Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du jeudi 24 octobre 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • civile
  • gendarmerie
  • policier
  • pompier
  • préfecture
  • sapeurs-pompiers

La réunion

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La réunion débute à 9 heures 30.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission auditionne M. Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur, sur les crédits des missions « Administration générale et territoriale de l'État » (M. Jean-Louis Masson, rapporteur pour avis), « Sécurités » (M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ; M. Arnaud Viala, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ») et « Immigration, asile et intégration » (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

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Nous examinons aujourd'hui les missions budgétaires qui relèvent du ministère de l'Intérieur, à savoir, pour ce qui concerne la commission des Lois, les missions « Administration générale et territoriale de l'État », « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration ».

Nous commencerons par l'examen de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », avant d'enchaîner sur la mission « Sécurités » ; nous reprendrons nos travaux cet après-midi avec l'examen de la mission « Immigration, asile et intégration ».

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Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

Le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) pour 2020 démontre une volonté forte de modernisation du ministère de l'Intérieur, que ce soit au niveau de son administration centrale ou au niveau territorial, conformément au souhait du Premier ministre de réorganiser l'administration déconcentrée de l'État autour des pôles préfectoraux. C'est un choix qui diverge de celui fait ces dernières années, notamment lorsque Bernard Cazeneuve était ministre de l'Intérieur, où avait été privilégiée la montée en puissance de la régionalisation.

Le ministère de l'Intérieur a en effet cette particularité de ne compter que 5 % de ses effectifs en administration centrale, les 95 % restant étant sur les territoires, au plus près des Français. C'est une force pour notre ministère, j'en suis convaincu, en particulier dans ce moment où nos concitoyens manifestent une attente très grande en matière de présence de l'État à leurs côtés. Notre réseau de préfectures et de sous-préfectures nous permet de garantir cet ancrage territorial et cette écoute ; il est donc nécessaire de le préserver mais aussi de le moderniser afin de renforcer son efficacité. Mais que les choses soient claires : quand je parle de modernisation, je ne parle pas de fermeture, ni e diminution de la présence de l'État mais, au contraire, d'ouverture.

L'année 2020 sera ainsi particulièrement importante pour la mission AGTE, puisqu'elle verra plusieurs réformes d'envergure pour le ministère. La première est la création du programme 354, fusion des programmes 307 et 333, qui traduit une avancée importante pour la réforme de l'administration territoriale de l'État, avec la création de secrétariats généraux communs de l'État en préfecture, ainsi que la création, au sein du secrétariat général, de la DNUM, la direction du numérique, une direction unique sur laquelle je reviendrai, et du SAILMI, le service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'Intérieur, qui répond, là encore, à la volonté de mettre en place un pilotage central pour rendre plus efficiente notre politique d'achats.

Le nouveau programme 354 « Administration territoriale de l'État » est donc issu de la fusion des programmes « Administration territoriale », qui comportait les moyens des préfectures, et « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », qui portait les crédits de fonctionnement, hors titre II (T2), des directions départementales interministérielles ainsi que les effectifs des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), gérés par les services du Premier ministre.

La création de ce nouveau programme vise à renforcer l'efficacité du fonctionnement des services déconcentrés, par la mutualisation des moyens et par le développement de la modularité des organisations. Elle vise à obtenir des gains de performance dans le service rendu et à renforcer la capacité d'action de l'administration de l'État au niveau départemental, pour que le préfet, dans la plénitude de ses fonctions, soit celui qui puisse répondre aux questions des élus locaux ou des grandes associations, sans être obligé de les renvoyer vers d'autres interlocuteurs.

L'idée d'un référent unique, dans les départements, sur l'ensemble des sujets qui relèvent de l'État représente certes une responsabilité supplémentaire pour les préfets, mais c'est un renforcement indispensable de leur rôle dans l'animation interministérielle.

Le programme 354 comporte l,8 milliard de crédits, dont l,25 milliard de T2 (dépenses de personnel) et 551 millions de crédits hors T2. À périmètre constant, les budgets sont stables, puisque les crédits T2 sont en augmentation de 1,1 % et ceux hors T2 de 1,2 %. Ce sont ainsi 586 millions supplémentaires qui vont être gérés par le ministère de l'Intérieur, dont 214 millions en T2 et 373 millions hors T2. Le choix du Premier ministre de nous confier la gestion de ce nouveau programme et de ces crédits supplémentaires démontre la confiance qu'il accorde au ministère de l'Intérieur.

La création des secrétariats généraux communs en préfecture d'ici juin 2020 vient compléter cette concentration des crédits dans un même programme, en mutualisant les moyens dédiés aux fonctions support – achats, logistique, immobilier, informatiques… – des directions départementales interministérielles et des préfectures.

Ce sont 5 543 agents qui composeront ces secrétariats généraux communs, dont 3 740 en provenance des préfectures et 1 803 issus d'autres ministères, à savoir : 1 149 agents du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), 368 agents du ministère de l'Agriculture et de l'alimentation, 246 agents du ministère de la Santé et des solidarités et 40 agents des ministères économiques et financiers.

Je précise que, dans les consignes que nous avons données sous l'autorité du Premier ministre pour la création et la montée en puissance de ces secrétariats généraux, il y a la volonté de faire en sorte que toutes les administrations puissent se retrouver dans ces postes, et que l'administration préfectorale ne considère pas qu'ils doivent lui revenir et que c'est à elle de les assumer seule. Il est essentiel qu'en l'occurrence le ministère de l'Intérieur témoigne de sa capacité d'ouverture sur les autres ministères et qu'il sache élargir le vivier de ceux à qui seront confiés ces postes et les responsabilités qui vont avec. Pour le dire autrement, ces mutualisations doivent être gagnantes pour tout le monde, et il ne s'agit en aucun cas de transférer des agents qui ne seraient pas volontaires et dont l'engagement pourrait être mis en question.

Ces mutualisations doivent nous permettre de réaliser des gains d'efficience, mais la réforme doit surtout permettre aux préfets de piloter plus finement et plus efficacement les moyens des administrations déconcentrées de l'État. J'insiste sur ce point, car c'est une petite révolution par rapport aux pratiques antérieures que de réaffirmer l'importance de l'État déconcentré, incarné par les préfets, au niveau départemental.

La réforme de l'administration territoriale de l'État comporte également un volet important de réorganisation des services départementaux de l'État, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens, celle notamment de bénéficier de services publics de proximité.

Les préfets doivent proposer leur choix d'organisation dans les prochains jours, afin d'adapter au mieux cette nouvelle organisation aux particularités des territoires, mais d'ores et déjà deux orientations majeures sont connues : d'une part, la création d'un service public de l'insertion, qui regroupera les compétences pour accompagner les personnes en difficulté, de l'hébergement d'urgence à l'insertion par l'activité économique, grâce notamment à la fusion des directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) et des unités départementales des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (UD DIRECCTE) ; d'autre part, le transfert des missions sport, jeunesse et vie associative des anciennes DDCS aux rectorats, pour notamment préparer la mise en oeuvre du Service national universel, qui sera assurée par le ministère de l'éducation nationale.

J'ajoute que j'ai demandé à ce que cent sous-préfectures puissent être labellisées « maisons France services ». En effet, trop souvent, les sous-préfectures sont fermées au public, et les citoyens ont de moins en moins d'occasions de s'y rendre, comme ils le faisaient, par exemple, il y a quelques années, pour obtenir une carte grise. Or, certains départements disposent d'une sous-préfecture mais manquent de relais de services publics. Convaincu que les sous-préfectures doivent gagner en ouverture vers nos concitoyens, j'ai donc souhaité y installer ces maisons France services, avec l'idée, non seulement d'améliorer le service rendu à nos concitoyens mais aussi de permettre au ministère de l'Intérieur d'être pleinement investi dans cette politique importante pour le Président de la République, grâce à un réseau au contact, à l'écoute et au service des usagers.

Enfin, l'effort porté sur les services des étrangers en préfecture sera poursuivi pour faire face à l'augmentation de la demande d'asile. Pour rappel, ce sont 211 équivalents temps plein (ETP) qui ont été créés depuis 2017, effort à mettre en perspective avec le schéma d'emploi global marqué par une baisse de 600 ETP sur la même période.

Une politique salariale pour favoriser l'attractivité de ces services a également été mise en oeuvre. Ces renforts sont complétés par des mois vacataires chaque année – pour 2019, ce sont 1 650 mois vacataires qui ont ainsi été engagés. Cette politique a permis de contenir les délais de rendez-vous en guichet unique et participe à la réduction du délai de traitement global de la demande d'asile. C'est une priorité du Gouvernement et un des piliers de notre politique migratoire, sachant que, parallèlement à la montée des emplois dédiés à la gestion des demandes d'asile, nous assumons la baisse des effectifs au sein de tous les autres services préfectoraux.

Je poursuis ma présentation avec le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (CPPI), qui va également connaître des réformes d'ampleur, lesquelles se traduisent dans l'évolution des crédits.

Si à périmètre constant, les crédits baissent de 19,1 millions – soit une diminution de 1,6 % –, en revanche, à périmètre courant, ils augmentent de 45 % – soit 340 millions. Je pourrais donc vous faire croire à une dynamique extrêmement positive, mais j'ai la franchise de vous dire que tel n'est pas le cas.

Ces crédits sont issus des autres programmes du ministère, du fait de la création de la DNUM et du transfert des personnels des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'Intérieur (SGAMI) du programme 176 « Police nationale ». À signaler également le transfert de 220 personnels civils de la gendarmerie du programme 152 vers le programme CPPI dans le cadre de la création du SAILMI, cette direction centrale de l'achat que nous mettons en place. Le programme CPPI concerne ainsi désormais 11 774 agents, contre 7 416 auparavant.

L'année 2020 sera ainsi celle de l'application concrète de deux mesures importantes du plan de transformation du ministère, la création de la DNUM et du SAILMI. Il s'agit d'idées anciennes mais dont la mise en oeuvre s'avérait délicate, dans la mesure où elles exigeaient de retirer certaines prérogatives à des directions centrales importantes – Direction générale de la police nationale (DGPN), Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), Direction générale des étrangers en France (DGEF) – pour les centraliser et mieux coordonner des initiatives qui s'avéraient parfois concurrentes – je pense en particulier à certains programmes numériques de la police ou de la gendarmerie, incompatibles entre eux. L'exercice était donc difficile, mais il était indispensable et a fini par être accepté par l'ensemble des directions.

La DNUM et le SAILMI doivent donc permettre au secrétaire général de mieux piloter des fonctions importantes pour le ministère, de rationaliser leur gestion mais également de dégager des synergies positives et d'améliorer ainsi leur efficacité au service des différentes directions du ministère.

Les choses doivent être claires : nous pouvons et nous devons faire des économies, notamment en matière de politique d'achat, grâce à la création du SAILMI, mais ce n'est pas l'unique objectif. L'objectif est de mieux acheter et de mieux coordonner nos politiques d'achat, de même qu'il s'agit avec la DNUM de faire les meilleurs choix numériques pour notre ministère. Certes nous réduirons les coûts de gestion, les coûts de personnels et surtout les coûts liés à l'éclatement et aux redondances – neuf directions distinctes travaillent actuellement côte à côte –, mais nous allons surtout atteindre la taille critique pour offrir des services mutualisés à la communauté interministérielle. Cette rationalisation dans l'organisation, des prestations numériques et des systèmes d'information va nous permettre d'améliorer la qualité et l'efficacité du service.

Pour cela, cette nouvelle direction, rattachée au secrétariat général, centralisera une partie des budgets du Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (STSI2), de la direction des systèmes d'information et de communication (DSIC), de la préfecture de police et de la DGEF. Elle aura la charge de piloter des réformes importantes pour le ministère, notamment le projet « Réseau radio du futur », destiné aux forces de sécurité et doté de 20 millions, la procédure pénale numérique, dotée de 5,5 millions d'euros de crédits et le projet de numéro unique pour les secours, le 112. Pour la DGEF enfin, la refonte totale du système d'information européen est budgétée à hauteur de 9 millions.

Quelques précisions supplémentaires enfin sur le SAILMI, le service achats : grâce aux innovations, en matière logistique notamment, et à la mutualisation des commandes, notre objectif est de réaliser dès 2020 66 millions d'économies.

J'ajoute que 69,7 millions seront consacrés en 2020 au Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR), soit un montant stable par rapport à 2019.

J'en termine avec le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ». L'actualité sera l'organisation des élections municipales. Ce sont 237 millions qui sont prévus – soit une augmentation de 15 %, équivalant à 30,7 millions. En termes de ressources humaines, 20,8 millions de crédits – 15,3 millions au titre de l'organisation des élections, et 5 millions pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) – financeront les 58 ETP du programme.

S'agissant des dépenses de fonctionnement et d'investissement, 216,2 millions sont prévus, dont notamment 140,5 millions d'euros au titre de l'organisation des élections, pour financer la propagande, et 68,7 millions d'euros pour le financement public des partis politiques.

Les élections municipales vont permettre d'améliorer encore le répertoire électoral unique, mis en service pour la première fois avec succès l'année dernière, à l'occasion des élections européennes. Les quelques dysfonctionnements, mineurs à l'échelle du nombre de votants ayant bien été identifiés, ils ont pu être corrigés.

Enfin, le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques poursuivra sa mission et sera renforcé de deux agents cette année, car le nombre de candidats n'est bien sûr pas le même qu'aux élections européennes.

S'agissant de la partie cultuelle – il s'agit, je le rappelle de dépenses de personnel et d'entretien des bâtiments cultuels appartenant à l'État en Alsace et Moselle –, 2,8 millions d'euros ont été programmés.

Comme vous pouvez le constater, le ministère de l'Intérieur est un ministère dynamique, toujours à la recherche de l'organisation optimale afin de renforcer l'efficacité de son action. De plus, notre réseau déconcentré nous permet d'assurer une présence de l'État partout sur le territoire et de répondre en cela aux attentes et aux besoins de nos concitoyens.

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La mission « Administration générale et territoriale de l'État » constitue le cadre budgétaire dont le ministère de l'Intérieur dispose pour poursuivre trois principaux objectifs : garantir l'exercice des droits des citoyens ; assurer la présence et la continuité de l'État ; mettre en oeuvre des politiques publiques sur l'ensemble du territoire.

Cette mission regroupe ainsi les crédits dédiés aux administrations déconcentrées du ministère de l'Intérieur, à ses fonctions supports, ainsi qu'aux subventions publiques dont il assure la gestion.

Au total, ce sont près de 4 milliards d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement budgétés pour 2020, en hausse de 18 % par rapport à l'exercice précédent.

Je souhaite souligner, à ce titre, que nous sommes nombreux, dans cette assemblée mais surtout dans les territoires, à nous interroger sur la pertinence de la réorganisation des services de l'État au cours de ces dernières années. Si des réformes devaient être conduites car certaines administrations étaient surdimensionnées ou parce qu'il y avait des doublons évidents, la succession, année après année, des suppressions physiques de services publics dans nos territoires donne – à tort ? – le sentiment d'un abandon que ne règle pas la mise en place de sites internet.

J'insiste, monsieur le ministre, sur le fait que le programme « Action publique 2022 » ne doit pas se faire au détriment de la présence de l'État sur l'ensemble du territoire. De même, la dématérialisation croissante des procédures peut accroître chez ses usagers le sentiment de l'éloignement de l'administration.

Au bout du compte, c'est la capacité de chacun de nos concitoyens à faire valoir ses droits qui est en question, et je ne souhaite pas que cela aggrave le sentiment d'une citoyenneté à deux vitesses, l'une dans les villes, bénéficiant de services accessibles, l'autre dans les zones périurbaines ou rurales, ne disposant que d'un guichet unique à plusieurs dizaines de kilomètres. J'espère donc, monsieur le ministre, que vous saurez nous apporter des précisions sur les réformes en cours, et notamment sur ce qui est fait pour maintenir l'accès de l'ensemble des Français aux services de l'État.

Pour la partie thématique de mon rapport, j'ai choisi cette année de m'intéresser aux difficultés de financement que peuvent rencontrer les candidats et les partis politiques. En effet, si le cadre juridique actuel offre des garanties importantes, notamment au travers des financements publics existants, les difficultés persistent, même lorsque l'on appartient à un parti bien établi. Lors des dernières élections européennes, ce constat s'est d'ailleurs vérifié, comme en témoigne le premier rapport au Parlement du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, M. Jean-Raphaël Alventosa – je rappelle que, dans le cadre de la loi pour la confiance dans la vie politique, nous avions autorisé la création, par ordonnance, d'une banque pour la démocratie, chère à M. François Bayrou, mais qu'en juillet 2018 la garde des Sceaux a confirmé l'abandon de ce projet, remplacé par la mise en place d'un médiateur du crédit, nommé par décret du 3 août 2018.

Je prendrai deux exemples pour illustrer les difficultés rencontrées. En premier lieu, le droit au compte, qui est pourtant garanti par la loi, ne serait pas respecté dans 10 % des cas en moyenne, voire 23 % pour les élections européennes. Les agences sont réticentes, prennent des précautions démesurées, alors que c'est un droit fondamental des candidats, puisque le code électoral prévoit la création d'un compte de campagne. Le candidat doit alors saisir la Banque de France, qui désigne un établissement bancaire, lequel le renvoie au siège, le tout pouvant prendre des semaines, ce qui rompt l'égalité des candidats devant l'élection.

En second lieu, l'accès au crédit bancaire n'est pas satisfaisant : s'il n'y a pas de défaillance généralisée des banques, certains grands réseaux refusent désormais de prêter à tous les candidats, quel que soit leur parti et quel que soit leur dossier, par souci de neutralité ; d'autres ont des procédures particulièrement longues, qui peuvent avoir pour objectif de s'assurer notamment des chances réelles du candidat, en repoussant la date de la décision. Enfin, il y a surtout un problème de culture : les spécificités du financement électoral et des campagnes ne sont pas assez connues et, il faut l'admettre, les banques n'ont pas beaucoup à gagner à nous financer, car les dépenses de campagne sont en général peu élevées du fait des plafonds en vigueur.

C'est pourtant un véritable enjeu démocratique, qui ne sera pas nécessairement résolu par la création d'une banque de la démocratie, mais par la promotion de bonnes pratiques et la possibilité de saisir le médiateur du crédit bien plus tôt. M. Alventosa a commencé ce travail de fond lors des élections européennes, et je ne peux que souhaiter que sa mission se poursuive au cours des prochaines années, pour que nous disposions d'un diagnostic précis, pour chaque élection, des difficultés rencontrées par les candidats.

Sans revenir sur mon interrogation de fond au sujet de la manière dont les services de l'État sont restructurés sur nos territoires, je souhaiterais à présent, monsieur le ministre, vous poser quelques questions ayant trait au financement des candidats et des partis politiques.

Vous avez été, comme nous, destinataire du rapport du médiateur du crédit. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les préconisations qui pourraient être mises en oeuvre en vue des élections municipales pour supprimer certains des écueils constatés lors des élections européennes et éviter que les candidats rencontrent des difficultés pour ouvrir des comptes ?

L'information à destination des candidats et des partis est aujourd'hui dispersée, notamment entre le site de la CNCCFP et celui du ministère, voire, bientôt, celui du médiateur du crédit, qui nous a fait part de son intention d'en ouvrir un. Une mesure à prendre rapidement pourrait être la réalisation d'un site internet consacré au financement de la vie politique, comprenant une page dédiée au médiateur du crédit. Cette mesure, qui me semble de bon sens et assez urgente au regard des difficultés constatées par le médiateur, pourrait­elle être mise en oeuvre avant les élections municipales ?

À plus long terme, le médiateur propose de réformer le mode de calcul de l'aide publique aux partis, qui représente 68 millions chaque année, financés sur les crédits de la mission AGTE. Il s'agirait notamment de faire en sorte que la distribution de la première fraction de cette aide publique soit mieux répartie entre les partis. Je rappelle que le financement des partis politiques comporte deux volets financiers, le premier assis sur les résultats électoraux du premier tour des élections législatives, le second conditionné par le nombre de députés obtenu par chaque formation politique. En ce qui concerne le premier volet, le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral favorisent le parti majoritaire, lequel ne peut que se satisfaire d'une telle situation. Ne doit-on pas envisager de revoir le système, de façon à limiter les à-coups en cas d'alternance. Qu'en pensez­ vous ?

Enfin, dans le cadre d'une récente proposition de loi de clarification du droit électoral, en cours d'examen au Parlement, nous avons adopté une disposition permettant de recueillir des fonds sur des plateformes de paiement de type Paypal. Pouvez-vous nous indiquer comment il pourrait être procédé à l'authentification des personnes donatrices, de manière à s'assurer qu'elles ne sont ni des personnes morales, ni des personnes non résidentes en France ou établies hors de l'Union européenne, ce qui est formellement interdit ?

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La mission AGTE comporte trois programmes qui vous ont déjà été présentés, à savoir les programmes 354 « Administration territoriale de l'État », 232 « Vie politique, culturelle et associative » et 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

Sur un plan strictement financier, la mission apparaît correctement dotée, puisqu'elle enregistre en 2020 une hausse de ses crédits de 18 % par rapport à 2019. Cette comparaison n'est toutefois pas très significative, puisque le programme 354 est en réalité un nouveau programme, issu de la fusion entre deux programmes existants. Cela rend les comparaisons entre 2020 et 2019 en partie vaines.

Par ailleurs, la variation des crédits de cette mission est très largement due à des raisons conjoncturelles. La hausse s'explique ainsi par la création au sein du ministère de l'intérieur de la DNUM, destinée à piloter les crédits consacrés aux systèmes d'information et de communication.

Cette hausse des crédits s'explique également par le coût à venir de l'organisation des élections municipales et sénatoriales, qui vont avoir lieu en 2020, auxquelles il faut également ajouter la nouvelle consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.

En ce qui concerne le contenu de la mission, cette dernière peut apparaître un peu technique pour le grand public. Elle contient toutefois des éléments importants qui intéressent directement les usagers du service public. Elle porte en effet en grande partie sur l'organisation de la présence de l'État sur le territoire au travers du réseau des préfectures de département et de région. À ce titre, la mission accompagne les réformes en cours. Ces transformations sont destinées à limiter les coûts de fonctionnement, tout en recentrant les préfectures sur leur coeur de métier, c'est-à-dire la protection de l'ordre public, le contrôle de légalité et le contrôle budgétaires des collectivités territoriales, ainsi que la coordination des politiques publiques au niveau local.

Concrètement, cela passe notamment par la création de secrétariats généraux communs au sein des préfectures, en application du plan « Action publique 2022 ». Ces secrétariats généraux communs permettent de simplifier l'organisation, tout en réalisant des économies, par la mutualisation de certains services entre ministères. Cela passe également par la mise en oeuvre du plan Préfectures nouvelle génération, qui organise la dématérialisation d'un certain nombre de procédures, comme la demande de carte nationale d'identité ou de passeport.

Afin, tout à la fois, de simplifier l'organisation administrative et d'améliorer le service rendu à l'usager, la réorganisation de l'action administrative se poursuit ; c'est un point sur lequel il faut saluer l'action du Gouvernement. Il y a donc lieu ici de souligner les efforts engagés par le ministère pour sa transformation et sa modernisation. Il faut toutefois également attirer l'attention sur un certain nombre de points de vigilance.

La dématérialisation a ses avantages en matière d'économies et de gain de temps, mais elle risque également de fragiliser l'accès au service public de certains de nos concitoyens, pour lesquels l'accès à internet n'est pas une évidence. Il faut faire attention à ce que la « fracture numérique » ne devienne pas un obstacle.

Enfin, il est possible de relever que les crédits alloués au contrôle de légalité et au conseil des collectivités territoriales sont en baisse, ce qui est paradoxal, car les objectifs de performances que se donne le ministère en la matière sont, quant à eux, en hausse. Si les orientations prises par le Gouvernement sont louables, il conviendra d'être attentif dans les années à venir aux conditions de la mise en oeuvre de ces politiques.

Enfin, la prévision des crédits nécessaires à l'organisation des différentes consultations électorales prévues en 2020 n'appelle pas de remarque particulière. Le budget de la CNCCFP est d'ailleurs également revu à la hausse, en prévision de ces évènements. C'est une évolution logique.

Pour ces différentes raisons, le groupe La République en Marche votera les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

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J'ai, sur ces crédits, un point d'accord et un point d'interrogation. J'approuve entièrement le fait que vous engagiez une redépartementalisation des services de l'État et que reveniez sur la régionalisation antérieure, qui a parfois eu pour effet d'affaiblir le rôle coordonnateur et directeur des préfets de département. Il est intelligent de commencer par ces secrétariats généraux départementaux, mais il me semble qu'il faudrait poursuivre cet effort dans le champ sanitaire. Je suis en effet frappé du peu de pouvoirs qu'ont les préfets en matière de politique sanitaire et de l'hyper-concentration de ces pouvoirs dans les mains des directeurs généraux des agences régionales de santé, technocrates dont la capacité de dialogue avec les élus territoriaux est assez faible, ce qui ne permet pas de conduire sur le terrain de véritables politiques de santé publique.

Mon point d'interrogation porte sur les cultes. Vous avez tout à l'heure, monsieur le ministre, indiqué de manière très allusive que les crédits relatifs aux cultes concernaient la rémunération des ministres du culte et l'entretien des bâtiments en Alsace-Moselle, mais qu'en est-il de votre politique des cultes sur l'ensemble du territoire national ? Que faites-vous par rapport à l'Islam en France, ou à l'Islam de France ? Poursuivez-vous les actions engagées précédemment en matière de formation des ministres du culte musulman, non pas évidemment sur les questions cultuelles mais sur les enjeux civiques, culturels et civilisationnels qui s'y rattachent ? Existe-t-il sur ce point des accords de coopération avec des pays étrangers ? Plus globalement, quelle est la politique des cultes que conduit aujourd'hui le ministre de l'Intérieur, pas seulement en Alsace-Moselle, mais aussi dans les Alpes-de-Haute-Provence, dans l'Yonne ou en Eure-et-Loir ?

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Au-delà des développements du rapporteur sur le financement de la vie politique, au sujet duquel vous connaissez la sensibilité du groupe MoDem, nous saluons un budget stable et responsable, clairement marqué par une recherche de l'efficacité et de la qualité du service rendu.

Le programme 132 « Vie politique, culturelle et associative » est en hausse cette année, dans la perspective, principalement, des élections municipales et sénatoriales, mais également du deuxième référendum en Nouvelle-Calédonie.

Pour les deux autres programmes de la mission AGTE, 2020 peut être un tournant, avec l'achèvement du plan Préfectures nouvelle génération, qui a permis de recentrer les préfectures sur leurs quatre missions principales : la sécurité et l'ordre public, le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire des collectivités locales, la lutte contre la fraude et la coordination territoriale de la mise en oeuvre des politiques publiques.

On note que la logique de rationalisation de la mission AGTE se concrétise notamment par la fusion de deux programmes, « Administration territoriale » et « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », décidée en 2018 et mise en oeuvre en 2020. Cette fusion est logique et permettra de réaliser des gains d'efficacité, en mutualisant les moyens de fonctionnement des préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI).

De la même manière, la réforme de la politique d'achat du ministère de l'Intérieur, avec la création du service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'Intérieur, le SAILMI, devrait offrir une meilleure qualité de service et des processus beaucoup plus en phase avec les pratiques actuelles, en privilégiant notamment le travail en mode projet.

L'année 2020 est également importante puisque sera créée au 1er janvier une direction du numérique, la DNUM ; celle-ci concrétise l'aboutissement d'un des quatre objectifs du plan de transformation numérique du ministère de l'Intérieur. Elle aura, dans les années à venir, des chantiers importants à piloter, avec notamment la mise en place d'un dossier pénal numérique, projet que nous avons pu évoquer avec la garde des Sceaux, il y a quelques jours.

Enfin, je souhaite conclure sur une alerte récente de la Cour des comptes, dans le cadre de sa note d'exécution budgétaire sur la mission AGTE, au sujet de la sous-budgétisation des crédits de contentieux. Vous avez entrepris d'améliorer la prévision et le pilotage de ces dépenses à travers un programme que vous aviez intitulé « Optimiser la fonction juridique du ministère ». Pourriez-vous nous le détailler un peu plus précisément et nous indiquer si les premiers résultats que vous avez constaté sont positifs ?

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Nous avons quelques interrogations sur ce budget, s'agissant en particulier des suites du plan Préfectures nouvelle génération. Nous avons bien compris qu'il s'agissait de recentrer les préfectures sur leurs missions essentielles, mais il est très problématique pour les usagers de ne plus pouvoir désormais s'adresser à leurs guichets pour obtenir une carte grise ou une carte d'identité.

Le Défenseur des droits vous a expressément enjoint, en 2018, de proposer aux usagers des solutions alternatives à la dématérialisation de ces procédures. Or nous ne voyons pas trace, dans ce budget, de crédits affectés à la mise en place de ces alternatives.

S'agissant des étrangers, c'est encore pire, puisque l'administration ne parvient pas à leur fixer de rendez-vous dans les délais nécessaires au renouvellement de leurs titres de séjour et que beaucoup se retrouvent dès lors en situation irrégulière.

Enfin, en matière de prévention de la radicalisation, nous ne voyons pas non plus quels sont les moyens dégagés pour mettre sur pied la structure de prévention auprès des jeunes dont il avait été question.

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En réalité, on continue à supprimer des effectifs, même si on regroupe ceux des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement et d'autres directions interministérielles dans les nouveaux secrétariats généraux communs. C'est contradictoire avec votre objectif, que je considère par ailleurs comme une bonne nouvelle, de redépartementaliser la politique du ministère de l'Intérieur. Vous le faites parce que c'était une demande très forte des gilets jaunes d'avoir des services de l'État de proximité.

Il est regrettable d'avoir fermé, par le passé, les portes des sous-préfectures, chassé le public de ces lieux puis d'en avoir changé le nom pour en faire des Maisons France Service qui accueilleront de nouveau du public avec des personnels issus d'autres administrations, d'autres structures parapubliques, voire dans certains cas privées. Il faut écouter davantage les élus du peuple, c'est-à-dire les députés ou les élus des élus que sont les sénateurs, qui alertent depuis des années sur le besoin de services publics de proximité. Il est d'autant plus nécessaire qu'il y ait des serviteurs de l'État dans ces structures de l'État qui accueillent du public au regard du business qui s'est développé en Seine-Saint-Denis sur des sujets comme celui des titres de séjour, juste pour avoir un rendez-vous en préfecture, problème sur lequel mon collègue Alexis Corbière vous a interpellé à plusieurs reprises et continuera de le faire. Comment a-t-on pu en arriver là ?

S'agissant des effectifs, si la priorité est donnée dans les préfectures aux bureaux d'immigration, tout n'est pas réglé dans les autres services. On peut se satisfaire des réformes précédentes menées dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération, mais globalement ce n'est pas un grand succès, et tout n'est pas encore résolu pour les professionnels en ce qui concerne la délivrance des cartes grises.

Quant au service des achats, de l'innovation et de la logistique, dont l'acronyme SALMI ne correspond à rien mais on y est habitué dans l'administration… le fait de centraliser et fusionner permet-il de faire des économies ? Et sur quoi ? Et de quelle manière ? Pour acheter moins cher ? C'est comme cela qu'avec le service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) on a créé d'énormes frustrations et difficultés entre la police et la gendarmerie, ne serait-ce que pour des pièces détachées automobiles et motos. En centralisant encore davantage, vous voulez nous faire croire que le service sera mieux rendu pour les fonctions métier qui en ont besoin. Je ne crois pas que ce sera le cas, car l'objectif n'est pas de mieux acheter mais de faire des économies. C'est la même chose avec les secrétariats généraux communs : il ne s'agit pas de mieux coordonner mais de faire des économies d'échelle. Assumez cette politique, allez jusqu'au bout de votre logique, mais sachez qu'au bout de cette logique administrative de réorganisation il y a beaucoup de difficultés, de frustrations et une perte de sens de certains métiers qui finissent par être industrialisés.

Enfin, je pensais que le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure, le ST(SI)2, pilotait tout ce qui concerne le numérique, mais ce n'est pas le cas puisqu'il faut créer une direction du numérique. Je voudrais vous faire une suggestion : un marché public a été passé pour une nouvelle version du logiciel des ressources humaines du ministère de l'écologie, RenoiRH, et un autre pour le logiciel du ministère de l'Intérieur, DIALOGUE, qui va devenir DIALOGUE 2. Il y a donc deux marchés avec Access pour faire évoluer des logiciels qui ont vocation à fonctionner en commun puisque les secrétariats généraux vont être mutualisés. Ne pourrait-on pas cesser de faire des réformes juste pour un effet d'affichage, et planifier ? Vous verrez qu'à la fin cela aura sans doute plus de sens pour les agents et que cela permettra peut-être même de réaliser des économies qui pourront être redéployées au sein du ministère.

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Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre volonté de muscler un peu les préfectures, en particulier les préfectures de département. Il est vrai que nous avons souvent des demandes très locales qui ne nécessitent pas forcément de remonter à Paris, loin s'en faut. Il faudrait que les préfets de département ou de région qui travaillent quand même largement ensemble – il ne faut pas croire qu'il y a des barrières entre les préfectures – puissent donner un avis ou prendre des décisions – cela ne semble ni disruptif, ni contraire à l'égalité. Bien évidemment, il faut éviter que les préfets prennent la place des élus, ce qui arrive parfois. J'en veux pour preuve la façon dont certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont été formés : ils relevaient davantage de la vision du préfet, voire du président de département, que de l'ensemble des élus. Il faut éviter d'aller trop vite, avoir tout simplement une vision globale et demander clairement aux élus locaux.

Dans le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, vous proposez que les collectivités locales puissent saisir directement le préfet pour contrôler la légalité de leurs actes. Avez-vous prévu les sommes nécessaires ? Je pose cette question parce que les crédits de l'action 03 « Contrôle de la légalité et conseil aux collectivités territoriales » baissent de 20 %. Je ne vois pas comment on pourra améliorer le conseil aux collectivités locales si les crédits diminuent.

J'appelle votre attention sur la dématérialisation, en particulier du service aux étrangers parce qu'il y a là une thrombose. Par exemple, le service de Nantes est particulièrement bloqué et beaucoup de gens se retrouvent momentanément sans permis de séjour – quand je parle des étrangers, ce sont souvent chez nous tout simplement des Britanniques. Aussi conviendrait-il de muscler ces services pour éviter des délais de six mois minimum.

S'agissant des élections, il y aura effectivement trois scrutins en 2020 : les élections municipales, les élections sénatoriales et le référendum en Nouvelle-Calédonie. Aussi est-il normal d'inscrire des crédits. Je note une stabilité, mais en réalité une baisse tendancielle, en ce qui concerne les aides aux partis politiques, puisque les crédits s'élèvent à 68,7 millions, contre 80 millions en 2000.

Le rapporteur pour avis a parlé de la médiation du crédit. La proposition d'aide aux petites listes et la prise en charge automatique des dépenses de propagande me paraissent être une bonne idée. Certes, il s'agit d'une somme de 50 à 60 millions, mais cela permettrait d'ouvrir largement l'offre, et ces dépenses restent en dessous de ce que l'Allemagne ou la Suède consacrent à leurs élections.

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Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions.

La première concerne les conditions d'accueil en préfecture en lien avec la politique migratoire. Il suffit d'entrer dans nos préfectures pour constater que les services d'accueil sont très largement saturés. Où en sommes-nous dans le renforcement des effectifs et dans l'aménagement des locaux ? C'est un enjeu fort en matière de respect des personnes qui arrivent sur le territoire, ainsi bien entendu que d'accueil des autres citoyens.

Ma seconde question porte sur les élections. Quel est votre sentiment sur ce serpent de mer qu'est l'éventuelle digitalisation des campagnes officielles ? Cela peut paraître très sympathique car on pense que c'est bon pour l'environnement, mais les derniers chiffres montrent que ce n'est pas toujours le cas et que le numérique a lui aussi une empreinte carbone considérable. C'est un problème démocratique : comment garantir l'égalité des citoyens devant l'accès à l'ensemble des documents ? C'est aussi un problème de protection des données : comment faire en sorte que personne ne puisse savoir vers quelle propagande se tournent les citoyens ? C'est enfin une question sociale puisque nous ne sommes pas tous égaux et que la fracture numérique existe encore dans notre pays.

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Le ministère de l'Intérieur a pour mission de garantir l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse. Les crédits nécessaires à l'exercice de ces missions sont portés par le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ». En ce qui concerne les élections, le ministère de l'Intérieur est tenu de garantir aux électeurs l'égalité et le secret de leur vote, de permettre à tout citoyen respectant les critères d'éligibilité de se présenter aux élections et de mener sa campagne électorale dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats. Le respect de ces principes à valeur constitutionnelle guide toutes les étapes de l'organisation matérielle des élections, de la prise des candidatures par la préfecture à l'envoi de la propagande électorale aux électeurs et à la tenue des bureaux de vote.

L'évolution des crédits inscrits dans le programme 232 est corrélée au calendrier électoral. Les élections des représentants au Parlement européen et les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie se sont déroulées en 2019. En 2020 auront lieu les élections municipales et sénatoriales et la deuxième consultation en Nouvelle-Calédonie sur l'accession à la pleine souveraineté et des élections municipales, dont le nombre de candidats, ainsi que les modalités d'organisation, nécessitent une augmentation des crédits de 19 % en AE et 17 % en CP par rapport à l'année 2019. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'organisation et le financement de ces élections, en complément des réponses aux questions de mes collègues Masson et Molac ?

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Je crois savoir que le Gouvernement a laissé passer un amendement, lors de la première lecture au Sénat du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale, sur le nuançage des candidats aux élections municipales. Si on ne nuance plus du tout les candidats dans les communes de moins de 3 500 habitants, le vote de 20 millions de Français sera passé sous silence lors des prochaines élections municipales – je comprends bien que ce ne sont peut-être, a priori, pas ceux qui sont les plus favorables à la République en Marche. Il y a là une petite inquiétude sur une envie de dissimulation, d'arrangement… de la présentation des résultats de ces élections municipales. Comment comptez-vous traiter les chiffres des prochaines élections municipales ?

Le Président de la République, dans un discours sur le corps préfectoral, après la crise des gilets jaunes, avait demandé que le corps préfectoral soit davantage à l'image des Français. Lorsque je vous ai interrogé à ce sujet, en tant que rapporteur sur l'exécution de la loi de finances pour 2018, vous m'avez répondu : recrutement, diversification de l'origine professionnelle, etc. Je pense que le Président de la République parlait d'origines sociales différentes, notamment de nommer demain des préfets issus de familles vivant de l'autre côté de Méditerranée dans lesquels pourraient s'identifier des jeunes de nos quartiers. Or force est de constater que le corps préfectoral n'incarne pas actuellement une grande diversité. Je lis régulièrement dans le bulletin quotidien les nominations de préfets et j'attends toujours des gestes forts en la matière. Cela fait-il partie de vos projets ?

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La place des services publics dans les territoires ainsi que le rôle et l'autorité de l'État font partie des revendications qui ont été exprimées lors des événements de ces derniers mois. Aussi, je m'interroge sur la proposition qui consiste à installer dans certaines sous-préfectures des maisons France Service. Cela risque de créer de la confusion et ne pas aller dans le sens d'un renforcement du rôle et de l'autorité de l'État sur l'ensemble du territoire.

Quant à la politique de dématérialisation, qu'il s'agisse des permis de conduire, des cartes de résidents pour les étrangers, etc. elle fait apparaître de très graves dérives qui entravent fortement l'autorité de l'État – je vous ai déjà adressé une question écrite sur le sujet. Sachez que des usagers m'envoient des photographies que je transmets à mon tour très régulièrement par courrier au préfet de Seine-Saint-Denis montrant des boutiques qui, pour 150 euros – c'est un prix plancher – font gagner vingt jours d'attente pour un rendez-vous au service du permis de conduire ou pour une carte de résident. Il y a là un système de corruption, un trafic lucratif autour de la dématérialisation, du manque de personnel et de l'embouteillage dans les services de l'État. Qu'en est-il de l'autorité de l'État quand vous voyez dans les rues d'une ville – et cela n'existe pas que dans mon département – des boutiques qui vous permettent, moyennant finances, d'obtenir plus rapidement un rendez-vous auprès des services de l'État ?

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Ma question, à laquelle s'associe ma collègue Naïma Moutchou, porte également sur l'action de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de mon intervention précédente, l'un des aspects importants de la modernisation des préfectures est la dématérialisation des procédures de délivrance d'un certain nombre de documents. Cette dématérialisation repose sur l'un des opérateurs principaux du programme, à savoir l'ANTS.

Les premières années de mise en oeuvre de ces procédures ont révélé effectivement des difficultés et des délais de délivrance des titres parfois très longs, et nous avons tous d'ailleurs été sollicités dans nos permanences par des particuliers. Il faut souligner que ces délais ont ensuite été grandement réduits en 2019 et que les objectifs de performance de la mission promettent des délais encore plus courts en 2020.

Quels sont les objectifs du ministère en matière de délivrance des titres sécurisés et comment compte-t-on s'y prendre pour les atteindre en 2020 ?

Je voudrais évoquer rapidement le dispositif Alicem, la future application numérique permettant la reconnaissance faciale qui relève elle aussi de l'ANTS. Le lancement prochain de l'application semble avoir défrayé la chronique. Les réactions suscitées pourraient-elles conduire à une remise en cause ou à une évolution de ce programme ? Le cas échéant, quelles seraient les conséquences sur les crédits mobilisés pour la création de cette application ?

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Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

Monsieur Masson, je partage avec vous ce sentiment d'abandon, parfois exagéré d'ailleurs, parce que quand on regarde quels sont les services publics d'État qui ont reculé ces dix dernières années dans nos circonscriptions, en réalité on constate qu'il y en a moins que la perception qu'on en a. Mais la perception est essentielle et on doit réaffirmer la place de l'État dans son volet de protection. Les gens ne veulent pas des services publics pour avoir des services publics, ils veulent la protection que garantit l'État au travers de toutes ses formes. C'est pour cela que l'affirmation du fait départemental au niveau de l'État doit permettre de renforcer ce sujet-là.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur les maisons France Service. Il ne faut pas penser une seconde que l'amélioration des services rendus aux usagers entraînera la fermeture ou l'abandon des sous-préfectures. L'État est présent dans les maisons France Service et complète sa capacité d'offre de services avec d'autres opérateurs. Lorsque les sous-préfectures joueront ce rôle-là, elles ne verront que leurs capacités à se renforcer. Mais il faut, en parallèle, instaurer des standards de qualité du service et garantir des référentiels de qualité des prestations. Plutôt que de décider, depuis la place Beauvau, quelles sont les cent sous-préfectures où il faut ouvrir une maison France Service, j'ai demandé aux préfets de nous faire remonter, avant la fin de ce mois, des propositions sur lesquelles ils sentent une dynamique. Notre objectif n'est pas de se substituer, mais de compléter le réseau existant – il ne s'agit surtout pas d'être en concurrence –, ainsi que de compléter les autres propositions qui peuvent émaner des collectivités locales.

Mon objectif est effectivement qu'il y ait cent maisons France Service dans des préfectures – nous avons reçu soixante-deux propositions. Mais je ne veux pas en faire un casus belli, un objet de fâcherie avec les préfets en demandant qu'il y en ait cent d'ici à la fin de l'année. Je veux un partage politique, que la sous-préfecture considère que c'est une façon d'évoluer.

M. Jean-Louis Masson et d'autres intervenants ont parlé des risques liés à la dématérialisation. La dématérialisation est un outil, mais ce n'est pas le seul. Là aussi, il faut renforcer le maillage territorial. Il y a actuellement 325 points numériques dans des préfectures ou des sous-préfectures. C'est aussi une façon de répondre à la rupture numérique qui existe, à la fois sur l'accessibilité de son domicile et sur la compréhension. C'est pourquoi un accompagnement est indispensable, ce que font déjà beaucoup de collectivités locales.

Plusieurs d'entre vous ont également évoqué la question du financement de la vie politique et du droit aux comptes. Il faut avoir en tête que nous avons connu 23 % de refus d'ouverture de comptes aux élections européennes. Mais comme il y avait de nombreuses listes, certaines n'avaient pas la structure politique des autres, ce qui a fait l'objet de quelques hésitations. Je sais que deux grandes listes, représentées à l'Assemblée nationale, qui ont connu dans un premier temps des difficultés de financement, ont finalement trouvé des solutions. C'est aussi le rôle du médiateur du crédit de faire le lien pour permettre ce financement-là.

S'agissant de l'accès au crédit, je rappelle que le compte n'est pas obligatoire pour les communes de moins de 9 000 habitants. Il n'y a donc pas non plus de remboursement de compte de campagne. Monsieur Molac, vous avez parlé des petites listes, mais je ne sais pas s'il s'agissait des petites listes en référence au parti politique auquel elles s'adossent ou aux petites listes dans les petites communes. C'est une réflexion législative que vous pouvez avoir, mais nous n'envisageons pas de rendre obligatoire le compte de campagne pour les candidatures dans les communes de moins de 9 000 habitants et donc de prévoir, dans leur cas également, le remboursement pour les frais de campagne. Celui qui a été réélu à deux reprises maire de Forcalquier, une commune qui compte 5 000 habitants, peut le regretter, mais il n'empêche que c'est aussi une liberté. Cela permet la candidature de personnes qui n'ont pas à passer par le biais des contraintes que l'on connaît quand on doit déposer le compte de campagne.

Je ne crois pas qu'il faille créer un nouveau site internet, mais s'appuyer sur le site internet du médiateur sur l'accessibilité au crédit. Je vous indique, monsieur Masson, que nous avons prévu les crédits nécessaires pour que le médiateur du crédit puisse effectivement être le site de référence sur la question du financement des campagnes électorales.

J'en viens à la question très concrète du paiement par PayPal qui est une attente de nombreux partis politiques. À l'heure où je vous parle, nous ne pouvons pas être certains d'avoir la traçabilité nécessaire à son intégration dans les comptes de campagne. L'année dernière, nous avons eu une démarche très pragmatique en appliquant la jurisprudence anticipée de la Commission nationale des comptes de campagne sur les dons d'Européens. Certains partis politiques ont dû rembourser les sommes versées. Pour le moment, nous avons le sentiment que PayPal ne nous permet pas de travailler sur ce sujet. Il n'empêche qu'il ne faut pas fermer la porte et qu'un petit groupe de travail a été créé avec les équipes du ministre Bruno Le Maire pour réfléchir à la manière d'intégrer ces nouveaux moyens de gestion dans le quotidien des Français.

Vous m'avez interrogé sur le dispositif des aides publiques dans le financement des partis politiques. Ces aides, dont le calcul se fait en deux tranches, en fonction des résultats des élections législatives pour la première tranche, sont stables depuis 1988. Elles permettent, à mon sens, de concilier l'objectif de pluralisme politique et des critères objectifs de répartition. Le Gouvernement ne souhaite pas les revoir. Mais le Parlement est libre de le faire s'il le souhaite. Je ne remets pas en cause les suggestions qu'a pu faire le médiateur du crédit, mais elles ne sont pas la doctrine du Gouvernement.

Mme Zannier m'a interrogé sur les limites de la dématérialisation, préoccupation que je partage. C'est pourquoi il faut que nous puissions y répondre. S'agissant du caractère opérationnel ou non d'Alicem, vous soulignez, à juste titre, qu'un débat a lieu, qui a eu comme conséquence de l'assimiler à une technologie de reconnaissance faciale. Je vous précise qu'un recours a été formé devant le Conseil d'État contre le décret qui a autorisé l'application d'Alicem. Je crois qu'il faut raison garder, ces sujets faisant l'objet d'une hyper-réactivité très nationale. On a pensé pendant longtemps que le minitel était un outil formidable. La preuve, c'est qu'on l'a inventé et qu'on a pris du retard sur internet, retard qu'on a pu ensuite rattraper. Il faut que ces nouveaux outils fassent l'objet de toutes les garanties, la première d'entre elles étant la non-utilisation de fausses identités pour celui qui fait une demande de carte nationale d'identité, par exemple. Il faut avoir en tête que la reconnaissance faciale le permet. Nous attendons la décision du Conseil d'État avec une certaine sérénité car nous savons qu'il va analyser les inquiétudes qui se sont manifestées dans le débat public ces derniers jours.

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a déjà eu à se prononcer puisque nous l'avons sollicitée avant de lancer le dispositif, en précisant que les données doivent être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ». Elle a émis une réserve sur l'absence d'alternative à la reconnaissance faciale mais pas du tout sur le principe de son utilisation. Je précise qu'aucune donnée de reconnaissance faciale ne sera stockée par le ministère de l'intérieur. Le cadre juridique est donc rigoureux. Nous attendons évidemment la décision du Conseil d'État et la prochaine ouverture publique des possibilités offertes par cette application sur laquelle il nous faut réfléchir avec Cédric O, qui a lancé quelques pistes, quelques réflexions sur la participation d'une association de citoyens qui permette de faire diminuer le niveau d'inquiétude. Je considère que ces inquiétudes sont légitimes sur de tels sujets, et il faut veiller à donner toutes les garanties à nos concitoyens et éviter toute mauvaise interprétation. Mais faisons en sorte que les premiers cris d'orfraie qui sont poussés sur tous les sujets ne bloquent pas des avancées significatives.

Madame Pau-Langevin, oui les dysfonctionnements de l'ANTS ont été massifs. Mais je ne voudrais pas que vous nous en fassiez le reproche. Nous n'avons pas décidé assez brutalement la dématérialisation des titres sans inscrire les moyens en face. Il faut vraiment s'interroger sur la manière d'avancer, mais encore faut-il savoir que nous étions dans une situation anormale et qu'il a fallu mettre des moyens pour avoir une démarche d'accompagnement des usagers. C'est le prototype même de la décision politique : on partait d'une vraie bonne idée, mais sans les moyens, ce qui a abouti à une situation très compliquée.

Aujourd'hui, 80 % des demandes adressées par courriel sont traitées en moins de vingt-quatre heures, ce qui constitue une vraie amélioration du service ainsi qu'une amélioration par rapport au service papier que nous connaissions précédemment.

Nous avons lancé des enquêtes de satisfaction auprès des usagers permettant de constater les progrès. À la fin de l'année 2018, 70 % des usagers se sont déclarés satisfaits ou très satisfaits des démarches en ligne proposées. En 2020, la refonte du site internet de l'Agence, le développement d'une application mobile pour faciliter la vente et l'achat de véhicules, par exemple, seront mis à l'étude pour améliorer encore l'orientation des usagers de cet opérateur du ministère de l'Intérieur. Je précise que d'ici à la fin de l'année, nous aurons triplé les effectifs de l'ANTS, pour les porter à 200 personnes.

Globalement, et je le dis en saluant le travail qui a été fait au regard de la pression qu'elle a connue, l'ANTS a réalisé un effort important de correction des bugs, d'amélioration continue de téléprocédures, et de diversification des canaux d'accompagnement – portail web, ligne téléphonique dédiée pour les professionnels et les particuliers, formulaire web, compte Twitter, tenue d'un « chat » sur Facebook pour répondre à ces questions. À cela s'ajoute une information systématique des usagers par SMS sur l'avancement de leurs démarches en ligne, un taux de réponse aux appels téléphoniques de 80 % pour les cartes grises et les permis de conduire, et le traitement des courriels en vingt-quatre heures dans 80 % des cas. C'est un bon pourcentage, mais il y a encore une marge de progrès pour atteindre les 100 % qui sont absolument indispensables.

Certains d'entre vous ont évoqué la question des permis de conduire étrangers pour laquelle la situation est loin d'être normale. Il y a quelques jours, j'ai pris un certain nombre de décisions avec les services du ministère de l'Intérieur et nous devons changer en profondeur la façon dont nous appréhendons ce dossier. Je ne peux pas aujourd'hui faire état d'améliorations parce qu'elles ne sont pas constatées et que des dysfonctionnements perdurent.

Concernant les titres de séjour, les effectifs ont été renforcés de 270 ETP depuis 2017. 15 % des personnels des préfectures sont affectés à ce service, pourcentage bien plus élevé dans certains départements. Nous allons également déployer d'autres outils numériques, comme le projet Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) pour mieux exploiter les possibilités offertes par le numérique, avec des garanties d'accessibilité, de sécurité et de confidentialité qui sont absolument nécessaires.

Plusieurs députés, dont M. Peu, ont parlé de cette anomalie qui existe dans certains départements où des gens font commerce des rendez-vous numériques. C'est un pur scandale. Nous avons lancé une mission d'appui à la préfecture pour paramétrer différemment nos dispositifs.

Si j'étais parlementaire, je m'intéresserais à ces plateformes qui se positionnent comme des interfaces, entre services publics et privés. Je prendrai l'exemple d'une billetterie pour un concert. On dit souvent : c'est formidable, tel concert s'est vendu en une heure quinze. En réalité, c'est du « pipeau » : des opérateurs achètent des places à 90 euros pour les revendre immédiatement plus cher. Essayez de taper sur votre clavier « concert de Christophe Castaner » et vous verrez…

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Je ne suis pas sûr que j'aurai envie d'y aller…

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Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

Ce que je voulais dire par là, c'est qu'il est anormal que de tels algorithmes existent, qui privent de ressources ceux qui ont besoin d'un rendez-vous rapide ou qui souhaitent assister à un spectacle.

Monsieur Larrivé, je ne commenterai pas l'approche de la gestion du sanitaire et le dialogue fécond avec les ARS – j'utiliserai un joker en tant qu'élu local. Il est important que les préfets, dans cette fonction d'interface des élus en particulier, puissent conforter leur rôle de lien avec les ARS. Je sais que des consignes ont été données en ce sens par la ministre Agnès Buzyn.

Vous m'avez interrogé sur la question des cultes. En la matière, nous sommes face à un paradoxe sur lequel il faudra bien s'interroger un jour puisque l'État et les collectivités locales n'ont pas le droit de financer un culte, tandis qu'un pays étranger peut le faire. Cela mérite d'ouvrir un débat, sans trahir l'esprit de la loi de 1905. Comme ce budget ne porte que sur la politique des cultes en Alsace et en Moselle, il est faible alors que le budget des cultes en France est bien plus élevé. Nous intervenons aussi, et je crois que c'était le sens de votre question, sur les diplômes d'université de formation civile et civique, autrement dit la partie républicaine de la formation qui s'applique à tous les cultes, ainsi qu'à la formation complémentaire cultuelle que vont connaître les imams par exemple. Le ministère de l'Intérieur a choisi, depuis 2008, de monter progressivement en puissance sur ces sujets et à la fin de cette année nous financerons vingt-deux diplômes universitaires – un vingt-troisième est déjà dans les tuyaux pour l'année prochaine – pour un montant qui n'est pas extrêmement élevé.

J'en viens plus précisément à la question de la formation et des accords avec les gouvernements étrangers. Il y a actuellement 300 imams et 300 psalmodieurs qui viennent principalement de trois pays : le Maroc, l'Algérie et la Turquie. En la matière, on est face à quelques anomalies : celle de l'intervention des pays étrangers – on peut s'interroger sur le financement et la mise à disposition d'imams – et de la langue dans laquelle on professe. Je ne parle pas là de la langue du texte puisqu'il ne s'agit pas d'imposer une traduction à un texte en langue arabe, mais de l'ensemble des interventions de celui qui professe qui devraient se faire en Français. Or les gens qui sont formés dans des pays étrangers n'ont pas nécessairement la maîtrise de la langue, ce qui représente une vraie difficulté. Nous avons engagé des discussions avec ces trois pays. Elles sont bien avancées avec le Maroc, avec l'objectif de mettre un terme progressivement à la mise à disposition. Le Maroc a mis en place des outils pour que la formation ait lieu en Français et que l'on puisse ainsi contrôler le système. C'est plus difficile avec l'Algérie pour des raisons de politique interne à ce pays, et plus difficile encore actuellement avec la Turquie pour laquelle ce sujet n'avance pas. Nous avons la volonté de faire en sorte qu'à une échéance à définir ceux qui professent en France ne soient pas mis à disposition par des pays étrangers et qu'ils soient obligés de professer en Français. C'est une mesure de bon sens que nous devrions partager.

Vous avez abordé, comme Mme Pau-Langevin, la lutte contre la radicalisation. Cette mission est confiée au secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui est rattaché à Matignon et non au ministère de l'Intérieur. Aujourd'hui, la mobilisation contre la radicalisation se joue au niveau interministériel, l'essentiel est notre capacité à travailler dans les quartiers concernés par le développement de l'islamisme avec l'ensemble des acteurs : éducation nationale, sports, culture, ainsi que les collectivités locales qui ont un rôle important à jouer. Une approche budgétaire centrée sur le ministère de l'Intérieur serait orientée vers le seul aspect sécuritaire de la question – le combat contre le terrorisme – qui est bien plus vaste.

Monsieur Latombe, je suis à l'aise pour vous répondre à propos des dépenses de contentieux, car les choix ont été faits par mon prédécesseur, Gérard Collomb. Lors de la prise de fonctions de ce Gouvernement, il a été décidé de remettre à niveau le budget consacré à ces dépenses, qui est ainsi passé de 46 à 80 millions. Il y a toujours une part de risque à anticiper sur des décisions de justice inconnues, mais les 80 millions prévus permettent de faire face aux besoins tels que nous les appréhendons aujourd'hui, et nous n'avons pas eu besoin de décrets d'avance ou de dispositions en loi de finances rectificative sur ce poste budgétaire.

Pour les années à venir, nous savons que la responsabilité de l'État est souvent recherchée pour les préjudices nés de troubles à l'ordre public, comme nous en avons connu en 2019. Les conséquences de ces contentieux éventuels se feront sentir en 2021, par le jeu des assurances. Évidemment, nous ferons face à nos obligations.

Paul Molac a mentionné les difficultés du site de Nantes à gérer les échanges de permis de conduire étrangers. La situation n'est pas satisfaisante, j'ai décidé de porter les effectifs à quatre-vingts équivalents temps plein, le double des prévisions initiales. Nous devons mener un travail de simplification pour avancer plus rapidement. En ce qui concerne les petites listes, je crois avoir répondu.

Guillaume Vuilletet a abordé un sujet récurrent : le maintien de la propagande électorale sur papier. Nous devrons un jour mener une étude sérieuse pour connaître le taux de lecture et le taux d'adhésion à la propagande sur papier, nous pouvons tous faire des estimations au doigt mouillé sur le fondement de nos expériences d'élus locaux, mais je pense que nous serions surpris. Elle n'en demeure pas moins un objet politique majeur, et je ne veux surtout pas en annoncer la dématérialisation obligatoire, car aucune décision n'a été prise à cet égard. Mais cette option devrait être plus largement offerte à nos concitoyens, et le répertoire unique électoral pourra nous y aider. Nous devons travailler sur plusieurs pistes, mais la dématérialisation obligatoire de la procédure n'en fait pas partie. J'ai siégé pendant cinq ans au sein de la commission des finances, et tous les ans, le sujet revenait, poussé par certains, tandis que les autres parlementaires protestaient vigoureusement. Il faut néanmoins nous interroger, la société évolue et le système actuel d'envoi de la propagande sur papier connaît des difficultés. Ces difficultés ne sont pas une raison pour le supprimer, mais elles sont toujours cause de contentieux lors des élections locales ou régionales, on accuse l'exécutif en place d'avoir manigancé avec la Poste ou les agents des préfectures pour que la distribution se passe mal. Nous savons tous que c'est faux, mais nous devons tout de même nous interroger à ce sujet.

Mme Dubre-Chirat, je pense vous avoir répondu s'agissant des budgets d'organisation des élections.

Certains d'entre vous ont évoqué la consultation en Nouvelle-Calédonie, dont je n'ai pas parlé dans mon propos liminaire. Elle est importante pour la Nouvelle-Calédonie, pour que le débat démocratique continue à bien y fonctionner. Le Premier ministre a présidé une réunion pendant plus de quinze heures, il y a une dizaine de jours, avec l'ensemble des acteurs. Le calendrier est suivi, il n'entrera pas en conflit avec les élections municipales, et il faut saluer la volonté de tous les acteurs d'avancer positivement sur ces sujets.

Monsieur Marleix, vous m'avez interrogé sur le nuançage. N'y voyez pas de volonté politique du Gouvernement, j'ai été interpellé au Sénat à ce sujet par un sénateur indépendant et le sénateur Maurey, de l'Union centriste, a fait adopter un amendement au projet de loi défendu par Sébastien Lecornu pour que cette mesure s'applique aux communes de moins de 3 500 habitants, tandis que je proposais 9 000.

Je reste ouvert à la discussion avec les parlementaires à ce sujet, nous savons tous que de nombreux candidats ne souhaitent pas entrer dans les cases « divers droite » ou « divers gauche », surtout quand l'étiquette du maire s'impose à toute la liste, ce qui ne correspond pas, bien souvent, à la réalité ; on le constate même dans de grandes villes.

Le nuançage est intéressant pour juger des grandes évolutions politiques sur trente, quarante ou cinquante ans, mais si l'on s'en sert pour interpréter politiquement les résultats, il produit des erreurs. Par exemple, le Parti socialiste a connu une violente défaite lors des élections municipales de 2001, mais elle avait été estompée par les succès à Paris, Lyon – et à Forcalquier ! – et le PS n'en a pas tiré les leçons.

Le ministère de l'Intérieur n'a pas l'intention de « dénuancer » pour masquer quoi que ce soit, je suis partisan d'échanger avec les responsables de chaque groupe qui suivent ces questions de près avant de prendre une décision, bien que l'amendement du sénateur Maurey figure maintenant dans le texte du projet de loi. Si nous sentons que cette question crée des tensions, nous adapterons le système. Une disposition législative n'est pas nécessaire, il s'agit d'une simple décision du ministère de l'Intérieur, et il est d'ailleurs anormal qu'un amendement ait été adopté à ce sujet.

La diversité dans le corps préfectoral est un problème de vivier. Nous devons aujourd'hui nous en préoccuper au niveau des sous-préfets, pour déterminer ceux qui pourront devenir préfets dans quelques années. Nous notons une réelle évolution positive ces dernières années, et la population a besoin de se reconnaître dans les représentants de l'État.

La Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Article 38 et État B : Crédits du budget général

La Commission examine l'amendement II-CL58 de M. Ugo Bernalicis.

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Nous avons essayé d'évaluer le manque de personnel causé par les différentes réformes aux jolis sigles : RGPP, MAP, AP 2022… Sans ces réformes, combien y aurait-il de fonctionnaires supplémentaires, et quel en serait le coût pour cette mission ?

Nous pensons qu'il est nécessaire de recréer des emplois dans les administrations d'État au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Il est hypocrite d'appeler à rouvrir les préfectures et les sous-préfectures et faire des maisons France services, ou de dénoncer comme un scandale l'ouverture d'un marché pour la dématérialisation en préfecture de Seine-Saint-Denis, car si nous avions le nombre d'agents suffisant pour l'accueil dans les préfectures et les sous-préfectures et pour assurer l'autorité de l'État, nous ne serions pas en train de pleurnicher.

Je suis favorable à un « réarmement » de l'administration générale et territoriale de l'État, en recrutant des fonctionnaires dans les préfectures et les sous-préfectures où ce ne sont pas les missions qui manquent. Par ailleurs, en prenant en compte l'inflation et la hausse de la population, les baisses d'effectifs coûtent cher car elles diminuent de manière drastique le nombre de fonctionnaires par habitant.

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Je comprends l'argument, et j'ai d'ailleurs affirmé mon souhait d'un équilibre entre la réforme de l'État et le maintien d'un service de qualité sur l'ensemble du territoire.

Cela étant, le Gouvernement a lancé plusieurs réformes – action publique 2022, plan préfectures nouvelle génération – et prépare un projet de loi qui sera débattu après les élections municipales, appelé 3D pour « Déconcentration, décentralisation, différenciation ».

Ne faisons pas obstacle à la volonté du Gouvernement d'appliquer ses réformes et attendons les débats sur le projet de loi 3D. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

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Monsieur le rapporteur, quel est votre avis sur les crédits ?

La Commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2020, sans modification.

Avant l'article 73

La Commission examine l'amendement II-CL51 de M. Ugo Bernalicis.

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Nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport sur les risques de démantèlement de l'État suite à la mise en place de plateformes spécialisées pour mutualiser certaines compétences, par préfecture. Nous avons évoqué le traitement des demandes de titres, et le business qui va avec. C'est une privatisation de l'accès au droit, dont les effets sont catastrophiques. Il faut écouter le bilan du défenseur des droits et les nombreuses sollicitations, alarmantes, de nos concitoyens. Le groupe La France insoumise plaide pour un État suffisamment fort pour faire respecter l'accès au droit, qui est fondamental.

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Vous demandez un rapport au Gouvernement sur l'application du plan préfectures nouvelle génération, et ses effets sur le personnel. Je n'y suis pas favorable, car il me semble curieux de demander au Gouvernement d'évaluer ses propres politiques. Il serait plus pertinent de faire cette évaluation dans le cadre d'une mission d'information, suite à l'adoption du projet de loi 3D.

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Nous pouvons toujours créer des missions… Nous souhaitons surtout interpeller nos collègues de la commission des Lois, car des études ont déjà été produites sur la dématérialisation, peut-être qu'il existe des rapports d'inspection dont nous n'avons pas connaissance, notamment concernant l'incroyable raté de la dématérialisation des cartes grises, qui n'est toujours pas réglé. Je vous invite à vous rendre à Charleville-Mézières, vous constaterez qu'il est fait appel à un service privé de plateformes téléphoniques pour compléter l'action de l'État dans un domaine éminemment régalien : la distribution de titres. Ce n'est pas satisfaisant, il faut arrêter de démanteler l'État de cette manière.

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Je vous comprends, ce sont les motifs qui m'ont amené à voter contre les crédits de la mission, mais je maintiens mon avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

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Le ministre de l'Intérieur est de nouveau parmi nous, et je l'en remercie. Nous allons donc examiner les crédits de la mission « Sécurités ».

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Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

La mission « Sécurités » englobe l'ensemble du budget de nos forces de sécurité intérieure, mais aussi la sécurité civile, qui joue un rôle déterminant dans la lutte contre les inondations récentes dans le sud de la France. J'ai participé récemment aux commémorations des inondations survenues l'année dernière dans l'Aude, et Élisabeth Borne passera une partie de cette journée dans les zones actuellement touchées, sans la présence du ministre de l'Intérieur puisque j'ai le plaisir d'être en votre compagnie. Les formes de sécurité évoluent, tout comme les risques.

Je souhaite évoquer en premier lieu le risque terroriste. La menace reste forte, bien qu'elle ait évolué au cours des dernières années. Alors qu'en 2015 les projections exogènes constituaient le risque principal, la menace s'est transformée et il existe aujourd'hui un risque endogène. L'un n'a pas chassé l'autre : le risque exogène peut profiter des développements actuels en Syrie, sujet d'inquiétudes pour chacun ; tandis que le risque endogène peut se développer sous une diversité de formes, nous l'avons évoqué s'agissant de lutte contre la radicalisation lors de la discussion du budget des cultes.

Il est toujours facile d'évaluer l'action de ses prédécesseurs a posteriori, je ne le dis pas pour vous dissuader de juger mon action… mais les vérités de 2013 ne sont pas celles de 2015, ni celles de 2019 ou 2020. Le risque terroriste n'était pas au coeur des préoccupations en matière de sécurité, mais il s'y est installé, et au vu de son importance, tous les gouvernements ont décidé d'en faire une priorité.

Dans le même temps, les risques liés à la sécurité du quotidien sont réels et ne doivent pas être négligés. C'est toute la difficulté des arbitrages : répondre aux urgences sans renoncer aux autres priorités. Notre montée en puissance dans la lutte contre la radicalisation ne doit pas se faire au détriment de notre vigilance au risque terroriste. Ce sont deux choses différentes, le risque terroriste est distinct des problèmes de radicalisation violente, d'islamisme ou de communautarisme, qui eux-mêmes n'ont rien à voir avec l'Islam, je le répète ici. Nous devons accompagner ces différentes strates politiques avec différents outils, et ne pas déshabiller la politique de la sécurité du quotidien, qui reste au coeur de nos priorités.

Le budget que nous consacrons à la sécurité en 2020 sera de 13,8 milliards d'euros, en hausse de 4 %, soit 525 millions de plus par rapport à 2019. C'est une hausse importante, que nous n'avions pas connue en 2018 ou en 2019 alors que la dynamique était déjà extrêmement forte.

La part de ce budget attribuée aux seules forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie, s'élève à 13,2 milliards, en hausse de 8,7 %. Depuis le début du quinquennat, ce budget a augmenté de 1,06 milliard, ce qui illustre bien les efforts de ce Gouvernement pour la sécurité depuis trois ans.

Ce budget doit permettre de renforcer nos forces de sécurité, d'abord en poursuivant la politique de recrutement. Nous nous sommes engagés à recruter 10 000 policiers et gendarmes sur la durée du quinquennat. 2 000 recrutements sont budgétés pour l'année 2020. Les moyens accordés à nos policiers et gendarmes sont également en hausse, leur rémunération est significativement revalorisée.

Il existe évidemment un déséquilibre entre les crédits hors titre II et ceux du titre II, c'est-à-dire les dépenses de personnel, et je suis prêt à vous répondre à ce sujet. Les dépenses de personnel représentent 87 % des crédits, nos marges de manoeuvre permettront de financer 1 398 équivalents temps plein, ce qui représente le recrutement de 1 465 policiers et plus de 500 gendarmes.

S'agissant des dépenses hors titre II au sein de l'action 176 « Police nationale », la réserve civile est maintenue à 29 millions, comme en 2019. C'est un appui indispensable au quotidien pour les policiers sur le terrain.

Le protocole d'accord du 19 décembre a des conséquences sur la rémunération des corps d'encadrement et d'application de la police, et son application représente une dépense de 145 millions en année pleine.

Cette année, pour la première fois, nous avons prévu 26,5 millions d'euros pour indemniser le flux d'heures supplémentaires des effectifs hors CRS – les heures supplémentaires des CRS étant déjà financées. Je souhaite commencer à rembourser le stock d'heures supplémentaires, tout en veillant à ce qu'il ne se renouvelle pas indéfiniment. Rappelons que les premières heures supplémentaires impayées remontent à 2005. Les massives réductions d'effectifs survenues ensuite ont alimenté ce stock, puis, en 2015, nos forces de sécurité ont été fortement sollicitées, ce qui aboutit au montant total de 240 millions d'heures supplémentaires impayées.

Je souhaite payer ces heures supplémentaires, mais sans remplir un tonneau percé. Nous allons donc commencer à honorer dès 2019 un nombre important d'heures supplémentaires en attente, grâce aux 26,5 millions prévus. Par ailleurs, nous avons travaillé avec les organisations syndicales à une réforme du cycle horaire que nous allons expérimenter, dans l'espoir qu'elle améliore les conditions de travail des forces de sécurité et qu'elle évite la reconstitution de stocks d'heures supplémentaires. Toutes les heures ne seront pas systématiquement payées, certains services, comme le service de la protection, ne souhaitant pas toucher la totalité du paiement. Enfin, le paiement se fera en tenant compte des mesures de défiscalisation et de désocialisation des heures supplémentaires votées en loi de finances, que vous avez assorties d'un plafond. Nous ferons en sorte que le paiement de ces heures supplémentaires ne soit pas fiscalisé.

S'agissant du budget de fonctionnement et d'investissement, il reste stable à un peu plus de 1 milliard, en diminution de 9 millions une fois les effets de transfert neutralisés, il est important de le préciser. Il ne faut pas s'affoler de la baisse apparente de 123 millions d'euros à périmètre courant, c'est la conséquence de la création de la direction du numérique, qui entraîne un transfert de 100 millions vers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Il est essentiel que les dépenses d'immobilier et de fonctionnement ne soient pas sacrifiées aux dépenses de soutien à nos forces, notamment les améliorations salariales. Ainsi, pour la police, 193 millions seront dédiés à l'investissement et à la maintenance lourde, ce qui permettra de poursuivre un plan triennal 2018-2020 ambitieux. Vingt-neuf opérations nouvelles sont prévues.

En réalité, les dépenses d'immobilier pour la police s'élèvent entre 305 et 310 millions, car nous avons décidé d'acheter un terrain important pour créer le nouveau siège de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Cette réalisation sera matérialisée dans le budget de l'État, nous avons trouvé les bonnes imputations avec le ministère des Comptes publics. Cette somme – 315 millions pour la seule police – n'a jamais été atteinte dans l'histoire du ministère.

Les budgets d'équipement sont en augmentation de 13 %, pour s'établir à 74,1 millions. Il est prévu d'investir 55 millions dans l'achat de 2 500 véhicules légers neufs, soit 25 % de plus que la moyenne des années précédant 2017.

Nous avons l'ambition d'équiper nos forces de 100 000 terminaux NEOPOL pour en faire bénéficier tous les policiers, dont ces équipements facilitent le travail quotidien.

La révision du schéma national du maintien de l'ordre a été lancée, nous avons prévu d'y consacrer 10 millions dans ce budget. Les travaux se poursuivent sur cette question au sein d'un comité d'experts composé de nos forces et de personnalités extérieures.

Nous avons également présenté une nouvelle structuration et un nouveau plan de cinquante-cinq mesures pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Nos services seront équipés de matériel technique plus adapté pour être au niveau de nos adversaires, 5 millions seront dédiés à cette fin.

S'agissant du programme 152 « Gendarmerie nationale », le montant des crédits est de 5,5 milliards, en hausse de 2,5 %. Depuis 2017, la hausse atteint presque 6 %, soit 304 millions supplémentaires. Les recrutements représentent 490 équivalents temps plein, il convient d'être attentif aux effets de transfert pour éviter les mauvaises interprétations : l'essentiel, ce sont les fiches de paie supplémentaires que nous délivrons chaque année, et je vous confirme qu'au total, nos forces de sécurité intérieure compteront 2 000 équivalents temps plein supplémentaires en 2020.

La réserve opérationnelle pour la gendarmerie est maintenue à 70,7 millions, comme en 2019. L'application des dispositions du protocole du 19 décembre 2018, car il nous semblait évident d'appliquer les mêmes améliorations salariales aux sous-officiers de gendarmerie qu'aux corps d'encadrement et d'application de la police, représentera 91 millions d'euros en 2020.

100 millions d'euros y sont dédiés à l'investissement et à la maintenance lourde pour la gendarmerie, et nous nous sommes engagés sur quarante-sept nouvelles opérations. Plus inhabituel, 15 millions sont prévus pour la sécurisation des casernes. J'en ai fait une priorité pour nos gendarmes et leurs familles, suite à la multiplication des agressions contre les casernes au cours des derniers mois. Tous conviendront que la sécurité des gendarmes et de leurs familles n'est pas négociable.

Nous prévoyons d'acheter 2 000 véhicules neufs, et tous les gendarmes devraient être équipés d'un terminal NEOGEND.

J'en viens au programme 161 « Sécurité civile », d'un montant de 466 millions. Sa légère diminution, de 0,4 %, soit 1,9 million, ne doit pas masquer la forte augmentation de 6,2 % enregistrée depuis le début du quinquennat. Les variations sont liées à des jeux d'écritures, concernant notamment la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, financée à parité par la ville de Paris et le ministère de l'Intérieur. La ville de Paris s'est engagée à un effort supplémentaire de 5 millions, et le ministère accompagnera la BSPP en tant que de besoin.

Il est nécessaire de moderniser notre flotte aérienne. Un premier appareil Dash a été livré en juin 2019 et cinq autres suivront d'ici à 2022, représentant un investissement exceptionnel de 365 millions d'euros. Ce n'est pas moi qui ai choisi ce modèle d'avion, mais ceux qui ont porté attention aux feux de forêts qui ont eu lieu cet été ont pu constater qu'il est le plus pertinent, même si une certaine nostalgie à l'égard du Canadair était apparue à l'heure du choix. Le Dash se déplace à 800 kilomètres par heure et permet d'attaquer un feu avec un cône d'intervention de 700 mètres de long sur 100 mètres de large. Ces moyens aériens sont indispensables pour notre stratégie de gestion des feux de forêts, qui vise à neutraliser l'essentiel des feux de forêts avant que plus d'un hectare n'ait brûlé. Les nouveaux Dash nous permettront de cantonner et neutraliser ces feux. Chacun sait que notre flotte aérienne est vieillissante. Bien que le tragique accident qui a coûté la vie à Franck Chesneau cet été n'ait pas de lien avec l'âge de l'avion Tracker qu'il pilotait, un modèle auquel il était très attaché, je pense à lui en cet instant.

Nous n'avons pas prévu d'évolutions budgétaires à la suite de la grève des pompiers professionnels, car toutes les mesures indemnitaires demandées, notamment la hausse de 29 % de la prime au feu, relèvent des SDIS et des collectivités territoriales. De mon point de vue, celui qui paie décide. Je ne déciderai pas d'augmentations salariales que d'autres devront payer. En revanche, j'ai réuni à plusieurs reprises le comité des financeurs, c'est-à-dire l'Association des maires de France et l'Assemblée des départements de France. Nous sommes convenus de rencontrer les partenaires sociaux dans quelques jours.

D'autres revendications des pompiers relèvent du ministère de l'Intérieur. Nous travaillons notamment sur le numéro unique et le moyen de remédier à la forte augmentation du recours aux services d'urgence aux personnes au cours de ces dernières années. Les demandes concernant des renforts en personnel sont de la compétence des SDIS et leur seront évidemment adressées.

Nos capacités d'intervention propres, notamment la formation militaire de la sécurité civile et le déminage, sont financées par des fonds dédiés. Enfin, le projet NEXSIS 18-112, système de gestion des alertes et de gestion opérationnelle mutualisée et interopérable entre SDIS se poursuit. Il sera doté de 7 millions d'euros en 2020.

Je souhaite terminer en détaillant le programme 207 « Sécurité routière », sujet majeur, combat majeur. Nous avons évoqué le président Jacques Chirac, il a montré en ce domaine combien des choix courageux peuvent changer la donne. La prévention et la sécurité routières faisaient partie des trois objectifs pour la nation qu'il avait fixés, et nous pouvons constater que la volonté publique a porté ses fruits. Bien sûr, chacun proteste lorsqu'il est verbalisé par un radar, mais nous savons que cette politique publique est efficace, et il est rare de voir un engagement public se traduire de la sorte.

Les crédits proposés dans ce programme sont de 42,6 millions, en augmentation de 7,3 %, hors compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routier » auquel sont affectées les recettes des radars. Cette somme doit nous permettre de faire face aux différents besoins sur ce sujet : la sécurité routière et la modernisation du permis de conduire.

S'agissant de ce dernier, notre objectif est de diminuer le coût pour les candidats et de réduire les délais de passage de l'examen, c'est une priorité de ce Gouvernement et le Président de la République ainsi que le Premier ministre y sont très attentifs. Nous avons prévu le recrutement de vingt-cinq examinateurs du permis de conduire, pour moitié en Île-de-France. Ce seront d'anciens salariés du groupe La Poste, qui connaît d'importantes évolutions structurelles. Ils permettront de réduire les délais de passage de l'épreuve pratique du permis dans les zones en tension. Nous allons également moderniser le système d'information du permis de conduire, pour un budget de 15 millions, afin de moderniser l'inscription à l'épreuve comme prévu dans le plan « Dix mesures pour un permis moins cher. »

À mon sens, la mission « Sécurités » me semble constituer un bon budget, même s'il ne permet pas de tout régler. Que les choses soient claires : nous avons besoin de sécurité, nous avons besoin d'améliorer encore les conditions de travail de nos forces de sécurité, mais nous y travaillons quotidiennement – hebdomadairement, pour ce qui est de nos rapports avec les partenaires sociaux – et, si des progrès restent à accomplir, force est de constater que le budget du ministère de l'Intérieur a connu ces derniers temps des évolutions d'une ampleur inédite : à elle seule, la police nationale a bénéficié d'un milliard d'euros supplémentaires en trois budgets portés par ce gouvernement, ce qui montre bien à quel point la sécurité de nos concitoyens constitue pour nous une priorité.

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J'ai le plaisir de rapporter pour avis pour la première fois cette année les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».

Pour ce faire, j'ai auditionné à la fois les administrations – directions générales de la police nationale, direction générale de la gendarmerie nationale, préfecture de police – et les représentants des fonctionnaires de la police nationale – organisations syndicales – et des militaires de la gendarmerie – Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG). Une bonne partie de ces auditions a pu être réalisée conjointement avec les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, que je remercie pour cette collaboration en bonne intelligence.

J'ai également tenu à me rendre au plus près de nos forces, en allant les rencontrer sur le terrain à Rodez – dans mon département – et à Toulouse, des villes où les forces de l'ordre sont particulièrement mises à l'épreuve depuis près d'un an.

Le budget de la mission « Sécurités » dans son ensemble continue d'enregistrer une hausse globale de près de 2 % en autorisations d'engagement. Cette programmation haussière dans un environnement budgétaire pourtant contraint traduit notre engagement envers nos policiers et nos gendarmes, qui oeuvrent au quotidien pour notre sécurité dans des conditions que nous savons très difficiles.

Les enjeux en matière de sécurité sont en effet très divers et requièrent un engagement sans faille de tous les acteurs concernés : lutte contre le terrorisme et les formes les plus graves de criminalité, action contre l'insécurité et la délinquance du quotidien, maintien de l'ordre lors des manifestations sur la voie publique…

Les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », qui font l'objet de mon avis, rassemblent respectivement 11 et 9,7 milliards en autorisations d'engagement. Ils sont respectivement en hausse de 1 % et de 2,8 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances pour 2019. Cette hausse budgétaire est largement due à l'augmentation des dépenses de personnel, en lien avec le plan quinquennal de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes. En 2020, ce sont 1 473 emplois qui vont être créés dans la police au titre de ce plan, et 527 dans la gendarmerie. Je salue la poursuite de ce plan présidentiel qui permet d'assurer une meilleure sécurité du quotidien pour nos concitoyens et de renforcer considérablement nos services de renseignement.

Le poids du titre II, c'est-à-dire des dépenses de personnel, dans les deux programmes, est prépondérant. Il ne doit néanmoins pas se faire, tant pour la police que pour la gendarmerie, au détriment des dépenses d'investissement. Il convient de rester vigilant en la matière car, malgré les importants efforts consentis au cours des dernières années, qui ont permis d'améliorer considérablement la situation, nos forces continuent d'avoir des besoins importants pour exercer leur travail dans de bonnes conditions – pour elles-mêmes et pour le service de tous.

Les prochains mois seront par ailleurs marqués par la préparation puis l'examen d'un projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, annoncé le 12 juin dernier par le Premier ministre lors de son discours de politique générale. Cette loi permettra de fixer un cadre pérenne et ambitieux pour notre police et notre gendarmerie. Elle sera la suite logique du livre blanc sur la sécurité intérieure qui est en cours d'élaboration. Très attendue, monsieur le ministre, elle peut être véritablement fondatrice d'un nouvel élan donné à l'ensemble des systèmes de sécurité en France.

Madame la présidente, en conclusion de cette première partie de mon intervention, vous comprendrez que j'annonce d'ores et déjà que je donnerai tout à l'heure un avis favorable sur les crédits de la mission « Sécurités » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

Au-delà de ces observations liminaires sur le budget, j'ai souhaité que mon avis soit, cette année, consacré au thème de l'évolution de la doctrine de maintien de l'ordre, en particulier suite au mouvement des gilets jaunes. Ce mouvement, qui a surgi dans notre paysage politique et médiatique il y a presque un an maintenant, a été l'occasion de graves troubles à l'ordre public, avec notamment des destructions, des incendies et des pillages. Des groupes d'individus violents et structurés, le plus souvent sans lien avec les manifestations, ont tiré profit des cortèges pour s'y mêler avec pour seul objectif de se livrer à des exactions, de s'en prendre aux forces de l'ordre et, plus largement, aux symboles du « système » dénoncé par eux, à savoir les institutions publiques ou encore les établissements financiers. Ces groupes d'individus, préparés à l'affrontement et équipés en conséquence, ont aussi pu instrumentaliser les foules tant pour les « retourner » et les conduire à se joindre aux violences que pour s'en servir de bouclier.

Le mouvement des gilets jaunes a été une nouvelle illustration de l'évolution des formes de mobilisation et de contestation constatée au cours des dernières années, marquée par le recul des acteurs structurés et organisés traditionnels, tels que les syndicats, au profit de mouvements moins déclarés et moins encadrés, et de la présence croissante de groupes organisés ultra-violents. Le ministère de l'Intérieur a, en conséquence, commencé à faire évoluer dès décembre 2018 la doctrine, les méthodes et les moyens des forces de l'ordre, pour gagner en efficacité, en souplesse et réactivité.

Je voudrais ici revenir sur quelques-unes de ces nouvelles orientations, en particulier l'enjeu de la mobilité. Le nombre de forces statiques a beaucoup diminué et l'espace entre les forces positionnées à distance et les effectifs en civil intégrés aux cortèges a été comblé. La capacité d'intervention des forces de l'ordre repose sur des principes tactiques révisés : réactivité accrue de la prise de décision, mobilité des unités et moyens matériels pour conserver l'initiative, adaptation permanente des moyens engagés en fonction de l'évolution de la situation, notamment pour prévenir la naissance ou la résurgence de foyers de violences.

Par ailleurs, de nouveaux équipements tactiques ont été déployés afin d'améliorer la réponse publique, en particulier avec l'utilisation de drones. Localement – notamment lors de mon déplacement à Toulouse –, on m'a dit combien ces outils étaient aujourd'hui précieux.

Enfin, il ne faut pas oublier que le législateur a pris sa part dans cette adaptation aux nouvelles formes d'expression de la contestation, avec l'adoption de la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et à garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dont notre collègue Alice Thourot était rapporteure.

J'en viens aux quelques questions que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre.

Pouvez-vous nous donner des indications sur les solutions envisagées pour apurer le stock d'heures supplémentaires et éviter sa reconstitution ? Le DPGN que nous avons auditionné nous a indiqué les pistes étudiées actuellement, mais tous les arbitrages n'étaient pas encore rendus. Je voudrais notamment savoir à quel taux seraient indemnisées les heures supplémentaires et si ce taux resterait forfaitaire.

Par ailleurs, les policiers que j'ai entendus m'ont fait part du désir de certains agents de conserver la possibilité de ne pas voir les heures supplémentaires indemnisées, mais de les récupérer. On m'a ainsi indiqué que, dans certains services de la police nationale tels que le service de la protection (SDLP), le nombre d'heures supplémentaires accumulé était tel qu'il pouvait permettre à des agents de partir à la retraite de facto avec plusieurs années d'avance. Cette situation n'est pas sans poser problème pour ces services, puisque les postes restent théoriquement occupés et ne peuvent donc pas être pourvus.

Monsieur le ministre, comme je l'ai expliqué dans mon intervention, j'ai consacré la partie thématique de mon avis à l'évolution de la doctrine de maintien de l'ordre. Je me suis notamment rendu à Toulouse pour discuter avec les acteurs locaux, puisque cette ville a été particulièrement touchée par le mouvement des gilets jaunes. Il faut garder à l'esprit que la violence en marge des manifestations n'a pas été constatée uniquement à Paris, mais également dans plusieurs grandes et moyennes villes de province – c'est le cas de Toulouse, pratiquement sans discontinuer depuis près d'un an.

Je voudrais donc savoir si des mesures particulières ont été prises en prévision de la date anniversaire du mouvement des gilets jaunes. Mes auditions m'ont en effet permis de constater qu'il existait une certaine appréhension d'une recrudescence du mouvement à cette occasion.

Pour ce qui est du parc automobile, comme vous le savez, le projet de budget consacré à l'investissement suscite des interrogations chez les professionnels, au sein tant de la police que de la gendarmerie. Beaucoup s'inquiètent, notamment, sur la capacité à renouveler ce parc. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?

Enfin, monsieur le ministre, je voudrais conclure par une question, qui, si elle n'est pas directement liée au projet de loi finances pour 2020, a été évoquée systématiquement au cours des auditions que j'ai menées : la question des retraites, un sujet anxiogène s'il en est pour nos forces de l'ordre. Pourriez-vous rassurer nos forces de sécurité intérieure en leur garantissant que les conditions particulières d'exercice de leur métier seront prises en compte dans le cadre de la réforme à venir ?

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Je vous remercie de m'accueillir au sein de la commission des Lois pour me permettre de m'exprimer sur les crédits alloués au programme « Police, gendarmerie, sécurité routière » et de me permettre d'échanger avec M. le ministre sur quelques points spécifiques. Je salue M. le ministre ainsi que M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, et vous prie d'excuser l'absence de mon collègue Romain Grau, qui a dû retourner en circonscription en toute urgence ce matin.

Avant toute chose, je tiens à rendre hommage à l'engagement des policiers et des gendarmes durant une année particulièrement éprouvante pour eux. Le drame qu'ont vécu ce mois-ci les fonctionnaires de la préfecture de police nous rappelle que les forces de sécurité intérieure nous protègent chaque jour, mais qu'il est également de notre devoir de leur garantir le droit d'exercer leurs fonctions en toute sécurité.

Pour en revenir à des considérations budgétaires, ce PLF se caractérise à mon sens par une double dynamique : il s'inscrit à la fois dans un mouvement de continuité, engagé dès le début du quinquennat, et dans une dynamique de changements considérables.

Pour ce qui est du mouvement de continuité, les forces de sécurité intérieure bénéficient d'une augmentation conséquente de leurs crédits de personnels : de 3,61 % pour la police et de 2,51 % pour la gendarmerie.

Cette hausse s'inscrit dans une dynamique de long terme qui traduit concrètement un engagement très fort, celui du plan de recrutement quinquennal annoncé par le Président de la République. Pour rappel, ce plan repose sur le recrutement de 7 500 policiers et de 2 500 gendarmes. Ces effectifs supplémentaires seront fléchés vers des priorités que nous jugeons tous primordiales.

En premier lieu, le renforcement du lien entre la police et la population est un axe privilégié : la police de sécurité du quotidien (PSQ) et les quartiers de reconquête républicaine (QRR) sont deux dispositifs qui bénéficieront de ces nouveaux recrutements. En outre, la persistance d'un haut niveau de menace terroriste implique des efforts spécifiques : la création de postes dédiés au renseignement sera permise par le déploiement du plan quinquennal. Monsieur le ministre, pouvez-vous exposer et préciser quels seront les moyens mis à disposition pour former ces nouvelles recrues ?

Je voudrais également profiter du temps de parole qui m'est donné pour répondre aux inquiétudes souvent exprimées par les représentants des forces de l'ordre que nous rencontrons. Il s'agit du caractère déséquilibré de cette mission, dont les dépenses de personnel représentent, il est vrai, une part des dépenses plus que conséquente – environ 90 % pour la police. Le fait que les dépenses de personnels aient un poids important ne me paraît pas présenter de difficultés en soi. Nous sommes tous d'accord pour dire que la sécurité publique, comme d'autres politiques publiques, fonctionne grâce à la présence physique et à l'engagement concret de femmes et d'hommes.

Pour ce qui est du projet de budget pour 2020, je rappelle qu'une attention particulière est maintenue quant aux investissements immobiliers et dans les véhicules. Aucun de nous ne peut en effet se satisfaire d'un parc automobile dont l'âge moyen est de 7,4 ans pour la gendarmerie et la police, et peut être bien plus élevé pour certaines catégories : l'âge moyen des véhicules blindés est de 44,6 ans. Une attention spécifique à ces sujets doit être maintenue sur le long terme.

Pour ce qui est des changements profonds, nous avons noté, lors des auditions que nous avons menées, qu'un très grand nombre de réflexions, d'initiatives et de changements avaient actuellement lieu au sein des forces de sécurité intérieure, et nous saluons cette dynamique d'ouverture et de coopération entre les forces.

Le PLF pour 2020 accompagne cette dynamique de changement par la mobilisation de ressources budgétaires, notamment pour le solde des stocks d'heures supplémentaires, mais également de ressources humaines, au service de réformes d'ampleur que nous suivrons avec intérêt dans les mois et années à venir – je pense aux nouveaux cycles horaires ou à la sécurisation des casernes de gendarmerie.

On peut citer d'autres grands chantiers en cours et à venir, qui s'inscrivent dans cette dynamique de changement.

Tout d'abord, je salue l'ambitieuse expérimentation menée en Guyane, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, visant à une réforme territoriale de la police nationale attendue par de nombreux professionnels. Si cette réforme va évidemment soulever des questions concrètes et complexes dans son déploiement, il s'agit d'un projet ambitieux, apprécié par bon nombre d'acteurs des forces de sécurité intérieure.

Le PLF pour 2020 comporte également un renforcement et une restructuration de la politique de lutte contre le trafic de stupéfiants. À ce titre, monsieur le ministre, pouvez-vous préciser quels seront le rôle et les moyens alloués à l'office anti-stupéfiants (OFAST), nouvelle instance de coordination de la lutte contre les trafics ?

Je salue encore la création de deux services ministériels, visant à poursuivre le mouvement de mutualisation engagé par la police et la gendarmerie nationales. Une direction numérique unifiée et un service ministériel des achats seront en effet créés en 2020, et devraient permettre des économies importantes pour les deux forces, tout en renforçant leurs synergies.

Enfin, nous traitons également de la sécurité routière dans le rapport spécial qui sera présenté demain en commission des finances. En termes budgétaires, ces crédits sont portés par le programme 207 de la mission « Sécurités » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». La hausse des moyens alloués à ces deux supports, respectivement de 2,30 % et de 21,30 %, souligne l'attention portée par le Gouvernement à cette problématique. Si 2 018 a été l'année la moins meurtrière jamais enregistrée sur les routes de France, nous nous devons de maintenir un haut niveau d'exigence sur ce sujet éminemment important, comme le montre la trajectoire enregistrée au cours des trois premiers trimestres de 2019.

Nous maintiendrons également une surveillance sur la réforme et la modernisation des permis de conduire.

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Le budget de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, d'un montant de 519,5 millions d'euros, est en baisse cette année de 3,3 %, notamment en raison de transferts de crédits vers un autre programme, tandis que les crédits hors titre II, à périmètre constant et inflation comprise, reculent de 2,8 %. Ce programme comporte cependant des éléments positifs, comme la poursuite du renouvellement progressif de la flotte d'avions.

Le programme que nous examinons ce matin ne représente qu'une faible part des 6 milliards de crédits consacrés chaque année à la sécurité civile en France. L'État contribue à hauteur du tiers de ce montant par l'intermédiaire des crédits inscrits dans plusieurs programmes du budget général et de la fraction de taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) transférée aux départements pour le financement des services d'incendie et de secours.

En tant que rapporteur pour avis du programme « Sécurité civile », je me suis tout particulièrement intéressé, cette année, d'une part à la question des effectifs des sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires, d'autre part aux plateformes communes de réception des appels d'urgence. Les deux sujets sont intimement liés puisque, ces derniers temps, les plateformes communes ont été présentées par le Gouvernement comme la réponse aux maux des sapeurs-pompiers. La mise en oeuvre effective de ce projet reste toutefois problématique et des arbitrages sont attendus de la part du Gouvernement.

Le modèle français de sécurité civile traverse aujourd'hui une crise profonde. Les sapeurs-pompiers sont pris en étau entre une stagnation de leurs effectifs et un accroissement sans fin de leur sollicitation opérationnelle. Leurs missions de secours d'urgence aux personnes ont augmenté de 64 % au cours des quinze dernières années. Alors qu'en 2003, elles ne représentaient que 59 % de l'ensemble des interventions des services d'incendie et de secours, elles représentent aujourd'hui 78 % de leur activité. Comme le souligne la Cour des comptes dans son récent rapport, le système a atteint ses limites opérationnelles. Les sapeurs- pompiers eux-mêmes crient leur détresse et leur ras-le-bol depuis plusieurs mois, et ont défilé dans les rues de Paris il y a quelques jours encore. Le système est à bout de souffle, monsieur le ministre, et des solutions de court terme sont attendues de manière urgente.

Il en découle une crise d'identité chez les sapeurs-pompiers. Ils étaient des soldats du feu, ils sont devenus des substitutifs de notre système de santé, chargés des urgences pré-hospitalières et utilisés comme un recours gratuit et toujours disponible dans les déserts médicaux, qu'ils soient ruraux ou urbains.

Les sapeurs-pompiers subissent également une perte de sens de leurs missions. Leur sur-sollicitation rend d'autant plus insupportables les missions indues dont on les charge, qui sont très éloignées du secours d'urgence. Par ailleurs, les phénomènes climatiques censés être exceptionnels, mais qui le sont de moins en moins, s'accroissent en fréquence et en intensité. On ne peut qu'avoir une pensée ce matin pour les très nombreux secouristes mobilisés sur le pourtour méditerranéen.

Les pompiers représentent le dernier recours quand les autres services publics n'ont plus les moyens d'intervenir et, de ce fait, sont confrontés à la détresse, et parfois à la violence, des personnes auxquelles ils portent secours. Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes au coeur d'une véritable crise des vocations de sapeur-pompier volontaire ou professionnel.

Je trouve encore plus préoccupant la différence de point de vue, de langage et de vision de l'avenir entre votre ministère, plutôt enclin à chercher des solutions, et le ministère de la Santé, qui n'a pas du tout la même approche. Il aurait d'ailleurs fallu, pour que cette audition soit exhaustive, que la ministre de la Santé puisse être parmi nous. Mais elle est actuellement dans l'hémicycle, où l'on débat du PLFSS.

Je souhaite vous poser plusieurs questions s'adressant au Gouvernement dans son ensemble. Alors que des annonces sur les pompiers volontaires ont été formalisées par votre prédécesseur il y a plus d'un an et demi, rien de concret n'a encore été fait. Cela entraîne une exacerbation des tensions, comme en témoigne le débat très difficile qui a eu lieu la nuit dernière dans l'hémicycle sur un amendement au PLFSS relatif aux mesures incitatives en faveur des employeurs de sapeurs-pompiers volontaires – je dois dire que personne n'a compris la violence des réactions du rapporteur général de la commission des Affaires sociales.

Quelles décisions entendez-vous prendre, Monsieur le ministre, conjointement avec la ministre de la Santé, au sujet des carences ambulancières ? Des moyens supplémentaires sont indispensables si l'on veut délester les sapeurs-pompiers des interventions indues en les transférant au secteur ambulancier. Il faut aussi élargir les compétences des associations agréées de sécurité civile en leur permettant de transporter vers l'hôpital les personnes qu'elles secourent.

Les sapeurs-pompiers expriment aujourd'hui une souffrance. Vous savez, Monsieur le ministre, qu'ils ne peuvent plus attendre. Ils demandent une meilleure reconnaissance du rôle qu'ils jouent dans la société, une clarification de leurs missions au sein des systèmes de secours et de santé et un meilleur pilotage de la ressource précieuse qu'ils représentent au niveau national, nécessitant une gestion prévisionnelle plus perspicace et une clarification des règles qui leur sont applicables en matière de temps de travail.

Quelles réponses entendez-vous apporter aux demandes des sapeurs-pompiers professionnels qui ont manifesté en nombre à Paris la semaine dernière ? Et aux demandes des sapeurs-pompiers volontaires, encore plus nombreux, que l'on ne pourra plus longtemps retenir de faire de même ?

Quelles mesures de court terme envisagez-vous de prendre pour assurer la mise en conformité du modèle français de sécurité civile avec les règles européennes relatives au temps de travail, comme le recommande la Cour des comptes, dans l'attente d'une éventuelle modification du droit européen ?

Par ailleurs, allez-vous enfin prévoir, en contrepartie de la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires pendant leur temps de travail, un mécanisme fiscal ou social de compensation de charges pour l'ensemble des entreprises privées ?

J'en reviens aux plateformes communes de réception des appels d'urgence avec le Samu, la police et la gendarmerie ainsi qu'au numéro unique d'appel d'urgence. Il s'agit d'un engagement du Président de la République traduisant une volonté, à laquelle on ne peut que souscrire, de tendre vers une meilleure interconnexion entre les services chargés de l'urgence et une organisation plus efficace pour les sapeurs-pompiers, leur permettant de se recentrer sur leur coeur de métier.

Mais qu'en est-il réellement deux ans après cette annonce du Président de la République ? Au fil des auditions que j'ai menées, j'ai clairement constaté que des contradictions profondes empêchent ou retardent la mise en oeuvre de ces outils et reportent sine die la mutualisation et l'optimisation des moyens des services impliqués. Au sein même de votre ministère, vous incitez la police et la gendarmerie à développer des plateformes interdépartementales ou régionales, spécifiques à leur service, ce qui compromet tout projet de plateformes communes départementales.

Ces orientations divergentes sèment le trouble sur le terrain. Les habitudes de travail tissées entre les services au fil des ans, au niveau départemental, ont pourtant permis de faire des avancées importantes, reposant sur un attachement très fort à l'échelon de la proximité, garant d'une excellente réactivité. Les responsables que nous avons auditionnés abondent dans ce sens. J'ai également constaté cet état d'esprit dans mon département de l'Aveyron, où les services travaillent déjà main dans la main depuis de nombreuses années. Ils ont du mal à comprendre les mutualisations interdépartementales que vous encouragez pour la police et pour la gendarmerie. L'Aveyron est d'ailleurs parfaitement emblématique de nombreux territoires où le bon sens a largement permis de contourner certains obstacles dans l'attente d'orientations claires de la part du Gouvernement. Monsieur le ministre, allez-vous mettre fin à ces projets interdépartementaux et privilégier clairement les plateformes départementales de réception des appels d'urgence ?

À cela s'ajoutent des divergences manifestes entre le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Santé qui durent depuis des années, notamment au sujet de la régulation médicale. On peut notamment s'interroger sur le devenir du numéro unique d'appel d'urgence face à l'annonce d'un nouveau numéro unique d'accès aux soins qui devrait être opérationnel dès l'an prochain. Quels seront, monsieur le ministre, les périmètres respectifs de ces deux « numéros uniques » et comment vont-ils se coordonner ?

Parallèlement, le lancement sans stratégie d'ensemble des projets de modernisation des systèmes d'information traitant les appels d'urgence reçus par les pompiers, le SAMU, la police et la gendarmerie aboutit à une juxtaposition de ces outils qui risque de compromettre une mise en oeuvre rapide et efficace du numéro unique. Si leur interopérabilité semble prévue, elle reste accessoire. Les logiques et besoins différents qui les structurent limiteront les possibilités d'échanges de données à l'avenir. Qu'entendez-vous faire, monsieur le ministre, pour mettre en oeuvre une réelle interopérabilité fonctionnelle entre les systèmes d'information de vos services ? Cela impliquerait davantage une évolution de leurs cultures « métier » qu'une simple modification de langage informatique.

Après de multiples expérimentations de plateformes communes, de nombreuses missions et une succession de rapports, que nous propose-t-on aujourd'hui ? Si j'en crois les propos du secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, tenus la semaine dernière dans l'hémicycle alors que les pompiers professionnels manifestaient dans la rue, il n'est prévu que de nouvelles expérimentations.

De toute évidence, il manque à la mise en oeuvre du projet présidentiel, énoncé dès 2017 et répété de manière constante depuis, un véritable arbitrage interministériel. Il faut une décision forte, prise au plus haut niveau, pour déterminer les modalités de mise en oeuvre de plateformes communes et du numéro unique. Nous nous proposons donc, avec d'autres parlementaires, de contribuer utilement et positivement à ce travail en échangeant avec vous et éventuellement avec le Président de la République sur les remontées et les expériences de terrain qui nous paraissent justifier une mise en oeuvre rapide dans le respect de tous les professionnels engagés au service de la sécurité des Français.

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Je vous remercie de m'accueillir au sein de votre Commission. Je remercie tout particulièrement Arnaud Viala pour le travail qu'il a effectué sur le thème de la sécurité civile.

Je souhaite tout d'abord rappeler le rôle primordial de l'État en matière de sécurité civile. En effet, il lui appartient d'assurer la cohérence de la politique de sécurité civile au niveau national, d'en fixer la doctrine et d'en coordonner les moyens. Il met aussi à disposition des territoires des moyens d'intervention aériens et terrestres qui viennent compléter les dispositifs des SDIS.

Cependant, ce sont les SDIS qui constituent l'essentiel des moyens d'intervention. Cela se traduit dans leurs budgets respectifs. Le budget de l'État consacré à la sécurité civile représente environ 500 millions d'euros, alors que les budgets consolidés de l'ensemble des SDIS sont de l'ordre de 5 milliards d'euros, soit dix fois plus. Le programme 161 « Sécurité civile » représente 2,5 % de l'ensemble de la mission « Sécurités », qui finance principalement la police, la gendarmerie, et la sécurité routière.

Avant de parler plus en détail de ce budget, je crois qu'il est utile de rappeler les tendances de notre temps, qui ont une influence majeure sur la sécurité civile. Tout d'abord le changement climatique, qui fait croître le nombre de feux de forêt et les fait apparaître de plus en plus au nord de notre pays. Le changement climatique multiplie aussi les tempêtes, les inondations et les coulées de boue. Par ailleurs, l'évolution de notre société, ainsi qu'un manque de coordination de l'ensemble des services publics, conduisent à une sollicitation croissante des sapeurs-pompiers pour des interventions d'assistance à personne, c'est-à-dire des tâches qui ne sont pas forcément de leur ressort mais qui représentent désormais l'essentiel de leur activité.

Je pense donc que nous devons garder en tête ces tendances quand nous examinons le budget du programme 161. Pour 2020, 492 millions d'euros en autorisations d'engagement et 519 millions d'euros en crédits de paiement sont demandés, ce qui est peu ou prou une somme équivalente à celle accordée en 2019.

Ces chiffres doivent cependant être relativisés à l'aune d'une mesure de périmètre impactant le programme en 2020. Près de 15 millions d'euros sont transférés vers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Ce transfert intervient à l'occasion de la mutualisation de l'ensemble des projets informatiques de l'intérieur, désormais placés sous l'égide de la nouvelle direction du numérique du ministère.

En 2020, les priorités du budget du programme concernent avant tout le maintien en condition opérationnelle (MCO) des flottes aériennes : 102 millions d'euros en autorisations d'engagement et 72 millions d'euros en crédits de paiement y sont consacrés, notamment pour financer le renouvellement du marché de maintien en condition opérationnelle des hélicoptères.

Toutefois, cet effort doit être mis en regard de la dégradation du taux de disponibilité des avions et des hélicoptères de la sécurité civile en 2019. Marquées par la perte d'un de leurs pilotes au cours de l'été dernier, nos forces doivent pouvoir compter sur l'État pour garantir l'entretien de leurs outils de travail.

En lien avec ces éléments, le budget de la sécurité civile est également marqué par le renouvellement de la flotte d'avions, mobilisée chaque été dans la lutte contre les feux de forêt. En 2020, ce sont 66 millions d'euros qui seront décaissés pour l'arrivée de deux nouveaux appareils.

Par ailleurs, le programme participe au soutien et à la coordination des acteurs de la sécurité civile. Je tiens à souligner l'évolution de la participation de l'État à l'investissement réalisé par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Le programme 161 porte depuis 2017 une dotation de soutien, qui a constamment diminué. Cette dernière est encore en baisse de 3 millions d'euros en 2020. En conséquence, les transferts financiers directement opérés par l'État au profit des SDIS sont réduits à la portion congrue. J'aimerais connaître votre avis sur ce point, monsieur le ministre.

Au-delà de cette alerte que je tenais à émettre, il convient de rappeler que les 7 millions d'euros toujours portés par cette dotation financent désormais un vaste projet de modernisation, mené par l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC). Ce nouvel opérateur est chargé de développer le projet NexSIS 18-112, une plateforme numérique qui permettra d'harmoniser les systèmes de gestion des alertes et des crises de nos forces de sécurité. À terme, des outils tels que la géolocalisation pourront être mis en place à travers cette plateforme. Encore une fois, les événements de l'été dernier en Italie, nous rappellent que nous ne pouvons faire l'économie de tels progrès.

Enfin, je veux consacrer un dernier mot à nos sapeurs-pompiers. La grève lancée par les organisations syndicales le 26 juin dernier est un appel à résoudre les dysfonctionnements affectant l'organisation des secours. Les sapeurs-pompiers sont aujourd'hui sur-sollicités, et leur sécurité n'est plus suffisamment garantie. Les travaux menés par le Gouvernement sur le numéro unique, et les dernières annonces de la ministre des solidarités et de la santé en matière d'accès aux soins, pourront je l'espère favoriser une baisse de la pression opérationnelle. Pour ce qui est de la sécurité des sapeurs-pompiers, l'expérimentation des caméras individuelles est une première mesure dont il conviendra d'évaluer l'efficacité, et j'aimerais également connaître vos intentions sur ce point, monsieur le ministre.

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Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

M. Mazars m'a interrogé au sujet des heures supplémentaires, un problème que nous avons l'intention de traiter au moyen d'une triple action.

La première consiste à apurer dans le temps le stock d'heures supplémentaires déjà constitué, c'est-à-dire la dette que le ministère de l'Intérieur a vis-à-vis de ses agents. Depuis 2005, ce sont 25 millions d'heures qui se sont accumulées et n'ont pas été payées. Cette situation n'est pas normale, et tout le monde le dit depuis de longues années, mais je revendique d'être le premier ministre de l'Intérieur à avoir pris ce dossier à bras-le-corps afin qu'il soit traité.

La deuxième consiste à faire en sorte que ce stock ne se reconstitue pas chaque année : pour cela, je vous propose de voter 26,5 millions d'euros dans le cadre du budget pour 2020.

La troisième, également destinée à éviter le renouvellement, consiste à améliorer le futur encadrement des heures supplémentaires, grâce à la mise en application d'un accord sur le temps de travail.

Vous avez évoqué, Monsieur le député, le fait que certains services tels que le service de la protection (SDLP) souhaitent conserver les heures supplémentaires accumulées afin de pouvoir partir en retraite de façon anticipée. Je considère que les règles en usage ne peuvent être rayées d'un trait de plume au motif que la politique aurait changé, et j'entends la demande formulée par certains policiers, qui ont d'ores et déjà intégré ce dispositif. Cela dit, je ne souhaite pas généraliser un tel dispositif, qui n'est pas sain, et nous devons donc faire en sorte de revenir à un système où les heures supplémentaires sont soit récupérées, soit payées. En tout état de cause, ce qui sera payé en fin d'année, en fonction de chiffres dont je ne dispose pas encore, correspond à des volumes qui n'auront pas d'incidence sur le choix consistant à partir parfois plusieurs années avant la date normalement prévue pour le départ en retraite.

J'insiste sur le fait que le système de départ en retraite par anticipation n'est vraiment pas sain. Si, demain, un agent du SDLP voulait être nommé à Nice, par exemple, son recruteur ne manquerait pas d'hésiter en examinant son dossier, qui ferait apparaître qu'il a sept ans d'heures supplémentaires à récupérer – ce qui implique qu'à son départ, cet agent soit encore compté dans les effectifs et ne puisse donc pas être remplacé.

Cela dit, je le répète, je suis conscient du fait que les personnels de certains services ont intégré à leur parcours de vie la perspective de partir en retraite de façon anticipée, et je ne souhaite pas imposer un paiement généralisé des heures supplémentaires pour tous.

Le taux d'indemnisation envisagée est celui en vigueur actuellement, à savoir 12,47 euros brut de l'heure. Nous souhaitons avoir une approche du paiement des heures tenant compte d'un encadrement : conformément à ce qui a été négocié avec les syndicats, les heures supplémentaires ne seront payées qu'à partir d'un total de 160 heures par personne ; par ailleurs, un maximum de 400 heures sera appliqué, afin de limiter l'incidence fiscale du paiement d'un grand nombre d'heures.

Le fait que nous retenions un taux de 12,47 euros de l'heure est plutôt une bonne nouvelle, car il faut avoir en tête que le dispositif de défiscalisation n'était initialement pas prévu – du moins sa généralisation ne l'était-elle pas.

Je rappelle donc les principales modalités du dispositif prévu : paiement du stock sur plusieurs années, paiement des heures supplémentaires l'année prochaine – en dehors de celles des CRS, qui étaient déjà financées – et non-reconstitution, grâce à un accord global sur le temps de travail.

Vous avez évoqué les manifestations de gilets jaunes, et notamment la situation de Toulouse. Il y a quinze jours, il y avait encore 4 000 manifestants à Toulouse, dont des black blocs qui se sont livrés à des provocations et sont immédiatement allés au contact des forces de sécurité – évidemment, certains se sont empressés de mettre en ligne des vidéos tronquées pouvant laisser croire à une anomalie dans le comportement des forces de l'ordre. Effectivement, Toulouse n'a pas connu une semaine sans mobilisation depuis plusieurs mois, et les personnes qu'on voit dans les rues ne sont pas des manifestants classiques, mais des individus multipliant les exactions : de ce point de vue, la préfecture de Haute-Garonne est sans doute l'endroit où s'exerce la plus grosse pression sur nos forces depuis le 17 novembre de l'année dernière. Cela étant, comme vous l'avez dit, d'autres villes sont régulièrement confrontées à une situation nécessitant l'intervention de nos services d'ordre, et je vous remercie d'avoir salué leur action.

Vous m'avez demandé si des mesures particulières étaient prévues pour l'anniversaire des gilets jaunes, le week-end du 16 au 17 novembre. L'ordre public n'a pas à être rythmé par ce genre d'anniversaire et, sans vouloir faire de la provocation, je vais vous dire que rien de particulier n'est prévu à l'instant présent – évidemment, nous prévoirons ce qu'il faut le moment venu, comme nous le faisons tous les samedis, en fonction des informations recueillies par les services de renseignement sur la mobilisation et en tenant compte de la situation de chaque commune. Puisque vous m'avez posé la question, je vous précise que, bien entendu, mon souhait serait de ne rien avoir à prévoir…

La question des véhicules constitue un vrai sujet, compte tenu du vieillissement de notre parc automobile. L'effort de renouvellement de la flotte de véhicules, déjà significatif, va se poursuivre en 2020. Je rappelle que nous avons acheté 6 000 véhicules neufs en 2018, et 5 500 en 2019. Je souhaite que, pour 2020, il y ait 2 500 véhicules supplémentaires pour la police nationale, et 2 000 pour la gendarmerie. Par ailleurs, il faudrait accomplir un effort particulier pour certains types de véhicules – je pense aux cars qui servent à transporter les forces de gestion de l'ordre public, en particulier dans la gendarmerie, où les véhicules sont très vieillissants. En plus de ces dotations, 10 millions d'euros seront dédiés à l'équipement en matière de gestion de l'ordre public.

Est-ce que cela suffit ? La réponse est clairement non : cela ne suffit pas pour pallier le vieillissement du parc automobile. L'idéal serait de pouvoir faire plus, mais des arbitrages doivent se faire à un très haut niveau, et il faut tout de même reconnaître qu'il y a une amélioration significative de la situation depuis quelques années.

Pour ce qui est des retraites, nous sortons un peu du cadre budgétaire, mais je vais vous répondre en vous disant ce que j'ai déjà dit et que le haut-commissaire aux retraites a également dit la semaine dernière, le 18 octobre, lors de la rencontre que j'avais organisée entre lui et les organisations syndicales de la police. Une autre rencontre a eu lieu le 3 octobre entre le CFMG, la ministre des Armées et le haut-commissaire, mais je ne parlerai que de la police, le statut des militaires étant particulier. Notre volonté est de prendre en compte, dans le cadre de la réflexion qui s'est ouverte, la dangerosité des missions régaliennes – ce n'est pas une annonce, le Président de la République s'étant déjà exprimé à ce sujet.

Il y a actuellement un débat sur la fonctionnalité : toute fonction dans la police implique-t-elle une dangerosité ou pas ? J'ai déjà livré mon sentiment sur ce point et je ne le referai pas mais, pour ce qui est des organisations syndicales, elles ont une position assez claire, consistant à considérer que le fait d'être policier constitue de nos jours un risque constant : en d'autres termes, le simple fait d'être policier en poste dans un commissariat représente une situation de risque. Il ne faut pas seulement envisager l'hypothèse où un policier serait personnellement attaqué, mais aussi celle où il devrait intervenir pour neutraliser une personne représentant une menace : cela n'est pas sans incidence sur le plan psychologique, même si tous les policiers sont formés pour faire face à une situation de ce type – je pense à ce jeune homme qui a dû intervenir à la préfecture de police alors qu'il n'était en poste que depuis six jours. Peu de métiers sont confrontés à cette réalité, et je considère que c'est une forme de dangerosité que de devoir neutraliser un adversaire.

Aujourd'hui, un policier peut être menacé jusque dans sa vie privée, et même à son domicile, comme l'a malheureusement montré le drame qui s'est déroulé en 2016 à Magnanville. Par ailleurs, la situation actuelle exige que nous mobilisions chaque samedi sur le terrain des femmes et des hommes qui ne l'étaient pas habituellement, et qui ont accepté sans rechigner de l'être. Pour toutes ces raisons, les organisations syndicales souhaitent l'extension la plus large possible de la notion de dangerosité.

Il y a des corps de métier dans lesquels la dangerosité n'est pas prise en compte – je pense notamment à la police technique et scientifique (PTS) qui, à l'heure actuelle, ne bénéficie pas de la bonification du cinquième. Certains considèrent que tous les personnels de police doivent se voir appliquer la notion de dangerosité, d'autres qu'elle ne doit être étendue qu'à certaines catégories de policiers. Tous les sujets sont sur la table, et nous sommes ouverts à la discussion, dont les futures étapes constituent d'ores et déjà un calendrier.

Le cumul emploi retraite est une revendication défendue par les syndicats. Le droit à pension, pour un gendarme, est immédiatement mobilisable, ce qui n'est pas le cas pour un policier. Ce dernier part plus tôt, mais ne dispose pas de la possibilité de cumul. Je ne vous annonce rien ce jour, car cette question fera l'objet d'un débat qui valorisera et prendra en compte la dangerosité spécifique de la mission régalienne endossée par les gendarmes, ayant un statut militaire, et par les policiers.

J'ai souhaité organiser une rencontre entre les organisations syndicales des sapeurs-pompiers professionnels et le Haut Commissaire aux retraites. En effet, la question se pose également de l'évolution des retraites des sapeurs-pompiers, bien qu'il en ait peu été question dans le débat public ; elle se pose aussi au sujet des policiers municipaux, pour lesquels la dangerosité doit être prise en considération. J'en ai parlé avec le Haut Commissaire aux retraites et les discussions à ce sujet débuteront prochainement, suivant le rythme et les orientations décidées par le Premier ministre.

J'ai souhaité qu'une réflexion soit lancée au sujet de l'organisation et de la durée de la formation. En effet, le niveau de la formation initiale est très haut, et ce, concernant les deux forces. Nous devons réfléchir à une évolution tenant compte de la formation initiale, mais laissant plus de places à l'alternance sur le terrain, afin de mieux orienter les choix de nos forces ; actuellement, ces choix ne sont pas toujours effectués en fonction de la réalité des métiers. Je souhaite également travailler à la question de la formation tout au long de l'activité, car les métiers changent très vite. L'une des possibilités consisterait à raccourcir la formation initiale, afin d'obtenir une opérationnalité sur le terrain plus rapide ; parallèlement, les moyens consacrés à la formation continue des cadres seraient renforcés. Cependant, il reste difficile de quitter son poste pour suivre une formation, même lorsque l'on y a droit, car cela fait peser sa charge de travail sur ses camarades. Quoi qu'il en soit, j'estime qu'un dispositif favorisant la formation tout au long de la vie professionnelle est préférable à celui qui mise tout sur la formation initiale.

J'ai d'ores et déjà évoqué les volumes globaux concernant la question de l'immobilier ; nous la traiterons plus en détail ultérieurement.

Vous avez abordé le vieillissement des véhicules blindés de la gendarmerie et vous n'avez pas tort. Ces engins coûtent très cher et nous devrons réfléchir à la répartition de l'enveloppe de 10 millions d'euros dédiée aux moyens matériels pour la gestion de l'ordre public. À ce stade, aucune décision n'a été prise. Nous avons travaillé notamment à rendre viables à nouveau d'anciens VBRG (véhicules blindés à roues de la gendarmerie), par le biais d'un prototype, ainsi qu'à l'acquisition de nouveaux types de matériels. Un partenariat a été noué avec le ministère des armées : certains matériels seront mis à notre disposition et pourraient permettre d'améliorer la gestion de l'ordre public. Il s'agit de matériels inadaptés aux théâtres d'intervention du ministère des armées, en particulier à l'étranger, mais que nous pouvons adapter à nos missions.

La réforme territoriale menée dans les outre-mer doit être au coeur des réflexions du Livre blanc. Je reconnais l'existence d'une spécificité, mais je ne suis pas convaincu qu'il faille limiter la réforme aux outre-mer. Quoi qu'il en soit, la question est posée et nous évoluerons concernant ce sujet.

S'agissant du « plan stup' » et de l'Office anti-stupéfiants (OFAST), 5 millions d'euros de moyens supplémentaires seront consacrés au développement de techniques particulières, au sujet desquelles je ne m'étendrai pas. Nous réinventons notre façon d'intervenir : il s'agit de s'appuyer sur une organisation territoriale autour de l'OFAST, qui sera pleinement opérationnel le 1er janvier 2020. Cet office rassemblera policiers, gendarmes, magistrats, douaniers, ainsi que des représentants du ministère des armées et du ministère des affaires étrangères, non pas sous son autorité, mais afin d'en assurer la coordination. Le numéro 2 de l'OFAST est un procureur ; ce choix, que j'assume, a fait débat au sein de mon ministère. Il est en effet indispensable que les magistrats assurent pleinement leur rôle dans les orientations politiques du ministère de l'Intérieur, car ils les dirigent sur le terrain.

L'organisation territoriale s'articulera autour de seize antennes et de plusieurs cellules du renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS). Cela permettra de disposer d'une structure de partage entre tous les acteurs oeuvrant de près ou de loin à la sécurité des Français. Les CROSS ont été instaurées avant même l'élaboration du plan d'action comptant 55 mesures. Les approches seront différenciées entre les aires urbaines et de plus vastes territoires, car les trafics de stupéfiants ne sont pas uniquement urbains. Des logistiques se mettent en place dans des départements ruraux, et nous devons les combattre. En effet, certaines grandes villes avaient le monopole de la gestion opérationnelle sur des territoires plus vastes. Nous constatons désormais un essaimage plus large : ainsi, les règlements de comptes qui étaient circonscrits à quelques villes se déroulent maintenant dans des villes intermédiaires situées à proximité. Nous devons tenir compte de cette nouvelle cartographie. Par ailleurs, certaines villes, telles que Besançon ou Dreux, présentent des spécificités au sein d'une organisation régionale du trafic de drogue. Une approche territoriale est donc indispensable.

Il nous faut également assumer la société de la vigilance évoquée par le Président de la République, qui concerne l'ensemble des sujets de sécurité. Cette notion a suscité un débat au sujet de la lutte contre la radicalisation ; elle s'apparente en réalité à ce que pratiquent déjà nos concitoyens lorsqu'ils signalent un bagage abandonné dans un aéroport. Nous avons proposé la création d'une plateforme de signalement, qui fera l'objet d'une expérimentation. Elle permettra aux informations utiles aux CROSS d'être traitées en respectant l'anonymat, protégeant ainsi contre tout risque les personnes contribuant à la mise en oeuvre d'une vérité et d'un plan d'action.

Monsieur Viala, votre diagnostic concernant le secours d'urgence aux personnes (SUAP) et la crise des pompiers est juste. Plus de 80 % de l'activité de ces derniers est liée aux SUAP. Cette situation ne relève pas d'un problème entre le ministère des Solidarités et de la santé et le ministère de l'Intérieur, mais est liée au vieillissement de la population et à l'évolution des pratiques des professionnels de santé. Chaque année, nous constatons une très forte augmentation de l'activité de SUAP. Dans les missions assurées par les sapeurs-pompiers, qui ne relèvent pas de leurs attributions, je distingue les interventions classiques des interventions de confort. Les interventions classiques sont par exemple celles qui ont lieu en fin de semaine dans les quartiers festifs. Les interventions de confort, qui révèlent un véritable dysfonctionnement, sont celles où les pompiers pallient les carences ambulancières. Dans une société où certains considèrent qu'ils ont des droits plutôt que des devoirs, les pompiers sont parfois appelés pour un simple transfert à l'hôpital.

La croissance des activités des SUAP ne cessera pas : c'est pourquoi l'organisation des interventions doit être plus efficace. Nous devons revoir totalement la gestion des carences ambulancières. La ministre Agnès Buzyn a annoncé qu'un régulateur ambulancier serait présent au sein de chaque plateforme. Si les SUAP demeurent dans le coeur de métier des pompiers, il est nécessaire de prendre en compte les évolutions et d'améliorer le système.

Venons-en à la plateforme unique. Je considère, en tant que ministre de l'Intérieur, que les pompiers y sont essentiels ; la ministre des Solidarités et de la santé estime quant à elle que les médecins y sont essentiels. Plutôt que nous opposer, nous avons décidé de confier à deux personnalités, l'une issue du monde des pompiers et l'autre issue du secteur de la santé, la rédaction d'un rapport. Celui-ci nous sera remis avant la fin de l'année 2019. Ainsi, nous serons en mesure de procéder à des expérimentations dès le début de l'année 2020 dans des plateformes physiques où travaillent déjà différents services. Là où existent de telles plateformes, l'amélioration du service rendu est réelle, grâce au dialogue et au partage d'une culture commune. Nous devons aller plus loin et identifier de nouvelles plateformes pour progresser. Nous opposer nous conduirait dans une impasse, car il ne s'agit pas uniquement d'une question de cartographie, mais aussi de culture. La cartographie est importante : les ARS sont organisées à l'échelle des régions, alors que les SDIS le sont au niveau départemental. Nous devons progresser en matière de culture commune, afin d'obtenir une meilleure régulation. Parallèlement, je souhaite que lorsque les pompiers pallient les carences ambulancières, ces interventions leur soient payées au juste prix ; tel n'est pas le cas actuellement. J'ai confié à l'inspection générale de l'administration la mission d'évaluer ce juste prix. Les SDIS, mais aussi le ministère de l'Intérieur, pourront ensuite s'appuyer sur cette évaluation.

Comment accompagner l'évolution sociétale en matière de rapport aux services publics, qu'il s'agisse des pompiers ou des acteurs du soin en général, pour faire en sorte que les pratiques aujourd'hui insupportables cessent et que les pompiers retrouvent leur coeur de métier ? Ces derniers n'ont rien à l'encontre des SUAP, mais ils souhaitent concentrer leur action là où ils sont véritablement utiles.

Vous m'avez interrogé sur la sécurité des pompiers face aux agressions. Celles-ci sont toutes insupportables, car finalement, agresser des pompiers, c'est s'agresser soi-même. Lors du congrès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers volontaires (FNSPV) qui s'est tenu à Vannes en septembre dernier, son président a indiqué que le nombre d'agressions n'est pas en augmentation. Néanmoins, tous les acteurs, des SDIS jusqu'au ministère, souhaitent que des plaintes soient systématiquement déposées. Parallèlement, si le nombre d'agressions n'augmente pas, certains ont le sentiment que leur violence s'accroît. Par conséquent, un certain nombre d'expérimentations seront menées. Ainsi, des caméras-piétons seront installées dans les SDIS qui le souhaitent. Elles suscitent des réserves, comme cela avait été le cas au sein de la police nationale. L'expérience de terrain a levé les derniers doutes et les policiers ont souligné à quel point ces caméras ont modifié leur rapport aux agresseurs potentiels, en particulier lors des contrôles d'identité. Nous souhaitons expérimenter ce système de prévention auprès des pompiers ; tel est d'ores et déjà le cas à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) notamment. L'équipement en gilets pare-lames est également un sujet à l'étude.

Les plateformes communes permettront d'informer les pompiers lorsqu'ils interviennent auprès de personnes présentant des troubles psychiatriques. Une telle intervention, il y a un an, avait entraîné le décès d'un pompier de la BSPP. En outre, j'ai demandé à tous les préfets, dans chaque département, de revoir les plans d'intervention quartier par quartier, afin de coupler l'intervention des pompiers et celle des forces de l'ordre. Cependant, dans certains quartiers, cela n'est pas simple pour les pompiers : rester dans leur camion en attendant que la police arrive peut susciter l'incompréhension de nos concitoyens et provoquer des tensions. Néanmoins, je considère que garantir la sécurité des pompiers est indispensable. Pour y travailler, nous disposons de nombreuses mesures : la généralisation des coordinateurs ambulanciers, la révision des dispositifs relatifs aux carences ambulancières, la prise en compte du prix réel des interventions ambulancières, la réduction du temps d'attente aux urgences, la systématisation des départs réflexes et, enfin, l'identification et généralisation des bonnes pratiques.

Concernant la question des différents numéros, pour le soin et pour l'urgence, le plan d'action évoqué par Agnès Buzyn concerne uniquement le soin. Par conséquent, il ne relève pas de la plateforme unique. Le ministère de l'Intérieur est pleinement associé aux travaux du ministère des solidarités et de la santé concernant ce premier volet, mais nous devons faire preuve de vigilance afin de ne pas mélanger des éléments distincts. En tout état de cause, vous pouvez compter sur nous pour progresser sur ce sujet, pour vous en rendre compte et pour vous associer à nos réflexions.

Le soutien à l'investissement des SDIS peut se faire par le biais de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dans le cadre de discussions territorialisées. Je rappelle que la DETR a fortement augmenté au cours du précédent quinquennat ; nous l'avons maintenue à ce niveau. Comme je l'ai indiqué à Vannes lors du congrès de la FNSPV, j'ai demandé aux préfets de prendre contact avec les présidents de département et les présidents de SDIS, afin de travailler à un plan d'investissement dans la durée. Des moyens d'État pourraient y être affectés, afin de continuer à progresser et d'apporter davantage de clarté dans la durée. Je ne tiens pas particulièrement au formalisme de ces conventions, qui n'auront pas nécessairement besoin d'être contractualisées.

S'agissant des crédits propres du ministère de l'Intérieur, l'habitude a été prise progressivement de ne pas intervenir ponctuellement sur tel ou tel SDIS, mais plutôt d'investir massivement dans des objets servant à tous, tels que NexSIS. Si une forme de résistance à cet outil s'était développée lors de son lancement, nous sommes parvenus à un fonctionnement donnant toute satisfaction, mais qui peut encore progresser.

En matière de mesures de recrutement et d'augmentation salariale par la prime au feu, le principe selon lequel « qui paie décide » me semble tout à fait pertinent. La gestion des SDIS est décentralisée ; bien que l'un d'entre eux m'ait envoyé un courrier demandant leur recentralisation, je ne suis pas certain qu'il s'agisse de la position des associations des départements et des maires de France. Nous devons bien évidemment travailler de concert, mais dans le respect de ce que nous sommes. Concernant les revendications relatives aux embauches et à l'augmentation du montant de la prime au feu, je ne déciderai pas pour les autres, mais avec eux s'ils le souhaitent et j'exécuterai leur décision. En effet, je ne saurais donner des leçons de prodigalité aux collectivités locales quand je suis moi-même parfois contraint de rejeter des sollicitations de militaires relevant de mon autorité.

La directive européenne sur le temps de travail (DETT) soulève une contradiction entre les sapeurs pompiers professionnels, qui revendiquent un plan d'embauche massif pour remplacer les sapeurs-pompiers volontaires, et ces derniers, qui ne souhaitent aucune modification de leur temps de travail. Je suis raisonnablement optimiste quant à notre capacité à obtenir, d'ici à la fin de l'année, une lettre de confort de la Commission européenne. Par conséquent, nous devrions être en mesure de gérer cette situation sans provoquer de drame. J'ai voulu mener deux fronts concomitamment : d'une part, utiliser toutes les dérogations possibles de la DETT, la Commission étant très ouverte comme l'avait fait savoir son président à celui du Sénat ; d'autre part, ne pas exclure la possibilité de défendre une directive européenne consacrée à l'engagement au sens large. En effet, si la DETT protège les travailleurs, elle est problématique s'agissant de l'engagement des sapeurs-pompiers, en particulier en cas de garde casernée. Une directive européenne consacrée à l'engagement irait bien évidemment au-delà des seuls sapeurs-pompiers et pourrait concerner les maires, par exemple. La fédération nationale des sapeurs-pompiers français (FNSPF) a d'ores et déjà évoqué ce sujet avec des acteurs européens et j'ai moi-même commencé à en parler avec plusieurs de mes homologues.

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L'examen des missions « Sécurité » du PLF pour 2020 est pour le groupe La République en marche l'occasion de revenir sur une notion essentielle, celle de l'engagement. L'engagement tout d'abord des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, qui concourent chaque jour à la protection du pays. L'engagement, ensuite, du Gouvernement qui depuis le début du quinquennat fournit un effort budgétaire croissant en matière de sécurité intérieure. En effet, cette année encore les budgets de sécurité sont en augmentation. Ce sont ainsi près d'un demi-milliard d'euros supplémentaires qui sont attribués à l'ensemble des missions de sécurité. En y ajoutant les précédentes augmentations, la hausse de ces budgets s'élève à plus d'un milliard en trois ans. Il s'agit ici non seulement de la preuve que notre majorité a su entendre les besoins que les forces de sécurité ont fait remonter du terrain, mais également de la reconnaissance du travail quotidien que ces hommes et ces femmes ont fourni dans un climat social tendu. En effet, je crois important de mettre ici en avant la mobilisation d'une intensité inédite des forces de l'ordre dans leur mission de protection de l'ordre public et des populations, dans un contexte terroriste qui demeure malgré tout très critique. Le travail mené au sujet des heures supplémentaires est à saluer.

Le respect des engagements du Président de la République en matière de recrutement est indéniable. Ce sont ainsi 2 000 effectifs supplémentaires qui seront recrutés dans la police et la gendarmerie cette année, s'ajoutant aux 4 500 déjà arrivés depuis le début du quinquennat. Dans la police nationale, le recrutement est en constante progression, notamment en matière de sécurité publique, de police des étrangers ou de transports nationaux. Le Gouvernement poursuit son engagement pour la sécurité des Français avec 1 400 créations d'emplois en 2020.

Dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, plus de 350 contrats opérationnels de protection, impliquant élus et populations, ont été passés.

Enfin, l'entrée en vigueur des 32 quartiers de reconquête républicaine se poursuit avec le renforcement des effectifs qui leur seront attribués en 2020.

En matière d'investissement, l'État consacre des efforts budgétaires importants, notamment par le biais d'une nouvelle mesure qui sera consacrée à l'acquisition de matériels dédiés aux techniques spéciales d'enquête dans le cadre du plan national de lutte contre les stupéfiants. La gendarmerie nationale n'est pas oubliée, avec la poursuite de l'objectif de 2 500 recrutements au cours du quinquennat. Ce seront 550 emplois cette année, dont 27 ETP dans le cadre de la seule montée en puissance du renseignement.

En matière d'investissements numériques, nous saluons la transformation dans le sens de la proximité numérique avec les usagers ; 71 millions supplémentaires seront dédiés à l'acquisition de terminaux NéoGend et à l'investissement dans la lutte contre les cyber menaces grâce à des dispositifs comme Cybergend.

Je me réjouis que la ruralité ne soit pas oubliée dans ce budget, avec la montée en puissance des brigades territoriales de contact dans plus de cinquante circonscriptions. Leurs effectifs seront déchargés des tâches administratives pour se consacrer à une approche de proximité.

La consolidation de la sécurité civile se poursuit également avec la modernisation des moyens nationaux d'intervention. Ainsi, trois des six avions multi-rôles seront acquis d'ici à la fin de l'année 2020 pour un coût de 66 millions. Ils intégreront le dispositif de lutte contre les feux de forêt. Je souhaite ici saluer la mobilisation de nos sapeurs-pompiers durant la saison estivale ; la proportion de plus de 95 % d'incendies de forêt éteints avant de dépasser le seuil des cinq hectares en témoigne.

La poursuite du plan volontariat est indispensable, et nous nous réjouissons que d'ores et déjà les deux tiers des préconisations aient été ou soient en passe d'être effectives. N'oublions jamais que 80 % de nos sapeurs-pompiers sont des volontaires. Pourriez-vous nous en dire davantage quant à l'avancée de ces travaux ?

Enfin, soyez assuré du soutien qui est le nôtre dans la démarche engagée à la demande du Président de la République et qui a vocation à revoir le mécanisme de gestion des appels d'urgence dans l'optique du numéro unique. Ce travail entre le ministère de l'Intérieur et le ministère des solidarités et de la santé est indispensable pour répondre à la hausse constante du nombre d'interventions de secours aux personnes. Chaque année, les sapeurs-pompiers reçoivent de plus en plus d'appels à l'aide. Rappelons qu'ils interviennent une fois toutes les six secondes. Pour cela et pour leur engagement, ils méritent toute notre reconnaissance.

Pour conclure, je constate que le Gouvernement est extrêmement ambitieux pour la sécurité des Français. Nous sommes à la hauteur de la menace, des attentes de nos concitoyens et de l'engagement de nos forces de sécurité.

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Ce budget s'inscrit dans un contexte d'une particulière gravité pour les forces de l'ordre, qui sont confrontées à la violence terroriste islamiste. La tragédie qui a frappé la préfecture de police, faisant quatre victimes parmi ses fonctionnaires, en est l'illustration. La police et la gendarmerie font face à une activité très dense, une augmentation de la violence et des tensions, ainsi qu'à une crise migratoire durablement installée. Cette tension s'est exprimée dans les rues : plus de 20 000 policiers ont manifesté le 2 octobre dernier. L'ampleur inédite de cette manifestation traduit la colère et le malaise des forces de l'ordre, confrontées à une violence en augmentation et exposées à des menaces de plus en plus nombreuses, sans que leurs moyens y soient adaptés.

Les sapeurs-pompiers ont également exprimé dans la rue leur légitime colère. Les réponses que vous avez apportées, reportant les décisions sur les collectivités locales, ne peuvent les satisfaire.

Nous prenons acte de l'augmentation de ce budget, mais nous considérons qu'il n'est pas à la hauteur de la gravité de la situation. Cela n'est pas inédit et vous n'êtes pas personnellement en cause, monsieur le ministre. Depuis plusieurs législatures en effet, chaque ministre de l'Intérieur fait au mieux pour apposer quelques rustines, alors que la maison entière manque cruellement de moyens, compte tenu de la tâche à laquelle les forces de l'ordre sont confrontées. Je rappelle que sur 1 000 euros de dépenses publiques, à peine 25 sont consacrés à la sécurité. Cette somme est dérisoire au regard de la situation du pays. Nous attendons avec impatience la loi d'orientation que vous avez annoncée ; il y a longtemps déjà que je l'appelle de mes voeux. Ce texte, issu du Livre blanc en cours de rédaction, ne sera déposé qu'à l'automne 2020 ; cela signifie qu'une loi serait promulguée à la mi-2021 et que les décisions budgétaires concerneraient la loi de finances pour 2022. Autrement dit, rien ne serait concrétisé au cours du présent quinquennat, ce qui n'est guère rassurant.

Ce budget ne fait qu'apposer des rustines et cache une situation très dégradée. L'augmentation des effectifs se fait au détriment des moyens de fonctionnement et d'équipement. La Cour des comptes l'a dénoncé et nous le signalons également. Le bleu budgétaire en témoigne : les dépenses de fonctionnement en autorisation de programme pour la police diminuent de 16,18 % et les dépenses d'investissement de 23,84 %. Vous avez évoqué la somme de 55 millions pour le remplacement des véhicules, soit une diminution de 17 millions. M. le rapporteur Mazars l'a rappelé également.

Quoi qu'il en soit, ce budget n'est pas à la hauteur des menaces, de la gravité de la situation, des tensions qui traversent les forces de l'ordre et qui s'expriment par ce chiffre tragique de 54 suicides de policiers depuis le début de l'année. C'est en pensant à ces derniers que nous devons répéter, collectivement, que le budget du ministère de l'Intérieur n'est pas à la hauteur des missions que ses fonctionnaires assurent pourtant avec un courage exemplaire. Nous devons rehausser ce budget ; le groupe Les Républicains a fait des propositions en ce sens. Une proposition de loi a été débattue dans le cadre d'une niche parlementaire ; elle vise à porter en cinq ans l'effort budgétaire en faveur de missions de sécurité à 1 % du PIB. Nous devons en effet donner à ceux qui nous protègent les moyens d'assurer leur mission, en témoignage de notre reconnaissance et de notre respect.

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La mission « Sécurité » est essentielle pour le quotidien des Français, car son objectif principal consiste à protéger et à secourir les citoyens dans l'ensemble du territoire. Elle est constituée de quatre programmes concernant la police, la gendarmerie, la sécurité routière et la sécurité civile.

Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés se félicite que ce budget poursuive sa hausse, puisqu'il progresse cette année de 500 millions d'euros. Le plan « 10 000 recrutements » continue à être appliqué : 2 000 recrutements seront réalisés en 2020. Il faut notamment souligner la création de 1 020 postes de policiers supplémentaires cette année.

Les forces de police et de gendarmerie partagent les mêmes objectifs, dans des périmètres certes différents. Elles sont toutes deux très impliquées dans la lutte contre la délinquance, le maintien de l'ordre et la lutte contre la criminalité organisée, avec un effort particulier contre le trafic de stupéfiants, qui s'inscrit dans le cadre du plan de lutte contre l'addiction. En outre, les forces de l'ordre sont toujours particulièrement mobilisées dans la lutte contre le terrorisme. Il faut d'ailleurs souligner qu'elles bénéficieront des réformes prévues dans la loi de programmation et de réforme de la justice : de nouveaux outils et des procédures plus efficaces faciliteront leur travail.

Le ministère de l'Intérieur oeuvre également pour la valorisation d'une culture de la prévention au sein de la police nationale et pour la promotion d'une culture de la proximité dans la gendarmerie. Ce sont des démarches tout à fait positives qu'il est nécessaire de poursuivre. À ce titre, je note une proposition intéressante introduite par le Sénat dans le projet de loi « Engagement et proximité » : elle prévoit une meilleure information des élus locaux, grâce à une présentation annuelle aux conseils municipaux, par le chef de la circonscription de sécurité publique, de l'action de l'État en matière de sécurité et de prévention de la délinquance dans la commune. Peut-être pourriez-vous nous indiquer ce que vous en pensez ?

Concernant la gendarmerie, je tiens à souligner les efforts importants en matière d'outils numériques, à travers le déploiement de NéoGend et, surtout, grâce au réseau Cybergend qui monte véritablement en puissance. En effet, l'effectif, actuellement de 4 000 personnels, devrait atteindre 7 000 personnels en 2022. Cette brigade numérique a su développer une véritable expertise dans la lutte contre la délinquance sur internet.

La sécurité routière est importante dans mon territoire de la Vendée, qui est malheureusement très mal classé malgré les efforts du préfet, que je souhaite souligner. Le bilan pour 2018 est encourageant, puisque la mortalité a fortement baissé avec 196 décès en moins qu'en 2017. Nous espérons que cette tendance se poursuivra en 2019. Par ailleurs, où en sommes-nous au sujet des dégradations des radars automatiques depuis un an ? Des effets sont-ils à craindre en termes d'accidentalité ?

Pour conclure, je souhaite également vous interroger sur les mesures qui seront prises par le ministère en matière de lutte contre les violences conjugales, dans le prolongement du Grenelle et de la proposition de loi d'Aurélien Pradié. Pourriez-vous nous indiquer quels seront les moyens engagés dans l'accueil et l'accompagnement des victimes ? Il y a là un véritable enjeu de sensibilisation et de formation des agents, pour garantir une écoute attentive et une prise en compte effective du danger auquel ces victimes sont exposées. Il faudrait, en plus des démarches judiciaires, que les forces de l'ordre puissent orienter les victimes vers les juges aux affaires familiales, afin d'améliorer le recours aux ordonnances de protection. Je tenais également à relayer les propos de ma collègue Josy Poueyto qui avait souligné l'importance des contrats locaux de sécurité et la possibilité de proposer des services d'assistance sociale dans les commissariats et les gendarmeries, afin d'accompagner au mieux les victimes de violences conjugales.

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Nous nous félicitons du recrutement de 2 000 policiers et militaires. Cependant, une telle décision n'est pas anormale compte tenu de la situation, que nous connaissons tous, dans laquelle se trouve notre pays. Toutefois, nous nous demandons comment ces recrutements seront réalisés, puisque la Cour des comptes a pointé un écart significatif entre les plafonds d'emplois prévus et les effectifs réels. Cet effectif sera-t-il véritablement atteint ?

Par ailleurs, une forte diminution du nombre d'adjoints de sécurité est prévue. Nous le regrettons, car il s'agit d'une voie d'accès à la fonction publique qui est appréciée par les jeunes. Il est également prévu dans le bleu des mesures d'adaptation aux évolutions récentes des mouvements revendicatifs tel que celui des gilets jaunes. Pouvons-nous avoir des précisions à ce sujet ? S'agit-il de moyens techniques ou de véhicules ? Ce point manque de clarté.

Nous apprécions l'effort de recrutement mené dans la police, ainsi que la résorption des heures supplémentaires. Toutefois, nous avons noté la faiblesse des mesures relatives aux bas salaires, alors que les salaires ne sont pas exorbitants dans la police, en particulier en début de carrière. Si les gendarmes ne se plaignent pas de leurs conditions de rémunération, ils ont souligné les conditions matérielles pour le moins acrobatiques dans lesquelles ils doivent exercer leur fonction.

Nous aimerions disposer des résultats d'une importante expérimentation, celle des caméras piétons destinées à lutter contre les contrôles au faciès. Qu'est-il prévu dans le budget pour sa poursuite ou son extension ?

Vous êtes revenu à police de proximité, que vous avez rebaptisée police de sécurité du quotidien. Comment sera-t-elle concrètement appliquée, non seulement dans les 32 quartiers de reconquête républicaine, mais aussi dans les autres quartiers, où existe un certain nombre de difficultés ?

Nous avons également des interrogations au sujet de la sécurité civile. Vous avez évoqué le malaise chez les pompiers, auxquels les policiers ont répondu sans ménagement. Pourriez-vous nous expliquer ce que le ministère de l'Intérieur envisage pour améliorer cette situation ?

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Le budget que nous examinons est capital, en particulier dans le contexte actuel. S'agissant du programme « Sécurité civile », que pensez-vous de la possibilité de sortir du dispositif Cahors – de « décahorsiser » – les contributions des conseils départementaux aux SDIS ? Cette possibilité correspond à une demande des sapeurs-pompiers ; elle avait été appliquée l'année dernière s'agissant des mineurs non accompagnés. Cela permettrait aux conseils départementaux volontaires de contribuer de manière plus importante aux budgets des SDIS.

La DETT est un sujet majeur, que nous avons déjà évoqué. Certains acteurs, tels que les sapeurs-pompiers volontaires, demandent davantage de professionnalisation. En France, sur 248 000 sapeurs-pompiers, 80 % environ sont des volontaires. Dans les Vosges, ces derniers représentent 95 % des 2 950 sapeurs-pompiers. Quel serait le coût de leur professionnalisation ? Le statut de sapeur-pompier ne risquerait-il pas d'être galvaudé ? Les finances publiques seraient-elles capables d'assumer ce coût ?

Par ailleurs, dans les Vosges, il existe d'ores et déjà une plateforme commune entre le SAMU et les sapeurs-pompiers. Cette expérimentation, entrée en vigueur il y a plus de deux ans, a des résultats très positifs.

Je voudrais revenir sur les crédits des programmes 176 et 152 à la lumière du rapport sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité que j'ai présenté avec Jean-Michel Fauvergue. Il y a des aspects positifs : les crédits augmentent globalement, mais on peut avoir de vraies interrogations quand on entre un peu dans le détail et qu'on regarde les demandes des policiers et des gendarmes.

Les crédits du titre II augmenteront pour la police, mais comment la hausse des moyens va-t-elle être fléchée ? Pour quels postes va-t-on recruter ? Confirmez-vous que cela concernera les compagnies républicaines de sécurité (CRS) ? C'est extrêmement important : on a vraiment besoin d'une augmentation des moyens pour le maintien de l'ordre, et cela vaut aussi bien pour les CRS que pour les escadrons de gendarmerie mobile. Or je ne vois rien dans le PLF en ce qui les concerne. Que prévoyez-vous ? Nous avions évoqué avec vous la question du « redispatching » des 5e pelotons entre les différents escadrons dans le cadre de la commission d'enquête et nous avions constaté qu'il faudrait encore à peu près 800 recrutements pour les escadrons de gendarmerie mobile. Comment voyez-vous les choses ?

Vous avez parlé de l'expérimentation relative aux nouveaux cycles horaires. Ils sont appliqués au commissariat de Remiremont, et les policiers ont un avis positif sur ce sujet – il faut le souligner.

Je regrette, en revanche, la baisse des dépenses de fonctionnement, et la question de leur fléchage se pose aussi. Les policiers demandent de pouvoir maîtriser beaucoup mieux leurs budgets. Dans certains commissariats, il faut faire une demande au directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), voire plus haut, quand on veut acheter une ampoule coûtant 2 euros : on marche un peu sur la tête. Il ne suffit pas d'avoir un budget assez conséquent : il faudrait aussi être capable de le flécher, de le donner aux DDSP, voire directement aux commissariats. Qu'en pensez-vous ?

Vous avez évoqué un montant de 75 millions d'euros pour la réserve opérationnelle. Or on sait très bien qu'il faut environ 100 millions pour avoir une réserve opérationnelle qui fonctionne, qui soit capable d'apporter un soutien permanent à nos gendarmes. Une baisse drastique, d'à peu près 40 % des crédits, a eu lieu l'année dernière : la réserve opérationnelle sert de variable d'ajustement. Pourrait-on sanctuariser son budget pour être sûr d'avoir les crédits nécessaires ? Il risque d'y avoir encore des ajustements en 2020.

En ce qui concerne les VBRG, l'option du rétrofitage a-t-elle été étudiée ? Vous avez parlé d'un prototype tout à l'heure, ce qui signifie que vous optez plutôt pour un renouvellement. Pourquoi ? Par ailleurs, qu'en est-il du renouvellement des Irisbus ?

S'agissant des dépenses d'investissement, la sécurisation des casernes constitue clairement une priorité, ce qui est un point positif. Que prévoyez-vous pour la réfection de certaines de ces casernes, mais aussi des commissariats ?

Nous voterons en faveur de ce budget parce qu'il est en hausse, mais il faudrait améliorer le fléchage et prévoir davantage de moyens en matière de fonctionnement et d'investissement.

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Les moyens de la mission « Sécurités » augmenteront de presque 2 % – ils seront supérieurs à 20 milliards d'euros en 2020 – mais cette évolution ne permettra pas de répondre aux problématiques sécuritaires que connaît notre pays et d'apporter aux forces de l'ordre le soutien qu'elles doivent avoir.

Vous envisagez quatre solutions complémentaires afin de résorber le stock des heures supplémentaires non payées, dont le paiement annuel d'une partie du flux à partir de 2020 : vous prévoyez de consacrer 26,5 millions d'euros à l'indemnisation des heures récupérables. Nous ne savions rien, jusqu'à présent, des modalités envisagées. Vous avez apporté des précisions – dont acte. Nous suivrons l'évolution prévue.

Il est indispensable que nos concitoyens retrouvent confiance dans la doctrine du maintien de l'ordre. Lors de la crise des « gilets jaunes », force est de constater qu'il n'y a pas eu de juste équilibre entre le respect des libertés publiques et le nécessaire maintien de l'ordre. Les forces de l'ordre et nos concitoyens ont pâti des hésitations et des flottements que l'on a constatés. On doit faire évoluer la doctrine, les méthodes et les moyens des forces de l'ordre, aussi bien sur le plan humain que sur le plan financier, pour atteindre et préserver le juste équilibre qui est la pierre angulaire d'un État de droit.

Malgré les augmentations de crédits, nous ne pensons pas que ce budget permettra, en l'état, d'accompagner les évolutions nécessaires. Vous prévoyez environ 11 milliards d'euros, en crédits de paiement, pour le programme « Police nationale », soit presque le même montant que dans le cadre de la loi de finances initiale (LFI) pour 2019, alors que le pragmatisme et l'esprit de responsabilité devraient inciter à faire plus et mieux. Il en est de même pour le programme « Gendarmerie nationale » : vous prévoyez 8,9 milliards d'euros en crédits de paiement, contre 8,8 milliards d'euros en LFI pour 2019.

Ce budget est celui des illusions perdues – mais ce terme est peut-être un peu dur – ou en tout cas des promesses non financées. Quand on y regarde de plus près, on voit que les effectifs de la police nationale vont en réalité diminuer de près de 2 500 postes. Certes, les effectifs seront en légère hausse dans la gendarmerie nationale – il y aura environ 180 nouveaux emplois – mais il n'y a pas matière à se réjouir : on est loin des 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires annoncés sur l'ensemble du quinquennat – je parle des forces de l'ordre sur le terrain, et non de l'administration territoriale de l'État ou du pilotage des politiques de l'intérieur.

Le groupe Libertés et territoires souhaite que vous nous éclairiez sur l'avenir de la direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris. Le secrétaire d'État, M. Nunez, semble partisan d'un découpage entre la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et le service central du renseignement territorial (SCRT). Qu'en sera-t-il réellement ? Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer quels moyens vous entendez déployer concrètement et rapidement pour renforcer le renseignement en matière de terrorisme et pour protéger les services qui sont au coeur de notre dispositif dans ce domaine ?

Les acteurs de la sécurité civile doivent être soutenus et accompagnés. Vous prévoyez pourtant une baisse de 4,4 % des crédits alloués à cette politique si l'on tient compte des perspectives d'inflation. La tension entre la stabilité des effectifs globaux et l'accroissement continu des interventions n'est plus tenable : c'est un fait reconnu. De plus, la nature de la mission des sapeurs-pompiers change. La situation actuelle est révélatrice de l'inadéquation de notre système de sécurité civile aux évolutions de la société en matière de secours.

Nous sommes particulièrement inquiets, comme beaucoup ici, de l'avenir des sapeurs-pompiers volontaires. Le volontariat, qui est un des piliers du modèle français de sécurité civile, est menacé par un risque d'assimilation avec le statut de travailleur en raison d'une directive européenne de 2003 et de l'arrêt « Matzak » de la Cour de justice de l'Union européenne. Il faut se poser la question : que serait la chaîne de secours dans nos territoires sans le formidable maillage assuré grâce aux centres de secours et à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires ? Ces derniers réalisent en moyenne 36 % des gardes diurnes et 43 % des gardes nocturnes au plan national, et ces proportions sont encore bien plus importantes dans les SDIS ruraux et de montagne. Les sapeurs-pompiers volontaires représentent, par ailleurs, 66 % du temps d'intervention au niveau national, et le taux passe à 78 % dans les SDIS de catégorie C, dont la Corse fait partie. Pouvez-vous nous dire concrètement quelle est l'action du Gouvernement pour protéger notre modèle de sécurité civile, basé sur le volontariat ? Avez-vous avancé quant à la manière dont on pourrait enrayer les effets de la directive européenne de 2003 ?

En ce qui concerne la Corse, pourriez-vous vous engager à renouveler la colonne de réserve territoriale qui est affectée aux deux SDIS insulaires, compte tenu de l'aggravation du risque de feux de forêts à cause du dérèglement climatique ? Seriez-vous également prêt à assurer, dans le cadre d'un contrat opérationnel annuel, une réactivité accrue en matière de moyens aériens ? On pourrait envisager, par exemple, le retour dans l'île d'un hélicoptère bombardier d'eau de grande capacité, de type Aircrane. Et puisqu'on peut aisément mutualiser des moyens avec nos partenaires sardes pour réaliser des interventions, pourquoi ne pas discuter d'une flotte européenne basée en Corse ?

Nos sapeurs-pompiers souffrent, monsieur le ministre, mais le Gouvernement ne semble pas les entendre pour l'instant. Notre modèle de sécurité civile s'essouffle, et on ne débloque pas assez de crédits pour sa réorganisation. Mon groupe ne votera pas, pour l'heure, en faveur de ce budget.

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Il est un peu compliqué d'analyser ce budget car il y a un certain nombre de transferts, notamment en ce qui concerne le programme 216 : il n'est pas évident de s'y retrouver. Vous avez dit qu'il y aura globalement une augmentation de 9 millions d'euros des crédits de fonctionnement et que le budget sera « sanctuarisé » si l'on prend en compte les divers transferts. Quand on intègre les projections d'inflation, on voit tout de suite que ce budget est en réalité en baisse – d'autant qu'une grande partie des crédits de fonctionnement pour la police et la gendarmerie est constituée de dépenses de carburant – il n'y a pas de tendance à la baisse dans ce domaine. Rien que pour cette raison, la situation sera plus un peu plus compliquée que l'année dernière pour les services de police, de gendarmerie et de sécurité civile.

Par ailleurs, je ne sais vraiment pas quoi penser de la hausse des effectifs. Nous venons d'examiner la loi de règlement pour 2018 : il y a eu, rien que dans le cadre du programme 176, un écart de 3 159 ETPT entre le plafond d'emplois voté et ce qui a été réalisé. Je veux bien vous croire sur parole, mais nous regarderons quand même, en 2021, le rapport annuel de performances pour 2020.

Si les effectifs augmentent, tant mieux, mais il y a une difficulté que vous aviez d'ailleurs soulignée, monsieur le ministre, lors des auditions conduites par nos collègues Jean-Michel Fauvergue et Christophe Naegelen : les crédits de fonctionnement augmentent moins vite que les recrutements de personnel. Or il faut équiper les personnes qu'on recrute, pour qu'ils aient les moyens de faire leur travail, sinon on crée des frustrations, de la souffrance, ce qui n'est certainement pas l'objectif. Vous déplorez cette situation, mais quelle est la trajectoire prévue d'ici à 2022 ? Comptez-vous réaliser des économies – je ne le crois pas – ou obtenir des arbitrages budgétaires encore plus favorables pour le ministère de l'Intérieur ?

Autre difficulté, la formation initiale continue à être raccourcie à neuf mois afin d'aider à réaliser le plan de recrutement de 2 000 personnes par an – qui n'est, d'ailleurs, pas vraiment respecté. Quand allez-vous ouvrir une nouvelle école, voire plusieurs ? Nous allons avoir besoin d'écoles supplémentaires, ne serait-ce que pour rester à effectifs constants, et la durée de formation initiale ne peut pas rester indéfiniment à neuf mois. Il serait raisonnable de revenir à une durée d'un an, et on pourrait même se fixer l'objectif, ambitieux, de passer à deux ans de formation initiale, comme beaucoup de grandes démocraties et de grandes républiques l'ont fait dans le monde. Le fait de passer à un an, en 1989, constituait une grande avancée, mais 1989 c'était il y a trente ans – j'en sais quelque chose.

En ce qui concerne la formation, avez-vous un commentaire à faire – même si je sais que cela n'entre pas dans le cadre de cette mission budgétaire – sur la suppression de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) ? On se demande bien pourquoi vous voulez supprimer cet institut au moment même où beaucoup de questions se posent à propos du maintien de l'ordre, du risque terroriste et de la police de sécurité du quotidien, qui a fait l'objet d'une expérimentation. Compte tenu du suivi et du partage d'informations qui sont nécessaires sur ces questions, je ne vois pas l'intérêt de supprimer l'INHESJ.

On pourrait aussi se demander quels moyens vous prévoyez pour l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Il ne faudrait pas que l'examen des plaintes dure un an, deux ans, trois ans, voire davantage – qui sait ? Il n'est rien ressorti, jusqu'à présent, des plaintes déposées par un certain nombre « gilets jaunes ».

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Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

J'espère que vous savez que c'est faux. Le procureur de la République s'est exprimé à ce sujet.

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Je connais une enquête à propos de laquelle le procureur de la République s'est exprimé : celle concernant Steve. J'espère que vous pourrez m'apporter des réponses détaillées. J'en prendrai connaissance en streaming, car je ne pourrai pas être présent tout à l'heure.

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Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

Pour ma part, je resterai jusqu'au bout, même si c'est parfois douloureux…

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Par ailleurs, il faudrait peut-être créer une ligne spécifique pour la prévention des suicides dans la police et la gendarmerie. J'ai vu la note relative à la « convivialité ». Le million d'euros qui était prévu a-t-il été utilisé ? Y a-t-il des barbecues organisés pendant le temps de travail, et pas en dehors ? Y a-t-il, surtout, des psychologues supplémentaires à l'extérieur des services de police et de gendarmerie, ou en leur sein, afin d'aider ?

En ce qui concerne la lutte contre les stupéfiants, je ne comprends pas pourquoi un magistrat est le numéro 2 et pas le numéro 1 du nouveau dispositif – je le dis très clairement. Il y a d'autres services, dans les douanes, par exemple, qui sont dirigés par des magistrats et qui fonctionnent parfaitement. Il serait dommage de ne pas remettre vraiment les choses à l'endroit.

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Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

J'ai confiance en la police.

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Vous avez vous-même souligné que ce sont des magistrats qui conduisent les enquêtes, et non des policiers. Par ailleurs, les 55 mesures qui ont été annoncées étaient déjà dans les tuyaux ou déjà appliquées. Vous les avez habilement réchauffées pour faire un plan de communication.

S'agissant du programme 161, je ne comprends pas pourquoi les crédits de l'action « Prévention et gestion de crises » vont diminuer, alors qu'une réduction des moyens est également prévue du côté du ministère de la transition écologique et solidaire. On voit bien les catastrophes qui peuvent se produire, comme celle de Lubrizol, et les questions climatiques qui se posent, notamment l'inquiétante sécheresse de nos forêts – de plus en plus d'arbres en meurent.

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Puisque j'ai l'avantage, ou l'inconvénient, d'avoir la parole en dernier, je fais miennes toute une série de remarques qui ont déjà été faites. Je vais pouvoir me concentrer sur quelques sujets.

Nous nous félicitons, comme l'an dernier, de la hausse des crédits, mais nous avons quand même un certain nombre de questions.

Les effectifs vont globalement passer d'environ 151 000 à 149 000 postes dans la police. On peut toujours mettre en avant des transferts ou des réaffectations, mais il est inquiétant de voir que le budget augmente alors que les effectifs baissent.

Je partage aussi les inquiétudes qui ont été formulées à propos des baisses de crédits pour les véhicules et les équipements de protection.

Il y a également l'immense question des heures supplémentaires, dont vous avez parlé. Un effort est réalisé, et il faut le reconnaître, mais une inquiétude persiste. Vous n'avez pas ouvert de perspective pour le stock des 24 millions d'heures supplémentaires. Cela figurera peut-être dans le Livre blanc…

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Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur

Nous en reparlerons avant.

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En tout cas, il n'y a pas aujourd'hui de trajectoire budgétaire pour la résorption du stock des heures supplémentaires.

Les départs anticipés à la retraite qui sont liés à l'accumulation des heures supplémentaires posent un immense problème dans tous les commissariats, au-delà du Service de la protection, qui a été évoqué tout à l'heure par Stéphane Mazars, car il en résulte un écart très préjudiciable entre les effectifs théoriques et ceux vraiment disponibles. Ne pourrait-on pas adopter une doctrine, peut-être à titre temporaire, qui permettrait de recruter en tenant compte des effectifs réels ?

En ce qui concerne les SDIS, vous avez souligné qu'il y a un écart entre l'accroissement des missions et la stagnation des effectifs. C'est une des causes de la souffrance des pompiers. Vous avez déclaré que les payeurs doivent être les décideurs, mais le budget de l'État contribue aussi au financement des SDIS, à hauteur de 24 %, à travers le reversement d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurance. L'État n'est donc pas qu'un simple conseilleur en la matière : il est aussi payeur, via cette taxe. Une proposition concernant la prime de feu a été mise sur la table pour essayer d'apporter au moins une première réponse au malaise des pompiers : il s'agit de majorer, de 90 millions d'euros, le montant de la TSCA qui est reversé par l'État aux départements pour le financement des SDIS. Cela pourrait être une partie de la solution – on pourrait également annuler la surcotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Sans entrer davantage dans les détails, je tiens à souligner qu'il existe une proposition concrète pour apporter une réponse dans le cadre de la prime de feu – et cette mesure est très attendue.

Dernière question, ne pourrait-on pas créer, à l'image du programme 152 – les gendarmes ont un statut militaire mais sont rattachés au ministère de l'Intérieur –, un programme relatif au budget des pompiers de Paris et des marins-pompiers de Marseille, qui jouent un rôle important en matière de sécurité ? Ils s'expriment moins que d'autres, étant militaires, mais leur malaise est réel – je suis député d'une circonscription relevant des pompiers de Paris. Il faudrait examiner cette question.

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Compte tenu de l'heure tardive, je vous propose d'interrompre nos travaux. Nous poursuivrons l'examen de cette mission cet après-midi, à partir de quatorze heures trente.

La réunion s'achève à 13 heures 10.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Éric Ciotti, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Émilie Guerel, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme George Pau-Langevin, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Antoine Savignat, M. Jean Terlier, M. Alain Tourret, M. Arnaud Viala, M. Guillaume Vuilletet, Mme Hélène Zannier

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Mansour Kamardine, M. Fabien Roussel, Mme Maina Sage

Assistaient également à la réunion. - M. Bruno Duvergé, M. Romain Grau, Mme Nadia Hai, M. Christophe Naegelen, M. Stéphane Peu