Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de Mme Stéphanie Do (Logement) et de M. Patrice Anato (Ville), les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

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L'ordre du jour appelle l'examen de quatre avis budgétaires. Nous débuterons par les deux rapports ayant trait à la mission « Cohésion des territoires » : celui consacré au logement, présenté par Mme Stéphanie Do, puis celui consacré à la politique de la ville, présenté par M. Patrice Anato. Les rapporteurs disposent de dix minutes pour présenter leur avis, les orateurs de groupe de trois minutes et les autres intervenants d'une minute. Nous terminerons par l'examen des crédits du tourisme et de la recherche.

Concernant le logement, le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 prévoit une forte diminution des besoins en financement au titre du programme « Aide à l'accès au logement », à hauteur de 1,4 milliard d'euros. Cette diminution s'explique notamment par la réduction de loyer de solidarité (RLS) appliquée dans le parc locatif social, ainsi que par la réforme du mode de calcul des aides personnalisées au logement (APL).

Les crédits du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » sont quant à eux en forte hausse, de près d'un quart des crédits inscrits en 2019 ; ils avoisinent désormais les 350 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ils permettront notamment de lutter contre l'habitat indigne et participeront à la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergique (CITE).

La rapporteure pour avis, Mme Stéphanie Do, a assorti ses analyses budgétaires de nombreuses propositions de nature à encourager la réhabilitation et la construction de logements. Elle s'est également intéressée aux moyens d'amélioration de l'accès au logement des personnes les plus fragiles. Enfin, deux ans avant son extinction, elle a analysé les conditions de suivi du dispositif « Pinel » d'encouragement à l'investissement locatif.

Madame la rapporteure, comment le parc locatif social s'est-il adapté à la RLS ? Quel regard portez-vous sur les retombées du dispositif Pinel ?

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En 2019, le Gouvernement a poursuivi le chantier de transformation de la politique du logement engagé en 2018. Plusieurs réformes d'envergure ont été menées et seront poursuivies en 2020. Elles concernent avant tout les aides au logement, mais également ce que l'on appelle les aides à la pierre.

Concernant le programme « Aide à l'accès au logement », grâce à la RLS, à la mise en oeuvre des APL en temps réel et à une contribution d'Action Logement au Fonds national d'aide au logement (FNAL), il sera possible de diminuer la dépense de l'État de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi de finance 2019 sans diminuer l'aide destinée au logement. Parmi ces mesures, deux grandes réformes permettent d'arriver à ce résultat.

Je commencerai par la RLS. Il s'agit d'un mécanisme désormais bien connu, visant à diminuer les loyers dans le secteur des habitations à loyer modéré (HLM) en compensation d'une baisse du niveau des APL. Son niveau évolue par paliers : en 2019, le montant de la RLS a ainsi été fixé à 890 millions d'euros ; il atteindra 1,3 milliard d'euros en 2020.

Nous avions beaucoup échangé au sujet de l'impact de la RLS lors de l'examen de la loi de finances pour 2019. Les acteurs du secteur avaient fait part d'une grande inquiétude et je m'étais engagée à suivre cette question avec beaucoup d'attention. D'après les chiffres dont j'ai eu connaissance et à la suite des auditions que j'ai menées, je note que la RLS a été mise en oeuvre de façon très satisfaisante. Le volume des agréments est resté proche de son niveau historique atteint en 2017 : 107 000 agréments en 2018 contre 113 000 en 2017. La capacité d'autofinancement des organismes concernés est restée stable, avoisinant les 6 milliards d'euros. Je tiens à saluer les efforts collectifs de mise en oeuvre de cette réforme. Ce succès est imputable en partie aux efforts d'organisation des organismes de logement social, engagés à la suite de la loi ELAN. Il est également le fruit des mesures d'accompagnement décidées par l'État, la Caisse des dépôts et consignations et Action Logement. Permettez-moi de citer quelques-unes de ces mesures : le lissage de l'impact de la RLS grâce à la cotisation payée par les bailleurs sociaux à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), la stabilisation du taux du livret A, l'allongement de la durée des prêts, les prêts de haut de bilan, les éco-prêts, le programme Tonus. Ces mesures, élaborées en concertation avec les bailleurs sociaux, ont permis de stabiliser leur capacité d'autofinancement malgré la baisse des loyers.

Le pacte signé entre l'État et ces acteurs le 24 avril 2019 a permis de s'accorder sur un niveau de RLS de 1,3 milliard d'euros en 2020 et sur la mise en place de mesures d'accompagnement supplémentaires. Dans mon rapport budgétaire pour avis de 2018, j'avais attiré l'attention sur la difficulté, pour les organismes sociaux, de mettre en oeuvre une somme de 1,5 milliard d'euros de RLS. Je me réjouis donc qu'une concertation ait pu aboutir à la réduction de ce montant, assortie de mesures d'accompagnement renforcées. J'avais demandé l'élaboration d'un rapport d'évaluation de l'impact de la RLS sur l'autofinancement et les capacités d'investissement des organismes de logement social, dans la perspective d'une hausse du montant de ce dispositif. Ma demande avait été acceptée dans la loi des finances pour 2019 et ce rapport devait être remis avant le 1er septembre 2019.

La seconde réforme concerne la modernisation des APL. La mise en place d'un mode de calcul fondé sur les revenus contemporains du versement de l'aide doit permettre une diminution des dépenses de 1,2 milliard d'euros en 2020. Lors de l'examen du PLF 2019, nous avions adopté le principe d'une mise en oeuvre de cette réforme à compter de l'été 2019. La complexité du chantier technique pour la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et pour la Mutualité sociale agricole (MSA) a conduit au report de cette réforme au mois de janvier 2020.

Cette réforme me semble logique et cohérente. Elle fait suite à la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et rendra le mode de calcul des APL plus proche du cycle économique. La croissance économique et le retour à l'emploi susciteront une diminution des dépenses plus rapide ; inversement, les personnes confrontées à des accidents de la vie seront prises en charge plus rapidement. Nous devrons suivre très attentivement les conditions de mise en oeuvre de cette réforme au cours des tout premiers mois de l'année prochaine.

Les personnes auditionnées nous ont fait part de leur inquiétude concernant les étudiants devenant jeunes actifs ; le montant de leur aide sera adapté plus rapidement à leur situation réelle, et ce, sur douze mois glissants, ce qui permettra davantage de progressivité. J'ai personnellement tenu à alerter le Gouvernement à ce sujet ; il a bien pris en considération cette problématique. La prise en compte immédiate des variations de revenus est la bienvenue lorsque la situation des ménages se dégrade, en raison du chômage, de la maladie ou encore d'une baisse d'activité. Par ailleurs, cette réforme aura un impact positif pour les retraités récents, pour les primo demandeurs et pour les indépendants.

J'en viens maintenant à l'autre volet de la politique du logement, que l'on qualifie souvent d' « aides à la pierre ». Les crédits correspondants, regroupés dans le programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », connaissent une augmentation importante, de plus de 20 %, qui s'explique pour l'essentiel par le versement d'une enveloppe de 60 millions d'euros au programme « Habiter mieux » de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), dans le cadre de la transformation du CITE en prime. Dans le prolongement de la loi de finances pour 2019, les crédits de ce programme financeront une série d'autres mesures mentionnées dans mon rapport, telles que la lutte contre l'habitat indigne ou les opérations de revitalisation des territoires, prévues dans le cadre de la loi ELAN.

Pour compléter ces mesures, j'ai souhaité, dans la partie thématique de mon rapport, formuler plusieurs propositions de nature à soutenir la rénovation et la construction, d'une part, et à améliorer l'accompagnement des plus fragiles, d'autre part.

Comme nombre de députés, je regrette l'extinction du prêt à taux zéro (PTZ) en zones dites détendues. Je défendrai à ce titre un amendement en commission des finances visant à maintenir ce dispositif.

À deux ans de son extinction, je propose en outre que nous nous intéressions aux modalités d'évaluation du dispositif d'encouragement à l'investissement locatif mis en place par notre collègue Sylvia Pinel. J'avais proposé un amendement sur ce sujet en 2017, qui a été adopté dans la loi de finances pour 2018. Je regrette que le rapport relatif à ce dispositif ne nous soit pas parvenu à ce jour. Je propose de ne pas prolonger ce dispositif au-delà de 2021 en l'absence d'une évaluation rigoureuse confirmant son efficacité sociale.

De nombreux acteurs s'inquiètent de la disparition des APL « accession », qui permettent à de nombreux ménages de sortir du dispositif des APL « location » et, ce faisant, de diminuer les dépenses de l'État concernant ce poste. Ce dispositif, peu coûteux pour l'État, s'ajuste aux variations de revenus des bénéficiaires ; il ne s'agit donc pas d'un engagement pour toute la durée du prêt. Par conséquent, je propose d'engager des discussions avec le Gouvernement pour le renouveler, éventuellement assorti d'aménagements visant à préciser sa vocation sociale.

Concernant l'accompagnement des plus fragiles, je formule des recommandations de nature réglementaire pour une meilleure mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO), ainsi que pour la poursuite du plan quinquennal « Pour le logement d'abord ». Toujours au niveau réglementaire, je formule quelques propositions visant à fluidifier les conditions de pilotage de la politique du logement au niveau déconcentré. Autant de propositions au sujet desquelles nous pourrions continuer à échanger ensemble et avec le Gouvernement.

Pour conclure, je crois utile de saluer à nouveau l'état d'esprit constructif et optimiste qui anime les acteurs du logement. Un tel état d'esprit permettra la réussite des réformes en cours, en alliant responsabilité budgétaire et souci de protection des plus fragiles.

J'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » s'agissant du logement.

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Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

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Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre travail. J'ai participé à plusieurs des auditions que vous avez menées et je me retrouve pleinement dans les préconisations et dans les constats formulés dans votre rapport.

Je tiens également à saluer la priorité du Gouvernement en matière de logement, qui a permis la signature d'accords historiques avec les partenaires de l'État tels qu'Action Logement. Cet accord a permis le lancement du plan d'investissement volontaire de 9 milliards d'euros, sans compter l'ensemble des mesures relatives aux différents publics ciblés par Action Logement.

Cette priorité a également permis l'instauration de la RLS, dont l'application n'a pas été facile pour les organismes de logement social. Ces derniers ont toutefois été accompagnés et de nombreuses mesures de compensation ont été mises en place. La réforme d'ampleur votée dans le cadre de la précédente loi de finance porte désormais ses fruits.

La réforme des APL pour les adapter en temps réel aux revenus des bénéficiaires constitue un autre chantier, qui sera mené en 2020. Il s'agit d'une réforme de bon sens et de justice sociale : les APL ne seront plus calculées en fonction des revenus perçus deux ans plus tôt, mais en fonction des revenus contemporains, selon le même principe que le prélèvement de l'impôt à la source. Cette réforme permettra de s'adapter au mieux à la situation de tous les Français dans l'ensemble des territoires : c'est une évolution heureuse.

Je partage votre avis quant à la pertinence du dispositif des APL « accession », qui mériterait d'être réinstauré. Il est en effet pertinent, non seulement compte tenu de la faible dépense qu'il engendre, mais aussi en raison des résultats très concrets qu'il produit. En outre, ce dispositif va dans le sens de la loi ELAN, qui encourage la vente de logements HLM. Enfin, le rétablissement des APL « accession » permettrait de faire des économies sur les APL « location ».

Le plan quinquennal « Pour le logement d'abord » me tient particulièrement à coeur : Toulouse a répondu à l'appel à manifestation d'intérêt relatif à l'intermédiation locative. Cet appel n'entre pas dans le cadre de la loi de finances, puisqu'il s'agit de subventions de l'ANAH, mais je souhaite qu'un travail soit mené sur l'encouragement à l'intermédiation locative. Actuellement, les propriétaires bailleurs bénéficient d'une prime de 1 000 euros à cet effet ; j'ai proposé dans mon rapport « Louer en confiance », remis au Premier ministre en juin 2019, de la doubler, voire de la tripler, afin de la rendre plus incitative.

S'agissant du PTZ, je suis favorable au retour de l'éligibilité des zones B2 et C, mais en ciblant plus particulièrement les opérations de revitalisation des territoires et le programme « Action Coeur de ville ».

Enfin, j'ai déposé un amendement auprès de la commission des finances afin de prolonger le dispositif Cosse « louer abordable » pour une durée de trois ans. Ce dispositif est très intéressant, mais n'a pu faire ses preuves en raison d'un manque de communication.

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Le budget 2020 prévoit une baisse de 1,4 milliard d'euros des aides au logement avec la réforme de la « contemporanéisation » des APL au 1er janvier 2020. Si l'on peut être favorable à l'adaptation des aides aux ressources actuelles des ménages, les modalités de cette réforme inquiètent légitimement les locataires et leurs bailleurs. Quelle visibilité les locataires auront-ils sur leur reste à charge si leurs ressources varient souvent en raison de l'alternance de périodes de chômage, d'intérim et de travail ? Cela ne risque-t-il pas de leur poser des problèmes de gestion budgétaire ? Comment le risque d'évolution des impayés est-il appréhendé pour qu'il n'ait pas d'impact sur les bailleurs ? Actuellement, alors que la mise à jour est annuelle, la remise en route des droits par les caisses d'allocations familiales (CAF) est longue. Avec une mise à jour tous les trois mois, comment les dysfonctionnements pourraient-ils être moins nombreux ?

Votre stratégie relative au logement ne me semble pas la bonne : en témoignent la baisse de la construction et la baisse de l'accès à la propriété constatées en 2018. Nous pouvons d'ailleurs nous étonner de l'absence d'un certain nombre de chiffres dans le bleu budgétaire, y compris concernant 2018 ; ainsi, si vous regardez les différentes pages d'estimation, en particulier la page 92, il est question d'un nombre non déterminé de bénéficiaires du crédit d'impôt PTZ ou d'autres réductions. Nos interrogations sont légitimes, compte tenu du recul de plus de dix mois dont nous disposons désormais.

Votre réforme est également injuste territorialement. Le budget 2020 traduit la fin totale de l'APL « accession », qui freinera les acquéreurs et ralentira d'autant les ventes de logements HLM, au sujet desquelles l'ambition du Gouvernement était pourtant élevée au travers de la loi ELAN. Le budget 2020 confirme la concentration injuste du PTZ dans les territoires dits tendus, tout comme pour le dispositif Pinel.

Quelles chances sont-elles données aux autres territoires représentant 95 % du pays ? Quelles chances sont-elles données aux candidats à l'accession à la propriété dans ces territoires ? Cette mission « Cohésion des territoires » porte finalement bien mal son nom. Le volet logement privé peine à se déployer dans les programmes « Action Coeur de ville », le dispositif « Denormandie ancien » ne suffit pas et la restriction du dispositif Pinel aux seules zones tendues se révèle pénalisante. Ne faudrait-il pas en étendre le bénéfice aux opérations de revitalisation des territoires (ORT) ?

Enfin, la suppression du CITE pour les classes moyennes supérieures mettra à mal la rénovation thermique. Quel sera l'impact, selon vos estimations, de cette suppression sur l'artisanat et le bâtiment dans nos territoires ?

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Je souhaite tout d'abord remercier Mme Stéphanie Do pour son travail de grande qualité.

L'examen de cette mission budgétaire se déroule à un moment charnière : la loi ELAN a été promulguée il y a tout juste un an ; nous allons être amenés à nous prononcer d'ici à quelques semaines sur le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique ; enfin, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est sur le point de voir le jour – début 2020. Cette agence, produit de la fusion de plusieurs acteurs, devra mobiliser et projeter sur le terrain l'ingénierie nécessaire aux collectivités pour construire leurs projets. À ce stade, il apparaît que les relations entre l'ANCT et les deux opérateurs principaux en matière de politique de la ville et du logement, à savoir l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) et l'ANAH, seront formalisées au travers de conventions. Concrètement, comment s'assurer que l'ANCT agira de manière complémentaire à ces deux opérateurs spécialisés ?

Je souhaite également vous présenter brièvement le contexte qui m'amènera à vous soumettre d'ici à quelques minutes plusieurs amendements. Ils résultent de la mission que m'a confiée le Premier ministre en avril dernier, afin de maîtriser les coûts du foncier dans les opérations de construction et lutter contre la spéculation foncière. Cette mission fait suite à des débats que nous avions pu avoir, il y a un an et demi, sur le projet de loi ELAN, qui visait à construire plus, mieux et moins cher, ainsi qu'à améliorer le cadre de vie. Finalement, cette loi n'a abordé qu'à la marge la question foncière, alors même que les prix du foncier ont augmenté de 71 % au cours des dix dernières années, contre 24 % seulement, si l'on peut dire, pour le prix de construction d'une maison. De même, le poids moyen du foncier dans le bilan d'une opération d'aménagement atteint 30 %, voire 40 % ou 50 % dans les zones les plus tendues.

Dans ce contexte, le Premier ministre m'a donc demandé d'identifier des moyens permettant de soutenir les collectivités locales et les élus dans la mise en oeuvre de leur stratégie d'intervention foncière et de maîtrise des prix des terrains. Je remettrai mon rapport et mes préconisations dans les prochaines semaines à M. Julien Denormandie. Je vous le présenterai bien évidemment au sein de cette commission. Je souhaite malgré tout saisir l'occasion que représente le PLF 2020 pour commencer à présenter quelques-unes des propositions ; il y en aura d'autres portant sur d'autres dispositions de la deuxième partie de la loi de finances et certaines préconisations figureront également dans une proposition de loi examinée dans la « niche » du groupe MODEM à la fin du mois. S'il le souhaite, le Gouvernement se saisira du reste au moment qui lui semblera opportun.

Les amendements présentés aujourd'hui visent notamment à financer les observatoires du foncier, à numériser certains aspects de la politique du logement, à former les élus locaux et les administrations en matière de gestion du foncier, à renforcer les prérogatives des établissements publics fonciers, à encourager la surélévation des bâtiments, notamment pour récupérer des financements relatifs à la rénovation énergétique, ou encore à financer la dépollution des friches urbaines.

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Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre exposé.

Les budgets se suivent et se ressemblent : les plus modestes feront encore les frais des cadeaux consentis aux plus aisés. Tel est peut-être l'enseignement essentiel de cette mission budgétaire en matière d'accompagnement social pour le logement. Bien évidemment, nous condamnons cette nouvelle diminution drastique des crédits alloués aux aides au logement, s'élevant à près de 1,4 milliard d'euros tout de même. Il est regrettable que les économies attendues de l'actualisation du calcul des APL ne puissent, à budget constant, permettre le renforcement de ces APL, alors que celles-ci ont connu une diminution croissante depuis 2017.

En effet, le Gouvernement poursuit la sous-indexation de la réévaluation des crédits des APL, en fixant leur évolution à 0,3 % en 2020 comme en 2019. Il s'agit là d'une nouvelle atteinte au pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, après la baisse de 5 euros du montant des APL en 2017 et le gel du barème en 2018. Par conséquent, le groupe Socialistes et apparenté défendra un amendement pour établir une indexation sur l'inflation effective ; il en défendra un autre visant à rétablir les APL « accession » telles qu'elles existaient dans la loi de finances pour 2018 : chacun s'accorde, année après année, sur le constat des conséquences catastrophiques de leur disparition sur la mobilité résidentielle et la production de logements neufs en zones détendues.

En matière de production de logements, les dispositions prises dans le cadre du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » ne font en fin de compte que traduire les orientations données par la loi ELAN : provoquer un choc de l'offre dans les zones tendues, grâce à différentes dispositions et mesures d'accompagnement, permettant notamment de construire plus haut, de libérer du foncier ou de fiscalement inciter à construire toujours plus et moins cher, là où il y a peut-être déjà trop de monde. Vous ne faites en réalité qu'accompagner le phénomène de métropolisation et de concentration, sans même le contrarier. Le constat est pourtant clair : nos villes grossissent à l'extrême, sont surpeuplées et font le lit des fractures territoriales. Les métropoles se concurrencent entre elles, les banlieues étouffent et s'étendent indéfiniment, à l'exemple de ce que prévoit le projet du Grand Paris ; pendant ce temps, ce sont tous les territoires de la France profonde qui se dépeuplent.

La mission « Cohésion des territoires » devrait avoir pour objectif essentiel d'endiguer ce mouvement de concentration ; or il n'en est rien, elle le rend inéluctable. Ne devrions-nous pas changer de logiciel ? Certes, il nous faut répondre à l'urgence de celles et ceux qui sont en mal de logement, mais ne faudrait-il pas en même temps agir bien plus en amont ? N'est-il pas temps de créer les conditions permettant de fixer les populations dans nos campagnes, voire de les y attirer ? L'enjeu est avant tout économique, mais il y va également de l'attractivité des territoires. Bien sûr, des dispositifs existent : les pactes de développement, les contrats de ruralité, les territoires d'industrie. Mais sont-ils suffisants ? Pour moi, la réponse est non ; il manque le lien entre politique du logement et politique économique, qui permettrait un meilleur équilibre entre territoires. Le choc de l'offre en zones tendues retrouverait de la mesure et donnerait une nouvelle dynamique aux zones détendues.

Parallèlement à cette mission budgétaire, la priorité consisterait à engager des politiques d'incitation à la création d'emplois en zones détendues, en particulier en zones d'aides à finalité régionale (AFR) et de revitalisation rurale (ZRR). Les solutions à l'échelle de notre pays ne résident pas dans l'inexorable mouvement de métropolisation. À quand une politique à la hauteur des enjeux de la cohésion des territoires ?

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Je regrette que pour la troisième année consécutive, le projet de loi de finances persiste dans une logique purement comptable au détriment de l'accès au logement pour tous et de l'emploi dans le secteur du bâtiment. Entre la suppression des APL « accession », le rabot sur le PTZ et le dispositif d'investissement locatif élagué, ce PLF traduit une volonté manifeste de faire des économies sur la politique du logement.

Madame la rapporteure, vous estimez inopportun de prolonger le dispositif d'investissement locatif Pinel au-delà de 2021, au motif que ses conditions d'octroi sont insuffisamment contrôlées. À vous entendre, ce dispositif perdait sa vocation sociale. N'est-il pas contradictoire d'abandonner un dispositif qui a pourtant fait ses preuves au simple prétexte que l'exécutif n'a pas mis en place les outils de contrôle nécessaires ? N'est-ce pas seulement l'aveu d'un manque de volonté politique ? Je tiens à rappeler que l'objectif de ce dispositif était de relancer la construction ; il a été atteint. Si des effets pervers se manifestent, dotons-nous des moyens de l'encadrer ou de mieux circonscrire ses effets de bord.

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Je vous invite d'ailleurs à vous intéresser aux effets d'aubaine que ne manquera pas de susciter le dispositif « Denormandie » en raison notamment de sa large ouverture dans des zones où le besoin locatif n'est pas avéré. Nous aurons l'occasion de reparler de cette évaluation.

La question du zonage est récurrente. Compte tenu de l'évolution démographique et de celle des territoires, sa réforme devrait être menée. En 2014, j'avais procédé à une révision du zonage ; toutefois, de nombreuses communes ont entre-temps connu des évolutions en matière d'équipements structurants, qui jouent sur la tension du marché, précisément prise en compte dans plusieurs de ces dispositifs.

Je ne reviendrai pas sur les propos de plusieurs de mes collègues concernant le PTZ, qui est inaccessible désormais à toute une partie du territoire. En outre, son évolution touche les ménages modestes et aura un impact sur les parcours résidentiels. De nombreux ménages ne seront pas solvabilisés et seront donc maintenus dans le parc social, alors que nous avons besoin de ces logements pour loger des personnes en plus grande précarité. Tout se tient ; or vous examinez les situations en ne prenant en compte qu'un seul aspect de la politique du logement. Vous travaillez point par point, alors qu'une vision globale est nécessaire. S'agissant de l'APL « accession », je souscris aux propos tenus par M. Thibault Bazin.

Enfin, concernant le logement social et la RLS, nous aurions gagné beaucoup de temps et nous aurions évité de nombreux impacts sur l'emploi, sur la croissance dans nos territoires et en particulier sur l'accès au logement des personnes les plus en difficulté, si depuis 2017 vous nous aviez un peu plus écoutés…

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J'abonde dans le sens de ma collègue sur la question de la révision du zonage dans le cadre du dispositif Pinel. Dans mon département, Mulhouse en bénéficie alors que le marché ne connaît aucune tension ; en revanche, à Colmar, le marché est très tendu, en particulier concernant les petits logements ; du coup, dans la commune de sa banlieue dont j'étais le maire, il n'existe plus aucune offre. Il est très difficile pour les jeunes actifs de s'y installer, en raison de la disparition du dispositif Pinel. Ce sujet mérite d'être saisi à bras-le-corps, d'autant que son impact sur le budget de l'État est neutre.

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Je ne reviendrai pas sur mes propos liminaires, afin de ne pas retarder les travaux de la commission.

Je partage les points de vue qui ont été exprimés au sujet du rétablissement de l'APL « accession », comme mon rapport et ma présentation en attestent. L'amendement que je défendrai tout à l'heure va d'ailleurs dans ce sens.

Comme l'année dernière, je réitère mon souhait de prolonger le PTZ en zones détendues jusqu'au 31 décembre 2021. C'est un enjeu de justice sociale, car ce dispositif bénéficie à des ménages exclus de fait des zones tendues où les prix sont trop élevés. J'ai déposé un amendement en ce sens à la commission des finances.

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En l'absence d'évaluation du dispositif Pinel, il est difficile pour le Parlement de se prononcer sur cette dépense fiscale, qui avoisinera le milliard d'euros en 2020. La Cour des comptes a formulé des recommandations à ce sujet. Nous devons réfléchir à l'étape suivante ; nous pourrons tirer d'utiles conclusions de l'expérimentation relative au zonage en cours en Bretagne.

Le mode de calcul des APL est effectué sur douze mois glissants. Par ailleurs, le secteur de la construction ne montre pas de fléchissement cette année. Les acteurs du secteur du bâtiment que j'ai auditionnés ont exprimé leur satisfaction à cet égard.

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De plus en plus d'économistes expliquent qu'une bulle spéculative est en train de se créer en France. Alors que les taux d'intérêt sont au plus bas, il est temps de revenir à un marché qui ne soit pas ainsi « sponsorisé » : même si l'État peut retrouver de l'argent au travers de la TVA et de la construction, je reste inquiet du lobbying intense des promoteurs et des constructeurs : ils n'ont de cesse de nous expliquer que sans les aides importantes de l'État, ils auraient des difficultés à construire. C'est devenu une drogue dont il va falloir les sevrer progressivement.

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Nous avons évoqué les dépenses fiscales liées au logement, mais n'oublions pas les recettes : à chaque fois que l'on construit un logement, l'État touche de la TVA relative aux constructions, et c'est autant d'activité en plus, deux emplois en moyenne, avec les cotisations sociales à la clé. Une approche analytique ne peut être que globale.

Quant à la bulle spéculative, cela regarde les investisseurs ; les APL « accession » visent à aider les locataires du parc social à en sortir en accédant à la propriété, souvent par le biais de prix remisés. Un bailleur m'expliquait ce matin encore que six candidats avaient vu leur dossier refusé depuis le début de l'année, car ils ne parviennent pas à être solvables. L'APL « accession » et le PTZ n'ont pas vocation à favoriser la spéculation, mais bien à solvabiliser des ménages. Par ailleurs, la dépense fiscale concernant l'APL « accession » est ridicule, comparativement au nombre de logements qui n'ont pas été construits depuis deux ans. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : moins de 400 000 logements ont été produits en France et le nombre de PTZ est désormais inférieur à 100 000.

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J'invite chacun des intervenants à la mesure : les convictions des uns et des autres ne reposent pas sur leurs rencontres avec des lobbies. Nous sommes nombreux ici à détenir une expérience dans le domaine du logement, ce qui nous permet d'avoir une vision sur les différentes politiques en la matière.

M. Thibault Bazin a évoqué les recettes fiscales : on se plaît à rappeler – mais c'est la logique de Bercy – que les dépenses en matière de politique du logement atteignent 40 milliards d'euros, mais en oubliant systématiquement les recettes, de l'ordre de 70 milliards…

L'APL « accession » et le PTZ visent en effet à rendre solvables des ménages modestes, afin de fluidifier les parcours résidentiels. Quant au dispositif Pinel, il avait pour objectif de créer du logement intermédiaire dans des territoires tendus. En effet, certaines catégories, notamment modestes, y rencontrent des difficultés : elles ne peuvent se loger dans le parc public, car leur plafond de revenus est trop élevé, mais elles ne peuvent pas non plus accéder au parc locatif privé en raison de la cherté des loyers. C'est pourquoi la question du zonage est cruciale. Depuis la révision de 2014, certains territoires ont beaucoup évolué ; les plafonds et le ciblage devraient sans doute y être revus.

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Je vous rappelle qu'outre les quatorze amendements concernant ce rapport, nous avons encore trois rapports à examiner. Je vous demande donc de respecter le temps de parole qui vous est imparti.

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N'enterrons pas trop vite le dispositif Pinel, qui rend beaucoup de services et permet de loger de nombreux concitoyens. Il est probablement possible de l'améliorer, afin notamment d'atténuer la concentration de ce type de logements dans certains quartiers et d'encadrer son impact en matière d'inflation sur les prix. Je vous présenterai d'ici à une quinzaine de jours une proposition de loi visant à étendre ce dispositif et à améliorer la possibilité de défiscalisation pour les grands logements : on n'en construit quasiment plus.

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Nous en venons à l'examen des crédits du programme 147 « Politique de la ville », dont M. Patrice Anato est, pour la première année, le rapporteur pour avis.

Les crédits de la politique de la ville pour la période 2019-2020 sont globalement stables, avec un niveau de crédits de paiement (CP) avoisinant les 500 millions d'euros. Ils financent essentiellement des actions décentralisées, au travers des contrats de ville qui lient l'État aux collectivités territoriales comptant des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ces actions, souvent associatives, touchent au quotidien des habitants des 1 500 QPV : actions éducatives et sociales, accès aux soins, accompagnement vers l'emploi, sécurité et tranquillité, etc.

Au-delà des crédits du programme, la politique de la ville concerne directement plusieurs programmes d'envergure conduits par le Gouvernement, tels que les emplois francs, le dédoublement des classes de CP et de CE1, ou encore le dispositif des quartiers de reconquête républicaine.

Dans son rapport, notre collègue a consacré des développements spécifiques à la question du sport dans les quartiers. Il a en particulier étudié les occasions offertes par l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques pour y dynamiser l'emploi.

Monsieur le rapporteur, comment s'assurer du succès du dispositif des emplois francs, dont la généralisation est prévue l'année prochaine ? Comment pouvons-nous mieux associer les quartiers prioritaires de la politique de la ville à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ?

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Permettez-moi tout d'abord de vous remercier à nouveau de m'avoir désigné rapporteur des crédits de la politique de la ville pour 2020, d'autant que je suis élu de la Seine-Saint-Denis, département symbolique en la matière.

Ces crédits, retracés dans le programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires », financent principalement les contrats de ville et secondairement des mesures de revitalisation économique et de renouvellement urbain. La dotation pour 2020 de ce programme est stable : elle passe de 509 millions d'euros dans la loi de finances pour 2019 à 498 millions d'euros. La très légère baisse s'explique essentiellement par des raisons techniques.

La ressource est conforme aux besoins identifiés à la suite du pacte de Dijon signé le 16 juillet 2018. Elle contribuera positivement à la mise en oeuvre de la feuille de route du Gouvernement pour la politique de la ville.

Par nature, les ressources dévolues aux contrats de ville sont consommées de façon décentralisée. À titre d'illustration, en 2018 plus de 21 000 projets défendus par plus de 11 000 acteurs, bien souvent associatifs, ont ainsi été soutenus par les crédits que nous examinons aujourd'hui. En 2020, ces crédits seront en légère croissance, passant de 415 à 416 millions d'euros. Si les mesures de soutien à la cohésion sociale et à l'éducation représentent 70 % de l'enveloppe, je constate avec satisfaction que celles en faveur du développement économique et de l'emploi croissent légèrement, pour dépasser 57 millions d'euros. Je me réjouis à cette occasion du chantier de simplification administrative engagé par le Gouvernement en faveur des associations.

Parmi les mesures emblématiques de ce PLF, je note avec satisfaction le doublement des postes de coordonnateurs associatifs dans les QPV, dits postes FONJEP, qui passeront l'année prochaine à plus de 1 500. Je note également la reconduction d'une enveloppe de 15 millions d'euros visant à soutenir les grandes associations structurantes, le financement des programmes de réussite éducative et de cités éducatives et le financement de 1 000 postes supplémentaires d'adultes relais.

Néanmoins, je tiens à souligner que la politique de la ville dépasse largement le seul périmètre budgétaire du programme « Politique de la ville ». De nombreux programmes dits « de droit commun » ciblent directement les QPV ou comportent un volet spécifiquement conçu en leur faveur. Tel est le cas du programme de dédoublement des classes de CP et de CE1, salué unanimement, tant lors de mon déplacement à Soissons que dans le cadre de mes échanges avec le conseil représentatif des Français d'outre-mer (CREFOM), ou encore, le domaine de la sécurité, dans des quartiers de reconquête républicaine. En relève également le dispositif des emplois francs, au sujet duquel il convient de s'arrêter à la veille de sa généralisation. Ce programme a été lancé en 2018 dans 194 QPV ; en 2019, il a été étendu à 740 QPV, soit près d'un quartier sur deux. Il prend la forme d'une aide à l'embauche pouvant atteindre 5 000 euros, soit 15 000 euros en trois ans, pour toute entreprise ou association recrutant une personne issue d'un QPV et inscrite à Pôle emploi. Il est vrai que le bilan à ce jour n'est pas à la hauteur de nos espérances, puisque seuls 9 000 emplois francs ont été signés, pour un objectif de 20 000 attendus fin 2019. Cependant, le nombre moyen de demandes a doublé depuis cet été ; en outre, la généralisation du dispositif aux 1 500 QPV lui offrira une plus grande visibilité et permettra de conduire des actions de communication d'envergure nationale.

Pour compléter ce panorama budgétaire, j'ai souhaité échanger avec les personnes auditionnées sur la place du sport dans le développement des quartiers, notamment en matière économique. Nous connaissons le constat, déjà présenté par Mme Annaïg Le Meur, du manque d'infrastructures et d'offres sportives dans ces quartiers. C'est tout le paradoxe, alors même que les QPV peuvent s'enorgueillir d'avoir vu naître un grand nombre de champions. J'ai relevé et salué un certain nombre d'initiatives, souvent associatives, encourageant l'insertion à travers la pratique du sport – la notion de « coaching » donne, semble-t-il, des résultats très positifs.

Je me suis également intéressé aux retombées possibles des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 pour nos quartiers, notamment en Île-de-France. Le comité d'organisation des Jeux évalue à 150 000 le nombre d'emplois suscités par la préparation et le déroulement de cet événement. Conformément à la notion d'héritage des Jeux, je crois indispensable que les habitants de nos quartiers puissent se saisir de cette occasion de contribuer à l'accueil et à l'organisation de cet événement. Ils pourront ainsi exprimer la fierté de tous nos territoires et mettre en avant les talents qui y demeurent. Nous devons nous organiser pour que l'expérience qu'ils auront acquise dans ces emplois, mais aussi en tant que bénévoles, soit valorisée et puisse s'inscrire dans un parcours de long terme. L'année 2020 doit permettre de faire progresser cet ambitieux chantier.

Tel est le panorama que je souhaitais vous exposer à l'occasion de ce projet de loi de finances. La politique de la ville se trouve dans une phase dynamique et nous pouvons espérer des avancées très positives au cours de l'année prochaine.

J'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » pour ce qui concerne la politique de la ville.

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Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

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La pédagogie est l'art de la répétition et je suis en accord avec les propos de M. le rapporteur.

Nous sommes réunis pour examiner les crédits alloués au programme 147 « Politique de la ville », qui servent à financer les actions dans les QPV, quartiers souvent considérés comme des réservoirs de talents et d'énergie, mais dans lesquels deux habitants sur cinq sont pourtant durablement éloignés de l'emploi. L'an dernier, en tant que rapporteure, j'avais eu l'occasion de défendre ces crédits, dans la droite ligne du discours de Roubaix du Président de la République.

La politique de la ville bénéficie d'une feuille de route claire et de crédits en hausse de 20 % par rapport au précédent budget. Cette année, une enveloppe budgétaire pratiquement stable fixe son cadre : la poursuite des actions entreprises depuis deux ans et la continuité dans l'intervention de l'État, qui doivent nous permettre de garantir, pour tous, les mêmes chances de trouver sa place dans la société, où que l'on vive.

Cependant, ces actions ne doivent pas nous faire oublier l'importance du droit commun dans les politiques publiques dont bénéficient les QPV. Je retiens notamment le doublement du budget de l'ANRU, acté il y a deux ans, le dédoublement des classes scolaires CP-CE1 ou la prochaine généralisation des emplois francs.

Je rappelle que les 1 500 QPV connaissent plus de difficultés que les autres : le chômage y touche 25 % de la population et les services publics, particulièrement ceux de la santé, y sont moins présents. De plus, ainsi que je le mentionnais l'année dernière, les QPV manquent drastiquement d'équipements sportifs, alors que la demande des jeunes est très forte. À titre personnel, je me réjouis d'ailleurs que, depuis le début de l'année, les contrats de ville doivent systématiquement intégrer un volet relatif à l'inclusion par le sport, un vecteur d'émancipation et de transmission des valeurs et des savoirs vivants.

La mise en place des cités éducatives et le soutien à la recherche par nos jeunes de stages et de services civiques sont des mesures importantes. Les inégalités peuvent commencer dès le plus jeune âge, et il faut les combattre le plus tôt possible. C'est aussi le sens d'une autre mesure saluée par tous, les classes de douze élèves en CP et CE1, mesure qui concerne au premier chef les QPV. Il faut également noter le doublement des postes FONJEP et la création de 1 000 postes adultes-relais pour effectuer de la médiation sociale.

J'ai lu avec attention les chiffres relatifs à la poursuite de l'expérimentation des emplois francs : il y a eu 9 000 créations d'emplois en juillet 2019. Le dispositif est globalement monté en puissance par rapport à l'année dernière, mais il reste insuffisant pour atteindre les objectifs fixés. Je salue la généralisation de cette mesure dans l'ensemble du territoire, qui est prévue pour l'année prochaine. Cela permettra de gagner en visibilité et en efficacité, et j'espère que cela conduira à réduire la barrière invisible à laquelle se heurtent les habitants des QPV en matière de recherche d'emploi.

C'est sur cette note d'espoir que je tiens à saluer, au nom du groupe La République en Marche, le budget 2020 pour la politique de la ville : ce ne sera ni le grand soir, ni un recul, mais une incarnation de la continuité de nos engagements en faveur des plus modestes.

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Ce budget de la politique de la ville me semble incomplet. Si l'on veut réussir à rétablir l'égalité républicaine et l'ordre républicain dans nos quartiers, il faut une approche cohérente pour toutes les politiques publiques qui concernent la sécurité, le cadre de vie et la tranquillité. Un véritable problème se pose en la matière. Je pense en particulier à la question du zonage : celui de la politique de la ville ne correspond pas à celui de la politique éducative – on peut être un QPV mais ne pas faire partie des réseaux d'éducation prioritaire REP ou des REP + et ne pas bénéficier des dispositifs de dédoublement des classes et d'accès aux stages.

Par ailleurs, on veut de la mixité dans ces quartiers, mais force est de constater que le logement privé ne s'y développe pas. C'est une vraie difficulté qu'il faut regarder en face : il faut trouver des pistes d'action. Pourquoi n'y a-t-il pas de parcours d'accession à la propriété dans ces quartiers ? Doit-on adopter un plan spécifique – en matière d'APL « accession », de PTZ, et peut-être même de Pinel – pour créer une véritable dynamique et arriver à une diversité entre le locatif aidé, le locatif privé et l'accession à la propriété ?

Le nerf de la guerre, si on veut qu'il y ait un avenir dans ces territoires, est l'emploi. Il est évident que les emplois francs, qui constituaient pourtant un dispositif intéressant, ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés. Vous faites même le choix, contrairement à ce qu'a suggéré la mission « Agenda rural », de ne pas étendre les emplois francs aux territoires ruraux en souffrance, qui sont les grands oubliés : ils ont également besoin d'un accompagnement et de moyens.

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Vous avez souligné, Monsieur le rapporteur pour avis, que l'examen du programme 147 « Politique de la ville » est particulièrement important puisqu'il nous permet de faire un point d'étape un an après la présentation de la feuille de route pour la politique de la ville, qui était attendue de longue date par l'ensemble des parties prenantes. Nos villes et nos quartiers connaissent, en effet, des réalités de plus en plus difficiles. La feuille de route était claire : il faut soutenir les quartiers prioritaires de la politique de la ville, garantir l'égalité des droits pour leurs habitants, favoriser l'émancipation par l'éducation et par l'emploi, et soutenir les solidarités locales en luttant contre toutes les discriminations.

Mme Le Meur nous a expliqué dans son rapport de l'année dernière comment ces engagements se concrétisaient à travers deux mesures symboliques : le renforcement de l'encadrement au sein des maternelles, dans une soixantaine de grands quartiers sans mixité sociale, et la création de cités éducatives sur le modèle d'une expérience menée à Grigny dans le cadre du programme de réussite éducative. Un an plus tard, quel regard portez-vous sur l'état d'avancement de ces programmes et leurs résultats ? Par ailleurs, comment les autres mesures prévues par la feuille de route se concrétisent-elles dans le projet de budget pour 2020 ? Quels sont les choix budgétaires faits pour soutenir les quartiers prioritaires ?

Je constate, à la lecture de votre rapport, que le soutien aux actions de cohésion sociale constituera encore la priorité principale en 2020. Comment les fonds ont-ils été utilisés l'année dernière ? Leur affectation sera-t-elle différente ?

J'évoquerai pour finir la question du renforcement de la présence des services publics. Afin de garantir les mêmes droits aux habitants des quartiers prioritaires de la ville, la feuille de route du Gouvernement entend développer les maisons de services au public (MSAP) dans ces quartiers. L'année dernière, cette ambition, dont le principe a notre soutien, se heurtait à une absence de financement adéquat. Qu'en sera-t-il l'année prochaine ? De nouveaux fonds ont-ils été décidés pour soutenir le développement des MSAP ? Quelle sera, en outre, l'articulation entre les maisons « France services » dont le Gouvernement a annoncé la création dans l'ensemble du territoire et les MSAP prévues dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ?

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Le groupe Socialistes et apparentés n'a pas de commentaires particuliers à faire sur les crédits de la politique de la ville en tant que tels. Les moyens prévus sont globalement stables : ils sont loin de témoigner d'une véritable ambition face aux problèmes de mixité sociale et de ghettoïsation qui peuvent se poser, y compris dans les zones rurales en souffrance.

Nous avons, en revanche, des interrogations en ce qui concerne les crédits dévolus à la rénovation urbaine dans le cadre du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). De nombreuses collectivités ont formulé des demandes de démarrage anticipé de travaux ou d'engagements opérationnels pour leurs projets. Les crédits de paiement prévus pour 2020 pourraient donc être insuffisants.

S'agissant des emplois francs, le dispositif que nous avons adopté sous la précédente législature a connu la même fortune que l'expérimentation, lancée en 2017, sur laquelle vous revenez dans votre rapport. Nous avons soutenu la relance des emplois francs, dont nous étions à l'origine, mais force est de constater que les mêmes causes produisent les mêmes effets : l'objectif de 40 000 emplois francs paraît difficilement atteignable. Ne faudrait-il pas plutôt relancer le dispositif des « zones franches urbaines – territoires entrepreneurs », à l'instar de ce que nous avions fait en 2012 puis en 2015 ? Quels autres dispositifs sociaux et fiscaux pourrait-on utiliser pour favoriser l'emploi dans les QPV ?

Votre rapport met en avant, à juste titre, le retard paradoxal de ces quartiers en matière d'équipements sportifs. C'est notamment vrai à propos des piscines, alors que la part des enfants sachant nager est particulièrement faible dans ces territoires. La confiance que vous placez dans le futur héritage des jeux Olympiques nous paraît en décalage avec la réalité des territoires : les élus locaux assistent plutôt à un assèchement des moyens au profit des équipements et des infrastructures prévus dans le cadre des Jeux.

Au-delà de cette question, je voudrais souligner le sous-équipement chronique des territoires de banlieue en termes d'équipements et de services publics. L'État y ferme, comme dans certains territoires ruraux, des trésoreries, des centres de caisses primaires d'assurance maladie, des bureaux de poste et tant d'autres services. Dans ces territoires, les taux d'encadrement de Pôle emploi sont parfois inférieurs de 25 % aux taux nationaux alors que le chômage est très élevé. En fait, l'État poursuit son recul massif dans les territoires relevant de la politique de la ville et cache la réalité derrière les crédits alloués à cette politique.

Selon l'article 1er de la loi dite « Lamy », adoptée en 2014, « la politique de la ville est une politique de cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale, envers les quartiers défavorisés et leurs habitants. Elle est conduite par l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements dans l'objectif commun d'assurer l'égalité entre les territoires, de réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines et d'améliorer les conditions de vie de leurs habitants. » Pensez-vous que cette loi est respectée ?

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Je voudrais remercier le rapporteur pour sa présentation du programme 147. Nous connaissons tous les problèmes importants des QPV en termes de pauvreté, de ghettoïsation et de faiblesse en équipements et en services publics. Votre rapport met en avant un certain nombre de points sur lesquels nous pouvons être d'accord, comme le dispositif adultes-relais. Nous n'avons pas davantage d'opposition à la généralisation des emplois francs, mais nous savons tous que ce dispositif est marqué par des freins et des blocages. Pourquoi est-ce le cas, et que faudrait-il faire, selon vous, pour le rendre beaucoup plus efficace ? Je suppose que vous avez regardé la situation de près et que vous avez des propositions à faire.

On peut regretter la baisse de 2 % du budget prévu pour la politique de la ville par rapport à 2019. Les actions menées en matière de revitalisation économique et d'emploi sont particulièrement importantes dans les quartiers prioritaires. Je regrette notamment la baisse de la subvention allouée à l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), qui a fait ses preuves. C'est un outil qui a permis d'avoir des résultats.

En ce qui concerne l'action « Stratégie, ressources et évaluation », les crédits de fonctionnement spécifiques à la politique de la ville et les fameux transferts à l'ANCT, je vais répéter ce que j'ai déjà dit lors des débats sur la proposition de loi créant cette agence. On n'intègre pas un certain nombre d'agences qui sont au plus près des acteurs, comme l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui joue un rôle essentiel. On va l'associer, mais on ne l'intègre pas dans le nouveau dispositif, alors que nous avons vraiment besoin d'opérateurs dans ces quartiers en matière de logement – je rejoins les propos de M. Thibault Bazin – mais aussi d'équipements publics structurants et de services publics.

Je voudrais aussi alerter le rapporteur et, au-delà, le Gouvernement, sur le risque que l'on prend avec la multiplication des abondements venant d'Action Logement, principal financeur de la politique de rénovation urbaine. Dans le cadre de ce projet de budget, le Gouvernement propose un abondement, par principe dans le cadre d'une contractualisation, en faveur du Fonds national d'aide au logement (FNAL), au risque d'éloigner peu à peu Action Logement de son coeur de métier : la construction de logements sociaux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

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Je vous remercie pour vos interventions et vos questions.

M. Bazin a dénoncé un budget incomplet, qui ne prendrait pas en compte la globalité du sujet, et a regretté que tous les QPV ne bénéficient pas d'un accompagnement dans le cadre des REP et des REP +.

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Vous savez très bien que, depuis 2010, 99 % des REP et des REP + sont en QPV.

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Mais 99 % des QPV ne sont pas en REP +…

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Vous avez également évoqué les territoires ruraux. J'ai fait un déplacement à Soissons dans le cadre de mes travaux préparatoires : cette ville est entourée de territoires ruraux, mais le dispositif des emplois francs y est très dynamique. Les acteurs municipaux et sociaux sont assez actifs dans ce domaine. Il s'agit de faire connaître le dispositif, de le présenter aux acteurs concernés. Il ressort de mes entretiens à la mairie et à Pôle emploi que les contrats « emplois francs » qui ont été signés sont très satisfaisants.

Le programme de réussite éducative, Monsieur Lagleize, permet aujourd'hui à plus de 85 000 élèves de bénéficier d'un suivi personnalisé, grâce à plus de 2 500 équipes de soutien pluridisciplinaires. Les cités éducatives visent à assurer la coordination entre les acteurs de l'éducation dans les quartiers les plus défavorisés. L'action sociale et l'activité des éducateurs sont naturellement prises en compte dans le projet de budget pour 2020.

Les crédits consacrés aux actions de cohésion sociale s'élèveront à 250,6 millions d'euros sur un total de 416,2 millions pour les dépenses d'intervention. La proportion restera stable.

M. Bricout a évoqué les emplois francs créés lors de la précédente législature. Le dispositif fonctionne beaucoup mieux. Les conditions ont été élargies : il n'y a plus de limite d'âge et on a supprimé l'obligation, pour les entreprises, de s'installer dans les quartiers, afin que les demandeurs d'emploi puissent en sortir. Les entreprises peuvent désormais être implantées un peu partout en France du moment que le lieu de résidence des demandeurs d'emploi est un QPV. Cela permet de toucher davantage de personnes. Par rapport à la première expérimentation réalisée dans ce domaine, on a multiplié par dix le nombre de contrats signés en un mois. Par ailleurs, nous sommes persuadés que le dispositif aura davantage de visibilité dès lors qu'il sera généralisé, d'autant que le nombre de QPV concernés va passer de 194 à 740 à partir de 2020.

S'agissant des freins et des blocages, Madame Pinel, j'ajoute à ce que je viens de dire que nous allons faire plus de communication et que l'extension du dispositif permettra de lui donner davantage d'écho. Il faut continuer à travailler sur le terrain. J'organise des réunions publiques dans mon département avec la chambre de commerce et d'industrie, Pôle emploi et les associations : nous réunissons des jeunes pour les informer de l'existence de ce dispositif et il y a des contacts, à l'issue de la réunion, avec les entrepreneurs présents. C'est aussi l'implication des élus sur le terrain qui permettra au dispositif d'être de plus en plus connu.

J'espère avoir répondu à toutes les interrogations.

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Vous avez dit, en inversant ma question, que tous les établissements REP sont dans des QPV. Mais il existe des établissements dont une majorité d'élèves habitent dans un QPV mais qui ne sont pas pour autant classés REP ou REP +. Il faut donc se poser la question de la cohérence des zonages suivis par nos politiques publiques – en matière de politique de la ville comme en matière éducative, économique et de sécurité. Il faudra aligner ces différents dispositifs pour arriver à être efficace.

Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à ma question relative à la mixité en matière de logement. C'est un véritable défi. Je ne suis pas sûr qu'on ait forcément toutes les réponses : il faut travailler sur ce sujet. Si l'on n'offre pas de la mixité dans le cadre de parcours résidentiels au sein des quartiers, on risque de rater leur déghettoïsation.

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Je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'une mise en cohérence, mais peut-être pas avec celle d'un alignement systématique : les réalités peuvent être différentes selon les quartiers. Il faut regarder la question de près, afin d'intégrer progressivement dans le dispositif que vous évoquez tous les quartiers qui nécessitent de l'être.

La commission aborde ensuite les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Article 38 et État B

La commission examine l'amendement II-CE47 de M. Jean-Louis Bricout.

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L'amendement II-CE47 vise à geler la baisse des APL prévue dans le cadre de la réduction du loyer de solidarité (RLS), à hauteur de 1,3 milliard d'euros, et à orienter les crédits correspondants vers la transition énergétique dans le parc de logements sociaux.

Selon le Fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations, la France compte 4,6 millions de logements sociaux, dont 980 000 sont énergivores, autrement dit classés E, F et G dans leur diagnostic de performance énergétique. 370 000 sont des « passoires énergétiques », classés F ou G – j'ai présenté ce matin un rapport pour avis qui portait plus particulièrement sur ce sujet.

Nous avons adopté le projet de loi relatif à l'énergie et au climat, qui renforce les objectifs à suivre en matière de transition énergétique et prévoit notamment la neutralité carbone pour le parc de logements à l'horizon 2050. C'est un engagement majeur puisque le logement représente 25 % de la consommation énergétique nationale.

Afin d'accompagner les bailleurs sociaux, dont les capacités financières ont été fortement contraintes par l'application de la RLS depuis 2018, nous proposons que les travaux de rénovation énergétique réalisés par ces acteurs soient déduits du montant de la RLS qu'ils doivent appliquer.

Le coût de cet amendement est facialement de 1,3 milliard d'euros, mais il sera en réalité pondéré par le fait que la RLS ne sera pas « amortie » à 100 % par un montant équivalent de travaux et qu'il y aura de substantielles recettes fiscales supplémentaires grâce à ces travaux. Le coût sera bien inférieur à 1,3 milliard d'euros.

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Votre amendement vise à prélever 1,3 milliard d'euros sur les crédits relatifs à l'hébergement, au parcours vers le logement et à l'insertion des personnes vulnérables pour les orienter vers la transition énergétique dans le parc social, afin que les travaux réalisés en la matière soient déduits de la RLS consentie par les bailleurs sociaux.

J'émets un avis défavorable à cet amendement d'appel. Le dispositif de la RLS est désormais stabilisé : son niveau a fait l'objet d'une concertation avec les acteurs du logement social, et je crois qu'il faut s'y tenir. Par ailleurs, le coût de la RLS est largement compensé par des mesures d'accompagnement que je décris dans mon rapport et qui ont été saluées par les bailleurs. Enfin, des dispositifs spécifiques existent déjà pour accompagner la rénovation énergétique des logements sociaux – une ligne budgétaire de 600 millions d'euros est notamment prévue pour les éco-prêts.

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Il n'a échappé à personne que les règles de la recevabilité financière nous obligent à proposer des ponctions sur d'autres programmes… Nous souhaitons évidemment que le Gouvernement lève le gage afin de ne pas pénaliser le programme 177.

La commission rejette l'amendement.

Elle est ensuite saisie de l'amendement II-CE64 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

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La performance énergétique du parc social est bien meilleure que celle du parc privé, mais la fragilisation du modèle financier des bailleurs sociaux, notamment en raison de la hausse de la réduction des loyers de solidarité, pourrait réduire leur capacité à investir dans la rénovation de leur parc. Il est indispensable de poursuivre et d'amplifier l'action de ces acteurs en matière de rénovation énergétique. C'est pourquoi nous proposons qu'une partie de l'économie réalisée par l'État grâce à la « contemporanéisation » des APL, estimée à 1,2 milliard d'euros, soit utilisée pour la rénovation énergétique du parc social.

Comme il n'est pas possible d'affecter le résultat d'une économie de dépenses pour augmenter d'autres crédits, l'amendement II-CE64 tend à réaliser une ponction sur le programme 147, en attendant que le Gouvernement lève le gage, afin d'augmenter les crédits du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui est notamment chargé de contribuer au financement des opérations d'amélioration du parc de logements locatifs sociaux appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré (HLM), aux sociétés d'économie mixte (SEM) et aux organismes bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage. Ce serait une mesure très incitative pour les bailleurs.

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Cet amendement s'apparente au précédent, bien que son impact budgétaire soit plus modeste. Pour les mêmes raisons que tout à l'heure, j'émets un avis défavorable.

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C'est un appel qui est lancé. Le fait que vous ne l'entendiez pas, alors qu'il est légitime, me préoccupe. Vous n'avez pas répondu à la question qui se pose pour les bailleurs sociaux du fait de la « contemporanéisation » des APL. Il y a un risque de manque de solvabilité des ménages : ils ne connaîtront pas vraiment leur loyer puisque l'APL va varier, ce qui entraînera une augmentation des impayés et un problème de trésorerie pour les bailleurs, déjà mis à mal : les réformes structurelles que vous avez engagées ont réduit leurs capacités d'investissement.

L'amendement qui nous est proposé permettrait de créer un cercle vertueux : on aiderait, à travers les travaux énergétiques, à réduire les charges des ménages et à améliorer le confort thermique. Ce serait donc une logique « gagnant-gagnant ». Le cercle dans lequel vous vous inscrivez est, au contraire, « perdant-perdant » : il y a moins d'investissement et les charges ne baissent pas – le coût de l'énergie augmente, au contraire, pour les particuliers. Il faut s'attaquer au coeur du problème en rétablissant une capacité d'investissement en faveur de la rénovation thermique dans les logements aidés.

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Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. La baisse des APL réduit le reste à vivre pour les familles, et il serait bon d'investir dans des travaux portant sur la performance énergétique des logements. Les passoires thermiques sont un vrai problème. Par ailleurs, les investissements réalisés dans ce domaine ont une importance pour l'économie locale, et cela permettrait de redonner un peu de pouvoir d'achat à des gens à qui vous allez en faire perdre avec la réforme des APL.

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Le versement en temps réel ne signifie pas une baisse des APL, mais seulement une adaptation de leur montant à la situation de l'allocataire.

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Je ne voudrais pas être vulgaire, mais il ne faut pas prendre les Français pour…

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Ce budget sera en baisse de 1,4 milliard d'euros, et les APL versées aux Français seront réduites d'autant. Vous diminuez, par ailleurs, les capacités d'investissement des bailleurs pour réaliser des logements nouveaux mais également réhabiliter le parc existant, sans parler des problèmes de trésorerie. Les plans d'investissement sont revus à la baisse : il suffit d'aller voir les conseils d'administration des bailleurs, notamment ceux des HLM. Les plans de rénovation des logements se réduisent, et la précarité énergétique va se poursuivre. Vous faites de grandes déclarations sur l'écologie et, « en même temps », vous diminuez les capacités de réponse à la précarité énergétique.

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N'allons pas refaire le débat sur la loi « ELAN ». On est passé de l'aide à la personne à l'aide à la pierre : il en résulte, je vous l'accorde, une transition qui est un peu difficile. Plutôt que de verser de l'argent à des locataires qui paient ensuite leur logement social, on donne directement aux bailleurs sociaux. On ne peut pas dire que la capacité financière de ces derniers se réduit : c'est même le contraire. Grâce à Action Logement et à la Caisse des dépôts et consignations, les bailleurs sociaux vont retrouver des marges de manoeuvre – et cela commence déjà à être le cas –, notamment s'ils ont une vraie politique de regroupement au sein de sociétés anonymes de coordination (SAC). Il y a effectivement un trou d'air, mais il est circonstanciel : le fait de passer d'un modèle à un autre nécessite une adaptation. Je fais confiance aux bailleurs sociaux. J'ai participé à leur congrès en septembre dernier : je pense qu'ils ont compris et qu'on est sur la bonne voie.

La commission rejette l'amendement.

Elle aborde ensuite l'amendement II-CE43 de M. Jean-Louis Bricout.

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L'amendement II-CE43 vise à majorer de 83,8 millions d'euros les crédits alloués aux APL afin de suivre le niveau de l'inflation, ce qui signifie une hausse de 1 %, alors que le PLF pour 2020 prévoit seulement 0,3 % de plus. Ce que propose le Gouvernement se traduirait, en moyenne, par une perte de 12,70 euros par an pour les bénéficiaires des APL, en plus de la réduction de 5 euros par mois décidée pendant l'été 2017, de la non-indexation des APL sur l'inflation au 1er octobre dernier et de la réévaluation forfaitaire de 0,3 % déjà appliquée en 2019. Notre amendement permettra tout simplement de préserver le pouvoir d'achat des ménages les moins favorisés.

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La revalorisation de 0,3 % de certaines prestations sociales prévue par l'article 67 du projet de loi de finances ne concerne pas seulement les APL, et elle fait partie d'une stratégie globale pour maîtriser la hausse des dépenses publiques tout en préservant les ressources destinées aux ménages les plus modestes. Il faut aborder cette question dans une perspective d'ensemble. J'émets donc un avis défavorable.

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Je trouve que c'est dommage. Des cadeaux ont été faits dès 2017 dans le cadre de la flat tax, le prélèvement forfaitaire unique, ce qui a conduit à l'adoption de mesures d'économies, notamment en ce qui concerne les APL et les contrats aidés, et à la mise en place de recettes nouvelles, puis à l'explosion que nous avons connue avec le mouvement des gilets jaunes. Vous avez l'occasion d'apporter une réponse, peut-être d'une façon globale, puisque vous avez souligné que cette mesure concerne aussi d'autres prestations. Une indexation sur l'inflation permettrait tout simplement de préserver le pouvoir d'achat. Vous allez le réduire pour des gens qui sont dans la nécessité.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements II-CE84 de la rapporteure pour avis et II-CE42 de M. Jean-Louis Bricout.

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Mon amendement II-CE84 vise à émettre une alerte sur les conséquences de la suppression totale des APL « accession », qui est prévue pour 2020. Certains des acteurs que j'ai auditionnés m'ont fait part de leur étonnement : ce dispositif, peu coûteux, permet à des ménages modestes de sortir du parc social en acquérant leur propre logement, ce qui laisse des places libres et accroît la mobilité que nous appelons de nos voeux au sein de ce parc. Par ailleurs, les APL « accession » sont limitées dans le temps, et elles s'ajustent à la situation de leurs bénéficiaires. Elles favorisent aussi la réalisation du programme de vente de logements sociaux à leurs occupants. À cet égard, on sait qu'un logement vendu permet de produire au moins deux logements nouveaux.

Le coût de ce dispositif est limité : un montant de 50 millions d'euros était anticipé en 2018 pour le logement ancien. Le bilan pourrait même être positif sur le plan budgétaire : il faut tenir compte des ménages qui ne reçoivent plus les APL locatives. Le montant moyen des APL « accession » est de 150 euros par mois, contre 260 euros pour les APL locatives. Si l'on suppose que les nouveaux bénéficiaires des APL « accession » percevaient auparavant les APL locatives, il y a d'un côté une moindre dépense, qui s'élève à 93 millions d'euros par an pour 30 000 accessions à la propriété au cas où on reviendrait au système antérieur et, de l'autre côté, une dépense de 50 millions d'euros pour financer les APL « accession », dont j'ai déjà dit qu'elles ne sont versées que pour un temps limité. Cela représente donc une économie nette. Je précise que ces chiffres sont fondés sur le coût moyen des APL.

Si les bénéficiaires sont majoritairement d'anciens bénéficiaires des APL locatives, l'effet sur le budget de l'État est positif. À cela s'ajoutent des impacts sociaux bénéfiques pour les ménages qui voudraient sortir du parc HLM dans les zones tendues et un effet d'entraînement favorable à la revitalisation des zones rurales ou des villes moyennes.

Plusieurs solutions sont envisageables pour contenir le budget consacré à ce dispositif. On peut, par exemple, réserver les APL « accession » aux ménages qui bénéficiaient déjà des APL locatives.

Mon amendement tend à affecter 50 millions d'euros à l'aide à l'accès au logement dans le cadre de l'APL « accession ».

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Notre amendement II-CE42 vient d'être parfaitement présenté. La majorité pourrait faire preuve d'un peu d'humilité : c'est elle qui a supprimé les APL « accession ». Vous étiez d'ailleurs plutôt d'accord avec nous, Madame la rapporteure, lorsque nous disions qu'il ne fallait pas le faire. Nous demandons également le rétablissement de ce dispositif, mais votre amendement est placé avant le nôtre. C'est le premier qui dit qui y est, comme on dit…

Nous avons tout intérêt à rétablir ce dispositif pour des raisons qui sont économiques et sociales, notamment si on veut développer les ventes de HLM, mais aussi financières – les APL « accession » coûtent en moyenne 155 euros par mois, contre 260 euros pour les APL locatives, et il faudrait également prendre en compte les recettes supplémentaires au titre de la TVA.

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Je soutiens cet amendement. Je remarque, Madame la rapporteure pour avis, que vous êtes beaucoup plus prolixe quand vous défendez vos amendements que lorsque vous vous opposez aux nôtres…

Pour reprendre ce que disait Aimé Jacquet à Robert Pirès, il va falloir muscler votre jeu (Sourires) : vous avez tenu les mêmes propos l'année dernière, mais vous avez pratiqué le retrait en en séance… J'espère que ce ne sera pas le cas cette année. Il faut y aller, vraiment.

Ce dispositif met en jeu des sommes minimes à l'échelle du budget de l'État, mais il crée un effet de levier qui permet d'assurer une véritable égalité des chances dans le cadre de parcours résidentiels.

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Si l'amendement de la rapporteure pour avis était adopté, j'imagine que le nôtre tomberait. Ces amendements ne sont pas identiques par le seul fait qu'ils ne sont pas gagés exactement de la même façon. Nous avons déposé notre amendement il y a quelques jours mais Mme Do, qui a la chance de pouvoir déposer ses amendements à la dernière minute, présente son texte avant le nôtre. Je trouve qu'elle devrait, au titre des bonnes pratiques, relier notre amendement au sien pour qu'il soit également adopté.

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La rapporteure pour avis pourrait aussi retirer son amendement au profit du vôtre.

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En cas de discussion commune, les amendements du rapporteur viennent toujours en premier : c'est la règle.

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Le groupe MODEM votera en faveur de ce qui nous est proposé. Nous avions déposé le même amendement l'année dernière, et nous avions regretté que les APL « accession » soient supprimées. Ce dispositif a toutes les vertus que la rapporteure pour avis a indiquées.

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Le groupe Libertés et Territoires votera dans le même sens. Je fais partie de celles et ceux qui se sont toujours opposés à la suppression des APL « accession », et pas seulement depuis le début de cette législature. Cette idée avait pu naître, pour des raisons d'économies budgétaires, lorsque j'étais aux responsabilités. Je m'y étais fortement opposée, sachant qu'environ 35 000 personnes devenaient propriétaires chaque année grâce à ce dispositif, pour un coût assez modeste en ce qui concerne les finances publiques. Je suis ravie de voir que certains arguments qui avaient été rejetés les années précédentes sont repris aujourd'hui. La rapporteure pour avis a souligné que l'APL « accession » coûte moins cher que l'APL pour les locataires, ce qui est vrai. Nous l'avions dit les années précédentes, mais cela n'avait malheureusement pas été entendu.

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Comme l'a rappelé M. Bazin, je défends ardemment les APL « accession » depuis 2017, et on va essayer de passer cette année.

Nos amendements diffèrent, Madame Battistel, dans la mesure où le mien propose de prélever des crédits sur le programme 147, « Politique de la ville », et le vôtre sur le programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ».

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Est-il techniquement possible de lier ces deux amendements ? La seule différence est le gage, et je crois qu'il y a un consensus sur le rétablissement des APL « accession ».

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L'amendement de la rapporteure pour avis peut être cosigné, mais on ne peut pas « lier » les amendements.

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Ce que nous dit la rapporteure pour avis à propos des gages, depuis le début, n'est pas très sérieux : nous savons tous qu'il faut gager les amendements pour passer le filtre de la recevabilité et que, si les amendements sont adoptés, le Gouvernement lève le gage en séance. Un peu de bonne volonté de votre part serait bienvenue, Madame Do.

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Il y a une difficulté sur le plan légistique : on ne peut pas adopter ces amendements en même temps, car ils n'ont pas le même gage.

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Notre amendement est déposé depuis plusieurs jours, Madame la rapporteure pour avis : il aurait quand même été très facile de gager le vôtre de la même façon – le gage n'est qu'une sorte d'artifice. Les amendements auraient ainsi été identiques et on aurait pu les adopter ensemble. Je n'ose pas imaginer que la différence de gage est volontaire… En tout cas, il serait bien que l'on trouve une solution. C'est un sujet sur lequel nous travaillons depuis longtemps, et il serait un peu dommage que ce ne soit pas reconnu.

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Vous aurez la possibilité de redéposer votre amendement en commission des finances, puisque nous ne sommes saisis que pour avis, même si cela compte. Ces deux amendements pourront ainsi être adoptés en même temps.

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Ce n'est pas possible, car la commission des finances se réunit demain : il aurait fallu déposer l'amendement plus tôt.

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Dans ce cas, l'amendement pourra être redéposé en séance.

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Mme la rapporteure pour avis pourrait retirer son amendement au profit du nôtre, tout simplement – et cosigner notre amendement.

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Il y a des rapporteurs de la majorité et d'autres de l'opposition. Notre rapporteure va défendre la position de la commission des affaires économiques, et je ne doute pas qu'elle rappelle demain, devant la commission des finances, qu'il y a un consensus autour de l'amendement qui va être adopté par notre commission. Je ne suis pas certain qu'il soit utile de pousser plus loin la discussion. Nous avons pris la parole, les uns et les autres, pour dire que nous sommes d'accord pour rétablir les APL « accession ». C'est la position qui sera défendue par notre rapporteure pour avis, au-delà des clivages qui peuvent exister. Ne peut-on pas cosigner l'amendement de Mme Do, puisqu'elle est notre rapporteure pour avis, et adopter tous ensemble cet amendement ?

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Je rappelle, en outre, que tous les amendements que nous adoptons deviennent, devant la commission des finances, qui est saisie au fond, des amendements de notre commission : il n'y a plus de noms particuliers sur les amendements. Il est dommage d'avoir un tel débat alors que la commission est unanime sur cette question.

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Il ne faudrait pas qu'il y ait une deuxième délibération à 3 heures 30 du matin (Sourires).

Les deux amendements ne sont pas identiques : l'argent doit venir de quelque part – et cette majorité va être celle qui fait passer la dette de la France au-delà de 100 % du PIB. Ces deux amendements ont une approche différente, et on ne peut pas présumer que le Gouvernement lèvera le gage. S'il faut choisir, je préfère retirer des crédits à la politique de la ville, déjà très richement dotée, compte tenu de ses résultats, plutôt qu'à celle de l'amélioration de l'habitat. Je suis plutôt favorable, à titre personnel, à l'amendement de la rapporteure pour avis.

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Cette affaire paraît totalement technique : nous sommes tous d'accord sur le fond, ce qui est déjà une belle avancée, que l'on peut saluer. Mais il y a aussi la question de la reconnaissance de ceux qui travaillent sur ce sujet depuis un certain nombre d'années – et ils ne se résument pas à Mme Do. Nous avons déposé notre amendement le 16 octobre, et la rapporteure pour avis a déposé le sien le 22 octobre. Elle pouvait le gager exactement de la même façon que le nôtre : elle savait pertinemment quelle serait l'issue si les amendements n'étaient pas identiques. Je trouve qu'il faudrait faire un geste permettant d'adopter un amendement collectif, ou bien retenir le nôtre.

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Je voudrais juste préciser que je dépose rigoureusement le même amendement depuis 2017 : je n'ai rien changé.

La commission adopte l'amendement II-CE84.

En conséquence, l'amendement II-CE42 tombe.

La commission examine ensuite l'amendement II-CE45 de M. Jean-Louis Bricout.

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L'amendement II-CE45 vise à favoriser la construction dans les zones tendues en permettant aux communes de bénéficier d'une aide allant de 1 500 à 2 000 euros par logement si un effort de construction supérieur à 1 % du parc existant est réalisé. Cela aidera à créer les équipements publics et les infrastructures nécessaires à l'accueil de nouveaux habitants. Cet amendement permettra aussi d'améliorer, ou d'apaiser, les relations entre le Gouvernement et les maires au moment où l'on retire à ces derniers la taxe d'habitation.

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Cet amendement vise à rétablir l'aide aux maires bâtisseurs, supprimée par le Gouvernement parce qu'elle défavorisait certains territoires. Celui-ci a toutefois mis en place des outils efficaces d'encouragement à la construction, notamment en faveur du parc social. Les dispositifs de droit commun s'appliquent pour accompagner les municipalités ; si de nouvelles mesures devaient être décidées, elles ne pourraient être que le fruit d'une concertation postérieure aux prochaines élections municipales… Avis défavorable.

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Je soutiendrai cet amendement visant à rétablir le dispositif d'aide aux maires bâtisseurs que j'avais créé. Contrairement à ce que vient de dire Mme la rapporteure pour avis, tous les maires qui en bénéficiaient avant 2017 en étaient très satisfaits. L'accueil de nouvelles populations à la suite d'un effort de construction induit des dépenses de construction d'équipements publics : ce dispositif était donc incitatif dans les communes en tension. De plus, la charge pour les finances publiques n'est pas énorme. Enfin, cela permettrait de retisser des liens de confiance avec les élus locaux.

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Dans mon département, la commune de Saint-Max, en zone très tendue, n'a pratiquement pas de foncier. Le maire bâtisseur, encouragé par ce dispositif, consacre beaucoup d'énergie à la recomposition de chaque friche, au détriment d'autres projets. Alors qu'elles peuvent être sanctionnées si elles n'atteignent pas tel taux de logement social, les communes ont besoin de mécanismes accompagnateurs pour financer les études et travailler sur le foncier, qui reste le nerf de la guerre pour créer des logements et répondre ainsi aux besoins de nos compatriotes.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement II-CE46 de M. Jean-Louis Bricout.

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L'objet de cet amendement est d'augmenter les aides à la pierre pour retrouver le niveau de 2018, avec 38,8 millions d'euros supplémentaires.

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Le présent amendement vise à rétablir la contribution de l'État au financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP). La cotisation de l'État a en effet fortement diminué, et sera nulle en 2020. Toutefois, les ressources du FNAP correspondent aux besoins effectivement consommés. Il disposera en 2020 d'une contribution de 350 millions d'euros d'Action Logement, de 75 millions d'euros provenant des bailleurs sociaux et de 25 millions d'euros au titre de la majoration prévue par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU). La diminution des crédits budgétaires a été compensée par la taxe sur les plus-values des ventes de logements sociaux instaurée lors de la loi de finances pour 2018. Enfin, l'État ne se désengage pas du FNAP, cinq des quinze membres du conseil d'administration étant ses représentants ; de plus, les services du ministère de la cohésion des territoires en assurent le secrétariat. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Elle se saisit ensuite de l'amendement II-CE44 de M. Jean-Louis Bricout.

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Le présent amendement a pour objet de renforcer de 10 millions d'euros les moyens dévolus à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) afin de lui permettre de verser des subventions aux bailleurs sociaux pour cofinancer les travaux au bénéfice des personnes en situation de handicap. Ce coup de pouce est nécessaire en raison du retard pris dans l'adaptation des logements.

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Le budget de l'ANAH consacré à l'autonomie a été multiplié par deux en 2019 afin d'atteindre un objectif de financement de 30 000 logements adaptés. Son programme « Habiter facile » est spécifiquement destiné au cofinancement des travaux d'adaptation des logements aux personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, le groupe Action Logement mobilise 1 milliard d'euros pour adapter les salles d'eau au vieillissement, avec un objectif de transformation de 200 000 douches sur les territoires. Ces aides sont ouvertes aux salariés se retrouvant en situation de perte d'autonomie. Votre amendement me semble donc satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle en vient à l'examen de l'amendement II-CE73 de M. Jean-Luc Lagleize.

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Les friches urbaines, qu'elles soient industrielles ou commerciales, représentent du foncier disponible mais plutôt cher et compliqué à réhabiliter. De ce fait, dans les zones tendues, on artificialise du sol pour construire un peu plus loin, sans se préoccuper des friches urbaines, pourtant extrêmement intéressantes.

Ainsi, une friche de cinquante-cinq hectares située en plein centre de Toulouse, entre deux stations de métro, est à l'abandon depuis vingt ans, le ministère des armées ne la vendant pas. En dépit d'un premier projet de protocole signé entre Mme Cosse et le maire de l'époque, cette friche n'est toujours pas la propriété de Toulouse Métropole en raison de l'existence d'une pollution. Toutes les friches connaissent ce problème : neuf fois sur dix, les projets de cession capotent en raison du coût financier de la dépollution, généralement à la charge du vendeur.

J'ai donc proposé au ministère, dans le rapport que je lui remettrai officiellement dans une semaine, de créer un fonds national de contribution à la dépollution, qui pourrait cofinancer à hauteur de 30 % ou 50 % les dépollutions des friches.

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Vote amendement me donne l'occasion de saluer le travail que vous conduisez à la demande du Premier ministre. Vous déposez une série d'amendements visant à traduire dans le projet de loi de finances certaines des propositions que vous formulerez prochainement. Dans leur ensemble, il s'agit de mesures intéressantes. J'observe cependant que vous n'avez pas encore remis votre rapport au Premier ministre ; nous n'avons donc pas pu prendre connaissance de l'ensemble des mesures qu'il préconise.

Le présent amendement vise à financer la création d'un fonds national pour la dépollution des friches industrielles. En l'état, je demande le retrait de cet amendement pour plusieurs raisons : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie conduit déjà des actions d'accompagnement à la dépollution de friches ; il revient fondamentalement aux responsables de la pollution de prendre en charge les frais de dépollution, ou bien, dans certaines conditions et si les parties s'accordent, à l'aménageur de se substituer au vendeur ; enfin, notre commission mettra en place, bientôt, une mission d'information, commune avec la commission du développement durable, sur la revitalisation des friches industrielles et sera certainement amenée à aborder de façon générale le sujet de la dépollution des friches. Je propose d'attendre ses conclusions. Demande de retrait.

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J'ai pris connaissance d'une partie du travail réalisé par notre collègue Lagleize : je tiens à le saluer car ses propositions étaient très attendues. La question du foncier avait été un peu mise de côté lors de l'examen de la loi ELAN. J'ai donc hâte que M. Lagleize présente son rapport devant la commission car ses préconisations sont pertinentes. Certaines doivent être retranscrites dans le projet de loi de finances, raison pour laquelle je voterai pour ses amendements ; j'invite mes collègues à faire de même. Les autres mesures, certaines d'ordre réglementaire, seront traitées dans un second temps.

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Je veux saluer le travail de notre collègue, Jean-Luc Lagleize, qui mène une mission sur un sujet éminemment complexe. Si nous avions toutes les solutions, ces sujets auraient été traités depuis bien longtemps !

Je veux dire l'intérêt que je vois à son amendement : la question de la dépollution des friches, notamment en coeur de ville, est essentielle. Il est important de ne pas laisser passer l'occasion de ce débat budgétaire et d'adopter des mesures opérationnelles et efficaces : ne nous privons pas des outils évoqués par notre collègue !

À ce sujet, je souhaite savoir comment ce fonds s'articulerait avec les missions de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (ÉPARECA). Les friches commerciales peuvent elles aussi être polluées, par la présence d'amiante dans les toits des bâtiments commerciaux, par exemple. Comment avez-vous imaginé l'articulation avec d'autres outils tels que les établissements publics fonciers (EPF) ? Cet aspect devrait être pris en compte car cela a des conséquences budgétaires pour les EPF.

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Je veux à mon tour soutenir cet amendement et saluer le travail de notre collègue. Je lui conseille fortement de ne pas suivre la demande de retrait de la rapporteure afin que nous puissions voter son amendement ! Même si le rapport n'a pas encore été rendu, la commission peut prendre position et être force de proposition. Puisque nous sommes majoritairement d'accord, ne nous privons pas de cette opportunité de faire avancer ce sujet éminemment complexe.

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Je voudrais présenter mes excuses à Mme la rapporteure : il eût été effectivement logique que je remette le rapport d'abord au Premier ministre, puis à la commission des affaires économiques. Nous aurions ensuite pu en tirer un certain nombre de projets de loi classiques, puis inscrire des mesures nouvelles dans le projet de loi de finances – et nous serions arrivés en 2021… Je suis confus d'avoir pris trois semaines de vacances cet été, ce qui m'a empêché de remettre mon rapport au mois de septembre. Je vais donc le remettre dans une semaine !

Parmi les quarante-cinq mesures de ce rapport, certaines sont d'ordre budgétaire, d'autres sont moins abouties. Concernant la loi Pinel, je propose des ajustements pour la rendre plus efficace et plus pérenne. D'autres éléments feront l'objet d'une proposition de loi qui sera examinée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe MODEM, le 28 novembre ; le rapport sera alors largement connu. Nous devons aussi tenir compte du calendrier législatif. Même si tout n'est pas présenté dans l'ordre, nous avançons dans la bonne direction.

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Monsieur Lagleize, à la suite de vos explications, j'émets finalement un avis favorable à votre amendement.

La commission adopte l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement II-CE72 de M. Jean-Luc Lagleize.

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Il faut éviter de gâcher du foncier et d'artificialiser les sols autour de nos communes. Dans les zones tendues, il y a beaucoup de fonciers disponibles, que l'on ne voit pas parce qu'il est aérien : il s'agit du foncier sur les toits des immeubles. Une grande majorité des immeubles est construite en dessous du seuil de constructibilité du plan local d'urbanisme (PLU). Il est donc possible de surélever les immeubles d'un, deux ou trois étages, si les fondations le permettent. C'est ce foncier disponible et quasiment gratuit – pas tout à fait, parce qu'il faut céder des droits à construire – que je propose au moins de recenser ; pour ce faire, il faut lancer des appels à manifestation d'intérêt.

Si un bailleur social a besoin de construire, il construira sur un terrain nu parce que c'est plus simple : il ne cherchera pas à surélever ses immeubles. Cela lui permettrait pourtant de vendre les appartements ainsi construits, de créer de la mixité sociale et de récupérer de l'argent sans avoir besoin d'emprunter pour faire de la rénovation énergétique. Il en va de même dans les copropriétés. Le présent amendement a donc pour objet de lancer des appels à manifestation d'intérêt auprès des trois types de propriétaires que sont les copropriétés, les sociétés foncières et les bailleurs sociaux.

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Cet amendement est très intéressant. J'ai passé dix ans à rechercher des friches pour densifier davantage. Mais ce n'est pas sans poser problème, notamment pour les locaux commerciaux, les supérettes ou les stations-service de plain-pied, au-dessus desquels nous pourrions construire. L'obtention du permis de construire pose en effet problème, certaines règles, environnementales et techniques, avec des mixités d'usages, se conjuguant parfois mal. Il faut donc imaginer des permis de construire à tiroirs, y compris dans le temps si l'activité commerciale doit se poursuivre ou déménager. Cela suppose également une adaptation du code de l'urbanisme. Il serait peut-être intéressant, d'ici à la séance, de mener une réflexion de fond sur les blocages observés lorsque l'on essaye de monter des projets.

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Cette dernière proposition n'entrant pas dans le champ de la loi de finances, je ne l'ai pas présentée ici mais nous y avons effectivement pensé. Cela étant, ce n'est pas parce que l'on repère du foncier aérien que celui-ci sera obligatoirement constructible : des études devront être menées. L'appel à manifestation d'intérêt porte également sur le cofinancement des études par les copropriétés, les bailleurs sociaux et les sociétés immobilières qui le voudront bien.

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Lors de l'examen de la loi ELAN, un consensus avait été trouvé sur un bonus de constructibilité de 30 % en cas de transformation de bureaux en logements, afin de rendre attractives ces opérations qui sont techniquement très compliquées. Les premiers verrous vont sauter : je salue donc votre proposition. Nous voterons pour cet amendement.

La commission adopte l'amendement.

Elle se saisit ensuite de l'amendement II-CE67 de M. Jean-Luc Lagleize.

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L'augmentation souvent délirante des prix du foncier s'explique aussi par l'opacité totale des transactions. L'absence d'information concernant les prix et les besoins en foncier rend le marché peu fluide. Nous proposons donc de créer, dans toutes les zones tendues, des observatoires du foncier chargés de recenser systématiquement les prix. Ils viendront en appui des maires pour déterminer les zones où des améliorations sont nécessaires, établir des prix cibles, définir les zones où il faudra préempter. Lille et Nantes disposent déjà d'observatoires de ce genre, mais d'autres communes n'ont aucune culture du foncier, ou bien développent de très gros programmes sans la moindre organisation. Les communes en zones tendues disposeraient d'une année pour indiquer comment elles entendent procéder, par exemple via une agence d'urbanisme ou un EPF. Il s'agit d'un simple appel à manifestation d'intérêt : le but est qu'elles s'organisent localement, sans que l'État leur impose quoi que ce soit.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle examine l'amendement II-CE71 de M. Jean-Luc Lagleize.

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Le présent amendement vise à développer ces outils formidables que sont les établissements publics fonciers (EPF), qu'ils soient d'État ou locaux. L'objectif est de faire en sorte que, dans toutes les zones tendues, il existe au moins un établissement public foncier local ou un établissement public foncier d'État. Les EPF sont utilisés par les collectivités locales pour acheter des terrains ; nous proposons qu'ils exercent également des compétences complémentaires, comme la mise en place d'une politique foncière et de préemption.

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Je vous invite à poursuivre les discussions avec le Gouvernement. En l'état, je souhaite le retrait de cet amendement.

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Je ne comprends pas toujours la position de Mme la rapporteure ; j'imagine qu'elle apportera des réponses plus précises en séance. Pour ma part, je m'interroge surtout sur le montant : avec 1 million d'euros, on ne pourra pas traiter beaucoup de friches ! Cela pose un vrai problème de trésorerie aux EPF.

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Comme la commission ne fait qu'émettre un avis, je vais répondre au souhait de Mme la rapporteure.

L'amendement II-CE71 est retiré.

La commission examine ensuite l'amendement II-CE68 de M. Jean-Luc Lagleize.

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Il existe aujourd'hui soixante-dix-neuf bases de données contenant des informations partielles sur le foncier. Or il est extrêmement compliqué de connecter toutes ces données pour obtenir une information complète. Nous proposons donc de mettre en place une mission de préfiguration pour harmoniser l'information et créer une base de données au niveau national. Cette mesure n'a pas encore été présentée au Gouvernement – je le précise pour que Mme la rapporteure se sente parfaitement à l'aise ! (Sourires.)

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J'émets le même avis que pour l'amendement précédent : demande de retrait.

L'amendement II-CE68 est retiré.

La commission en vient à l'examen de l'amendement II-CE70 de M. Jean-Luc Lagleize.

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Dans ma pratique d'élu local, j'ai pu me rendre compte que nombre de mes confrères – maires, vice-présidents de métropole, présidents de commission d'aménagement foncier – n'avaient pas une vraie culture du foncier. Il existe un véritable besoin de formation et d'appropriation de ces outils par ces élus. Ceux-ci ne peuvent s'appuyer uniquement sur leurs services techniques, lesquels sortent parapluie, ceintures et bretelles en leur conseillant systématiquement de passer par des enchères publiques, qui multiplient par trois le prix des terrains. Il s'agit donc de proposer des formations à l'ensemble des élus gérant l'urbanisme, l'habitat et le foncier. Ces formations doivent se faire au niveau national, afin que cette culture infuse.

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Il s'agit là d'une proposition très intéressante : je vous invite à poursuivre les discussions avec le Gouvernement d'ici la séance. En effet, en l'état, des dispositifs budgétaires et réglementaires existent, et cela ne justifie pas d'amendement au projet de loi de finances.

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Des groupes de travail travaillent actuellement sur la lutte contre l'artificialisation des sols, notamment dans le cadre de l'objectif « zéro artificialisation nette ». La formation des élus est aussi au coeur de cette réflexion : je suis donc tout à fait favorable au développement d'une culture non seulement du foncier, mais aussi de l'aménagement, afin que ce sujet soit abordé par les élus comme un enjeu d'aménagement du territoire, et non seulement sous l'angle financier.

Je souligne également la nécessité d'accoutumer les élus à la séquence « éviter, réduire, compenser », qui n'est pas vraiment connue par les adjoints à l'urbanisme. Cela est nécessaire si l'on veut éviter de consommer du foncier. Cet aspect de la pédagogie est très important : nous devrions travailler ensemble à la définition des formations destinées aux élus.

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C'est exactement dans ce sens que j'ai rédigé l'amendement. J'ai été glacé d'effroi en entendant un adjoint à l'urbanisme d'une très grande métropole de France, lors de son audition, dire qu'il n'avait aucune politique foncière : c'est à la suite de cela que nous avons décidé qu'il fallait faire quelque chose. Nous avons rencontré des gens qui avaient une vision pour le foncier de leur territoire, tandis que d'autres n'en avaient pas : c'est extrêmement disparate. Nous devons donc travailler ensemble sur ce sujet. L'objectif de cet amendement était de vous sensibiliser à cette question.

L'amendement II-CE70 est retiré.

Suivant l'avis favorable des rapporteurs, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Après l'article 75

La commission examine l'amendement II-CE74 de M. Mickaël Nogal.

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La loi ELAN avait permis aux offices publics de l'habitat (OPH) d'émettre des titres participatifs. Cette nouvelle possibilité est particulièrement adaptée aux OPH, qui ne peuvent recourir à des capitaux privés en raison de leur statut d'établissement public, contrairement aux organismes d'habitations à loyer modéré, lesquels disposent d'actionnaires.

Cet amendement a pour objet de permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements compétents en matière d'habitat de souscrire à des titres participatifs émis par les offices publics de l'habitat. Pour leur ouvrir cette possibilité, il est nécessaire d'introduire une dérogation à l'obligation de dépôt de leurs fonds au Trésor : tel est l'objet de cet article additionnel.

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Monsieur Nogal, vous avez parfaitement défendu votre amendement : avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Puis la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Éric Straumann (Tourisme), les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

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Chers collègues, les crédits alloués au tourisme sont répartis entre deux programmes appartenant à deux missions distinctes : le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » et le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».

Si les crédits prévus dans le cadre du programme 134 sont modestes, quatre dépenses fiscales importantes sont toutefois associées à ce programme, dont les taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 10 % applicables à la restauration, d'une part, et à la fourniture de logements dans les hôtels, d'autre part.

Le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » comprend la subvention pour charges de service public versée à l'opérateur Atout France, l'agence de développement touristique de la France. La subvention, stable entre 2018 et 2019 avec 32,69 millions d'euros, connaît cette année une baisse d'environ 5 %, soit 2 millions d'euros.

Les ambitions de notre pays en matière de tourisme sont fortes : à l'horizon 2020, 100 millions de touristes internationaux pourraient être accueillis sur le territoire français, générant 60 milliards d'euros de recettes. Dans ce contexte, la question du développement du e-tourisme, qui fait l'objet d'un intérêt soutenu de notre assemblée depuis plusieurs années, est primordiale. C'est à cette thématique que notre collègue Éric Straumann a choisi de consacrer la deuxième partie de son rapport, s'interrogeant sur les évolutions récentes des plateformes numériques. Une partie de son étude est également consacrée à la taxe de séjour, dont les modalités de calcul, très complexes, pourraient faire l'objet d'une simplification.

Monsieur le rapporteur, vous abordez, dans votre rapport, la question de l'encadrement des avis sur internet. Quelles sont vos propositions pour limiter les faux avis, qui portent atteinte à la réputation en ligne des professionnels du tourisme ?

Par ailleurs, la problématique du sur-tourisme vous paraît-elle constituer une véritable menace, à moyen et long termes, pour le tourisme français ? Comment anticiper le phénomène et quelles actions mettre en oeuvre pour éviter les situations très tendues que nous observons aujourd'hui à Barcelone ou à Venise ?

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Le tourisme est un secteur stratégique de l'économie française, qui représente 7,2 % du PIB, 2 millions d'emplois directs et indirects, 313 000 entreprises, dont une majorité de très petites entreprises et de petites et moyennes entreprises. Avec plus de 90 millions de visiteurs internationaux accueillis en 2018, outre-mer inclus, la France a battu un nouveau record de fréquentation et demeure la première destination touristique mondiale.

L'objectif que s'est fixé la France d'accueillir 100 millions de touristes d'ici 2020 et de lever 60 milliards d'euros de recettes paraît atteignable, à condition de déployer une politique volontariste. Pourtant, nos outils de pilotage statistique et budgétaire semblent très en deçà de nos ambitions : aucun programme au sein du PLF n'est consacré au tourisme, les statistiques disponibles sont insuffisantes et la direction générale des entreprises (DGE) a admis, en audition, des difficultés à trouver des séries longues dans le domaine statistique ainsi qu'un morcellement des sources sans raccord méthodologique.

Enfin et surtout, l'investissement public dans le secteur est insuffisant : j'y reviendrai dans la première partie de cette intervention et je vous proposerai tout à l'heure un amendement. Nous nous intéresserons ensuite à la question des opportunités et des risques liés au développement du e-tourisme, sujet qui requiert une attention constante du législateur tant la « galaxie » des plateformes numériques est mouvante. Enfin, nous évoquerons la question de la modernisation de la taxe de séjour.

Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » comportait, jusqu'en 2019, un objectif de promotion de l'offre touristique de qualité et du tourisme social : il a été supprimé l'an dernier, tout comme l'action n° 21 « Développement du tourisme ». Les crédits destinés au tourisme figurent donc, comme l'année dernière, au sein de l'action n° 23 « Industrie et services » : ils s'élèvent à 440 000 euros en autorisations d'engagement et 240 000 euros en crédits de paiement, soit une forte baisse par rapport aux crédits prévus en 2019, qui étaient de 4,29 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1,42 million d'euros en crédits de paiement. Des crédits d'intervention sont également prévus, s'élevant à 390 000 euros en autorisations d'engagement et 210 000 euros en crédits de paiement.

Quatre dépenses fiscales importantes sont, par ailleurs, associées au programme pour 2020. L'application du taux de TVA de 10 % à la restauration représente un coût de 3,06 milliards d'euros. Le taux de TVA de 10 % applicable à la fourniture de logements dans les hôtels a bénéficié à 35 000 entreprises en 2018 ; son coût est évalué à 780 millions d'euros. Le taux de TVA de 10 % applicable à la fourniture de logements dans les terrains de camping classés, qui a bénéficié à 8 000 entreprises au total en 2018, est évalué à 219 millions d'euros. Enfin, l'exonération de la contribution patronale et de la participation financière du comité d'entreprise et des organismes à caractère social au financement des chèques vacances, qui a bénéficié à plus de 4,5 millions de ménages en 2018, représente un montant évalué à 70 millions d'euros.

Les crédits consacrés au tourisme dans la mission « Action extérieure de l'État » sont regroupés au sein du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », qui comprend la subvention pour charges de service public versée à l'opérateur Atout France. Atout France, unique opérateur de l'État dans le secteur du tourisme, contribue au renouvellement de l'offre touristique et veille à sa qualité, tout en favorisant le développement et la promotion des « marques de destinations » destinées à accroître la notoriété de nos régions à l'étranger. Son rôle est donc crucial.

La subvention pour charges de service public subit une baisse de près de 2 millions d'euros, soit près de 5 %, passant de 32,7 millions d'euros en 2018 et 2019 à 30,9 millions pour 2020. Et encore, la présentation de cette variation de crédits est trompeuse car elle tient compte d'une provision de 2,6 millions d'euros qui ne sera versée à l'opérateur que pour couvrir d'éventuels frais liés aux départs des personnels. En revanche, l'économie immobilière prévisionnelle de 1,4 million d'euros, le transfert vers la direction générale des entreprises de 1,5 million d'euros et les économies supplémentaires attendues de l'opérateur à hauteur de 1,5 million d'euros ne sont pas identifiables au premier regard.

Au total, c'est donc une baisse de 4,4 millions d'euros qui est imposée à l'opérateur, supérieure de 400 000 euros aux annonces du Gouvernement formulées au printemps dernier. Par ailleurs, le plafond d'emplois de l'opérateur est abaissé de dix équivalents temps plein travaillé (ETPT) par rapport à l'exercice précédent. Cette réduction me paraît peu cohérente avec nos ambitions et c'est pour cette raison que j'émettrai probablement un avis défavorable sur les crédits alloués au tourisme dans ce projet de loi de finances.

J'ai voulu, dans un deuxième temps, m'intéresser aux effets du numérique sur le secteur touristique. L'univers de l'e-tourisme, en perpétuelle évolution, requiert une attention constante de la part du législateur sous peine de maintenir un encadrement en décalage avec la situation.

L'e-tourisme est porteur d'opportunités et de risques. Les effets des plateformes de réservation, comme Booking, ou d'intermédiation, comme Airbnb, sont difficiles à caractériser, même si deux phénomènes semblent réels : d'une part, un élargissement du marché, avec une plus grande visibilité offerte à certains hôtels et à certaines zones, avec l'avènement d'une offre complémentaire de l'offre traditionnelle, visant une clientèle plus jeune et plus familiale ; d'autre part, dans les villes où le marché du logement est tendu, le développement de ces plateformes accentue la hausse des prix des loyers.

L'e-tourisme est donc susceptible d'avoir sur le phénomène de sur-tourisme des effets ambivalents : les plateformes contribueraient à une répartition plus équilibrée des flux touristiques sur les territoires mais les villes les plus exposées voient augmenter les prix de l'immobilier, ce qui contribue au ras-le-bol des populations locales. Aussi, Londres, Amsterdam, Berlin, Barcelone, San Francisco et New-York ont mis en place des réglementations, plus ou moins drastiques, pour encadrer le développement d'Airbnb.

En France, nous avons privilégié une approche plus équilibrée en encadrant les plateformes au moyen de nombreux dispositifs pour éviter les distorsions de concurrence et les pratiques déloyales : obligation de déclaration en mairie pour les locations saisonnières, obligation d'information incombant aux plateformes, limite de 120 jours de location par an d'une résidence principale, obligation d'enregistrement issue de la loi pour une République numérique, obligation pour les plateformes de collecter la taxe de séjour auprès des loueurs non professionnels, interdiction des clauses de parité tarifaire et, enfin, la toute récente taxe GAFA.

Il reste néanmoins quelques angles morts, comme le contrôle des avis sur internet. Ces avis déterminent aujourd'hui la vie ou la mort de certains établissements. En audition, certains professionnels ont soutenu que 40 % des avis étaient infondés : difficile de vérifier ce chiffre, mais il est significatif. Certains clients procèdent à un véritable chantage au commentaire pour obtenir des avantages indus de la part des restaurateurs et des hôteliers. Nous avions essayé, dans la loi pour une République numérique, de limiter ces dérives mais le dispositif est insuffisant. Je suggère donc de rendre obligatoire l'application de la norme mise en place par l'Association française de normalisation (AFNOR) en 2013 : d'application volontaire, elle vise à fiabiliser les avis de consommateurs en ligne en exigeant d'eux, par exemple, des preuves de consommation. Par ailleurs, la limite des 120 jours est largement contournée : il suffit pour cela de s'inscrire sur plusieurs plateformes, puisqu'il n'existe pas de moyen de contrôle centralisé.

Mais au-delà de ces angles morts, c'est l'évolution rapide des plateformes, de leur positionnement, des acteurs et de leur offre qui rend difficile l'exercice d'encadrement auquel nous nous livrons. Le marché de l'e-tourisme semble se résumer à quelques noms : Booking, Airbnb, Expedia. Ce sont effectivement les leaders du marché. Mais, en réalité, ils sont concurrencés par une myriade de sites qui se livrent aux mêmes activités et passent sous le contrôle de nos radars, tels Leboncoin ou Facebook. Une attention constante des pouvoirs publics est donc requise pour éviter les contournements de notre législation.

Depuis le 1er janvier 2019, les plateformes de location transactionnelles de meublés de tourisme entre particuliers ont l'obligation de collecter la taxe de séjour. Les modalités de calcul de celle-ci sont un casse-tête pour les communes et pour les professionnels chargés de sa collecte ainsi que pour les particuliers, les offices de tourisme et les plateformes. Je ne prétends évidemment pas proposer une solution simple à ce problème complexe mais la suppression de la taxe de séjour forfaitaire constitue un préalable indispensable à toute réforme.

Le tourisme est un secteur stratégique, qui se remet depuis deux ans d'un choc conjoncturel et pour lequel nous devons avoir une ambition réelle. La France est la première destination touristique mondiale : nous devons tout faire pour conserver cette place, alors que les attentes des consommateurs sont en pleine évolution.

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Avec près de 20 000 kilomètres de côtes, pas moins de cinq massifs montagneux et près de 17 millions d'hectares de forêts, la France possède un patrimoine naturel hors norme. Notre patrimoine culturel n'est pas en reste, avec pas moins de 39 sites culturels inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, ce qui nous place dans le peloton de tête mondial.

Cette France aux mille visages, véritable boule à facettes, est la première destination touristique au monde, riche d'une gastronomie qui excelle autant qu'elle innove, mais aussi de traditions régionales fortes. Les collectivités l'ont compris, qui valorisent le marketing territorial. La Provence, chère à mon coeur, n'est pas seulement la patrie de Cézanne, de Mistral ou de Pagnol, mais aussi une marque qui fait briller les yeux de nos interlocuteurs quand on prononce ce nom à l'autre bout de la Terre.

Plus prosaïquement, le tourisme en France est un secteur économique fort, qui représente 7,2 % du PIB et 2 millions d'emplois directs et indirects. Cette activité fait vivre les métropoles comme les zones rurales, met en valeur nos territoires, favorise tous types d'emplois, qualifiés ou non, dans des domaines très divers – hôtellerie, restauration, culture. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, cela représente 140 000 emplois directs ; cette terre de festivals attire des millions de visiteurs. Notre majorité est très soucieuse de donner aux acteurs du tourisme les moyens de se développer.

Dans votre rapport, vous soulignez que notre pays est la première destination touristique au monde et qu'il accueille chaque année un nombre croissant de touristes. Toutefois, dans notre budget, les crédits relatifs au tourisme sont trop dispersés pour rendre compte clairement des investissements, des mesures de soutien aux entreprises et des politiques publiques dont il bénéficie. Il faudrait qu'un programme budgétaire lui soit entièrement dédié.

Notre désaccord, vous le comprendrez, concerne votre appréciation des crédits pour 2020. À mon sens, investir dans le tourisme, c'est aussi promouvoir les atouts touristiques français à l'étranger. Cela suppose d'agir dans tous les territoires en investissant dans des infrastructures de transport performantes et en soutenant des entreprises vivant du tourisme ; cela passe par des crédits d'investissement et de fonctionnement, mais aussi par des dépenses fiscales et des aides non quantifiables économiquement. Les investissements dans les mobilités que nous avons adoptés dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM) ou les moyens que nous avons déployés pour la protection et la valorisation du patrimoine créent les conditions d'une meilleure attractivité de notre pays et profitent au secteur touristique.

Autre point de désaccord : à vous entendre, le tourisme serait déconsidéré car les moyens qui lui sont consacrés sont compris dans le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Notre rayonnement international me paraît au contraire lui être favorable car il dépend aussi de la présence économique et culturelle de la France à l'étranger. Prenons un exemple de promotion indirecte du tourisme en France : l'enseignement du français à l'étranger. Dans tous les collèges et lycées étrangers, si les moyens le permettent, des voyages sont organisés pour permettre aux élèves de se familiariser avec la langue vivante qu'ils apprennent. Cela peut vous paraître dérisoire mais la promotion de la francophonie ou l'enseignement du français à l'étranger contribuent à amplifier les flux touristiques dans notre pays. Ils sont donc primordiaux pour notre attractivité. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons augmenté les crédits alloués à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE).

Malgré vos inquiétudes, que je comprends en partie, Monsieur le rapporteur, le groupe La République en Marche est favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » concernant le tourisme.

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Je veux tout d'abord saluer l'excellence et surtout la pertinence du rapport de notre collègue.

Non, non et non ! Ne me dites pas que la France est le premier pays touristique au monde. C'est un mensonge, un concept marketing destiné à nous vendre l'idée que tout irait bien pour notre pays. Il ne faut pas confondre le nombre de visiteurs, en augmentation, et le chiffre d'affaires généré par le tourisme en France. Si l'on prend ce dernier critère, nous chutons de la première à la troisième marche du podium, ce qui est insatisfaisant.

Plus inquiétant encore, notre pays passe à côté de la croissance mondiale touristique, dont le rythme est autrement plus rapide que celui de l'augmentation du nombre de nos visiteurs et du chiffre d'affaires que nous en dégageons. La France serait-elle une belle endormie ? Peut-être bien. Elle jouit pourtant d'atouts précieux entre montagnes, chères à mon coeur, littoraux, campagnes, villes formidables, histoire et gastronomie remarquables.

Quels sont les problèmes ? Vous les avez rappelés : absence de programme budgétaire dédié, statistiques à la fiabilité faible, crédits proprement misérables au regard de l'importance de cette activité économique pour notre pays. Notre balance commerciale est encore largement excédentaire en matière de tourisme. Mais pour combien de temps ?

Vous avez souligné l'insuffisance des crédits consacrés à Atout France, qui est le seul organisme national de promotion touristique à l'étranger. Nous savons que 2,6 millions d'euros de crédits sont prévus pour accompagner le départ de certains collaborateurs. Va-t-on encore appauvrir cet opérateur ?

Je ne reviendrai pas sur la question des « lits froids » non prise en compte dans le budget ni sur la qualité de l'accueil réservé aux touristes ou encore sur le report de la mise en service du CDG-Express.

Le groupe Les Républicains suivra votre avis défavorable, monsieur le rapporteur.

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Ayant été corapporteure d'une mission d'information sur le tourisme, présidée par mon collègue Vincent Rolland, je ne peux que souscrire à ses remarques sur notre économie touristique. Elle souffre d'un manque de lisibilité et nous avons milité pour que des clarifications soient faites afin que l'on saisisse mieux ce qu'elle représente. Cela doit commencer par les crédits qui lui sont dédiés. Si l'on cumulait toutes les sommes qui lui sont consacrées au niveau national, régional, départemental et intercommunal, on parviendrait à un montant tout à fait significatif.

Tout n'est d'ailleurs pas affaire de budget. Notre pays souffre d'une certaine réputation, avec un accueil peu sympathique et une propreté pas toujours au top…

Cela dit, le comité de filière du tourisme, créé dans le prolongement des travaux de la mission conduite par notre collègue Frédérique Lardet, contribuera à donner davantage de lisibilité à ce secteur économique et le comité interministériel du tourisme (CIT) agira pour mieux coordonner les actions. Ce n'est pas suffisant mais ce sont de premières étapes.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission concernant le tourisme.

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Monsieur le rapporteur, je partage vos constats sur l'importance de l'industrie du tourisme dans notre pays, sujet qui m'est particulièrement cher.

Parmi les points positifs, notons les retombées économiques de la fréquentation touristique sur le PIB et les emplois directs ou indirects.

Quant aux points négatifs, pour les faire disparaître, nous devons nous mobiliser de manière plus unanime que par le passé : soyons tous des ambassadeurs de la marque « France », quels que soient nos territoires. Évitons la compétition à laquelle se livrent les régions – j'ai pu la mesurer dans une autre vie à l'occasion de salons internationaux.

Vous avez mis en exergue, Monsieur le rapporteur, le suivi budgétaire compliqué des crédits éparpillés entre diverses actions et programmes. Je regrette notamment qu'il n'y ait pas un ministère spécifique au tourisme ; j'ai pu en éprouver la pertinence en d'autres temps. Certes, le tourisme a à voir avec l'influence de la France dans le monde et à ce titre, son rattachement au ministère des affaires étrangères – qui n'est pas une nouveauté de cette majorité – peut se comprendre, mais il ne faut pas oublier qu'il a aussi une dimension intérieure. Il apparaît nécessaire de mobiliser les professionnels du tourisme et de coordonner les actions des collectivités locales.

Je déplore comme vous la diminution des crédits alloués à Atout France. Nous savons tous la compétence et le sérieux de cet opérateur de l'État.

Ma première question porte sur le tourisme durable. Il existe une fracture territoriale entre zones très fréquentées et zones qui le sont beaucoup moins. La surfréquentation touristique dans certains territoires en vient à faire naître des conflits d'usage. Que préconisez-vous pour protéger l'environnement des sites sensibles ?

Vous avez évoqué l'e-tourisme et l'intermédiation. Je voudrais souligner l'émoi qu'a soulevé chez les professionnels la signature d'un protocole d'accord entre l'Association des maires ruraux de France et Airbnb. Notre législation est-elle suffisante pour protéger les professionnels du tourisme ?

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Monsieur le rapporteur, je regrette tout comme vous qu'aucun programme spécifique ne soit réservé au tourisme et que les crédits qui lui sont consacrés relèvent de treize missions différentes. Toutefois, il importe de rappeler que sa dimension profondément interministérielle contraint notre architecture budgétaire. Nous nous réjouissons d'autant plus du rôle que remplit le comité interministériel du tourisme (CIT), qui répond au besoin impérieux de coordination, et nous nous félicitons de la récente création de son bras armé, le comité de filière du tourisme, instance de concertation collective des acteurs du tourisme. Il permettra de formaliser les échanges entre branches en ce qui concerne l'emploi et la formation, formulera des avis à destination des pouvoirs publics, constituera un lieu d'échanges de bonnes pratiques et favorisera l'élaboration de plans d'action fondés sur les problématiques identifiées par les professionnels.

Dans votre rapport, vous considérez que la centralisation des compétences et des moyens budgétaires au ministère de l'Europe et des affaires étrangères tend à donner le sentiment que le tourisme est un simple volet de l'action extérieure de l'État et non un élément structurant de l'économie française. Selon moi, rien ne laisse penser que ce soit le cas.

Rappelons ici quelques chiffres. Quatre dépenses fiscales viennent soutenir les cafés, hôtels et restaurants (CHR) pour un total de 4 millions d'euros, ce qui montre notre volonté d'accompagner ce secteur déterminant pour le tourisme. Le CIT a fixé l'objectif de 15 milliards d'euros d'investissements touristiques par an d'ici à 2022 et a annoncé la création de France Tourisme Ingénierie. Ce dispositif doté d'un budget de 15 millions d'euros sur cinq ans, créé au sein d'Atout France avec le soutien de la Banque des territoires, vise à accélérer le rythme des investissements touristiques dans les territoires et développer les projets à haute valeur ajoutée. Cela montre qu'indépendamment des crédits budgétaires, il est possible de mener des actions pour développer le tourisme en France.

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Beaucoup ont souligné la nécessité d'un ministère spécifique au tourisme : il serait bien plus cohérent qu'il y ait dans l'architecture gouvernementale un ministre délégué ou un secrétaire d'État au tourisme rattaché à Matignon, comme c'est le cas du CIT, plutôt qu'aux affaires étrangères.

Par ailleurs, pour préserver un tourisme de qualité, j'estime qu'on ne s'exonérera pas d'une réflexion sur le lien entre tourisme et impact écologique. Dans les Alpes-Maritimes, les populations acceptent de moins en moins le tourisme de masse alors même qu'elles en vivent. Les bateaux de croisière déversent des milliers de personnes sur nos côtes avec un impact environnemental très lourd car à la pollution des navires s'ajoute celle dégagée par les cars utilisés pour les excursions.

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Je partage certaines de vos analyses sur l'attractivité et la mobilité. Si la fréquentation touristique est importante dans notre pays, c'est notamment en raison de la présence de l'aéroport Charles-de-Gaulle, porte d'entrée principale de notre pays. De petits efforts pour améliorer l'état de l'autoroute entre Roissy et Paris et les liaisons par RER contribueraient à rehausser l'image de la France à l'étranger.

Certains d'entre vous évoquaient les actions menées pour promouvoir la France à l'étranger. La volonté de conquérir les marchés émergents asiatiques correspondait à une démarche logique il y a une dizaine d'années, mais on a minoré l'importance du marché européen et du marché de proximité. En Alsace, on a tout simplement oublié les Allemands et nous avons attiré les touristes asiatiques jusqu'à souffrir d'un sur-tourisme. C'est ainsi que des touristes chinois viennent en bus par milliers à Colmar dans le seul but de voir le lieu de tournage d'une émission de téléréalité à succès…

S'agissant de la lisibilité, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut l'améliorer. Il n'y a pas forcément de cohérence dans les actions menées par les départements et les régions et même à l'intérieur d'une même région. On a ainsi dépensé 1,3 million d'euros pour faire la promotion des marchés de Noël alsaciens à New-York alors même qu'ils sont déjà si fréquentés qu'il faut aller en Allemagne ou à Belfort pour trouver un hôtel au moment où ils se tiennent. Comment voulez-vous dans ces conditions accueillir de nouveaux touristes ?

Quant aux plateformes hôtelières, je ne les critique pas : elles permettent d'irriguer l'ensemble du territoire. Les hôteliers qui pratiquent des prix adaptés, plutôt à la baisse, attirent la clientèle étrangère ailleurs que sur les points les plus touristiques. En outre, ces plateformes contribuent à la qualité de l'accueil grâce à leurs systèmes de notation. Si 40 % des appréciations sont fausses, 60 % reflètent une expérience réelle et elles poussent les hôteliers à améliorer leurs prestations.

Faut-il faire évoluer la législation face à Airbnb ? Les élus locaux nous disent qu'elle serait complexe à mettre en oeuvre. Certaines villes ont pris des mesures pour limiter les transformations de logements en chambres d'hôtes, mais il faut peut-être attendre un ou deux ans pour avoir suffisamment de recul et mesurer les effets de cette réglementation.

Article 38 et État B

La commission est saisie de l'amendement II-CE85 du rapporteur pour avis.

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Cet amendement vise à rétablir les crédits alloués à Atout France au titre de sa subvention pour charges de service public. Cet opérateur, dont le travail est reconnu par tous les professionnels du tourisme, a un budget très faible par rapport à ses homologues espagnols, allemands ou suisses.

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J'espère que nous voterons tous ensemble en faveur de cet amendement important. Atout France a besoin de crédits supplémentaires pour assurer la promotion de notre tourisme. Nos concurrents étrangers déploient des moyens énormes. Il suffit de se rendre dans certains salons : la France donne l'impression d'être recroquevillée sur elle-même et écrasée par les autres destinations, au point qu'il devient parfois difficile de susciter des partenariats avec les agences régionales de tourisme et les territoires.

Je vous en conjure, mes chers collègues, votez cette augmentation de crédits.

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Le groupe La République en Marche soutiendra cet amendement.

La commission adopte l'amendement.

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La modification apportée par l'amendement vous conduit-elle à émettre un autre avis sur les crédits du tourisme, Monsieur le rapporteur ?

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Pour tout vous dire, j'avais hésité à déposer cet amendement en me disant que cela allait nous faire perdre du temps. Compte tenu de la position de la majorité, mon avis sera favorable.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de la mission « Action extérieure de l'État » pour ce qui concerne le tourisme.

Puis la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Richard Lioger (Grands organismes de recherche), les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

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Chers collègues, nous en arrivons au dernier avis budgétaire soumis à notre commission, celui qui porte sur les grands organismes de recherche, dont le rapporteur pour avis est M. Richard Lioger pour la troisième année consécutive.

Ces crédits dépendent des programmes 150, 172 et 193 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

La dynamique impulsée depuis le début de la législature en faveur du budget de la recherche se poursuit cette année : les crédits de paiement alloués à l'ensemble de la mission dans le projet de loi de finances pour 2020 s'établissent à 28,68 milliards d'euros, en progression de plus de 500 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale de 2019.

Je note que, sur la période 2018-2020, la hausse cumulée des crédits de paiement de la mission est supérieure à 1,7 milliard d'euros, ce qui correspond à un taux d'accroissement moyen de 2,10 % par an. L'effort ainsi consenti pour la recherche et l'enseignement supérieur est donc significatif au regard des impératifs de maîtrise de la dépense publique qui s'imposent à notre pays.

En matière spatiale, la France est redevenue, de très loin, le premier pays contributeur à l'Agence spatiale européenne et jouera un rôle central dans la définition des orientations du programme spatial européen qui seront examinées lors du prochain conseil ministériel à Séville, les 27 et 28 novembre 2019.

Au niveau national, à l'exception de l'Agence nationale de la recherche (ANR), les principaux organismes de recherche, notamment le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), voient leurs dotations en crédits de paiement de nouveau progresser entre 2019 et 2020.

Au-delà des seules finances publiques, tous les établissements ont apparemment intégré dans leur fonctionnement la priorité qui s'attache à la diffusion de l'innovation vers les entreprises. L'an dernier, vous aviez, Monsieur le rapporteur, déjà évoqué les dispositifs de valorisation de la recherche publique, et vous avez, cette année, décidé de prolonger votre réflexion à la faveur, notamment, des potentialités offertes dans ce domaine par la loi PACTE.

En début d'année, le Premier ministre a annoncé la mise en place de trois groupes de travail afin qu'une loi de programmation pluriannuelle de la recherche soit présentée au Parlement au début de l'année 2020. Les groupes de travail ont remis leurs conclusions en septembre dernier. Notre commission les entendra lors d'une réunion conjointe avec la commission des affaires culturelles, le 6 novembre prochain. Pouvez-vous retracer leurs principales recommandations ?

En 2018, la Chine est devenue la première nation spatiale en termes de lancements orbitaux devant les États-Unis, la Russie et l'Europe. Cette dernière a-t-elle encore les moyens, selon vous, de faire face à l'intensification de la compétition internationale ?

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C'est la troisième année consécutive que j'ai la responsabilité de ce rapport et c'est un plaisir, en tant qu'universitaire, de constater que ce gouvernement traite bien la recherche et qu'il a bien compris les enjeux qui y étaient attachés en termes de développement économique.

Il y a plus d'une vingtaine d'années, l'anthropologue Bruno Latour publiait un ouvrage de référence sur le métier de chercheur, réaffirmant la place centrale du scientifique dans la société. Il illustrait par des anecdotes parfois amusantes le poids de la bureaucratie dans la journée type d'un chercheur de laboratoire. Indéniablement, le monde de la recherche offre plusieurs facettes, même si l'actualité se fait régulièrement l'écho de réussites brillantes consacrées par des prix Nobel et autres récompenses ainsi que par les classements internationaux.

En matière spatiale, les performances réalisées par l'Europe sous l'impulsion de la France sont remarquables. Savez-vous que le nombre d'utilisateurs du système de géolocalisation européen Galileo, dont tous vos smartphones sont sans doute équipés, vient de dépasser le milliard de personnes ?

Au-delà de ces succès de grande ampleur, il y a le travail discret de dizaines de milliers de personnels scientifiques qui s'appliquent à utiliser au mieux les outils qu'on leur donne pour faire progresser leur domaine de connaissance. Sur ce point, ne cachons pas que les moyens matériels et humains ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. Certains organismes de recherche en sont aujourd'hui à recruter des personnels permanents ayant cumulé deux voire trois contrats de recherche postdoctoraux, ce qui porte la moyenne d'âge du premier emploi à 35 ans !

Face à la situation parfois délicate que rencontraient certains organismes il y a encore quelques années, l'État se devait de réagir, ce qu'il a fait depuis deux ans. Les crédits de paiement de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont portés à 28,68 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de plus de 500 millions d'euros par rapport à 2019. La hausse cumulée des crédits de la mission est supérieure à 1,7 milliard d'euros pour la période 2018-2020, soit une progression de plus de 6 % en trois ans. Et je tiens ici à saluer les efforts du Gouvernement pour que le budget consacré à la recherche n'ait pas à souffrir des impératifs de maîtrise des dépenses publiques.

Dans cet ensemble, la recherche spatiale reste le premier secteur bénéficiaire de cette dynamique. Au travers des crédits alloués au Centre national d'études spatiales (CNES), principal opérateur du programme 193, la France accroît de nouveau sa contribution à l'Agence spatiale européenne de plus de 200 millions d'euros et devrait avoir intégralement remboursé sa dette vis-à-vis de l'agence à la fin de l'année prochaine.

Pour répondre à votre question sur les chances de notre pays de maintenir son rang dans la compétition internationale, Madame la Présidente, je dirai que son poids au niveau européen lui permettra d'accélérer la mise en oeuvre de projets cruciaux tels que la fusée Ariane 6 ou le moteur partiellement réutilisable Prometheus. Les responsables du CNES, lors d'une audition, m'ont confirmé que le premier vol d'Ariane 6 restait programmé pour le second semestre 2020 et que les premiers essais à feu de Prometheus pourraient avoir lieu à la même période. J'ai également noté avec satisfaction que cet organisme avait parfaitement saisi les enjeux de la nouvelle économie de l'espace. Le CNES n'hésite plus aujourd'hui à engager les projets de coopération avec des acteurs non traditionnels. C'est le cas, par exemple, du partenariat conclu cette année avec la start-up française Kinéis dans le domaine de l'internet des objets. Je reste donc très confiant sur la capacité de l'Europe à retrouver assez rapidement une position éminente sur le marché mondial.

S'agissant du programme 172, qui regroupe la plupart des grands organismes de recherche nationaux, la stabilité des crédits de paiement – 6,94 milliards d'euros –, s'explique principalement par l'achèvement du rattrapage des capacités d'intervention de l'Agence nationale de la recherche opéré en 2018 et 2019. Hors ANR, les crédits du programme continuent d'augmenter de 121,5 millions d'euros. En dépit de cette progression, une incertitude demeure quant aux dotations qui seront effectivement allouées aux organismes en cours de gestion. Selon les éléments qui m'ont été communiqués lors des auditions, un taux de mise en réserve de 4 % au lieu de 3 % pourrait être appliqué aux crédits du programme 172, hors titre 2, ce qui est un peu inquiétant. Ce mécanisme réduirait sensiblement la marge de manoeuvre dont dispose le ministère pour couvrir les besoins ponctuels des organismes en cours d'exercice. J'appelle, dès lors, le Gouvernement à ne pas recourir à un tel coup de rabot. Il serait de nature à pénaliser les activités nucléaires du CEA et les grands plans de santé de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).

Enfin, comme l'an dernier, mon rapport s'est intéressé aux mécanismes de valorisation de la recherche publique mis en place dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA). Cette année, j'ai plus spécialement examiné les sociétés d'accélération du transfert de technologies, les fameuses SATT. En dépit des critiques auxquelles elles ont dû faire face, ces structures apparaissent comme les mieux positionnées dans les écosystèmes locaux pour permettre la mise en relation des universités et des acteurs privés.

Ce dispositif monte en puissance : en deux ans, de 2016 à 2018, les 13 SATT ont accompli presque autant qu'au cours de leurs premières années d'existence. Elles ont aujourd'hui à leur actif la création de 278 start-up et le dépôt de 2 352 brevets. À mon sens, il existe encore deux principaux obstacles à leur pleine affirmation au sein de la recherche publique. Le premier réside dans l'objectif de rentabilité qui leur a été assigné à moyen terme : de l'avis général, il génère de nombreux effets pervers. Le second tient à leur positionnement vis-à-vis des établissements et des organismes publics lorsque ces sociétés sont chargées partiellement ou intégralement de valoriser les résultats de travaux de recherche effectués en commun.

Le dispositif de gestion de l'innovation en copropriété tel qu'il a été présenté au cours des auditions est, de toute évidence, extrêmement complexe. À cet égard, je salue les perspectives de simplification, ouvertes notamment par la loi PACTE, qui allégeront les procédures de désignation souvent très lourdes de ce que l'on appelle le mandataire unique.

J'achèverai mon intervention en évoquant l'avenir à plus long terme de la recherche française. Le Premier ministre a engagé une large concertation reposant sur trois groupes de travail afin de préparer une loi de programmation pluriannuelle de la recherche particulièrement attendue. Ces groupes de travail, auxquels ont participé trois de nos collègues – Cédric Villani, Philippe Berta et Francis Chouat –, ont fondé leurs réflexions sur le constat que le rattrapage budgétaire opéré depuis deux ans par le Gouvernement ne saurait être suffisant. Il convient d'insuffler une nouvelle dynamique si l'on veut que notre pays mette son effort de recherche au même niveau que nos partenaires allemands, soit 3 % du PIB. C'est précisément l'objectif recherché par les trois groupes de travail, comme ils l'ont souligné dans les conclusions audacieuses qu'ils ont rendues au Premier ministre le 23 septembre dernier.

Le premier groupe de travail, consacré aux appels à projets compétitifs, a mis l'accent sur le rôle central que devrait jouer dans ce domaine l'ANR. Celle-ci serait dotée de moyens supplémentaires suffisamment importants pour que le taux de succès des projets déposés en France soit aligné sur les standards européens et que les financements alloués garantissent un rehaussement du fameux « préciput », cher à Mme Amélie de Montchalin, à 30 % voire 40 %, contre aujourd'hui seulement 11 %, de manière à permettre une réelle prise en charge des coûts indirects, qui sont supportés aujourd'hui par les établissements hébergeurs.

Le deuxième groupe de travail, centré sur les questions de ressources humaines, propose d'améliorer l'attractivité des entités publiques de recherche en offrant aux jeunes chercheurs des voies de recrutement diversifiées et des rémunérations plus élevées que celles qui prévalent aujourd'hui en France. Nous savons bien que les grilles salariales de la fonction publique ne contribuent pas à attirer les meilleurs chercheurs.

Le troisième groupe de travail, qui s'est penché sur l'innovation, insiste sur la nécessité de renforcer les moyens alloués aux diverses structures de recherche partenariales et surtout sur la nécessité de faciliter la mutualisation des activités de valorisation au travers d'un label unique, le « pôle universitaire d'innovation ».

Sans préjuger à ce stade des arbitrages qui seront rendus par le Premier ministre, j'estime que les réflexions menées par ces groupes de travail sont stimulantes et que les recommandations formulées, notamment celles relatives à l'ANR, sont de nature à donner à la recherche française une place encore plus importante que celle qu'elle occupe dans notre économie.

Enfin, je tiens à souligner la richesse exceptionnelle que constitue l'apport des directeurs d'organisme de recherche et des présidents d'université. La France peut s'enorgueillir d'avoir à la tête de sa recherche des gens d'une très grande qualité qui ont le sens de l'intérêt public chevillé au corps.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Albert Einstein disait : « L'imagination est plus importante que la connaissance car la connaissance est limitée tandis que l'imagination englobe le monde entier, stimule le progrès, suscite l'évolution ». Cette citation illustre bien le rôle moteur que joue la recherche dans les mutations économiques et sociales que nous vivons. Celle-ci constitue un véritablement investissement d'avenir qu'il est nécessaire de soutenir et de développer afin de préparer notre société aux enjeux écologiques et économiques auxquelles elle doit faire face.

Je profite de cette intervention pour saluer Mme Esther Duflo, deuxième femme à recevoir le prix Nobel d'économie depuis sa création en 1968 et plus jeune lauréate dans cette catégorie. Ses recherches, faut-il le rappeler, portent sur l'économie du développement, les inégalités et la pauvreté.

La France encourage ses scientifiques, car elle a bien compris le rôle moteur de la recherche, au point d'en avoir fait l'un des atouts majeurs de son rayonnement culturel et scientifique. La progression du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est continue depuis 2017. Pour 2020, la hausse est de 500 millions d'euros en crédits de paiement et de 700 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Les ambitions de l'État en matière d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation s'expriment également aujourd'hui à travers les initiatives du Premier ministre. Soucieux de préparer l'avenir, il a engagé, au début de l'année 2019, une réflexion afin de dessiner les contours d'une future loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

Pour l'ensemble des programmes sur lesquels notre commission est saisie pour avis, les crédits sont en hausse ou stables sur un an. Nous maintenons ainsi la capacité de nos grands organismes de recherche à innover et de notre système d'enseignement supérieur à produire des chercheurs et des étudiants reconnus internationalement.

S'agissant des grands organismes de recherche, certains d'entre eux – le CNES, le CEA, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) – voient le niveau des crédits qui leur sont alloués s'accroître dans des proportions satisfaisantes. D'autres, comme le CNRS, l'INSERM ou l'Institut national de recherche dédié aux sciences du numérique (INRIA), devront poursuivre leurs efforts de maîtrise de la masse salariale avec des moyens parfois contraints.

Dans votre rapport, Monsieur le rapporteur, vous évoquez les SATT qui sont des vecteurs intéressants de valorisation de la recherche. Ce sont des structures multiformes réparties sur le territoire, qui répondent à la nécessité de développer des brevets et des applications aux côtés des établissements de recherche et en direction des entreprises. Leur positionnement semble cependant un peu difficile à trouver dans le paysage de la recherche. La loi PACTE pourra-t-elle, d'après vous, apporter un plus à ce secteur ?

L'avis du groupe La République en Marche est favorable : ce budget va dans le bon sens et il est à la hauteur de notre système de recherche et d'enseignement supérieur. Le groupe votera donc en faveur des crédits alloués à cette mission.

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Le budget de cette mission est en apparence positif puisque les crédits sont en augmentation par rapport à 2019, mais il suscite quelques bémols, que je vais détailler au nom du groupe Les Républicains.

Tout d'abord, nous resterons très vigilants quant aux actions réelles que le Gouvernement mènera dans les mois et années à venir. Je pense notamment au prochain dépôt d'une loi de programmation pluriannuelle de la recherche applicable à partir de 2021, car elle portera de lourds enjeux pour le développement d'une recherche efficiente et stratégique dans un contexte international de plus en plus compétitif.

Pour ce qui concerne l'enseignement supérieur, le budget pour 2020 semble plus réaliste que le précédent avec une hausse de 175 millions d'euros, mais son niveau reste bien en deçà des besoins réels, estimés à 670 millions d'euros par la Conférence des présidents d'université. Le PLF ne prend pas en compte l'évolution indispensable du patrimoine immobilier des universités alors même que celle-ci correspond à la volonté générale d'aller vers la transition énergétique et qu'elle constituerait un levier. Cette évolution est, en outre, souhaitée par les différents présidents de nos universités. Elle permettrait une réduction des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre, encouragerait la maîtrise de l'ensemble des consommations pour chaque euro investi et générerait une économie de charges d'exploitation. Le Gouvernement refuse pourtant toute aide ou contribution. Comment peut-il, d'un côté, diffuser un message ambitieux sur la transition énergétique et, de l'autre, empêcher nos universités d'y procéder ?

S'agissant de la recherche, je relève qu'au 1er janvier 2020, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut national de la recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) fusionneront pour devenir l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). Ce PLF prévoit donc 2,5 millions d'euros supplémentaires pour accompagner le rapprochement entre les personnels des deux instituts. L'agriculture est à l'aube d'un nouveau modèle et la recherche est la clef de son évolution, qu'il s'agisse de trouver des alternatives, d'accompagner nos agriculteurs dans la transition agricole, de garantir la qualité de notre alimentation et le respect de l'environnement ou de répondre aux attentes du consommateur. Les moyens doivent donc être beaucoup plus importants. L'INRA compte 17 centres régionaux sur plus de 150 sites en métropole et outre-mer ; l'IRSTEA, neuf centres régionaux. De nouveaux locaux seront nécessaires tout comme de nouveaux objectifs. La somme de 2,5 millions d'euros apparaît dès lors insuffisante.

Ce PLF comporte certes des hausses de crédits mais elles ne répondent pas toutes à des problématiques pourtant essentielles.

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Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie pour votre travail de qualité sur les grands organismes de recherche, qui souffrent parfois d'un manque de moyens et de compétitivité, dans un contexte de compétition mondiale exacerbée. L'examen de cette mission budgétaire arrive à point nommé, à quelques mois seulement de la présentation d'un projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, qui devra nous permettre de redoubler d'efforts dans notre soutien à la recherche et de renforcer le statut de la France dans ce domaine, à l'échelle européenne et internationale.

Je souhaite centrer mon intervention sur la recherche scientifique et technologique dans le domaine de l'environnement en évoquant deux organismes qui me semblent d'une importance vitale.

Le premier est Météo-France. Avec sa météopole basée à Toulouse, la France dispose d'un leadership incontestable en matière d'observation météorologique et climatique. Présente dans tous les océans grâce à nos outre-mer et dans l'espace, par le biais des satellites météorologiques développés par l'Organisation européenne pour l'exploitation de satellites météorologiques (EUMETSAT), la France se doit de poursuivre et d'accentuer son observation pour s'adapter au changement climatique, et pour atténuer ce phénomène.

Dans le même domaine, la France contribue à hauteur de 8 millions d'euros au financement du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, ce qui représente 14 % du budget total de cet organisme. Pensez-vous, Monsieur le rapporteur pour avis, que ces fonds suffisent ? Cette organisation intergouvernementale dispose-t-elle de moyens suffisants pour développer de nouvelles méthodes numériques de prévision météorologique et pour élaborer régulièrement des prévisions sur l'Europe ? Ce centre étant localisé à Reading, au Royaume-Uni, il est impératif que la France prenne position pour l'accueillir sur son territoire dans le contexte de la sortie imminente du Royaume-Uni de l'Union européenne. Mon collègue Jean-Luc Lagleize m'a d'ailleurs chargé de vous dire que la ville de Toulouse est prête à l'accueillir à bras ouverts…

Je voudrais également faire un focus sur l'Institut polaire français Paul-Émile Victor, l'IPEV. Cet organisme, quoique relativement méconnu, est une agence de terrain et de compétence au service de laboratoires de recherche nationaux, qui offre des moyens humains, logistiques, techniques et financiers nécessaires au développement de la recherche française dans les régions polaires et subpolaires. L'IPEV est aussi un outil de l'influence stratégique et géopolitique française, car elle dispose de six bases scientifiques, une en Arctique, trois en Subantarctique et deux en Antarctique. L'Institut dispose aussi de L'Astrolabe, navire indispensable pour se rendre dans ces contrées lointaines en toute indépendance.

En 2018, l'IPEV a soutenu pas moins de soixante-quinze projets scientifiques et technologiques, dans le cadre de collaborations internationales. Il n'est pourtant financé qu'à hauteur de 15 millions d'euros, alors même que la course au pôle Sud bat son plein et que tous nos voisins et partenaires, tels que l'Allemagne, l'Italie, la Corée du Sud ou encore l'Australie investissent plusieurs dizaines de millions d'euros en Antarctique chaque année.

La situation de ces deux organismes démontre la nécessité d'une augmentation importante de nos efforts financiers et scientifiques, que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés appelle de ses voeux. Pensez-vous, Monsieur le rapporteur pour avis, que les choix budgétaires dont nous débattons aujourd'hui permettront de soutenir ces organismes scientifiques de première importance ?

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Madame Melchior, les SATT ont beaucoup évolué au cours des trois dernières années et elles ont désormais trouvé leur place dans le paysage de la recherche française. Elles ont généralement un ancrage territorial assez fort et rassemblent tous les acteurs dudit territoire. Ce qui simplifierait encore les choses, je l'ai dit, ce serait la désignation d'un mandataire unique, car cela permettrait d'accélérer le passage à l'industrie et à la création de start-up à partir de brevets. Aujourd'hui, les délibérations au sein des SATT ont tendance à retarder la prise de décision, parfois jusqu'à un an. La solution du mandataire unique serait sans doute la bonne, encore faut-il arriver à le désigner. Les choses, en tout cas, avancent, et les gens apprennent à travailler ensemble dans ce cadre.

Monsieur Dive, l'entretien du patrimoine des universités, notamment la rénovation thermique des bâtiments, est un sujet sur lequel je travaille beaucoup, en essayant de rapprocher la Conférence des présidents d'université de la Fédération des entreprises publiques locales. Votre diagnostic est tout à fait juste. La loi Pécresse, relative à l'autonomie des universités, comportait un volet relatif à la dévolution du patrimoine. Or, à l'exception des plus grandes, qui ont des moyens importants, la plupart des universités ont des difficultés à entretenir leurs bâtiments. Vous avez évoqué la rénovation thermique, mais ce n'est pas la seule question qui se pose. Les universités n'ont pas forcément les compétences pour gérer l'entretien de leur patrimoine et elles considèrent qu'elles n'en ont pas toujours les moyens.

Nous essayons actuellement de concevoir, avec la Conférence des présidents d'université, un nouveau modèle économique qui associerait les sociétés publiques locales (SPL) et les organismes qui ont été créés pour gérer le patrimoine des universités, mais qui ne donnent pas toute satisfaction. Cette nouvelle structure assurerait la gestion et la rénovation du patrimoine. Lorsqu'une collectivité finance la rénovation thermique d'une piscine, les économies d'énergie réalisées grâce à cette rénovation permettent de réduire les subventions demandées à l'État ou aux collectivités locales. Nous nous proposons de prendre modèle sur ce type de pratique. Cela ne veut pas dire que les universités ne demanderont plus de subventions, mais nous sommes en train de travailler à un modèle économique vertueux. Vous avez eu raison de soulever la question du patrimoine, car elle est vraiment importante pour un grand nombre d'universités, particulièrement pour celles de taille moyenne et pour celles qui ne sont pas dans une grande métropole.

Vous m'avez également interrogé sur la fusion de l'INRA avec l'IRSTEA. Un des bâtiments de ce dernier s'est effondré à Montpellier. Son directeur nous a dit que l'Institut commençait à remonter un peu la pente, mais il se peut que les 2,5 millions d'euros attribués à l'INRAE, organisme issu de la fusion de ces deux établissements, ne soient pas suffisants. On peut certes toujours faire mieux, mais le Gouvernement a fait un geste et il faut le saluer.

Madame Deprez-Audebert, vous appuyez là où ça fait mal, en évoquant Météo-France et l'IPEV, dont les dotations ont baissé. On peut regretter ce choix politique, surtout quand, dans le même temps, le CNES voit son budget augmenter de manière très significative, pour la deuxième année consécutive. Mais il a fallu faire des choix.

La commission en vient à l'examen des amendements.

Article 38 et État B

La commission est saisie de l'amendement II-CE53 de Mme Laure de La Raudière.

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Cet amendement vise à soutenir le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ». Ce programme finance l'innovation dans les PME et la phase d'amorçage des start-up, sous la forme de subventions ou d'avances remboursables, mais surtout sous forme d'actions individuelles. C'est le seul mode de financement de Bpifrance qui intervient à ce stade et sous cette forme, c'est-à-dire sans autre cofinancement public-privé.

Si nous voulons que la France compte de nombreuses scale-up, autrement dit de nombreuses licornes – des start-up valorisées à plus d'un milliard d'euros –, nous devons continuer de disposer d'un mécanisme qui finance les start-up au démarrage, afin d'alimenter le flux et le « pipe » de ces entreprises, susceptibles de croître. Le programme 192 est essentiel, car personne d'autre n'est capable, aujourd'hui en France, de financer les toutes petites start-up dans leur phase de démarrage. C'est ce que l'on appelle parfois le love money. Le programme 192 est un dispositif extrêmement égalitaire et solidaire, qui profite à tous les territoires : lorsque des petits entrepreneurs ne peuvent pas compter sur l'appui financier de leur famille, il met à leur disposition 20 000, 30 000 ou 40 000 euros, ce qui rend possible le démarrage de leur entreprise.

Le programme 192, qui était doté de 250 millions d'euros en 2011, n'en compte plus que 100 millions aujourd'hui. C'est une perte considérable alors même que Bpifrance estime qu'il faut au minimum 20 millions d'euros supplémentaires pour assurer le flux de financement de nos start-up, si nous voulons avoir, dans cinq ou dix ans, un grand nombre de scale-up. La réduction des crédits du programme 192 est une grave erreur, parce qu'il n'existe aucun autre mode de financement des start-up à cette phase de lancement.

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Je suis très réservé sur cet amendement qui, du reste, ne porte pas précisément sur ce qui faisait le coeur de mon rapport, à savoir les organismes de recherche. Par ailleurs, il propose de gager l'augmentation des crédits du programme 192 sur le budget des universités, alors même qu'elles sont, comme on l'a rappelé, en difficulté. On ne peut évidemment qu'être d'accord avec votre argumentation et il est de nombreux secteurs auxquels on voudrait accorder davantage de crédits, par exemple les hôpitaux, mais en retirer aux universités ne me semble pas être une bonne solution.

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J'ai défendu un amendement du même ordre hier, en commission des finances, et je le défendrai de nouveau en séance. Il existe certes de nombreux dispositifs de soutien à l'innovation, comme le programme d'investissements d'avenir (PIA) et le fonds Deep Tech. Mais le programme 192 a ceci de particulier qu'il permet, après une présentation simple, de lever les premiers fonds qui permettront de lancer un projet, n'importe où sur notre territoire. C'est ce que l'on appelle, comme Mme Laure de La Raudière l'a rappelé, le love money. Mobiliser 5 milliards d'euros pour les start-up auprès des institutionnels, comme le Président de la République est arrivé à le faire, c'est une très bonne chose, et tout le monde s'en félicite. Cela permettra peut-être à la France d'avoir vingt-cinq licornes en 2025. Mais pour remplir une baignoire, il faut un robinet qui coule. Et ce robinet, c'est le programme 192.

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Depuis des années, on réduit le débit de ce robinet, alors que cette politique a un vrai effet de levier – on estime que son ratio est de 1 à 3. À force de le réduire, nous risquons de le faire totalement disparaître. Notre commission a auditionné il y a peu le directeur général de Bpifrance, M. Nicolas Dufourcq, qui nous a sensibilisés sur cette question. Indépendamment de la question du gage, sur le principe et sur le fond, j'apporte donc mon plus profond soutien à cet amendement.

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Puis-je vous demander l'avis que la commission des finances a rendu ?

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Le rapporteur spécial Francis Chouat a émis un avis défavorable.

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Avant de devenir ce qu'elle est, la Seine est un petit ruisseau, qui prend sa source pas loin de mon département, en Côte-d'or. Dans ma vie, j'ai créé un grand nombre d'entreprises qui n'auraient pas pu voir le jour si elles n'avaient pas bénéficié de financements par des mécanismes de l'État.

J'ai approuvé le ministre de l'économie et des finances quand il a décidé de supprimer les fonds d'aide aux financements qui étaient financés par des réductions de l'impôt sur la fortune (ISF), en raison de leurs frais de fonctionnement qui s'élevaient entre 15 % et 30 %. Je trouvais normal de supprimer des fonds qui se nourrissaient des deniers de l'État, c'est-à-dire de l'argent des contribuables. En revanche, je ne suis pas favorable à la suppression d'une aide directe de l'État aux entreprises, à travers le programme 192. Je soutiens l'amendement de notre collègue, car il est tout à fait dans l'esprit de l'ambition du Président de la République de multiplier les licornes dans notre pays. Pour devenir une licorne, il faut commencer par être une start-up, et pour être une start-up, il faut un financement.

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L'argument du rapporteur spécial en commission des finances a consisté à dire que Bpifrance finance déjà massivement l'innovation, à travers le fonds Deep Tech ou le fonds pour l'innovation et l'industrie, ciblé sur l'innovation de rupture. Mais ces dispositifs ne financent pas les mêmes choses, et pas de la même façon. J'ai le sentiment que le rapporteur spécial a additionné des choux et des carottes : il n'est pas vrai que les différents fonds de Bpifrance permettraient de financer les start-up et l'innovation dans les PME de nos territoires. Nous parlons ici de love money, des 20 000 ou 30 000 euros qui sont nécessaires au lancement d'une entreprise. Ce n'est qu'ensuite que l'on cherche un vrai fonds d'amorçage, capable de fournir 300 000 ou 400 000 euros. C'est aussi la Bpifrance qui finance cela, mais à parité avec un financement privé, jamais en action individuelle.

Par ailleurs, j'ai gagé l'amendement sur l'enseignement supérieur parce qu'il fallait bien faire un choix : aurait-il été préférable de gager mon amendement sur la recherche spatiale ? Notre but, c'est de lancer un signal, au nom de la commission des affaires économiques, dans le prolongement du débat que nous avons eu avec M. Nicolas Dufourcq. Ce que nous voulons, c'est ouvrir un débat en séance pour rappeler qu'il est absolument nécessaire de financer l'innovation et la croissance des start-up et des PME dans nos territoires. Nous débattrons de cette question avec les membres de la commission des finances, mais je crois que nous aurions vraiment intérêt à voter cet amendement, au nom de la commission des affaires économiques.

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Le montant de 100 millions d'euros qui a été retenu dans le PLF 2020 est celui qui a été réalisé l'année dernière. Ce qui me gêne le plus dans cet amendement, je le répète, c'est le fait qu'il soit gagé sur le budget des universités : c'est un très mauvais signal adressé à ces dernières.

Je comprends votre raisonnement et je suis évidemment d'accord avec vous, mais le mécanisme que vous proposez est problématique. Un budget est un tout : le Gouvernement nous propose une vision d'ensemble et vous remettez en cause cet ensemble, qui repose pourtant sur les dépenses effectivement réalisées l'année dernière.

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Pour avoir créé une entreprise aux États-Unis, je crois que la France devrait s'inspirer du modèle américain, où les universités investissent dans les start-up. C'est un modèle qui fonctionne, comme en témoigne le succès des start-up américaines. Ce succès tient à la créativité et à l'imagination des patrons de start-up. Il me semble donc justifié que des fonds finançant l'enseignement supérieur soient transférés aux start-up, puisque ce sont elles qui créent la valeur, ce sont les jeunes étudiants et les jeunes ingénieurs qui, en sortant de l'université, peuvent inventer les licornes de demain.

Je pense que le gage a bien été choisi et je voterai cet amendement. Nous devrions même être plus ambitieux et demander un montant plus important.

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Si nous parvenons à convaincre nos collègues en séance et si le Gouvernement admet que cet effort en direction des start-up est nécessaire, il lèvera le gage, comme il en a le pouvoir. Nous avons l'obligation constitutionnelle de gager nos dépenses et nous avons fait un choix. En tout cas, le gage n'est pas un obstacle important : le Gouvernement a la possibilité de le lever s'il le souhaite.

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La politique est aussi affaire de symboles. La mission dont nous examinons les crédits ne concerne pas seulement la recherche, mais aussi l'enseignement supérieur. Or la Conférence des présidents d'université a indiqué, dans un communiqué de presse, que le budget par étudiant est en baisse. Or cet amendement donne un très mauvais signal. Trouvez autre chose ! Symboliquement, je ne peux pas aller dans votre sens.

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Combien de milliards pour le budget de la recherche ?

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Ce n'est pas la question : tout à l'heure, sur la mission « Outre-mer », nous avons débattu longuement pour 100 000 euros. Je répète que la politique, ce sont aussi des symboles, et je ne peux pas vous suivre, si vous voulez retirer de l'argent aux universités. Nous allons voter, et chacun prendra ses responsabilités.

La commission adopte l'amendement.

Puis, suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », modifiés.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 15 heures

Présents. – M. Patrice Anato, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Éric Bothorel, M. Sébastien Cazenove, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Frédéric Descrozaille, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Frédérique Lardet, Mme Annaïg Le Meur, M. Richard Lioger, Mme Jacqueline Maquet, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Sylvia Pinel, M. Vincent Rolland, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann

Excusés. – Mme Pascale Boyer, M. Dino Cinieri, M. Guillaume Kasbarian, M. Roland Lescure, M. Dominique Potier, Mme Huguette Tiegna

Assistaient également à la réunion. – M. Thibault Bazin, M. Guy Bricout