Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 21h30

Résumé de la réunion

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  • PIA
  • bpifrance
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La réunion

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La commission des affaires économiques a poursuivi son examen pour avis des crédits de la mission « Économie », en examinant le rapport de Mme Christine Hennion (Communications électroniques et économie numérique).

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Les crédits du budget « Communications électroniques » relèvent de deux programmes spécifiques.

Il s'agit, d'une part, du programme 134, qui comprend l'action n° 4 relative au développement des postes, des télécommunications et du numérique et l'action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes ». Ces deux actions correspondent, respectivement, aux budgets de l'Agence nationale des fréquences radio (ANFR) et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Il s'agit, d'autre part, du programme 343 « Plan France très haut débit », qui porte la majeure partie des financements des réseaux d'initiative publique (RIP),

Le budget « Communications électroniques » est en hausse, conformément à la logique d'accélération des différents projets relatifs à ce secteur. Sur le programme 134, la baisse de crédits concernant l'action n° 4 « Développement des postes, télécommunications et du numérique » est uniquement faciale. Elle correspond au respect du contrat d'entreprise signé entre l'État et La Poste le 1er janvier 2018. L'ensemble des autres composantes de cette action sont en effet en augmentation. C'est le cas en particulier de la subvention pour charges de service public qui finance l'Agence nationale des fréquences radio. Celle-ci atteint la barre des 40 millions d'euros.

Le budget de l'ARCEP augmente lui aussi de 400 000 euros par rapport à la loi de finances de 2019, pour atteindre 22,9 millions d'euros en crédits de paiement, en lien avec les nouvelles missions de l'Autorité.

Enfin, le programme 343, qui porte le plan France très haut débit, ne fait pas exception, avec 440 millions d'euros de crédits de paiement, qui seront décaissés en 2020, contre 175 millions d'euros en 2019.

Mme Christine Hennion, notre rapporteure pour avis, a dressé un premier bilan de ce plan, ainsi que du New Deal mobile, sujet auquel nos collègues Laure de La Raudière et Éric Bothorel s'intéressent actuellement dans le cadre d'un groupe de travail.

Madame la rapporteure, le Gouvernement a annoncé que 140 millions d'euros de crédits non utilisés dans le cadre du plan France très haut débit seraient réemployés pour achever les déploiements. Pouvez-vous nous en dire plus et nous éclairer sur le caractère suffisant ou non de ces moyens pour garantir une égalité d'accès de tous nos concitoyens à des services numériques de qualité ?

Ensuite, dans le cadre du New Deal mobile, les attentes de nos concitoyens sont grandes, en particulier pour ceux en zone rurale et qui ont besoin d'avoir une 4G de bonne qualité. Comment expliquez-vous que presque aucun site de couverture ciblée n'ait été déployé pour l'heure ? Y a-t-il matière à s'inquiéter ?

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L'année 2020 sera décisive pour notre pays en matière de télécommunications.

Elle constituera, d'abord, un point d'étape essentiel pour plusieurs programmes. Je pense au plan France très haut débit, qui doit garantir à tous les Français l'accès au bon débit fin 2020. Je pense également au New Deal mobile, puisque les 485 premiers sites de couverture ciblée doivent être livrés d'ici juillet prochain, pour garantir un égal accès de tous nos concitoyens à la 4G. L'année 2020 constituera, enfin, un véritable point de départ pour les déploiements de la 5G, puisque l'heure est désormais à l'organisation des enchères pour l'attribution des fréquences sur la bande 3,5 gigahertz et à l'expérimentation de ses différents usages.

Avant de revenir avec vous plus avant sur ces sujets, je voudrais vous décrire, en un mot, les principaux enjeux du budget des communications électroniques, qui concernent les deux agences.

Les crédits attribués à l'ARCEP et à l'ANFR sont en augmentation, afin de leur permettre de répondre à leurs nouvelles missions.

En 2020, l'ARCEP se verra ainsi confier une nouvelle mission de régulation du secteur de la presse. Elle contrôlera désormais les sociétés agréées autorisées à distribuer de la presse. Cinq nouveaux emplois seront créés à cette fin.

Au total, le budget de l'ARCEP pour 2020 atteindra 22,9 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 400 000 euros par rapport à l'année 2019. Le plafond d'emplois de l'Autorité augmentera également. Il est fixé à 176 équivalents temps plein travaillé (ETPT) contre 171 dans la précédente loi de finances.

L'Agence nationale des fréquences radio suit une dynamique budgétaire sensiblement identique à celle de l'ARCEP. La subvention pour charges de service public (SCSP), qui la finance, augmentera en effet de 130 000 euros en crédits de paiement, pour atteindre 40 millions d'euros en 2020. Son plafond d'emplois diminue en apparence, mais il est en fait stable. Il est fixé à 300 ETPT.

L'augmentation du budget de l'ANFR correspond au rôle important qu'elle joue dans le cadre du déploiement de la 5G. Elle travaillera en effet au réaménagement des bandes de fréquences et élaborera des protocoles techniques pour la mesure de l'exposition du public aux ondes de cette nouvelle technologie. Au passage, je rappelle que loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, prévoit la gestion par l'ANFR de la diffusion par voie hertzienne terrestre des données horaires du temps légal français.

Venons-en désormais aux trois sujets principaux, à savoir la couverture fixe, c'est-à-dire la fibre, la couverture mobile, c'est-à-dire la 4G, et, enfin, notre principal défi pour 2020, c'est-à-dire la 5G.

Figure 1 Objectifs du plan France très haut débit

Le plan France très haut débit a démarré en 2013. En 2017, il n'y avait pas eu beaucoup de progression pour les quatre niveaux de débit que montre ce graphique. C'est pourquoi un coup d'accélérateur a été mis pour atteindre de nouveaux objectifs : obtenir en 2020 un bon haut débit, c'est-à-dire au moins 8 mégabits pour tous ; atteindre en 2022 un très haut débit pour tous, avec au moins 100 mégabits pour l'ensemble des Français.

Figure 2 Le plan France très haut débit en janvier 2019

On peut en outre distinguer trois zones de mise en oeuvre de ce plan : les zones très denses, les zones moins denses d'initiative privée et les zones moins denses d'initiative publique.

Figure 3 État du déploiement de la fibre au second trimestre 2019

Dans les zones moyennement denses d'appel à manifestation d'intention d'investissement, dites AMII, les opérateurs privés déploient ensemble un seul réseau en fibre optique : les obligations portent sur le raccordement de 92 % des locaux concernés, les 8 % restants étant raccordables à la demande. Il conviendra d'être attentif, car l'ARCEP constate à ce jour six mois de retard.

Il convient aussi de se montrer vigilant quant aux différences de rythme de déploiements selon les territoires et les zones concernées. J'avais déjà évoqué ce point l'an dernier, à travers un amendement d'un coût de 200 millions d'euros, destiné en fait à ouvrir un débat sur le sujet. Entre-temps, le Gouvernement a travaillé.

Madame la présidente, vous avez posé la question de l'emploi des 140 millions d'euros non utilisés dans le cadre du plan France très haut débit, qui coûte un petit peu moins cher que prévu. Au lieu d'être restituée au budget de l'État, cette somme sera utilisée pour relancer d'autres plans. Cela suffira-t-il ? Je ne le pense pas. M. Julien Denormandie a ainsi annoncé un chiffre avoisinant plutôt les 400 millions d'euros.

Les coûts de la fibre ayant baissé, certains opérateurs ont démarché les collectivités territoriales pour leur proposer de prendre en charge davantage de projets. Une trentaine est actuellement à l'étude. La carte ci-dessous montre les zones qui seront ainsi prises en charge par les opérateurs, ce qui permettra aux collectivités publiques de faire des économies.

Figure 4 Les appels à manifestation d'engagement locaux (AMEL), financements privés complémentaires de déploiement

La figure n° 5, établie par l'Agence du numérique, montre où nous en serons en 2025 sur la couverture fibre. Elle ne tient pas compte des 140 millions d'euros qui vont être à nouveau injectés dans les zones indiquées en plus clair, celles qui accusent le retard le plus important.

Ce sont les collectivités qui prennent leurs responsabilités et lancent leur programme. Certaines l'ont fait à leur rythme ; d'autres sont parties tôt et ont essuyé les plâtres. Les situations sont extrêmement différentes. L'Agence du numérique accompagne ces projets de la manière la plus serrée possible, pour qu'ils parviennent à des résultats. Ce qui manque aujourd'hui, c'est une carte où on superposerait ces technologies, ce qui nous permettrait d'avoir une meilleure compréhension de la situation.

Figure 5 État du déploiement de la fibre (FHH) jusqu'à l'abonné en 2025

Je termine par deux points. S'agissant d'abord de la 5G, il va tout de même falloir être prudent et faire en sorte qu'on permette aux opérateurs d'investir, grâce à des coûts de licence qui ne seront pas trop lourds. Ensuite, puisqu'on est en train de revoir toutes les taxes de production pesant sur les entreprises, je pense qu'il faudrait aussi faire un bilan des nombreuses taxes de la filière télécom, qui grèvent la situation des entreprises du secteur.

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Tout d'abord, je tiens à remercier notre rapporteure pour avis pour son travail sur un budget pour lequel les enjeux sont nombreux et stratégiques, les objectifs ambitieux et la trajectoire poursuivie cohérente.

Les objectifs sont ambitieux, notamment en ce qui concerne le déploiement du très haut débit sur l'intégralité du territoire d'ici à 2022.

Comme le rappelle la rapporteure pour avis, grâce à une forte accélération du déploiement sur l'année 2019, ce pari est en passe d'être gagné même si la couverture apparaît inégale entre les zones dites très denses, les zones moins denses d'initiative privée et les zones d'initiative publique.

Cette disparité a d'ailleurs été prise en compte par le Gouvernement. Je salue, à ce titre, la décision de sanctuariser les crédits non utilisés au profit du plan France très haut débit, à hauteur de 140 millions d'euros : ils profiteront aux départements les plus en difficulté.

La généralisation de la 4G est aujourd'hui essentielle, d'une part parce qu'il reste encore un peu moins de 15 000 sites à convertir en 4G d'ici 2022, mais aussi parce qu'il faut anticiper la rupture technologique que constituera le déploiement de la 5G.

Si, un an après le lancement du New Deal mobile en juillet 2018, nous pouvons nous réjouir de l'accélération des déploiements de la 4G constatée chez l'ensemble des opérateurs, je tiens à mettre en évidence la lenteur de la mise en oeuvre de la couverture ciblée, qui apparaît problématique au regard des besoins des territoires concernés par ce dispositif. À l'heure actuelle, seul un site est en service, d'après les dernières données fournies par l'ARCEP, et les travaux ne sont achevés que pour quatre sites.

Au regard de cette situation, il conviendrait d'adapter le dispositif d'exonération de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) prévue pour les stations radioélectriques installées dans le cadre du dispositif de couverture ciblée avec le déploiement effectif des nouvelles antennes, vraisemblablement au-delà du 31 décembre 2022. Madame la rapporteure, une prorogation de cette exonération jusqu'au 31 décembre 2024 a-t-elle été évoquée lors de vos auditions ? Cette exonération pourrait-elle concerner aussi le déploiement de la 5G ?

Par ailleurs, la loi Montagne 2 du 28 décembre 2016 prévoit que les stations de téléphonie mobile construites en zone de montagne entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2020 ne sont pas non plus imposées au titre de l'IFER. Depuis juin 2017, selon les chiffres de la fédération française des télécoms, 3 166 nouveaux sites 4G ont été activés en zone de montagne, pour atteindre un total de 6 258 sites 4G. L'exemption d'IFER a donc entraîné une accélération significative des déploiements de sites mobiles dans les territoires de montagne qui cumulent pourtant des contraintes liées au relief, à l'altitude et au climat. Afin de poursuivre et accélérer la généralisation de la 4G en montagne d'ici fin 2022, la prorogation de cette exonération devrait également être envisagée. Madame la rapporteure, ce sujet a-t-il été évoqué lors de vos travaux ?

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Madame la rapporteure pour avis, vous notez, dans une première partie, une bonne progression de la couverture au sein des zones très denses, où 86 % des locaux bénéficient désormais de la fibre optique au domicile, ou FTTH, contre seulement 78 % au deuxième trimestre 2018, tandis que 96 % des locaux sont couverts en très haut débit, contre 90 % l'an dernier. C'est effectivement une bonne progression, dont nous pouvons tous nous féliciter, comme nous pouvons imaginer que l'objectif 2020 sera atteint.

En revanche, au sein des zones moins denses d'initiative privée, Orange et SFR se sont engagés à rendre accordables 92 % des locaux des communes concernées d'ici fin 2020, mais, actuellement, seuls 56 % des locaux ont été raccordés par Orange et 44 % par SFR, portant à 69 % le taux des locaux couverts en très haut débit et 54 % celui des locaux raccordables à la fibre. On note donc qu'il reste effectivement un peu de chemin à faire pour atteindre les objectifs, notamment dans les zones très rurales ou dans les zones de montagne. Si on peut se réjouir de la bonne progression, il faut rester vigilant.

Dans le cadre de la loi ELAN, des aménagements au code de l'urbanisme ont été prévus pour faciliter le déploiement du très haut débit, notamment en contournant le contrôle des architectes des bâtiments de France (ABF). Cela sera-t-il suffisant pour rattraper le retard ?

La deuxième partie du rapport montre qu'il faut repenser la fiscalité des télécommunications pour tenir compte de l'évolution économique des entreprises de ce secteur, tout comme de la nécessité de préserver une concurrence face aux géants du numérique. Vous évoquez notamment le risque d'une monétisation accrue des services afférents au très haut débit tels que la stabilité de la connexion et la vitesse de connexion. Alors que Netflix, par exemple, représente 13 % de la bande passante mondiale, n'est-ce pas là un moyen de contraindre les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) à un plus grand civisme fiscal ?

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Nous savons tous l'importance d'internet dans nos vies, que ce soit dans nos démarches ou dans nos modes de consommation. Il est aussi est devenu une condition du développement de nos entreprises et de l'attractivité des territoires.

Pourtant, nous sommes loin d'être tous égaux face à son déploiement. Aujourd'hui, seuls 51,2 % du territoire ont accès au haut débit, tandis que 541 communes réparties dans six régions différentes ne disposent d'aucun accès internet.

Afin de remédier à cette fracture numérique, le plan France très haut débit a été lancé en 2013, avec une ambition simple : couvrir l'ensemble du territoire national à l'horizon 2022. Cela implique un investissement total de 20 milliards d'euros, partagé entre les opérateurs privés, les collectivités et l'État.

Aujourd'hui, la réalisation de cet objectif suppose le déploiement de 4 à 4,5 millions de prises chaque année d'ici 2022. Cet objectif semble accessible au vu de la nette accélération des déploiements de la fibre, mais ne pourra être atteint sans un réel accompagnement du déploiement dans les zones peu denses.

Nous avions déjà évoqué cette problématique à l'occasion de l'examen d'une proposition de résolution de Marie-Christine Dalloz, en juin dernier. À cette occasion, j'avais relevé que la décision du Gouvernement de suspendre le guichet fonds pour la société numérique (FSN) et de lancer, en 2018, les appels à manifestation d'engagement locaux (AMEL), mettait en péril la réalisation de l'objectif de couverture de 100 % du territoire. En effet, elle ne permettait pas d'assurer des solutions de financement pour les territoires peu denses.

Il semblerait que le Gouvernement ait entendu nos inquiétudes. Le 17 octobre dernier, il annonçait rouvrir le guichet du FSN en 2020 et y affecter 140 millions d'euros supplémentaires. Ces fonds additionnels sont-ils d'ores et déjà inclus dans le PLF 2020 ? Suffiront-ils à couvrir les besoins d'investissement des territoires ruraux ?

Autre question : le Président de la République a ajouté un objectif intermédiaire en haut ou très haut débit avant fin 2020 – dans un an. Ce délai sera-t-il tenu ?

Autre illustration de la fracture numérique : le déploiement de la 4G, sans parler de celui à venir de la 5G. Là aussi, les opérateurs peinent à remplir leurs engagements vis-à-vis des zones peu denses. À ce jour, les engagements pris, en janvier 2018, dans le cadre du New Deal mobile tardent à se concrétiser. Près d'un an après les premiers arrêtés pris par le Gouvernement délimitant les zones concernées par le dispositif de couverture ciblée, le nombre de sites en travaux reste très faible.

Savez-vous si le Gouvernement entend accélérer ces travaux ? En quoi l'attribution des fréquences 5G pourrait-elle être un levier pour améliorer l'aménagement numérique du territoire ?

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Vous avez relevé une très nette accélération des déploiements, au rythme de quatre millions de prises installées par an. L'ensemble des opérateurs télécoms consentent ainsi un gros effort, qui devrait permettre de résorber un certain retard.

L'ARCEP est vigilante aux zones AMII. Au regard des deux trimestres de retard, l'ARCEP a déjà annoncé aux opérateurs qu'elle risquait de les mettre en demeure. On espère que les délais pourront être tenus.

Le New Deal mobile comportait plusieurs volets. La mise en mutualisation des sites existants se passe bien, puisque 10 000 sites sont maintenant partagés entre les opérateurs. Ces derniers sont également en phase sur le volet aménagement des axes routiers. En revanche, la couverture ciblée pose problème, un seul site ayant aujourd'hui été livré, alors qu'on en attend plus de 400 d'ici le mois de juillet.

Les opérateurs disposent d'une année pour construire un site si la municipalité leur donne un site déjà aménagé. Or très peu de sites ont été livrés dans ces conditions, ce qui allonge les délais puisque, dès lors qu'ils partent de rien, les opérateurs disposent de deux ans pour livrer un site. Après un long travail préparatoire, ils soutiennent qu'ils seront capables de livrer les 485 sites annoncés pour la mi-2020. L'ARCEP est vigilante sur ce point.

Quant à l'IFER, elle est liée à l'investissement : plus les opérateurs investissent, plus ils vont payer de taxe. Le produit de la taxe va aux collectivités. C'est tout un équilibre à trouver. Je pense personnellement qu'il faut vraiment remettre à plat cette fiscalité.

S'y ajoute la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE), initialement destinée à France Télévisions, mais désormais versée au budget général. Cette taxe est une taxe sur le chiffre d'affaires. Il y a aussi une taxe pour le cinéma. Le secteur des télécoms est ainsi chargé d'un ensemble de taxes qui finissent par alourdir la facture. Beaucoup d'exemptions existent d'ailleurs. C'est donc en fait l'ensemble qui doit être repensé.

Mais, pour répondre à votre question, Madame Lardet, l'année dernière, un échéancier a déjà été prévu. Les installations de 2022 à 2024 seront encore exonérées cinq ans. Il n'y a donc pas besoin d'adopter une mesure particulière.

J'en viens aux AMEL. L'année dernière, ils déséquilibraient le financement de projets déjà engagés, de sorte que tous les dossiers n'ont pas obtenu l'accord du Gouvernement, mais seulement à peu près la moitié d'entre eux. L'Agence du numérique vérifie que ces AMEL sont viables financièrement, tout en s'assurant que les opérateurs atteindront l'objectif de 100 % pour les AMII, où 92 % des locaux doivent être raccordés, tandis que les 8 % restants sont raccordables à la demande. Il faut donc aussi s'assurer que les conditions des derniers raccordements ne sont pas trop coûteuses.

Les 140 millions d'euros économisés et réemployés permettront de couvrir une partie des besoins qui sont en fait estimés à 400 millions d'euros pour atteindre 100 % de fibre optique. Grâce au New Deal, la 4G fixe est offerte par l'ensemble des opérateurs, ce qui permettra d'atteindre un très bon débit en 2022.

La 5G, quant à elle, ne doit absolument pas être déconnectée des progrès dans le domaine de la fibre et de la 4G. Pour avoir la 5G, vous devez en effet tout de même disposer de la fibre au pied du pylône. Il est donc indispensable de cultiver la complémentarité de ces déploiements. Même si on démarre rapidement la 5G, comme cela se fait dans certaines régions, il faut absolument continuer à réfléchir à ses usages. C'est ce qui permettra que cette technologie se déploie de manière satisfaisante. Il faut, en parallèle, continuer à déployer la fibre et la 4G, socle indispensable du déploiement futur de la 5G.

La commission en vient à l'examen des amendements.

Article 38 et État B

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques II-CE48 de M. Sébastien Jumel et II-CE76 de M. Rémi Delatte, et l'amendement II-CE49 de M. Sébastien Jumel.

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L'amendement II-CE76 a pour objet de transférer 20 millions d'euros au programme 134, « Développement des entreprises et régulations », pour restaurer son action n° 20 « Financement des entreprises », supprimée dans le projet de loi de finances pour 2020.

Bpifrance garantit les banques à hauteur de 40 à 70 % pour encourager l'octroi de prêts aux très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). Ces crédits financent des opérations de création, de développement et d'innovation qui couvrent des besoins de trésorerie et permettent le financement de projets qui n'auraient pu voir le jour en l'absence de ce dispositif. Il s'agit donc d'un outil qui permet de combler une faille de marché et constitue par là un soutien important à l'investissement, à l'innovation et à la croissance.

La suppression de la dotation budgétaire de l'État pour soutenir le financement de cette activité pose deux difficultés majeures. D'abord, la débudgétisation des moyens de Bpifrance amoindrit largement la capacité de contrôle parlementaire et paraît porter atteinte au principe de transparence budgétaire. Ensuite, la suppression de la ligne de crédits menace la pérennité de l'activité de garantie de Bpifrance.

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L'amendement II-CE48 est identique à celui que vient de défendre M. Delatte.

Pour ma part, j'insisterai sur deux points. Premièrement, 90 % des entreprises qui bénéficient de la garantie de Bpifrance sont des TPE, dont l'accès au crédit reste difficile en dépit des faibles taux pratiqués actuellement. Deuxièmement, comme nous l'ont confirmé toutes les personnes que nous avons auditionnées, notamment en région, la garantie apportée par Bpifrance joue un rôle de levier important : un euro de dotation publique permet en effet de lever plus de vingt euros de financements pour les entreprises concernées. Ainsi, en 2018, ce sont 9 milliards d'euros qui ont pu être mobilisés pour les entreprises grâce à la garantie de Bpifrance, ce qui montre bien que cet amendement, d'un coût relativement peu élevé, et financé par des crédits prélevés sur des objets moins opérationnels, permettra d'apporter une aide bienvenue aux TPE dans des conditions d'efficacité reconnues par tous. J'espère donc que cet amendement fera consensus au sein de notre commission.

L'amendement II-CE49 est un amendement de repli, qui a pour objet de transférer 10 millions d'euros, au lieu de 20 millions dans les précédents amendements, au programme 134, « Développement des entreprises et régulations », pour restaurer son action n° 20 « Financement des entreprises », supprimée par le projet de loi de finances pour 2020.

Il s'agit de rétablir la dotation allouée à Bpifrance pour son activité de garantie aux prêts contractés par des entreprises. L'absence de rétablissement de l'action n° 20 contraindrait Bpifrance à financer cette activité par le recyclage de dividendes, ce qui n'est pas suffisant et ne peut pas être une solution de long terme. De plus, les moyens de Bpifrance, banque publique, doivent rester transparents et soumis au contrôle parlementaire.

J'insiste à nouveau sur le fait que le programme de garanties de Bpifrance est d'autant plus important qu'il permet de susciter un important effet de levier sur l'investissement privé.

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Dans le cadre du PLF pour 2019, le Gouvernement avait initialement souhaité supprimer cette action contribuant au développement des PME grâce à des interventions de Bpifrance ; cependant, face à l'inquiétude exprimée par les députés, il avait réintroduit en séance un amendement visant à maintenir cette ligne budgétaire.

Au sein de la commission des finances, les rapporteurs spéciaux Xavier Roseren et Olivia Grégoire mènent actuellement des travaux qui prendront en compte cette problématique en vue de l'examen de cette mission budgétaire en commission des finances et en séance publique. À ce stade, le groupe La République en Marche votera donc contre les amendements qui viennent d'être présentés, estimant qu'il convient de privilégier le travail qui sera effectué en commun avec la commission des finances.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle rejette l'amendement II-CE49.

Elle examine l'amendement II-CE50 de M. Sébastien Jumel.

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L'amendement II-CE50 a pour objet de transférer 3,5 millions d'euros à l'action n° 23 « Industrie et services » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Il s'agit en fait de rétablir, au même niveau que l'an dernier, les crédits centrés sur l'animation et la gouvernance des pôles de compétitivité, qui permettent à l'État de cofinancer avec les régions le fonctionnement de ces pôles. La baisse des crédits semble incohérente avec les objectifs du Gouvernement en matière de développement industriel et d'innovation annoncés dans le Pacte productif.

L'objectif de cet amendement est également de pousser le Gouvernement à prendre explicitement position. Lors de son discours du 1er octobre 2019 au 15e congrès des régions de France, le Premier ministre a confirmé le transfert des crédits de l'État en ce domaine aux régions dès 2020. Si telle est bien l'intention du Gouvernement, il faudra alors supprimer en ce domaine les crédits de l'État, et surtout prévoir une compensation financière pour les régions.

Comme nous l'ont confirmé toutes les régions auditionnées, le retrait des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) dans la mise en oeuvre des politiques des pôles va entraîner une charge de travail et des coûts de fonctionnement supplémentaires pour les conseils régionaux.

L'amendement II-CE50 vise à amortir cet effet pour l'année qui vient.

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Je suis désolé, Monsieur Jumel, mais le groupe La République en Marche sera défavorable à cet amendement, que je vous invite à redéposer en commission des finances ou en séance, afin d'avoir l'avis du ministre, que nous ne connaissons pas à ce jour.

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Si tout n'est pas perdu, je ne peux que m'en féliciter. Cela dit, le Parlement est souverain, et notre commission peut parfaitement adopter cet amendement avant que le ministre ne fasse connaître son avis en séance. Dès lors que notre commission s'est saisie pour avis sur des sujets aussi importants que ceux que nous évoquons actuellement, nous devons émettre des avis, et non attendre que la commission des finances et le ministre donnent les leurs ! Si notre commission n'est saisie que pour faire croire que l'élaboration de la loi de finances se fait dans le cadre d'une concertation entre la commission des finances et les autres commissions, je ne vois pas bien pourquoi nous sommes réunis ce soir…

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Pour ce qui est de déposer des amendements en commission des finances, je crois que nous sommes déjà hors délais. Il n'y a guère qu'en séance que cela pourrait être fait…

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Je vous rassure, Monsieur Jumel, le Parlement est effectivement souverain, et nous prendrons nos décisions en conscience. Cependant, puisque votre amendement indique clairement que son objectif est de pousser le Gouvernement à prendre position sur le transfert de la gestion des pôles de compétitivité, il est logique que nous attendions de connaître la position du Gouvernement avant de nous prononcer.

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Le fait que le ministre n'ait pas donné d'avis ne signifie pas que notre commission n'a pas à faire connaître le sien. Au contraire, il me semble que nous pourrions utilement éclairer M. le ministre en donnant aujourd'hui un avis favorable à l'amendement de notre collègue Sébastien Jumel.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement II-CE51 de M. Sébastien Jumel.

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L'amendement II-CE51, qui a pour objet de transférer 150 000 euros à l'action n° 23 du programme 134, est similaire dans son esprit aux amendements II-CE54 de Mme Rabault et II-CE55 de M. Potier qui, eux, portent sur l'action n° 24 du même programme 134.

L'objectif est d'augmenter les crédits alloués à la surveillance des marchés. Le Gouvernement nous a lui-même confirmé, dans sa réponse au questionnaire budgétaire que nous lui avons adressé, que trop de produits non conformes aux réglementations nationales ou européennes parviennent encore à pénétrer le marché français. Faire en sorte de se doter des moyens de contrôler ce phénomène constitue donc un véritable enjeu.

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Les crédits relatifs à la surveillance des marchés qui permettent de lutter contre la concurrence déloyale et la non-application des réglementations européennes sont en hausse cette année de 700 000 euros en crédits de paiement, soit 150 000 euros de plus sur un an. On ne voit pas ce qui justifierait d'y ajouter encore plusieurs dizaines de milliers d'euros, c'est pourquoi notre groupe votera contre cet amendement.

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Si les crédits sont en hausse par rapport à l'an dernier, ils reviennent en fait à peine à leur niveau de 2018… Or, les enjeux relatifs à l'entrée de produits non conformes aux normes sont considérés comme une priorité par le Gouvernement lui-même : dès lors, il faut se doter de moyens supplémentaires par rapport à ceux qui avaient été identifiés en 2018. J'espérais que le nouvel état d'esprit présidant aux travaux de notre commission depuis quelque temps permettrait à certains amendements de prospérer, mais manifestement je me berçais d'illusions…

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement II-CE54 de Mme Valérie Rabault.

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L'amendement II-CE54 vise à renforcer les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de 100 équivalents temps plein (ETP) afin de lui permettre de faire face à l'accroissement de ses missions et des besoins de contrôle dans un contexte de multiplication des fraudes relevées sur la sécurité, la qualité ou la conformité des produits, notamment alimentaires.

Afin d'assurer la recevabilité du présent amendement au titre de l'article 40 de la Constitution, il est proposé d'abonder l'action n° 24 du programme 134 à hauteur de 6 millions d'euros par une diminution à due concurrence des crédits inscrits à l'action n° 5 du programme 220. Cependant, nous ne voulons évidemment pas diminuer ces crédits, c'est pourquoi nous demandons également au Gouvernement de lever le gage afin de ne pas pénaliser le programme 220.

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Comme vous, je note dans mon rapport les effets pervers que l'on peut craindre de la rédaction drastique des effectifs prévus dans le PLF. Cependant, on ne peut ignorer l'objectif de rationalisation de la dépense publique et, dans cette optique, le rétablissement de 100 ETP me semble très sincèrement hors de portée et même déraisonnable, c'est pourquoi j'émets un avis défavorable à cet amendement.

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Je soutiens cet amendement, car il faut savoir ce qu'on veut. Le budget qui nous est présenté prévoit la suppression de dix emplois à la DGCCRF, ce qui signifie que l'on va priver l'État de sa capacité à effectuer des contrôles. Nous devons donner à la DGCCRF les moyens, notamment humains, d'accomplir sa mission : à défaut, nous continuerons à entendre dire que l'État se contente de regarder passer les trains ou d'enregistrer les mauvais points. Utilement mobilisés, ces moyens peuvent se révéler extrêmement rentables, y compris pour les finances publiques.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement II-CE55 de M. Dominique Potier.

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L'amendement II-CE55 vise à créer une police unifiée de l'alimentation placée auprès de la DGCCRF.

Les crises sanitaires et médiatiques qui affectent le secteur agroalimentaire nuisent à l'image des filières de production et contribuent à entretenir une défiance des consommateurs à l'égard de leur alimentation. Si les exploitants sont les premiers responsables de la sécurité des produits mis sur le marché, il ne fait pas de doute que l'efficacité et la crédibilité des contrôles mis en place par les services de l'État sont des conditions essentielles de la confiance des consommateurs ainsi que de nos partenaires commerciaux.

La répartition des missions sanitaires entre la direction générale de l'alimentation (DGAL) et la DGCCRF découle de l'application de protocoles de coopération entre les deux ministères. Elle conduirait, par exemple, à confier le contrôle de la culture des pommes de terre et des tomates à la DGAL, alors que la DGCCRF surveillerait les frites et le ketchup… Dans ces conditions, le contrôle de l'utilisation des produits phytosanitaires et de la présence de leurs résidus dans les denrées alimentaires ne peut être efficient.

Cette organisation, qui s'appuie sur un morcellement des compétences entre plusieurs administrations, est une source de perte d'efficacité pour l'action de l'État. En mars 2000, la commission d'enquête parlementaire « sur la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France » avait déjà recommandé une « unité de commandement » afin de mettre un terme à une situation « où nul n'est responsable en bloc et tous le sont dans le détail ».

Il est donc proposé par le présent amendement la création d'une police unifiée de l'alimentation – que les 100 ETP prévus par l'amendement précédent avaient vocation à venir renforcer.

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Si l'objectif de cet amendement est tout à fait intéressant, il me semble qu'il a vocation à faire l'objet d'un débat beaucoup plus large, ainsi que d'une étude d'impact. Passer par un simple amendement au PLF ne me semble pas être le moyen adéquat de mettre en oeuvre la mesure proposée, d'autant que son enjeu ne réside pas tant dans les moyens disponibles que dans les attributions et compétences des administrations concernées. J'émets donc un avis défavorable à cet amendement.

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Cette proposition, issue du rapport de la commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis, semble de nature à répondre à plusieurs dysfonctionnements rencontrés au cours des dernières années. Cependant – je suis désolée de vous décevoir une fois de plus, Madame Battistel –, nous allons proposer de voter contre cet amendement car, comme l'a souligné le rapporteur à l'instant, il ne paraît pas souhaitable de décider de créer cette nouvelle police unifiée au détour d'un amendement au projet de loi de finances. Il est en effet indispensable de mener une large concertation avec les ministères concernés – finances, agriculture et santé –, mais également avec les agents des différentes directions aujourd'hui chargées de la sécurité alimentaire. C'est ce que fait actuellement notre collègue Grégory Besson-Moreau : laissons-le mener ce travail et revenir vers nous une fois que toutes les parties prenantes auront été consultées.

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Une commission d'enquête, c'est six mois de travail, d'investigations et de regards croisés, nourris par les avis des experts. Je rappelle que la commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis a statué et émis des préconisations à l'unanimité : en d'autres termes, les groupes que nous représentons ont estimé, dans leur ensemble, qu'il était pertinent et même urgent, après l'affaire Lactalis, de constituer une police de sécurité sanitaire unifiée.

Si je comprends bien, on se fait plaisir en créant une commission d'enquête sous le coup de l'émotion et de l'agitation médiatique, ce qui peut laisser penser qu'on a saisi l'ampleur du problème, mais quand il s'agit de prendre des décisions dans le cadre de la loi de finances, il n'y a plus personne ! Les discussions ayant précédé la loi EGALIM ont montré que, face à des géants de l'industrie agroalimentaire tels que Lactalis, Bigard ou Danone, les services de l'État sont désarmés, mal organisés et incapables de contredire les expertises produites par ces groupes.

Faut-il attendre le prochain drame, qui sera seulement l'occasion de réunir une nouvelle commission d'enquête et de faire des ronds dans l'eau plutôt que d'avancer ? Pour moi, il n'est ni cohérent, ni responsable de ne pas rendre concrète une décision prise à l'unanimité par la commission d'enquête Lactalis.

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La majorité est défavorable à cet amendement au motif que la proposition émise aurait fait l'objet d'un travail insuffisant et ne reposerait pas sur une étude d'impact. Or, comme vient de le dire M. Jumel, un travail très important a été effectué dans le cadre de la commission d'enquête Lactalis, et l'amendement que je présente constitue l'aboutissement de ce travail plutôt que le début d'un processus qui aurait pour finalité d'étudier la pertinence de créer une police unifiée de l'alimentation. Je regrette donc beaucoup que cet amendement ne recueille pas l'accord du groupe La République en Marche.

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Si je trouve cet amendement extrêmement intéressant, je dois dire que je comprends mal la méfiance qu'il semble exprimer de façon sous-jacente à l'égard de notre industrie agroalimentaire. Certes, il est normal que des organismes soient chargés de contrôler les entreprises relevant de ce secteur, et que des réformes viennent modifier le système existant afin de le rendre plus performant. Cela dit, comme l'ont montré les réformes déjà mises en oeuvre dans le domaine du commerce extérieur, cela peut se faire en fusionnant certains services ou en mettant leurs moyens en commun, donc sans forcément mettre en oeuvre des moyens supplémentaires.

Afin que nous soyons en mesure de faire face aux conséquences du Brexit, le budget du ministère de l'agriculture prévoit la création de 320 ETP afin d'assurer le contrôle aux frontières, car le danger pour les consommateurs français se situe bien là, dans l'entrée de marchandises produites en dehors de nos frontières – et même de celles de l'Union européenne. C'est sur ce point que nous devons concentrer nos efforts et, de ce point de vue, l'amendement qui nous est présenté n'est pas à la hauteur de la situation. Je rappelle que, dans le cadre des débats que nous avons eus ici même au sujet du CETA (accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada) – lors desquels vous vous êtes montré particulièrement loquace, Monsieur Jumel –, c'est bien la méfiance à l'égard des produits importés qui s'était majoritairement exprimée, et c'est précisément à cela que nous devons répondre par des moyens supplémentaires.

En résumé, c'est un vrai sujet, mais votre amendement ne me semble pas y répondre de façon adéquate.

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Dans le cadre de cet examen pour avis, nous avons la possibilité d'octroyer plus de crédits, mais il ne nous appartient pas de créer une police unifiée de l'alimentation, si utile soit-elle : cela ne pourrait se faire qu'à l'issue d'une discussion s'appuyant sur une véritable étude d'impact. Je maintiens par conséquent mon avis défavorable.

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Les postes créés au sein du budget de l'agriculture, que vient d'évoquer M. Herth, sont destinés à renforcer les services d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), notamment dans la zone transmanche. Cela n'a rien à voir avec la police unifiée de l'alimentation qu'il est ici proposé de créer afin d'établir des protocoles harmonisés et mieux imbriqués entre la DGAL et la DGCCRF. Il ne s'agit pas de faire preuve de suspicion à l'égard des industriels, mais simplement d'être mieux armés pour faire face à de nouvelles catastrophes alimentaires – un domaine dans lequel nos concitoyens sont de plus en plus exigeants. Considérer que le Parlement n'a pas vocation à s'emparer des conclusions d'une commission d'enquête – elle-même constituée à la suite d'un scandale alimentaire aux conséquences dramatiques – pour coordonner et rendre plus efficaces les moyens de contrôle dans ce domaine, revient pour moi à prendre acte de l'inutilité de ce parlement.

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Vous le dites sur un ton qui laisse penser le contraire, Madame la présidente… Nous ressortirons la vidéo de cette séance lorsque surviendra le prochain drame alimentaire !

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… mais nous devons passer au vote sur l'amendement II-CE55.

La commission rejette l'amendement.

Elle est saisie des amendements identiques II-CE75 de M. Rémi Delatte et II-CE56 de Mme Valérie Rabault.

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Le fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) n'est plus abondé en autorisations d'engagement depuis la loi de finances pour 2019, le dispositif étant placé en gestion extinctive. Cette suppression est regrettée par les acteurs de terrain, le FISAC ayant largement fait montre de son efficacité en termes de préservation du tissu économique.

L'amendement II-CE75 vise donc à rétablir le FISAC dans les montants prévus en 2018, en procédant à une ouverture de crédits de 14 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 5 millions en crédits de paiement sur l'action n° 23 « Industrie et service » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ».

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L'amendement II-CE56 est identique à celui que vient de présenter M. Delatte. Nous sommes tous convaincus que, depuis sa création en 1989, le FISAC a joué un rôle déterminant en matière de lutte contre la désertification économique et commerciale en zone rurale, et contre la dévitalisation des centres-bourgs et des centres-villes, d'autant que l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) n'est pas encore pleinement opérationnelle.

Dans ces conditions, il nous semble essentiel de maintenir un dispositif de soutien au commerce et à l'activité de proximité dans le cadre du PLF pour 2020. Tel est l'objet de l'amendement II-CE56, qui vise à rétablir les moyens qui avaient reçu un avis favorable du rapporteur général, Joël Giraud, dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2019, avant que le Gouvernement ne s'oppose à leur mise en oeuvre. Dans le cadre de l'année de transition que nous abordons, il nous semble que maintenir ces crédits est la moindre des choses.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine l'amendement II-CE80 de M. Rémi Delatte.

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L'amendement II-CE80 vise à rétablir les crédits de l'action n° 23, consacrée au soutien public des métiers d'art, à hauteur de 2,25 millions d'euros, soit le montant voté l'année précédente.

Les métiers d'art, reconnus par le législateur à l'occasion de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, participent au rayonnement économique, culturel et touristique de notre pays, où ils représentent 60 000 entreprises, 120 000 emplois et 15 milliards d'euros – ce qui montre bien tout l'intérêt économique de ce secteur d'excellence.

La ligne « Actions du développement des PME » de l'action n° 23 « Industrie et services », prévue pour soutenir les organismes de formation et pour abonder le label « entreprises du patrimoine vivant » promu au cours des dernières années, est purement et simplement supprimée dans le cadre du présent projet de loi de finances.

La suppression de la dotation paraît largement dommageable pour l'avenir des métiers d'art. Les pouvoirs publics envoient des signaux tout à fait négatifs au secteur, dans un contexte où le Gouvernement n'a pas souhaité renouveler le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art (CIMA) en 2020.

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N'étant ni rancunier, ni sectaire, je soutiens cet amendement. Au-delà de ce qu'a dit M. Delatte au sujet de l'impact des métiers d'art sur l'économie réelle, je veux insister sur l'intérêt de la préservation de ces métiers du point de vue de l'attractivité touristique : un grand nombre de territoires profitent de l'existence de ces métiers, notamment grâce au label « Villes et pays d'art et d'histoire », qui repose sur la capacité des territoires à préserver les savoir-faire et à accompagner leur transmission aux nouvelles générations. Pour ma part, j'estime donc pertinent de maintenir les crédits consacrés à cet objectif.

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Je soutiens l'amendement de mon collègue Delatte. La reconstruction de Notre-Dame-de-Paris nous a fait redécouvrir l'importance de la transmission des savoir-faire ancestraux, en particulier dans le domaine des métiers d'art. Il est important de soutenir ces filières car ces chantiers s'inscrivent dans la très longue durée : des savoir-faire peuvent se perdre si ceux qui sont chargés de les transmettre n'en ont pas les moyens.

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Cet amendement fait l'objet d'une belle unanimité car nous le soutenons également. Cela me donne l'occasion de saluer le travail de notre collègue Philippe Huppé sur les métiers d'art et les entreprises du patrimoine vivant.

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M. Huppé, retenu en circonscription, aurait été ravi de voter avec nous cet amendement !

La commission adopte l'amendement.

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Les rapporteurs peuvent-ils nous donner leur avis sur les crédits de la mission « Économie » ?

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Nos amendements ayant été refusés, j'émets un avis défavorable.

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La question du financement de Bpifrance n'est pas réglée. J'étudierai ce que la commission des finances décidera demain à ce propos ; peut-être la majorité souhaitera-t-elle aborder ce sujet. À défaut, je déposerai un amendement en séance pour remédier à la sous-dotation de Bpifrance. Dans cette attente, je m'en tiens à un avis de sagesse.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie » modifiés.

Après l'article 76

La commission examine l'amendement II-CE57 de Mme Valérie Rabault.

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Cet amendement ne coûte rien : j'ai donc l'espoir que l'avis sera favorable ! Il a pour objet la remise d'un rapport au Parlement sur les conséquences du mode de collecte de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la trésorerie des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises. Nous en avions longuement débattu lors de l'examen de la loi PACTE : le décalage entre le versement de la TVA à la facturation et l'encaissement des factures fait supporter aux entreprises une charge de trésorerie qui nuit très fortement à leur développement et entraîne des frais de gestion.

Outre un panorama précis de cette situation, le rapport aurait vocation à proposer des modalités de collecte de la TVA réduisant la charge de trésorerie des TPE et PME, par exemple en reportant son versement après le paiement effectif des prestations auxquelles elle est applicable. J'ose donc imaginer que cet amendement sera adopté, comme le précédent, à l'unanimité !

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L'objectif de ce rapport est de mieux appréhender les conséquences du versement de la TVA pour les petites entreprises. La proposition que vous faites pourrait conduire à une réforme ayant un effet positif sur les trésoreries de petites et très petites entreprises. Avis favorable.

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Je suis au désespoir de devoir dire une nouvelle fois à ma collègue que le groupe La République en Marche votera contre. Un rapport n'est pas nécessaire : il conviendrait plutôt d'engager, si tel est le souhait du groupe Socialistes et apparentés, une mission d'information commune à la commission des finances et à la commission des affaires économiques sur ce sujet.

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Quand nous proposons des amendements de mise en oeuvre, l'on nous répond qu'il faudrait réaliser au préalable une étude d'impact. Mais quand nous demandons un rapport afin de fonder nos propositions sur une étude d'impact, l'avis est défavorable ! J'invite mes collègues à prendre en considération le souci de la trésorerie des petites entreprises. Nous avons la possibilité de demander une étude d'impact et de trouver des solutions adaptées : il est regrettable que l'avis soit défavorable.

La commission rejette l'amendement.

La commission en vient à l'examen des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

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L'examen des crédits de la mission « Investissements d'avenir » nous permet d'évoquer une nouvelle fois ce sujet majeur pour l'avenir de notre pays, après l'audition, au mois de septembre dernier, de M. Guillaume Boudy, secrétaire général pour l'investissement.

La mission « Investissements d'avenir » regroupe l'ensemble des crédits du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) au sein de trois programmes : le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche », le programme 422 « Valorisation de la recherche » et enfin le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ». Néanmoins, pour des raisons de périmètre, la commission des affaires économiques n'est saisie que sur les programmes 422 et 423.

L'objectif principal de cette mission est de stimuler l'investissement et l'innovation, grâce à un effet de levier sur les dépenses du secteur privé. Plus globalement, la mission « Investissements d'avenir » occupe une place particulière au sein du projet de loi de finances. Il existe deux raisons à cela. La première tient à la nécessité d'investir dans les secteurs d'avenir pour préparer la France aux enjeux de demain. Le financement des investissements d'avenir s'inscrit en effet dans une logique de longue durée, comme le montrent les trois vagues qui le composent, c'est-à-dire les PIA 1, 2 et 3.

La seconde raison est que les crédits du PIA font l'objet d'une procédure budgétaire spécifique. Des autorisations d'engagement à hauteur de 10 milliards d'euros ont été votées au moment de la création de cette mission budgétaire en 2017. Les décaissements de crédits de paiement ont commencé depuis deux ans, à travers les actions des quatre opérateurs du PIA que sont la Caisse des dépôts et consignations, Bpifrance, l'Agence nationale de la recherche (ANR) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

En un mot, pour 2020, l'évolution budgétaire de la mission « Investissements d'avenir » est significative. Son budget augmente très fortement : plus de 2 milliards d'euros ont ainsi été inscrits dans le présent projet de loi de finances, ce qui constitue un doublement par rapport à 2019. Cette montée en puissance touche l'ensemble des trois programmes que je viens d'évoquer.

Mme Typhanie Degois, rapporteure pour avis, va nous éclairer sur ce sujet, en particulier en ce qui concerne l'évaluation du PIA, qui est au coeur de son présent avis.

Madame la rapporteure, le PIA est un programme extrêmement vaste, en raison de son ambition initiale, qui est de soutenir l'ensemble des secteurs d'avenir. En pratique, comment se déroule le cycle de vie d'un projet soutenu par le PIA ? Les acteurs rencontrent-ils des difficultés pour prendre connaissance des appels à projets ou pour obtenir des réponses de la part des opérateurs ?

Par ailleurs, concernant les méthodes alternatives aux expérimentations animales, vous évoquez des différences dans le soutien à la recherche entre la France et les autres pays. Pourriez-vous nous en dire plus ?

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Afin de relever les défis majeurs du XXIe siècle, la France a le devoir de soutenir la recherche et les acteurs économiques dans les chantiers innovants qu'ils entreprennent. C'est le sens du programme d'investissements d'avenir, qui fêtera ses dix ans l'année prochaine.

À cette occasion, il apparaît nécessaire de dresser un premier bilan de ses réalisations : c'est pourquoi il a été choisi d'examiner cet avis budgétaire sous l'angle de l'évaluation du PIA. Depuis 2010, le programme a été doté de 57 milliards d'euros. De tels investissements méritent une évaluation complémentaire de celle du comité de surveillance des investissements d'avenir, qui rendra sous peu un travail exhaustif.

Pour ma part, je me concentrerai sur les crédits du PIA 3, c'est-à-dire 10 milliards d'euros inscrits en autorisations d'engagement en 2017. Les premiers décaissements sont intervenus en 2018 et devraient se poursuivre au-delà de 2022. Ce travail a été l'occasion d'auditionner les acteurs incontournables du PIA, c'est-à-dire le secrétariat général pour l'investissement, les quatre opérateurs mais aussi les bénéficiaires – entreprises, universitaires, chercheurs.

Avant de revenir sur ces éléments, du point de vue de l'évolution des crédits budgétaires de la mission « Investissements d'avenir », l'année 2020 sera marquée par une accélération forte des décaissements pour les programmes 422 et 423, qui portent sur la valorisation de la recherche et le soutien à la modernisation des entreprises. En effet, au total, les crédits du PIA 3 atteindront en 2020 plus de 2 milliards d'euros, contre 1 milliard l'année précédente. Si ce chiffre global peut cacher des disparités entre les actions, il n'en demeure pas moins que la dynamique est indiscutable et relativement homogène. De fait, seule l'action relative aux démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition, au sein du programme 422, connaît une diminution budgétaire.

Le PIA fait l'objet d'avis favorables quant à ses effets. Depuis sa création, il a financé plus de 6 200 projets pour un montant de 46 milliards d'euros. L'ensemble des actions menées ont permis d'améliorer significativement la situation des entreprises technologiques. Depuis dix ans, le nombre de start-up en France n'a cessé de croître : elles sont aujourd'hui 10 000. Le taux d'innovation des entreprises, toutes tailles confondues, a suivi la même dynamique, avec une valeur de 56 %, ce qui est supérieur à la moyenne européenne.

De l'avis des acteurs auditionnés, les outils – aides à l'innovation, prêts – sont adaptés. Nous constatons que les appels à projets sont calibrés pour les PME, puisque 54 % des fonds décaissés l'ont été à destination des TPE et des PME. Un bémol sera toutefois apporté pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui, en raison de plafonnement de certaines aides, ne sont pas incitées à candidater au PIA. Cette problématique fait l'objet d'une recommandation dans le rapport.

Enfin, le PIA a été bénéfique pour l'économie française. Des données rassemblées par le Secrétariat général pour l'investissement le démontrent. Le programme d'investissements d'avenir a en effet produit des retours sur investissements positifs pour l'État, à hauteur de 209,4 millions d'euros pour 2018 ; ils devraient doubler pour l'exercice 2019. Le PIA a également un effet de levier significatif sur l'investissement privé, qui est de 1,09 avec 45,8 milliards d'euros de cofinancement pour les PIA 1 et 2.

Les outils du PIA ont donné satisfaction dans la majorité des cas ; lorsque les résultats n'étaient pas présents, il y a eu des modifications, voire des suppressions. Ainsi, les instituts pour la transition énergétique (ITE) ont facilité l'affirmation d'une ambition d'excellence dans le domaine de l'énergie. Toutefois, l'État a décidé de fermer quatre ITE qui n'étaient pas parvenus à trouver les relais industriels nécessaires. Ces bons résultats sont confirmés par les acteurs auditionnés, qui ont, dans leur majorité, salué l'utilité des outils mis en oeuvre par le PIA.

Les retours d'expérience ont toutefois permis de mettre en lumière des points à améliorer. Premièrement, les acteurs économiques ont encore du mal à identifier le bon opérateur du PIA lorsque les périmètres d'intervention de deux d'entre eux se chevauchent. La réorientation vers le bon guichet provoque parfois des pertes de temps dans l'avancement des projets.

Deuxièmement, les avances remboursables, qui sont un moyen de soutien à un projet innovant, peuvent dans certains cas ne pas correspondre à l'esprit même de l'innovation, qui induit du risque. Pour des projets d'envergure, comme ceux menés par EDF ou le CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables), le risque est tel que si le projet ne marche pas, ils ne pourront tout simplement pas rembourser.

Troisièmement, le processus d'évaluation régulière, s'il a ses vertus, présente aussi des contraintes. De nombreux acteurs sont ainsi longuement revenus, lors des auditions, sur les conséquences négatives du gel des financements le temps de l'évaluation annuelle et sur le manque de prévisibilité pluriannuelle de leur financement. Certains ont même évoqué des problèmes de trésorerie liés au versement en retard du solde prévu, ce qui a pu paralyser l'avancement de projets importants. Enfin, le financement des entreprises en phase d'accélération reste problématique, comme le démontre d'ailleurs le récent rapport de M. Philippe Tibi sur le financement des entreprises technologiques françaises. Nous sommes encore trop dans le schéma d'innover en France, de financer aux États-Unis et de produire en Asie. Il est indispensable que le PIA accompagne les projets au-delà du démonstrateur, au risque, sinon, que la technologie soit finalement détenue à l'étranger. Nous recommandons de renforcer l'évaluation qualitative des outils de financement du PIA afin de nous assurer de leur bon calibrage et de leur accessibilité aux porteurs de projets.

Dans sa partie thématique, le rapport illustre de manière pratique le rôle du PIA dans deux secteurs stratégiques : l'énergie et la santé. Alors que le PIA est un succès dans le soutien à l'innovation énergétique, nous avons constaté des lacunes dans le domaine de la santé, plus particulièrement les méthodes substitutives à l'expérimentation animale.

Le secteur de l'énergie fait l'objet d'un soutien fort, dix-huit actions du PIA étant liées aux enjeux de l'énergie et du développement durable. Les plus importantes concernent les démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition, les instituts de transition énergétique ou encore des actions menées par le CEA. Au total, près de 7 milliards d'euros sont consacrés aux projets innovants dans l'énergie.

Ce soutien concerne à la fois l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Il s'agit de projets très concrets et utiles, comme le déploiement d'éoliennes flottantes par EDF, ou encore le développement de nouvelles générations de batteries lithium-ion, comme à l'INES (Institut national de l'énergie solaire) en Savoie, avec pour ambition de créer une véritable filière européenne dans ce domaine.

Au total, en matière d'énergies renouvelables, plus de 200 projets ont été déposés depuis 2011, 66 ont été soutenus pour un montant d'aides de 291 millions d'euros. Il apparaît néanmoins souhaitable que le soutien du PIA aux énergies renouvelables se renforce dans les prochaines années, afin d'inciter les entreprises françaises à innover dans ces secteurs d'avenir hautement compétitifs.

Concernant l'innovation dans la santé, le rapport constate l'existence d'un vivier dynamique d'entreprises et de projets se substituant aux expérimentations animales. En dépit des avantages importants que revêtent ces techniques, tant sur le plan académique qu'économique, elles ne font pas aujourd'hui l'objet de soutiens directs en France. Elles présentent pourtant un potentiel économique fort puisque ces méthodes mobilisent des technologies de pointe, comme la création d'organes à partir de cellules souches – la création d'un coeur artificiel aux États-Unis a été récemment médiatisée –, l'utilisation de la bioluminescence ou encore le traitement de données de recherche grâce à l'intelligence artificielle. Ces nouvelles méthodes, qui assurent davantage de compétitivité et une meilleure prévisibilité aux entreprises et laboratoires, reçoivent l'adhésion des acteurs.

Dans ce domaine, la France accuse un retard important par rapport à d'autres pays : le Royaume-Uni, le Danemark, l'Allemagne ou encore les États-Unis se sont déjà dotés de structures de recherche sur le sujet. Ils ont en effet compris que les méthodes alternatives aux expérimentations animales peuvent apporter des gains en matière d'efficacité scientifique et des opportunités économiques. Face à cette inertie, le programme d'investissements d'avenir doit jouer un rôle important pour soutenir les projets du secteur de la santé en France. C'est pourquoi le rapport fait quatre recommandations en ce sens, rejoignant en cela le travail réalisé il y a peu par l'OPECST (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques), notamment la création d'un centre de recherche sur les méthodes substitutives prenant la forme d'un « equipex » – équipement d'excellence.

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La mission « Investissements d'avenir » concerne l'engagement des crédits du troisième programme d'investissements d'avenir, dit PIA 3. Doté de 10 milliards d'euros, il vise à soutenir l'innovation et le développement des entreprises par un soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Le PIA 3 propose un certain nombre de ruptures par rapport aux deux précédents programmes. Intégré dans le Grand plan d'investissement, qui s'élève à 57 milliards d'euros pour le quinquennat, le PIA 3 inscrit ses actions au-delà du cadre budgétaire habituel. Les autorisations d'engagement ont été ouvertes en 2017 mais les crédits de paiement sont autorisés annuellement au sein de la présente mission. Ces crédits de paiement sont, pour l'année 2020, en augmentation d'environ 1 milliard d'euros par rapport à 2019.

Enfin, la gouvernance a évolué : au Commissariat général à l'investissement (CGI) a succédé le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI). Ce changement a permis de mettre l'accent sur l'évaluation des investissements publics, de prendre en charge le déploiement en France du plan Juncker et de resserrer la coordination des opérateurs, qui passent de douze à quatre : l'ADEME, l'ANR, la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance.

À l'heure de l'évaluation globale des PIA, je souhaite remercier Mme la rapporteure pour avis d'avoir choisi d'insister sur des exemples concrets des bénéfices du PIA, comme l'énergie ou encore la santé. Comme exprimé dans le rapport, le PIA présente des retours financiers intéressants, notamment dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, et génère des effets de levier, comme l'attestent les données liées au cofinancement des projets.

Néanmoins, des pistes d'améliorations peuvent être trouvées en matière de lisibilité des actions et des outils, en particulier pour les opérateurs de petite taille de type ETI, de suivi et de délais des projets, et enfin en phase d'industrialisation et d'accélération des projets.

Dans la continuité de ces pistes, j'ai deux interrogations concernant les actions entreprises par les institutions européennes : tout d'abord, comment améliorer l'accès des acteurs et opérateurs aux aides européennes développées en matière de recherche, et comment celles-ci se conjuguent-elles avec les actions du PIA et du Grand plan d'investissement ? Ensuite, comment est prise en considération l'innovation de rupture dans les PIA, sachant que ce type d'innovation nécessite un investissement conséquent, particulièrement pour les petites structures ? De même, comment s'articule la gouvernance avec le Conseil européen de l'innovation qui sera mis en place ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je me suis rendu compte, Madame la présidente, que je n'avais pas répondu à votre question concernant la visibilité et les étapes. Un projet comporte d'abord une phase de pré-dépôt : le Gouvernement définit des besoins et en fait part au SGPI, lequel rédige un cahier des charges. Ensuite, un conseil de surveillance réunit les ministères compétents et le SGPI pour calibrer l'appel à projets. Puis, l'un des quatre acteurs – ADEME, ANR, Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations –, selon leur champ de compétence, aura un rôle de porteur de l'appel à projets et aura la responsabilité de sa visibilité. Ensuite, les quatre opérateurs ont un devoir d'accompagnement et d'écoute : les entreprises en sont assez satisfaites, d'autant que les opérateurs s'engagent à répondre sous un mois. De plus, l'opérateur est également chargé de l'évaluation. Cela repose donc sur une relation très étroite entre l'entreprise et les opérateurs avec, à chaque fois, une personne affectée au projet.

Pour répondre à Mme Hennion, la nouveauté réside dans le fait que le PIA fait désormais partie du Grand plan d'investissement. Le Secrétariat général pour l'investissement est chargé du pilotage ; ce sont deux choses distinctes mais complémentaires.

Le PIA, depuis 2010, a permis d'inciter les entreprises à répondre à des appels à projets. Concernant le plan Juncker et Europe Horizon 2020, les entreprises étaient en quelque sorte entraînées à déposer leur candidature. Pour les projets européens, beaucoup de candidats s'organisent en consortium, obligeant les entreprises à chercher des partenaires ; cela peut être chronophage car cela nécessite beaucoup de réunions. À l'inverse, dans le cadre du PIA, chaque entreprise peut répondre à un appel à projets. Mais les montants en jeu et les besoins ne sont pas les mêmes : les deux sont donc complémentaires.

Concernant l'innovation de rupture, l'action n° 1 « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs » du programme 422 prévoit 50 millions d'euros pour la deep tech, tandis qu'un fonds French tech seed, doté de 150 millions d'euros pour 2020 et géré par Bpifrance, y est également consacré. Le Conseil européen de l'innovation, prévu pour 2021, soutiendra les innovations de rupture. Il y a donc complémentarité entre les dispositifs.

Pour conclure, le PIA 3 a atteint son rythme de croisière avec une enveloppe de 2 milliards d'euros en crédits de paiements en 2020. Cela aidera réellement les entreprises à innover. J'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 21 h 30

Présents. – M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, Mme Anne Blanc, Mme Pascale Boyer, M. Sébastien Cazenove, Mme Typhanie Degois, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, M. Frédéric Descrozaille, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Sébastien Jumel, Mme Frédérique Lardet, Mme Annaïg Le Meur, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Sylvia Pinel

Excusés. – M. Dino Cinieri, M. Guillaume Kasbarian, M. Roland Lescure

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Vincent Thiébaut, M. Jean-Marc Zulesi