Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du jeudi 17 octobre 2019 à 11h00

Résumé de la réunion

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  • DGA
  • LPM
  • armement

La réunion

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La séance est ouverte à onze heures.

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Monsieur le délégué général pour l'armement, comme tous les ans mes collègues et moi-même vous recevons ce jour dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de finances et plus particulièrement sur le programme 146 « Équipement des forces » dont vous partagez la responsabilité avec le chef d'État-major des armées (CEMA).

Comme la ministre des Armées, Florence Parly, l'a souligné devant nous lors de son audition le 1er octobre dernier, ce PLF est conforme à la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 que nous avions votée il y a un peu plus d'un an. Il propose ainsi d'inscrire 25,3 milliards en autorisations d'engagement (AE) et 12,7 milliards en crédits de paiement (CP) au programme 146. Vous pourrez nous présenter en détail les commandes et les livraisons que ces crédits rendront possibles en 2020.

Vous pourrez nous présenter également les programmes d'armement s'inscrivant dans le long terme. L'étude du plan de commandes et de livraisons pour 2020 constitue ainsi l'occasion de faire le point sur l'état d'avancement des différents programmes en cours.

En effet, après l'effort qu'a consenti la nation avec la LPM, encore faut-il que son exécution suive réellement. Encore faut-il également que nos industriels produisent et livrent dans les délais et aux coûts prévus. Encore faut-il que les programmes d'armement conduits en coopération avec nos amis européens ne soient pas perturbés à l'excès par le contexte politique, par ailleurs mouvementé dans le cadre européen, ou par des ambitions industrielles des uns ou des autres qui n'iraient pas dans le sens de l'intérêt général.

C'est en cela aussi que, comme l'a affirmé le Président de la République, dans cette LPM tout tient dans et à l'exécution, tant pour les programmes nationaux que pour les projets en coopération.

Nous, parlementaires, sommes pour notre part très attentifs au suivi de l'ensemble des programmes. Vous pouvez compter sur notre vigilance toute particulière, notamment sur celle de notre collègue rapporteur pour avis du programme 146, M. Jean-Charles Larsonneur. Ce que vous pourrez nous en dire nous intéresse donc au plus haut point.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

Je propose de commencer par un bilan de l'exécution du budget de l'année 2019, avant de passer à l'année 2020. Sur le programme 146, nous avons un niveau d'engagement prévu en fin d'année de 14,4 milliards. Nous aurons commandé en 2019 les quatre bâtiments ravitailleurs de force (BRF) de la Marine nationale, désignés lors de nos réunions précédentes par leur nom de programme « flotte logistique » ou FLOTLOG. Nous avons commandé les premiers exemplaires des missiles M51.3 de la force de dissuasion, c'est-à-dire le nouvel incrément du missile M51 de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Nous aurons commandé deux avions de guerre électronique dans le cadre du programme « capacité universelle de guerre électronique » (CUGE) – successeurs des Transall C-160 Gabriel. Et nous aurons commandé aussi le sixième et dernier sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) de nouvelle génération Barracuda. Cette dernière commande a été effectuée en juin 2019.

Les besoins de paiement 2019 se montent à 13,3 milliards, pour des ressources en crédits de paiement disponibles qui s'élèvent à 10,6 milliards, auxquelles nous pouvons rajouter la réserve de précaution actuellement mise de côté de 348 millions, qui correspond à 3,2 % des crédits du programme 146.

Comme nous l'avions fait en 2018, nous avons mis en place ce que nous appelons une « gestion dynamique » de cette réserve gelée. Nous ajustons le montant des engagements réalisés tout au long de l'année en fonction de l'évolution budgétaire du programme en matière de paiements, c'est-à-dire en fonction de l'avancement des contrats que nous passons au cours de l'année, des besoins de paiement réels tels qu'ils se confirment au fur et à mesure de l'évolution des programmes, ou encore des résultats de nos négociations avec les industriels lorsque nous passons ces contrats.

Le report de charges du programme 146 à la fin de l'année 2019 est estimé à 2,6 milliards d'euros, soit un montant conforme à la trajectoire fixée par la LPM. Concernant les études amont inscrites au programme 144, le niveau d'engagement prévu à la fin de l'année est de 920 millions, soit une hausse significative, de 18 %, par rapport à 2018 – ce qui est cohérent avec la trajectoire d'augmentation du budget des études amont. Nous visons en effet au titre de la LPM un montant d'un milliard d'euros en 2022 pour les études amont.

Les besoins de paiement sont quant à eux de 759 millions pour une ressource en loi de finances initiale équivalente, avec toutefois une réserve de 25 millions d'euros. Nous estimons que nous dépenserons la totalité de la ressource disponible d'ici la fin de l'année 2019. Les principales études lancées en 2019 concernent le système de combat aérien du futur (SCAF), le Main Ground Combat System (MGCS), en partenariat avec nos amis allemands, le partenariat d'innovation « architecture de traitement et d'exploitation massive de l'information multisource » (ARTEMIS) qui vise à mettre au point une infrastructure de traitement des données massive dans notre ministère, et le porte-avions de nouvelle génération (PANG) sur lequel nous avons commencé à travailler.

Enfin, je signale que dans l'enveloppe « études amont » 95 millions d'euros bénéficieront à la recherche académique et à l'innovation en cycle court, sous l'impulsion de l'Agence d'innovation de défense (AID) créée en 2018. À ce titre, 50 millions seront consacrés aux dispositifs de régime d'appui pour l'innovation duale (RAPID) à destination des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) de notre pays. Enfin c'est aussi avec cette enveloppe que nous finançons les investissements du fonds Def'Invest mis en place avec Bpifrance fin 2017. Après presque deux ans d'activité, nous en sommes aujourd'hui à six investissements réalisés dans des PME ou des start-ups que nous considérons comme des pépites technologiques et qui relèvent de cet objectif.

S'agissant des livraisons réalisées dans l'année 2019, je voudrais signaler tout d'abord les premiers équipements portatifs de communications numériques tactiques et de théâtre (CONTACT). Nous avons récemment inauguré avec Thales la chaîne de production qui se trouve à Cholet. Nous avons livré les douze premiers véhicules blindés multirôles (VBMR) Griffon du programme Scorpion. Cette livraison a donné lieu à une cérémonie organisée à Satory le 4 juillet. Nous avons également livré un premier lot de missiles de croisière navals (MdCN) pour Barracuda, ainsi que le troisième lot pour les frégates multimissions (FREMM). Une frégate multimissions d'action sous-marine (ASM) a d'ailleurs été livrée en juillet. Nous avons livré le quinzième A400M Atlas en avril, et le second avion ravitailleur MultiRole Tanker Transport (MRTT) Phénix en juillet, avec trois mois d'avance.

D'ici la fin de l'année, il nous reste à livrer le troisième système de drones MALE REAPER ainsi que les 500 premiers véhicules légers tactiques polyvalents non protégés (VLTP NP) destinés à notre Armée de terre. Concernant l'exportation, je vous rappelle les chiffres 2018. La prise de commandes française s'est élevée en 2018 à 9,1 milliards d'euros, soit une augmentation de près de 30 % par rapport à 2017. Près d'un quart de ce montant concerne des exportations réalisées auprès de nos partenaires européens, en particulier dans le cadre du contrat portant sur le programme de capacité motorisée (CAMO) destiné à renouveler la capacité motorisée de l'armée de Terre belge – contrat CAMO dont nous avons déjà parlé et qui est désormais en vigueur. Nous pouvons également signaler la vente par Airbus Helicopters d'hélicoptères NH90 à l'Espagne.

Je crois que nous pouvons nous féliciter de ce résultat qui est à mettre sur le compte des actions de nos industriels et du dispositif de soutien aux exportations en place au sein du ministère, à la Direction générale de l'armement (DGA) ainsi que dans les armées. S'agissant du soutien à l'export, nous avons musclé notre dispositif à l'égard des PME avec la création du label « Utilisé par les armées françaises », annoncée lors du dernier Salon du Bourget. À ce jour, nous avons labellisé une quinzaine de matériels réalisés par ces PME et autres entreprises de petite taille. La DGA comptera 10 019 équivalents temps plein (ETP) fin 2019, pour une masse salariale de 780 millions d'euros.

J'en viens à présent au PLF 2020. Pour ce qui concerne le programme 146 et les investissements en matériels d'armement, les promesses de la LPM sont tenues. Les budgets du programme 146 comme du programme 144 augmentent de manière substantielle. Le programme 146 voit sa ressource augmenter, à périmètre constant, de 1,3 milliard en CP. Cet effort s'effectue principalement au profit des programmes à effet majeur (PEM), dont la hausse de 1,1 milliard d'euros pour 2020 représente près des deux tiers de l'augmentation de l'ensemble de la mission « Défense », qui s'élève à 1,7 milliard.

L'augmentation de l'allocation de CP pour les PEM permettra de lancer des commandes, mais également d'alléger le report de charges. À la fin de l'année 2020, le report de charges, conformément à la trajectoire de la LPM, diminuera en effet pour atteindre 2,4 milliards – soit une baisse de 200 millions d'euros par rapport aux 2,6 milliards de fin 2019.

Le programme 146 connaît cette année une légère évolution de périmètre, car sont transférés du programme 212 au programme 146 les crédits des programmes majeurs d'infrastructure – c'est-à-dire les crédits d'infrastructure qui sont adossés aux programmes d'armement. Ce transfert représente un montant de 312 millions d'euros. Son objectif est de mieux garantir la cohérence des opérations d'ensemble que représentent un programme d'armement et l'infrastructure associée – la maîtrise d'ouvrage des infrastructures restant de la responsabilité du Service d'Infrastructure de la Défense (SID).

J'en viens à présent aux principaux engagements prévus en 2020. Les besoins d'engagement s'établissent à près de 22 milliards d'euros, soit une augmentation très substantielle de 50 % par rapport à 2019. Nous comptons lancer en 2020 la réalisation du SNLE de troisième génération, donc le renouvellement de la composante océanique.

Est également prévue la commande de quatre systèmes de drones MALE, sous réserve que nous bouclions la négociation correspondante avec l'industrie d'ici la fin de l'année 2019.

Au titre du programme Scorpion, nous engagerons la commande des premiers véhicules légers Serval, au nombre de 364. Vous avez pu voir récemment des photographies dans la presse des premiers engins d'essai de qualification industrielle. Nous continuerons les achats de Griffon et nous engagerons les premiers achats d'engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar. Nous prévoyons en effet de lancer la commande de 42 Jaguar, ainsi que la rénovation des 50 chars Leclerc qui feront partie du programme Scorpion. Nous lancerons également la réalisation du troisième standard de l'hélicoptère Tigre (Mk3). Pour la Marine, nous remplacerons les Hawkeye E-2C par des Hawkeye E-2D, en commandant trois appareils de guet aérien embarqués.

En ce qui concerne les paiements liés au programme 146 pour l'année 2020, les besoins de paiement s'élèvent à 12,5 milliards d'euros hors report de charges, dont 6,9 milliards d'euros destinés aux PEM. La ressource budgétaire allouée en CP au titre du PLF 2020 qui vous est soumis est de 12,6 milliards, soit une hausse de 1,3 milliard – dont 1,1 milliard pour les PEM comme je l'ai signalé plus haut, et hors transfert des crédits des programmes d'infrastructure à hauteur de 312 millions. S'agissant des principales livraisons prévues en 2020, nous devons livrer pour l'Armée de terre le second système de drone tactique (SDT) PATROLLER. Nous devons également livrer 1 000 VLTP NP, 7 hélicoptères NH90, ainsi que 128 Griffon qui viendront s'ajouter aux 92 de 2019, et les quatre premiers EBRC Jaguar. Pour la Marine, je signale en particulier l'arrivée du Suffren, saluée par le Président de la République le 12 juillet dernier à Cherbourg. Le premier Suffren doit être livré à l'été 2020.

Pour l'Armée de l'air et de l'espace – cette nouvelle dénomination n'étant pas encore officielle –, je signale la mise en orbite du deuxième satellite « composante spatiale optique » (CSO), membre de la nouvelle génération des satellites à imagerie optique. Le premier d'entre eux a été lancé, comme vous le savez, en décembre 2018 et ses performances en imagerie sont tout à fait remarquables. Le lancement du deuxième satellite est prévu pour sa part à la fin du premier trimestre ou au début du deuxième trimestre 2020. Ce satellite sera placé sur une orbite plus basse que son prédécesseur, ce qui garantira une résolution encore meilleure que celle dont nous disposons avec celui-ci. Nous avons également prévu de livrer en 2020 deux autres avions A400M, ce qui devrait porter le nombre total de ces avions fournis à l'Armée de l'air à 17. Nous espérons d'ailleurs pouvoir livrer l'un de ces deux avions dès la fin de l'année 2019. Et nous livrerons aussi le troisième Phénix MRTT.

Concernant le programme 144, les ressources consacrées aux études amont poursuivront la hausse programmée dans la LPM. Nous aurons 1 milliard d'euros d'engagements et 821 millions d'euros de paiements consacrés à ce programme 144, soit une hausse de 9 % en engagement et de 8 % en paiement, l'objectif étant de parvenir à un total de 1 milliard d'euros en paiement en 2022. Nous poursuivrons par ailleurs l'effort en recherche académique et en innovation en cycle court, en rajoutant 10 millions par rapport au chiffre de 2019. Nous passerons ainsi de 95 millions à 105 millions. L'objectif est de poursuivre le soutien à l'innovation des PME et des petites et moyennes industries (PMI).

Les crédits accordés aux études amont maintiendront l'effort déjà engagé en matière d'innovation, notamment dans le domaine de la cyberdéfense, où nous avons prévu un peu moins de 20 millions d'euros de CP en 2020. L'effort sera également poursuivi en matière de dissuasion pour continuer la préparation du renouvellement de la composante océanique et de la composante aéroportée.

Dans le domaine des missiles, nous avons un rendez-vous important avec nos amis britanniques sur le programme de futur missile antinavirefutur missile de croisière (FMANFMC), qui s'inscrit dans le cadre du renouvellement du système de croisière conventionnel autonome à longue portée et d'emploi général (SCALP-EG) et des missiles Exocet. Nous continuerons en outre le projet de démonstrateur de planeur hypersonique engagé en 2018, ainsi que les travaux de coopération avec nos amis allemands sur le MGCS et conjointement avec nos amis espagnols sur le SCAF.

J'en viens enfin à la DGA. La DGA poursuit l'ensemble de ses chantiers de transformation, à commencer par la remontée des effectifs inscrite dans la LPM. La cible est ainsi fixée à 10 156 ETP d'ici fin 2020. Cette démarche vise à répondre aux nouvelles missions en développement – cyberdéfense, intelligence artificielle – ainsi qu'à l'augmentation du budget d'investissement que j'ai évoquée. Un mouvement de transformation sociologique est par ailleurs en cours au sein de la DGA. Nous passerons ainsi progressivement d'un peu plus de 50 % à 60 % de personnels de niveau 1 en 2021.

Nous avons mis en place de nouveaux processus de préparation et de conduite des opérations d'armement. Ainsi, en liaison avec les États-majors nous avons créé un plateau conjoint à Balard entre l'État-major des armées et la DGA pour préparer les commandes futures dans une démarche capacitaire, l'idée étant de préparer ces commandes par capacités et non plus programme par programme.

Nous avons simplifié les processus par l'établissement d'un document unique de besoins qui vient remplacer les fiches de caractéristiques militaires et de spécifications techniques des besoins anciennement employées. Nous devons aussi généraliser des plans d'essais et d'expérimentations communs entre les industriels, la DGA et les armées, afin de gagner en efficacité et en rapidité. Nous généralisons l'approche incrémentale dans nos projets de manière à pouvoir livrer au fur et à mesure de leur disponibilité les innovations technologiques permettant de répondre aux besoins opérationnels de manière plus satisfaisante, ou à tout le moins plus rapidement.

Nous rééquilibrons par ailleurs notre relation avec l'industrie. Nous avons ainsi durci notre dispositif contractuel pour que les industriels tiennent mieux leurs engagements en matière de réalisation des programmes. Grâce à la LPM, nous nous sommes également dotés d'une capacité d'enquête de coûts a priori, alors que nous n'avions jusqu'à présent qu'une capacité d'enquête de coûts a posteriori. Et nous voulons assurer à la puissance publique le retour sur investissement qui nous paraît légitime en matière de bénéfices aux exportations. L'idée est que les actions d'exportation des industriels s'accompagnent d'un retour pour l'État qui les a soutenues. Sur le plan de l'innovation, après un an d'activité, l'AID est en place. Son intégration aux autres directions de la DGA – direction technique, sous-direction des méthodes et du management des projets – est effective. Les processus et les effectifs sont présents, même si une montée en puissance complémentaire reste à réaliser.

Ceci s'est déjà traduit par des projets concrets. Des expérimentations ont été menées pour l'usage de robots au profit de l'Armée de terre. D'autres ont été conduites par le biais de challenges adressés à des étudiants dans le domaine de l'intelligence artificielle. Nous pouvons citer en outre la création de la cellule de coordination de l'intelligence artificielle de défense (CCIAD) courant juillet 2019, qui a constitué l'une des principales conclusions des travaux de la task force « intelligence artificielle », menés le mois précédent. Nous avons également créé quatre clusters d'innovation autour de nos centres techniques de la DGA : à Toulon, Vert-le-Petit, Bourges et Brest. Ces clusters ont pour mission d'assurer le relais de l'action de notre ministère en matière d'innovation, à partir des écosystèmes régionaux existant déjà autour des centres techniques de la DGA.

Nous avons aussi veillé à développer les actions que nous menons en matière de coopération européenne. Celle-ci peut être bi ou multilatérale, avec nos grands partenaires que sont les Allemands, les Britanniques, les Italiens, les Belges ou les Espagnols, autant qu'avec les autres pays européens, notamment dans un cadre large au niveau de l'Europe communautaire, qui recouvre tout ce qui se passe à Bruxelles. Nous pouvons citer dans ce dernier domaine les actions préparatoires menées dans la perspective du fonds européen de la défense (FED). Pour ce qui concerne le programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID) – c'est-à-dire les 500 millions prévus par la Commission sur la période 2019-2020 en attendant le FED du prochain plan de la Commission –, nous sommes satisfaits du positionnement obtenu sur deux projets européens qui feront l'objet d'une contribution de ce PEDID, d'ores et déjà hors compétition. Il s'agit de l'Eurodrone MALE et du programme de radios logicielles European Secure Software Defined Radio (ESSOR), tous deux déjà en place au sein de l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR).

Dans le cadre des appels à projets en compétition, nous avons également présenté en tant que nation pilote trois projets supplémentaires. Il s'agit d'un projet de ballons de surveillance et de renseignement (High Altitude Pseudo-Satellite – HAPS), d'un projet de terminal de réception de radionavigation Galileo ainsi que du projet Beyond Line of Sight (BLOS), portant sur un missile terrestre capable de tirer au-delà de la vue directe.

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La LPM 2019-2025 prévoit une augmentation conséquente du nombre de programmes en coopération avec nos partenaires européens. Vous avez ainsi évoqué le FED dont nous pouvons nous féliciter, ainsi que le PEDID « action préparatoire ». Tout ceci doit nous aider à renforcer la filière européenne de composants stratégiques. Dans un entretien accordé à La Tribune le 14 juin dernier, vous indiquiez avoir « lancé des travaux soutenus par Bruxelles dans le cadre de l'action préparatoire pour la recherche en matière de défense, qui est l'une des actions de préfiguration du FED ». Quelles sont les pistes stratégiques que vous privilégiez dans le cadre du PEDID et surtout du FED ? Pouvez-vous nous donner des nouvelles des grands programmes de coopération franco-allemands, SCAF et MGCS ? Enfin, je crois qu'une dernière liste vient d'être présentée pour la coopération structurée permanente (CSP, Permanent Structured Cooperation – PESCO). Je voudrais savoir si vous suiviez attentivement les nouveaux projets qui viennent d'être proposés.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

Apparemment, M. le député se pose la question !

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Monsieur le délégué général, j'ai deux questions qui portent sur l'AID. L'année dernière, vous aviez évoqué la nécessité de renforcer notre dispositif d'innovation à temps court. Je voudrais savoir où cela en est. Par ailleurs, les ressources allouées à l'innovation sont-elles suffisantes afin que nous restions compétitifs ?

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Lors de l'AdT Show, vilain anglicisme qui désigne l'exhibition des forces et des nouvelles technologies de l'Armée de terre, nous avons pu prendre connaissance des nouvelles avancées obtenues en matière de camouflage des blindés, allant du camouflage simple, lié à la forme et au flocage de nos véhicules, jusqu'aux recherches effectuées sur le camouflage optique et thermique. Nous nous félicitons de ces projets, car il n'est pas de meilleure protection sur le champ de bataille que celle de ne pas être décelé. Je souhaitais ainsi que vous puissiez faire un point sur les différentes options à l'étude, leur éventuel calendrier de déploiement ainsi que sur les incidences budgétaires éventuelles de ces changements critiques sur la « survivabilité » de nos troupes. Par ailleurs, si ces nouvelles technologies touchent notamment nos Griffon, pouvez-vous nous indiquer si les véhicules de l'avant blindé (VAB) en service seront soumis à rétrofit sur la base de ces nouveaux camouflages ?

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J'ai préparé la présente audition en lisant un entretien que vous avez accordé à la revue Défense et sécurité internationale (DSI) et que j'ai trouvé très intéressant, portant sur l'enjeu de la souveraineté technologique. Vous commencez cet entretien en disant que le succès des grandes opérations d'armement au profit des forces armées repose sur une industrie de défense souveraine à l'échelle française et européenne. Vous le terminez avec l'exemple concret de recrutements que vous effectuerez pour répondre à ce défi que vous qualifiez de passionnant, avec en particulier plus de 60 ingénieurs militaires et près de 500 ingénieurs contractuels civils sur l'année 2019. Ces recrutements ont-ils bien été budgétisés ? S'agissant de la souveraineté, j'aurais trois questions à vous poser à partir des réponses que vous avez apportées lors de cet entretien.

Vous parlez de démarche capitalistique. Ne craignez-vous pas que le fait de faire appel à des sociétés privées sans maîtrise publique (Naval Group, par exemple) fasse de l'armée française un client comme un autre ? Nous avons l'exemple de la Marine nationale, qui doit attendre avant de recevoir des pétroliers ravitailleurs en raison d'une saturation de commandes du côté de Naval Group. Par ailleurs, je trouve très intéressantes toutes les démarches mises en oeuvre à destination des PME, notamment le fonds d'investissement Definvest doté de 50 millions. Quel est le niveau d'intervention de Bpifrance dans ces PME ? Cela garantit-il une certaine maîtrise et évite-t-il que les investissements effectués puissent partir à l'étranger pour profiter à d'autres ? Enfin, s'agissant de la coopération européenne que vous développez sous tous ses aspects, n'existe-t-il pas un risque de perte de souveraineté pour notre défense nationale ? Et pouvons-nous parler véritablement d'une autonomie opérationnelle et stratégique comme vous le faites, alors que l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) a l'oeil sur tous les choix qui sont faits ?

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Dans la mesure où l'Eurodrone est doté d'un récepteur biconstellations Global Positioning System (GPS) et Galileo – ce qui lui procure un avantage notamment sur les théâtres d'opérations où le GPS a beaucoup plus de chances d'être brouillé que Galileo –, quel impact la décision des Britanniques de se retirer, dans le cadre du Brexit, de l'utilisation pour les applications de défense du programme Galileo peut-elle avoir sur le plan de l'interopérativité ? Par ailleurs, que pensez-vous de l'application de la transmission des données en direct, en vol, sur les théâtres d'opérations ? En effet, contrairement au Reaper, dont la boîte noire ne communique qu'avec son équipage, je crois comprendre que l'Eurodrone est équipé de capacités de connexion avec des troupes au sol et dispose également d'autres applications que vous pourriez peut-être détailler. Enfin, je souhaiterais soulever la question de l'utilisation par les forces spéciales de SIG MCX qu'elles recevront en dotation prochainement. Ces armes sont dotées d'un calibre de 300 blackout, soit l'équivalent d'un calibre de kalachnikov pour des Close Quarter Battles (CQB).

Actuellement, plusieurs appels d'offres de renouvellement sont en cours ou approchent : concernant le HK 416, le fusil de précision semi-automatique (FPSA), ou encore la FN mini-mitrailleuse (Minimi). Or nous avons conservé le même dogme pour les calibres, d'autant plus que nous n'avons plus d'autonomie stratégique sur les munitions. Mais les Américains ont développé le 6,8 mm SPC, par Remington Arms, soit un calibre qui ressemble au 300 blackout, mais présente une plus grande létalité et davantage d'énergie cinétique à l'impact – autant d'avantages demandés depuis longtemps par les hommes sur le terrain. Si les Américains imposent comme nouveau dogme ce nouveau calibre, que pourrons-nous faire, sachant que nous n'avons pas d'autonomie stratégique dans ce domaine ? Faudra-t-il remplacer tous les uppers de tous les fusils que nous avons achetés ? Faudra-t-il lancer de nouveaux appels d'offres prématurément ? Je suis très inquiet de cette situation. Il s'agit peut-être de petits programmes, mais ils peuvent engendrer des coûts faramineux si la nouvelle mode consiste à se débarrasser du 5,56 mm OTAN – cette possibilité étant déjà débattue depuis longtemps.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

Nous avons effectivement à mener une action de développement de composants stratégiques en France et en Europe pour essayer de nous dégager progressivement de la contrainte de l'International Traffic in Arms Regulations (ITAR). En effet, notre premier problème actuellement est que nos armements et nos matériels contiennent des composants américains qui sont ou peuvent être soumis – cette décision relevant entièrement du libre arbitre des États-Unis – à une contrainte ITAR potentiellement handicapante en matière d'exportation. Nous cherchons donc à désensibiliser au maximum, autant que possible, les nouveaux programmes. Nous inscrivons ainsi une exigence d'insensibilité ITAR dans les spécifications initiales des programmes à venir. Nous cherchons aussi à développer des filières de composants stratégiques, soit de manière franco-française au titre de nos actions d'études amont, soit au titre des programmes européens, notamment de l'action préparatoire sur la recherche en matière de défense (Preparatory Action on Defence Research – PADR) qui constitue l'autre volet préparatoire du FED.

Nous avons par ailleurs présenté en juillet 2019 les propositions destinées à la troisième vague de la CSP. J'y reviendrai plus loin. Le choix n'est pas encore fait, mais devrait être posé dans les semaines à venir. Concernant les programmes franco-allemands, dans le cadre du Conseil des ministres franco-allemand (CMFA) qui s'est réuni le 16 octobre s'est tenue une nouvelle session du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité (CFADS). À cette occasion a été acté l'avancement de nos programmes communs en matière d'aviation de combat du futur et de chars de combat du futur.

Pour le MGCS, nous avons obtenu le 15 octobre une lettre d'intention cosignée par les industriels allemands Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall et l'industriel français Nexter, visant à s'accorder sur l'organisation industrielle de la première tranche de travail de ce programme, consacrée aux études d'architecture. Cet accord d'organisation a été acté après plusieurs mois de discussions. Nous avons veillé à ce qu'il préserve les intérêts de Nexter. La part française est ainsi de 50 %. Nous avons également veillé à ce qu'il préserve l'existence de KNDS, la société commune franco-allemande créée entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann en 2015-2016. Celle-ci se voit en effet accorder les deux tiers des responsabilités du programme. Cet accord me semble donc être un bon accord industriel, qui répond à la demande allemande, incontournable, de faire entrer Rheinmetall dans le jeu tout en préservant les intérêts de Nexter comme ceux de KNDS.

Concernant l'avion de combat du futur, nous nous apprêtons à notifier, dans les jours à venir, la deuxième tranche de l'étude d'architecture initiale – Joint Concept Study (JCS) – notifiée en janvier 2019. Cette deuxième tranche signera l'arrivée du financement allemand. En effet, comme vous vous en souvenez peut-être, nous avons démarré les travaux sur l'avion de combat du futur sur la base d'un financement français faute d'argent allemand disponible, du fait de processus internes d'autorisations d'engagement au sein du Bundestag. Dès cette semaine, ou la semaine prochaine, nous serons donc capables de notifier le premier contrat correspondant.

S'agissant du premier contrat de développement technologique, qui viendra compléter l'étude d'architecture système, nous nous sommes mis d'accord avec les Allemands le 16 octobre pour achever sa mise au point d'ici janvier 2020. Le principal problème demeure l'accord à obtenir pour le moteur entre les deux industriels Safran et MTU. Les discussions correspondantes n'ont pour l'instant pas été concluantes. Nous avons relancé ce processus, l'idée étant de le faire aboutir afin que le premier contrat de développement technologique puisse être lancé en janvier prochain. Nous pouvons souligner par ailleurs que le CFADS du 16 octobre et le CMFA qui l'a suivi ont été l'occasion pour nos deux pays de parapher un accord de règles communes en matière d'exportation, ce qui constitue également une étape significative de ce parcours. J'en viens à présent à l'AID. Son objet est effectivement de créer des outils, des capacités et des processus permettant de travailler dans le temps court. J'ai évoqué plus haut notamment les expériences conduites récemment dans le domaine de la robotique avec l'Armée de terre. Les ressources, financières et humaines, nécessaires sont en place. Je rappelle notre trajectoire d'atteinte du milliard en 2022 pour les études amont, conformément à la LPM.

Je reviens ensuite à la CSP. La France a proposé trois projets en juillet dernier concernant les capacités de combat collaboratif, les capacités de surveillance et d'interception de menaces balistiques, et les matériaux et composants critiques. La troisième vague est en préparation. Le verdict doit tomber en novembre 2019. Les camouflages dont vous avez parlé, Monsieur le député Lainé, sont bien prévus d'être considérées dans l'intégration du programme Scorpion, dans la mesure où ces innovations, que vous avez pu voir au cours de l'AdT Show, sont matures et industrialisables. Et vous avez raison de souligner l'importance des camouflages sur le plan opérationnel. Pour les véhicules actuellement en service, des programmes d'amélioration continue sont en oeuvre. Ils se feront toutefois au fur et à mesure des capacités techniques et des priorités budgétaires établies avec l'Armée de terre. J'en viens à présent aux questions de M. le député Chassaigne sur la souveraineté.

Pour ce qui concerne les moyens dont la DGA doit disposer, sa trajectoire en matière d'effectifs correspond strictement au redressement de la courbe acté dans la LPM. Ceci se déroule sans difficulté particulière. Grâce au fonds Def'Invest, nous investissons effectivement avec Bpifrance dans les PME et les start-ups dont nous estimons qu'elles représentent une pépite technologique qu'il convient de consolider, et parfois aussi pour éviter une éventuelle captation par un industriel étranger.

Le fonds Definvest est doté de 50 millions depuis 2017. À ce jour, nous avons investi six tickets d'investissement « entreprises ». Ces investissements sont décidés en commun entre Bpifrance, gestionnaire de l'investissement public, et la DGA, chargée d'évaluer l'intérêt technique de l'opération. Ces six tickets investis en dix-huit mois me semblent constituer un bon résultat qui montre que ce système est efficace. Il l'est d'autant plus qu'il couvre des domaines très variés, allant du nanosatellite avec la start-up bretonne Unseenlabs à la photonique avec l'entreprise de deep-tech rennaise Cailabs, en passant par des dispositifs optiques. Tout ceci fonctionne très bien. Ce que nous avons fait jusqu'à présent donne satisfaction aux industriels concernés.

Vous avez posé aussi une question sur la propriété capitalistique des sociétés. À titre personnel, je ne vois pas de difficulté avec les sociétés avec lesquelles nous travaillons, quelle que soit la propriété de leur capital, d'autant que l'État est présent d'une manière ou d'une autre dans les entreprises comme Thales, Dassault ou Naval Group. Cette présence se matérialise soit directement au capital, soit par le biais d'une convention particulière dont ces entreprises font l'objet. Nous avons donc les moyens de tenir notre rôle et de veiller à ce que ces entreprises n'aillent pas à l'encontre des intérêts publics que nous représentons. Pour ma part, je pense qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir. Par ailleurs, nous disposons de l'autonomie opérationnelle que vous mentionniez. Je me permets de m'inscrire en faux contre vos propos, Monsieur le député. Nous ne sommes pas du tout dépendants de l'OTAN au point où vous l'avez souligné.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

Sur ce point, aucune difficulté ne se présente. Nous appliquons des normes de l'OTAN (Standardization Agreements – STANAG) dans la définition de nos programmes de façon à garantir l'interopérabilité de nos matériels avec ceux de l'OTAN. Mais une fois cette interopérabilité garantie, techniquement parlant nous sommes entièrement libres de leur usage. La coopération en matière d'armement consiste par ailleurs à construire ensemble un même matériel, que chacun peut ensuite utiliser à sa convenance. Aucune dépendance ne se manifeste non plus sur ce plan. La coopération répond en outre à des enjeux de politique de défense et de nécessité économique. Elle facilite également l'interopérabilité entre les forces. En effet, si nous avons des équipements communs ils seront plus facilement interopérables que s'ils étaient entièrement différents. La coopération contribue aussi à la consolidation industrielle à l'échelle de l'Europe. Cette coopération ne me semble donc pas susceptible de produire des inconvénients majeurs concernant nos capacités d'autonomie.

Par ailleurs, les Britanniques ont effectivement fait l'objet de différentes décisions d'exclusion du programme Galileo par la Commission européenne depuis 2018. Concernant l'Eurodrone et tous les matériels dotés de récepteurs de type « géolocalisation et navigation par un système de satellites » (GNSS) comme Galileo ou le GPS, la question du post-Brexit se pose. Nous avons toujours dit aux Britanniques que nous étions prêts à continuer à travailler avec eux dans le cadre d'une coopération bilatérale dans le domaine de la défense. Dans un certain nombre de cas, cette coopération peut très bien se traduire par des accords bilatéraux passés entre la France et le Royaume-Uni. Pour d'autres, tels que Galileo qui est un programme géré par la Commission européenne, il faudra traiter ces questions une fois que le Brexit aura débouché sur une situation plus précise que la situation actuelle.

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Un accord vient tout juste d'être annoncé entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

C'est une bonne nouvelle.

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Il ne sera pas ratifié par le Parlement britannique, donc cela ne sert à rien.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

Quel que soit le Brexit, il reste que la France a l'intention de poursuivre sa politique de coopération bilatérale en matière de défense avec le Royaume-Uni. Or cela passe par un volet relatif à l'armement. Quant à la liaison de l'Eurodrone avec les troupes au sol, elle est bien sûr sécurisée, donc résiliente aux risques de brouillage et d'interception que vous avez évoqués. Sur la question des calibres, je dois avouer que vous me prenez un peu de court. Le calibre 5,56 mm de l'OTAN nous semble pérenne. Nous sommes vigilants sur la filière d'approvisionnement, même si nous n'avons pas de filière nationale. Mais nous pensons avoir suffisamment de capacités disponibles sur le marché européen et mondial pour pouvoir y faire nos achats. De toute façon, nous n'en achetons qu'une très petite quantité par rapport au marché mondial. La question des munitions de petit calibre s'était posée il y a déjà plusieurs mois. Nous ne voyons pas pour notre part de risque majeur en la matière.

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Monsieur le délégué général, le 17 septembre, vous inauguriez le lancement du nouveau poste de radio « CONTACT » de Thales à Cholet. Pouvez-vous nous dire ce que ce nouvel outil apportera concrètement de nouveau à nos hommes sur les terrains d'opérations ? Quel est le calendrier de déploiement dans les trois corps de cette nouvelle gamme de radios logicielles tactiques ? Comment nous assurer par ailleurs la primeur de l'approvisionnement, alors que le contrat signé est substantiel et que ce nouvel outil connaît déjà un fort succès à l'exportation ?

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Je souhaiterais vous interroger tout d'abord sur la sous-action 89 de l'action 11 du programme 146, intitulée « Fonctionnement et soutien DGA », qui voit son budget diminuer de 21 %. Comment cette situation s'explique-t-elle, alors même que le nombre de postes augmente à la DGA et que les projets à suivre se multiplient ? Par ailleurs, le MdCN avait été qualifié pour l'opération Hamilton. Or des dysfonctionnements sont survenus. Le retour d'expérience (RetEx) sur cette opération entraînera-t-il une modification des règles de qualification ? Avez-vous revu votre manière de procéder, ou bien le RetEx a-t-il conclu à la non-pertinence d'une telle démarche ? Comment expliquez-vous que la DGA ne figure pas parmi les bénéficiaires de la prime de lien au service, sachant qu'elle ne bénéficiait pas déjà de la prime destinée aux officiers généraux ? Cela ne risque-t-il pas, à terme, de créer des inégalités entre les différentes branches de nos armées ?

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Il y a déjà trois mois, le Suffren, représentant la nouvelle génération de SNA, a été exposé sur le site industriel de Naval Group à Cherbourg en présence du Président de la République, de la ministre des Armées et de nombreux députés dont je faisais partie. Ce fut un beau moment de rencontre, et de fierté pour Naval Group. Il s'agit du premier sous-marin d'une série de six. La livraison à la Marine nationale est prévue en 2020 à Toulon, comme vous l'avez annoncé dans vos propos liminaires. Ce délai de livraison sera-t-il tenu ? Par ailleurs, les infrastructures, à savoir le bassin et le quai permettant l'accueil du Suffren à Toulon, seront-elles également prêtes à temps ?

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À la suite de mon collègue M. Joachim Son-Forget, je souhaiterais vous interroger sur les petits calibres. Nous sommes informés régulièrement sur la livraison des HK 416 F. Mais pouvez-vous nous faire un point sur le calendrier du choix et du remplacement effectif et progressif de nos vénérables MAC 50 et des modèles plus récents que sont les Beretta 92FS par des pistolets automatiques de nouvelle génération ? Par ailleurs, avez-vous une idée du potentiel à la revente de ces anciens équipements ?

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Où en êtes-vous dans vos recrutements en 2019, notamment ceux liés aux nouvelles technologies dont vous avez parlé ? Quelles nouveautés sont-elles prévues en 2020 pour conserver les postes nécessaires dans ces domaines ?

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Ma question portera sur l'innovation et plus précisément sur ce qui constitue le fil rouge de mes interrogations depuis deux ans : l'homme volant, Franky Zapata, régulièrement évoqué dans notre commission. Le 2 juillet dernier, lors de votre précédente audition, en réponse à ma question sur les innovations de Franky Zapata vous nous avez indiqué ne pas avoir reçu de demandes de la part des armées. Or, trois semaines plus tard, nous le voyions survoler les Champs-Élysées pour le défilé du 14 juillet. Quelques semaines plus tard, il traversait la Manche. Et il y a un mois et demi, nous apprenions que le ministère des Armées lui avait octroyé en décembre 2018 une subvention de 1,3 million destinée non à financer le Flyboard Air mais à soutenir l'amélioration de son projet de moteur thermique.

Nous avons pu rencontrer Franky Zapata le 15 octobre lors d'un déjeuner auquel quelques collègues ont pu participer. Il a pu nous exposer brièvement l'historique de son invention, que je trouve pour ma part incroyable. Il nous a raconté également son séjour aux États-Unis, durant lequel l'armée américaine s'est intéressée à son projet, ce qui lui a permis de créer le EZ Fly (Easy Fly), spécialement conçu pour les forces militaires. Il a formé à l'époque vingt militaires américains au maniement de cet appareil.

Quelle est aujourd'hui la position de la DGA par rapport à ce Français qui tient à rester en France et à innover en France ? Qu'en est-il par ailleurs de son projet de véhicule volant qui devrait voir le jour à la fin de l'année 2019 ou au début de l'année 2020, et dont nous avons appris qu'il pourrait porter la charge d'une tonne – projet susceptible d'avoir des déclinaisons importantes au-delà des seules dimensions du loisir et de l'exploit ? Comptez-vous accompagner les innovations futures de cet autoentrepreneur autodidacte, et, si oui, comment ?

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

CONTACT constitue le prochain réseau de radiocommunications tactiques de haut débit, sécurisé, interopérable, qui a pour objectif de renouveler les matériels actuellement en service, notamment les postes radio de 4e génération (PR4G). Il s'agit donc de fournir des terminaux de radiocommunications destinés à équiper tous les éléments tactiques du théâtre, c'est-à-dire tous les véhicules. Ce projet arrive en fin de développement, puisque nous avons inauguré le site de production à Cholet. L'entrée en service de ce réseau est prévue d'ici 2021, en même temps que le programme Scorpion, qu'il équipera en priorité. Les capacités industrielles que nous avons vues à Cholet ont montré que Thales pouvait faire face à la fois au besoin national et aux possibilités d'exportation présentées par ce projet. Ce dernier a effectivement, comme vous l'avez souligné, Madame la députée, un fort potentiel. J'en viens à présent aux questions relatives à la DGA.

La baisse de 21 % signalée dans le détail de notre budget constitue en réalité un effet de périmètre. Dans le cadre de discussions internes au ministère, nous avons en effet décidé de transférer au programme 178 les dépenses consacrées à « l'embasement » de la DGA, c'est-à-dire les dépenses réalisées par les services au titre des bases de défense. Jusqu'à présent, ces dépenses apparaissaient à l'intérieur de notre budget. Elles se trouvent à présent dans le programme 178 au titre de l'entretien des forces. Aucune perte de ressources n'est donc à signaler de notre côté. S'agissant de nos capacités à maintenir et à développer les compétences dont nous avons besoin pour maîtriser l'ensemble des projets dont nous parlons ce jour, nous sommes sur une trajectoire d'effectifs à la hausse, grâce à la LPM 2019-2025 qui met fin à des années de réduction.

Nous avons d'ores et déjà vu nos effectifs croître de 300 éléments par rapport au chiffre de 2017. Et nous avons une cible de « plus 500 » à l'horizon 2023. Cette hausse d'effectifs doit servir à répondre aux nouvelles missions – cyberdéfense, intelligence artificielle, robotique, développement d'activités spatiales, etc. – apparues dans la LPM. Elle doit aider également à assurer la maîtrise d'ouvrage experte nécessaire à nos budgets d'investissement significativement en hausse.

Nos capacités de recrutement sont, pour l'instant, bonnes. Nous recrutons ainsi entre 500 et 700 ingénieurs par an. Cependant, nous nous heurtons à deux handicaps. Le premier est celui de la rémunération. Les ingénieurs perçoivent en effet de meilleurs salaires dans l'industrie qu'au sein de la DGA. Le second handicap est celui des conditions de déontologie. Nous avons en effet à appliquer des règles de déontologie de plus en plus dures, qui constituent un frein à l'embauche. Les jeunes ingénieurs qui envisagent d'intégrer la DGA peuvent se trouver ainsi refroidis, car ils veulent pouvoir envisager de faire autre chose après leur passage au sein de notre administration. Or cette démarche peut être empêchée pour des raisons déontologiques.

Cet obstacle se présente désormais aussi pour les ingénieurs civils. Certains ont pu ainsi me dire qu'ils hésitaient à entrer à la DGA car ils ne pourraient pas intégrer Thales ou d'autres groupes ensuite, alors même qu'ils pourront sans difficulté rejoindre Huawei. En résumé, je dirais que nous devons compenser ces deux handicaps par l'intérêt du travail, et par des responsabilités accordées à nos ingénieurs atteintes plus jeunes que celles auxquelles ils pourraient prétendre au même âge dans l'industrie. Mais il faut vivre de toute façon avec un turn-over par définition plus important chez nous que ce qu'il peut être ailleurs. Cela dit, j'ai l'impression que le turn-over est devenu plutôt la règle avec les nouvelles générations. Même s'ils intègrent le privé, les jeunes gens n'imaginent pas faire toute leur carrière dans la même entreprise. C'est devenu un phénomène de société.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

Il reste qu'il faut faire avec. Si je puis me permettre, je serais favorable pour ma part à un assouplissement des règles de déontologie. Je vois M. Bastien Lachaud hocher la tête. Je ne conteste pas le principe de la déontologie, bien sûr. Mais je constate que ces règles sont parfois appliquées de façon trop rigide. Ce n'est certes pas à moi d'en juger, je me permets simplement d'exprimer un avis personnel. Je laisse ce sujet à la sagacité de vos débats parlementaires. Concernant le Suffren, les travaux suivent leur cours depuis juillet. Tout est prévu pour une livraison à l'été prochain.

Sur la question des infrastructures, une vigilance est effectivement de mise. La situation est bien redressée, mais il faudra s'assurer que ces infrastructures seront bien au rendez-vous. Nous avons d'ailleurs un prochain rendez-vous sur ce sujet en décembre prochain à Toulon, dont j'espère qu'il se tiendra. L'intégration des programmes d'infrastructures dans les programmes d'armement que j'ai mentionnée plus haut permet d'ailleurs à la DGA de mieux assumer la responsabilité de programmes d'ensemble, en plein accord avec le SID.

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Vous n'avez pas répondu à mes deux dernières questions.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

Toutes mes excuses, j'y viens. Nous avons mis en place un plan d'action à la suite de l'opération Hamilton en avril 2018, avec MBDA et Naval Group. Ce processus de prise en compte du retour d'expérience a permis de définir des évolutions qui ont été appliquées sur FREMM. Par ailleurs, nous avons également décidé des améliorations et des compléments de capacité à apporter, notamment pour optimiser le tir en salve. Vous m'avez également interrogé sur les primes. Le système de rémunération n'est pas exactement le même pour les officiers et les ingénieurs de la DGA, pour des raisons historiques. Notre système de rémunération est effectivement différent de celui des autres corps. Concernant les FPSA et les pistolets semi-automatiques (PSA), le dépouillement des offres est en cours, avec les essais d'expérimentation nécessaires pour préparer les différentes offres. La phase d'évaluation se poursuit donc, notamment à Bourges. Les décisions seront prises d'ici la fin de l'année 2019.

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Quels sont les trois finalistes de l'appel d'offres ?

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

La confidentialité de cette compétition ne me permet pas de vous répondre de manière trop précise. Je rappelle qu'il s'agit de deux appels d'offres parallèles, sans lien entre eux. J'en viens à présent aux interrogations relatives à Franky Zapata. Nous avons accordé à la société Zapata une subvention RAPID, comme vous l'avez dit, Monsieur le député, de 1,3 million d'euros. Cette subvention fait d'ailleurs l'objet d'un programme d'ensemble conduit avec l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) et la société Poly-Shape. L'enjeu est notamment de travailler sur les turbines réalisées en fabrication additive. Dans le même temps, des discussions sont en cours avec les forces spéciales qui s'interrogent sur les cas d'usage du Flyboard Air de Franky Zapata. Nous travaillons également sur les tuyères de l'engin en question. Nous travaillons donc avec cette société qui propose, je le reconnais, des systèmes innovants que les forces spéciales trouveront peut-être déterminants pour elles. Il leur revient de s'exprimer sur ce sujet. À ma connaissance, d'autres forces de sécurité civiles relevant du ministère de l'Intérieur s'y intéressent également. Cela me semble normal.

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Avez-vous connaissance du projet de véhicule volant développé par Franky Zapata ? L'arrivée de ce véhicule a été annoncée pour la fin de l'année. C'est dans un mois et demi.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

Il s'agirait d'une étape supplémentaire qui succéderait au Flyboard Air. Pour ma part, je n'ai pas ce projet en tête, mais des contacts ont peut-être été noués entre Franky Zapata et son équipe et notre AID. Nous avons de toute façon des contacts avec M. Zapata.

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Ce n'est pas ce que nous avons entendu lorsque nous l'avons rencontré.

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Joël Barre, délégué général pour l'armement

Je demanderai à l'AID de s'enquérir des projets de M. Zapata.

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Merci, Monsieur le délégué général, pour votre disponibilité ainsi que pour la clarté et la concision de vos réponses.

La séance est levée à douze heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Thibault Bazin, M. Christophe Blanchet, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, Mme Séverine Gipson, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Jacques Marilossian, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, M. Gwendal Rouillard, M. Joachim Son-Forget, Mme Laurence Trastour-Isnart

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Xavier Batut, M. Sylvain Brial, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Richard Ferrand, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Loïc Kervran, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Gilles Le Gendre, M. Franck Marlin, Mme Sereine Mauborgne, M. Thierry Solère, M. Patrice Verchère