Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 15h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Jean-Pierre Farandou, dont la nomination est proposée par M. le Président de la République aux fonctions de président du directoire de la SNCF.

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Chers collègues, je vous propose que nous procédions sans plus tarder à l'audition de M. Jean-Pierre Farandou, que le Président de la République propose de nommer aux fonctions de président du directoire de la SNCF.

Cette audition, publique, sera suivie d'un vote à scrutin secret effectué par appel nominal, hors la présence de la personne auditionnée. Aucune délégation de vote n'est possible ; des bulletins de vote vous seront distribués et le dépouillement aura lieu immédiatement après.

Je rappelle que, sur cette proposition de nomination, nous avons nommé M. Christophe Bouillon rapporteur. Celui-ci a élaboré pour le compte de la commission un questionnaire, envoyé à M. Jean-Pierre Farandou. Les réponses de ce dernier ont été rendues publiques sur le site internet de l'Assemblée nationale et communiquées aux commissaires.

Monsieur Farandou, c'est avec plaisir que nous vous accueillons. Le Président de la République propose de vous nommer président du directoire de la SNCF. Comme le montre votre curriculum vitae, vous êtes un professionnel du secteur ferroviaire, un « cheminot ». Vous aurez plusieurs tâches à accomplir en vue de préparer la SNCF à sa transformation en société anonyme à capitaux publics ainsi qu'à la nouvelle organisation du système ferroviaire, et particulièrement à l'ouverture à la concurrence.

Il vous faudra également mettre en place un nouveau cadre social, ce qui exigera de votre part un grand sens du dialogue social. Comment comptez-vous aborder l'ensemble de ces défis si vous êtes nommé à ces fonctions ?

À plus long terme, quelle stratégie souhaiteriez-vous mettre en place pour la SNCF, sachant que notre commission, compétente en matière de développement durable et d'aménagement du territoire, est très sensible aux questions de report modal et de qualité de desserte des territoires ?

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Jean-Pierre Farandou

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux et honoré de me présenter devant vous afin de soumettre ma candidature à votre vote.

Le Président de la République ayant proposé mon nom pour prendre la responsabilité de la nouvelle SNCF, je souhaite vous faire part de ma vision.

Je sais qu'au-delà de l'actualité législative, les mobilités en général, et le secteur ferroviaire en particulier, représentent pour vous, comme pour chaque élu, une question politique centrale, sensible au quotidien. Cette sensibilité est forte et touche tous les territoires : j'en ai conscience, aussi bien comme citoyen que comme chef d'entreprise, lorsque j'observe ce qui se passe en France et dans le monde.

Si je connais votre attachement à la SNCF et les attentes que vous nourrissez à son égard, je vous sais également attentifs au service rendu. Je mettrai toute mon énergie à garantir la qualité et l'efficacité, et ce chaque jour de mon mandat.

Permettez-moi de partager avec vous quelques éléments de mon parcours. Je suis né le 4 juillet 1950 à Talence, en Gironde. À la sortie de l'École des mines de Paris, et après avoir accompli mon service militaire dans l'armée de l'air, je suis entré en 1981 à la SNCF.

J'ai fait tous les métiers du transport – aiguilleur, conducteur de train, régulateur –, passant par toutes les étapes du management opérationnel – chef d'équipe, chef d'établissement, directeur régional, directeur général des transports en commun lyonnais. J'ai lancé trois TGV : le TGV Nord en 1993, le Thalys en 1996 et le TGV Méditerranée en 2001. J'ai été directeur-adjoint des ressources humaines lors de la négociation sur les 35 heures. Au sein du comité exécutif de la SNCF, j'ai créé SNCF Proximités, la branche des trains de la vie quotidienne. Depuis sept ans, je suis président-directeur général de Keolis, spécialiste du transport urbain.

J'ai passé un tiers de ma carrière à l'extérieur de l'établissement public SNCF, dont cinq ans à l'étranger. J'ai été à deux reprises président de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). J'ai aussi assuré la présidence de l'Orchestre national d'Île-de-France et de l'Union des points d'information et de médiation multiservices (PIMMS).

J'ai le service public, la mobilité et les territoires chevillés au corps.

Après avoir mis en perspective la nouvelle SNCF, je vous dirai les engagements que je veux prendre vis-à-vis de l'État, des Français et des cheminots, ainsi que l'orientation que j'entends donner à l'entreprise, à ce moment si particulier de son histoire et, plus généralement, du ferroviaire.

La mission du futur président de la SNCF doit être considérée au regard des décisions politiques récentes et futures, mais aussi des urgences qui caractérisent notre époque.

La détermination politique de l'État et du Parlement a marqué la réforme qui donnera naissance à la nouvelle SNCF. Dès le premier jour de son existence, l'entreprise devra être consciente tant de la transformation à opérer que des engagements à tenir.

L'État et le Parlement ont pris acte de la nécessité de moderniser le système ferroviaire. Je salue leur rôle dans l'impulsion de cette dynamique. Le Parlement y a pris sa part dès 2014 en créant SNCF Réseau, puis en adoptant le nouveau pacte ferroviaire en 2018. La reprise de dette, qui vous sera proposée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, constituera la prochaine étape importante de cet engagement des pouvoirs publics.

L'État et le Parlement ont voulu une nouvelle SNCF unifiée, car l'efficacité du système ferroviaire français est durablement liée à la synergie entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur principal du réseau, la SNCF. Cela concernera des choix techniques majeurs comme le système d'exploitation et d'espacement des trains, la planification et l'exécution des travaux ou encore l'information en temps réel des voyageurs.

Garant de l'unité de la nouvelle SNCF, je veillerai aussi, bien sûr, au strict respect des règles françaises et européennes en matière d'égalité entre les opérateurs pour l'accès au réseau et, plus largement, aux facilités essentielles.

À nous, dirigeants de l'entreprise, de faire notre part du travail avec lucidité, pragmatisme et ambition.

Ouverture à la concurrence ; changement des statuts juridiques et passage du statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) à celui de société anonyme ; reprise de la dette ; évolution du statut social des personnels et arrêt des recrutements statutaires au 1er janvier 2020 : ces mesures ne sont pas de simples évolutions technocratiques, elles marqueront à jamais l'histoire du secteur ferroviaire et de la SNCF. Il s'agit d'une étape déterminante pour le groupe et pour les mobilités en France.

Le Président de la République a fixé le cap : la SNCF doit devenir la championne mondiale des mobilités du XXIe siècle. Nous devons désormais conduire cette transformation sans oublier notre responsabilité, qui est de nous montrer dignes de la confiance des élus et de la société. Nous devons répondre à cet enjeu politique et économique déterminant pour notre avenir.

Nous avançons avec lucidité et pragmatisme. Par le passé, la SNCF a déjà accompagné les grandes transformations de la société, comme le passage d'une économie industrielle à une économie de services ou l'urbanisation et la métropolisation des territoires.

Les transports de la vie quotidienne ont été ma priorité, aussi bien à la SNCF où j'ai créé la direction SNCF Proximités, que chez Keolis où j'ai lancé d'ambitieux projets de mobilité, en France et à l'étranger.

Quand on pense à la SNCF, on pense souvent aux trains et voyageurs en France. En réalité, la SNCF est un fleuron que nous exportons dans 120 pays, tant sur les marchés du transport de voyageurs que de la logistique. Le groupe réalise un chiffre d'affaires de 33 milliards d'euros, dont un tiers à l'international, il compte 270 000 collaborateurs, dédiés à 100 métiers. Fort de ce que je vis chez Keolis, je maintiendrai et renforcerai cette ambition.

Le ferroviaire représente environ 50 % du chiffre d'affaires du groupe SNCF, l'autre moitié étant réalisée dans le transport urbain – Keolis est le premier exploitant de métros automatiques dans le monde –, dans le transport routier de marchandises – Geodis est le quatrième logisticien européen –, ou encore dans le numérique – Oui.sncf est le premier e-commerçant de France.

Parmi les grands succès de la SNCF, il convient de citer le train express régional (TER), remarquable exercice de décentralisation, le Transilien, malgré la complexité de son exploitation, ainsi que les investissements massifs de ces dernières années pour la remise en état du réseau ferré national.

Je tiens à associer à ces réussites les présidents précédents qui m'ont particulièrement marqué : M. Louis Gallois, Mme Anne-Marie Idrac et, bien sûr, M. Guillaume Pepy, que je salue et remercie d'avoir replacé le client au coeur de notre action.

La naissance de la nouvelle SNCF survient dans un contexte spécifique, marqué d'abord par l'urgence environnementale, dont la prise de conscience est inédite. Cela nous dépasse et nous oblige envers la planète.

Je souhaite que la nouvelle SNCF décline, pour ce qui la concerne, les objectifs de développement durable que la France s'est fixés. Nous sommes déjà en mouvement : SNCF Réseau est la seule compagnie ferroviaire au monde à avoir levé plus de 5 milliards d'euros d'obligations vertes, les fameux « green bonds ».

La deuxième urgence concerne les territoires. Parler des territoires revient à affirmer que l'opposition, classique ces dernières années, entre grandes lignes et petites lignes, entre « mass transit » et lignes de desserte fine du territoire n'a plus cours. Les différences qui existent entre ces lignes doivent porter sur les méthodes d'exploitation, non sur l'importance qu'on leur accorde. Les territoires ont un droit à la différence, qui ne doit en aucun cas les priver d'un service ferroviaire ou de mobilité efficace.

La troisième urgence est d'ordre économique et social. L'ouverture généralisée à la concurrence et la reprise de la dette par l'État imposent que nous fassions rapidement un effort d'efficacité pour renouer avec la compétitivité et équilibrer le système ferroviaire français.

Cette exigence économique comprend nécessairement un volet social : il ne faut pas opposer l'un à l'autre, mais marcher sur les deux jambes de l'efficacité économique et du nouveau pacte social entre la SNCF et ses salariés.

Il est urgent de transformer la SNCF en nouvelle SNCF. Je souhaite incarner et accompagner l'entreprise dans la construction d'un regard neuf et sans tabou sur elle-même : les sept années que je viens de passer chez Keolis me permettent d'apporter une vision lucide et bienveillante sur ce qu'il convient de faire évoluer.

Nous devons ouvrir collectivement une ère nouvelle. La SNCF appartient à notre patrimoine et doit symboliser toutes nos ambitions en matière de mobilité. Elle doit rendre aux Français ce que chacun d'entre eux lui a donné. Ce que je souhaite, c'est une nouvelle SNCF au service des Français et des territoires.

J'appelle de mes voeux une SNCF utile, car c'est là notre valeur cardinale. Une utilité environnementale, pour concourir aux engagements de la France en matière de réduction d'émissions de dioxyde de carbone et atteindre la neutralité carbone dès 2035 ; une utilité servicielle, pour proposer aux Français le haut niveau de qualité de service ferroviaire qu'ils sont en droit d'attendre.

La nouvelle SNCF doit être plus connectée, plus proche et plus efficiente : je souhaite qu'elle concilie les attentes du client – qu'il soit voyageur, collectivité territoriale ou chargeur – et le sens du service public.

Les valeurs du service public et de l'intérêt général s'imposent plus que jamais. J'estime que l'intérêt général doit servir l'intérêt économique, et inversement. Améliorer notre compétitivité économique est indispensable pour mieux soutenir le service public.

J'en viens au contenu de mes engagements.

Il convient d'abord de respecter les fondamentaux qui constituent nos racines. Ils sont essentiels, je me permets de les rappeler : sécurité des circulations et du personnel ; performance du réseau ; ponctualité ; précision de l'information fournie aux voyageurs.

Au-delà, mon premier engagement concerne le client. Celui-ci a droit à un service et à une attention plus personnalisés. Les voyageurs attendent de la nouvelle SNCF qu'elle soit plus ouverte et plus accessible, notamment en termes de prix ; ils veulent une expérience de service plus adaptée à leur personne.

La nouvelle SNCF doit jouer un rôle moteur pour l'ensemble des mobilités. Keolis a ainsi proposé plusieurs innovations en matière de service qui simplifient la vie des clients. Au-delà de la continuité de service, nous devons créer une continuité de mobilité en utilisant toutes les solutions disponibles sur le marché – celles de la SNCF bien sûr, mais aussi celles des autres acteurs. La question n'est pas de savoir ce que la SNCF a pu proposer, mais quelle offre de mobilité la nouvelle SNCF sera en mesure de construire.

Penser au client revient à penser à tous les clients. Pour les chargeurs et le fret, l'enjeu n'est pas seulement commercial : il s'agit aussi de contribuer à une économie décarbonée.

Je m'engage aussi à répondre au défi climatique et à rester proche des territoires. L'équation est simple : il faut donner l'envie de train, choisir la façon la plus directe de lutter pour le climat et permettre un développement durable en conjuguant mobilité et protection de la planète.

La SNCF constitue intrinsèquement une partie de la réponse au changement climatique. Nous devons continuer à faire mieux, c'est-à-dire plus écologique et plus local. Nous devons viser la neutralité carbone, tout en tenant compte des contraintes économiques maîtrisées. Cela se traduira par la construction de programmes innovants. Nous entendons ainsi entretenir les voies sans abîmer les sols : le glyphosate cessera d'être utilisé en 2021.

Pour davantage de proximité encore, je suis la voie tracée par le Premier ministre et m'engage à dialoguer avec tous les territoires.

Mon troisième engagement a trait aux salariés : il nous faut construire un nouveau pacte social. En tant que président de l'UTP, j'ai négocié en 2016 certains points importants de la convention collective nationale de la branche ferroviaire, comme l'organisation du travail. La branche doit désormais finaliser les chapitres relatifs à la classification et à la rémunération pour l'ensemble des salariés des entreprises relevant de ce secteur.

Comme tout groupe industriel, la SNCF voit, sous l'effet notamment de la révolution numérique, ses métiers confrontés à des évolutions majeures. Nous ne connaissons pas aujourd'hui la moitié des métiers qui seront exercés dans vingt ans. Le nouveau pacte social doit garantir à chacun une place et des perspectives à long terme. Il doit également donner envie de rejoindre la nouvelle SNCF.

Mon quatrième engagement porte sur l'efficacité économique et financière. En sept ans, j'ai fait progresser le chiffre d'affaires de Keolis de 70 % ; la marge a doublé et la dette du groupe est désormais sous contrôle.

La nouvelle SNCF devra tenir ses engagements vis-à-vis de l'État et respecter la trajectoire de retour à l'équilibre du système ferroviaire en 2022. C'est la contrepartie du désendettement massif – 35 milliards d'euros de reprise de dette – décidé par l'État ; c'est aussi la condition nécessaire de sa compétitivité.

Pour ce faire, nous devrons développer les recettes – davantage de clients, et plus de clients satisfaits –, réduire les coûts d'exploitation et optimiser les investissements – la priorité sera donnée aux investissements productifs et à ceux qui améliorent le service.

Plusieurs leviers permettront cette transformation : la culture de la performance individuelle et collective, l'efficacité industrielle, l'innovation et le digital mis au service de tous. La révolution numérique est omniprésente ; à nous de la maîtriser pour dépasser la fracture numérique, qui recoupe souvent une fracture territoriale. La mobilité durable sera au coeur de cette transformation.

Pour atteindre l'excellence que je vise, il n'y a pas de temps à perdre. Les cycles économiques n'ont jamais été aussi courts et les concurrents aussi agressifs. Nous ferons de l'adaptation de notre service au changement des modes de vie une obsession permanente.

Voyons clair, soyons lucides ! Si, demain, elle offre les services dont ils ont besoin, les voyageurs – même ceux dont les yeux sont aujourd'hui rivés sur l'ouverture à la concurrence – choisiront la nouvelle SNCF.

Si, demain, elle est capable de répondre de façon compétitive aux enjeux climatiques du secteur du transport de marchandises et de la logistique, les chargeurs choisiront la nouvelle SNCF.

Si, demain, elle n'oppose pas petites et grandes lignes mais offre à un prix raisonnable une réponse globale aux besoins de mobilité dans toute leur variété, les territoires choisiront la nouvelle SNCF.

Si, demain, elle est reconnue pour sa haute capacité d'innovation, partenaires industriels, PME et startups choisiront la nouvelle SNCF.

Je me présente devant vous pleinement conscient de la responsabilité qui m'incombera pour mener cette transformation. Le courage politique dont a fait preuve le Parlement engage la nouvelle SNCF à concrétiser rapidement son projet au service des Français et des territoires.

Pour mener à bien cette transformation, je ne serai pas seul dans l'exercice de ma présidence : la SNCF se dirige avec les cheminots, l'ensemble des salariés d'aujourd'hui et de demain et leurs représentants syndicaux, avec les clients qui vivent la SNCF au quotidien et leurs associations, avec les élus, nationaux, régionaux et locaux et les territoires dans leur diversité, avec nos partenaires et nos fournisseurs.

Si vous m'y invitez, madame la présidente, je rendrai compte chaque année devant votre commission de l'avancement de cette transformation en nouvelle SNCF. Nous pouvons la mener à bien – nous le devons à chaque Français.

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Nous prenons acte de votre proposition : considérez-la comme d'ores et déjà acceptée.

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Je salue la nouvelle formule adoptée pour ces auditions menées en application de l'article 13 de la Constitution, dans la mesure où elle permet au rapporteur de poser des questions à la personnalité dont la nomination est proposée et de mettre ses réponses sur la table.

Je salue, monsieur Farandou, la qualité et la précision des vôtres. Vous venez de les compléter par des propos qui nous permettent, en filigrane, de juger de votre parcours, de comprendre les engagements que vous prenez mais aussi vos convictions profondes.

Permettez-moi cette question qui parlera à beaucoup d'entre nous qui nous penchons depuis des années sur les questions ferroviaires : un chef d'entreprise peut-il en cacher un autre ?

Il est vrai que votre parcours est parlant. Vous en avez consacré les deux premiers tiers à l'exercice de responsabilités au sein de l'EPIC, le dernier à la direction de Keolis, grande entreprise de 65 000 salariés dont vous avez augmenté le chiffre d'affaires de 70 %. On devine votre passion pour les transports !

Vous avez indiqué avoir exercé plusieurs métiers, mais il faudra vous habituer, si vous obtenez l'assentiment de notre assemblée, à exercer celui d'auditionné : vous serez en effet régulièrement entendu par notre commission. Pour répondre à l'ensemble des questions qui vous seront posées, vous serez obligé de connaître presque par coeur les 30 000 kilomètres de lignes ainsi que les 3 000 gares de France. (Sourires.)

Pour cette fois, je n'évoquerai pas la ligne Paris-Normandie ni celle de Paris-Le Havre, mais vous verrez que, dès aujourd'hui, mes collègues vous interrogeront, et c'est bien naturel, sur les lignes qui traversent leurs territoires.

Je souhaite évoquer trois dimensions, essentielles pour cette commission : la dimension sociale, la dimension environnementale et la dimension économique.

Il est vrai que le 1er janvier 2020 constituera une rupture en matière sociale. Deux textes majeurs ont été adoptés : la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, qui a fait entrer dans les faits l'idée d'un groupe unifié, et la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, qui a prévu l'ouverture à la concurrence.

Il n'est pas évident, pour un groupe de 370 000 salariés et dans un temps aussi court, d'opérer une transformation et une rupture – je reprends vos mots – aussi importantes. Nous sommes malgré tout attachés à la notion même de groupe unifié. Il faudra donc accompagner ce mouvement énorme et impressionnant, au regard tant de la taille du groupe que de sa longue histoire. Si l'on parle aujourd'hui de « nouvelle » SNCF, nous nous souvenons tous d'avoir fêté les 80 ans du groupe et nous le considérons comme faisant partie de notre patrimoine.

Je salue vos ambitions sur la dimension environnementale : je pense à la neutralité carbone d'ici 2035, à l'interdiction du glyphosate en 2021, à la place que l'on doit accorder au vélo ainsi qu'à l'intermodalité. Tout cela va dans le bon sens. Nous serons cependant très exigeants en la matière.

La dimension économique est par ailleurs essentielle ; elle recouvre pour l'essentiel le fret, au développement duquel, vous l'aurez deviné, nous portons une attention particulière. Des efforts doivent être entrepris en faveur du transport des marchandises par le train.

J'ajouterai trois questions à celles que je vous ai posées. Comment appréhendez-vous la remise du rapport du préfet M. François Philizot sur la question des petites lignes et des gares ? Aurez-vous les moyens de vos ambitions ? Votre accent laisse imaginer une inclination pour le rugby et vous avez dit vouloir jouer collectif, permettez-moi donc de formuler ainsi ma dernière question : comment comptez-vous transformer l'essai ?

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Jean-Pierre Farandou

Monsieur le rapporteur, les dimensions sociale, environnementale et économique sont en effet au coeur des préoccupations du futur président de la SNCF.

Oui, le rapport de M. François Philizot est très attendu et un certain suspense entoure sa remise, car il traite d'un sujet éminemment complexe, l'avenir des petites lignes. Je préfère pour ma part utiliser l'expression « lignes de desserte fine du territoire », car il n'existe pas de « grandes » ou de « petites » lignes, mais des lignes dont la vocation est différente. Cette appellation est plus signifiante car elle n'introduit pas de hiérarchie : toutes les lignes sont importantes aux yeux de la SNCF et des territoires.

Deux questions sont sous-jacentes : le service qui y est proposé, et le financement des infrastructures. S'agissant des infrastructures, SNCF Réseau a été clair puisqu'il a indiqué qu'il faisait son affaire de la régénération du réseau structurant. Des efforts sans précédent ont été consentis : 3 milliards d'euros investis, contre 1 milliard d'euros il y a seulement dix ans. On a changé de braquet pour porter un coup d'arrêt au vieillissement du réseau – 30 ans en France contre 17 ans en Allemagne – et commencer à le rajeunir progressivement.

Sur les lignes de desserte fine, SNCF Réseau, arguant qu'il ne pouvait pas tout faire, s'est tourné vers l'État, les régions et les autres collectivités territoriales pour solliciter leur aide. L'entreprise a forfaitisé – ce qui n'est pas plus mal – sa part d'investissements de régénération à 8,5 %, considérant qu'elle correspondait à peu près aux économies de maintenance qu'elle réaliserait dès lors que la voie en question serait rénovée.

Vous savez que la loi fixe désormais une règle d'or : SNCF Réseau ne peut plus dépenser sans contrepartie. C'est une bonne chose puisque cela permet, notamment, d'éviter le retour de la dette.

Le rapport de M. François Philizot éclairera bien entendu cette équation. Les chiffres sont connus : 300 à 350 millions d'euros sont consacrés chaque année aux lignes de desserte fine du territoire. Si la situation est meilleure – il y a quelques années, on atteignait à peine 150 millions d'euros –, des efforts restent à faire.

On peut penser que le rapport de M. François Philizot préconisera un effort supplémentaire. On se tournera alors vers les financeurs potentiels en leur demandant s'ils sont prêts à consentir un tel effort pour parvenir à la régénération complète de ces lignes, essentielles aux territoires.

Il ne s'agit pas uniquement d'infrastructures, mais aussi de services. Que veut-on faire de ces lignes ? À quelle fréquence veut-on y faire circuler les trains ? Un exemple : si l'on souhaite maintenir une ligne en exploitation mais avec une fréquence relativement faible, il est peut-être inutile de régénérer une double voie. Une voie unique télécommandée peut s'avérer tout aussi efficace. La question d'y faire circuler ou non des trains de fret peut se poser aussi, car ceux-ci sont plus lourds que les trains de voyageurs. L'effort à consentir en matière d'infrastructures dépend du service que l'on ambitionne de fournir sur les différentes portions du réseau à rénover.

Un mot de l'adaptation : SNCF Réseau a accompli en quelques années une révolution intellectuelle en la matière et il faut à cet égard rendre hommage à M. Patrick Jeantet. Elle se résume ainsi : appliquer depuis Paris les mêmes référentiels nationaux sur tout le territoire ne constitue pas une bonne solution.

Il faut en effet raisonner localement et procéder aux ajustements exigés par le contexte local. Les besoins, comme les solutions, ne sont pas les mêmes partout, ce qui a une forte incidence sur les coûts. Ainsi, il a été possible de rénover la Côte bleue, entre Marseille et Fos-sur-Mer, en économisant 20 % par rapport à ce qu'aurait coûté l'application des règles nationales. Dès lors que l'on s'adapte au contexte local, des économies très importantes peuvent être réalisées.

SNCF Réseau a d'ailleurs lancé un kit, dont elle est prête à discuter avec les collectivités territoriales. Cette boîte à outils permet de composer le meilleur programme possible, c'est-à-dire le mieux ajusté aux territoires concernés.

Avec le rapport de M. François Philizot, c'est bien l'avenir des lignes de desserte fine qui se joue. Je sens une convergence et une envie de trouver des solutions, qui passeront vraisemblablement par un petit effort financier supplémentaire. J'espère que nous saurons le faire ensemble.

Ai-je les moyens de mes ambitions ? C'est une bonne question à poser à un manager concernant un projet d'actionnaire. L'État est actionnaire, il a une vision, mis en place une trajectoire financière et consenti des efforts de grande ampleur.

Les cheminots rêvaient depuis des décennies d'une reprise de la dette, cela ne s'était jamais fait. Le geste, à hauteur de 35 milliards d'euros, est considérable, surtout lorsque l'on imagine la difficulté qu'a pu avoir Bercy à accepter ce type de montage qui alourdit d'autant la dette de notre pays.

La contrepartie de cette décision, c'est le respect de la trajectoire financière. Cela me tient à coeur et j'y consacrerai toutes mes forces. J'ai conclu avec l'État un contrat : la trajectoire doit être tenue. C'est possible, quand bien même cela est difficile et implique des efforts. Nous mettrons toute notre énergie pour que le système ferroviaire atteigne l'équilibre en 2022.

Nous y serons aidés par l'intelligence du mécanisme mis en place. Les dividendes de la partie transports financeront à hauteur de 60 % la partie infrastructures, ce qui rendra d'ailleurs les deux parties solidaires.

Oui, j'ai les moyens de mes ambitions ; cela étant, ce sera à moi de jouer. La direction d'entreprise est un art d'exécution. Il me faudra passer à l'acte et prendre des décisions concrètes afin de satisfaire les objectifs fixés tant par l'État que par le Gouvernement.

Comment transformer l'essai ? J'aime l'idée du collectif, car la SNCF n'est pas l'affaire d'un seul homme mais bien celle d'une équipe, à la composition de laquelle je suis en train de travailler. L'équipe de tête doit être parfaitement d'accord sur le projet sur lequel elle s'engage pour quatre ans, voire davantage, afin de mener l'ensemble des actions attendues.

L'encadrement, et plus particulièrement l'encadrement de proximité, joue un rôle clé. Vous imaginez bien qu'avec 145 000 agents, le groupe public ferroviaire a besoin du relais managérial. J'irai tout simplement à leur rencontre, ma méthode sera celle du dialogue. J'essaierai de me rendre sur le terrain chaque semaine pour écouter l'encadrement de proximité, le soutenir et expliquer le sens de notre action.

Il y a, je crois, un déficit de sens et d'explication. Les cheminots sont un peu perdus. Mettons-nous à leur place : après les réformes successives de ces six dernières années, ils peuvent se demander où tout cela les mène. Il me paraît très important de leur dire : « Le pays a besoin de vous, il a besoin de mobilité, de la SNCF et du ferroviaire. Vous avez, et vous l'avez toujours eu, un rôle à jouer ».

Tout au long de son histoire, la SNCF s'est placée au service de notre pays. Sa mutation lui permettra de sceller un nouveau pacte, au service des territoires et des attentes de nos concitoyens.

Une telle évolution est possible ; j'y mettrai toute mon énergie. La transformation se fera au fil du temps. Je baliserai la feuille de route tous les ans et c'est pourquoi je m'engage à venir vous expliquer où nous en sommes, ce que nous avons réussi et ce que nous n'avons peut-être pas complètement réussi. Admettons-le, les choses peuvent être difficiles. Mais on ne lâchera rien. Nous ferons tout ce que nous avons dit. Je me donne un mandat, c'est-à-dire quatre ans, pour lancer cette transformation et obtenir des résultats concrets, que les Français constateront.

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Nous sommes heureux d'auditionner M. Jean-Pierre Farandou : sa longue carrière au sein du groupe tout autant que sa connaissance des métiers, des enjeux, des hommes et des femmes de la SNCF – dont je suis fière d'avoir fait partie – sont indéniablement des atouts.

Monsieur Farandou, votre nomination, proposée par le Président de la République, s'inscrit dans un contexte inédit, marqué par l'adoption, le 14 juin 2018, de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Bien plus qu'une réforme, celle-ci implique une véritable révolution au sein du rail français. Il convient désormais de la déployer, de l'accompagner et de l'achever.

Cette loi prévoit notamment l'ouverture à la concurrence du transport intérieur de voyageurs, la transformation des trois EPIC en une société anonyme à capitaux publics, la mise en place d'une règle d'or et la fin du recrutement au statut de cheminot.

Dans ce contexte, plusieurs défis de taille attendent le nouveau président du directoire de la SNCF. La mise en oeuvre de toutes les garanties inhérentes à l'indépendance du gestionnaire, SNCF Réseau, afin de faire de l'ouverture à la concurrence une réalité et non une promesse, est le premier de ces défis.

En tant que gardien de l'indépendance de SNCF Réseau au sein de l'organisation qui sera mise en place le 1er janvier 2020, quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer la séparation effective entre SNCF Réseau et SNCF Mobilités, notamment d'un point de vue comptable ?

Le deuxième défi, c'est l'achèvement du nouveau pacte social par la négociation collective avec les partenaires sociaux. Si la loi a apporté un certain nombre de garanties sociales – les députés ont tenu à en renforcer certaines –, il reviendra à la négociation collective de parachever la construction de ce cadre social de haut niveau prévu par la loi.

Vous qui vous définissez comme un « cheminot première langue », comment appréhendez-vous les négociations collectives de la branche ferroviaire, notamment en ce qui concerne les transferts de personnels ?

La soutenabilité économique de la SNCF constitue le troisième défi. L'État a repris 35 milliards d'euros de dette, dont 25 milliards prévus dans le projet de loi de finances pour 2020. Cela représente une lourde charge pour les contribuables – il faut le dire ici –, mais l'objet est de permettre à la SNCF d'appréhender sereinement l'avenir.

Sous l'impulsion du président M. Guillaume Pepy, dont je tiens à saluer l'action au nom du groupe La République en marche, la SNCF a commencé à revoir son modèle. Quelles mesures et quelle organisation envisagez-vous de mettre en oeuvre afin de rendre le groupe ferroviaire plus efficace et plus performant dans ce contexte d'ouverture à la concurrence ?

Le quatrième défi, et non des moindres, concerne la régénération et la sécurisation du réseau ferré français ainsi que le rôle de la SNCF dans l'aménagement du territoire. Quelles mesures seront prises pour améliorer l'état et la sécurité du réseau ? Quelle stratégie comptez-vous mettre en oeuvre pour les lignes de desserte fine du territoire – classées entre 5 et 9 par l'Union internationale des chemins de fer (UIC) ? Qu'en est-il de la relance du fret ferroviaire ?

Les élus du groupe La République en marche veulent faire du transport ferroviaire le levier majeur des mobilités du quotidien. Je vous remercie de partager avec nous votre projet pour la SNCF, ses agents et ses usagers que sont tous les Français.

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Monsieur Farandou, après de longs mois de suspense marqués par des candidatures de tous horizons, votre nomination est enfin imminente. Le groupe Les Républicains se satisfait de ce choix judicieux et pertinent.

Vous cochez en effet beaucoup de cases : une expérience internationale, indispensable dans la perspective de l'ouverture de l'entreprise à la concurrence, une expérience des relations sociales, indispensable compte tenu de la réforme des retraites qui s'annonce, et une connaissance de cette grande maison qu'est la SNCF, indispensable pour conduire le changement dans le climat le plus apaisé possible.

Vous connaissez bien les territoires et leurs élus, dont nombre d'entre nous. C'est tant mieux, car les petites lignes, les trains de nuit, le fret seront aussi votre quotidien. Pour vous avoir côtoyé avant d'exercer mes fonctions de députée, je sais que vous êtes un vrai cheminot et que vous aurez à coeur de conduire cette belle machine ferroviaire qui, toutefois, doit se réinventer. Ce satisfecit ne doit pas masquer les difficultés rencontrées par la SNCF et dont nos concitoyens font les frais au quotidien.

Je souhaiterais insister sur deux points. Le premier, non des moindres, est celui de la dette de la SNCF. Peu d'informations circulent sur sa structure. L'État a décidé d'en reprendre une partie, à hauteur de 35 milliards d'euros, en la transformant en dette publique. Cela aura un impact sur les impôts, puisque les contribuables devront payer entre 20 et 25 milliards d'euros en 2020, puis 10 milliards d'euros environ en 2022.

La fameuse règle d'or, fixée en 2014 pour endiguer la hausse continue du déficit et qui consiste à limiter les investissements en développement, n'a pas été vraiment appliquée. Le sujet demeure donc crucial. Transformer l'entreprise, la rendre plus compétitive et lui permettre de dégager des bénéfices constituent à l'évidence des pistes classiques. Quelles solutions votre connaissance de l'entreprise vous laisse-t-elle envisager pour mettre fin à cette spirale et ne pas alourdir encore le déficit ?

Le deuxième sujet est plus local : des dysfonctionnements de toute sorte touchent quotidiennement la ligne R du Transilien, dans sa portion reliant Paris au sud du département de la Seine-et-Marne. Si ces difficultés ne sont pas toujours du fait de l'opérateur, elles transforment le trajet de nos administrés en cauchemar. Les élus franciliens sont bien conscients du rattrapage colossal qui s'impose en matière d'investissements et Île-de-France Mobilités a engagé des sommes considérables afin d'y faire face.

Compte tenu de votre connaissance du monde ferroviaire, comment entendez-vous remédier à ces dysfonctionnements notoires qui affectent aussi bien l'opérationnel que les informations fournies aux voyageurs ?

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Je suis très heureuse de vous voir parmi nous cet après-midi. Je vous souhaite de réussir cette audition et d'accéder à la présidence de la SNCF.

Au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, je tiens à vous remercier pour la clarté de vos propos liminaires, qui nous donnent une vision d'ensemble sur les orientations stratégiques que vous souhaitez pour le groupe, comme sur les engagements que vous venez de prendre.

Il n'y a jamais eu autant d'argent en France pour le ferroviaire, ni un tel espoir, car le train fait partie des solutions pour répondre à l'urgence climatique. Aujourd'hui, l'entreprise a les moyens de s'en sortir grâce à la réforme actée par l'adoption, en 2018, de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire.

Cette loi a été pensée pour trouver des solutions durables à la dette abyssale de la SNCF, au statut de cheminot ainsi qu'au manque d'investissements. Au regard de cette nouvelle donne, quel est votre sentiment sur le retard de productivité qu'affiche toujours la SNCF ?

Lors des débats sur la réforme ferroviaire, notre idée était de libérer la productivité et de délester l'entreprise d'une grande partie de sa dette pour garantir sa performance face à ses futurs concurrents européens avec lesquels, d'après le rapport de M. Cyril Spinetta, l'écart de compétitivité s'élevait à 28 %. Or il faudrait, d'ici à 2026, réduire de deux tiers cet écart pour que, selon les estimations de la SNCF, celle-ci puisse affronter des concurrents potentiels sur le marché ferroviaire français.

Pourriez-vous développer et expliciter devant notre commission les leviers dont dispose la SNCF et les moyens qu'elle met en oeuvre pour améliorer sa performance économique et faire face à la concurrence, tant des autres opérateurs ferroviaires que des divers modes de transport ? Je pense notamment à la concurrence du transport par route, qui fragilise déjà fortement la branche fret.

En matière de productivité, la SNCF a fait des progrès spectaculaires, que traduisent notamment les chiffres du TGV. En mettant en service son TGV low cost, elle est partie à la chasse aux coûts inutiles, en se penchant tant sur l'exploitation que sur la maintenance et l'aménagement des rames, avec l'objectif d'abaisser les coûts de 40 %.

Cependant, la course au « tout TGV » est derrière nous, et la priorité est désormais donnée aux transports du quotidien. Vous qui avez une double casquette – transport ferroviaire et transport urbain –, pensez-vous que la méthode de recherche de productivité appliquée à l'activité TGV puisse être reproduite pour les activités TER et Transilien ?

Permettez-moi enfin de vous poser une question qui me tient à coeur. La SNCF a lancé l'été dernier l'application Assistant SNCF, pour proposer une solution fluide à l'usager devant se rendre d'un point à un autre, tant dans les grandes villes que dans les territoires dits diffus. Or certains de nos concitoyens font toujours les frais d'une coordination défaillante entre les trains du quotidien et les transports en commun, qu'ils soient urbains ou non urbains. Quelles solutions envisagez-vous pour assurer une meilleure coordination des offres de transport relevant d'acteurs différents et faciliter ainsi l'exercice du droit à la mobilité que nous venons de consacrer dans le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) ?

Pensez-vous qu'il soit possible d'instaurer un dialogue constructif par la mise en place d'un temps ou d'une instance d'échange régulier à l'échelle nationale, non seulement avec les régions, mais également avec les autorités organisatrices de la mobilité qui assurent l'organisation des transports en zone urbaine ?

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Vous vous apprêtez à prendre la succession de M. Guillaume Pepy dans un contexte très chargé, au moment où la SNCF doit amorcer une série de virages à forts enjeux, tant pour son avenir que pour celui de ses salariés, notamment avec la fin du statut pour les nouveaux entrants et l'ouverture à la concurrence. Quel est votre plan d'action pour que ces changements se concrétisent dans les meilleures conditions d'ici le 1er janvier 2020 ?

Cette actualité ne doit cependant pas occulter les priorités que sont la desserte, la ponctualité, la sécurité et la qualité de service. Nos concitoyens nous font en effet trop souvent part de leur exaspération face aux divers dysfonctionnements de la SNCF. J'en suis moi-même très souvent victime.

Pour ne prendre qu'un exemple, il y a quelques jours, des administrés m'ont informé que le train du matin Caudry-Saint-Quentin avait été supprimé à la toute dernière minute. Ces mêmes usagers finissent par penser que la SNCF fait tout pour les décourager d'emprunter certaines dessertes afin de supprimer ces dernières au nom d'un manque de rentabilité. Comment réagissez-vous à une telle défiance ?

Quant au dossier des si mal nommées « petites lignes », que vous appelez « lignes de desserte fine du territoire », il me tient particulièrement à coeur, comme à beaucoup d'entre nous. On se souvient du rapport de M. Cyril Spinetta, qui avait jeté un coup de froid sur leur avenir, bien qu'elles soient essentielles au maillage de notre territoire. Si, à l'époque, le Gouvernement avait décidé de les conserver, leur devenir demeure malgré tout incertain, alors que nous attendons toujours le rapport de M. François Philizot.

Je tiens ici à saluer l'énergie avec laquelle la région Hauts-de-France traite ce dossier, en défendant pied à pied ces lignes pour relancer leur attractivité et leur fréquentation, ou en maintenant la pression, par la signature des conventions TER 2019-2024 pour le maintien de toutes les lignes et guichets, là où ils n'ont pas disparu.

En juillet, votre prédécesseur, M. Guillaume Pepy, avait préconisé d'organiser un débat public sur le rapport coût-efficacité de chacune de ces petites lignes. Seriez-vous partisan d'un tel dispositif ?

Par ailleurs, je n'arrive pas à comprendre que la SNCF, qui affirme vouloir être de plus en plus actrice de la transition écologique, puisse continuer à justifier la fermeture de lignes qui se verront remplacées par des cars ou des camions, ce qui induira une recrudescence de la pollution et des risques d'accident. À ce sujet, quid du traitement de la ligne de fret des primeurs Perpignan-Rungis ? Souhaitez-vous investir dans ce dossier pour essayer de sauver cette ligne ?

Quant aux trains de nuit, qui sont exploités avec efficacité dans plusieurs pays européens, la SNCF continuera-t-elle à tergiverser sur leur maintien ? Je me félicite que la députée européenne Mme Karima Delli, présidente de la commission des transports et du tourisme du Parlement européen, ait réaffirmé ici même la semaine dernière son souhait de remettre le développement de ces trains sur le devant de la scène européenne.

Enfin, je me fais à nouveau le porte-parole des usagers qui ont bien du mal à cerner et à accepter la politique tarifaire de la SNCF.

Pour conclure, je citerai la directrice du développement durable de la SNCF, qui déclarait il y a quelque temps que « prendre le train doit devenir un acte citoyen ». Je répondrai que nos concitoyens ne demandent que ça. Ils veulent prendre le train, mais dans de bonnes conditions, notamment à un coût en adéquation avec le service dont ils bénéficient.

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Je vous remercie d'avoir indiqué que les engagements qui ont été pris seront tenus, en particulier le retour à l'équilibre en 2022.

Nous nous en sommes pris plein la figure lorsque nous avons voulu faire avancer la question du statut de la SNCF ou lorsque nous nous sommes engagés dans le pacte ferroviaire. Ceux qui croyaient en la capacité de l'entreprise à revenir à l'équilibre n'étaient pas nombreux.

Certes, le contribuable, par le biais de l'État, prendra en charge une partie importante de la dette de la SNCF – c'était inéluctable. Encore fallait-il que l'entreprise s'engage dans des économies importantes. Je voudrais d'abord vous remercier de vous y être engagé et saluer l'engagement de l'ensemble des cheminots. Tout cela n'a pas été facile, mais s'est déroulé dans un climat social relativement apaisé, ce que je souhaite souligner.

La SNCF dispose de nombreux atouts. Vous êtes vous-même une personnalité reconnue du sérail. Vous choisir était la meilleure option, et je ne doute pas qu'après votre expérience très satisfaisante à la tête de Keolis, vous continuerez, avec vos équipes, à assurer le développement de la SNCF. L'entreprise sort d'une grave maladie et se trouve peut-être encore en convalescence. Il faudra donc un peu de temps pour qu'elle puisse rivaliser avec l'ensemble de ses concurrents. Il n'y a cependant aucune raison qu'elle n'y parvienne pas.

Au-delà de ces considérations générales, je souhaite vous poser plusieurs questions. Tout d'abord, je trouve que la mobilisation de la SNCF pour ses gares, qui sont et doivent rester des lieux de vie, est une très bonne initiative. Aujourd'hui, les usagers sont satisfaits de voir se « réveiller » certaines gares qui rendent de nombreux services commerciaux, sociaux et culturels, comme les expositions. Dans les petites villes comme à Paris – gare Saint-Lazare, gare du Nord –, la SNCF mène de grands projets, qui permettent de garder l'esprit du lieu tout en développant davantage de commerces et de services et en accueillant plus de voyageurs. Ces nouveaux modèles de développement des gares en partenariat public privé (PPP) permettent de financer les projets de rénovation, sans subvention des collectivités locales ni des pouvoirs publics. Que pensez-vous cependant de la polémique s'agissant de la gare du Nord ?

En tant que président de Keolis, vous travaillez beaucoup à l'international, où la SNCF réalise aujourd'hui près d'un tiers de son chiffre d'affaires – tramways avec Keolis, projets architecturaux en Chine, par exemple. Souhaitez-vous poursuivre ce développement à l'international ?

Par ailleurs, où en êtes-vous de la transformation de Fret SNCF en filiale du groupe ferroviaire, qui nécessite l'accord de la Commission européenne ?

Pouvez-vous enfin nous dire quelques mots sur la retraite des cheminots ? Les salariés de la SNCF s'interrogent beaucoup sur ce changement des règles du jeu.

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On a lu dans la presse que la compétition a été rude pour savoir qui remplacerait M. Guillaume Pepy à la tête de la SNCF. Première déception, mon nom n'a pas été retenu, alors que j'avais fait acte de candidature. Mais quand on découvre votre profil, on comprend mieux ce choix : on y lit l'avenir de la SNCF.

Grâce à votre passage par sa filiale Keolis, vous avez toutes les compétences pour gérer l'ouverture à la concurrence, là où j'aurais plaidé pour une entreprise intégrée. Sur le volet social, votre principale mission consistera à en finir avec le statut des cheminots et leur régime de retraite, là où j'aurais plaidé pour un statut unique ferroviaire.

Mais, en tant que membres de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, nous avons à apprécier notamment vos propositions pour faire de la SNCF un outil au service de la transition écologique. Sur ce sujet, le site internet de la SNCF m'a considérablement rassuré puisqu'il présente « l'engagement d'un grand groupe pour la planète ». J'espère seulement qu'il s'agit bien de la nôtre !

On y apprend également avec joie, pour ceux qui n'étaient pas déjà au courant, que le fret ferroviaire pollue neuf fois moins que la route. Pourquoi alors le train des primeurs Perpignan-Rungis a-t-il été supprimé ? Il représente pourtant l'équivalent de 14 000 poids lourds, autant de véhicules supplémentaires qui sillonneront notre pays. Or le transport de marchandises alimentaires est le second poste à impacter l'empreinte carbone de notre alimentation, avec 30,4 millions de tonnes de dioxyde de carbone émises, soit 19 % du total des émissions.

Je ne demande qu'à être persuadé des bienfaits de cette mesure pour la pollution de l'air, qui fait déjà plus de 48 000 morts par an en France. Le train des primeurs Perpignan-Rungis est un symbole parmi tant d'autres du naufrage du fret français depuis son ouverture à la concurrence en 2006, du fait non seulement d'un abandon de la SNCF et des pouvoirs publics, mais aussi de la concurrence interne, si je peux dire, des filiales routières de la SNCF telle Geodis.

À Bordeaux, dans ma circonscription, l'état d'urgence économique a été déclaré par plus de 1 000 entreprises girondines, qui souffrent de difficultés d'accessibilité du fait des bouchons qui engorgent la rocade. Les salariés perdent des heures dans les transports ; les entreprises ne sont plus livrées à temps. Sur cette même rocade, les camions défilent au rythme d'un par seconde et représentent 15 % du trafic. Les collectivités ont dépensé des centaines de millions d'euros pour passer à deux fois trois voies, avec pour seul résultat d'augmenter le nombre de voitures dans les bouchons. C'est ce que j'appelle un travail de visionnaire !

Pendant que tous les regards se tournent vers les goudronneuses, la gare de fret d'Ourcade est désertée, ses voies laissées à l'abandon, alors qu'elle présente une solution toute prête pour transporter les marchandises en train et diminuer le nombre de camions. Face à ce constat, monsieur le futur président, quelles sont les mesures que vous entendez prendre pendant votre mandat pour remplacer vos camions par des wagons ?

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Je vous remercie de vos explications et de votre engagement. On sent que vous êtes passionné par la tâche qui vous attend si le vote vous est favorable.

La SNCF avait autrefois un beau slogan : « Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous. » Pour nous, « par tous » signifie par tous les territoires, et tous les Français. Nous avons été plusieurs à évoquer le devenir des lignes de desserte fine et des petites gares. Nous avons tous entendu M. Guillaume Pepy affirmer qu'il fallait basculer dans le digital, parce que c'est l'avenir. Mais pour l'instant, ce n'est pas l'avenir pour un grand nombre d'usagers, de citoyens – que vous appellerez des clients.

Quelle est votre responsabilité vis-à-vis de tous ces Français qui ne maîtrisent pas le numérique, qui n'ont ni tablette, ni smartphone, ni ordinateur chez eux ? Comment les aidez-vous, lorsque des guichets, donc une présence humaine, disparaissent ?

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Nous voudrions vous entendre sur ce sujet, car vous avez une responsabilité comme opérateur public.

Vous avez dit que vous étiez un manager disposant de moyens. À l'issue des débats sur le projet de LOM, le Gouvernement s'est engagé à affecter trois nouvelles ressources à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), issues de secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. Il s'agit de la contribution du secteur aérien, c'est-à-dire du surplus de la taxe « Chirac » et de l'éco-contribution sur les vols au départ de la France, ainsi que d'une réduction de 2 centimes d'euros par litre du remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gasoil pour les poids lourds. Mais comment peut-on financer des infrastructures durables sans ressources pérennes ? Il y a là un noeud. Quel est votre avis sur ce sujet ?

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Vous ne serez pas étonné que mon propos soit marqué par ce que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a déjà indiqué lors du débat parlementaire sur le pacte ferroviaire. Vous serez prochainement chargé de mettre en ordre de bataille la SNCF dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Il a beaucoup été fait état ici de la trajectoire financière à respecter et des 35 milliards d'euros de dettes que l'État reprendra. Je dois souligner que les organisations cheminotes demandaient cette reprise depuis de nombreuses années : il faudrait veiller à ne pas présenter comme une décision naturellement initiée par le Gouvernement ce qui n'est qu'une concession.

Celles qui ne sont plus des grandes entreprises publiques, mais de grandes entreprises au service du public, déploient une argumentation somme toute similaire à la vôtre. Le coeur du projet est de réduire les coûts d'exploitation, donc les coûts de fonctionnement. Cela a des effets, pour le personnel comme pour les services rendus à la population.

Il faut déplorer les décisions qui ont été prises ces derniers mois. Elles concernent aussi bien le service, avec l'annulation des prestations de billets de groupe ou des prestations auto-train, que le recours à la sous-traitance, notamment pour l'entretien des réseaux – ce qui a valu au groupe d'être épinglé récemment. Au même moment, le maintien de lignes, les dessertes et les cadencements sont menacés. Quant aux gares, elles sont au coeur des problématiques, qu'il s'agisse du maintien des guichets ou d'opérations financières qui font polémique, comme à la gare du Nord.

La question du « sac à dos social » se pose aussi. Vous l'avez dit, les cheminots s'interrogent et contrairement à ce que disent certains collègues, le climat social dans l'entreprise est loin d'être apaisé. Nous disposons d'éléments qui montrent que les premières négociations avec les organisations syndicales sont pour l'instant enlisées. Quel est votre point de vue, en particulier sur les débats relatifs aux classifications et aux rémunérations ?

Nous sommes surtout préoccupés par l'augmentation des tarifs, la priorité donnée aux grands hubs et aux principaux axes de transport au détriment des petites lignes et la question des retraites, enjeu majeur qui s'ajoutera aux problématiques sociales.

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La parole est à M. Jean-Pierre Farandou pour répondre aux orateurs des groupes.

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Jean-Pierre Farandou

L'indépendance du gestionnaire d'infrastructure est fondamentale. Je veillerai à ce que SNCF Réseau garde une indépendance complète sur les sujets majeurs, en particulier sur les facilités essentielles et l'allocation des sillons. La loi le prévoit, puisque les administrateurs qui représenteront la SNCF au conseil d'administration de SNCF Réseau devront se retirer à chaque fois que des décisions seront prises sur les facilités essentielles. C'est la seule manière de maintenir ce système unifié.

Je suis parfaitement conscient que tout dérapage en la matière porterait atteinte à l'essence même de la construction. J'y serai donc très attentif. De même, le patron de SNCF Réseau adoptera forcément une posture autonome et devra veiller à ce que ces fonctions soient parfaitement exécutées. Je ferai preuve moi-même d'une grande vigilance.

En un contrepoint subtil, l'État a bien fait le choix d'un système unifié. Pendant plusieurs années, et même s'il en existe déjà d'autres, le principal opérateur demeurera la SNCF ; nous sommes convaincus que l'efficacité globale du réseau dépendra de la synergie des deux entités et de leur capacité à travailler ensemble. S'agissant par exemple du nouveau système d'exploitation, le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS, pour European Rail Traffic Management System), il faut que ce qui se passe au sol soit suivi par ce qui se passe à bord. Si l'on veut être efficace, les grands choix technologiques doivent être coordonnés et simultanés.

De la même manière, en ce qui concerne l'exécution des travaux, toute défaillance se répercute immédiatement sur la circulation des trains. Il est donc absolument nécessaire que la planification et l'exécution soient correctement réalisées. La loi, je le rappelle, prévoit que SNCF Réseau retrouve une des fonctions de l'ancienne direction du transport, en étant pivot sur l'exploitation des trains et en exerçant une forme de contrôle de la qualité des opérateurs qui circulent sur le réseau. Il faut donc réinventer une construction ad hoc, un peu originale en France, qui fonctionne dès lors que chacun est bien conscient de ce qu'il peut faire ou ne pas faire. Je serai très attentif à ce que ces différences soient bien respectées.

Vous avez posé de nombreuses questions sur le volet social. Il faut en prendre la mesure, et je profite de ma présence devant la représentation nationale pour le rappeler. Il n'est pas étonnant que ce sujet soit aussi prégnant dans l'entreprise car il se passe beaucoup de choses à la fois.

L'abandon du statut au 1er janvier 2020 est historique. C'est un choc pour les cheminots, qui sont attachés à leur statut depuis toujours : à partir du 1er janvier, ceux qui ont le statut le gardent, mais les nouveaux salariés n'en bénéficieront pas. Nous devons donc définir les règles sociales applicables à ces nouveaux salariés et reprendre tous les éléments avec deux objectifs en apparence contradictoires. D'un côté, les règles du jeu doivent être attractives car la SNCF a besoin d'embaucher. Dans la mesure où l'on constate des tensions en matière de recrutement et qu'il est difficile de pourvoir des emplois dans certaines régions, il faut être attentif au déroulement de carrière, à l'attractivité des postes, aux formations. De l'autre côté, l'idée n'est pas de refaire un « statut bis » car ce n'est pas la peine d'avoir éteint le statut pour le recréer.

Par ailleurs, dans cette règle du jeu social, nous devons parvenir à trouver les éléments de compétitivité qui permettront à la SNCF de faire face à la concurrence. L'élément le plus symbolique à cet égard, mais qui est aussi un enjeu économique important, c'est la polyvalence : les salariés de la SNCF ne doivent pas être attachés à une seule famille de tâches, il faut qu'ils acceptent d'en faire plusieurs.

Cela est particulièrement vrai pour la desserte des territoires moins denses : le conducteur doit s'occuper de son train, faire le plein des sablières, accepter de le garer. Cela n'est pas nouveau à la SNCF et l'histoire fait parfois des retours en arrière. J'ai un peu d'ancienneté dans cette maison et quand je suis entré à la SNCF, les agents étaient polyvalents ; dans les gares, ils faisaient tout : ils vendaient les tickets, ils faisaient passer les trains, ils livraient les wagons, ils passaient un coup de balai s'il le fallait.

Il faut juste retrouver ce que les cheminots acceptaient de faire il y a quelques années. Cela n'est pas impossible, mais il est très important de mettre ce sujet sur la table. Pour autant, ce n'est pas simple et les remarques sur la difficulté de la négociation sont fondées. Mais nous y arriverons !

S'agissant de l'écart de compétitivité, l'ordre de grandeur qui a été donné – entre 25 et 30 % – est exact. Pour le réduire, nous devons nous attaquer à tous les facteurs. La polyvalence, nous l'avons vu, représente un quart des gains possibles. Nous avons su être polyvalents dans le passé, il n'y a pas de raison que nous ne sachions pas l'être à nouveau. En outre, il est plus intéressant pour les salariés de réaliser des tâches variées et riches. Je suis donc optimiste sur ce point.

Nous devons aussi nous attaquer à l'organisation du travail. Rassurez-vous, on travaillera toujours 35 heures à la SNCF. Il ne s'agit pas d'aller au-delà de ce que prévoit la loi, mais il faut travailler vraiment 35 heures. Or cela n'est pas toujours simple – ceux d'entre vous qui ont été chargés de la gestion de collectivités le savent.

Cela passe par la dénonciation d'accords locaux. Au fil des décennies, de nombreux petits accords locaux se sont sédimentés, qui ont tous pour effet que des salariés travaillent moins de 35 heures. Cela était peut-être possible à une époque, mais nous n'en avons plus les moyens maintenant. Il faut donc remettre à plat ces accords – la démarche est d'ailleurs engagée. La règle générale, travailler 35 heures, suffit. Là aussi, c'est le sens de l'histoire : à la SNCF, comme ailleurs, on travaillera 35 heures.

Les effets de la réduction des surcoûts statutaires se feront sentir peu à peu. Cela prendra du temps car les salariés de la SNCF seront encore nombreux à bénéficier du statut. Il faut laisser faire l'histoire.

Venant de Keolis, l'importance des coûts de structure, c'est-à-dire de tous les coûts hors ceux de production, me frappe. À la SNCF, ils représentent le double de ceux d'une entreprise privée. Même s'il y a des raisons à cela, et les agents ne font pas rien, c'est beaucoup. Il faut certainement une attitude plus volontariste pour ajuster les missions menées actuellement au siège et dans les sièges régionaux. Nous devrons renoncer à certaines tâches : elles sont sûrement très utiles mais nous n'avons plus les moyens de les accomplir. Là encore, le mouvement est en marche : comptez sur moi pour le poursuivre. Nos états-majors devront être un peu plus ajustés, comme le sont ceux de nos concurrents. Nous devrons faire comme eux.

Quand vous mettez en branle ces quatre leviers, qui représentent chacun un quart du problème, vous arrivez à le résoudre. Il faudra le faire rapidement, même si certains éléments iront plus vite que d'autres.

J'en reviens au social. Certes, nous devons traiter certaines questions entre nous, au sein de la SNCF. Mais cela s'articule aussi avec la branche, qui travaille sur la classification et les rémunérations, ainsi que sur un nouveau pacte social. Les deux doivent d'ailleurs s'emboîter, l'idée générale étant que la SNCF applique le plus possible ce qui sera négocié dans la branche. Mais il faut tout de même que les cheminots, habitués à d'autres références, s'y retrouvent. Il y a donc un travail à mener de transposition entre « l'ancien monde » et le nouveau. Par de la pédagogie et des mécanismes ajustés, nous devons aider les cheminots à se projeter dans la nouvelle SNCF, par-delà leur propre référentiel. La négociation de branche et la négociation d'entreprise marchent ensemble.

Le sujet des retraites n'est pas spécifique à la SNCF. C'est une réforme générale puisque le Gouvernement a l'ambition de mettre au point un régime universel de retraite – qui dit universel, dit qu'il s'applique aussi aux cheminots. Je m'inscris pleinement dans ce projet.

La difficulté vient du fait que la SNCF a un régime spécial. Là encore, le fait de passer d'un régime spécial à un régime universel pose question – à la SNCF pas plus qu'ailleurs, mais aussi à la SNCF. Il est évident que nous suivrons avec attention la manière dont le Gouvernement conduit cette réforme. Nous userons d'un maximum de pédagogie pour qu'il n'y ait ni fausses rumeurs, ni fausses informations, et que les cheminots puissent disposer d'éléments précis d'information et de réponses aux questions, tout à fait normales, qu'ils se poseraient.

Le dialogue social sera la clé. J'en dis deux mots car c'est là ma conviction et ma méthode. Dans cette expression, c'est le mot « dialogue » que je retiens. Vous le savez, le dialogue est difficile à la SNCF, mais il ne faut jamais renoncer. Il faut discuter avec tout le monde, y compris avec les gens qui ne sont pas forcément d'accord avec vous – il faut dialoguer.

À la SNCF, ne l'oublions pas, les organisations syndicales sont représentatives : parce que 85 à 90 % des cheminots votent aux élections, lorsqu'un syndicat de la SNCF s'exprime, il parle au nom d'une part importante des cheminots. On ne peut pas faire comme si cela n'existait pas. Il faut l'entendre et essayer de trouver un chemin.

Les positions de départ peuvent être éloignées, mais, au fond, nous voulons la même chose : que la SNCF s'adapte à un nouveau monde, qui est ce qu'il est, et que la SNCF survive. On ne veut pas que la concurrence prenne trop de parts de marché. On veut donner un futur à cette entreprise. En tout cas, c'est ce que je veux, et je suis convaincu que les syndicats le veulent aussi.

On peut parfois différer sur le rythme et les solutions mais, au fond, l'objectif est partagé. Dès lors, le dialogue est possible. Des points de convergence peuvent apparaître même si des éléments de discussion subsistent.

On connaît la grève à la SNCF : il y en a eu, il y en aura peut-être encore, je ne vous promets pas qu'il n'y en aura plus. La grève traduit un échec du dialogue social, puisqu'elle concrétise le fait que nous n'avons pas réussi à nous écouter, à nous entendre – pas suffisamment, en tout cas. Elle est un échec pour le service public, parce que quand les trains ne roulent pas, les usagers sont pénalisés, les chargeurs ne reçoivent pas leur train de marchandises. Ceux-là ne seront pas incités à utiliser le rail si les trains ne sont pas fiables lorsqu'ils en ont besoin.

La grève est à éviter. Là encore, nous en revenons au dialogue, au sens des responsabilités. Soyons attentifs aux actes posés par les uns et par les autres, parce qu'il y va de l'avenir de cette entreprise. On ne peut pas jouer indéfiniment avec cela, et la sanction peut être terrible. Si l'entreprise de service que nous sommes ne répond pas aux attentes de nos clients, ils nous quitteront, et nous aurons peut-être du mal à les rattraper.

La sécurité et le bon état du réseau sont fondamentaux. Les accidents sont un drame terrible ; on ne prend pas le train pour y être blessé ou perdre la vie. Le train, ce doit être la sécurité parfaite, totale. Ce principe est intrinsèque au mode ferroviaire. Quant aux salariés, ils ne viennent pas à la SNCF pour se blesser, ou pire encore. Cette idée est insupportable. La sécurité est et restera aux fondements de la SNCF. Il n'y a pas de futur à la SNCF s'il n'y a pas de sécurité, c'est aussi simple que cela.

Je connais assez bien ces sujets : j'ai passé tous les certificats de sécurité quand j'étais plus jeune et cette culture de sécurité reste, croyez-moi. Quand vous l'avez une fois dans la tête, vous l'avez pour toujours ! J'y passerai du temps et je ferai moi-même des revues et des contrôles de sécurité. Je veux incarner le fait que la sécurité est la valeur cardinale de la maison. Comptez sur moi pour poursuivre les efforts entrepris. Le programme PRISME a eu des effets réels sur la sécurité des circulations, mais il reste encore beaucoup de travail à faire sur la sécurité du personnel.

Le réseau est bien sûr fondamental car c'est le premier élément de sécurité. Si le rail casse sous les roues du train, il n'y aura pas de sécurité. Il convient de souligner les efforts importants accomplis depuis quelques années, repris par le Gouvernement et confirmés dans la trajectoire. Cela me rend confiant dans notre faculté à régénérer ce réseau et à rattraper le retard pris par rapport à certains pays européens, à la fois sur les voies ferrées, les postes d'aiguillage, les caténaires ou la signalisation. C'est un effort immense.

Nous tous, et ceux qui nous succéderont, devons le poursuivre. Je le dis devant la représentation nationale : rattraper le retard n'est pas l'affaire d'un ou deux ans. Ce qui est passé est passé. Nous n'avons pas mis assez d'argent sur la régénération du réseau, qui a vieilli et s'est abîmé. Il faut désormais le redresser, c'est la seule manière d'assurer la sécurité et le développement du ferroviaire dans notre pays.

La ponctualité a été la valeur cardinale de la SNCF. Les plus anciens ici se souviendront de cette réclame pour l'emprunt SNCF où un garde-barrière faisait cuire son oeuf à la coque entre deux passages de trains. Nous nous sommes peut-être perdus au fil du temps. Il faut retrouver la pression que nous avons un peu relâchée. C'est en cours.

Tout part de la conception. Le ferroviaire, c'est très subtil : imaginez 15 000 trains qui roulent au même moment sur le réseau. Si l'un est en retard, ou en avance, il retarde tous les autres. Et cet équilibre subtil est à recommencer tous les jours : ce que vous avez fait un jour doit être recommencé le lendemain. Le premier maillon de la chaîne, la conception, doit être robuste. Il faut appliquer des normes afin que le plan de production, qui sera mis en exécution le jour J, soit fiable et solide. Nous sommes en train de retrouver cette robustesse de conception.

La ponctualité dépend aussi de l'exécution. Jeune cheminot, je courais pour que le train parte à l'heure. Si mon express démarrait avec deux minutes de retard de Poitiers, alors le régulateur – un métier que j'ai aussi exercé – au poste de commandement de la région, mettait « une bulle ». Cette bulle devenait un rapport, qui arrivait à mon patron, qui m'enguirlandait ensuite en me demandant comme je m'y étais pris pour retarder le train. Cela montre à quel point les choses étaient suivies. On ne plaisantait pas avec la conception et l'exécution.

Mon objectif est très clair. J'en ai assez que l'on nous dise que les Japonais ou les Suisses sont meilleurs que nous. Je veux mettre la SNCF à leur niveau, et c'est possible. Les causes externes existeront toujours. Malheureusement, des personnes mettront fin à leurs jours, des orages feront tomber des arbres sur la voie : on ne peut pas y faire grand-chose, sauf intervenir le plus vite possible.

Mais il ne faut plus de causes internes. Il est inadmissible que le train de Saint-Quentin soit annulé faute d'engin ou de conducteur. Il faut que les engins fonctionnent et que les conducteurs soient présents. Cela ne tient qu'à nous. C'est une question d'organisation, de ressources, de planification. Il ne doit y avoir aucune défaillance du côté de l'opérateur.

Quant aux travaux, ils doivent être achevés à l'heure. La voie doit être rendue à cinq heures trente pour que les trains de banlieue démarrent, sinon les premiers trains du matin seront annulés et tout le carrousel s'en trouvera affecté. Là-dessus, je ne lâcherai pas ! Nous allons poursuivre les efforts pour relever encore le niveau d'excellence des opérations sur le réseau. Les Français l'attendent, c'est indispensable.

Mme Valérie Lacroute a évoqué la grande couronne. Aujourd'hui, environ 90 % des trains sont à l'heure. On pourrait penser que ce n'est pas si mal. Pourtant, cela signifie qu'une fois sur dix, le train est en retard, et pour un banlieusard qui prend chaque jour le train pour aller travailler, c'est trop en une semaine. Nous allons essayer de relever ce chiffre de cinq points – ce qui est énorme ! – pour le porter à 95 %. Mais il y aura encore des retards, et ce qui apparaît comme une performance sur le plan opérationnel sera encore en deçà des attentes des usagers. C'est là-dessus que nous devons travailler et avancer.

Cela fait longtemps que l'on parle du fret. Si la solution était évidente, mes prédécesseurs et les différents gouvernements l'auraient adoptée. Il s'agit d'un échec collectif et durable.

Nous sommes devant un paradoxe : nous avons tous envie de soutenir le fret, mais nous n'y parvenons pas. L'idée même qu'il pourrait ne plus y avoir de trains de fret en France est insupportable, plus encore au sein de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. On ne peut admettre que la part des marchandises convoyées par le train puisse tomber de 10 % à 8 %, puis de 5 % à 1 % car, en parallèle, le nombre de camions augmentera – 1 train représente 44 camions – et avec, la congestion, l'insécurité et la pollution – un train est dix fois moins polluant.

Mais plutôt que de se livrer aux imprécations, il convient de se poser les bonnes questions. Si le Perpignan-Rungis a été arrêté, c'est qu'il roulait à vide. On ne va pas faire rouler des trains vides, ce ne sont pas des trains « Potemkine ». Pourquoi n'y a-t-il pas de marchandises dans les trains ? Tant que l'on n'aura pas répondu à cette question, on fera semblant de chercher la solution. Moi, je ne veux pas m'arrêter à la surface des choses, mais traiter le problème au fond.

La première raison tient aux sillons, les « slots » ferroviaires. Alors que, techniquement, un train de fret peut rouler à 100 kilomètresheure, donc plus vite qu'un camion, sa vitesse moyenne est de 30 ou 25 kilomètresheure. Cela est dû au fait qu'il doit se garer tous les cent kilomètres, soit pour laisser passer les trains de voyageurs, soit à cause d'un chantier sur la voie. Un camion roule donc trois fois plus vite, et il en est déjà à son deuxième aller-retour quand le train n'est pas encore arrivé. Sur le temps de trajet, le train n'est pas compétitif.

Il ne l'est pas davantage sur le plan financier. Une locomotive coûte cher : 8 millions d'euros. En termes de rotation du capital, ce n'est pas la même chose si le million d'euros travaille à 100 kilomètresheure ou s'il travaille à 30 kilomètresheure ! Je parlais d'investissements productifs : à l'évidence, le retour n'est pas le même !

Il n'y a pas cinquante solutions et pour le coup, mesdames et messieurs les députés, vous m'aiderez peut-être dans la mesure où cela relève d'un choix politique. Il faut demander à SNCF Réseau, qui ne peut pas s'auto-missionner, des sillons de qualité pour les trains de fret. Ces sillons doivent dépasser nos frontières, car les flux de marchandises entre les grands ports d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique et l'Europe du sud sont bien évidemment européens. La France est au carrefour des axes Nord-SudEst-Ouest. C'est là un vrai défi à relever, mais c'est à cette condition que les trains de fret redeviendront compétitifs. Vous verrez alors que les marchandises y reprendront leur place.

Un autre handicap du fret ferroviaire tient au fait que le train revient à vide après un trajet à plein. Cela n'est pas très rentable et il faut pouvoir affecter les marchandises de manière à utiliser la rotation des wagons et des locomotives.

Si nous arrivons à mettre en oeuvre ces idées simples, alors oui, le fret ferroviaire aura un avenir. Si nous ne le faisons pas, nous irons de rustine en rustine. Sachez que j'userai de toute mon énergie, car je n'accepte pas l'idée que la ligne de fuite soit celle de la disparition progressive des trains de fret en France. Mais il faudra m'aider : ensemble, avec une vision française et européenne, on peut y arriver !

Les problèmes rencontrés en Île-de-France sont représentatifs des maux du ferroviaire, puisque c'est sur ce territoire que sont concentrés le plus grand nombre de trains et de passagers. Comme Mme Valérie Lacroute l'a souligné, il y a un problème de rattrapage. Les travaux sont engagés et franchement, l'État, la région et Île-de-France Mobilités jouent bien le jeu. Mais cela sera long et compliqué pour les usagers, avec un nombre de trains réduits pendant les travaux.

Ce que j'ai dit sur la ponctualité et la sécurité vaut pour l'Île-de-France. Les travaux, réalisés la nuit, doivent être achevés à temps. L'information des voyageurs est la clé et malgré des progrès notables, l'effort doit se poursuivre. Le travail en commun avec les territoires et les élus est essentiel : l'articulation doit être parfaite pour bien identifier les risques, les problèmes et les besoins d'explications. L'Île-de-France est une priorité évidente de la SNCF, avec de grands projets symboliques comme Éole – le premier en termes de coût. L'ère des TGV est derrière nous, nous investissons désormais et de façon massive pour améliorer en profondeur les circulations et les services en Île-de-France.

L'assistant personnel de mobilité demeure un chantier ouvert, il y en aura d'autres versions. La mobilité, au sens général, suppose d'abord une intermodalité physique. Nous proposons des palettes de solutions à nos concitoyens dans tous les territoires afin qu'ils puissent enchaîner facilement les modes de transport – vélo, voiture, covoiturage, car, train, et dans les villes, tramways, métros et bus à haut niveau de service (BHNS). Le transport étant d'abord une affaire physique, il faut organiser concrètement cette mobilité : nous devons donc aménager des correspondances, des pôles d'échanges de qualité, des parkings, des aires de stationnement pour les bus et les cars près des gares, des lieux d'attente confortables, choisir une signalétique adaptée, etc. Le chantier est vaste.

Organiser la mobilité, c'est aussi fournir l'information. Je suis conscient que celle-ci ne peut être uniquement digitale, j'y reviendrai. Pour autant, l'idée d'une plateforme de mobilité nationale est réjouissante. Cette plateforme ne serait pas, bien sûr, exclusive des plateformes régionales et locales : le citoyen se détermine dans son univers et pour celui qui reste dans sa ville, la plateforme urbaine est largement suffisante. Mais celui qui se déplace sur de plus grandes distances a besoin d'une réponse nationale, voire européenne.

J'estime que c'est la SNCF qui est la mieux placée pour construire cette plateforme. Elle bénéficie déjà d'une certaine expérience avec le TGV et dispose, avec son armée d'ingénieurs digitaux, d'une puissance de feu à nulle autre pareille. Mais il me semble qu'elle s'y prend mal et souffre d'un problème de méthode, de gouvernance. La SNCF fait peur aux territoires : elle véhicule l'image d'un groupe puissant, trop expert, avide d'imposer ses solutions quand, au contraire, il lui faudrait aller chercher tout le monde.

La plateforme de mobilité nationale n'existera que si chaque région, chaque ville et chaque bassin de vie consentent à y participer. La clé, c'est la gouvernance. La SNCF doit accepter un mode de gouvernance qui l'empêchera de décider seule, lui imposera de partager les clés et de rechercher le consensus. Nous aurons alors créé les conditions pour que le choix de rejoindre l'initiative de la SNCF ne soit pas contraint, mais volontaire. Chaque territoire doit être d'accord pour participer à l'aventure, c'est à la SNCF de le séduire. Nous en sommes à la version I, nous avançons. C'est faisable, mais uniquement si la gouvernance est partagée.

Je vous l'accorde, il n'y a pas que le digital. Un tiers des usagers est très à l'aise avec le smartphone et les applications : il s'agit, pour faire simple, des jeunes ; un autre tiers, dont je fais partie, utilise surtout son ordinateur et ne sert de son smartphone que pour communiquer ; le dernier tiers ne dispose pas de PC ou ne sait pas s'en servir. Le service public s'adresse à tous, il ne doit pas y avoir de fracture sociale, territoriale ou générationnelle. Les gens ont besoin d'être conseillés par une voix humaine, il faut absolument maintenir les services par téléphone.

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Avant de passer la parole à mes collègues, je m'autoriserai une question sur le glyphosate, un sujet qui nous préoccupe : quelles solutions avez-vous adoptées pour parvenir à supprimer son emploi d'ici 2021 ?

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Les relations financières entre la SNCF et SNCF Réseau ont déjà fait l'objet d'une question mais je ne crois pas avoir entendu de réponse. L'article 14 du projet de loi de finances pour 2020 apporte des précisions sur le régime fiscal des dotations qui seront versées par la SNCF à SNCF Réseau. On sait qu'il ne sera pas possible de faire remonter à la société mère des recettes issues de l'activité de gestionnaire de SNCF Réseau. Avez-vous déjà un regard sur ces flux financiers et sur le moyen de les sécuriser vis-à-vis du droit européen de la concurrence ?

À lire vos propos, il m'a semblé que vous étiez assez pessimiste sur le développement de l'offre de trains de nuit, notamment du fait des investissements nécessaires, dont vous dites qu'ils « ne seraient pas économiquement justifiables pour un opérateur en service librement organisé ».

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Dans votre propos liminaire, vous vous êtes dit attaché aux territoires, et je m'en réjouis. Aussi, êtes-vous prêt à revenir sur la suppression du TGV de 5h32 au départ d'Annecy, via Chambéry, qui permet aux acteurs économiques de faire l'aller-retour à Paris dans la journée ?

Vous avez dit que vous en aviez assez d'entendre dire que les Suisses ou les Allemands étaient meilleurs que les Français ; s'agissant des trains de nuit, il faudrait que nous nous inspirions des Autrichiens et des Nightjet du groupe ÖBB. Figurez-vous que cela marche ! Êtes-vous prêt à rencontrer les acteurs locaux pour bâtir avec eux un nouveau projet « Train de nuit » ?

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Vous avez indiqué que vous souhaitiez un service personnalisé et une attention portée à tous les clients. Quelles sont vos ambitions concernant l'accessibilité ? La loi de 2005 n'est pas appliquée et nombreuses sont les gares qui ne sont pas accessibles aux personnes à mobilité réduite, aux personnes en situation de handicap, aux personnes âgées ou aux parents avec poussettes. Je suis élue de la circonscription de Melun, en Seine-et-Marne, et j'emprunte la ligne R pour venir à l'Assemblée. Pas moins de 47 000 voyageurs – ils seront 30 % de plus à l'horizon de 2030 – transitent par cette gare qui présente de nombreux problèmes d'accessibilité. Quelles actions comptez-vous mettre en place pour rendre les gares accessibles, le plus rapidement possible ?

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Merci, madame la présidente, de m'avoir permis d'assister à cette audition en tant que rapporteur spécial du budget des transports. Je vous félicite, monsieur, pour votre prochaine nomination et salue la méthode « Farandou », qui associe volontarisme et proximité. Nous avons plusieurs points communs : je suis moi aussi girondin et, comme Mme Laurianne Rossi, un ancien cheminot attaché au service public et aux territoires, dont vous dites que vous les avez chevillés au corps. Je vous fais donc pleinement confiance pour mettre d'urgence en application le nouveau pacte ferroviaire que nous avons adopté il y a maintenant un an.

Vous parlez de la nouvelle SNCF comme Jacques Chaban-Delmas parlait de la Nouvelle société. Je vous sais attaché aux TER ; je me souviens, lors d'une audition avec M. Philippe Duron dans le cadre des travaux du Conseil d'orientation des infrastructures, que vous disiez : « il nous faut gagner la bataille de la pollution et de la congestion ». Comment comptez-vous y parvenir ?

J'ai entendu vos propos sur la gouvernance : quelles relations voulez-vous entretenir avec les élus ? Enfin, 20 % du parc ferroviaire est composé de machines diesel. Comment envisager son verdissement ?

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Je voudrais insister sur les petites lignes, ou « lignes de desserte fine », ainsi que vous l'avez précisé. Dans le département très dynamique de la Vendée, c'est un sujet d'actualité. Je suis persuadé que certaines lignes pourraient être complétées et d'autres ouvertes. Je souhaiterais, comme toute la population, que votre nouvelle gouvernance prenne un peu moins en compte les lignes TGV et bien davantage les lignes de desserte fine.

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Le suspense quant au résultat du vote n'étant pas insoutenable, je vous souhaite de réussir dans ce prochain poste. L'ouverture à la concurrence est quelque chose de compliqué, y compris intellectuellement, pour le futur patron de la SNCF qui devra à la fois gérer son entreprise et vérifier qu'il existe bien une indépendance entre SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Comment allez-vous vous y prendre pour réaliser, dans les faits, l'ouverture à la concurrence voulue par le Gouvernement et le législateur ?

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À l'heure où le prix des carburants augmente, les lignes que vous préférez appeler « de desserte fine » plutôt que « secondaires », ce dont je vous remercie, sont indispensables à nos concitoyens. Je pense, comme M. Benoit Simian, que l'hydrogène est une solution. En Indre-et-Loire, il existe des producteurs de groupes électrogènes autonomes fonctionnant à l'hydrogène, susceptibles d'être installés sur de petits territoires. L'Europe finance ce type de projets. Mme Karima Delli nous a expliqué qu'un plan européen pour les lignes de desserte fine allait être lancé. Alors allons-y, et expérimentons l'hydrogène ! C'est avec plaisir que je vous accueillerai en Indre-et-Loire, monsieur le futur président.

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Je vous félicite, monsieur Farandou, pour votre prestation. Nous connaissions votre CV et savions que vous étiez « de la maison ». Au-delà des grands enjeux de la nouvelle SNCF, c'est la catastrophe pour le transport du quotidien ; j'espère que vous mesurez la tâche qui vous attend. Sur la ligne Château-Thierry-Paris, la ligne P du Transilien, pas une journée ne se passe sans incident – c'est insupportable ! Château-Thierry est une gare frontière et j'insiste depuis plusieurs années pour que soit nommé un responsable de ligne. Vous avez parlé de vos contacts avec les territoires. N'ayant jamais reçu de réponse aux nombreux courriers que j'ai adressés à la direction de la SNCF, je souhaite que le député, dont vous avez sollicité l'action à travers l'aspect législatif, soit désormais un acteur dont on entende la voix.

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Cette proposition de nomination me réjouit car je suis convaincu que vous avez à coeur de « donner au train des idées d'avance ». Cela passe par une politique en matière d'innovation. Comment comptez-vous valoriser la profusion de données de mobilité dont vous avez la chance de disposer ?

Par ailleurs, lorsque l'on parle des territoires, on évoque les gares. J'aimerais connaître votre sentiment sur une initiative superbe, mise en place par la SNCF, le programme « 1 001 gares », dont fera bientôt partie celle de Saint-Chamas, dans ma circonscription.

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Lors du débat sur le projet de loi d'orientation des mobilités, nous avons souligné à plusieurs reprises l'intérêt que pourrait présenter la mise en service de trains de nuit de dernière génération, comme il en existe dans d'autres pays européens. Plusieurs élus, dont je suis, ont proposé que des expérimentations soient conduites dans les territoires les moins bien desservis et les plus éloignés de la capitale. Je pense à la préfecture du Cantal, Aurillac, au départ de laquelle il faut compter pas moins de sept heures – vous avez bien entendu ! – pour rallier une gare parisienne. J'aimerais recueillir votre avis sur cette proposition et la possibilité de conduire des expérimentations dans les territoires désespérément à l'écart du réseau de lignes à grande vitesse, auquel, de toute évidence, la SNCF a tourné le dos.

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Merci pour votre brillante présentation : vous nous avez convaincus, vous êtes l'homme de la situation ! Vous avez dit que la sécurité était la première de vos priorités. Or le dernier rapport de l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) montre que les problèmes persistent et qu'environ 5 000 kilomètres de voies subissent des ralentissements. Cela est lié aux infrastructures, vous l'avez dit, mais aussi à des systèmes de communication radio qui ne sont plus en phase avec les systèmes modernes.

Par ailleurs, le ferroutage a du mal à se développer en France. Alors que les projections montrent une hausse importante du trafic routier ces prochaines années, pensez-vous le faire progresser ? Je souhaite aussi vous interroger sur la fracture numérique et les difficultés rencontrées pour acheter des billets : avez-vous l'intention de généraliser l'expérience de vente dans les bureaux de tabac ?

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L'un des enjeux de l'ouverture à la concurrence est celui de la modernisation de l'expérience client. Le contrôle des voyageurs présente bien des difficultés, entre son aspect aléatoire et les situations conflictuelles qu'il ne manque pas d'occasionner. La nouvelle SNCF se fera distancer par ses concurrents si elle ne modifie pas sa manière de vérifier les titres de transport dans les trains. Le contrôle des billets, donc la lutte contre la fraude, est un enjeu financier pour la nouvelle SNCF, mais il a aussi des conséquences sur la sécurité et la qualité de l'expérience pour l'ensemble des voyageurs. Pouvez-vous nous parler des autres pratiques en Europe et nous dire votre stratégie pour en faire un atout de la nouvelle SNCF ?

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Il y a quelques mois, la SNCF indiquait projeter de fermer plus d'une centaine de petites gares du réseau national. La ligne des Alpes reliant Marseille à Briançon est fortement touchée par cette décision. Comment peut-on imaginer laisser des personnes se débrouiller seules pour acheter leur billet ? Comment peut-on imaginer laisser des voyageurs attendre leur train sous les intempéries ? Les services de SNCF Mobilités de la région Sud m'ont affirmé que des agents seraient présents dans des gares, au contact du public. Sauf qu'il ne s'agira que de certaines gares, à certaines heures. Comment donner l'envie de train lorsqu'il faut affronter une usine à gaz pour acheter un billet ? Bientôt, les voyageurs mettront plus de temps à acquérir leur titre de transport qu'à faire le trajet Gap-Marseille – trois heures tout de même ! Quelles sont vos intentions dans ce domaine ?

D'autre part, où en est le rapport technique demandé à SNCF Réseau concernant les travaux sur la ligne Gap-Grenoble, et la possibilité de faire passer le train de nuit Paris-Briançon durant la période où les travaux seront effectués entre Valence et Veynes ?

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Fermetures de guichets, retards de train, suppressions de petites lignes, manque de parkings aux abords des gares, défaut d'information des passagers, travaux sur les voies : voilà ce que nous entendons régulièrement dans nos permanences ou lors de nos échanges en circonscription. À l'heure où nous devons encourager les nouvelles mobilités et changer nos habitudes en laissant nos voitures au garage, nous devons pouvoir compter sur un service SNCF de qualité, sûr et fiable. Cela ne concerne pas que les lignes à grande vitesse ; au contraire, ces questions sont plus prégnantes encore en zones rurales ou périurbaines, où les Français empruntent chaque jour le TER pour se rendre au travail. Comment entendez-vous réconcilier les usagers avec la SNCF et leur donner confiance dans leur réseau ?

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Jean-Pierre Farandou

Madame la présidente, il est possible de supprimer le recours au glyphosate d'ici 2021. Nous y travaillons avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Réduire en grande partie l'usage des produits phytosanitaires aura un coût, non négligeable, de 60 millions d'euros. SNCF Réseau se propose de déployer une solution, qui sera testée et validée par un organisme extérieur. Pour le moment, cela se présente bien. Nous espérons que cette solution fonctionnera et qu'elle sera acceptée de tous, car l'alternative – arracher à la main toutes les mauvaises herbes – n'irait pas sans poser problème…

S'agissant des flux financiers, je rappelle que c'est la partie transporteur de la SNCF qui viendra alimenter SNCF Réseau par ses dividendes. Nous serons très attentifs à ce que les flux aillent bien dans ce sens et que, comme la loi le prévoit, les recettes de SNCF Réseau restent à SNCF Réseau. Si les parlementaires souhaitent s'assurer du strict respect de la loi, nous les accueillerons bien volontiers.

Les trains de jour sont le premier ennemi des trains de nuit. C'est vrai pour la plupart des territoires : le formidable réseau TGV que nous avons développé a rendu moins pertinents les trains de nuit Paris-Marseille, Paris-Nice, Paris-Bordeaux ou encore Paris-Toulouse et si les Autrichiens ont relancé les trains de nuit, c'est qu'ils n'ont pas de TGV… Restent les autres territoires, en particulier de montagne. Le Cantal a été cité, tout comme le Briançonnais ou la région de Latour-de-Carol. L'opérateur SNCF estime aujourd'hui – mais peut-être se trompe-t-il ? – que les recettes tirées de ces trains ne lui permettent pas d'investir dans du matériel nouveau. D'ailleurs, l'État le reconnaît puisqu'il a décidé, avec sa casquette d'autorité organisatrice, d'investir dans du nouveau matériel, ce qui est une bonne nouvelle pour les usagers des trains de nuit.

L'État peut aussi décider une mise en concurrence ; nous verrons alors si d'autres opérateurs se sentent capables d'offrir de meilleurs services, à des coûts moins élevés pour la collectivité. Ce sera alors le jeu de la concurrence.

Toutes les idées sont bonnes à prendre, et je veux bien que les équipes de la SNCF aillent voir ce qu'il se passe en Autriche, même si la configuration française, de manière générale, se prête moins bien aux trains de nuit. Pour autant, je crois à cette modalité : dans certaines régions, le train de nuit permet effectivement de relier directement Paris.

J'ai bien noté, monsieur Vincent Rolland, que vous souhaitiez que le TGV de 5h32 qui passe à Chambéry soit maintenu. Mais j'ai besoin d'une vision globale sur les sillons : vous comprendrez que je ne peux pas, hélas, vous donner de réponse aujourd'hui.

Le secteur des transports n'est pas le seul à accuser un retard en matière d'accessibilité : les bibliothèques, les piscines par exemple sont aussi concernées. La loi de 2005 était généreuse, mais rendre accessibles tous les équipements requiert des investissements colossaux. Il est certain qu'il faut le faire, ne serait-ce qu'au regard des valeurs républicaines – liberté d'accès, égalité de traitement, fraternité entre concitoyens, tous potentiellement concernés. Les situations de mobilité réduite sont plus larges que celles auxquelles on pense et nous devons poursuivre nos efforts. Il existe un schéma national, réalisé à moitié, et des schémas régionaux – un tiers des gares régionales sont équipées, mais on cherche encore le concours des régions, quelque peu en retard. Il est certain que nous devons poursuivre l'effort, à la fois sur les gares et les matériels – les nouveaux sont accessibles en raison des spécifications récentes. On ne lâchera pas. Tout le monde doit pouvoir accéder au train. On ne peut pas parler de service public si une partie de la population n'y a pas accès.

Je me suis exprimé sur les lignes de desserte fine. C'est un nouveau logiciel qui se met en place. Après des années où tout le monde détournait son attention de ces lignes, l'État, les régions, la SNCF et SNCF Réseau les considèrent à nouveau. Nous attendons tous l'éclairage du rapport de M. François Philizot. Nous sommes en bon chemin. Il reste encore un « coup de collier » à donner, mais la volonté politique est largement partagée pour leur donner un avenir, et la SNCF la mettra en oeuvre. J'introduis cependant une nuance : le schéma ne sera pas identique à l'existant. Nous devons faire travailler notre imagination, coconstruire avec les populations concernées pour faire apparaître des solutions locales. On peut ainsi penser à des trains nouveaux, plus légers, à d'autres formes d'intermodalité. Quoi qu'il en soit, je sens un nouvel élan et c'est tant mieux. Ces lignes sont aussi l'illustration du service public ferroviaire dans des territoires moins denses.

Oui, il faut à la fois ouvrir le réseau à la concurrence et concevoir une nouvelle organisation. SNCF Réseau a commencé. Pas plus tard qu'hier, je m'entretenais à Nantes avec le vice-président de la région Pays de la Loire qui me disait que des agents, chez SNCF Réseau, l'aidaient à mettre la SNCF en concurrence. On ne peut pas faire mieux !

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Jean-Pierre Farandou

C'est le « en même temps » ! Il faut à la fois faire en sorte qu'un opérateur autre que la SNCF accède librement au réseau – qu'il s'agisse de fret, de voyageurs, de longues ou de courtes distances –, et que le service d'opérateur de la SNCF s'adapte à la concurrence. Je vous rappelle qu'au poste que j'occuperai, je serai au-dessus de la mêlée. Je ne serai pas un « M. Guillaume Pepy bis », je ne serai pas à la fois le patron du tout et le patron de SNCF Mobilités. La loi ne l'a pas voulu, et c'est une bonne chose. Je serai garant de l'efficacité du système ferroviaire général. On ne mélangera pas les genres. C'est là un gage supplémentaire de l'indépendance de SNCF Réseau – les raccourcis pouvant être parfois un peu hâtifs.

Si l'on raisonne en nombre de voyageurs et non de kilomètres parcourus, Transilien est le champion, avec plus de 3 millions de personnes par jour, tandis que les TER transportent 1 million de personnes et les TGV, 300 000. Bien évidemment, les transports de la vie quotidienne composent l'essentiel de la SNCF. Nous n'allons pas non plus pencher de l'autre côté de la balance et nous mettre à négliger le TGV – j'ai même entendu que l'on en voulait davantage à Chambéry…

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Jean-Pierre Farandou

Il ne s'agit pas d'opposer les uns aux autres. Les territoires veulent, et c'est normal, des liaisons rapides vers Paris, ou peut-être même entre capitales régionales – c'est une chose que nous devons développer.

Sur le TGV, vous savez qu'il y a Inoui d'un côté, Ouigo de l'autre – un succès populaire formidable, qui permet à tout le monde d'accéder à la grande vitesse. Il faut poursuivre ce mouvement, sans négliger l'effort sur les TER.

Je voudrais rendre hommage aux régions, y compris l'Île-de-France, car ce sont elles qui ont sauvé le train régional en France, qui lui ont donné et qui lui donnent un avenir. D'ailleurs, ce sont elles qui ont désormais le pouvoir de mettre la SNCF en concurrence. Vous le voyez, la boucle est bouclée ! Après tout, si la SNCF n'est pas au rendez-vous, la sanction tombera. À nous de bien faire les choses.

Monsieur Jacques Krabal, je suis choqué et je trouve inadmissible que l'on n'ait pas répondu à vos courriers. Nous vous devons une réponse, quand bien même celle-ci ne vous satisferait pas.

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Je préférerais qu'elle me satisfasse !

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Jean-Pierre Farandou

Je ne veux pas être « démago » et laisser entendre que je dirai « oui » par principe aux députés qui m'écriront – je souhaite que vous me perceviez comme quelqu'un de sérieux et de responsable ! Pour autant, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous rendre service. Nous vous devons a minima une réponse, comme vous êtes tenu de répondre à vos concitoyens.

Nous n'en sommes qu'aux débuts de la data et nous n'avons pas encore découvert tout ce que les données massives peuvent nous apporter. La data industrielle constitue une véritable révolution. Autrefois, c'était l'âge de pierre, on attendait que les portes des trains tombent en panne pour les réparer. Nous sommes depuis passés à la maintenance préventive, on arrête les trains tous les six mois pour réparer les portes. C'est bien mais un peu grossier : peut-être qu'une seule porte sur vingt nécessiterait qu'on la répare ! Bientôt, la maintenance sera prédictive : grâce aux capteurs, nous pourrons arrêter le train juste avant que la porte en question ne tombe en panne. L'immobilisation du train durera moins longtemps, coûtera bien moins cher et sera bien plus efficace.

La data permettra aussi d'améliorer le parcours client. En outre, disposer de données sur les déplacements permettra aux autorités organisatrices d'anticiper sur la demande. Je rêve que l'on puisse ainsi affiner les fréquences : plutôt que de faire passer le nombre de Paris-Arras de 10 à 15 trains par jour, il serait peut-être plus utile de porter la fréquence à 18 trains à certaines périodes, et de l'abaisser à 8 à d'autres. La data nous permettra d'anticiper sur la demande réelle. Et au lieu d'être enfermés dans des dessertes rigides, nous aurons demain des dessertes déterminées par les prévisions issues des données. La fine connaissance des besoins et l'adaptation de l'offre à la demande constitueront une révolution.

Le rapport de l'EPSF est un peu sévère. Je vous assure que si l'EPSF avait eu le sentiment que la sécurité était en jeu, il aurait interdit la circulation des trains. Pour autant, l'établissement fait son travail et effectue des contrôles. Lorsqu'il souligne des écarts à la norme technique, la SNCF y répond. Il a pointé les boulons desserrés, mais cela concerne 1 boulon sur 4 500 – c'est sans doute un de trop, mais cela remet l'église au milieu du village ! Soyez persuadée, madame Danielle Brulebois, que l'on ne court pas de risque en circulant sur le réseau français – ce n'est pas nous qui le disons, mais l'EPSF. Par ailleurs, nous continuons le formidable effort de remise à niveau, nous allons y arriver et nous tous fiers de l'excellence du réseau ferroviaire français.

Les gares, c'est très important. Une anecdote, parce que les convictions se forgent par l'expérience. Lorsque j'étais président de l'Union des PIMMS, il y a quelques années, j'ai décidé, avec M. Michel Mercier, alors ministre de l'aménagement du territoire, d'utiliser les petites gares dans les bourgs, où plus rien ne se passait. Je peux vous dire que cela change tout ! Au lieu de faire 40 ou 50 kilomètres pour aller à Pôle Emploi, les personnes se rendaient à la gare, à 2 kilomètres de là. Les gares sont un instrument formidable, pour les passagers bien sûr, mais aussi pour les commerces de proximité et les services publics. Ce sont des lieux très symboliques, des lieux de la République. L'initiative, formidable, des « 1 001 gares » est tout à fait dans cette lignée et je l'encouragerai. La gare est au coeur de la coconstruction avec les territoires, nous poursuivrons dans ce sens.

Je sais qu'il existe un problème sur la ligne Gap-Marseille, mais je ne le connais pas encore suffisamment pour vous répondre. C'est d'ailleurs toute la ligne du Besançonnais qui est touchée. Nous devons regarder la nature exacte des travaux qui doivent être réalisés, mais rassurez-vous, nous ne laisserons pas tomber la ligne !

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Nous avons besoin de prendre connaissance du rapport.

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Jean-Pierre Farandou

Je ne maîtrise pas suffisamment le sujet pour vous donner une réponse précise.

Je ne veux pas botter en touche sur le sujet de la présence de personnels dans les gares. Nous devons vraiment y travailler avec les territoires et les régions. Il appartient à ces dernières de déterminer le niveau de service qu'elles souhaitent dans les gares, puisqu'il faut bien l'admettre, ce n'est plus la SNCF qui décide ! Le sujet se discute donc à trois : les élus, la région et la SNCF.

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Il me reste à vous remercier, en vous souhaitant évidemment le meilleur, ainsi qu'à la SNCF et à vos équipes.

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Après le départ de M. Jean-Pierre Farandou, il est procédé au vote sur la proposition de nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant M. Jean-Marc Zulesi et Mme Zivka Park.

Les résultats du scrutin qui a suivi l'audition sont les suivants :

Nombre de votants22
Bulletins blancs ou nuls0
Abstention1
Suffrages exprimés21
Pour21
Contre0

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Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 15 h 05

Présents. - Mme Bérangère Abba, Mme Valérie Beauvais, M. Christophe Bouillon, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, M. Vincent Descoeur, M. Loïc Dombreval, M. Guillaume Garot, M. Yannick Haury, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, M. Patrick Loiseau, M. David Lorion, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Bruno Millienne, M. Jimmy Pahun, Mme Zivka Park, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, M. Damien Pichereau, M. Loïc Prud'homme, Mme Laurianne Rossi, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, M. Pierre Vatin, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - M. Christophe Arend, Mme Ericka Bareigts, Mme Nathalie Bassire, Mme Bérangère Couillard, Mme Jennifer De Temmerman, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-Luc Fugit, M. François-Michel Lambert, Mme Mathilde Panot, Mme Barbara Pompili, M. Jean-Luc Poudroux, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Sophie Auconie, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Bertrand Pancher, M. Vincent Rolland, M. Benoit Simian