Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 16h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion débute à 16 heures 20.

Présidence de M. Stéphane Mazars, vice-président, puis de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des Lois, de M. Éric Woerth, président de la commission des Finances, puis de M. Charles de Courson, vice-président, et de M. Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités territoriales.

La Commission auditionne, conjointement avec la commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire ainsi qu'avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, M. Didier Migaud, Premier président, sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux finances publiques locales.

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Mes chers collègues, la commission des Finances a entendu M. Didier Migaud la semaine dernière en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques ; nous le recevons cet après-midi, avec la commission des Lois et la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée, en tant que Premier président de la Cour des comptes. Il s'agit de préparer la discussion du projet de loi de finances (PLF), dont nous examinerons la première partie, en commission des Finances, à partir de la semaine prochaine.

Le rapport de la Cour sur les finances publiques locales est prévu par le code des juridictions financières depuis 2013. Il permet de travailler sur l'un des enjeux qui se trouve au coeur de tous les PLF, ce dont témoigne la vigueur des discussions lors de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Les observations que vous ferez, monsieur le Premier président, alimenteront sans nul doute la réflexion et les propositions des commissaires lorsque nous examinerons la première partie du PLF.

Vous nous présentez aujourd'hui le deuxième fascicule de votre rapport – le premier concerne le passé, le deuxième l'actualité. On voit que s'interpénètrent de plus en plus les différentes structures de finances publiques : les collectivités, la sécurité sociale, l'État… Le solde des comptes publics est un agrégat de tout cela, mais on voit bien qu'à l'intérieur de cet agrégat, les choses varient beaucoup, notamment en ce qui concerne les collectivités territoriales. Des progrès tout à fait spectaculaires ont pu être réalisés au cours des dernières années.

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Je suis heureux de vous présenter aujourd'hui le deuxième tome de notre septième rapport annuel sur les finances publiques locales. Ce rapport est établi en application de l'article L. 132-8 du code des juridictions financières. Il est aussi, vous le savez, le fruit d'un travail conjoint entre la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes.

Pour vous présenter nos observations, je suis venu accompagné de Michèle Pappalardo, présidente de chambre et rapporteure générale de la Cour, de Jean-Michel Thornary, conseiller-maître, président de la formation inter-juridictions chargée de l'élaboration de ce rapport, et de Yannick Cabaret et Sébastien Doumeix, rapporteurs généraux devant cette formation, ainsi que des deux magistrats qui ont également travaillé sur ce rapport, Stéphane Auzilleau et Bertrand Rolin.

Avec les observations que la Cour formule sur la situation et les perspectives financières de l'État et de la sécurité sociale, ce rapport constitue le troisième pilier des travaux des juridictions financières en matière de finances publiques. Au même titre que l'État et les organismes de sécurité sociale, les collectivités contribuent, en effet, au respect des engagements européens de la France en matière de redressement des comptes publics. L'évolution des dépenses et du solde des administrations publiques locales (APUL) entre, à ce titre, dans le champ des lois de programmation des finances publiques et celui des programmes annuels de stabilité.

Les montants financiers en jeu sont importants. En comptabilité nationale, les APUL portent aujourd'hui près de 19 % de la dépense publique et 9 % de la dette de notre pays. Les transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales et à leurs groupements ont, quant à eux, atteint près de 107 milliards d'euros en 2018.

C'est pour mieux rendre compte de ces enjeux et pour vous en donner une image plus lisible et plus utile à la conduite de vos travaux que nous publions cette année notre rapport sur les finances publiques locales dans un calendrier et sous un format renouvelés. Nous avons divisé ce rapport en deux tomes. Dans le premier, paru en juin dernier, figure l'ensemble de nos observations relatives à la situation financière des collectivités territoriales et de leurs groupements pour l'année 2018. La publication désormais quasi-simultanée de ces observations et de celles relatives à l'exécution du budget de l'État et de la sécurité sociale vous offre à présent un panorama complet de l'exécution financière de l'ensemble des administrations publiques pour une année passée, avant que vous ne teniez votre débat d'orientation budgétaire.

Je ne reviendrai pas sur 2018 aujourd'hui, si ce n'est, en guise d'introduction, pour vous rappeler brièvement les deux principaux messages qui figuraient dans ce premier tome. D'une part, pour 2018, nous avons constaté que la contrainte financière pesant sur les collectivités territoriales s'était desserrée. Après quatre années consécutives de baisse, les concours de l'État ont légèrement augmenté l'année dernière, tandis que, dans le même temps, les ressources fiscales des collectivités territoriales ont progressé. D'autre part, nous avons relevé une plus grande maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités, dont la progression a été limitée à 0,4 % en 2018. Pour plus de détails, je vous renvoie à la lecture du premier tome de ce rapport.

Les observations formulées dans le fascicule qui vous est présenté aujourd'hui sont de deux ordres. La première partie du rapport traite des perspectives financières des collectivités territoriales pour les années 2019 à 2022 et de la gouvernance locale. La seconde partie est consacrée à un premier bilan que les juridictions financières tirent de la mise en place des nouvelles régions.

Le volet financier s'inscrit dans la continuité des observations que nous avons formulées en juin. Ainsi, pour 2019, la Cour constate que les collectivités territoriales bénéficient encore d'un contexte financier favorable qui tient principalement à trois facteurs.

Le premier est la progression des concours de l'État, qui a repris dès 2018, après quatre années de baisse. La loi de finances initiale de 2019 prévoit ainsi une hausse légère du montant des concours bénéficiant aux collectivités. Ceux-ci atteindront 48,27 milliards d'euros fin 2019, après une exécution à 48,1 milliards l'année dernière. Les transferts financiers – poste qui regroupe essentiellement les concours et la fiscalité transférée – connaîtront, eux, une croissance brute de 4,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 3,8 % par rapport à 2018. Toutefois, la quasi-totalité de cette augmentation sera neutre pour les collectivités, car elle résultera, comme l'année précédente, de l'accroissement des contreparties aux dégrèvements opérés à la suite de la réforme de la taxe d'habitation.

Le deuxième facteur bénéficiant aux collectivités territoriales est le dynamisme de la fiscalité directe locale. Les recettes fiscales locales devraient ainsi augmenter de 2,7 milliards d'euros en 2019 par rapport à 2018. C'est plus que la progression observée l'année passée. Ces recettes sont principalement stimulées par la revalorisation forfaitaire des bases locatives cadastrales – plus 2,2 %, représentant 1,3 milliard d'euros – et par un contexte économique favorable. La Cour souligne, à ce titre, la hausse singulière de près de 6,8 % du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), hausse qui confirme l'instabilité de cette recette, que nous avons déjà relevée à plusieurs reprises dans des travaux précédents.

Troisième et dernier facteur favorable, les décisions de l'État susceptibles d'engendrer des charges financières pour les collectivités devraient avoir un impact limité sur leurs comptes, de l'ordre de 250 millions d'euros et, en tout cas, inférieur à celui observé en 2018.

Comment les collectivités territoriales tirent-elles parti de ce contexte favorable et utilisent-elles les marges financières qui en résultent ? Pour le savoir, nous avons examiné un large échantillon de budgets primitifs pour l'année 2019. Cet examen fait apparaître une hétérogénéité des efforts prévisionnels en faveur de la maîtrise de la dépense locale. Les collectivités prévoient, en effet, un nouvel accroissement de leurs dépenses d'investissement en 2019. Bien sûr, nous devrons attendre la fin de l'exécution pour confirmer ces tendances et en mesurer parfaitement l'ampleur, mais, déjà, les résultats de l'exécution comptable au 31 juillet 2019 tendent à confirmer la forte progression de l'investissement local – près de 14,4 %, toutes collectivités confondues, par rapport à la même période de l'année dernière. Les derniers chiffres actualisés fin août montrent à peu près la même tendance.

L'une des explications à cette hausse résulte de ce que l'on appelle « l'impact du cycle électoral », c'est-à-dire la tendance à l'augmentation des dépenses d'investissement locales observée généralement au cours de l'année précédant une élection. Mais, au cas d'espèce, cette explication n'est pas suffisante, car la hausse que l'on observe en 2019, si elle se confirmait toute l'année, concerne toutes les collectivités, pas seulement celles du bloc communal qui connaîtra une élection municipale l'année prochaine.

Les données provisoires dont nous disposons font aussi état d'une reprise de la progression des dépenses de fonctionnement dans chaque niveau de collectivité – plus 2,2 % toutes collectivités confondues par rapport à la même période en 2018. Elle est de l'ordre de 2,1 % pour le bloc communal et les départements, et de 3,1 % en moyenne pour les régions, c'est-à-dire une hausse sensiblement supérieure à celle observée en 2018. Quelle que soit son origine, le rythme de consommation des crédits de fonctionnement observé jusqu'à l'été fait peser un risque de dépassement de l'objectif d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement fixé aux collectivités territoriales, même si le résultat atteint en 2018 donne une petite marge pour 2019, voire 2020. Je vous rappelle que cet objectif est arrêté à 1,2 % par an par la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022. Sur 2018, le résultat était sensiblement inférieur à ce chiffre.

Qu'en sera-t-il après 2019 ?

J'appelle votre attention sur le fait que les projections pour 2020 et les années suivantes sont soumises à des incertitudes particulièrement fortes. Elles proviennent des effets incertains sur les ressources des collectivités qu'aura la réforme de la fiscalité locale que vous allez bientôt examiner, de la mise en oeuvre éventuelle d'un nouvel acte de décentralisation ou encore de l'impact de possibles aléas de conjoncture – j'ai eu l'occasion de rappeler la semaine dernière combien ils étaient importants sur la fin de l'année 2019 et sur l'année 2020. Ces incertitudes figurent, d'ailleurs, pour partie, dans le projet de loi de finances que vous discuterez bientôt.

Ces réserves posées, les projections réalisées par la Cour conduisent à formuler deux constats. D'abord, la Cour s'attend à ce que les marges de manoeuvre dont bénéficient les collectivités territoriales progressent encore au cours des prochains exercices, notamment grâce au dynamisme des recettes fiscales et aux efforts de gestion entrepris par les acteurs locaux. Les trajectoires d'évolution des dépenses et des recettes locales qui sont détaillées dans ce rapport pourraient ainsi conduire, si elles se réalisaient pleinement, à une hausse globale de l'épargne brute dans le bloc communal, les départements et les régions, de 8,1 milliards d'euros entre 2018 et 2022.

Dans le même temps, et c'est notre second constat, le respect de l'objectif de désendettement prévu par la loi de programmation nous paraît incertain et, en tout état de cause, insuffisamment intégré aux stratégies financières des collectivités. Pour rappel, cet objectif vise une réduction du besoin de financement des collectivités de 2,6 milliards d'euros par an, soit 13 milliards d'euros en cumulé à l'horizon 2022, tel qu'exposé dans la loi de programmation. La Cour estime qu'il y a un risque que les marges de manoeuvre financières progressivement dégagées par les collectivités les conduisent à relâcher leurs efforts de maîtrise des dépenses, en particulier pour celles qui sont exclues du champ de la contractualisation.

Outre ces observations, ce rapport contient aussi deux enseignements relatifs, cette fois, aux modalités de gouvernance des finances publiques locales.

D'abord, la Cour s'est livrée à un premier bilan du dispositif de contractualisation triennale mis en place par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Ce premier bilan aura, bien sûr, vocation à être actualisé et prolongé dans nos prochains travaux. Pour rappel, le mécanisme de contractualisation engage une nouvelle forme de participation des collectivités à la maîtrise de l'ensemble des dépenses publiques. Il concerne 322 d'entre elles, celles qui ont les dépenses de fonctionnement les plus élevées.

À l'issue de sa première année d'existence, et alors que les services de l'État n'ont pas encore dressé le bilan définitif de ce dispositif, la Cour a établi que les dépenses de fonctionnement des collectivités concernées avaient diminué en moyenne de 0,3 %. À l'inverse, le nombre de collectivités ayant dépassé le taux contractualisé paraît marginal. Certaines présentent, cependant, des difficultés particulières qui pourraient rendre plus complexe le respect de leur contrat en 2019 et 2020, notamment du fait de la progression de certains postes de dépenses contraintes, comme les dépenses salariales ou sociales.

Aussi, si ce dispositif devait être reconduit, notre rapport suggère quelques améliorations pour assurer sa pérennité et son déploiement dans de bonnes conditions. Il recommande, avant tout, une plus grande transparence dans la mise en oeuvre des mécanismes de contractualisation opérés entre l'État et les collectivités concernées. Le rapport cible notamment les modalités complexes de retraitement des dépenses qui servent de base au calcul des objectifs fixés à chaque collectivité.

La contractualisation mériterait aussi d'être étendue pour intégrer les budgets annexes, tout en étant davantage concentrée sur les dépenses locales les plus sensibles et les plus structurantes. Enfin, la Cour constate que ce dispositif, dans son déploiement actuel, est susceptible de décourager les démarches partenariales entre collectivités et leurs actions de cofinancements. Aussi, le rapport suggère quelques ajustements pour limiter ces biais éventuels.

Le second enseignement établi dans la première partie concerne la réduction des charges financières pesant sur les collectivités et résultant de décisions législatives ou réglementaires de l'État. Si la Cour salue cette tendance, elle formule des observations visant à renforcer et à améliorer les modalités d'évaluation de l'impact des décisions de l'État sur la situation financière des collectivités.

Nous regrettons la dégradation de la qualité des fiches d'impact financier accompagnant ces décisions. Elle nuit tant à l'information du public qu'à l'appréhension de ces normes nouvelles par les acteurs locaux concernés. Nous rappelons aussi le caractère indispensable des évaluations ex post de l'impact de ces normes pour ajuster les dispositifs mis en place, pour améliorer les études d'impact ultérieures et pour favoriser une meilleure appréhension globale de la dépense locale, même si nous constatons, une fois de plus, que l'impact des décisions de l'État sur le budget des collectivités locales est moins important qu'il ne l'a été.

La seconde partie du rapport consiste, comme chaque année, en une analyse thématique, que nous avons consacrée, pour 2019, à un premier bilan de la mise en place des nouvelles régions. Ce bilan a été établi en synthétisant les observations formulées par les chambres régionales des comptes lors des contrôles des treize régions réalisés entre 2015 et 2018.

Avant de détailler les constats qui sont formulés, je rappellerai simplement que la réforme dite des nouvelles régions recouvre deux axes d'évolution : la modification géographique du périmètre des régions métropolitaines, dont le nombre est passé de vingt-deux à treize, Corse comprise, et l'élargissement des compétences régionales, notamment en matière de développement économique et de transports. Cette double transformation résulte de la mise en application d'une série de dispositions législatives, issues, en particulier, de la loi de janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions et de la loi dite NOTRe du 7 août 2015.

Dans ce contexte, les juridictions financières ont procédé à une analyse détaillée de la mise en oeuvre de cette réforme d'ampleur, de son impact sur l'organisation des politiques publiques régionales et de son incidence financière. Le bilan que nous établissons repose sur trois constats.

Le premier, c'est que les nouvelles régions se sont effectivement mises en place à la date prévue, le 1er janvier 2016, pratiquement sans heurt. C'est, en soi, une observation importante, car, comme vous le savez, le pari était loin d'être gagné d'avance tant le laps de temps laissé aux acteurs locaux pour préparer ces évolutions, pourtant majeures et sensibles, était court.

Deuxième constat, trois ans plus tard, la Cour estime que les bénéfices attendus de cette réforme ne sont pas encore au rendez-vous. J'insiste sur le terme « encore », car un délai de trois ans pour dresser un premier bilan, c'est peu au regard de l'ampleur de la réforme. Quoi qu'il en soit, à l'occasion de ce premier bilan, les juridictions financières ont relevé que des marges de manoeuvre significatives existaient encore dans les collectivités concernées, tant en matière d'organisation que de gestion locale.

Les exécutifs régionaux ont ainsi largement conservé et reconduit les organisations et les modes de gestion qui préexistaient à la réforme, tant pour tenir le calendrier serré fixé par le législateur que dans le souci d'éviter les ruptures trop brutales. Cela a largement réduit les gains d'efficience attendus. À titre d'exemples, pour ne pas imposer de mobilité géographique aux agents, des organisations multi-sites ont été souvent mises en place ; pour ne pas donner le sentiment à une région d'être absorbée par une autre, des assemblées délibérantes ont été maintenues dans d'anciens chefs-lieux ; les régimes indemnitaires des agents concernés ont été harmonisés par le haut. Sur ce point, entre 2017 et 2018, le rapport relève des surcoûts de l'ordre de 11,9 % dans les dépenses indemnitaires des régions fusionnées, alors que cette croissance était de 6,1 % dans les autres régions. Dans le même temps, et même si les outils de suivi et d'estimation sont rares, les régions ont eu à assumer des coûts de transition significatifs, que nous estimons entre 0,9 euro et 3,20 euros par habitant.

La prise en main des compétences nouvelles confiées aux régions demeure, elle aussi, inachevée. Ainsi, en matière de développement économique, la rationalisation des dispositifs d'intervention est restée inaboutie ; dans le domaine des transports, pour assurer la continuité du service public, et compte tenu des délais très courts que j'ai rappelés, les modes d'intervention antérieurs ont été souvent maintenus – au moins provisoirement – et les évolutions structurelles différées.

Enfin, les contrôles conduits par les chambres régionales pour établir le bilan financier de cette réforme ont mis en évidence des lacunes en matière de fiabilité des comptes régionaux et, en particulier, la faiblesse des dispositifs de contrôle interne.

Ces observations rejoignent en grande partie celles que les juridictions financières ont formulées lors du premier bilan de l'expérimentation de la certification des comptes locaux, publié en juin dernier. Le rapport que nous vous présentons fait figurer en annexe un point d'étape sur la conduite de cette mission d'expérimentation confiée aux juridictions financières. Nous sommes à votre disposition si vous souhaitez des éléments complémentaires sur le bilan qui a été établi à cette occasion.

Pour autant, et c'est notre troisième constat, les insuffisances qui sont pointées dans le bilan de la mise en place des nouvelles régions n'ont pas produit de situations difficiles sur le plan financier. Les régions bénéficient, en effet, d'un contexte favorable et de recettes fiscales dynamiques, qui leur ont permis d'investir et de contenir leur endettement. L'épargne brute régionale a ainsi crû de 20,4 % entre 2015 et 2018, et l'autofinancement de 36 %.

Fort de ces trois constats, notre rapport formule des recommandations afin de clarifier et de renforcer les responsabilités régionales.

Alors que nos concitoyens manifestent une attente de plus en plus forte en faveur de davantage de lisibilité de l'action publique et d'accessibilité des services publics dans les territoires, la répartition des compétences entre l'État, les régions et les autres collectivités territoriales demeure trop complexe. La clarification qu'avait souhaité apporter la loi NOTRe s'est, à cet égard, révélée incomplète. De ce point de vue, la prochaine réforme territoriale annoncée par le Premier ministre pourrait permettre d'étendre ou de renforcer le périmètre de compétence des régions, au moment où, justement, la présence de l'État dans les territoires est en cours de redéfinition.

Cette année encore, le contexte financier demeurera donc favorable aux collectivités locales. Disant cela, je parle globalement et, bien sûr, en moyenne – il y aura toujours des collectivités qui ne se retrouveront pas obligatoirement dans les moyennes. Les perspectives à moyen terme devraient à nouveau conduire à un accroissement des marges de manoeuvre dont elles disposent. Alors que des réformes d'ampleur ont été annoncées dans le champ territorial, le respect de l'objectif de désendettement fixé dans la loi de programmation demeure toutefois incertain, le risque étant que certains acteurs locaux relâchent leurs efforts de maîtrise des dépenses, en investissant davantage ou en augmentant leurs dépenses de fonctionnement. Mais, du coup, les objectifs de la loi de programmation pourraient ne pas être respectés. Cela dit, cette loi de programmation est quelque peu caduque au regard du projet de loi de finances, qui vous a été présenté.

Surtout, au moment où la situation globale de nos finances publiques se trouve durablement dégradée, l'existence de telles marges doit conduire à une réflexion plus large sur le partage des ressources et des charges entre administrations publiques. C'est une recommandation que nous avons déjà formulée à plusieurs reprises devant votre commission des Finances, notamment au mois de juin, lorsque je lui ai présenté notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

L'annonce d'un nouvel acte de décentralisation peut constituer une occasion bienvenue d'engager cette réflexion. En tout cas, de notre côté, nous souhaitons qu'elle permette, dans le même temps, une remise à plat des compétences exercées par l'ensemble des acteurs locaux – collectivités comme administrations déconcentrées – afin de garantir une plus grande lisibilité de l'action publique, de promouvoir davantage d'efficience en matière de gestion publique et de favoriser une meilleure accessibilité du service public.

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On observe une augmentation de la CVAE de près de 7 %. C'est très important. Vous dites que cette augmentation est inexpliquée, mais peut-être avez-vous tout de même des pistes d'explication à ce phénomène : simple augmentation de la valeur ajoutée, fruit de la croissance ?

Par ailleurs, je relève que les collectivités contribuent de façon positive au solde des finances publiques et le feront encore, je pense, en 2020, contrairement à la sécurité sociale. C'est un apport important. Le processus contractuel, qui limite à 1,2 % la croissance des dépenses de fonctionnement, a l'air d'être plutôt efficace, mais le verrou est très serré, notamment par rapport aux augmentations de charges de personnel. Pour le moment, les choses ont l'air de fonctionner, permettant, en tout cas, aux collectivités de mieux assurer le contrôle de leur masse salariale.

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Le rapport de la Cour des comptes de cette année dresse un bilan de la mise en place des nouvelles régions. La loi NOTRe du 7 août 2015 a renforcé le rôle stratégique et de programmation ainsi que les compétences des régions dans plusieurs domaines tels que le développement économique, l'aménagement du territoire, le développement durable, la gestion des déchets ou encore le transport des voyageurs. Si vous constatez que les régions se sont approprié rapidement leurs nouvelles responsabilités, vous regrettez une rationalisation inachevée des compétences entre niveaux de collectivités. L'évaluation ainsi faite par la Cour pourra être mise à profit par nos collègues membres de la mission d'information sur l'évaluation de la loi NOTRe, mise en place en avril par la commission des Lois, présidée par Bruno Questel et rapportée par Raphaël Schellenberger.

Le rapport de la Cour appelle, en matière de développement économique, à un renforcement des compétences régionales. Le plus souhaitable, pour vous, serait-il de retirer cette compétence résiduelle aux départements ou de mieux articuler les compétences de ces deux niveaux de collectivité ?

De manière générale, faut-il aller encore plus loin dans le renforcement des blocs de compétences et, dans la perspective d'un approfondissement de la décentralisation, évoquée par le Premier ministre au mois de juin dernier, transférer de nouvelles compétences aux différentes catégories de collectivités ?

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La délégation aux collectivités territoriales se réjouit de cette audition commune. Votre rapport répond parfaitement à son souci d'avoir la visibilité la plus complète et la plus fine possible des finances des collectivités territoriales, et de bien mesurer l'impact du travail législatif à la fois sur le fonctionnement et sur les finances de ces collectivités.

Vous estimez que les collectivités locales connaissent, en 2019, une situation financière plutôt favorable, qui devrait se confirmer à l'horizon 2022. Nous nous en réjouissons. Cependant, vous exprimez des doutes quant au plein respect par ces collectivités de l'objectif de désendettement fixé par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Pouvez-vous être plus précis sur les motifs qui suscitent votre inquiétude ?

La Cour est assez critique sur la manière de mesurer l'impact des décisions d'État sur les budgets locaux. Le poids des dépenses dont les collectivités ne sont pas décisionnaires, mais qui ont un effet sur leur situation financière – les fameuses normes – est un sujet récurrent de débat parmi les élus. La Cour a-t-elle évalué les effets de la circulaire du Premier ministre du 26 juillet 2017 sur l'instauration de la règle du « 2 pour 1 » ? Estimez-vous que cette circulaire a réellement contribué à réduire la production normative excessive ?

La tonalité générale de votre analyse sur les nouvelles régions est plutôt défavorable. Vous soulignez que les économies de gestion attendues n'ont pas été réalisées et que les gains d'efficience sont limités. N'avez-vous pas sous-estimé la durée nécessaire pour mettre en place certaines réformes, comme l'organisation d'une offre de transport à l'échelle des nouveaux périmètres géographiques des régions, intégrant les nouvelles compétences en matière de transport scolaire ou de planification pour promouvoir l'intermodalité ? Vous inquiétez-vous de l'aspect potentiellement récurrent de ces surcoûts ou êtes-vous optimiste sur la capacité des régions de trouver des synergies ?

Quelle appréciation porte la Cour des comptes sur le renforcement des compétences des régions en matière de planification dans le domaine du développement économique ou de l'aménagement du territoire ? Dans quels domaines faudrait-il clarifier la répartition des compétences entre les collectivités territoriales ? Comment clarifier leurs rôles respectifs en matière d'immobilier d'entreprise ? C'est un sujet que vous n'avez pas abordé.

Enfin, que pensez-vous de la suggestion faite par le président de Régions de France d'attribuer aux régions une nouvelle compétence en matière de transition écologique ? Il s'agirait de confier aux régions la qualité de chef de file dans le domaine de l'économie circulaire, et de doter les régions de moyens financiers leur permettant de mettre en oeuvre le service public de la performance énergétique et de l'habitat.

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Ce rapport en deux temps intervient à un moment intéressant, puisque le PLF 2020 apportera des modifications importantes. Il est bon que nous ayons une vision claire de la situation des finances locales, même au delà du champ de nos délibérations sur le PLF 2020.

Vous soulignez – ce n'est, d'ailleurs, pas la première fois que vous le faites – le caractère particulièrement instable des recettes de la CVAE, appelant à procéder à une analyse ex post des variations de cette imposition, pour en améliorer la prévisibilité. De notre côté, avec plusieurs parlementaires dont certains sont ici – Christophe Jerretie, Christine Pires Beaune ou encore Charles de Courson –, nous avons tenté d'y voir un peu clair. Nous sommes toujours dans l'attente de monographies par entreprise et je n'arrive pas à obtenir de Bercy des chiffres cohérents qui nous permettraient de comprendre un peu les choses. Avez-vous, au cours de vos analyses, pu identifier des solutions pour limiter cette volatilité, qui constitue effectivement un énorme problème pour les collectivités ?

Vous rappelez l'intérêt de la majoration du taux de subvention au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), en cas de respect du contrat. Cette majoration est-elle effectivement mise en oeuvre au niveau local par les préfectures ? J'ai cru comprendre qu'il y avait, en la matière, une certaine hétérogénéité du corps préfectoral. Quand la majoration est appliquée, est-ce au détriment des autres collectivités territoriales ?

Vous appelez à un renforcement de l'échelon régional pour conforter un véritable bloc de compétences. La France n'est pas organisée en État fédéral, qui correspond au fonctionnement de l'Union européenne. L'Italie non plus, mais les régions italiennes ont un pouvoir législatif leur permettant d'adapter la loi nationale aux particularités locales. Pour les gens qui aiment la décentralisation, cela peut être intéressant – élu d'une région de montagne, je ne vous dirai pas le contraire. Quoi qu'il en soit, on constate que, d'une région à une autre, les interprétations de la loi NOTRe sont très différentes sur les blocs de compétences aujourd'hui transférés aux régions. Par exemple, en matière de transports, cette compétence est mise en oeuvre de manière identique en Occitanie et en Auvergne-Rhône-Alpes, avec le maintien des particularismes locaux, alors qu'en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, elle est appliquée de manière uniformisée et égalitaire – ce qui ne veut pas dire équitable.

Au regard de cette hétérogénéité un peu curieuse, quelles compétences serait-il opportun de transférer aux régions, et de quels garde-fous les assortir pour que le particularisme local – qui n'est pas la féodalité locale – puisse l'emporter ?

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Le rapport, assez juste, ne contient pas de surprise, que ce soit sur les perspectives d'évolution ou sur le bilan des régions. J'ai relevé quelques autres sujets d'interrogation.

S'agissant de la contractualisation, un petit volet est consacré à l'Île-de-France et aux établissements publics territoriaux (EPT). Vous évoquez la nécessité d'être attentif à l'évolution des finances et des dépenses de l'Île-de-France en ce domaine. Pourrions-nous avoir quelques précisions ? C'est un sujet important, à l'heure des projets sur la métropole du Grand Paris.

Toujours sur la contractualisation, deux autres sujets me semblent importants. D'abord, s'agissant de la procédure de retraitement des dépenses, devons-nous légiférer davantage ou bien la laisser à l'appréciation des services, comme elle l'est aujourd'hui ? Ensuite, la contractualisation n'a-t-elle pas une influence sur l'autonomie de gestion des collectivités ? N'oriente-t-elle pas la définition des politiques ?

S'agissant des compétences, considérez-vous que leur partage conduit à une augmentation des dépenses de fonctionnement et d'investissement pour les collectivités ?

Vous constatez un bon niveau d'investissement en 2019, qui pose, certes, la question du désendettement mais, avec des indicateurs économiques et financiers dans le vert et compte tenu du contexte caractérisé par des taux bas et une large offre en matière d'emprunts, n'est-ce pas le bon moment pour laisser aux collectivités la liberté d'investir à plus long terme, quand bien même cela aurait une incidence sur leurs dépenses de fonctionnement ?

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Vous constatez une amélioration globale de la situation financière des collectivités territoriales, vouée, selon vous, à se poursuivre dans les années à venir. Ce constat mériterait d'être mis en regard du sentiment qu'éprouvent nombre d'élus locaux, qui considèrent, au contraire, qu'il n'y a pas d'amélioration, du fait notamment des incertitudes que font planer la réforme de la taxe d'habitation, les mécanismes de péréquation horizontale ou encore la poursuite du retrait de l'État de missions essentielles telles que l'urbanisme, l'ingénierie, la gestion des routes nationales, voire des finances publiques. Comment pensez-vous que va évoluer la capacité d'investissement à long terme de ces collectivités ainsi que leur aptitude à maintenir un service de qualité pour les usagers ?

Avec Christine Pires Beaune et Didier Le Gac, nous démarrons, dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales, une mission d'information sur les effets de la fusion des régions. Nous avons donc lu avec attention la partie de votre rapport consacré à cette question et auditionné, d'ailleurs, ses auteurs. Nous en retirons que votre appréciation des effets budgétaires de cette fusion est pour le moins mitigée, notamment au regard de la réduction des budgets de fonctionnement, alors même qu'elle constituait un engagement du gouvernement qui a lancé la réforme. Est-il prévu que vous évaluiez également l'impact de la fusion sur les politiques publiques, pour mettre en lumière, le cas échéant, des améliorations ? Entendez-vous renouveler ces analyses à intervalle régulier, sachant que, comme vous, je considère qu'il est encore un peu tôt pour avoir une vision précise des conséquences de la nouvelle carte régionale ?

Enfin, votre rapport me laisse un peu sur ma faim au sujet du bloc communal et des communes. Quelle est votre appréciation de leur situation financière et de leur capacité d'investissement, sachant qu'à l'heure actuelle, aucun dispositif de contractualisation n'a été spécifiquement prévu pour l'investissement des communes ?

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L'an passé déjà, nous soulignions la nette amélioration de la situation financière des collectivités territoriales. L'année 2019 devrait confirmer cette tendance, puisque le rapport leur prédit de nouvelles marges de manoeuvre. Après ce motif de réjouissance, arrivent les craintes, puisque le rapport souligne le risque que la hausse de leurs recettes de fonctionnement n'incite pas les collectivités à maintenir leurs efforts de maîtrise des charges, en particulier de celles exclues du champ de la contractualisation. La Cour justifie notamment ses craintes par la succession de retraitements des dépenses non prises en compte dans le périmètre de la contractualisation qui s'est opérée au fil des mois. L'optimisme légendaire de la Cour commande certes d'être prudent, mais n'est-il pas possible de voir là le résultat d'échanges confiants et continus entre l'État et les collectivités ?

Ce qui me surprend davantage, c'est qu'alors même que le rapport met en exergue des exemples de collectivités vertueuses qui ont mobilisé leur surplus d'épargne pour accroître leur investissement – notamment les communes et leurs groupements –, la Cour redoute malgré tout des risques de dérapage. Lorsqu'un dispositif fonctionne, il faut tout simplement le dire et ne pas toujours redouter le pire ! Ne pourrait-on pas simplement envisager qu'un véritable tournant est en train de s'opérer et que l'État comme les collectivités ont finalement tout intérêt à travailler de concert à la maîtrise de la dépense publique ?

Dans son rapport de septembre 2018, la Cour exprimait déjà ses doutes sur la réalisation de la trajectoire d'amélioration de la situation financière des collectivités locales. Force est de constater que ce pronostic est aujourd'hui démenti par les faits.

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Alors que le gouvernement qui a conduit la réforme des régions espérait en tirer des économies – 10 milliards d'euros, selon les dires d'un secrétaire d'État rapportés dans Le Monde du 13 juin 2014 –, la réalité est tout autre, comme vous le démontrez. La Cour souligne en particulier le choix qui a été fait dans de nombreuses régions de privilégier le maintien des sites situés dans les anciens chefs-lieux ; elle estime ainsi que la rationalisation prévue par la réforme a été trop limitée pour que cette dernière puisse porter ses fruits.

À titre tout à fait personnel, je suis d'avis que c'est l'idée même de rationalisation à outrance, sans aucune prise en compte des réalités territoriales, humaines ou sociales, qui est la cause de ce que je qualifierai de gâchis. La loi du 16 juillet 2015 se fondait sur l'idée, émise par l'étude d'impact de 2014, selon laquelle, pour rivaliser au plan économique avec leurs voisines européennes, les régions se devaient d'atteindre une taille critique suffisante pour permettre à nos territoires d'assurer leur survie dans une économie de plus en plus concurrentielle et sauvage. Or ce constat était erroné : la superficie moyenne des vingt et une anciennes régions métropolitaines était supérieure à la superficie moyenne des Länder allemands ; de même, plus de la moitié des régions des pays de l'Union européenne sont plus petites que l'Alsace, qui était en 2015 la plus petite région française. À quoi pouvaient, dès lors, aboutir des solutions fondées sur constat erroné ?

Par ailleurs, ainsi que le souligne également le rapport de la Cour, la loi poursuivait « deux objectifs contradictoires » : « celui […] de faire des économies mais aussi celui de conserver un équilibre de l'emploi public sur le territoire dans les chefs-lieux des anciennes régions » pour ne pas renforcer les disparités territoriales. Ainsi, une partie des surcoûts que dénonce la Cour sont dus au fait que cette loi a bouleversé la carte territoriale sans considérer un instant que cela allait entraîner des désordres au niveau local, s'agissant notamment des solidarités ou des relations qu'entretiennent les citoyens entre eux mais aussi avec leurs administrations. Compte tenu de déséquilibres territoriaux et de freins à la mobilité totalement occultés par la loi, cette dernière a, en effet, engendré des surcoûts.

Ainsi que l'a rappelé Arnaud Viala, une mission parlementaire sur l'évaluation de la carte régionale vient de commencer ses travaux, non pour concurrencer les vôtres, monsieur le Premier président, mais bien pour les compléter.

Quant à ma question, elle est simple : quelles conséquences la fusion des régions a-t-elle eu sur l'organisation des services déconcentrés de l'État ?

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Vous avez souligné le dynamisme de la fiscalité locale, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Toutefois, ne pensez-vous pas que la suppression de la taxe d'habitation, qui sera compensée mais en fonction des données de 2017, peut être de nature à réduire ce dynamisme ?

Par ailleurs, vous nous avez fait part du risque de dérapage des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas élargir la contractualisation à l'ensemble des collectivités et y intégrer les budgets annexes, ce qui permettrait d'avoir une vision plus juste de la situation des communes ?

Enfin, je crois que nous devons nous féliciter de la politique d'investissement conduite par les collectivités, après des années d'atonie. Cela fait travailler nos entreprises, et il nous faut profiter de la fenêtre de tir qu'offrent les taux exceptionnellement bas, fenêtre qui pourrait fort bien se refermer en 2020.

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Dans le chapitre du rapport consacré à la fusion des régions, la Cour des comptes souligne, dans ce langage qui lui est propre, que « les chambres régionales des comptes n'ont constaté que peu de gains d'efficience à l'heure actuelle ». C'est le moins qu'on puisse dire ! Comparant l'évolution des dépenses indemnitaires, vous notez qu'elles ont augmenté de 12 % dans les régions ayant fusionné contre 6 % dans les régions non fusionnées. Il est vrai, que toujours pleins d'optimisme, vous écrivez : « De fait, trois ans après la mise en oeuvre de la réforme, les économies de gestion annoncées ne sont pas encore au rendez-vous. » Mais le seront-elles un jour ?

La fusion des régions a donc entraîné des surcoûts et non, comme on a voulu nous le faire croire, 10 milliards d'économies. Nous avions pourtant tenté, à l'époque, de savoir d'où sortait ce chiffre, mais le ministre s'était montré incapable de nous répondre. Vous nous confirmez donc le manque de sérieux de ces prévisions, comme le fait aussi Mme Pires Beaune, qui parle pourtant d'amis à elle…

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Plusieurs collègues vous ont interrogé sur la CVAE : comment pourrait-on y voir plus clair si la Cour des comptes elle-même s'y perd, alors qu'elle dispose de moyens techniques et de données dont notre commission des Finances ne dispose pas ? Plus grave encore, le directeur général des finances publiques lui-même ne semble pas en mesure d'expliquer les causes de l'évolution erratique de cette cotisation calculée sur la valeur ajoutée des entreprises.

Enfin, vous n'avez pas parlé de la fiscalité immobilière qui est pourtant, en ce moment, une source de revenus considérable pour les collectivités locales, tant que les taux sont bas, sachant que, plus longtemps ils le demeureront, plus la chute des recettes se trouvera différée. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

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Si le bilan de la contractualisation reste encore à faire, il semble néanmoins que ce processus, plus ou moins obligatoire, ait entraîné une maîtrise des dépenses de fonctionnement bien supérieure à ce qui était attendu. Vous vous en félicitez, mais ne devrions-nous pas examiner cette contractualisation sous l'angle des conséquences qu'elle a pu avoir sur la qualité des services publics et des services aux usagers ? Certes, la Cour des comptes est là pour s'occuper des comptes, mais il faudrait qu'elle se penche aussi sur la conséquence des évolutions budgétaires qu'elle analyse, sachant que, cette contractualisation survient dans un contexte de baisse de la dotation globale de fonctionnement de 4 milliards d'euros entre 2017 et 2018, à quoi il faut ajouter l'inflation et l'augmentation de la population. Les collectivités ont donc bel et bien subi une baisse de leurs moyens.

Je m'interroge, par ailleurs, sur ce qu'il advient de l'autonomie des collectivités territoriales dans le cadre de cette contractualisation, et de la possibilité qui leur est laissée de profiter des taux bas pour investir, a fortiori lorsque leurs comptes sont excédentaires.

Enfin, j'évoquais la baisse des dotations : même s'il n'y en a pas eu l'an dernier, le mouvement est constant depuis 2013, et j'aimerais savoir à combien s'élèvent les économies que l'État a ainsi faites sur le dos des collectivités territoriales, qui depuis plusieurs années sont contraintes à de terribles efforts.

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Monsieur le Premier président, après avoir présenté une vision plutôt positive de la situation des collectivités locales, vous avez fait part d'incertitudes fortes sur son évolution, du fait notamment de la suppression de la taxe d'habitation. Cette suppression soulève, en effet, des inquiétudes chez les élus locaux, puisqu'elle doit être compensée par le transfert de la taxe sur le foncier bâti des départements aux communes. Or si ce transfert permet de compenser la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des redevables, cela ne compensera pas sa suppression pour les 20 % restants, puisque le produit de la taxe sur le foncier bâti s'élève à 14 milliards d'euros, tandis que le total des recettes de la taxe d'habitation atteint 22 milliards ; il n'y aura donc pas de compensation pour les 8 milliards restants. L'inquiétude est d'autant plus forte que les taux du foncier bâti dans les départements ont atteint des plafonds qui laisseront très peu de marges de manoeuvre aux communes.

Si l'on se place du côté des départements, selon l'Assemblée des départements de France (ADF), la part de TVA censée compenser la suppression de la taxe sur le foncier bâti entre 2005 et 2017 aurait été inférieure de 4,4 milliards d'euros au produit de la taxe. Qu'en est-il exactement ?

Vous insistez, enfin, sur la baisse des dépenses de fonctionnement et sur la nécessité de maintenir l'effort. Qu'en est-il en ce qui concerne la suppression de postes dans la fonction publique ? Les annonces d'origine faisaient état de 120 000 suppressions – 50 000 pour l'État et 70 000 pour les collectivités. Le Gouvernement a ramené à 15 000, puis à 10 000 ces suppressions de poste dans la fonction publique d'État, sans jamais aborder les 70 000 postes concernés dans la fonction publique territoriale. Quel est votre regard sur cette question ? Ces suppressions ne risquent-elles pas d'affaiblir la dynamique que vous avez louée, d'avoir des conséquences sur les services publics et de pénaliser l'investissement ?

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Pour ce qui concerne la contractualisation, les chambres régionales des comptes ont-elles pu analyser les résultats des comptes administratifs et étudier la manière dont les dépenses de fonctionnement demeuraient réellement en-deçà du seuil de 1,2 % ? Pour ma part, je me suis livré à l'exercice dans mon département et je suis parvenu à un résultat de 2,2 %, avec un compte administratif pourtant réputé respecter la hausse de 1,2 %, et ce grâce à tous les mécanismes d'écrêtement qui sont appliqués. Quand vous dites que les engagements ont été respectés, tenez-vous compte de ces abattements ? Il serait intéressant, en effet, de sortir les chiffres bruts, sans prendre en compte les abattements liés au RSA et, plus généralement, aux allocations individuelles de solidarité (AIS).

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Nous ne portons pas de jugement sur la situation financière des collectivités territoriales, nous livrons de simples constats, et en particulier celui que cette situation est meilleure aujourd'hui qu'elle ne pouvait l'être hier. C'est un fait objectif, qui s'explique de différentes manières : les dotations de l'État qui ont arrêté de baisser, voire qui ont légèrement augmenté, la fiscalité locale très dynamique, ou encore les décisions de l'État qui pèsent moins aujourd'hui sur les budgets des collectivités territoriales. L'addition de ces facteurs a produit une amélioration globale, même si, ici ou là, il reste des situations critiques.

Si nous exprimons une forme de préoccupation, c'est que nous considérons que la situation financière des collectivités territoriales peut encore s'améliorer, ainsi que l'envisage la loi de programmation, qui table sur une forte contribution positive du solde des APUL au solde de l'ensemble des APU (administrations publiques), mais que nous constatons néanmoins, en 2019, une évolution des dépenses d'investissement et de fonctionnement plus importante que ne l'avait anticipé le Gouvernement. Les collectivités utilisent leurs marges de manoeuvre supplémentaires pour investir davantage ou pour desserrer la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, et ce malgré des efforts de gestion inédits, qui montrent que chacun a pris conscience de la nécessité de maîtriser davantage les dépenses de fonctionnement.

J'en profite pour indiquer à Mme Rubin qu'il n'y a pas toujours de corrélation entre l'augmentation des crédits et l'amélioration du service rendu. C'est toute la question de la performance et de l'efficience des politiques publiques. D'où l'intérêt de s'interroger sur les autres moyens de répondre aux nombreux besoins exprimés par les citoyens, qui sollicitent les élus.

Nous avertissons donc que les prévisions de la loi de programmation pourraient ne pas se réaliser dès lors que les collectivités territoriales choisissent d'utiliser les marges qu'elles ont dégagées pour augmenter leurs dépenses. C'est ce qui se passe pour la sécurité sociale, puisque le report dans le temps du retour à l'équilibre compromet, ou à tout le moins retarde, le respect des objectifs inscrits dans la loi de programmation.

Pour ce qui concerne les régions, sans non plus porter de jugement, nous constatons que la fusion n'a pas entraîné d'économies mais plutôt une hausse des dépenses. Certaines sont liées à la transition, d'autres sont plus pérennes, comme celles qui correspondent à l'augmentation des régimes indemnitaires ou à l'alignement par le haut de certains critères d'intervention des politiques publiques. Ces dépenses pérennes continueront de peser sur les budgets des collectivités territoriales, mais nous estimons qu'il existe des marges d'efficacité. Le premier bilan que nous dressons ne peut donc pas être considéré comme définitif. On peut penser qu'une fois passée la période de transition, certaines régions prendront des dispositions pour exercer pleinement leurs compétences et s'efforcer de mieux maîtriser l'évolution de leurs dépenses, notamment de fonctionnement.

Pour ce qui concerne la circulaire du Premier ministre sur la maîtrise des normes, nous avons constaté un impact moins fort des décisions de l'État sur les budgets 2018, voire 2019. Même s'il est difficile de quantifier la part attribuable à cette circulaire dans cette baisse, sa mise en oeuvre coïncide néanmoins avec la forte diminution du nombre de décrets relevant du pouvoir réglementaire. Cette circulaire a donc vraisemblablement produit des effets, sachant que, dans les dix-huit mois ayant suivi l'application de la règle du « 2 pour 1 », 32 décrets autonomes ont été publiés qui ont eu une incidence sur les collectivités territoriales, contre 150 sur la même période, avant la publication de la circulaire. Sur le plan quantitatif, l'évolution est donc significative ; sur le plan qualitatif, des progrès ont également été enregistrés. Il importera d'apprécier par la suite cette évolution dans le temps, pour s'assurer que le phénomène est durable.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la clarification de la répartition des compétences. En matière de mobilité, le transfert des transports scolaires interurbains des départements aux régions a renforcé la cohérence de l'action de ces dernières. Conformément au principe du transfert par bloc de compétences, nous suggérons donc d'examiner la possibilité de transférer aux régions le réseau routier national non concédé, voire les routes départementales – ce qui était d'ailleurs envisagé dans les premières versions de la loi – pour poursuivre ce mouvement.

La transition écologique pourrait également être de la responsabilité des régions, même si la recentralisation annoncée des aides surfaciques du deuxième pilier de la PAC ne va pas nécessairement dans ce sens. Les régions ont la responsabilité du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), elles sont déjà fortement mobilisées en matière de développement économique, de mobilité, d'agriculture et elles ont une compétence en matière de logement, autant de domaines qui participent des politiques publiques impliquées dans la transition écologique.

Dans le domaine de la santé, il y a également des pistes à explorer, de nombreux départements s'étant d'ailleurs déjà saisis de la question à travers l'implantation de maisons de santé et le recrutement de médecins.

En matière d'éducation, le transfert des gestionnaires des collèges et des lycées, réclamé par les régions et les départements pourrait apporter plus de cohérence à l'action de ces collectivités ; elles pourraient ainsi avoir la charge de procurer au corps enseignant l'outil nécessaire aux activités pédagogiques.

L'enjeu plus général est que, très souvent, le transfert de compétences ne se fait pas jusqu'au bout et que, lorsque l'État transfère une compétence, il peut en conserver une partie. Il en est de même pour le transfert de compétences des communes à l'intercommunalité. De fait, la loi NOTRe n'a pas parfaitement clarifié la répartition des compétences entre collectivités, ou entre l'État et les collectivités.

En ce qui concerne les politiques publiques partagées, ce n'est pas l'objet du rapport, mais nous avons montré dans de précédents travaux que c'est parce que la situation financière de l'État est contrainte qu'il propose parfois aux collectivités territoriales de partager la dépense. Quand il le fait, les collectivités territoriales le sollicitent sur de nouvelles demandes – je pense notamment au tracé de lignes TGV ou à la création de gares supplémentaires –, ce qui peut parfois renchérir les coûts et, dans le même temps, affaiblir la pertinence même de l'investissement réalisé.

Les compétences et les politiques partagées ne signifient donc pas toujours allocation optimale des ressources, même si cela permet parfois de débloquer des investissements que l'État ne pourrait pas assumer seul. D'où l'intérêt d'une clarification plus forte des compétences entre l'État et les collectivités territoriales. Le Gouvernement a d'ailleurs proposé qu'il soit davantage tenu compte des transferts de compétences, notamment en matière de développement économique et de transports, afin d'éviter les doublons. C'est l'objet d'une circulaire publiée cet été pour recentrer les services de l'État sur leurs propres compétences et laisser les leurs aux services des régions. Il reste néanmoins à l'État beaucoup d'efforts à faire.

En ce qui concerne la contractualisation, le bilan, même s'il est encore loin d'être définitif, est positif. Des questions demeurent quant à son périmètre : nous recommandons à l'État qu'il puisse élargir ce périmètre aux budgets annexes et qu'il soit plus transparent au sujet du retraitement de certaines dépenses opéré par l'administration. Sur ce point, la réponse du Premier ministre n'est pas complètement satisfaisante lorsqu'il considère que les collectivités territoriales n'ont pas obligatoirement à comprendre la façon dont les services de l'État traitent ces dépenses. Il reste donc des marges de progrès pour améliorer la transparence et la lisibilité des dispositifs.

Sans un dispositif clair, qui couvre l'ensemble du périmètre d'action des collectivités, il nous est très difficile de dresser un tableau comparatif des régions. C'est le cas, par exemple, avec les fonds européens, que certaines régions incluent dans leur budget de fonctionnement, tandis que d'autres les considèrent comme de l'investissement, ce qui rend les choses incompréhensibles. Là non plus, la réponse du Premier ministre n'est absolument pas satisfaisante, et s'abriter derrière la libre administration des collectivités territoriales n'est pas un bon argument. La libre administration des collectivités territoriales s'exerce dans le cadre des lois qui la réglementent. Or il s'agit là de problèmes de comptabilité, et ce n'est pas porter atteinte au principe de libre administration que de demander aux collectivités d'avoir des principes clairs en matière de comptabilité.

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Jean-Michel Thornary, président de la formation interjuridictions chargée du rapport

Monsieur de Courson, pour l'instant, les chambres régionales des comptes n'ont, faute de temps, pas effectué le travail auquel vous vous êtes livré sur les comptes de votre département, mais il sera intéressant de procéder à cet exercice.

J'abonde dans le sens du Premier président concernant le manque de transparence avec lequel sont effectués les retraitements, malgré la publication d'un guide des retraitements. Cela étant, la latitude laissée aux collectivités de pouvoir discuter le traitement des événements exceptionnels explique, pour l'essentiel, selon moi, le très faible nombre de collectivités – on évoque le chiffre de quatorze – susceptibles d'être « rattrapées par la patrouille ».

À propos des EPT, le rapport ne comprend qu'un petit encadré sur les établissements franciliens, pour constater qu'ils sont hors du champ de la contractualisation. Ce choix a été fait par le ministère de l'Intérieur, nous nous sommes bornés à en prendre acte. Nous n'avons, néanmoins, pas d'inquiétude particulière. Même si les programmations ne sont pas encore arrêtées, les EPT font partie des structures qui feront l'objet de contrôles dès l'année prochaine, puis au cours des années à venir. Nous aurons donc l'occasion de nous pencher sur leur situation financière dans les conditions traditionnelles de contrôle de la Cour.

M. Viala nous interroge sur les perspectives d'investissement dans le bloc communal au regard des incertitudes pesant sur les recettes des collectivités. Vous aurez noté la grande prudence du rapport dans sa partie prospective. La situation est effectivement pleine d'incertitudes du fait de la réforme fiscale, dont les effets par catégories de collectivités ne sont pas encore visibles, et de l'évolution du contexte national et international, par exemple la variation des taux d'intérêt.

L'analyse de la Cour est donc extrêmement prudente. S'agissant spécifiquement du bloc communal, on peut dire que l'essentiel a été réalisé en 2019, avec une augmentation très significative de l'investissement. Nous arrivons maintenant en année électorale, une période, avec l'année suivante, qui voit traditionnellement baisser le niveau de l'investissement. On peut imaginer que lorsque les nouveaux exécutifs auront établi leur programme, la réforme de la fiscalité locale aura éclairci la situation quant aux ressources à leur disposition et que les incertitudes seront moindres qu'aujourd'hui.

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

La reprise très sensible de l'investissement au cours de l'année 2019 concerne toutes les catégories de collectivités : communes, intercommunalités, départements et régions.

S'agissant de la CVAE, nous ne sommes pas encore en mesure de répondre aux questions qui ont été posées. Nous nous interrogeons, et nous n'avons pas les éléments permettant de comprendre les raisons de sa volatilité. Nous allons y travailler, et c'est volontiers que nous vous ferons part des éléments afin d'éclaircir ce point.

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Jean-Michel Thornary, président de la formation interjuridictions chargée du rapport

Le rapporteur général souhaite savoir si le mécanisme d'intéressement créé par la loi de programmation pour constituer la contrepartie de la punition en cas de dépassement, dans le mécanisme de contractualisation, a été mis en place. La réponse est non ; il n'y a pas d'augmentation de DSIL ou de DETR, ni un quelconque mécanisme de subventionnement lié au fait que la collectivité a satisfait aux conditions de la contractualisation. La direction générale des collectivités locales (DGCL) ne nous a pas laissé entendre que le mécanisme ait été défini pour l'instant.

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Pour l'instant, il n'y a ni sanction ni récompense. Le processus n'en est qu'à son début.

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Je souhaite revenir sur la contractualisation, depuis le point de vue du maire que j'étais encore il y a quelques mois d'une ville-centre ayant fusionné avec une commune.

D'abord, dès lors que l'on envisage la pérennisation de la contractualisation, voire l'extension de son champ, il faut que cela relève d'une négociation réelle, et pas seulement descendante, sur des ratios qui ont leur justification mais qui ne portent que sur une partie des relations entre l'État et les collectivités locales.

Ensuite, il faut bien tenir compte des évolutions profondes en cours dans les intercommunalités, et des créations de communes nouvelles. Dans l'agglomération du Grand Paris sud, trente équipements ont été transférés des communes vers l'intercommunalité, mais ce transfert n'a pas pu être pris en compte dans la contractualisation au niveau de l'intercommunalité. Et le mouvement de création de communes nouvelles, qui va se développer, ne s'est pas non plus traduit dans la contractualisation.

Enfin, les charges de fonctionnement ne peuvent pas être appréhendées de manière trop rigide ; il faut tenir compte de ce qui est transféré aux communes ou aux intercommunalités. Ainsi, la décentralisation du stationnement payant est une décision nationale qui entraîne un coût pour les collectivités, à l'instar du dédoublement des classes de CP et de CE1.

La manière dont nous concevons la contractualisation doit faire l'objet d'un débat plus serré entre l'État et les collectivités locales. La décentralisation n'est pas terminée, elle va s'appuyer sur la différenciation, donc des autonomies plus fortes. Il faudra faire du cousu main en matière de contractualisation.

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La compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) a été confiée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre depuis le 1er janvier 2018. Avez-vous mesuré l'impact de cette nouvelle compétence sur les comptes des EPCI ? Quelles sommes ont été collectées par la mise en place d'une taxe auprès des usagers ? Les EPCI disposent-ils d'une projection des impacts dans le temps de cette compétence, qui peut entraîner des investissements très lourds dans les infrastructures ?

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La réforme en cours de la fiscalité locale, et plus spécifiquement la suppression de la taxe d'habitation, ne comporte-t-elle pas un risque de déséquilibre financier, sachant que, dans les communes, la répartition entre propriétaires et locataires n'est pas identique ? Ne risque-t-on pas de reporter la pression fiscale sur la taxe foncière acquittée par les propriétaires ?

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Ma question porte sur une dépense très dynamique, aux perspectives inquiétantes malgré tous les efforts des collectivités, principalement les départements : la prise en charge des mineurs non accompagnés.

Le Gouvernement et le Président de la République ont reconnu l'inefficacité de leur loi « asile et immigration ». La vague migratoire est hors de contrôle, et chaque mineur non accompagné représente une charge supplémentaire de 50 000 euros. Les départements pourront-ils boucler leur budget dans une telle situation ? Faudrait-il que l'État prenne enfin ses responsabilités du point de vue financier, à tout le moins du point de vue migratoire ?

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Je reviens sur la question de l'Île-de-France et des EPT, non par particularisme régional ou pour rappeler la bonne gestion reconnue de l'Île-de-France, mais pour mettre en lumière la complexité de la construction territoriale et intercommunale de la région capitale, et la difficulté d'organisation du Grand Paris, qui est aussi budgétaire. Vous l'avez relevé dans le référé de fin 2017, dans le rapport sur les finances locales de l'année dernière, et vous le rappelez encore cette année en mentionnant que les EPT sont exclus du dispositif de contractualisation, alors même que certains ont augmenté leurs dépenses de fonctionnement.

Je connais bien les EPT pour en être un élu. Comme pour les grandes régions, les rapprochements se font souvent ex nihilo, à marche forcée, ce qui transparaît dans les structures des dépenses de fonctionnement : poids des sites existants, dépenses de fluides, harmonisation par le haut de la masse salariale et des régimes indemnitaires, mobilité des agents et des élus.

Une inquiétude se fait jour en matière de fiscalité, notamment à l'approche de la réforme fiscale. Je ne pense pas qu'on puisse traiter des EPT dans les conditions de contrôle traditionnelles, car ils n'ont plus de fiscalité sur les ménages : ce sont les communes qui lèvent la taxe d'habitation et la taxe foncière pour les EPT. Lorsque la part départementale sera également intégrée aux communes, les niveaux atteints par la consolidation du taux communal, du taux intercommunal et du taux départemental poseront un problème politique, et les communes pourraient atteindre le taux maximal autorisé de taxe foncière. Ce problème doit être réglé, politiquement et budgétairement, dans les meilleurs délais.

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Vous avez indiqué que les dépenses de fonctionnement des régions avaient augmenté après leur fusion, mais la situation n'est pas monolithique ; il existe des différences de gestion entre les régions. Je ne crois pas que la fusion entraîne mécaniquement la baisse des dépenses de fonctionnement ; ce sont les décisions politiques qui ont un effet sur les dépenses. J'aimerais savoir quelles régions ont vu leurs dépenses de fonctionnement diminuer en raison de leurs efforts.

Vous avez également indiqué qu'il fallait continuer à travailler sur la lisibilité et l'efficience de l'action publique locale en renforçant la rationalisation et la décentralisation. Je signale, à ce propos, que les différentes réformes ont épuisé les élus locaux. J'étais vice-présidente d'une de ces régions fusionnées. Mettre en oeuvre ces réformes n'est pas évident ; c'est beaucoup de travail, beaucoup d'efforts et aussi beaucoup de stress pour les fonctionnaires. C'est aussi vrai des fusions de communes. Parfois, la lecture des réformes par les services de l'État n'est pas très claire et entraîne beaucoup de complexité. Pour que nos concitoyens aient une vision claire des compétences, il faut stabiliser la situation actuelle et ne pas continuer cette recentralisation. Une pause est nécessaire.

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La Cour recommande une harmonisation du mode de comptabilisation des fonds européens dans les budgets des régions. Cette harmonisation permettrait-elle davantage de contrôle sur les versements d'aides européennes à des tiers, ou du moins une détection plus rapide des dysfonctionnements ? Je pense notamment aux difficultés rencontrées très récemment dans le versement des aides au développement rural. Quelle architecture préconise la Cour pour cette harmonisation ?

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J'ai le plus grand respect pour le travail de la Cour des comptes ainsi que pour celui des chambres régionales des comptes, dont j'ai pu apprécier le haut niveau de conseil dans mes fonctions d'élu local. J'ai toutefois regretté que leurs conclusions se bornent à relever les difficultés de gestion des collectivités, sans signaler les points positifs. Ce serait pourtant plus conforme à la neutralité de l'institution et à l'esprit et la lettre de l'article 72 de la Constitution.

De la même manière, je regrette votre excès de prévention. Ainsi, en notant les bonnes nouvelles qu'apportent les résultats globaux des collectivités, vous vous alarmez à l'avance des risques de dérapages futurs que feraient courir les marges de manoeuvre en partie retrouvées des collectivités. Vous vous inquiétez notamment que la hausse des recettes de fonctionnement des collectivités ne les incite pas à maintenir leur effort de maîtrise des charges.

Les craintes que vous formulez interviennent après une période 2014-2017 financièrement violente pour les collectivités. Or elles ont davantage compensé la chute brutale de la DGF par des efforts de gestion et des choix politiques que par une augmentation de la pression fiscale.

En procédant de la sorte, ne craignez-vous pas que votre institution, dont le rôle est capital dans le cadre d'un débat démocratique éclairé, ne se retrouve dans la situation du berger qui crie trop souvent au loup ? Je comprends que toute situation peut toujours être améliorée, mais je ne pense pas que vous, Premier président de la Cour des comptes, découvriez le rôle fondamental des élus locaux dans le lien social et républicain dont notre pays a besoin. Pourquoi, dès lors, maintenir cette suspicion permanente à propos des élus locaux, érodant ce faisant leur crédibilité par un soupçon incessant d'irresponsabilité ?

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Je souhaite également aborder les dérapages financiers des nouvelles régions. Votre argumentation est très prudente : vous dites que les fusions n'ont pas encore porté leurs fruits. Avez-vous des raisons d'espérer que cela arrive à l'avenir ? Les gestions précédentes ont été reconduites, sans effort particulier. Avez-vous relevé des plans prévisionnels de gestion des effectifs ou des plans de pilotage de la masse salariale ? Un président de région vous a répondu que grâce aux fusions, il avait pu rendre les 35 heures effectives. Je doute que cela soit suffisant pour trouver l'équilibre.

Quant à la répartition des compétences entre l'État et les régions, les nouvelles compétences qui vont être dévolues aux régions ne risquent-elles pas de poser des problèmes à l'avenir ? Le rapport de la Cour mentionne les fonds régionaux d'action culturelle (FRAC) ; or l'État donne parfois des injonctions contradictoires. N'est-ce pas une autre menace pour l'avenir financier des régions ?

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Selon vous, qu'a-t-il manqué à la réforme des régions, et l'atteinte à l'identité régionale a-t-elle compliqué la vie institutionnelle ? Prenons le cas du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées. Pendant trente ans, ces deux régions ont essayé de faire vivre le fait régional. Aujourd'hui, il faut tout casser, oublier les deux institutions initiales pour les fondre dans la nouvelle région Occitanie, sans parler du choc entre les deux capitales, Toulouse et Montpellier. Les chambres régionales des comptes vous font-elles remonter des problèmes de cet ordre ?

Par ailleurs, pouvez-vous donner quelques éléments de bilan concernant l'expérimentation en cours de la certification des comptes des collectivités territoriales, dont je suis partie prenante en tant qu'élu de la commune de Fournels ?

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Monsieur le Premier président, vous faites un constat plutôt positif sur la fusion des régions : la réforme s'est déroulée sans difficulté majeure, malgré quelques grincements de dents çà et là. Je l'ai vécue à titre personnel, en tant qu'ancienne vice-présidente de région.

Quelles sont les principales variables qui permettront d'atteindre les objectifs initiaux de réduction des coûts et de renforcement des compétences des régions, afin qu'elles contribuent pleinement au développement des territoires ?

Pourriez-vous nous dire quelques mots du transfert de la gestion des fonds européens, qui contribue à renforcer le rôle des régions ?

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Je dirai d'abord à notre collègue Charles de Courson que l'efficience d'une politique publique ne se mesure pas à son auteur, mais à ses résultats dans les territoires.

Les collectivités vont mieux, ce dont nous pouvons tous nous réjouir, et elles n'ont pas attendu la contractualisation pour cela. La contractualisation n'en est pas moins une meilleure façon de faire que la réduction uniforme des dotations, car la situation des collectivités est très hétérogène.

Mais qui dit contractualisation dit négociation entre les deux parties, en tenant compte des particularités, ce qui suppose un traitement comptable homogène des dépenses. Ce n'est pas le cas, comme vous l'avez dit à raison. Les comptables publics devraient au moins enregistrer les dépenses de la même façon pour permettre de vraies comparaisons.

Par ailleurs, la trajectoire pluriannuelle des finances locales est incertaine, je partage totalement votre avis sur ce point, notamment en raison de l'inflation. La loi de programmation des finances publiques prévoyait 1 % d'inflation ; elle a atteint 1,6 % fin 2018. On peut se demander si cette prévision basse ne contribue pas à accroître la pression sur les collectivités.

Je tiens aussi à rappeler que si le déficit public s'est réduit, c'est grâce aux comptes de la sécurité sociale et des administrations locales ; le déficit budgétaire, lui, ne diminue pas. N'est-il pas grand temps de faire confiance aux élus locaux – d'autant, vous l'avez dit, que des EPCI et des communes n'ayant pas contractualisé ont plus réduit leurs dépenses que d'autres ayant contractualisé ?

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Vous indiquez que la contractualisation risquait de décourager des projets reposant sur des partenariats en cofinancement. Avez-vous connaissance de collectivités ayant dû renoncer à des projets cofinancés, ou s'agit-il davantage d'une posture ?

Dans le cadre de la compétence économique, les régions élaborent beaucoup de schémas : schéma régional de développement économique, schéma régional d'aménagement, SRADDET. Ceux-ci comportent assez peu d'indicateurs ou d'objectifs chiffrés. Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur ces schémas, et notamment sur l'articulation entre ceux des régions et des métropoles ?

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La réforme des régions est viciée à la base, car on a confondu grandeur et efficacité. Or l'efficacité tient à l'autonomie fiscale et à l'autonomie réglementaire – que nos régions n'ont pas –, et au sentiment d'appartenance. Gérer le quotidien à l'échelle de régions très étendues – comme la Nouvelle-Aquitaine, où il faut six heures pour se rendre de Felletin à Saint-Jean-Pied-de-Port – est très difficile. Cette décision était une erreur ; nous y étions opposés et nous l'avions dit.

Petit à petit, les collectivités ont vu leurs finances s'améliorer, et elles ont de plus en plus d'argent. Mais si elles réalisent un investissement, cela va entraîner une hausse du budget de fonctionnement. Or celui-ci ne peut augmenter de plus de 1,2 % par an. Dès lors, comment peut-on offrir de nouveaux services à la population en étant tenu par cette limitation ? Avec mon esprit mal tourné, je crains que Bercy ne s'appuie sur la richesse des collectivités pour réduire les dotations. Et quand je mets en regard le déficit de l'État et la bonne gestion des différentes collectivités, je me dis qu'il faudrait que la décentralisation progresse et que l'on retire des compétences à l'État pour les attribuer aux collectivités qui, elles, savent gérer leur budget.

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Le bilan des finances locales montre que tout ne va pas si mal ! En 2018, on constate un excédent de 2,3 milliards d'euros, en hausse de 700 millions par rapport à 2017. Vous soulignez une hausse attendue de l'épargne brute des collectivités de 1,7 milliard en 2019, mais vous vous inquiétez que cette hausse des recettes de fonctionnement des collectivités ne les incite pas à poursuivre leurs efforts de maîtrise des charges. Pour ma part, je pense que les collectivités ont réalisé de gros efforts, et ce premier bilan en est la preuve. Les efforts qui leur sont demandés sont réellement importants, et j'ai confiance dans leur capacité à tenir les comptes.

S'agissant du dispositif de contractualisation et de modération des dépenses de fonctionnement, les résultats sont au rendez-vous, mais, selon votre rapport, il y a une ombre au tableau : la loi de programmation 2018-2022 restreint le périmètre de la contractualisation aux budgets principaux des collectivités et des établissements concernés. Beaucoup de dépenses ne sont donc pas prises en compte dans le périmètre de contractualisation. C'est le cas des budgets annexes, dont vous soulignez qu'ils portent une part significative du dynamisme de la dépense locale – les élus locaux que nous sommes le savent également. En 2018, les dépenses de fonctionnement des budgets principaux n'ont augmenté que de 0,2 %, tandis que celles des budgets annexes ont progressé de 2,1 %. Ces hausses restent maîtrisées, mais il faut y rester attentif, et la Cour des comptes n'y manque pas.

Vous préconisez donc d'étendre le champ de la contractualisation à ces budgets annexes. Afin de nous éclairer, disposez-vous d'éléments chiffrés précis ? Avez-vous dressé un bilan identifiant chaque catégorie de collectivité et une typologie des budgets annexes, puisqu'il existe une grande diversité ?

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La Cour et les chambres régionales ont fait des contrôles dans les communes de la politique de la ville, en particulier celles impliquées dans les programmes de rénovation urbaine, pour savoir si elles bénéficient des moyens suffisants pour y faire face. Avez-vous des retours et des analyses sur la réalité financière de ces communes afin de déterminer si elles seront capables de faire face au programme que l'État leur propose – car c'est une proposition – et d'assumer complètement les charges induites ?

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J'ai trois questions portant sur la contractualisation.

Au début de la législature, le Gouvernement avait annoncé une baisse de 13,5 milliards des dépenses, mais il a finalement préféré limiter la hausse annuelle des frais de fonctionnement à 1,2 %. La Cour des comptes est-elle en mesure de comparer l'impact de ces deux mesures, sachant que la limitation de la hausse à 1,2 % a surtout un impact sur l'augmentation de l'épargne, sur le moindre recours à l'emprunt et sur la réduction de l'endettement. Nous aimerions comprendre les articulations entre ces deux dispositifs, qui aboutissent au même résultat à terme.

Je ne suis pas totalement d'accord avec Paul Molac : les dépenses d'investissement n'engendrent pas toujours des dépenses de fonctionnement. Finalement, la limitation à 1,2 % de la hausse des dépenses de fonctionnement n'a-t-elle pas la vertu de pousser les collectivités à réfléchir en termes de coûts globaux, et donc à privilégier les dépenses de rénovation, pour la transition énergétique notamment ? Avez-vous une appréciation sur la façon dont cette règle du 1,2 % oriente les dépenses dans une direction ou une autre ?

Et puis, peut-on considérer que la contractualisation, qui incite aux dépenses d'investissement plutôt qu'à celles de fonctionnement, ou le remplacement de la taxe d'habitation – impôt dont le taux est décidé par les collectivités – par une dotation, entravent la libre administration des collectivités ?

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La Cour des comptes a toujours été favorable à une meilleure lisibilité et une meilleure spécialisation de la fiscalité locale. Ce sujet est au coeur des interrogations qui entourent la réforme fiscale annoncée.

Quel est le point de vue de la Cour sur les possibilités de mieux spécialiser la fiscalité locale en fonction des collectivités et de leurs compétences ?

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Que pensez-vous de l'opportunité de créer une loi de finances pour les collectivités locales ? C'est un débat ancien mais les évolutions actuelles, en particulier la contractualisation, nous offrent un cadre pour des relations équilibrées entre l'État et les collectivités, l'exercice et le transfert des compétences. Nous pourrions envisager la création d'indicateurs de performance et d'évaluation, en respectant la libre administration et l'autonomie financière des collectivités.

Les collectivités représentent 20 % de la dépense publique totale, 70 % de l'investissement public local et 9 % de la dette publique. Ce budget équilibré des collectivités locales, en s'inscrivant dans le cadre d'une loi de finances, montrerait la vertu des politiques publiques.

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Il n'appartient pas à la Cour de porter une appréciation politique sur une réforme. Le Parlement est souverain et nous ne pouvons qu'apprécier les conséquences d'une réforme, en évaluer les impacts après sa mise en oeuvre. La Cour n'a ainsi pas d'appréciation à porter sur la décision de ramener le nombre de régions de vingt-deux à treize. Cela relève de la responsabilité politique, tout comme la suppression de la taxe d'habitation. Ce que nous pourrons apprécier, lorsque vous aurez décidé de la suppression de la taxe d'habitation, ce sont ses impacts après quelques années. Il n'entre pas dans les missions de la Cour de faire des études d'impact pour les réformes en cours. Je ne serai donc d'aucune utilité dans votre débat présent sur la réforme de la fiscalité locale.

Sur deux sujets que vous avez soulevés, des travaux sont en cours. Je viendrai vous les présenter lorsqu'ils seront terminés. Les chambres régionales travaillent sur les mineurs non accompagnés, et une évaluation de la politique de la ville est engagée, à partir des travaux des chambres régionales et de la Cour. Ces travaux vous seront présentés plutôt en 2020 qu'en 2019.

S'agissant de la nouvelle compétence GEMAPI, les chambres régionales n'ont pas encore effectué de travaux. Ce sujet méritera d'être étudié, étant entendu qu'il faut avoir suffisamment de recul pour pouvoir apprécier les conséquences de l'exercice d'une nouvelle compétence par une collectivité territoriale.

Les EPT n'ont pas non plus été étudiés par la formation interchambres. Il a seulement été précisé que les EPT d'Île-de-France n'entraient pas dans le champ de la contractualisation. Je ne suis donc pas en mesure de répondre à votre question, mais la chambre régionale d'Île-de-France aura vraisemblablement à s'exprimer sur ce sujet à l'avenir.

Madame Bonnivard, nous sommes conscients de la diversité des situations s'agissant de l'augmentation des dépenses de fonctionnement dans les régions fusionnées. Nous faisons apparaître les différences et nous apportons les données sans porter d'appréciation particulière.

Entretenons-nous une suspicion permanente ? J'invite à lire nos rapports, ceux des chambres régionales et ceux de la Cour, en totalité ; ils contiennent souvent des éléments positifs. En se contentant d'en prendre connaissance par des articles de presse ou des reportages, la vision en est forcément déformée. Ce que vous avez dit n'est pas objectif et ne correspond absolument pas à l'état d'esprit des magistrats des chambres régionales ni de la Cour.

Lorsque nous exprimons des inquiétudes, nous jouons notre rôle. J'ai le regret de vous dire que pour l'année 2019, par exemple, nos craintes relatives à l'augmentation des dépenses se sont vérifiées. En 2018, celle-ci était de 0,4 % pour l'ensemble des collectivités – et même moins 0,4 % pour celles qui faisaient l'objet de la contractualisation. Aujourd'hui, l'accroissement des dépenses de fonctionnement atteint 2,2 %, et 2,6 à 2,7 % pour les collectivités engagées dans la contractualisation. Quand nous disons que les efforts de gestion peuvent ne pas être constants d'une année sur l'autre, j'ai le regret de vous dire que cela se vérifie.

Suspectons-nous pour autant les élus locaux de ne pas tenir leurs engagements ? Non. Nous constatons seulement les faits, et nous notons d'ailleurs les efforts de gestion. Nous avons dit que la maîtrise de l'ensemble des dépenses des collectivités locales est beaucoup plus forte aujourd'hui qu'elle a pu l'être hier, qu'il y a une prise de conscience de la part de l'ensemble des acteurs publics de la nécessité de mieux maîtriser les dépenses de fonctionnement. Les citoyens, d'ailleurs, ne se contentent pas de regarder le bilan ; ils le comparent au niveau des impôts, à l'efficacité et à l'efficience des investissements – dont certains peuvent conduire à réduire les coûts de fonctionnement. Nous essayons d'avoir un regard objectif, dépourvu de suspicion a priori. Reste qu'en regardant la loi de programmation telle qu'elle nous a été présentée, nous constatons des écarts qui concernent aussi bien les collectivités territoriales que la sécurité sociale ou l'État. Encore une fois, dans le passé, lorsque nous avons exprimé des craintes, elles se sont vérifiées – mais le pire n'est pas toujours certain, évidemment.

Nous reconnaissons publiquement que la tâche des élus n'est pas toujours facile. Ils sont confrontés à des demandes, parfois contradictoires, de la part de nos concitoyens, qui souhaitent voir certains besoins satisfaits sans que les impôts augmentent. Nous connaissons ces contraintes, et les magistrats des chambres régionales en ont pleinement conscience. Cela dit, nous constatons l'existence, pour l'État comme pour les collectivités territoriales, de marges d'amélioration de la maîtrise des dépenses, notamment de fonctionnement. En particulier, dans le poste des dépenses de personnel, toute dérogation à la durée du travail de 35 heures peut représenter des équivalents temps plein.

Comparaison n'est pas toujours raison entre l'État et les collectivités territoriales puisque ces dernières, au contraire de l'État, ne peuvent emprunter que pour leurs dépenses d'investissement. Pour l'État, c'est différent. D'ailleurs, une grande partie de sa dette est le fruit de dépenses courantes, de dépenses de fonctionnement. L'État, pendant très longtemps, a aussi compensé à la sécurité sociale certaines dépenses supplémentaires résultant de décisions ou de votes du Parlement.

L'effort de maîtrise de la dépense et de respect des engagements doit concerner autant l'État et la sécurité sociale que les collectivités territoriales, ce dont, me semble-t-il, elles sont de plus en plus conscientes. Nous avons reconnu, d'ailleurs, ces deux dernières années, qu'elles avaient contribué positivement au solde de l'ensemble des administrations publiques. Ça ne fait pas toujours les gros titres des journaux, mais nous le disons régulièrement, le plus objectivement possible.

La contractualisation a suscité beaucoup de questions. Nous avions invité l'exécutif à améliorer la qualité du dialogue avec les élus locaux, et à cesser, notamment, de réduire uniformément les dotations de l'État. C'est la « contractualisation » qui a été retenue. Ce dispositif peut être amélioré, tant en ce qui concerne son périmètre que son degré de transparence. Nous formulons des propositions en ce sens, dès lors que le mécanisme pourrait être pérennisé, mais cela s'inscrit dans le cadre plus général des relations entre l'État et les collectivités territoriales. Ce n'est pas remettre en cause, me semble-t-il, la libre administration des collectivités territoriales que d'énoncer des règles d'évolution de la dépense, dans la mesure où, en vertu de la Constitution, la libre administration s'exerce dans le cadre des lois qui la réglementent. Un cadre peut donc être défini. Nous avons, d'ailleurs, recommandé à plusieurs reprises qu'une loi de financement des collectivités territoriales puisse être instaurée, qui permette la tenue d'un débat au Parlement sur des objectifs et des règles fixés aux collectivités territoriales.

Je ne suis pas en mesure de répondre aux questions de M. Morel-À-L'Huissier – mais il le sait – sur l'atteinte à l'identité régionale. Je sortirais de mon rôle si je portais une appréciation à cet égard.

Nous avons remis un premier bilan de la phase d'expérimentation de la certification des comptes locaux à la commission des Finances, mais je crois que l'ensemble des parlementaires en a eu connaissance par le biais d'un rapport du ministère de l'Économie et des finances. Je suis, bien sûr, à votre disposition pour commenter ce bilan intermédiaire, sachant que l'expérimentation se poursuivra encore quelques années – vous avez souhaité une durée assez longue pour que nous puissions formuler des propositions à partir du travail réalisé. Vingt-cinq collectivités sont concernées par l'expérimentation, qui sera réellement effective à partir de l'année prochaine, s'agissant de la certification en tant que telle.

Les conclusions qu'on en tirera ne vaudront d'ailleurs sûrement pas, on a commencé à le dire, pour toutes les collectivités territoriales. De fait, la certification est un exercice lourd, qui peut être intéressant pour des collectivités locales de grande taille. Pour celles de dimension plus réduite, d'autres solutions pourraient contribuer à une plus grande fiabilité, une sincérité accrue des comptes locaux. Une annexe au rapport comporte des développements sur les marges de progression permettant d'améliorer très sensiblement la fiabilité des comptes, d'après un travail réalisé par les chambres régionales sur le sujet.

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Jean-Michel Thornary, président de la formation interjuridictions chargée du rapport

La Cour recommande d'élargir le champ de la contractualisation aux budgets annexes. Le Premier ministre a retenu cette proposition, mais considère qu'il faut la réserver à des collectivités d'une certaine dimension – pour des raisons pratiques, cela n'aurait pas de sens de l'appliquer à des collectivités moins importantes ou à des petites intercommunalités. Jusqu'à aujourd'hui, le dispositif existant pouvait peut-être éveiller la suspicion de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de la direction générale des finances publiques (DGFiP) puisqu'il était possible, lorsque l'autorité préfectorale constatait des déports sur les budgets annexes, de réintégrer ceux-ci, à titre exceptionnel, dans le champ de la contractualisation. Il nous semble plus judicieux et plus équitable pour l'ensemble des collectivités de prévoir qu'à partir d'un certain seuil, cela soit la règle.

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Merci, monsieur le Premier président, pour la précision de vos réponses et l'intérêt de cette audition.

La réunion s'achève à 18 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Isabelle Florennes, Mme Paula Forteza, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Stéphane Mazars, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Stéphane Peu, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Jean Terlier, M. Arnaud Viala

Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Sophie Auconie, Mme Huguette Bello, M. Éric Ciotti, Mme Coralie Dubost, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, Mme Marietta Karamanli, Mme Valérie Oppelt, Mme Maina Sage, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, M. Stéphane Baudu, M. Belkhir Belhaddad, Mme Anne Blanc, M. Fabien Di Filippo, Mme Laurence Gayte, Mme Fadila Khattabi, M. Jean-Claude Leclabart, M. Didier Le Gac, M. Didier Martin, M. Bruno Millienne, M. Bernard Perrut, M. Éric Poulliat

Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Présents. - M. François André, M. Julien Aubert, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. Charles de Courson, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Bruno Duvergé, Mme Sarah El Haïry, M. Joël Giraud, M. Christophe Jerretie, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, Mme Cendra Motin, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, Mme Sabine Rubin, M. Jacques Savatier, M. Éric Woerth

Excusés. - Mme Marie-Christine Dalloz, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas