Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à quatorze heures cinq.

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Nous auditionnons cet après-midi le directeur régional de la DREAL, accompagné du directeur de la DDTM 76. Je suis entouré des membres de cette mission d'information qui regroupe des représentants des différents groupes de l'Assemblée nationale.

L'objet de cette mission d'information est à la fois de faire la lumière sur les évènements, de s'intéresser à leur compréhension et de procéder à ce que l'on pourrait qualifier de retour d'expérience afin d'en tirer tous les enseignements nécessaires pour jouer notre rôle de législateur. Au besoin, nous pourrions ainsi faire évoluer la législation ou plaider pour une telle évolution au regard des conclusions qui pourraient nous amener à la préconiser, avec le rapporteur qui est à mes côtés.

Nous avons plusieurs mois d'audition devant nous. Nous avons voulu, dans un premier temps, nous intéresser à l'évènement. Nous accueillons donc cet après-midi des acteurs qui peuvent nous amener à cette compréhension.

En tant que directeurs de la DREAL et de la DDTM, vous êtes en charge de ce que l'on pourrait qualifier de contrôle des installations classées des sites dits Seveso, notamment seuil haut, comme celui qui nous occupe, Lubrizol. Vous aurez sans doute aussi des questions sur Normandie Logistique.

Il nous a été indiqué que, depuis 2013, il y avait eu 39 contrôles de ce site. J'aimerais que vous nous indiquiez la nature de ces contrôles et ce qui explique cette occurrence. Faisait-elle suite à l'évènement que nous avons connu en 2013 de fuite de mercaptan ? S'agissait-il, à travers ces contrôles, de vérifier que les recommandations qui avaient été formulées à l'époque ont bien été appliquées ? Ces inspections ont-elles été à chaque fois diligentées parce qu'il n'y avait pas de réponse, parce que vous n'étiez pas satisfaits ? J'aimerais comprendre la chronologie et la façon dont les contrôles ont été effectués. Y a-t-il eu un nombre d'inspections régulier, réparti de façon uniforme entre 2013 de 2019 ou bien selon un rythme accéléré ? ?

Par ailleurs, y a-t-il un protocole particulier pour ces contrôles ? De combien d'inspecteurs disposez-vous pour ce type de contrôle ? Nous savons que nous sommes dans un département où il y a d'autres sites Seveso, seuil bas et seuil haut. Quels sont vos effectifs pour effectuer ces contrôles ? Les inspecteurs sont-ils affectés à des sites particuliers ? Pour le dire autrement, les inspecteurs qui ont effectué les 39 contrôles depuis 2013 sur le site Lubrizol sont-ils les mêmes ? Ou s'agissait-il d'autres inspecteurs ? Se relaient-ils ? Y a-t-il une équipe, un pool qui assure la surveillance du site ?

Le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) de 2014 a-t-il été mis à jour d'un certain nombre d'indications, notamment sur tout ce qui concerne les mesures qui doivent être mises en oeuvre suite à des études de danger ? Que pouvez-vous nous dire du système de gestion de la sécurité ? Est-il à niveau ? Est-il conforme ? A-t-il été modifié lors de cette mise à jour ? Est-il réinterprétable au fil de l'eau ? Des inspections telles qu'elles ont été effectuées entre 2013 et 2019 sont-elles susceptibles de faire évoluer ce type d'éléments qui figure dans le PPRT ?

Je voudrais, pour terminer cette première série de questions, avant de céder la parole à notre rapporteur, vous entendre aussi sur ce qui concerne les autorisations qui ont été accordées, parce que c'est un sujet qui a souvent été évoqué. S'agissant des extensions, à la fois de stock de production, accordées récemment en 2018 et qui n'ont pas fait l'objet d'études environnementales, pourriez-vous nous expliquer ce que le fait d'avoir une étude environnementale aurait changé sur ces extensions ?

Enfin, je voudrais soulever une question qui est apparue dès hier, lors de l'audition du Chief Executive Officer (CEO) de Lubrizol Corporation. S'agissant de Normandie Logistique, dont les bâtiments de stockage ont été incendiés, je voudrais savoir s'il y a eu des contrôles sur ces bâtiments, qui, si j'ai bien compris, échappent à toute classification au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ? Peut-être allez-vous nous préciser tout cela. Connaissiez-vous la nature des produits qui y sont stockés ? J'imagine qu'ils évoluent au fil du temps. Y a-t-il une définition préalable du type de matières et de produits qui peuvent être stockés dans ces bâtiments ? Quand il y a une modification du type de produits qui peuvent être entreposés, y a-t-il une information qui doit vous être adressée ?

C'était la première série de questions que j'ai pour ma part. Je vais donner la parole à notre rapporteur Damien Adam. Ensuite, nous vous écouterons et nous nous permettrons une série de questions de nos collègues parlementaires ici présents.

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Monsieur le Président a déjà énoncé une liste de questions. Je ferai quelques précisions complémentaires et des ajouts.

Sur les contrôles, je pense qu'il serait intéressant que nous puissions avoir votre vision des choses. Y a-t-il eu des différences sur les zones contrôlées à chaque fois qu'il y a eu des contrôles ? Il y a la zone de production, il y a la zone de stockage et d'enfûtage. Nous souhaitons savoir si, spécifiquement sur cette zone de stockage et d'enfûtage, qui est la seule zone concernée par l'incendie, il y a eu des contrôles spécifiques et à quelle régularité.

J'aimerais également que vous puissiez nous donner des éléments sur la mise en demeure de 2017. Quels étaient les éléments de cette mise en demeure ? Quelles ont été les mesures demandées par la DREAL ? Quelles ont été celles mises en place ? Où en étions-nous avant l'incendie du 26 septembre ?

Je souhaiterais également que vous nous fassiez un point très complet sur les arrêtés. Quels étaient-ils exactement ? Même si nous avons quelques informations, nous voudrions vous entendre directement.

Sur l'amiante, comment gère-t-on l'amiante dans ce type de bâtiments classés Seveso ?

Quelles sont aussi les obligations de lutte contre les incendies imposées aux sites Seveso ? J'ajoute également à cette question les sites qui ne sont pas Seveso, mais qui sont attenants à un site Seveso. Cela me paraît important.

Une question a émergé hier, sur la présence d'un fumoir sur le site de Lubrizol qui pouvait poser question. Avez-vous des informations par rapport à cela ?

Ce sont déjà quelques questions. Essayons d'avoir des réponses les plus courtes et les plus concises, mais en même temps complètes, pour que nous puissions avoir beaucoup de questions sur la petite heure qui nous est consacrée.

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Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie

Sur la première question qui concerne les inspections, effectivement, c'est un site que nous connaissons bien, puisque nous avons fait 39 visites d'inspection depuis 2013. Ces inspections ont été motivées, au départ, par l'incident de 2013.

Cet incident, il faut le rappeler, avait eu lieu dans une unité de production, au niveau d'une cuve de production d'un produit qui est fabriqué chez Lubrizol et qui contient du soufre. De manière générale, ces produits contenant du soufre sont susceptibles de se figer, ce qui nuit à leur qualité. Il y a donc besoin de les mélanger régulièrement. En même temps il ne faut pas trop les mélanger, ou pas trop fort, parce que, si on les mélange trop fort, le produit s'échauffe. Ce produit, celui qui a dysfonctionné en 2013, est susceptible, en s'échauffant, d'émettre essentiellement du mercaptan.

C'est une molécule qui est très malodorante, mais qui n'est pas dangereuse. Il faut vraiment en absorber des quantités considérables. C'est la molécule qui a été ajoutée par Gaz de France à la demande des pouvoirs publics dans les années 70, lorsque l'on est passé du gaz de coke au gaz naturel, parce que le gaz naturel ne sent rien. Il y a eu plein d'accidents domestiques, de vieilles dames qui laissaient le gaz et qui ne le sentaient plus. Gaz de France, il y a 45 ans, a été sommé d'odoriser le gaz naturel qui était à la cuisinière, pour qu'il sente comme autrefois. C'est le rôle du mercaptan.

Le produit qui était en production en 2013, dans une cuve qui n'était pas très grande, est susceptible, quand il s'échauffe trop, d'émettre du mercaptan et d'émettre aussi de l'hydrogène sulfuré (H2S), qui est un produit beaucoup plus dangereux que le mercaptan.

En 2013, pour revenir rapidement sur cet incident, un opérateur avait laissé une cuve de production de ce produit en marché, pendant le week-end, avec deux agitateurs. Un, c'était normal ; deux, c'était un de trop. Le lundi matin, quand ils sont revenus, cela sentait le mercaptan dans l'usine et dans Rouen.

Ceci a mis en évidence une défaillance, il ne faut pas dire de l'opérateur, mais de l'entreprise. Pourquoi cet opérateur avait-il activé un deuxième agitateur et n'avait-il pas aussitôt pris conscience de son erreur en l'arrêtant ? Deuxièmement, dans cette usine, il y a en permanence une unité de traitement des émissions gazeuses pour supprimer les émissions éventuelles de mercaptan et d'H2S si, d'aventure, l'activité de production en émet. Nous nous sommes rendu compte que cette unité de traitement des évents, des émissions gazeuses, était efficace, mais pas complètement. En particulier, elle avait apparemment eu du mal à absorber les bouffées d'émission de mercaptan générées par l'incident de 2013.

C'est la première raison pour laquelle nous sommes allés souvent chez Lubrizol dans les années qui ont suivi. Nous y sommes allés huit fois en 2013, quatre fois en 2014, neuf fois en 2015, sept fois en 2016, trois fois en 2017, cinq fois en 2018 et déjà deux fois en 2019. Cela représente 38 visites, auquel s'ajoute celle effectuée le jour de l'incendie, soit un total de 39. Nous avions prévu, début 2019, d'y aller quatre fois sur l'ensemble de l'année. Nous y serions allés quarante fois sur sept années civiles, soit près de six fois par an.

Le programme pluriannuel de contrôles des installations classées du ministère prévoit que nous devrons nous rendre sur un site Seveso seuil haut au moins une fois par an. Vous voyez que nous y sommes allés entre cinq et six fois plus que ce qui est recommandé, à cause de l'accident de 2013.

Les premières inspections que nous y avons conduites ont consisté à vérifier l'application des prescriptions prises à l'encontre de l'entreprise. Elles avaient pour objet, tout particulièrement, d'améliorer le fonctionnement de cette unité de traitement des émissions gazeuses dans deux directions : l'amélioration du rendement de cette unité et l'amélioration de sa capacité à traiter les bouffées de mercaptan.

Nous avons, parallèlement à ces inspections sur site, eu des échanges nourris avec l'union des industries chimiques de Normandie (UIC Normandie), qui est maintenant France Chimie Normandie. Ils ont porté sur ce que nous avons appelé, d'une manière générique, et non stigmatisante pour les opérateurs de base, le facteur humain. C'est-à-dire, comment s'assurer que le management d'un site Seveso, d'une ICPE complexe, puisse être efficace et mobiliser chacun ? Il faut que chacun comprenne bien la place qu'il a dans un ensemble complexe et ce qui se passe lorsqu'il appuie sur un bouton, quand il choisit le mauvais bouton ou s'il omet d'appuyer à nouveau sur un bouton pour arrêter ce qu'il vient de déclencher.

Les 39 inspections, sur ces sept années civiles ont d'abord porté, pendant une première séquence , sur les suites de l'incident de 2013 et l'amélioration effective, et constatée d'ailleurs, de ce crématic.

Dans un deuxième temps, nous avons souhaité vérifier la réactivité et la proactivité de l'entreprise en cas d'incident ou d'accident. Il y a une manière assez simple, pour l'inspection des installations classées, de faire cette vérification, c'est de déclencher un plan d'opération interne (POI). La bonne pratique consiste à d'abord déclencher un POI programmé. Nous les prévenons. « Nous venons tel jour, nous vous dirons : il y a tel accident et nous allons voir comment vous vous en débrouillez. »

La bonne pratique, c'est ensuite de faire un POI inopiné. Nous ne prévenons pas à l'avance du jour où nous venons et de quels sujets nous allons traiter. L'idée est de voir ce qui se passe dans ce cas.

Nous avons d'abord provoqué un POI programmé puis un POI inopiné. Ceci nous a permis d'accompagner l'exploitant dans l'amélioration de sa réactivité, de sa proactivité et de son efficacité en cas d'accident. Je pense que ces deux POI, programmé, puis inopiné, ont été utiles. Ils ont permis une bonne compréhension.

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Pouvez-vous nous donner le nombre de POI inopinés qui ont été organisés ?

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Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie

Nous avons fait un POI programmé et un POI inopiné. C'était au milieu des 39 inspections. Ces deux POI ont eu pour effet de faire en sorte que les opérateurs de Lubrizol, les pompiers et la DREAL se connaissent bien. Lors de l'accident du 26 septembre, ces trois équipes se connaissaient, savaient qui était qui, le nom, le prénom, les locaux, etc. Cela a été un facteur d'efficacité.

La troisième séquence de nos inspections a eu comme thématique principale la défense contre l'incendie, parce que nous constations qu'un certain nombre de prescriptions applicables à l'usine n'étaient pas complètement remplies, notamment la limitation à 20 minutes de l'étouffement d'un départ de feu, dans au moins quatre endroits de cette usine. Il y a eu un arrêté de mise en demeure.

La mise en demeure n'est pas un arrêté de prescriptions supplémentaire. Nous rappelons l'arrêté en vigueur pour qu'il soit rapidement appliqué.

Il y a eu quatre mises en demeure de l'arrêté préfectoral d'avril 2017 avec, sur chacun des quatre points, un délai correspondant à un croisement entre l'urgence de remédier à la situation et le délai pratique, nécessaire pour y remédier. Nous tenons aussi compte des réalités. Nous avons récolé totalement cet arrêté et son application par une dernière visite en novembre 2018.

Ce sont les trois séquences d'accompagnement de l'exploitant. Il faut rappeler que la DREAL, l'inspection des installations classées, n'est pas coexploitant des Seveso, pas plus que de toute ICPE. C'est l'exploitant qui a la responsabilité d'exploiter en sécurité son ICPE. Nous sommes sur une mission de surveillance et de contrôle. Ces 39 inspections, qui sont un chiffre tout à fait considérable, ont aidé à faire en sorte qu'à partir de l'incident, malodorant, mais pas très grave, de 2013, cet accident, beaucoup plus conséquent de 2019, soit plus facilement résorbé rapidement.

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Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie

Chaque inspection fait l'objet d'un rapport d'inspection.

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Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie

Nous avons beaucoup de demandes pour les communiquer. Nous sommes en train de regarder, dans la mesure où ils font parfois état d'informations qui sont confidentielles, pour des raisons commerciales ou pour des raisons de sûreté, pour voir lesquelles peuvent être communiquées. Ce travail est en cours et va être finalisé extrêmement rapidement.

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Je vous fais la demande au nom de la mission d'information de pouvoir disposer de ces rapports d'inspection. Je voudrais simplement une petite précision avant de donner la parole aux collègues qui le souhaitent.

S'agissant de la troisième thématique que vous avez développée sur la défense contre les incendies, pouvez-vous préciser ce que vous entendez par départs de feu toutes les 20 minutes. Avez-vous identifié, sur le site, des points particuliers ?

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Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie

C'étaient des points de l'usine qui, d'ailleurs, à ma connaissance ne portaient pas sur les bâtiments de stockage 4 et 5 qui ont brûlé. C'était plutôt dans des endroits différents de l'usine. À ces quatre endroits, les textes applicables nécessitaient que l'usine soit en situation de faire en sorte qu'un départ de feu éventuel ne dure pas plus de 20 minutes. Les dispositifs dont ils étaient équipés n'aboutissaient pas à conclure qu'ils étaient en mesure de respecter ces 20 minutes.

Nous les avons donc mis en demeure, pour ces quatre endroits, d'ajouter des dispositifs supplémentaires pour respecter ces 20 minutes. J'ajoute que cette mise en demeure a, d'une manière générale, abouti à ce qu'ils élargissent leur gamme de moyens, par des rideaux d'eau qui ont été fort utiles pour éteindre l'incendie à un endroit différent de l'usine le 26 septembre.

C'était votre première question. J'en ai noté onze.

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Sur la partie inspection que vous venez de nous indiquer, où vous aviez mis en demeure l'entreprise, avait-elle résorbé toute la mise en demeure ? Etait-elle bien conforme à toutes les préconisations de la loi ? La gestion calorifique des bâtiments était-elle conforme à l'analyse de risque qui avait dû être conduite ? Y avait-il eu des analyses de risques revues récemment ? D'après vous, étaient-elles conformes ?

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Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie

L'arrêté de mise en demeure d'avril 2017 a fait l'objet d'un récolement complet en novembre 2018. Toutes les prescriptions de la mise en demeure sont dorénavant respectées. Elles le sont depuis novembre 2018. Je pense que c'est en partie grâce à cette situation positive que l'incendie a été maîtrisé dans de meilleures conditions, le 26 septembre 2019.

Un autre élément est très important : nous avons parlé, tout à l'heure, du PPRT, d'étude de danger. Cela fait le lien avec votre question. Une installation classée, et notamment un site Seveso seuil haut, est redevable de présenter des études d'impact au sens industriel du terme. C'est un peu différent, un peu plus centré sur e risque industriel que l'étude d'impact au sens de l'évaluation environnementale, dont il a été question à propos des décisions de 2019. L'étude d'impact porte sur la prévention des risques technologiques chroniques. Elle répond notamment à la question de savoir quels sont concrètement les rejets chroniques dans les milieux, dans l'environnement, dans l'eau et dans l'air, , que l'installation génère.

Par ailleurs, une installation classée, notamment un site Seveso seuil haut, doit mettre à disposition de l'administration ce qu'on appelle des études de danger. Celles des Seveso seuil haut doivent être réexaminées tous les cinq ans. Ce n'est pas une mise à jour. S'il n'y a eu aucun changement, ils nous disent : « Il n'y a eu aucun changement. » Mais ils doivent au moins, tous les cinq ans, nous communiquer l'information selon laquelle il n'y a eu aucun changement ou nous dire : « Il y a des changements qui sont prévus. Voilà lesquels. »

Quand il y a une modification de l'installation, ils doivent nous fournir l'étude de danger correspondante, qui est instruite. Cette étude de danger est centrée sur les effets létaux, c'est-à-dire les effets mortels. C'est la prévention des risques technologiques accidentels. Il y a, dans cette usine, un découpage qui aboutit à ce qu'il y ait finalement cinq études de danger ou cinq volets à l'étude de danger complète du site.

Nous avons évidemment vérifié la question de savoir si Lubrizol était à jour de la remise des études de danger applicables aux cinq morceaux de cette usine. La réponse est positive. Il y avait même une obligation, compte tenu de ce délai de cinq ans, de nous remettre, pour le 31 août, l'étude de danger à jour des cinq blocs, celle des quatre blocs fonctionnels d'unités de production, et celle du bloc de stockage et des utilités. L'étude de danger du bloc de stockage portant tout particulièrement sur les hangars 4 et 5.

Nous l'avons reçue en temps et en heure. Je n'ai pas retrouvé la date de la poste faisant foi, à savoir si nous l'avons reçu, mais nous l'avions, reçue fin août ou début septembre. Il y a un point de vérification sur la question de savoir si on l'a reçue le 31 août, le 30 août, le 2 septembre ou quelques jours après, mais nous l'avions.

Lors de la mobilisation du 26 septembre, nous avons eu une équipe de la DREAL qui est allée en cellule de crise à la préfecture et une autre sur place ; une troisième est restée à l'UD (unité départementale) Rouen Dieppe en appui. L'équipe de la DREAL qui s'est rendu au service risque du siège, à 4 heures du matin, a ouvert le dossier papier de Lubrizol et les serveurs électroniques et constaté que nous avions, depuis quelques jours, l'étude de danger parfaitement à jour sur le stockage et les utilités.

C'est ce qui nous a permis immédiatement, dès 4 heures du matin, d'informer la cellule de crise de la préfecture, ainsi que les pompiers, que l'on était sur un risque de dégagement d'un nuage de produits stockés et consumés. Tout particulièrement, la modélisation de ce nuage aboutissait, compte tenu de la forme géométrique de ce nuage qui d'ailleurs s'est concrétisée, à ce qu'il n'y ait aucun risque pour les intervenants de proximité. Ils pouvaient rester à proximité, parce que pour un personnel de 1,80 mètre, il n'y avait, au sol, aucun risque.

Je me félicite que nous ayons eu à notre disposition cette étude de danger parfaitement à jour. Je constate que Lubrizol est à jour des obligations légales qui lui incombent en matière de dates de remise des études de danger. J'ajoute que je me félicite aussi du plan de prévention des risques technologiques de Lubrizol. Il a été prescrit le 6 mai 2010. Il a été approuvé le 31 mars 2014.

Ces PPRT sont un supplément de la politique de prévention des risques accidentels, consécutif à AZF. À Toulouse : 31 morts, 11 000 maisons détruites, un nombre important de blessés. Il faut rappeler le bilan de l'incendie de Lubrizol en 2019 : aucun mort, aucun blessé, aucune maison détruite. Quand j'entends parfois que c'est AZF II, je pense qu'il faut peut-être regarder les choses en perspective. Ce fut un évènement très traumatisant, mais il n'y a aucun mort, aucun blessé et aucune maison détruite.

AZF a généré la loi dite loi Bachelot, du nom de la ministre de l'Environnement de l'époque. Elle a proposé une loi que le Parlement a votée en 2003 et qui prévoit qu'autour des sites Seveso seuil haut existant, il y a lieu de conduire une démarche qui s'appelle plan de prévention des risques technologiques. C'est une démarche qui est conduite à deux voix, sous l'autorité du préfet de département, entre la DREAL et la DDT. Elle n'est pas applicable aux nouveaux sites Seveso seuil haut qui s'installent.

La DREAL est chargée de la démarche initiale, qui est une démarche interactive avec l'exploitant. Nous modélisons les zones d'effets létaux du site Seveso seuil haut. Nous cartographions trois risques létaux modélisables : ceux liés aux risques d'incendie, ceux liés aux risques d'explosion et ceux liés aux risques de diffusion de gaz toxique. Nous prenons ces cartes et nous allons voir l'exploitant pour lui dire : « Votre installation date de 1950, 1960, 1970. Vous avez un peu étalé l'emprise foncière de vos installations. Vous vous êtes servi du foncier disponible. Maintenant c'est fini, il faut supprimer telle chose, recentrer telle chose, réduire tel stockage. » La DDTM prend le relais sur la partie urbanisme.

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Me permettez-vous un point pour que les choses soient très claires sur les PPRT ? Vous dites que, pour les sites postérieurs à 2003, c'est fait avant l'installation. Sommes-nous d'accord ?.

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Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie

Pour un Seveso seuil haut, il y en a très peu qui s'installent et qui arrivent « tout neufs » sur le territoire. L'obligation est de rester dans les emprises du site. Si d'aventure, il y a un petit dépassement, des servitudes d'urbanisme s'appliquent. C'est circonscrit dès le début.

Là, nous étions sur des situations où les exploitants avaient mobilisé un foncier, parfois très important. De l'autre côté du mur, il y avait des maraîchers, des champs. Et tout d'un coup, des lotissements qui se construisent se rapprochent du mur, créant une situation telle que celle d'AZF. Il y avait en Normandie, en ex Basse-Normandie, cinq PPRT à faire. Ils sont tous approuvés. Il y en avait 15 à prescrire et à approuver en ex-Haute-Normandie. Deux ont été prescrits, parce que finalement, une usine a disparu et que l'autre a baissé ses stocks, de telle façon qu'elle est finalement en dessous du seuil, les risques étant réduits à la source. Un PPRT a été coupé en deux. Globalement, cela fait 16 PPRT, tous approuvés. Le dernier date de début 2019 : c'est celui de l'ancien site de la raffinerie ex-Petroplus, ex-Shell à Petit-Couronne avec, d'une part, le stockage et, d'autre part, le gaz Butagaz.

Pour ce qui est de Lubrizol, le PPRT a été prescrit le 6 mai 2010. Il a été approuvé le 31 mars 2014 et nous a conduits à deux choses, dont je pense qu'elles ont été extrêmement utiles pour éviter des morts et des blessés le 26 septembre 2019.

Premièrement, il y avait entre le hangar 4 et le hangar 5, ainsi que près de la rue de Madagascar, deux cuves de gaz de pétrole liquéfié. La cuve la plus grande était de 9 tonnes. Et il y avait, près de la rue de Madagascar, une cuve de 3,2 tonnes. Ces deux cuves étaient réglementaires mais elles nous ont paru extrêmement dangereuses en cas d'incendie. Nous le leur avons expliqué. Nous ne le leur avons donc pas forcément appris.

Il y a des vidéos avec des exercices consistant à faire chauffer une cuve de GPL de cette nature. Le feu se rapproche de la paroi métallique, affaiblit la résistance du métal. Pendant ce temps, le gaz qui est un intérieur, en phase liquide, chauffe. La pression augmente, et à un moment donné, la cuve s'ouvre en deux et libère une boule de feu, provoquant à la fois un incendie et une explosion. C'est ce qui a provoqué 18 morts à Feyzin, en 1966.

Nous leur avons vivement recommandé de supprimer les deux cuves, ce qu'ils ont accepté et réalisé. D'une part, ils ont remplacé ces deux stockages par une conduite de gaz naturel tirée depuis le réseau. D'autre part, puisqu'une partie de ce gaz naturel était destinée à alimenter les chariots élévateurs qui servent à bouger les fûts et à les installer sur palette dans les stockages, ils ont choisi des chariots électriques et des chariots avec des bonbonnes de gaz de 13 kilos, comme celles qui sont près de la cuisinière. Ce sont elles qui ont explosé au moment de l'incendie, ce qui a beaucoup traumatisé les riverains. Mais on peut penser, même si c'est difficile à expliquer, qu'il vaut mieux que ce soit des bonbonnes de 13 kilos qui aient explosé qu'une cuve de neuf tonnes qui aurait provoqué, je pense, de très nombreux décès.

C'est le premier effet du PPRT, qui a été qualifié de PPRT exemplaire – je le rappelle, parce que c'est un moment que j'ai apprécié– par un membre de la commission de suivi de site. C'était un membre de l'association France Nature Environnement qui s'est exprimé ainsi, lorsque nous avons fait la commission de suivi de site le 16 octobre 2019, la semaine dernière.

L'autre prescription que nous avons imposée à Lubrizol, et que Lubrizol avait réalisée, visait une cuve beaucoup plus petite, de 20 mètres cubes, d'acide chlorhydrique, nécessaire à leur process. Ils n'en ont pas besoin forcément de grandes quantités, mais ils avaient une organisation logistique qui consistait en une livraison annuelle de 20 mètres cubes. Or, quand l'acide chlorhydrique fuit, il diffuse dans l'air un gaz extrêmement dangereux pour la respiration, qui vous brûle la peau.

Nous leur avons dit de supprimer cette cuve, de réduire leur stock d'acide chlorhydrique et de le déplacer. » Ils l'ont remplacée par deux armoires, dont l'une contient quatre fûts, et l'autre deux fûts, qui chacun d'un mètre cube. Au lieu d'une cuve de 20 mètres cubes d'acide chlorhydrique, il y a un peu plus loin, 6 mètres cubes répartis dans deux armoires installées à deux endroits différents.

Cela leur a un peu compliqué la logistique de livraison, devenue hebdomadaire. Cette cuve n'était pas à l'endroit de l'incendie, mais elle aurait obligé les pompiers à la protéger, donc à avoir deux fronts : le front de l'incendie et, derrière eux la cuve d'acide chlorhydrique avec le feu… C'était clairement un risque accru.

Il faut se féliciter de la finalisation du PPRT de Lubrizol, qui a produit de pleins effets, parce que je pense qu'il a effectivement contribué à ce qu'il n'y ait, le 26 septembre,aucun mort et aucun blessé.

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Monsieur le directeur, il y a plusieurs questions de mes collègues. Je vous propose qu'on les entende. S'il y a des thèmes en commun, vous pourrez regrouper vos réponses dans le temps qui nous est imparti.

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Je vais vous poser une question qui est un peu plus orientée vers l'avenir et vers le retour d'expérience, en mettant en avant le contexte et aussi l'implication des services de la DDTM, en particulier celle de votre responsable du service de la mer et du littoral et celle de ses équipes. Ils ont coordonné les moyens Polmar, et grâce à la réactivité des ports de Rouen et du Havre et à l'implication de tous les acteurs maritimes dans le lamanage et le pilotage , ils ont permis d'éviter une pollution majeure de la Seine.

Une question se pose néanmoins. Les moyens Polmar lourds, prépositionnés au Havre, ont été acheminés très rapidement sur Rouen et mis en oeuvre aux environs de midi, soit seulement neuf heures après le début du sinistre. Il se dit qu'il est envisagé de centraliser ces moyens lourds à Brest afin de faciliter leur entretien. À combien de temps estimez-vous le délai de projection de Brest à Rouen ?

Dans un tel cas, auriez-vous pu éviter cette pollution de la Seine ? En sachant qu'en dehors de l'impact écologique, la pollution de la Seine aurait entraîné une interdiction de la navigation sur le fleuve, d'un coût estimé à environ un million d'euros par jour. C'est une question que j'ai déjà posée avant l'incident à l'amiral Prazuck et au préfet maritime de la Manche et de la Mer du Nord. Je pense qu'avant de centraliser des moyens à Brest, il faut réfléchir à ce que cela a pu nous apporter lors de cet incident.

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Vous nous avez précisé, tout à l'heure, monsieur le directeur, que vous aviez effectué 38 visites sur sept années, alors que les textes, je ne sais pas si c'est la loi ou du domaine du décret, en prévoient au moins une par an. Pensez-vous qu'il faudrait que les textes évoluent et précisent qu'il faut y aller, non pas au moins une fois par an, mais plusieurs fois ?

Ces visites multiples suscitent notre interrogation. Si les textes imposent au moins une visite, et que 38 ont été réalisées sur sept ans, vous et vos services avez pu avoir des doutes, des inquiétudes par rapport à un certain nombre d'imprudences, que je vais qualifier de cette manière, commises de manière involontaire, on l'imagine bien, par cette entreprise. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Par ailleurs, avez-vous assez de moyens en termes d'effectifs ? J'imagine que vous allez nous dire que oui, mais nous savons la manière dont les choses se passent dans les services de l'État depuis un certain nombre d'années. Disposez-vous de moyens suffisants pour effectuer ces contrôles dans toutes ces entreprises, alors que nous savons que ce département en comporte de nombreuses ?

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Je voudrais vous poser une question sur le PPRT Lubrizol qui intègre un périmètre d'exposition assez restreint. Nous avons pu constater, lors de l'incendie, que le périmètre touché peut être extrêmement variable et qu'il est complètement conditionné aux conditions climatiques. Au vu de ce qu'il s'est passé, est-il prévu une révision de ce PPRT, intégrant un périmètre plus grand ?

Par ailleurs, cet incendie soulève des questions dans la population sur les risques que présente une autre installation de stockage important, celle d'Odièvre qui est toute récente. Y avez-vous fait des contrôles récemment ?

J'ai un dernier point d'interrogation qui concerne l'aire d'accueil des gens du voyage, qui se situe à 500 mètres de l'usine Lubrizol. En janvier 2014, à la suite d'une enquête publique, un rapport indiquait que cette aire ne devait plus être utilisée. Qu'en est-il des conséquences de l'incendie pour les gens du voyage stationnés sur cette aire ?

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Vous avez indiqué qu'il y avait eu cinq études de danger. Y a-t-il cinq PPRT ou un seul pour l'ensemble du site ? Vous avez précisé qu'il contenait l'étude de danger des zones létales. Ma question a trait d'une part aux règles d'urbanisme : y a-t-il eu des limitations d'urbanisme, sur un périmètre éloigné, en application de ce PPRT ?

Je souhaitais aussi savoir quels étaient les dispositifs qu'avait mis en place Lubrizol pour alerter la population. J'ai déjà posé ma question au Président-directeur général de Lubrizol. Il ne m'a pas répondu. Je souhaiterais savoir si le PPRT comporte un dispositif d'alerte et comment il prévoit la communication de cette alerte à la population.

J'étais maire d'une commune qui avait un Seveso seuil haut. Il y avait une sirène. L'Etat nous avait aidés à bâtir un dossier d'information sur les risques majeurs, afin de prévenir la population en cas de sonnerie de cette sirène.

C'était ma première série de questions.

Deuxième série, afin de vérifier que la sécurité est portée par l'État à tous les niveaux. Vous me pardonnerez peut-être cette indiscrétion : quel a été votre dernier rendez-vous avec le préfet de région, ou le préfet de département sur ce sujet, ou avec le directeur de cabinet pour examiner les risques des bâtiments que vous contrôlez ? À quel moment cela a été mis à l'ordre du jour ? Peut-être vous souvenez-vous de la dernière réunion où vous avez pu aborder cela ?

Ma dernière question concerne les effets domino. Vous êtes un expert. La grande difficulté de vos fonctions dans le contrôle des installations classées, c'est d'envisager les effets domino de bâtiment en bâtiment. Vous avez précisé que vous aviez des études de danger et que le site de Lubrizol avait été découpé en plusieurs endroits. Je voulais savoir comment vous avez apprécié l'effet domino du risque qui s'étend à un autre bâtiment. Comment traitez-vous l'ensemble de l'installation du fait de ces risques d'effet domino ?

Je sais qu'il y a des scénarios que l'on peut écarter, parce qu'ils ne paraissent pas sérieux. En revanche, comment avez-vous fait pour les écarter ?

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D'abord une précaution oratoire qui n'est pas de pure forme. J'ai grandi à Caucriauville, poussé à Gonfreville-L'Orcher, été maire de Dieppe. Autant dire que la cohabitation avec le tissu industriel est consubstantielle à mon identité.

Deuxième précaution oratoire, je milite pour un Etat fort, pour un Etat qui a les moyens de sa politique. Jamais vous ne verrez chez nous des adversaires de l'État ni de ses représentants. J'ai même eu l'occasion de le dire récemment lorsqu'il s'est agi de trouver un bouc émissaire à cette catastrophe écologique, sanitaire et environnementale, même si vous avez semblé, monsieur le directeur régional, minimiser l'impact si on compare avec AZF. Mais comparaison n'est pas raison, puisqu'au bout du compte, c'est le sentiment qu'ont les habitants et l'émotion suscitée qui importent.

Passé ces deux précautions oratoires, j'ai plusieurs questions précises. Vous dites avoir été assez rapidement en situation de modéliser le nuage, sa grosseur, son épaisseur, sa composition, en tout cas pour ce qui concernait les produits issus de Lubrizol. Il me semble que les choses ont été plus compliquées.

Pourquoi à partir du moment où on avait modélisé le nuage et que l'on avait connaissance des vents au bout du compte, n'a-t-on pas été en situation, dans la gestion de crise, d'informer les maires concernés par le parcours, le sillon du nuage ?

Je dis cela évidemment en ayant la préoccupation des communes traversées par ce nuage, notamment les maires et les agriculteurs de celles qui se situent au nord du département semblent avoir été tardivement informés.

Je prolonge ma question. Dans la gestion de crise, n'y a-t-il pas quelque chose à réfléchir sur l'impérieuse nécessité de considérer que les maires sont le pivot, le lien indispensable entre les habitants, la population et l'État ? Il me semble avoir compris cela dans les propos du Président de la République, lorsqu'il a organisé le grand débat, mais peut-être ai-je mal compris.

Indépendamment de Lubrizol, je découvre le projet de centralisation des moyens du plan POLAM. Il faut renoncer à cette mauvaise idée. La Normandie, dans sa dimension économique, industrielle et portuaire justifie qu'on garde une sécurité telle que POLMAR. Si à la faveur de Lubrizol, vous renonciez à ce mauvais projet, ce sera de bon aloi.

En termes d'urbanisme, monsieur le directeur de la DDTM, si c'était à refaire, l'opportunité de l'écoquartier Flaubert, à proximité de Lubrizol, serait-elle validée ? Quelques-uns des élus de ma sensibilité avaient exprimé des réserves là-dessus.

Enfin, pour ne pas être trop long, une dernière question de fond. Je prends conscience, en la posant, que la réponse est compliquée. J'ai beaucoup de respect pour vous, d'autant plus que nous nous connaissons. Je sais à quel point vous êtes attentif aux territoires et aux côtés des acteurs du territoire. Je mesure tout de même que la parole publique est profondément abîmée, d'une manière générale, à la faveur de Lubrizol. Elle n'a pas été crue, ce que nous pouvons regretter en tant que républicains, parce que ce n'est jamais satisfaisant quand la parole des représentants de l'État n'est pas consolidée. Quelles pistes d'optimisation de la vulgarisation de la communication de la parole publique sont envisagées pour une crise aussi importante que celle-ci ?

Je l'ai dit quand il s'est agi de dénoncer, comme député de la circonscription, la république numérique qui renvoie sur le site de la sous-préfecture ceux qui recherchent les 280 fiches techniques, j'ai eu moi-même un déficit de connexion lorsque j'ai tenté de joindre celui de , France Bleu pour savoir ce qui se passait chez moi et informer les habitants ou répondre aux maires de ma circonscription.

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Je suis du groupe France insoumise, et je le précise parce que plusieurs de mes questions vont être inspirées par cela. Je suis rapporteur spécial pour la Commission des finances de la moitié des crédits du ministère de l'Ecologie, notamment ceux de la prévention des risques.

Vous avez dit tout à l'heure que c'est sans aucune commune mesure avec AZF. Mais je me souviens du directeur général de votre service au ministère qui, en 2017, expliquait qu'AZF avait permis les PPRT. C'est peut-être parce qu'il y a des PPRT, du fait d'AZF, que des accidents de l'ampleur de Lubrizol n'ont pas pris la même dimension.

La première question est dans le fil de celle posée par mon collègue Pierre Cordier, sur l'étonnement que provoquent vos 38 visites en sept ans, au lieu d'une par an. Je les rapporte mets aux propos du directeur général adjoint du ministère qui m'explique qu'il y a moitié moins de contrôles depuis 15 ans en France, du fait de la réduction des effectifs. Je ne parle pas seulement des sites Seveso, mais globalement. Je suis donc surpris de vos 38 visites et vous pose la même question que mon collègue Pierre Cordier : pour quelles raisons ont-elles eu lieu ?

La deuxième, je ne sais pas si vous avez pris connaissance d'un rapport du Club Maintenance Normandie qui est sorti hier dans Le Monde. Il présente un état assez apocalyptique, je cite le journaliste, de la question des sous-traitants, pas seulement de Lubrizol, mais des sites Seveso dans la région de Rouen. Je l'ai expliqué hier. Je ne vais donc pas revenir sur les résultats de cette enquête faite sur des salariés et sur des contrats.

Avez-vous eu connaissance de cette étude qui était sortie en 2010 ? Si oui, qu'a-t-il été fait depuis pour essayer de corriger la situation ? Combien y a-t-il de contrôles dans ces entreprises qui ne sont pas classées Seveso, mais qui sont des entreprises à risque qui travaillent en sous-traitance des sites Seveso ?

Troisième question, sur l'aménagement urbain autour de sites de ce type. Des gens du voyage étaient là : des images le montrent très clairement. Je remercie ma collègue d'y avoir pensé. Ils étaient au premier rang de l'incendie. Est-ce normal de les trouver des gens, proche d'un site Seveso ? Il y a aussi la prison, non loin. J'aimerais avoir votre analyse là-dessus et, plus globalement, sur la question de l'aménagement urbain et des plans d'occupation du sol autour de sites de ce type.

Enfin, ma dernière question porte sur la gestion des risques. J'ai interrogé, pour mon rapport spécial, l'ensemble des syndicats du ministère. Leur 'intersyndicale me parle, et je cite leurs propos, de préfectorisation de la gestion des risques, d'une mainmise de la préfecture sur des services comme les vôtres. Pouvez-vous me donner votre retour sur cette appréciation ? Cela rejoint la question qui vous a été posée plus diplomatiquement par mon collègue sur vos relations avec la préfecture à partir du moment où s'est déroulé cet accident.

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Monsieur le directeur, dans vos réponses, avec l'esprit de synthèse dont je sais que vous êtes doté, n'oubliez pas la question sur Normandie Logistique, parce qu'elle est importante pour bien comprendre de quel régime il dépend.

N'oubliez pas aussi la question de la transmission des listes. Je crois comprendre que ce qui permet d'établir un danger et ce qui le conditionne, c'est la connaissance que l'on a du type de produits qui sont entreposés, stockés ou utilisés pour un process de production. Je n'arrive pas à comprendre, sincèrement, comment nous n'avons pas eu la possibilité d'avoir, dans un délai vraiment rapide, une connaissance exhaustive, complète, précise de ce qui était entreposé ce soir-là, cette nuit, à la fois dans les entrepôts de Lubrizol et de Normandie Logistique.

Enfin, parce que la question a été posée hier au président de Lubrizol monde et qu'il nous a renvoyés vers vous, je me permets de vous la poser. Dans le tableau des probabilités et des risques du PPRT, il est indiqué que le risque incendie d'un tous les 10 000 ans. Quel est le modèle ? Qui a écrit cela ? Pourquoi ? C'est pour comprendre que je vous pose cette question. Est-ce une occurrence ? Est-ce un modèle, une simulation ? Est-il fréquent d'obtenir une telle indication ?

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Laurent Bresson, directeur de la DDTM

Je vais peut-être prendre le relais, mesdames et messieurs les députés, pour répondre à la première question qui a été posée sur la protection de la Seine, et notamment la mobilisation des moyens du plan Polmar. Je vais resituer peut-être très rapidement ce sujet qui est un sujet majeur dans la gestion de cette crise, puisque l'entreprise Lubrizol, comme vous le savez sans doute, est située à peine à quelques centaines de mètres des berges de la Seine. Et naturellement pour éteindre l'incendie, les services du SDIS (service départemental d'incendie et de secours) ont dû déverser des quantités très importantes d'eau sur le site, jusqu'à 25 à 30 000 litres à la minute en période de pointe, ce qui est tout à fait considérable. Cet arrosage massif n'a pas manqué d'entraîner le ruissellement, dans les réseaux d'eau pluviale, de quantités importantes de polluants.

La stratégie qui a été la nôtre est assez simple. Il se trouve que les exutoires de ces réseaux d'eau pluviale aboutissaient tous dans un bassin du port, une darse. Nous avons fait le choix, dès le début de la crise, dans les toutes premières heures, de tout faire pour cantonner la pollution, la traiter et la pomper dans ce bassin, de sorte qu'elle n'atteigne pas le fleuve. Cette stratégie a réussi.

Et comme vous l'avez souligné, monsieur le député, si cette stratégie a réussi, c'est dû à plusieurs facteurs. Premier facteur essentiel, c'est que nous avons pu très rapidement installer un barrage provisoire léger au droit de ces exutoires. C'était effectif dans les toutes premières heures de la crise, avec les moyens du grand port maritime de Rouen. C'est ce qui a permis de limiter la progression de la pollution.

Très vite, vers 7 heures du matin, nous faisons le constat que ces moyens ne seront pas suffisants. Ils sont trop légers et donc insuffisamment adaptés au flux de pollution qui est attendu. Nous décidons donc de faire appel au moyen du plan Polmar, d'ordre national. Ces moyens sont basés au Havre. La commande est immédiatement passée.

Ils partent du Havre à 11 heures du matin. À 14 heures, toujours le 26, un barrage lourd, de 200 mètres de long est posé, qui vient fermer définitivement le bassin. À cette heure, aucune pollution n'est encore passée dans le fleuve. Le fleuve a été totalement préservé, parce que la nappe s'est répandue dans le bassin de six hectares.

Dès le premier jour, des moyens de pompage sont mis en place pour pomper l'eau polluée de ce bassin et la traiter. Au total, ce sont plus de 150 mètres cubes de polluants purs, c'est-à-dire séparés de l'eau, qui seront retirés. Nous avons véritablement traité un volume très significatif de pollution. Et pour compléter l'effet de ce barrage flottant Polmar, un contre-courant de surface a été mis en place, dès le premier jour également, grâce à leur lance à eau des remorqueurs qui étaient présents sur le site. Nous avons fait le choix de créer un contre-courant artificiel de surface pour repousser la pollution flottante vers la partie du bassin où elle était pompée et traitée.

À la question de savoir si finalement, nous aurions pu faire face sans ces moyens lourds du plan Polmar, je vais être très clair, la réponse est non. Les moyens dont on disposait localement n'étaient pas suffisants. Nous avons pompé du polluant jusqu'au 6 octobre. Cela a duré plusieurs jours. C'est bien pour cela que dès 7 heures du matin, le premier jour de la crise, nous avons fait le constat qu'il était nécessaire d'obtenir ces moyens complémentaires. Déclenchés à 11 heures du Havre, ils étaient installés sur place à 14 heures. C'est un délai relativement court. Je pense qu'en l'espèce, c'est le délai qui convenait pour gérer cette crise.

Très clairement, je pense même que dans ce contexte, on peut aussi se poser une question allant un tout petit peu plus loin. Nous avions là une configuration qui était plutôt favorable, des exutoires d'eaux pluviales qui arrivaient dans un bassin. Il est évident que la situation aurait été tout autre à gérer si ces exutoires étaient arrivés directement dans la Seine, sans présence du bassin intermédiaire. Là, nous aurions probablement eu besoin de moyens encore plus importants et encore plus spécifiques.

La mobilisation des moyens du plan Polmar a permis d'éviter toute pollution du fleuve. Je peux le dire aujourd'hui, maintenant que nous en avons terminé avec le traitement des effluents polluants. Vous avez raison, il faut bien avoir cela en tête parce qu'il y a là un enjeu très sensible. Nous n'avons aujourd'hui aucune pollution de la Seine, liée à la crise Lubrizol.

La réponse à la question de la mise en oeuvre du PPRT, dans la phase opérationnelle est : oui. Les prescriptions du PPRT en matière d'urbanisme ont été appliquées. Je peux notamment vous en donner deux exemples, relativement emblématiques. Je pourrais en citer d'autres.

Dans les prescriptions du PPRT était prévue la suppression d'une voie publique, ce n'est pas rien. Le site Lubrizol était traversé par une voie publique nord-sud, la rue Marc Seguin, ce qui posait un problème. Le PPRT prévoyait la suppression de cette voie publique. Cela a été fait. Cette voie est aujourd'hui privatisée. Elle est totalement intégrée au périmètre sécurisé de l'ICPE.

L'autre exemple concerne la délivrance des permis de construire. Tous les permis de construire situés dans la zone couverte par un PPRT font l'objet d'un examen de conformité. Un certain nombre d'autorisations ont été refusées. Je vous en cite une. Il était prévu que soit créé, pour un projet privé, un showroom d'exposition, qui est un établissement recevant du public, dans le périmètre du PPRT. Le permis de construire a été refusé par l'autorité compétente, le maire, en application du PPRT.

Dans un domaine différent, lorsque la Métropole de Rouen, à l'époque je pense que c'était plutôt la Communauté d'agglomération, a mis en place une nouvelle ligne de bus, la ligne 34, le PPRT a fait obstacle à toute création d'arrêts voyageurs sur cette ligne de bus dans l'aire d'application du PPRT. Ceci a été parfaitement respecté.

Les prescriptions du PPRT, pour tout ce que nous avons pu vérifier, ont été très strictement respectées. Nous sommes dans une zone dans laquelle l'habitat est très peu présent. On trouve quelques habitations au nord du site Lubrizol, notamment sur la commune de Petit-Quevilly. Au total, une dizaine de logements sont situés dans l'ère du PPRT. Quatre de ces logements sont en zone d'aléas dite moyen, et huit de ces logements sont en zone d'aléas faible. Voilà pour l'état des lieux de la situation.

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Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie

Je vais essayer de regrouper les questions qui m'ont été posées pour être aussi synthétique que possible. La DREAL Normandie dispose des moyens nécessaires à l'exercice de ses missions. C'est tout à fait clair. Je rends compte des moyens qui sont mis à ma disposition, et en tant que haut fonctionnaire, je porte une appréciation sur le sujet. Depuis 2017, ces moyens sont préservés, en matière notamment d'inspection des installations classées.

Une circulaire du 24 juillet 2018, éminemment publique, sur la réforme de l'État, commence par lister les missions régaliennes qu'il convient de préserver, de consolider. Je fais partie de ceux qui ont été satisfaits de constater que le premier bloc de missions régaliennes, celles à consolider et à pérenniser, inclut la surveillance et la sécurité industrielle, et donc l'inspection des installations classées. Je viens de recevoir mes notifications de moyens pour 2020. Ils sont maintenus sur ce sujet. Ils l'ont été maintenus depuis 2017. Je vous en rends compte.

Nous sommes attentifs à cet égard. La DREAL Normandie, à mon initiative, est engagée dans une démarche qualité, parce que c'est le rôle des directeurs de savoir dans quelle orientation ils s'engagent. La fusion avec la DREAL de Basse-Normandie a eu lieu il y a bientôt huit ans. Je suis à Rouen depuis le 15 février 2012. J'ai été d'abord été DREAL Haute-Normandie, puis DREAL Normandie. J'ai décidé, dans le cadre de la fusion, d'engager ma maison dans une démarche qualité. Nous sommes certifiés ISO 9001 depuis juin 2017. L'AFNOR (Association française de normalisation) est revenue en juin 2019 pour nous renouveler cette certification. Dans les labels par l'AFNOR, il y a la prévention des risques technologiques.

Nous sommes labellisés ISO 14001 sur l'impact environnemental, y compris externe, de nos activités. Nous sommes également labellisés Marianne, pour notre attention portée à la répartition des moyens dont nous sommes bénéficiaires. Nous avons particulièrement veillé à bien calibrer le service d'expertise et d'appui qui s'appelle, dans une DREAL, le service risque, par rapport aux UD (unités départementales), qui sont au plus près du territoire et des exploitants. Nous veillons à ce que les UD aient les moyens de travailler et que le service risque, pour autant qu'il soit indispensable à l'expertise de ce qu'elles font, ne soit pas surdimensionné par rapport aux moyens dont elles disposent.

Je remercie et j'ai félicité le chef de l'UD Rouen Dieppe et ses collaborateurs et collaboratrices. J'ai réuni le 17 octobre, jeudi dernier, la centaine d'inspecteurs des installations classées de la DREAL, pour évoquer ce sujet. J'ai remercié tous ceux qui sont et qui ont été parties prenantes. Nous pouvons considérer que les moyens dont nous disposons sont bien utilisés.

Je rappelle que les deux indicateurs qu'un DREAL doit régulièrement regarder, sont le nombre de visites d'inspection par ETP (équivalent temps plein) travaillés et la fréquence des visites de chaque site. L'objectif national est de 20,7 par ETP. Nous avons fini 2018 à 20. L'UD Rouen Dieppe a dépassé la trentaine de visites d'inspection par inspecteur. Cela veut dire qu'ils ont effectivement fait beaucoup de visites.

Concernant la fréquence des visites de site, l'indication nationale est d'une visite par an. Si on y va quatre fois, trois fois ou huit fois, c'est qu'il y en a besoin. Il n'y a pas de qualificatif à apporter sur l'exploitant considéré. Il y a besoin que les prescriptions réglementaires qui lui sont applicables, parfois renforcées suite à un accident, fassent l'objet de visites d'inspection pour s'assurer qu'elles sont effectivement appliquées.

En ce qui concerne le retour d'expérience, j'en vois deux. Le premier, c'est qu'il me semble que nous avons collectivement diffusé, à l'occasion de cet accident, une très grande connaissance des risques industriels. Je suis à la DREAL Normandie depuis bientôt quatre ans. J'observe qu'en Seine-Maritime, il y a deux parties du territoire.

La Pointe de Caux a une tradition – c'est comme ça, il y a sûrement des explications – qui fait qu'il y a vraiment une très forte interactivité entre les services de l'État, les associations environnementales, les élus et les industriels. Cela permet de porter à la connaissance des habitants la nature des risques, l'existence de ces risques, leur caractérisation, la connaissance des phénomènes associés, notamment en cas d'incident ou d'accident. Il n'y a pas l'équivalent sur l'agglomération rouennaise. C'est le premier retour d'expérience.

D'ailleurs cela a été largement évoqué et proposé dans le cadre des trois instances que nous avons déjà réunies en local. Ce point a été évoqué et partagé par le Comité pour la transparence et le dialogue, qui s'est tenu le 11 octobre ; par le comité départemental des risques sanitaires et technologiques (CODERST) que le préfet a réuni dès le 8 octobre et par la Commission de suivi de site, réunie mercredi dernier, 16 octobre.

Il y a un autre retour d'expérience, que vous évoquerez peut-être avec les pompiers, dont je sais qu'ils vont bientôt vous rejoindre. Les moyens de lutte contre l'incendie ont été réduits pendant une certaine période, après que la réserve d'eau de Lubrizol a été épuisée.

L'explication qu'a donnée Lubrizol, c'est que la force de l'incendie venant de l'extérieur, et venant apparemment de la partie mitoyenne, était telle que les sprinklers du hangar 5 se sont ouverts et ont arrosé les fûts présents dans le hangar, alors même que le feu n'y était pas. L'eau a été consommée pour éteindre un incendie qui n'était pas encore présent à l'endroit que les sprinklers arrosaient. Quand l'incendie est arrivé dans le hangar, l'eau de la réserve d'incendie de Lubrizol était épuisée.

Les pompiers avaient d'autres dispositifs, qu'ils vont vous exposer. Le port a très rapidement amené un bateau-pompe, qui a permis de prendre le relais avec une pression suffisante et le débit nécessaire pour reprendre la lutte contre l'incendie. Il s'avère qu'en pareil cas, lorsque les réserves d'eau des sites Seveso seuil haut sont épuisées, l'usage, c'est qu'il y ait à proximité ce que j'appelle, avec beaucoup de guillemets, une borne municipale, sur laquelle les pompiers peuvent se brancher et qui prend le relais.

À cet endroit, la situation juridique du boulevard maritime est celle d'une voie privée, qui appartient au grand port maritime de Rouen mais est ouverte à la circulation publique. Il n'y a pas de borne incendie. En réalité, ces bornes incendie, si elles étaient installées, devraient se brancher sur le réseau municipal qui doit être le réseau métropolitain. Il y a clairement un travail à faire pour remédier à cette situation, évoquée à plusieurs reprises avec les exploitants et avec le port. Le préfet de la Seine-Maritime est susceptible de réunir assez rapidement le port, la Métropole, les Seveso du port maritime pour que cette situation trouve un terme. Il faut que des bornes incendie soient mises en place, mais il ne s'agit pas seulement d'avoir une borne, il faut aussi qu'elle ait le débit suffisant. Cela permettra, au cas où les stockages d'eau de chaque Seveso seuil haut de ce boulevard viennent à être épuisés par un incendie, qu'une borne privée, raccordée à un réseau public, prenne le relais. C'est le deuxième retour d'expérience.

Je vais essayer de vous dire très rapidement le statut de Normandie logistique. C'est une installation classée. C'était au départ des magasins généraux, qui n'étaient pas concernés par les textes de 1917 sur les établissements incommodes, insalubres, malodorants, etc. Ils ont été enregistrés en 1953 comme magasin général. C'était l'appellation ancienne des magasins de portuaires pour des marchandises diverses. Lorsque la loi de 1976 est intervenue pour créer le régime des installations classées, ils n'étaient pas forcément immédiatement dedans.

Il y a eu une création de rubriques en 1986. En 1992, il y a encore eu un changement de rubrique. La loi disait que l'exploitant devait se manifester pour signaler qu'il relevait de la nouvelle rubrique. Ils se sont manifestés à ces deux occasions.

En 2010, il y a encore eu un changement de rubrique. Là, très clairement, ils ont été défaillants. Ils ne se sont pas manifestés. C'est une défaillance administrative. Donc aujourd'hui, Normandie Logistique est bien une installation classée relevant juridiquement du régime de l'enregistrement et non du régime de l'autorisation, qui est plus élevé, ni de celui des Seveso, encore au-dessus. L'autorisation est le cas classique, dont l'enregistrement est un régime simplifié. Le régime de la déclaration est le plus simple. Ils sont juridiquement ICPE soumise à enregistrement mais à défaut de s'être manifestés, après cette modification des textes en 2010, ils sont restés connus de nous comme ICPE soumise à déclaration. Le nombre de visites à faire par an dépend de ce rubricage. Les directives sur les émissions industrielles (IED) indiquent que les sites Seveso seuil haut, ces grandes installations qui émettent des rejets dans l'air et dans l'eau considérables, soumises à un programme européen de réduction programmée, doivent être visités est une fois par an ; les Seveso seuil bas et autres IED, une fois tous les trois ans ; les suivants, une fois tous les sept ans et ainsi de suite.

Parce que les ICPE soumises à déclaration sont des installations simples, il n'y a de visites d'inspection que lorsque sur signalement de bruits, d'odeurs ou d'activités suspectes par un élu ou un riverain. Il n'y a jamais eu de signalement de bruits, d'odeurs ou d'activités suspectes chez Normandie Logistique. Et pour autant, nous y sommes allés deux fois, c'est une information importante. En 2011, nous y sommes allés dans le cadre du PPRT, vérifier la zone d'effet de Lubrizol chez Normandie Logistique. Les données relatives à cet état de fait ont été partagées avec les élus, les associations, les services de l'État en 2013, avant l'approbation du PPRT. Les choses étaient sur la table.

Nous y sommes retournés en 2017, parce que Lubrizol nous a indiqué vouloir acquérir l'emprise. Nous y sommes allés, pour dire à Lubrizol : « si vous l'acquérez vu l'état des hangars, voilà toutes les modifications substantielles qu'il faudrait faire, et que le dossier devrait comporter, si vous vous en saisissez. » Cela n'a pas encore été le cas.

Je précise enfin sur ce plan que le rapport d'inspection sur Normandie Logistique consécutif à l'accident a été finalisé hier. J'ai transmis mes conclusions au préfet, à la ministre, et je suis en mesure de vous informer que j'ai également transmis au parquet un procès-verbal, comportant le relevé de plusieurs infractions pénales.

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Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie

L'amiante est un sujet très important. Cela fait partie de la surveillance environnementale déployée. Nous pouvons souligner, en un mot, qu'à ce stade, tous les résultats sont satisfaisants. C'est également un point que je me permets de souligner devant vous.

Les recherches de substances faites dans l'environnement l'ont été sur la qualité de l'air, de l'eau, de l'eau potable et de celle qui ne l'est pas, par Eau et Nature, sur le contenu des suies, sur les contenus en matière de dioxines et sur l'amiante.

L'amiante est un sujet qui intervient à trois niveaux différents, dans cet accident. Les toitures en fibrociment des différents entrepôts ont-elles projeté dans l'air des fibres d'amiante à un niveau inquiétant pour la santé humaine ? La réponse est non. Nous avons fait trois campagnes de prélèvements de fibres d'amiante dans l'air. Une première immédiatement, dans un périmètre de 300 mètres autour des deux sites. La deuxième dans un périmètre de 15 kilomètres, dans la direction du panache, jusque sur les hauts de Rouen. Et la troisième, par mesure de sécurité dans un périmètre de 800 mètres.

Toutes ces campagnes montrent des chiffres dont les intervalles de confiance, sont entre 0 et 3 fibres d'amiante par litre d'air ou, au plus, entre 0 et 4,8. Le seuil au-delà duquel un maître d'ouvrage propriétaire d'un bâtiment amianté, doit le désamianter dans les trois ans qui suivent le dépassement du seuil, est de cinq fibres d'amiante par litre d'air. C'est une réglementation applicable à l'intérieur des bâtiments, lorsqu'il y a de l'amiante friable.

Les résultats des prélèvements montrent que l'incendie n'a pas diffusé de fibre d'amiante dans l'air. C'est cohérent avec le constat fait par un expert de l'institut national de l'environnement industriel et de risques (INERIS), venu sur site le lundi, pour examiner les toitures en fibrociment et de Lubrizol et de Normandie Logistique. Il nous a produit une expertise, indiquant que ces toitures n'ont pas brûlé de manière massive, ce qui aurait pu être été dangereux, mais qu'elles se sont effondrées. Ce sont les explosions de certains fûts qui les ont fragmentées et qui ont projeté des morceaux et c'est le deuxième sujet. Le mouvement ascensionnel du panache et sa force portante ont diffusé ces fragments de fibrociment. Un dispositif a été mis en place pour les récupérer. Nous avons invité Lubrizol à plusieurs reprises à l'améliorer. Les particuliers et les entreprises mobilisent par un numéro vert une entreprise qui vient enlever ces morceaux de fibrociment. Les collectivités s'adressent directement à l'entreprise.

Enfin, un troisième sujet nous est commun avec mon collègue de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). C'est la protection des travailleurs de Lubrizol, de Normandie Logistique ou des prestataires qu'ils mobilisent par rapport au risque posé par l'amiante. Les restes des différents hangars qui ont brûlé comportent effectivement des fragments de toiture en fibrociment. L'enlèvement de ces déchets calcinés doit se faire dans le respect des protocoles de protection des travailleurs contre le risque d'amiante.

À ce stade, l'ensemble des prélèvements faits dans l'air montre que cet incendie n'a pas projeté de fibres d'amiante dans l'agglomération rouennaise ni au-delà

Nous avons recherché des dioxines dans les suies. Aucune n'a été identifiée en relation avec cet incendie. Nous avons recherché les métaux. Aucun métal n'a été identifié en relation avec cet incendie. Atmo Normandie nous a indiqué, quelques jours après l'incendie, que des odeurs signalaient des projections de zinc, de phosphore et de soufre dans l'atmosphère. Ce sont trois produits présents dans les différentes matières premières qu'utilise Lubrizol.

L'eau est potable. La surveillance environnementale se déploie. Elle réside sur un arrêté du 14 octobre qui est extrêmement complet. Nous allons faire une surveillance dans les semaines, pour vérifier la présence de ces substances, même à des doses faibles. Si on en trouvait, qui soient susceptibles d'avoir des impacts de long terme sur la santé, on mettrait en place la surveillance appropriée.

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Monsieur le Directeur, le temps nous manque, mais nous souhaitons obtenir des réponses. Je vais vous proposer de collecter l'ensemble des questions qui ont été posées par mes collègues, notamment sur les gens du voyage. Je rendrai publique la liste des questions que je vais vous adresser et l'ensemble des réponses que nous souhaitons que vous puissiez apporter dans un délai raisonnable.

Je dis à mes collègues que je me permettrai de leur adresser officiellement un courrier pour recueillir l'ensemble de leurs questions qui n'ont pas eu de réponse. Je rendrai public ce courrier et les réponses que nous attendons.

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Monsieur le Président, je pense qu'une heure pour recevoir nos amis de la DREAL, c'est un peu court par rapport aux questions que l'on a à poser. Une heure c'est trop juste.

La séance est levée à quinze heures vingt.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à Rouen

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 14 heures

Présents. - M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, M. Xavier Batut, M. Christophe Bouillon, M. Éric Coquerel, M. Pierre Cordier, Mme Perrine Goulet, M. François Jolivet, M. Bruno Millienne, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Annie Vidal, M. Hubert Wulfranc

Excusés. - M. Sébastien Leclerc, Mme Sira Sylla

Assistait également à la réunion. - M. Sébastien Jumel