés à contracter avec un industriel estimant que vos services sont un peu trop onéreux ou que leur coût, disons-le ainsi, n'est pas en adéquation avec le budget qu'il a prévu en début d'année. Lorsqu'il négocie avec vous le renouvellement de son contrat, il juge que la partie « E. Leclerc » ne lui convient pas, que le chiffre qu'il réalise avec ce groupe sur le plan international ou en France n'est pas satisfaisant, bref, que le taux n'est pas bon. Vous arrive-t-il d'appeler la centrale d'achat, Eurelec ou Scabel ? Appelez-vous Coopelec pour savoir comment cela se passe avec l'industriel ? Grossièrement, en 2018 ou cette année, l'un de vos dix employés, vous-même, avez-vous décroché votre téléphone pour appeler ne serait-ce qu'une seule fois Eurelec, Scabel ou Coopelec ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

À quoi sert donc mon abonnement téléphonique… ?

Un tiers des représentants des entreprises que vous avez auditionnés sont d'anciens collègues, des camarades, des connaissances qui travaillent dans le secteur de la distribution depuis une trentaine d'années et dont la carrière a évolué.

La plupart du temps, si l'on excepte la tension inhérente à ce type de situation pour un fournisseur ou un distributeur, on s'aperçoit que la difficulté des négociations résulte d'un problème de communication. Quel est l'intérêt commun du fournisseur et du distributeur ? Monsieur le rapporteur a utilisé tout à l'heure une formule importante : le renouvellement du contrat.

Depuis quatorze ans, Coopernic reconduit ses contrats tous les deux ou trois ans avec les fournisseurs, ce qui permet à tous de disposer d'un historique. Nous faisons preuve de discernement en situant le fournisseur au sein d'une catégorie : s'il travaille dans le secteur laitier, on ne le compare pas avec un fournisseur de piles fabriquées en Chine.

Je reviens donc sur la question téléphonique : il m'arrive d'appeler mes anciens collègues et de voir avec eux comment avancer et comment mieux nous retrouver. Parfois, ce sont aussi eux qui m'appellent. J'imagine que les associés négociateurs en font de même lesquels, eux aussi, ont des contacts locaux.

Est-ce que j'appelle, moi, les acheteurs locaux ? Non.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si ce n'est pas vous, ce sont vos collègues, vos employés ? À un moment donné, des contacts s'établissent pour savoir comment se passe la négociation : « En ce qui me concerne, c'est difficile. Nous avons du mal à les faire signer au taux de 1 %, 2 %, 3 %. Ils ne veulent plus, ils rencontrent des problèmes, ils ont signé en déflation en France, en Allemagne, en Espagne, lorsque le coût des services augmente, l'argent vient à manquer… ».

Apparemment, lorsque les coups de téléphone fusent, il peut arriver que l'on mette la pression sur l'industriel en lui disant gentiment qu'il serait tout de même bien qu'il investisse dans vos services. Pour lui montrer votre importance, on met fin, ainsi, à un certain nombre de commandes ou on en ralentit le rythme. Peut-être lui enverra-t-on une lettre lui annonçant certains déréférencements - sachant qu'ils seront annulés plus tard, mais pour certaines entreprises, trois mois de chiffre d'affaires en moins, c'est peut-être une usine qui ferme.

Vous comprenez que le coup de téléphone que vous passez a peut-être, ensuite, des conséquences importantes. En êtes-vous conscient ? Nombre d'industriels, de vos anciens collègues nous le disent très souvent, à huis clos ou non, en réunion directe, hors de l'Assemblée nationale. Est-ce « du pipeau » ? Est-ce une tentative pour vendre un peu plus cher l'année d'après ou, au contraire, est-ce une réalité dont vous ne maîtrisez pas les conséquences ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Je ne vous l'ai pas dit en présentant une partie de mon itinéraire professionnel mais, pendant un an, j'ai été responsable au bureau commercial de l'ILEC, l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation. Les discussions entre fournisseurs, je connais, y compris dans cette belle assemblée, dont la vocation n'est pas de faire un piédestal aux distributeurs.

J'ai retenu de l'audition de M. Panquiault, directeur général de l'ILEC, qu'il existe deux types de centrales : celles qui proposent de vrais services, et les autres. Parmi les premières, il a cité Coopernic. Je ne fais pas de publicité mais cela pose l'entreprise, son renom et son sérieux.

C'est la liberté d'un fournisseur que de décider de réviser ses investissements parce qu'il juge que c'est une priorité. À ce propos, des intervenants précédents ont évoqué l'équation économique. Je parlerai quant à moi de choses assez simples. Pour vous, cela ne fait plus de doute que lorsque les résultats nets de grandes marques internationales se situent entre 18 % et 20 %, ils sont de 1,5 % pour le distributeur. La marge entre le succès et la banqueroute ou, a minima, l'inévitable cession de magasins, est donc très faible.

Les distributeurs révisent en permanence leur équation économique. Quelle est-elle ? J'ai trois fournisseurs dans une même catégorie. Leur dynamique naturelle repose sur leur marque mais elle s'exerce aussi à travers des leviers qu'ils sont prêts à actionner et des investissements qu'ils sont prêts à faire. Si un fournisseur décide de ne plus investir, les nerfs de nos associés n'étant pas extensibles, ceux-ci auront tendance à privilégier ceux qui apportent de la dynamique, qui favorisent la meilleure équation économique.

Certains fournisseurs appellent cela des sanctions ? Mais il s'agit seulement de la loi du marché : ceux qui contribuent le plus à la croissance et à la dynamique de nos associés aident et s'aident à gagner des parts de marché.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle analyse faites-vous, depuis la Belgique, de la guerre des prix en France ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Je suis désolé, président, mais je n'ai pas d'analyse. Je n'ai pas de fonction d'achat…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le culte du prix bas, les négociations en déflation ?

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Tout à l'heure, Frédéric Louis a été assez clair : nous gérons les activités de Coopernic. Je n'ai pas de prérogatives « en local », je n'achète pas de produits, je n'ai pas de responsabilités dans l'élaboration des politiques commerciales, je ne connais pas le niveau de concurrence de chacun de mes quatre associés.

Vous avez pu voir qu'en Italie, par exemple, le groupe Auchan s'est retiré, ce qui emporte sans doute des conséquences pour les coopérateurs Conad ou Coop Italia, qui est notre associé. Si je peux vous parler de Coopernic, je suis un peu court quant à la guerre des prix en France…

Permalien
Frédéric Louis, avocat responsable de la conformité juridique de Coopernic SCRL

J'assiste à tous les conseils d'administration. J'y ai souvent entendu parler de la guerre des prix mais jamais en France, toujours dans le pays principal de l'un de nos autres associés, où la concurrence est très féroce. Ce dernier nous a d'ailleurs souvent demandé s'il était possible de réviser certaines de nos règles opérationnelles pour lui permettre de pouvoir réagir plus rapidement.

Je suis belge, je n'ai aucune information s'agissant de la France mais je peux vous dire que je n'ai jamais entendu parler de la guerre des prix dans votre pays. Dans un autre pays – dont je pourrai, peut-être, vous dire le nom hors audition – j'en entends parler tout le temps !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous vous remercions et vous souhaitons un bon retour en Belgique pour poursuivre vos activités.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Je vous remercie.

Je vous laisse donc l'article dont je vous ai parlé, qui est très éclairant sur la situation des Français.

Permalien
Laurent Collot, directeur général de Coopernic SCRL

Et des Israéliens. Les Espagnols ne sont pas très loin…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous transmettrons au Président de la République pour qu'il poursuive son travail diplomatique !

L'audition s'achève à dix-neuf heures

Membres présents ou excusés

Réunion du lundi 22 juillet 2019 à 17 h 30

Présents. – M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Cendra Motin