Commission élargie : finances - affaires sociales

Réunion du vendredi 3 novembre 2017 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

Source

COMMISSION ÉLARGIE

(Application de l'article 120 du Règlement)

Vendredi 3 novembre 2017

Présidence de M. Laurent Saint-Martin vice-président de la commission des finances, et de Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales

La réunion de la commission élargie commence à quinze heures.

projet de loi de finances pour 2018

Solidarité, insertion sociale et égalité des chances

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Madame la ministre des solidarités et de la santé, madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, madame la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, je suis ravi de vous accueillir, avec Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Mes chers collègues, je vous précise les règles de nos commissions élargies, telles qu'arrêtées par la Conférence des présidents du 26 juillet dernier. Nous donnerons d'abord la parole à Mme la ministre des solidarités et de la santé pour dix minutes, puis aux rapporteures des commissions qui interviendront chacune pour une durée de cinq minutes. Après la réponse de la ministre aux rapporteures, nous continuerons avec les questions, en commençant par celles des orateurs des groupes. Puis chacun aura la parole. Je rappelle que la question comme la réponse ne devront pas dépasser deux minutes.

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Madame la ministre, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, c'est un budget particulièrement important que nous allons examiner aujourd'hui puisqu'il concerne nos concitoyennes et nos concitoyens les plus fragiles. Comme vous le savez, ce sujet m'est particulièrement cher. Près de 9 millions de nos concitoyens vivent encore sous le seuil de pauvreté.

À travers ces programmes, nous allons examiner des actions ayant un fort enjeu sociétal aussi diversifié que le soutien à l'activité avec la prime d'activité et les politiques d'insertion, l'augmentation des ressources d'existence pour les personnes en situation de handicap avec la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), le travail social à travers la poursuite de l'amélioration de la qualité de ces formations, l'aide alimentaire qu'il convient de coordonner davantage et qui fait l'objet d'une réflexion dans le cadre des états généraux de l'alimentation, la protection des mineurs et notamment des mineurs isolés dont nous parlera notre collègue Delphine Bagarry. Autant de politiques publiques d'accompagnement, de soutien qui sont nécessaires et essentielles pour les personnes les plus vulnérables pour les territoires de la France périphérique qui se sentent oubliés parfois. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'inscrire certaines de ces thématiques dans les différents travaux à venir de notre commission.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le vice-président de la commission des finances, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de la loi de finances pour l'année 2018 avec mes collègues Mme Sophie Cluzel et Mme Marlène Schiappa qui présenteront les orientations correspondant à leurs programmes budgétaires respectifs.

Ce budget est le reflet d'un parti pris et d'une priorité. Le parti pris, c'est celui de la sincérité budgétaire qui est le préalable indispensable à une action publique efficace et des choix politiques clairement assumés. La priorité, comme j'ai eu l'occasion de le dire la semaine dernière lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est celle qui va à nos concitoyens les plus fragiles et qui exprime la solidarité nationale.

Les crédits de cette mission sont essentiellement consacrés au financement de dispositifs d'aide aux populations les plus défavorisées, les moyens de fonctionnement du ministère représentant moins de 8 % du budget total des crédits de la mission.

Le budget de la mission augmentera en 2018 de 1,5 milliard d'euros, soit une hausse de 8,7 % par rapport à 2017. Cet effort considérable est destiné pour l'essentiel aux bénéficiaires de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés. Il s'ajoute à la revalorisation du minimum vieillesse prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de 30 euros dès le 1er avril 2018, 35 euros au 1er janvier 2019 et 35 euros au 1er janvier 2020, soit au total 100 euros de plus chaque mois. Mme Cluzel reviendra sur la revalorisation très importante du montant de l'allocation aux adultes handicapés.

Pour ma part, j'évoquerai l'augmentation de la prime d'activité qui est, pour plus de 2,5 millions de foyers aux ressources modestes, un complément de revenus non négligeable puisqu'elle s'élève en moyenne à près de 160 euros par mois, alors que le montant moyen de ressources des foyers bénéficiaires est de l'ordre de 1 050 euros par mois. C'est aussi un dispositif important pour faire en sorte, comme il est dit parfois de façon raccourcie, que le travail paie.

Conformément aux engagements du Président de la République, la prime d'activité augmentera de 20 euros à partir du 1er octobre 2018. Cette hausse concernera la partie forfaitaire de la prime, de façon à rétablir une continuité logique du barème de cette prime avec le RSA.

L'augmentation réalisée en 2018 complétera une deuxième mesure favorable au pouvoir d'achat de ces foyers : la suppression des cotisations salariales chômage et maladie en contrepartie de la hausse de la CSG, qui se traduira par exemple pour une personne au SMIC par un gain de pouvoir d'achat de 263 euros par an lorsque la mesure sera pleinement montée en charge, et de 132 euros dès 2018. L'augmentation de la prime d'activité n'est que la première étape d'une hausse qui se poursuivra au cours des années suivantes pour porter la revalorisation de la prime d'activité à 80 euros au niveau du SMIC. En 2018, 5,1 milliards d'euros seront donc consacrés à la prime d'activité, ce qui représente une augmentation de 16 % par rapport à l'année 2017. Cette augmentation prend pleinement en compte l'évolution tendancielle de la prime et c'est là qu'intervient l'effort de sincérité puisque, comme l'avait noté la Cour des comptes, les crédits inscrits dans la loi de finances pour 2017 étaient insuffisants pour financer le dispositif. Elle prend en compte bien sûr également la revalorisation du montant forfaitaire pour un total de 240 millions d'euros en 2018.

La très forte progression de ces crédits s'accompagne de mesures destinées à modérer l'impact budgétaire, mais elles ne remettent pas en cause, je le dis clairement, l'économie globale de la prime et l'impact favorable des mesures adoptées pour les bénéficiaires.

Le parti pris de la sincérité conduit également le Gouvernement à proposer d'augmenter de façon très importante les crédits consacrés aux mineurs non accompagnés. Sur ce dossier sensible, les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont très clairs : l'État doit faire plus et mieux pour accueillir les mineurs étrangers isolés et aider les départements dans cette mission. Le nombre de mineurs pris en charge par des conseils départementaux a augmenté de façon très importante, entraînant la saturation des dispositifs et un coût croissant pour les départements. Or, même si la protection de l'enfance est de la compétence des départements, l'État a une responsabilité forte au travers de sa double compétence de conduite de la politique migratoire d'une part, et de protection de l'enfance exercée par l'autorité judiciaire d'autre part.

La situation actuelle révèle aussi la nécessité d'une harmonisation nationale des conditions d'évaluation de la situation des demandeurs, compte tenu des disparités constatées entre départements. C'est pourquoi le Premier ministre a souhaité lancer le lundi 30 octobre dernier, conjointement avec le président de l'Association des départements de France, M. Dominique Bussereau, une mission d'expertise pour identifier des solutions opérationnelles permettant d'améliorer l'efficacité, la cohérence et la soutenabilité budgétaire de la phase d'évaluation et de mise à l'abri des mineurs non accompagnés. Dès 2018, l'engagement de l'État se traduira par un renforcement très important des moyens qui passent de 15 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017 à 132 millions d'euros en 2018.

L'attention à la situation financière des départements se traduit également par la reconduction du financement du fonds d'appui aux politiques d'insertion (FAPI) doté, comme en 2017, de 50 millions d'euros. Ce fonds permet, comme vous le savez, de soutenir les départements dans les dépenses en direction des personnes les plus éloignées de l'emploi.

Nous avons commencé à échanger, dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, sur le financement des allocations individuelles de solidarité, dont le revenu de solidarité active (RSA). Le Premier ministre a lancé, le 20 octobre dernier, une réflexion sur le pilotage et le financement de ces allocations. Ce sera l'occasion d'examiner, dans le cadre d'une réflexion plus générale, l'opportunité de maintenir le FAPI au-delà de 2018.

Un mot avant d'aborder les moyens du ministère sur les dispositifs de protection juridique des majeurs.

Dans un budget globalement en forte progression, les crédits consacrés au financement de ces dispositifs sont stabilisés en très légère baisse de 0,5 %. Nous programmons la révision, au 1er avril, du barème de participation, de façon à permettre le maintien d'un financement public qui repose quasi exclusivement depuis 2016 sur l'État et dont la Cour des comptes avait rappelé en 2016 la croissance très rapide au cours des dernières années – plus de 100 millions d'euros et près de 20 % d'augmentation entre 2010 et 2015.

La révision du barème se fait avec le souci de ne pas peser excessivement sur les plus défavorisés des bénéficiaires, notamment le tiers d'entre eux qui perçoit des ressources inférieures ou égales à l'allocation aux adultes handicapés et qui continuera à être exonéré de toute participation. Le barème définitif, qui sera fixé par décret, n'est pas arrêté. Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger avec la rapporteure spéciale, Mme Dupont, et nous pouvons envisager des évolutions par rapport au projet initial.

Par ailleurs, nous continuerons d'oeuvrer pour le soutien des tuteurs familiaux qui assument cette tâche pour un coût public moindre. Ils ont besoin d'être formés et accompagnés. C'est pourquoi le ministère maintient son effort dans leur direction en 2018.

Je n'oublie pas enfin que le projet de budget que je défends devant la représentation nationale porte les supports budgétaires des hommes et des femmes qui travaillent dans le département ministériel dont j'ai la responsabilité, avec le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ». Ce sont 18 276 emplois de l'administration centrale, des services déconcentrés du ministère, comme les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et des agences régionales de santé, ainsi que la masse salariale correspondante qui sont concernés.

Le projet de budget pour 2018 s'inscrit dans une perspective fixée par le Président de la République de réduction du nombre d'emplois publics, hors les départements ministériels prioritaires. Ce contexte exigeant va donc recueillir davantage d'efficience et un réexamen des missions et des process. Les travaux que nous mènerons dans les prochaines semaines dans le cadre du chantier gouvernemental Action publique 2022 nous aideront à identifier les évolutions nécessaires.

En conclusion, le budget que nous vous présentons est rigoureux dans son élaboration et sincère. C'est un budget qui fait des choix, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le choix du pouvoir d'achat pour les salariés dont les rémunérations sont les plus faibles et le choix de la solidarité nationale au bénéfice des plus fragiles.

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Je souhaitais vous proposer symboliquement de ne pas actionner le chronomètre mesurant nos temps de parole puisque, comme vous le savez, le temps de travail ne compte plus pour les femmes depuis onze heures quarante-quatre ce matin, 3 novembre. Cela symbolise l'écart salarial de près de 16 % qui se creuse entre les femmes et les hommes en France. Mais par crainte de voir nos débats nous amener jusqu'au bout de la nuit, mieux vaut nous en tenir aux procédures habituelles.

Je tiens tout d'abord à remercier tous ceux qui ont contribué à la préparation de ce rapport, et en particulier ma collègue Delphine Bagarry avec qui j'ai passé de longues heures en auditions.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » englobe trois ministères et se compose de quatre programmes : le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », le programme 157 « Handicap et dépendance », le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » et le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».

Le Gouvernement a su prendre ses responsabilités. Le budget atteint 19,2 milliards d'euros, en hausse de 1,6 milliard d'euros par rapport à l'année dernière. Je salue cet effort qui met fin à une sous-budgétisation chronique et pointée dans les différents rapports spéciaux qui se sont succédé. Cette hausse est à souligner, d'autant qu'elle perdurera avec un budget prévisionnel de 20,9 milliards d'euros en 2019 et de 21,5 milliards d'euros en 2020.

Cette mission porte par ailleurs un budget politique fort et ambitieux, axé autour de trois grands principes : encourager, protéger et responsabiliser.

Encourager tout d'abord, car ce que nous souhaitons avec ce projet de loi de finances pour 2018, c'est améliorer l'insertion des plus démunis au sein du marché du travail. Ainsi, le montant forfaitaire maximal de la prime d'activité sera revalorisé de 20 euros au mois de septembre 2018 pour une application dès le mois d'octobre 2018. Ainsi, 5,1 milliards d'euros sont prévus pour la prime d'activité, limitant ainsi les risques de recours à un projet de loi de finances rectificative. Dans le même esprit, le fonds d'appui aux politiques d'insertion, créé par la loi de finances pour 2017, sera doté à titre exceptionnel de 50 millions d'euros supplémentaires.

Protéger ensuite, car nous devons renforcer l'autonomie des personnes handicapées qui se trouvent dans une situation subie. Je rappelle que le Premier ministre a déclaré que l'inclusion des personnes en situation de handicap constituait l'une des priorités du quinquennat. Le Gouvernement consent un effort budgétaire que je tiens à saluer en portant le montant de l'allocation aux adultes handicapés de 811 euros environ à 860 euros au 1er novembre 2018. L'AAH s'élèvera ensuite à 900 euros au 1er novembre 2019. Ces revalorisations représentent 2,5 milliards sur le quinquennat et l'équivalent d'un treizième mois pour les bénéficiaires de l'AAH. Protéger les personnes en situation de handicap, c'est aussi les inclure pleinement dans la société et le marché du travail avec l'aide au poste versée par l'État aux établissements et service d'aide par le travail (ESAT).

Responsabiliser enfin, car après des années de sous-exécution, le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » atteint près de 30 millions d'euros. C'est le budget le plus haut jamais atteint pour ce programme. Ce budget sera d'ailleurs sanctuarisé pendant les cinq prochaines années, le Gouvernement ayant fait de l'égalité entre les femmes et les hommes une grande cause du quinquennat. Cela se révèle pertinent à la lumière des récents scandales de harcèlement sexuel.

Je veillerai à ce que les actions entreprises soient véritablement menées. Le parcours de sortie de la prostitution ne doit pas être une coquille vide, sa mise en oeuvre effective tarde, alors même que sa création date de 2016.

De même, les politiques publiques en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ne peuvent souffrir de disparités géographiques. Je veillerai donc à une application effective de ces politiques sur l'ensemble du territoire.

Ma première question porte sur la prime d'activité. L'article 63 du projet loi de finances pour 2018 exclut les pensions et rentes d'invalidité, ainsi que les rentes accident du travail et maladie professionnelle (AT-MP) dans les revenus d'activité pour le calcul de la prime d'activité. Toutefois, bien que cette mesure devrait concerner 10 000 personnes, il me semble que les conséquences peuvent être néfastes pour des personnes invalides et disposant de faibles ressources. Madame la ministre, quelles raisons ont conduit à cette décision ?

Ma deuxième question porte sur l'AAH. Le Gouvernement envisage de modifier le plafond de ressources pris en compte pour l'obtention de l'AAH pour un couple. Si cette mesure ne fait pas de perdants en 2018, compte tenu de la revalorisation importante de cette prestation, elle risque de permettre à des personnes d'obtenir un gain en 2018 qu'elles perdraient en 2019. Est-il envisagé de lisser cette mesure afin qu'il n'y ait pas de rupture de droits ?

Ma troisième question concerne la protection juridique des majeurs. Vous envisagez de modifier le barème de calcul de prise en charge pour les majeurs eux-mêmes de leurs mesures de protection, afin de les faire contribuer davantage. Si je comprends bien que cette politique, en l'état, a un coût non négligeable pour l'État, pouvez-vous cependant m'assurer que les plus vulnérables d'entre eux, ceux qui ont des ressources inférieures au SMIC, ne seront pas concernés par cette augmentation du barème ou, à défaut, moins touchés par ce nouveau barème ?

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Mme larapporteure spéciale vous a présenté le détail des crédits alloués en 2018 à la protection et à l'insertion sociale des plus vulnérables. La Cour des comptes a constaté qu'il manquait 700 millions d'euros au budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » voté l'an dernier pour financer les allocations que les caisses d'allocations familiales avancent pour l'État. L'Assemblée nationale en a pris acte. Elle a adopté, en première lecture, une programmation budgétaire qui ajoute près de 4 milliards d'euros en trois ans au budget de cette mission.

Cette hausse traduit la volonté d'une véritable politique de lutte contre la pauvreté, de la protection des familles vulnérables et de la prévention des risques d'exclusion. C'est dans cette intention que s'inscrivent notamment la revalorisation de la prime d'activité et l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapés. Les crédits alloués à l'aide alimentaire, à la protection juridique des majeurs, à l'égalité entre les femmes et les hommes se voient au moins reconduits.

Les crédits concernant le dispositif d'accueil et d'orientation des mineurs isolés étrangers, inclus dans le programme 304 ayant été multipliés par huit, ils méritent que l'on s'y attarde. Ils sont destinés à rembourser et aider les départements chargés de la prise en charge des mineurs non accompagnés, prise en charge initiale et suivi social et éducatif.

C'est le sujet thématique que j'ai choisi de développer dans ce rapport. Il dépasse bien évidemment le simple avis budgétaire et s'inscrit dans une nécessité organisationnelle, voire juridique, et une politique globale de la protection de l'enfance vis-à-vis d'une population singulière. Ces mineurs, privés de l'encadrement de leur famille, bénéficient du droit international de protection que doit leur garantir l'État.

Le Premier ministre a annoncé aux départements, le 20 octobre dernier, que l'État apprécierait la minorité et l'isolement des étrangers recueillis dans l'urgence, avant de confier aux présidents des conseils départementaux la responsabilité de ces mineurs isolés étrangers.

Après plusieurs mois de travail et d'auditions sur ce sujet, j'ai entendu de nombreuses critiques et encore plus d'avertissements. Les critiques invitent le Gouvernement à ne pas laisser les départements évaluer seuls de jeunes étrangers sans état civil. Les avertissements l'exhortent à ne pas les considérer comme des migrants clandestins et à ne pas les soustraire au droit commun de la protection de l'enfance sous prétexte que certains départements ne veulent ou ne peuvent plus la leur accorder.

Des experts des corps d'inspection de l'État et des cadres des conseils départementaux ont été convoqués par le Gouvernement pour réorganiser la protection d'urgence des mineurs isolés. Ils devront rendre leurs conclusions avant la fin de l'année pour qu'elles s'inscrivent dans le cadre de la réforme législative de l'asile et de l'immigration. En attendant, le projet de loi pour 2018 inscrit 132 millions d'euros pour la protection des mineurs étrangers isolés dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Il y a dans cette provision une subvention nouvelle promise aux départements qui admettent à l'aide sociale à l'enfance un étranger dont l'évaluation confirme qu'il est mineur et isolé. Je souhaite que cette subvention n'encourage pas les placements au rabais qui m'ont été décrits. L'évaluation sociale, la mise à l'abri et la prise en charge des mineurs non accompagnés, qu'elles soient confiées à des associations ou des travailleurs sociaux des départements, ne sont ni harmonisées, ni égales partout sur le territoire.

L'État a annoncé qu'il financerait la protection d'urgence et l'évaluation. Mais il devra aussi garantir une homogénéité des avis rendus et s'assurer que, quel que soit leur mode de placement, les mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance seront traités de façon digne et adaptée.

La singularité du parcours de ces enfants qui peut entraîner une fragilité sanitaire et psychologique importante nécessite un dispositif particulier. Je vous poserai trois questions qui concernent aussi les ministères de l'intérieur et de la justice avec lesquels vous travaillez sur ces sujets.

Premièrement, pouvez-vous nous dire qui mettra à l'abri et qui évaluera, en 2018, les étrangers présumés mineurs et isolés ? Deuxièmement, sur quel programme budgétaire ces mesures d'urgence seront-elles financées ? Comment seront utilisés les 132 millions d'euros inscrits cette année ? Troisièmement, l'État pourra-t-il garantir une prise en charge harmonisée partout sur le territoire métropolitain et ultramarin ?

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, le financement public dédié à la prime d'activité augmentera de façon très importante en 2018 pour tenir les engagements du Président de la République.

J'entends votre interrogation sur le fait qu'on ne prendra plus en compte les pensions d'invalidité ni les rentes AT-MP dans les revenus d'activité pour le calcul de la prime. À cet égard, je tiens à rappeler le contexte dans lequel cette décision a été prise.

La dérogation assimilant les pensions d'invalidité et les rentes AT-MP à des revenus professionnels a été insérée par la loi travail du 8 août 2016 postérieurement à la mise en place de la prime. On peut considérer que cette dérogation n'est pas complètement cohérente avec l'esprit de la prime d'activité qui a pour seul objectif d'inciter les bénéficiaires à augmenter les revenus tirés de leur activité. Or ni les rentes AT-MP ni les pensions d'invalidité ne sont des revenus en lien direct avec l'activité du bénéficiaire, mais des prestations sociales et des revenus de remplacement. Elles n'ont pas vocation à être assimilées à des revenus d'activité pour le calcul de la prime. Le Gouvernement propose donc de revenir à la logique initiale de la prime d'activité.

J'ajoute que la prise en compte de la mesure telle qu'elle avait été proposée par la loi travail en août 2016 n'avait pas été budgétée. Nous préférons revenir à la logique initiale, ce qui nous permet tout de même d'allouer plus de 700 millions d'euros de crédits supplémentaires à la prime d'activité en 2018 avec la logique initiale qui est de favoriser la reprise d'activité et les revenus issus du travail.

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Sophie Cluzel, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées

Vous m'avez interrogée sur la modification du plafond de ressources pris en compte dans la détermination de l'éligibilité à l'AAH pour les couples. Cette modification, opérée dans un esprit de responsabilité collective, conduit à minorer l'impact de la revalorisation pour une petite minorité de bénéficiaires en couples dont le niveau de ressources est déjà supérieur au seuil de pauvreté. Cette mesure ne remet pas en cause l'importance de la revalorisation qui, vous l'avez souligné, jouera à plein pour plus de 90 pour cent des bénéficiaires. Elle préserve les plus fortes spécificités de cette allocation, qu'il s'agisse de celles du bénéficiaire lui-même – je rappelle que l'AAH peut être cumulée avec un revenu d'activité, de manière intégrale pendant six mois au maximum, puis de manière partielle sans limite dans le temps jusqu'à 1 590 euros par mois – ou de son conjoint, puisque les revenus du conjoint sont aussi pris en compte après un abattement de 20 %.

Pour autant, je suis effectivement favorable à une mesure de lissage, permettant d'éviter toute rupture de droits. Je m'engage donc à la mettre en place au niveau adapté, sous forme de mesures réglementaires dont je me propose de vous rendre compte par un rapport, dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

J'ajoute que cette progression permet également de mettre fin à des accommodements critiquable pointés par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution budgétaire 2016 – la sous-budgétisation régulière et récurrente de l'AAH rappelée par Mme Agnès Buzyn. Ce budget a été élaboré dans un esprit de responsabilité qui permet de renouer avec une obligation de sincérité budgétaire particulièrement indispensable s'agissant de la couverture d'un droit ouvert à des personnes vulnérables.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Madame Dupont, le budget alloué à la protection juridique des majeurs a augmenté extrêmement rapidement, en raison de l'accroissement de la population qui doit en bénéficier : de 520 millions d'euros en 2010, il est passé à 650 millions en 2017, soit une hausse supérieure à 25 %. Nous souhaitons stabiliser ces crédits en 2018 et pour cela nous proposons effectivement de réviser un barème par voie réglementaire. La proposition de révision majore la participation des bénéficiaires, mais dans une proportion très faible – de l'ordre de 1 % des ressources. Vous observez que le barème n'est peut-être pas suffisamment discriminant en fonction du niveau de revenu. Je rappelle que les personnes dont des ressources sont inférieures à l'allocation adulte handicapée sont exonérés et le seront toujours : l'augmentation de 1% de la contribution concerne les personnes qui reçoivent plus que l'AAH ou plus que le SMIC.

Dès la semaine prochaine, nous travaillerons à établir le barème le plus juste possible pour répartir la charge de façon équitable entre les personnes protégées en fonction de leur niveau de ressources. Nous avons pris note de votre préoccupation, que je partage en partie. Le dispositif définitif n'est pas formalisé et, en tout état de cause, le principe du maintien de l'exonération sera respecté pour les personnes dont les revenus sont inférieurs à l'AAH. Nous nous attacherons à modifier la répartition de la charge nouvelle entre les personnes dont le niveau de ressources est compris entre le niveau de l'AAH et celui du SMIC d'une part, celles et ceux dont les revenus sont supérieurs au SMIC d'autre part. Mais nous ne pouvons exonérer totalement les personnes qui perçoivent des revenus inférieurs au SMIC car nous ne parviendrions pas, en ce cas, à stabiliser le budget alloué à cette allocation. En tout état de cause, je le répète, l'augmentation de la contribution des bénéficiaires ne dépassera pas 1 %.

Il m'est difficile de vous répondre déjà, madame Bagarry, au sujet des mineurs non accompagnés puisque l'IGA, l'IGAS et l'Association des départements de France n'ont reçu que lundi la lettre de mission conjointe. Il est donc un peu tôt pour en connaître les conclusions. Il leur a été demandé de faire des propositions tendant à ce que l'État prenne toute sa part dans le dispositif d'évaluation et de mise à l'abri avant la reconnaissance de la minorité. La mission conjointe nous proposera différents scénarios ; nous attendons son rapport à la fin de l'année et l'évolution du dispositif sera présentée à la représentation nationale. Quel que soit le scénario retenu, il est prévu que l'État s'engagera davantage sur le plan financier auprès des départements pour assurer évaluation et mise à l'abri dans des conditions satisfaisantes. C'est pourquoi nous avons déjà prévu un budget de 132 millions d'euros à cette fin. Il nous paraît indispensable d'harmoniser les pratiques, actuellement si différentes selon les départements que cela en est choquant, qu'il s'agisse du temps consacré à l'évaluation ou du temps de mise à l'abri – ils oscillent entre 5 et plus de 40 jours.

Les budgets qui peuvent être mobilisés pour l'évaluation et la mise à l'abri, sont des budgets du programme 304 – le nôtre – pour la partie « évaluation de la minorité », des budgets du programme 177, qui dépendent du ministère de la cohésion sociale, pour la mise à l'abri et l'hébergement, et des budgets du ministère de la justice en complément. Je pense que nous aurons un scénario définitif fin 2017.

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La parole est maintenant aux commissaires et pour commencer aux porte-parole des groupes.

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Au nom du groupe La République en Marche, je remercie nos rapporteures pour leurs travaux précis.Ma première question concerne l'aide alimentaire. L'alimentation est l'un des marqueurs des inégalités sociales. Nous sommes conscients que la politique d'aide alimentaire intégrée au programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » favorisera, au long du quinquennat, la promotion d'une alimentation saine, durable et accessible à tous. J'appelle cependant votre attention sur les étudiants, dont la population devient de plus en plus précaire : 20 % d'entre eux vivent en-dessous du seuil de pauvreté et, avec le poste « santé », c'est le poste « alimentation » qui est touché en priorité. Or les associations étudiantes ont constaté la difficulté qu'ils ont à rejoindre les lieux de distribution classiques. Puisqu'il existe des étudiants pauvres, quelles mesures permettraient d'intégrer ces nouveaux demandeurs dans l'aide alimentaire ? Seriez-vous favorable au développement des épiceries sociales et solidaires au sein des universités ?

Ma seconde question porte sur les crédits alloués aux points d'accueil et d'écoute des jeunes (PAEJ). Ces structures, qui travaillent principalement sur le mal-être, le décrochage scolaire, les situations de crise, l'utilisation de substances psychoactives et les conduites violentes – sont plus que jamais nécessaires. Ce réseau de 491 points de contact, qui bénéficie à 245 000 personnes chaque année, est un outil essentiel de cohésion sociale car il permet de repérer et de prendre en charge des jeunes vulnérables. Pourtant, en 2018, le budget de l'action n° 17, alloué à la protection et à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles, diminuera de 400 000 euros, ce qui fragilise potentiellement cette politique. Comment se justifie cette décision ?

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Je m'exprime au nom du groupe Les Républicains. Il est difficile de traiter en deux minutes d'un budget aussi vaste et aussi proche des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens. Que les crédits de la mission soient en hausse en cette période de restriction budgétaire mérite d'être signalé. J'observe toutefois que la question du financement du RSA reste entière, que l'on s'achemine vers sa recentralisation ou vers l'amélioration de la compensation versée aux départements, qui est toujours loin de la dépense réelle. Où en sont, madame la ministre, vos réflexions à ce sujet ?

De même, les 132 millions d'euros destinés à l'accueil des mineurs non accompagnés sont bienvenus, mais ils sont loin de correspondre à la charge effective pour les départements, d'autant que le nombre de ces mineurs ne cesse de croître. Qu'en sera-t-il ?

Le projet de budget se caractérise principalement par la revalorisation de l'AAH, que vous porterez en deux ans à 900 euros mensuels. Vous confirmez ainsi les engagements pris, ce que nous approuvons, mais demeure la question du plafond de ressources pour les couples. Vous avez annoncé qu'un rapport définira les modalités d'un lissage pour éviter toute rupture de droits ; nous en prenons note, mais les associations de personnes handicapées, très inquiètes, veulent des éclaircissements. L'augmentation du taux de la CSG pénalisera les aidants familiaux ; le ministre du budget l'a reconnu lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et s'est engagé, sur la base de l'amendement que j'avais déposé, à réexaminer cette situation ; a-t-on progressé ? Enfin, j'ai pris acte de vos explications relatives à la prime d'activité mais je souhaite qu'une solution soit trouvée qui permettra d'allouer une compensation aux personnes que l'évolution prévue met en difficulté.

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Je rappelle, au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, que notre pays compte 8,8 millions de pauvres, soit 14,1 % de la population. Parmi eux, près de 20 % ont moins de 18 ans et près de 36 % sont des familles monoparentales. Les 19,2 milliards d'euros de crédits que nous examinons aujourd'hui les concernent et nous concernent au premier chef. En 2018, l'effort de solidarité se traduira par une hausse de 8,6 % des dépenses afin de répondre à quelques-uns des objectifs présidentiels que notre groupe défend : la revalorisation de l'AAH, l'augmentation de la prime d'activité, la lisibilité et l'équité des dépenses de solidarité, le soutien aux départements par l'aide aux mineurs isolés, enfin la sanctuarisation des crédits en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Notre groupe proposera par voie d'amendement le maintien de la prise en compte des rentes pour accident de travail et maladie professionnelle, et des pensions d'invalidité dans le calcul de la prime d'activité ainsi que la meilleure information des bénéficiaires potentiels pour limiter au mieux le « non-recours » évoqué par Bercy.

Quel sera, pour les 65 000 personnes les plus sévèrement handicapées qui perçoivent le complément de ressources de l'AAH, l'impact financier de la suppression, prévue en 2019, de cette allocation ? Le Gouvernement prévoit à titre exceptionnel un fonds de soutien de 50 millions d'euros destiné aux politiques d'insertion des départements, en prévision d'une réforme ; quels seront les axes de cette réforme ? Par ailleurs, les crédits alloués aux démarches d'adoption continuent à baisser, tout comme le nombre d'adoptions. Comment l'expliquez-vous ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour réduire les délais d'attente et aussi les coûts d'adoption, qui s'élevaient à près de 15 000 euros en 2015 ? Enfin, en dépit d'une hausse de 32,6 % en 2017, les fonds alloués à la prévention et à la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains baisseront de 26,5 % en 2018. Pourquoi ? Pouvez-vous faire un point d'étape sur l'effectivité du parcours de sortie de la prostitution instauré par la loi de 2016 ?

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Le groupe Les Constructifs note que l'enveloppe consacrée à l'AAH augmentera de 7,5 % en 2018 pour financer la revalorisation de cette prestation dont le montant sera porté à 860 euros fin 2018 et à 900 euros en 2019. Nous saluons cette mesure de justice à l'égard des titulaires de l'AAH, soit plus d'un million de personnes, dont 20 % vivent sous le seuil de pauvreté. Elle traduit la solidarité particulière que notre société doit porter aux plus faibles.

Mais si l'on considère l'ensemble des mesures relatives aux personnes handicapées dans le projet de loi de finances pour 2018, on peut s'inquiéter du sort qui attend près d'un tiers des bénéficiaires de l'AAH. En effet, l'alignement des règles de prise en compte des revenus d'un couple bénéficiant de l'AAH sur celles d'un couple bénéficiant du RSA risque de pénaliser plus de 230 000 personnes, supprimant ou limitant fortement l'effet de la revalorisation consentie par ailleurs. Cette mesure contredit de manière flagrante l'esprit du rapport Sirugue, qui démontre que l'AAH est un minimum social particulier et qui légitime la différence de règles entre l'AAH et les autres minima sociaux par la difficulté de la situation à laquelle font face les bénéficiaires de l'AAH.

D'autre part, le projet de loi de finances prévoit la suppression de la garantie de ressources des personnes handicapées, composée de l'AAH et du complément de ressources alloué aux personnes sévèrement handicapées. Ce complément de ressources, conçu comme un soutien à l'autonomie, permet à 65 000 personnes handicapées de vivre un peu mieux dans un cadre indépendant, même si leurs ressources restent inférieures au seuil de pauvreté. À l'horizon 2019, le Gouvernement annonce un nivellement par le bas avec la fusion des compléments à l'AAH qui retient le montant le plus faible, celui de la majoration pour la vie autonome (MVA). Nous sommes opposés à cette fusion qui pourrait priver les bénéficiaires actuels ou futurs de 75 euros par mois au minimum, alors même que les allocataires considérés vivent sous le seuil de pauvreté. De plus, cette fusion pénalisera également certaines personnes sévèrement handicapées et vivant sous le seuil de pauvreté en les privant, compte tenu des règles partiellement différentes qui s'appliquent à la MVA, de près de 179 euros par mois.

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Le groupe Nouvelle Gauche constate que si la mission connaît une hausse de 1,5 milliard d'euros, les revalorisations ou augmentations de budget s'accompagnent de nombreux et discrets coups de rabot qu'il convient de souligner.

Tout d'abord, si l'AAH est effectivement augmentée – mais n'elle atteindra que dans deux ans le niveau promis –, la réforme sera en trompe l'oeil pour les personnes en situation de handicap. En effet, le Gouvernement affirme que « dans une logique d'équité, les règles de prise en compte des revenus d'un couple à l'AAH seront progressivement rapprochées de celles d'un couple au RSA ». En l'espèce, « la logique d'équité » s'entend difficilement. L'égalité réelle voudrait au contraire que les personnes en situation de handicap physique ou mental soient davantage soutenues financièrement par les pouvoirs publics. Surtout, cette mesure atténue fortement, voire annule l'effet de la revalorisation pour près de 300 000 personnes, soit un tiers des bénéficiaires de l'AAH.

De plus, le complément de ressource et la MVA sont fusionnés et vous ne retenez des deux que le montant le plus bas. Ce coup de rabot fera de nombreux perdants parmi les personnes en situation de handicap. Ce faisant, le Gouvernement revient par ailleurs sur la garantie de ressources, acquis de haute lutte du mouvement associatif datant de la grande loi de 2005.

Autre réforme en trompe l'oeil, la revalorisation de la prime d'activité – qui n'interviendra que dans un an – puisqu'elle s'accompagne d'une réforme du barème excluant les revenus inférieurs à 0,5 SMIC. Les travailleurs modestes employés en quart temps ou à mi-temps, que ces horaires soient volontaires ou subis, pâtiront de cette restriction des critères.

Enfin, ultime trompe l'oeil, l'augmentation du budget consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes n'est malheureusement qu'apparente. Elle ne tient qu'à une manoeuvre comptable puisque si l'enveloppe prévue pour le programme 137 passe de 29,7 à 29,8 millions d'euros, cette hausse n'est due qu'à l'abondement de l'action n° 12 par des crédits de 2,8 millions d'euros auparavant inscrits ailleurs. En réalité, le programme 137 connaît donc une baisse importante, qui sera lourde de conséquences. Il est regrettable que la politique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat, soit l'objet de ce tour de passe-passe qui tend à masquer une nette baisse des crédits.

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Je prends la parole au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est en apparence la grande gagnante du projet de loi de finances pour 2018, avec une hausse de 1,5 milliard d'euros des crédits, principalement due à la réforme de l'AAH. C'est la « caution de gauche » de ce budget, selon certains de nos collègues, faisant fi des très nombreuses critiques du monde associatif. Celui-ci vous reproche de fragiliser davantage encore des dizaines de milliers de foyers qui ont pourtant le plus grand mal à vivre dignement au sein d'une société qui trop souvent, hélas, les marginalise tout en leur donnant à croire qu'ils seraient un fardeau pour le contribuable.

Avec une cruelle évidence, la lecture du document de politique transversale de l'Outre-mer montre qu'aucune des orientations retenues au niveau national ne trouve de traduction budgétaire pour le territoire de la Guyane. Ainsi, alors que crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » augmentent de 819 millions d'euros au plan national, la « hausse » observée en Guyane se résume à zéro. Il en va de même pour les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance », abondés à hauteur de 735 millions d'euros au niveau national mais stagnant désespérément en Guyane. Ces constats sont étonnants au regard de la sociologie guyanaise, et plus étonnants encore quand on a à l'oreille les engagements forts, attendus par la population, déclinés par le Président de la République il y a quelques jours. Je vous saurais gré, madame la ministre, de nous fournir quelques explications susceptibles d'atténuer notre inquiétude.

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Marlène Schiappa, secrétaire d'état chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes

L'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) n'a pas encore trouvé son public. Il y a plusieurs raisons à cela, monsieur Hammouche. La mise en oeuvre tardive du volet social de la loi du 13 avril 2016 qui instaure des parcours de sortie de la prostitution s'explique par les délais d'élaboration des textes réglementaires encadrant le dispositif – j'ai signé le dernier après ma prise de fonction. Ensuite, l'objectivation du phénomène au niveau local, nécessaire pour déterminer les acteurs associatifs et institutionnels pertinents, a demandé un certain temps. La procédure d'agrément des associations supposait également un délai d'instruction, et la constitution des commissions départementales d'examen des demandes a été assez longue. Onze commissions départementales sont désormais installées et nous avons la volonté politique réelle d'aller de l'avant, comme le montrent les 2,4 millions d'euros de crédits alloués à l'AFIS, une aide qui n'avait pas réellement été lancée précédemment. Au 1er novembre 2017, cinq parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle étaient engagés. Nous espérons, par l'accompagnement renforcé que nous permettons, identifier plus facilement les personnes intéressées et voir croître le nombre de prises en charge. Nous avons demandé aux préfets et aux délégations départementales aux droits des femmes et à l'égalité d'agir en ce sens.

Plus généralement, l'égalité entre les femmes et les hommes est effectivement la grande cause nationale du quinquennat, comme l'a voulu le Président de la République, et les commentaires faits ici ou là me surprennent quelque peu car jamais entre 2012 et 2017 le programme 137 n'a été exécuté à plus de 23 millions d'euros. Le projet de budget que nous vous proposons s'établit à près de 30 millions d'euros. Non seulement il est en hausse comme jamais auparavant mais il est sincère, il sera sanctuarisé pendant tout le quinquennat et, pour la première fois, il sera intégralement exécuté car, en rupture avec les pratiques anciennes, nous proposons au vote ce que nous savons pouvoir dépenser.

J'ajoute que 61 % de ce budget sont consacrés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, conformément à nos priorités. Toutes les subventions nationales attribuées aux associations étaient maintenues en 2017 et sont susceptibles d'évoluer en 2018. Enfin, le programme 137 n'épuise pas la question à lui seul : le document de politique transversale évalue à 425 millions d'euros le budget global alloué à la politique d'égalité entre les femmes et les hommes, ce qui correspond à une augmentation de 115 millions d'euros.

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Sophie Cluzel, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées

Pour ce qui concerne les allocataires à l'AAH en couple, je tiens à vous rassurer, monsieur Lurton. Le Premier ministre a répondu personnellement aux associations qui lui avaient fait part de leur inquiétude par un courrier dans lequel il explicite les calculs que je vous ai communiqués, selon lesquels seuls 19 000 bénéficiaires de l'AAH en couple ne verraient pas leur allocation revalorisée ; 85 000 bénéficieraient d'une revalorisation partielle et plus de 155 000 allocataires en couple bénéficieraient intégralement de la revalorisation prévue.

La revalorisation de l'AAH à laquelle nous procédons est exceptionnelle, fortement attendue, et plus de 900 000 allocataires en bénéficieront à plein, à raison de 90 euros mensuels en 2019. Les associations savent l'engagement tenu et l'effort important consenti par le Gouvernement, mais elles s'inquiètent du retentissement de la révision du mode de calcul sur les bénéficiaires de l'AAH en couple. Nous en traiterons avec le CNCPH, et donc les associations, les syndicats, les personnalités qualifiées et les représentants de la société civile qui accompagnent la politique du handicap.

Contrairement à l'objectif de la loi de 2005, qui visait à ne maintenir qu'un seul complément de l'AAH, cette allocation peut actuellement être complétée soit par le complément de ressources de 179 euros, soit par la majoration pour la vie autonome, de 105 euros. Cette dernière rehausse les allocations logement de droit commun ; 14 % des allocataires en bénéficient. La coexistence de ces deux compléments – dont le bénéfice est soumis à des conditions partiellement communes et qui peuvent ou non s'articuler avec les prestations logement de droit commun – nuit à la lisibilité générale des dispositifs et concourt à l'engorgement des maisons départementales des personnes handicapées, en raison des demandes d'évaluation spécifiques.

Dans une perspective de simplification et de rationalisation, nous avons donc décidé d'engager la fusion de ces deux compléments. Elle ne prendra effet qu'au début de l'année 2019. Le complément de ressources, qui implique une évaluation particulière de la capacité au travail des bénéficiaires en sus de l'évaluation de son incapacité, disparaîtra ; la majoration pour la vie autonome subsistera. Les droits des bénéficiaires actuels seront maintenus. La fusion des compléments interviendra au fil des nouvelles demandes et l'essentiel des nouveaux demandeurs pourront bénéficier de cette majoration dont le niveau, cumulé avec les allocations logement, peut être supérieur à celui du complément. Seuls en seraient exclus les nouveaux bénéficiaires de l'AAH par ailleurs propriétaires de leur logement ou logés à titre gratuit mais dont les charges de logement sont moindres. C'est bien dans l'optique d'une aide à la complémentarité d'un logement à la vie autonome que cette fusion peut être faite.

Enfin, monsieur Serville, toutes les mesures prises s'appliquent à l'identique en Guyane. Vous l'avez souligné, le Président de la République est très sensible au sort de ce département et nous serons très attentifs à ce qu'il n'y ait aucune rupture de droits en Guyane.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Madame Vidal, vous m'avez interrogée sur l'aide alimentaire en faveur des étudiants pauvres. Actuellement, les associations peuvent accueillir les étudiants. On constate, du reste, un rajeunissement progressif des publics qui bénéficient de l'aide alimentaire. Toutefois, le plan « Universités » devra comporter des mesures visant à développer l'accès des étudiants à des lieux de restauration très peu chers ; nous y travaillerons. Les épiceries sociales sont un bon outil, mais elles ne concernent pas spécialement les étudiants.

Par ailleurs, nous n'avons pas réduit les crédits alloués aux Points d'accueil et d'écoute des jeunes : nous les avons maintenus au niveau des crédits exécutés en 2017. Cependant, une réflexion est en cours, en partenariat avec l'éducation nationale, afin de mieux articuler ces points d'accueil avec les maisons des adolescents. Mais, encore une fois, les financements attendus pour 2018 ne sont pas modifiés.

Monsieur Hammouche, les délais d'attente en matière d'adoption sont aujourd'hui très longs à cause des changements de réglementation intervenus au plan international, qui entraînent une diminution du nombre d'enfants proposés à l'adoption dans le monde. En effet, de plus en plus de pays adhèrent à la convention de La Haye et, conformément à cette convention, développent des politiques de soutien et d'aide aux familles locales, de sorte que nous observons une réduction considérable du nombre d'enfants à adopter par rapport aux agréments que nous délivrons dans notre pays, agréments qui, au demeurant, sont également en baisse. Ainsi, alors que 3 300 nouveaux agréments ont été délivrés en 2015, le nombre d'enfants à adopter à l'étranger était de 956 en 2016. Les délais d'attente sont donc liés à la réduction du nombre d'enfants adoptables dans le monde.

En ce qui concerne le coût de ces adoptions, la réglementation est extrêmement variable d'un pays à l'autre. Certains d'entre eux exigent, par exemple, que la famille reste trois mois dans le pays d'accueil, si bien que le coût de l'adoption peut être extrêmement important. Dans le cadre de sa mission d'appui aux familles, l'Agence française de l'adoption (AFA), financée par l'État, alloue aux familles françaises un budget évalué, en moyenne, à environ 15 000 euros par adoption. Les familles peuvent néanmoins avoir à supporter un reste à charge qui correspond aux frais de procédure et de constitution de dossier, aux frais liés à la procédure locale et aux frais de transport et de séjour, qui dépendent de la réglementation de chaque pays. Le budget alloué à l'AFA, qui est de 2,4 millions d'euros, reste stable car, comme je l'ai indiqué, le nombre d'agréments est en baisse et le nombre d'enfants adoptables est plutôt en diminution.

Monsieur Lurton, vous m'avez interrogée sur la recentralisation du RSA, qui avait été souhaitée, à un moment, par les départements. Pour discuter avec ces derniers depuis quelques semaines dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, je crois pouvoir dire que cette idée n'est plus à l'ordre du jour. En tout cas, elle ne fait pas l'objet d'un consensus et semble même faire faire l'unanimité contre elle. Désormais, en effet, les départements souhaitent plutôt, face aux difficultés de financement que certains d'entre eux rencontrent, une amélioration de la compensation et une augmentation des dépenses. Toutefois, il est à noter que les dépenses de RSA ont diminué en 2017, car la reprise de l'activité a fait baisser le nombre de ses bénéficiaires. En tout état de cause, je crois que nous allons progresser sur ce point dans le cadre de la Conférence nationale des territoires. Une mission d'expertise a été confiée à Jean Arthuis, qui doit rendre ses conclusions fin 2017 en vue d'une réforme globale du dispositif dans le cadre du PLF pour 2019. Nous allons y travailler avec les départements.

Madame Bareigts, vous m'avez interpellée sur le fait que la revalorisation de la prime d'activité ne concernerait pas les personnes percevant jusqu'à 0,5 SMIC. En fait, la revalorisation de 20 euros concerne tous les revenus, à partir du premier euro gagné ; elle ne porte pas sur le bonus qui, lui, n'est déclenché qu'à partir de 0,5 SMIC. Les crédits alloués à cette mesure – 240 millions d'euros – peuvent paraître faibles pour 2018, mais cela s'explique par le fait que la revalorisation débutera au 1er octobre. En 2019, c'est-à-dire en année pleine, le budget qui lui sera alloué s'élèvera à 960 millions d'euros. Il s'agit donc d'un effort considérable.

Monsieur Serville, le PLF ne comporte pas de plan spécifique pour la Guyane, mais nombre de ses mesures concernent ce territoire, au même titre que les territoires métropolitains. Tel est le cas de la prime d'activité, dont les bénéficiaires, en Guyane, étaient au nombre de 16 000, en 2017. En outre, le Premier ministre en a pris l'engagement aujourd'hui, l'État va reprendre la gestion du RSA en Guyane de façon à aider ce territoire. Des adaptations locales – paiement en nature et non en espèces – feront sans doute l'objet de discussions, mais l'État jouera pleinement son rôle dans le territoire guyanais pour être au rendez-vous des difficultés que l'on connaît.

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Sophie Cluzel, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées

Je souhaite compléter la réponse à la question qui portait sur l'application de l'augmentation de la CSG aux aidants familiaux. Ceux-ci sont redevables, au titre de la Prestation de compensation du handicap (PCH) qu'ils perçoivent en compensation de leur aide ou en contrepartie de leur interruption de travail pour aider un proche, de prélèvements sociaux au titre du capital au taux global de 15,5 %, parmi lesquels la CSG, la CRDS, la CSA. Il n'est pas possible d'exclure ces revenus de la hausse de CSG sans créer une situation d'inégalité. Toutefois, cette hausse ayant un impact global limité, de l'ordre de 5 millions d'euros environ – puisque nous parlons bien de près de 3,9 millions d'heures rémunérées par mois, pour l'ensemble de l'activité de ces aidants familiaux, qui sont un pilier de la société –, une solution plus globale est sans doute possible, éventuellement en tenant compte de cette situation dans les aides versées. Je sais que cette question a fait l'objet de nombreux débats à l'Assemblée nationale. Le ministre de l'action et des comptes publics s'est engagé à présenter une solution lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi. Deux pistes ont été évoquées : la revalorisation du dédommagement ou un changement de la nature fiscale de la prestation.

C'est un sujet crucial, et il est absolument capital que nous accompagnions les aidants familiaux, qui sont souvent obligés d'interrompre leur activité – dans ce cas, du reste, un barème légèrement supérieur s'applique. D'autres mesures font l'objet d'une réflexion. On pourrait ainsi leur permettre de se former tout au long de leur interruption, de façon qu'ils puissent reprendre une activité plus facilement. En tout état de cause, c'est une question qui nous préoccupe beaucoup.

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Madame la ministre des solidarités et de la santé, le budget que vous nous proposez pour l'année prochaine comporte des mesures fortes pour lutter contre la pauvreté, en particulier l'augmentation de l'allocation pour adulte handicapé et de la prime d'activité. Mais, au-delà de cet effort financier très important, nous devons continuer à lutter contre le phénomène du non-recours et poursuivre notre réflexion sur la création d'un versement social unique et automatique. Cette aide unique, qui devrait être conçue comme un socle de protection adaptable, du sur-mesure pour chacun des allocataires, serait également une vraie révolution simplificatrice pour tous ceux qui perçoivent plusieurs aides.

La constellation des aides existantes est en effet si complexe, tout comme les démarches pour accéder à ses droits, qu'elle conduit, hélas ! de nombreuses personnes à y renoncer. C'est ce que l'on appelle le non-recours, qui peut également s'expliquer par l'ignorance de l'existence des aides ou par le choix de ne pas en demander, par peur ou fierté. Toujours est-il qu'en 2013, 50 % des personnes susceptibles de bénéficier du RSA ne le touchaient pas.

Si une seule de nos exigences devait être retenue, ce serait bien celle d'une société dans laquelle chacun accède à ses droits et conserve sa dignité. Le projet de société que nous proposons aujourd'hui aux Français récompense le travail, comme en témoigne la hausse de la prime d'activité, que je salue. C'est un vrai projet de justice sociale, mais la justice commande aussi d'accompagner sans faillir les plus fragiles d'entre nous.

Madame la ministre, je connais votre attachement à une société où chacun accède à ses droits. Aussi souhaiterais-je que vous nous détailliez les intentions du Gouvernement pour limiter le taux de non recours et que vous nous indiquiez où en sont les réflexions sur la création d'un versement social unique.

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En réponse à la question que vous a posée M. Lurton, vous avez indiqué, madame Cluzel, que vous-même et le Premier ministre alliez apporter des informations aux acteurs du handicap. Pourriez-vous communiquer également ces informations aux parlementaires, qui sont eux aussi à l'écoute et tout à fait disposés à vous accompagner sur la thématique du handicap ?

Par ailleurs,Madame la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, si votre budget traduit une ambition forte du Gouvernement sur cette cause sociétale, il me laisse un peu sur ma faim, notamment en termes d'évolution des crédits. Soulignant que le maître mot de ce PLF était la sincérité, vous nous demandez de vous faire confiance, en insistant sur le fait que, cette année, les crédits seront consommés en totalité. Pouvez-vous nous dire ce qui vous permet de penser que vous n'aurez pas la mauvaise surprise que certains ont eue en juillet dernier, quand la réserve de précaution est venue amputer un certain nombre de crédits ?

Pour ce qui est de la protection des enfants et des jeunes vulnérables, j'ai noté que le Conseil d'État avait sommé l'État de réagir. Au-delà des missions dont vous attendez les conclusions pour le mois de décembre, disposez-vous d'ores et déjà d'éléments susceptibles de nous fournir la garantie d'une évolution positive dans ce domaine ?

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Je veux tout d'abord saluer la qualité du travail qui a été réalisé par nos collègues Delphine Bagarry et Stella Dupont. Pour ma part, j'ai détaillé mardi dernier un ensemble de propositions au titre du rapport que j'ai préparé pour la délégation aux droits des femmes sur le budget 2018, qui couvre notamment le programme 137 de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances » et nous permet de dessiner dix-neuf pistes d'action concrètes pour mieux prendre en compte l'égalité entre les femmes et les hommes dans les textes budgétaires.

Dans ce projet de loi de finances, je salue à nouveau le signal fort que constitue ce budget de 29,8 millions d'euros pour 2018 – un niveau historique. Le Gouvernement s'est engagé à sanctuariser ce budget sur le quinquennat, ce qui constitue un message important adressé aux Françaises et aux Français, alors que l'égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause du quinquennat.

Les exercices budgétaires précédents sont riches d'enseignements et pointent un enjeu majeur, celui de la bonne exécution des crédits votés. Entre 2012 et 2016, on note ainsi un écart important entre les crédits votés et les crédits concrètement dépensés : c'est particulièrement frappant sur l'exercice 2016, avec 27,6 millions d'euros votés contre 22,7 millions exécutés.

De nature transversale, la politique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ne se limite évidemment pas aux bornes du programme 137, comme je me suis attachée à le montrer dans mon rapport. J'ai d'ailleurs évoqué le montant de 310 millions d'euros qui a été consacré en 2017, de manière transversale, à la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, au travers de plus de trente programmes budgétaires répartis au sein de plusieurs ministères. Je suis ravie d'entendre parler aujourd'hui d'un budget de 425 millions d'euros pour 2018 et j'aimerais savoir si vous pouvez nous en dire un peu plus à ce sujet.

Par ailleurs, j'estime que l'aspect interministériel est fondamental et nécessite un pilotage global. Prévoyez-vous de réunir plus régulièrement en 2018 le comité interministériel à l'égalité entre les femmes et les hommes, afin d'accompagner la feuille de route ambitieuse du Gouvernement ?

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Je veux tout d'abord faire une remarque : mesdames les ministres, je trouve insupportable d'entendre dire, lors de chaque présentation de vos budgets, que le budget du gouvernement précédent était insincère, et je vous donne rendez-vous dans un an, afin que nous parlions un peu de la véracité et la sincérité des vôtres.

J'en viens à ma question, qui porte sur les mineurs non accompagnés. En tant que présidente de la commission Solidarité au sein du conseil départemental du Gers, je peux vous dire que l'afflux de mineurs non accompagnés a considérablement augmenté au cours des derniers mois, même dans un département rural comme le nôtre : nous sommes passés de 48 personnes en 2016 à 103 en octobre 2017, ce qui représente un surcoût de l'ordre d'un million d'euros pour le département. Je tiens à remercier les travailleurs sociaux, qui accomplissent leur mission dans des conditions extrêmement difficiles : ils doivent en effet trouver des hébergements dans l'urgence, car les centres d'accueil sont saturés et qu'il n'est pas question, dans le Gers, de laisser des enfants à la rue.

Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est de l'amélioration de la participation de l'État au coût de la mise à l'abri des mineurs étrangers, qui constitue un problème crucial, de la prise en charge de l'hébergement d'urgence par l'État, et de la création de plateformes d'évaluation associant l'ensemble des acteurs ?

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Ma question porte sur le programme 137 et s'adresse donc plus spécifiquement à Mme la secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes. Je voulais d'abord saluer l'engagement pris par le Gouvernement de sanctuariser les crédits de ce programme sur toute la législature et d'en assurer la pleine consommation, ce qui a trop fait défaut par le passé.

L'égalité entre les femmes et les hommes, grande cause nationale de ce quinquennat, nécessite une volonté politique forte, que le Gouvernement et les députés de la majorité expriment avec fierté. Madame la secrétaire d'État, je voudrais vous interroger sur les moyens mobilisés pour la lutte contre les violences physiques et sexuelles, et plus particulièrement les violences conjugales. Les derniers chiffres publiés en septembre par le ministère de l'intérieur sont édifiants : en 2016, une femme est morte tous les trois jours sous les coups de son partenaire. Les moyens attribués aux actions de lutte contre ces violences – près des deux tiers des crédits du programme 137 – permettent notamment la mise en oeuvre du cinquième plan interministériel contre les violences sexistes et sexuelles, que vous pilotez.

Dans ce contexte, j'aurais souhaité en savoir davantage sur le développement des référents départementaux pour les femmes victimes de violences au sein du couple. Comment sont-ils déployés sur le territoire national ? Leur présence est-elle assurée dans tous les départements ? Comment leur action s'articule-t-elle avec celle des autres acteurs ? Je m'interroge notamment sur leur rôle en milieu rural, car il est nécessaire d'assurer partout, y compris dans les territoires plus isolés, l'accompagnement et l'accueil des victimes de violences, même lorsqu'elles n'ont pas la possibilité d'accéder facilement à l'information et à la mobilité.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Je vais commencer par répondre à la question d'Aurélien Taché sur le non-recours aux droits. C'est un point majeur de ma feuille de route que de favoriser le recours aux droits et, sur ce point, vous savez qu'une mission chargée de réfléchir au versement social unique doit rendre ses conclusions prochainement.

Au-delà, nous disposons de différentes pistes. Ainsi, une convention va être signée avec la branche famille de la sécurité sociale au premier trimestre 2018, afin d'acter des procédures de dématérialisation pour l'accès aux droits, prévoyant des échanges automatiques de données entre les caisses – entre Pôle emploi et la CAF, par exemple. Nous allons également réfléchir à une architecture globale des prestations comprenant une harmonisation des bases ressources, de façon à simplifier, pour les bénéficiaires, la façon de communiquer leurs données. Nous allons favoriser un accompagnement humain des publics les plus précaires et, sur ce point, la dématérialisation qui va s'opérer pour la majorité des bénéficiaires dans les CAF va permettre de dégager du temps de présence humaine au guichet, à destination des personnes les plus vulnérables. C'est donc à une réorganisation géographique au sein des caisses qu'il va être procédé afin de favoriser l'accès à l'accompagnement humain. Enfin, nous allons utiliser la déclaration sociale nominative (DSN) pour les salariés.

Comme vous le voyez, beaucoup de chantiers ont déjà démarré, et devraient produire leurs effets dans le courant de l'année 2018. Par ailleurs, nous ne travaillons pas seulement à améliorer l'accès aux droits dans le domaine des minima sociaux, mais voulons également améliorer les choses dans le champ de la santé. En effet, nous savons que le taux de non recours à l'aide à la complémentaire santé (ACS) se situe aux environs de 40 %, et souhaitons donc faciliter et augmenter les sollicitations des publics les plus précaires par la CNAM, de façon à ce qu'ils accèdent plus facilement à leurs droits. Afin d'augmenter le recours à la CMU-C, nous avons l'intention de diminuer le nombre de pièces justificatives demandées et de simplifier les procédures. Cela fait partie du travail que nous accomplissons actuellement en liaison avec la CNAMTS, et je souhaite pouvoir rendre compte régulièrement, durant le quinquennat, de l'amélioration des taux de recours.

Quant aux mineurs non accompagnés, l'État s'engage aujourd'hui pour cinq jours de mise à l'abri, à 250 euros par jour. Le budget alloué à cette mise à l'abri était de 15 millions d'euros en 2017 ; nous faisons plus que le quadrupler, en le portant à 64 millions d'euros en 2018.

Nous allons examiner le budget de l'hébergement d'urgence avec le ministère de la cohésion des territoires. Un travail est en cours, une mission est lancée ; il s'agit de déterminer comment améliorer l'accueil de ces mineurs non accompagnés – qui, en fait, nous le savons, ne sont pas tous majeurs. Mon souci est vraiment d'améliorer et d'harmoniser l'évaluation de leur âge. Hier, lors d'une visite de terrain, j'ai constaté que les médecins ne sont pas sollicités ! C'est une procédure très administrative, que nous pouvons vraiment améliorer. Notre devoir collectif est de nous assurer qu'elle soit la même sur tout le territoire national. Ce travail considérable devrait normalement se traduire par des mesures au début de l'année 2018. Tel est l'engagement que nous avons pris avec Mme la garde des sceaux Nicole Belloubet.

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Sophie Cluzel, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées

Monsieur le député Taché, l'allocation adulte handicapé, en général, est bien identifiée par les personnes éligibles. En revanche, dans le souci d'offrir un meilleur accompagnement, nous allons travailler à une simplification des évaluations nécessaires, revoir les délais, envisager des évaluations hors des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Toujours pour offrir une réponse de proximité, nous travaillons également, avec le ministre de la cohésion des territoires, à un maillage qui s'appuie sur les maisons de service public.

Monsieur le député Viry, j'accorderai une attention particulière à la vingtaine de questions écrites qui m'ont été envoyées. Vous pouvez bien sûr compter sur nous : nous vous informerons des réponses faites aux associations.

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Marlène Schiappa, secrétaire d'état chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes

J'ai été interrogée sur l'exécution sincère du budget. Cette année, la réserve n'est que de 3 %, alors qu'elle était auparavant de 8 %. Quant à la confiance qu'il est possible de m'accorder, j'ai, pour ma part, confiance dans le contrôle exercé par les députés sur cette exécution ; je suis tout à fait disposée, mesdames et messieurs les députés, à vous rendre des comptes, dès lors que vous me solliciterez.

Quant à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle, avec 2,4 millions d'euros, ce sont 600 personnes qui pourront en bénéficier à partir de cette année.

Madame la députée Fiona Lazaar, je félicite tout d'abord la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, qui a beaucoup travaillé sur ce budget. Qu'en est-il de son caractère interministériel ? Je puis déjà vous dire que le ministère de la justice prendra à sa charge le financement des téléphones d'alerte TGD (téléphones grave danger), ce qui libère 900 000 euros du budget du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Voilà un exemple très concret d'interministérialité qui libère de l'argent pour des dépenses supplémentaires dans le cadre du programme 137. Par ailleurs, je partage pleinement la volonté de donner une nouvelle impulsion aux comités interministériels. Il s'en tient très régulièrement dans le cadre du suivi de la grande cause nationale de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le prochain se tiendra à la fin du Tour de France de l'égalité entre les femmes et les hommes que nous avons lancé, à l'issue duquel des cahiers de doléances seront remis au Premier ministre, pour qu'il puisse coordonner les politiques publiques en la matière, de manière totalement interministérielle – c'est d'ailleurs lui-même qui a lancé ce tour de France.

Et, pardonnez-moi d'y revenir, mais si nous disons que le budget était insincère nous n'émettons pas une opinion personnelle : nous reprenons le qualificatif choisi par la Cour des comptes. L'expression appartient à celle-ci.

Monsieur le député Thomas Mesnier, 2,1 millions d'euros du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », au titre des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR), ont été transférés ; il s'agit de les sanctuariser afin de permettre la pleine application de toutes les orientations du cinquième plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux femmes ou sexistes et sexuelles. Cela permettra des actions locales en faveur de la prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes via ces référents territoriaux. Je partage votre souci de l'adaptation à la réalité de chaque département, de chaque secteur, puisqu'il suffit de consulter la carte de France des appels au 39 19 pour vérifier que la situation n'est pas la même sur tout le territoire. Un certain nombre de projets, comme l'amélioration du TGD, que permettra notamment sa prise en charge financière par le ministère de la justice. Nous pourrons expérimenter de nouveaux programmes avec ce budget, y compris dans les zones où l'on ne capte tout simplement pas de réseau téléphonique.

Les crédits de l'action n° 12 seront mobilisés en 2018 pour financer les mesures de lutte contre les violences faites aux femmes ou sexistes et sexuelles inscrites dans le cinquième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, à hauteur de 8,8 millions d'euros. Plusieurs dispositifs de prise en charge des femmes victimes de violences sont financés dans ce cadre notamment l'accueil de jour, primo-accueil inconditionnel, individuel ou collectif, qui permettra de préparer, d'éviter ou d'anticiper le départ des femmes victimes de violence du domicile – le cas échéant, également le départ de leurs enfants. En 2016, ce sont 99 départements qui ont été dotés de 121 sites. Nous poursuivons donc cet effort. Évoquons également les 206 lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation des femmes victimes de violence, le dispositif du 39 19 « Violences femmes info », numéro national de référence d'accueil téléphonique et d'orientation, géré par la Fédération nationale Solidarité Femmes, renforcé depuis 2014 afin d'assurer un premier accueil et d'organiser des relais au niveau national et au niveau local. En 2016, le 39 19 a reçu 67 728 appels traitables, et 53 252 traités, mais vous savez que le nombre d'appels a augmenté avec les événements de ces dernières semaines.

Des crédits spécifiques nous permettront en outre de soutenir des expérimentations locales, qui correspondront à des bonnes pratiques, visant à apporter des réponses, en particulier, aux victimes les plus vulnérables ou qui sont victimes de plusieurs discriminations ; je pense notamment aux femmes en situation de handicap. Elles feront l'objet d'une évaluation et, selon les résultats, d'une modélisation ou d'une généralisation sur l'ensemble du territoire. C'est pour préparer ces orientations budgétaires fines, au plus près des réalités locales, que nous avons lancé ce Tour de France de l'égalité entre les femmes et les hommes.

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Je tiens à saluer l'effort consenti en faveur des crédits de cette mission, en augmentation de 8,7 %. L'effort a aussi porté sur la sincérité d'un projet de loi de finances qui prend par exemple en compte le recours effectif à la prime d'activité à hauteur de 71 %, plus élevé que pour le RSA activité et la prime pour l'emploi.

Je salue également l'augmentation de 348 % des moyens consacrés à l'accueil des mineurs isolés dont le nombre est en forte croissance. Ces moyens permettront aux départements d'apporter des réponses réelles en termes de protection alors que dans les périodes tendues, ils calibrent le plus souvent la prise en charge en fonction de leurs capacités d'hébergement et laissent à la rue les mineurs de plus de 16 ans.

Je me félicite également de l'augmentation significative de l'aide alimentaire, portée de 44 à 52 millions d'euros : il me semble qu'elle constitue le fondement de toute politique de solidarité. J'ai noté dans le rapport de Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales que le budget de cette mission, dans sa programmation provisoire, prévoit une augmentation des crédits de solidarité supplémentaires jusqu'en 2020, en les gageant sur une baisse des crédits alloués à la mission « Travail et emploi », à hauteur de 4 milliards d'euros. J'ai bien à l'esprit que la lutte contre l'exclusion est à envisager en corrélation avec la capacité des personnes à accéder à un emploi, toutefois, pourriez-vous nous indiquer sur quel programme de la mission « Travail et emploi » vous envisagez de faire des économies afin d'alimenter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ? Quelle place pourrait prendre les réformes de l'indemnisation des demandeurs d'emploi, envisagées en 2018, dans la réforme de la politique de lutte contre l'exclusion, prévue en 2019 ?

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En tant que rapporteure spéciale de la mission « Travail et emploi » pour le financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage, je constate que les sujets sur lesquels nous travaillons sont indissociables.

Je tiens à saluer la décision d'augmenter la prime d'activité. Il s'agit d'une belle nouvelle pour les Françaises et les Français. J'ai la conviction que ce choix nous permettra de remplir notre objectif de réduire le chômage de façon significative d'ici à 2022. En la matière, les Françaises et les Français attendent beaucoup de nous. Je ne parle pas d'inverser une courbe, mais bien de changer la donne. Au-delà de la remise à niveau par la formation et la qualification nécessaires, l'augmentation de la prime d'activité permet une incitation financière qui valorise le travail. Il a besoin d'être valorisé et encouragé : avec cette mesure efficace, nous nous donnons les moyens de réussir et de faire réussir beaucoup de nos concitoyens.

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La mission « Solidarité, insertion, égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2018 illustre bien notre ambition et l'équilibre des politiques que nous souhaitons mettre en oeuvre. Non seulement nous agissons pour rectifier de trop vieilles habitudes de budgets insincères avec des programmes constamment sous-estimés, mais nous augmentons également d'1,5 milliard d'euros le budget de la mission. La sous-budgétisation est un fait : qu'on le veuille ou non, les chiffres sont têtus.

Ce budget appelle toutefois deux questions de ma part. La première porte sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Le rapport indique, pages 39, la prise en charge, par l'État, de 400 places des centres de mise à l'abri des migrants, ainsi que de 10 000 places d'hébergement d'urgence en Île-de-France, dans le cadre des conventions passées avec les associations, financées de manière croisée au titre des programmes 177 et 303. La dotation pour 2018 au titre du programme 177 est en augmentation de 225 millions d'euros sans qu'il soit possible d'isoler, selon Mme la rapporteure, le financement de nouveaux centres permanents d'accueil et de mise à l'abri des mineurs étrangers. S'agissant de la ventilation de cette ligne complémentaire, notamment en faveur de nouveaux centres de mise à l'abri, est-il prévu de prendre en compte prioritairement les différents sites où s'établissent régulièrement des camps de fortune rassemblant plusieurs centaines de demandeurs d'asile parmi lesquels des mineurs isolés, et des familles avec enfants ?

Ma seconde question est relative à l'accueil des mineurs étrangers isolés. Par arrêté, certains départements ont stoppé net tout nouvel accueil de jeunes mineurs étrangers, notamment en raison de la saturation de leurs équipements et de l'iniquité de la répartition entre les départements. Aussi le PLF 2018 prévoit-il un financement par l'État d'un tiers de la prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance au-delà du treize millième mineur accueilli. Comment opérer une juste répartition territoriale de l'appui financier aux conseils départementaux à compter du dépassement de ce seuil, et comment stabiliser la ressource à moyen terme pour permettre aux départements d'adapter leurs moyens humains et logistiques – je pense, par exemple, aux locaux d'accueil ?

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Alors que de nombreuses inégalités persistent sur notre territoire, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est d'une extrême importance pour lutter contre l'exclusion et la pauvreté. La hausse globale des crédits du programme « Inclusion sociale et protection des personnes » de 14,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 témoigne du fait que la solidarité reste une priorité malgré un contexte budgétaire contraint. Je souhaite toutefois obtenir des éclaircissements sur les mesures envisagées en faveur des dispositions d'inclusion sociale, plus particulièrement en faveur de la maltraitance des enfants.

Je constate que les dispositifs envisagés du programme 304, qui concerne en particulier la lutte contre la pauvreté et la prévention du risque d'exclusion, portent sur les simplifications financières et administratives favorisant de véritables politiques publiques, sociales : simplification de prestations sociales et modalités du RSA, par exemple.

Nous partageons la nécessité d'approcher la question de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sous l'angle, notamment, de la simplification administrative et financière, tout en valorisant la dimension humaine nécessaire à la mise en place d'une politique publique en faveur de l'inclusion.

Madame la ministre des solidarités et de la santé, pourriez-vous nous indiquer les actions concrètes ou les expérimentations que vous souhaiteriez mettre en place en faveur de la lutte contre les maltraitances faites aux enfants ?

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Alors qu'en Guyane, 20 % de la population est allocataire du RSA, ce taux s'établit à 7 % en France hexagonale. Je ne puis en conséquence que me réjouir de la décision du Gouvernement de rapatrier, dans le budget de l'État, le montant exorbitant de 150 millions d'euros que la collectivité territoriale consacre au versement de cette prestation. L'énormité de la somme en jeu fait de sa distribution une véritable mission régalienne.

Une convention signée récemment prévoyait un montant de 36 millions d'euros pour accompagner les Guyanais les plus vulnérables. Pourtant, je ne le vois apparaître de façon claire nulle part dans le document de politique transversale (DPT) relatif à l'outre-mer, annexé au projet de loi de finances. Je crains que cette absence ne pose la question de la sincérité de la convention signée en Guyane, ou celle du PLF 2018 lui-même.

J'insiste en conséquence à nouveau sur la nécessité d'abonder les crédits budgétaires des programmes 137, 157 et 304 en faveur de la Guyane, car les avancées enregistrées concernant le RSA ne suffisant pas régler toutes les inégalités profondes que connaît ce territoire.

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Avant de vous parler du numérique, je tiens à vous faire part d'une enquête récente de la fondation Jean-Jaurès qui montre la sensibilisation croissante des hommes à la cause féminine. En matière d'égalité entre les hommes et les femmes en France, 65% des hommes et 82% des femmes pensent « qu'il y a encore beaucoup de choses à faire ». Certes, la route est encore très longue, mais il s'agit d'un progrès dont nous pouvons nous féliciter.

Pour cette même cause, le numérique est, comme toujours, à la fois positif et négatif.

Aujourd'hui, le numérique est partout : à Raqqa, en Syrie, en Palestine, en Inde, les femmes peuvent disposer d'un téléphone portable. En Arabie Saoudite, trois sites internet ont plus fait pour le droit des femmes ces dernières années que les passionnantes et nombreuses conférences qui ont partout traité du sujet. Madame la secrétaire d'État, ce numérique si positif a-t-il une part dans le budget que vous présentez ?

Néanmoins le numérique a aussi sa part d'ombre. Il permet par exemple un harcèlement spécifique des jeunes lycéennes. J'ai découvert le happy slapping et le slut shaming, pratiques qui consistent à humilier l'autre qui devient la risée du lycée. Votre secrétariat d'État a l'avantage d'avoir un caractère interministériel, mais votre budget permet-il les actions concrètes et coordonnées nécessaires ?

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Madame de Vaucouleurs, il n'y a pas de liens entre le budget de mon ministère et celui du travail. Le projet de loi de finances pour 2018 a fait l'objet d'arbitrages globaux, et il n'y a ni vases communicants ni de concertation quantitative entre le budget du ministère des solidarités et celui de Mme Muriel Pénicaud.

Monsieur Belhaddad, en raison de l'augmentation du nombre de mineurs non accompagnés accueillis par les départements, le Premier ministre, M. Bernard Cazeneuve, s'était engagé auprès du président de l'Assemblée des départements de France (ADF), M. Dominique Bussereau, à ce que l'État assume, entre le 31 décembre 2016 et le 31 décembre 2017, un tiers des frais liés à leur prise en charge. Le PLF pour 2018 prévoit la poursuite de ce dispositif pour l'année prochaine. Environ 68 millions d'euros sont budgétés à cet effet, ce qui explique que 138 millions soient alloués aux mineurs non accompagnés. La répartition entre départements fera l'objet d'un travail entre l'ADF et le ministère. À partir du mois de janvier 2018, nous serons en mesure d'arrêter le montant versé à chaque département en fonction du nombre de mineurs accueillis.

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Sophie Cluzel, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées

Le programme 157 comporte 1,3 milliard d'euros de garanties de rémunération pour les travailleurs handicapés (GRTH) en établissements et services d'aide par le travail (ESAT).

Par ailleurs, 5 millions consacrés à l'emploi accompagné doivent permettre de prendre le virage inclusif que nous appelons de nos voeux en faveur du travail des adultes handicapés. À partir du 13 novembre prochain, la semaine européenne de l'emploi des personnes handicapées sera l'occasion de débattre de la meilleure façon d'amener ces personnes vers l'emploi. Je rappelle que le taux de chômage des personnes handicapées est le double de celui des personnes valides, et qu'aujourd'hui, 500 000 travailleurs en situation de handicap sont sans emploi, tout en étant encore moins qualifiés que le reste des chômeurs. Nous travaillons en étroite collaboration avec la ministre du travail pour que les travailleurs handicapés bénéficient aussi du « Plan d'investissement compétences » (PIC), de l'apprentissage, et de la formation professionnelle.

Cette mesure en faveur de l'emploi accompagné permettra de développer ce que les Anglo-saxons appellent job coaching, qui consiste à accompagner la personne, mais surtout l'entreprise pour que cette dernière soit en mesure d'embaucher des travailleurs handicapés pouvant et voulant travailler en milieu ordinaire, même s'ils ont besoin d'adaptations de leur poste de travail et de davantage d'attention et de communication avec le collectif de travail.

La semaine européenne permettra de mettre en lumière le virage inclusif qui est déjà une réalité dans d'autres pays d'Europe. Certains d'entre eux, plus avancés que nous, qui ne bénéficiaient pas d'une politique de travail protégé, ont utilisé le collectif de travail pour mieux salarier les personnes handicapées.

Vous constatez que nous mettons en place des mesures importantes de façon totalement interministérielle avec la ministre du travail.

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Marlène Schiappa, secrétaire d'état chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes

Monsieur Serville, vous avez évoqué le programme 137. Le budget traduit notre préoccupation que l'égalité entre les femmes et les hommes soit une réalité sur l'ensemble du territoire, en métropole comme en outre-mer. Nous avons commencé à suivre certaines des recommandations du Conseil économique, social et environnemental (CESE), en particulier concernant les violences sexistes et sexuelles dans les Outre-mer.

Une ligne budgétaire est consacrée à la Guyane. Une convention pluriannuelle d'objectifs (CPO) avec le Centre d'information des droits des femmes et des familles de Guyane (CIDF) permet un financement à hauteur de 32 000 euros auxquels nous avons récemment ajouté 10 000 euros pour permettre à ce centre de poursuivre ses actions dans des conditions de travail satisfaisantes.

Madame Krimi, aucune ligne budgétaire spécifique n'est consacrée à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles par voie numérique. Ce combat se rattache à la ligne budgétaire générale relative à lutte contre les violences qui représente 61 % du budget. Toutes les violences sont concernées, où qu'elles aient eu lieu : au travail, dans l'espace public, dans les transports, à la maison, mais également dans l'espace numérique.

Au-delà des 18 millions d'euros mobilisés, il nous faut mener un combat culturel qui comporte des actions d'éducation et de sensibilisation. Nous devons travailler en coopération avec tous les acteurs du secteur, avec le secrétaire d'État chargé du numérique, et avec l'ensemble des réseaux sociaux, portails d'hébergement… Nous travaillons avec eux pour faire en sorte que la loi s'applique partout, y compris sur internet.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Madame Granjean, en tant que ministre des solidarités et de la santé, je préside le Conseil national de la protection de l'enfance dont Mme Michèle Créoff est la vice-présidente. J'entretiens des liens très étroits avec le Conseil pour poursuivre la mise en oeuvre du plan de lutte contre la maltraitance et les violences faites aux enfants. Lancé en mars 2017, il devait durer jusqu'en 2019, mais il sera prolongé.

Un rapport a été demandé à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour mieux repérer et mieux signaler les violences faites aux enfants. J'attends ses conclusions de façon à améliorer les dispositifs existants.

Je travaille également beaucoup avec le Défenseur des droits, et avec son adjointe, défenseure des enfants, pour qu'ils nous fassent connaître des situations qui mériteraient peut-être des adaptations.

Nous devons mener une réflexion de moyen terme sur la pertinence du placement des enfants afin de prévenir le recours à cette solution. Il faut parvenir à mieux accompagner les familles pour éviter certains placements. Dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, nous devons également réfléchir à la façon dont les services de la protection maternelle et infantile (PMI), qui dépendent des départements, effectuent repérages et signalements.

Je signale que le guide destiné aux professionnels de santé, relatif au repérage des violences faites aux enfants et aux conduites à tenir, que j'avais relancé l'année dernière à la Haute Autorité de santé, a été mis en ligne en septembre 2017. Vous constatez qu'il s'agit d'un sujet qui me tient à coeur, sur lequel je continuerai de m'investir.

Les pistes les plus précises sur les actions que nous mènerons demain seront fournies par le rapport de l'IGAS.

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Madame la ministre, mesdames les secrétaires d'État, nous vous remercions pour les précisions que vous nous avez apportées, et l'ensemble de vos réponses.

La réunion de la commission élargie s'achève à seize heures cinquante.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale