Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 7 novembre 2019 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PLF
  • PLFR
  • prévision
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La réunion

Source

Présidence de

M. Éric Woerth,

Président

La commission entend MM. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, et Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019 (n° 2400) (M. Joël Giraud, rapporteur général).

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Nous recevons M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, accompagné de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, venus nous présenter le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2019, adopté en conseil des ministres ce matin.

Avant de passer la parole au ministre, je me dois de rappeler, compte tenu des conversations que nous avons eues hier, les conditions un peu particulières dans lesquelles nous examinons ce texte – au fond, elles ressemblent assez à celles de l'année dernière. Il sera à l'ordre du jour de notre commission dès le mardi 12 novembre, à 9 heures 30, et le délai de dépôt des amendements pour la commission est fixé à demain vendredi 8 novembre, 15 heures. Le texte est inscrit à l'ordre du jour de la séance publique le mercredi 13 novembre, à 15 heures, le délai de dépôt des amendements pour la séance étant fixé au samedi 9 novembre à 17 heures.

Enfin, j'indique que le Haut Conseil des finances publiques a adopté le 31 octobre son avis relatif à ce projet de loi de finances rectificative. Cet avis vous a été communiqué par courriel ce matin, au moment même où il a été rendu public, et il est par ailleurs à votre disposition à l'entrée de la salle.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Sur la forme, d'abord, nous sommes tous d'accord pour dire que les délais sont extrêmement contraints. Mais, depuis que je suis ministre des comptes publics – sauf en 2017, année budgétaire que je n'avais pas portée – j'ai pris l'engagement de ne pas avoir recours aux décrets d'avance et de présenter des PLFR de fin de gestion qui ne comporte pas d'articles fiscaux. Je m'y tiens. Le Sénat m'en a d'ailleurs publiquement donné acte hier.

Le débat fiscal a lieu au moment de l'examen du PLF comme le montre le nombre d'amendements déposés en 2018 et en 2019 par tous les groupes, y compris ceux de la majorité. Il reste que la discussion aura lieu sur le PLFR, même si elle sera courte. Le Gouvernement, puisqu'il a adopté cette ligne de conduite, refusera toutes les dispositions fiscales.

Le Haut Conseil des finances publiques a donc validé les hypothèses macroéconomiques du PLF et celles présentées dans ce PLFR : taux de croissance et d'inflation, augmentation de la masse salariale de 3,3 %… Il considère ainsi que les hypothèses sur lesquelles travaille le Gouvernement sont sincères. D'ailleurs, les chiffres rendus publics tant par la Commission européenne, aujourd'hui, que par le Fonds monétaire international (FMI), hier, attestent cette ténacité de la croissance économique en France, alors qu'elle fléchit partout ailleurs dans le monde.

Ce PLFR est marqué à la fois par une sincérité budgétaire accrue et par un déficit en baisse.

Sur le premier point, nous avons sincérisé les inscriptions budgétaires, ce qui a permis, pour la deuxième fois, de ne pas recourir à des décrets d'avance. Dans le même temps, la réserve de précaution était fixée à 3 %, sans qu'aucun dégel n'intervienne avant le 1er juillet – et seulement sur deux lignes budgétaires après cette date. Ainsi, le PLFR a pour seul objet la fin de gestion budgétaire et rien d'autre.

Cela n'aura échappé à personne, entre le moment où nous avons présenté le projet de loi de finances pour 2019 et la date d'aujourd'hui, sont néanmoins intervenus l'épisode des « gilets jaunes » et le Grand débat. On pouvait donc se demander si le PLFR devrait procéder à une révision des chiffres du déficit, compte tenu des augmentations de dépenses constatées. Eh bien, ce déficit restera à 3,1 %, chiffre qui serait ramené à 2,3 % ou 2,4 % si on mettait à part les dispositions exceptionnelles relatives au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. C'est conforme à ce que nous avons fait voter par le Parlement au mois de décembre dernier.

Nous proposons un milliard d'euros de dépenses publiques en moins. Le PLFR détaille ces économies par ministère. Il y a eu cependant d'importantes augmentations de dépenses, tels les 800 millions d'euros pour financer la prime d'activité, 600 millions d'euros dus au décalage de la réforme de la contemporanéisation des aides personnelles au logement (APL), 300 millions d'euros au titre du bonus automobile pour la conversion à des véhicules plus propres. Alors qu'on peut lire parfois, ici ou là, que le Gouvernement ferait des restrictions sur l'urgence écologique, on constate qu'il a précisément rajouté 300 millions d'euros en gestion.

Parallèlement, la charge de la dette a baissé de 1,6 milliard d'euros et nous avons largement amélioré le recouvrement de l'impôt. Cela est dû au prélèvement à la source, qui permet d'augmenter les recettes sans augmenter les impôts des Français, aux efforts fournis en matière de lutte contre la fraude fiscale. 2019 sera l'année où il y a eu le plus de recouvrements pratiqués à ce titre – quelques importantes transactions ont été rendues publiques. Enfin, la taxe sur les services numériques apportera au budget de l'État les 400 millions d'euros prévus.

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Vous avez raison de souligner, Monsieur le ministre, que le Haut Conseil valide les prévisions du Gouvernement ; nous n'avions d'ailleurs pas remis en cause leur prudence et leur réalisme. Mais le Haut Conseil valide aussi l'idée que l'effort structurel est très faible. Or, pour l'instant, nous ne voyons pas de solution s'agissant de cet aspect structurel de notre déficit. À mes yeux, cette question devrait pourtant être une priorité car il ne saurait y avoir de distribution durable de pouvoir d'achat sans réponse au problème du déficit structurel de nos finances publiques, qui est notre grande faiblesse.

Il est vrai que le Gouvernement a plutôt maîtrisé, en gestion, les dépenses prévues en loi de finances initiale. Les ouvertures de crédits sont plutôt inférieures aux annulations de crédits. La France bénéficie d'une amélioration de la situation pour le financement de la dette publique, même s'il s'agit de dépenses non pilotables. Vous bénéficiez aussi d'une dynamique de recettes supérieure à celle qui avait été prévue – probablement par prudence – notamment en matière d'impôt sur le revenu. Cela dit, le solde général ne bouge pas. Ne doit-on pas s'attendre à quelques surprises concernant les collectivités locales ou la sécurité sociale ?

S'agissant des crédits de la défense et des opérations extérieures (OPEX), vous aviez prévu au budget, si on y inclut les dépenses correspondantes dans la mission Défense, un petit milliard d'euros. Il y a eu 400 millions d'euros de dépassement, dont 200 millions sont couverts par des ouvertures de crédits nouvelles au sein de la mission. Qu'en est-il des 200 autres millions d'euros ? Les constaterez-vous plus tard ? Les financerez-vous plus tard ? En tout cas, les crédits de la mission Défense baissent globalement de 70 millions d'euros, car les annulations de crédits excèdent les crédits supplémentaires ouverts.

Il faut enfin parler de la « bosse » budgétaire qui affecte les crédits de la défense. Est-elle toujours due aux 50 milliards d'euros de retard d'engagements ? Ne l'accentuez-vous pas en ouvrant en gestion 12 milliards d'euros supplémentaires sur l'équipement des forces, soit un quasi-doublement des autorisations d'engagement en la matière ? À quoi doit-on s'attendre ?

Pour conclure, les dépenses sont certes moins importantes qu'initialement prévues, et c'est tant mieux. Il n'empêche qu'elles sont plus importantes que l'année dernière, à hauteur de 7 milliards d'euros pour les dépenses non pilotables. Le solde négatif reste à un niveau extrêmement élevé.

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Ce PLFR respecte en effet les engagements qui avaient été pris – absence d'articles fiscaux et de décret d'avance –, même si on peut toujours regretter que le timing de son examen soit serré.

Je constate que les prévisions budgétaires du PLFR 2019 sont assez proches des prévisions révisées dont nous avons été destinataires, dans le cadre du PLF 2020, pour l'exercice 2019. Comme prévu, le solde budgétaire de l'État s'améliore significativement, à hauteur de 10 milliards d'euros. Nous en avons déjà débattu, l'impôt sur le revenu rapporte en effet plus que prévu en 2019. Plusieurs autres impositions pesant sur les personnes sont également dynamiques – revenus de capitaux mobiliers, donations et successions et impôt sur la fortune immobilière (IFI) –, ainsi que les recettes non fiscales. Les révisions se font presque systématiquement à la hausse : c'est le signe que les prévisions de recettes avaient été particulièrement prudentes en loi de finances initiale, ce qui est une bonne pratique pour anticiper tout retournement conjoncturel. Pour avoir autrefois pratiqué ainsi l'exercice budgétaire en tant que maire, je suis heureux de constater que l'État agit de la même façon qu'au niveau local.

Selon le Haut Conseil des finances publiques, les prévisions macroéconomiques de la fin de l'année 2019 sont vraisemblables et la croissance prévue pour 2019, soit 1,4 % du PIB, demeure atteignable, à condition que l'on observe une légère accélération au quatrième trimestre. Le Haut Conseil note également que les prévisions de recettes, de dépenses et de solde sont plausibles, ce qui est une forme de satisfecit que je souligne auprès de nos collègues.

J'ai plusieurs questions portant sur les ajustements budgétaires que le présent PLFR prévoit de réaliser. Peut-être n'aurais-je pas eu à les poser si j'avais pu le consulter plus tôt. Mais un dialogue en commission ne saurait après tout qu'insuffler plus de dynamique à la discussion budgétaire.

Premièrement, l'article 2 prévoit d'ajuster à la baisse les recettes du « CAS Radars ». Il y a urgence en la matière, car, en l'absence d'intervention législative, l'effondrement des recettes des radars en 2019 se répercuterait intégralement sur le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Cela représente un manque à gagner de 400 millions d'euros. L'article propose de couper la poire en deux, puisque le CAS Radars supporterait une baisse d'environ 200 millions d'euros de ses recettes. J'avais proposé, en première partie de l'examen du budget, la suppression de ce compte d'affectation spéciale, qui masque par ailleurs des circuits de financement particulièrement complexes. En effet, il n'est pas normal que des aléas de recettes mettent en danger le budget d'organismes aussi importants que l'AFITF. L'amendement a été rejeté, mais le sujet demeure : comment sécuriser les ressources de l'AFITF et des autres affectataires des recettes du CAS sans réformer structurellement ce dernier ? Sur la seule année 2019, comment sera géré le manque à gagner pour l'AFITF ?

Deuxièmement, sur le volet dépenses, en décembre dernier, nous avions décidé d'augmenter de 2,8 milliards d'euros en programmation les crédits alloués à la prime d'activité dans le cadre des mesures d'urgence. Il semblerait que ce coût soit encore supérieur de 840 millions d'euros à ce qui était prévu. Pourriez-vous préciser les écarts avec la prévision actualisée et les raisons de ces écarts ?

Troisièmement, sur le budget général, en dépenses, on constate un écart de 1,8 milliard d'euros entre le révisé 2019, présenté il y a un mois avec le projet de loi de finances, et le PLFR 2019. Comment l'expliquez-vous ?

Sur les OPEX et les MISSINT, 850 millions d'euros avaient été prévus en LFI, plus 100 millions de masse salariale. Ce PLFR ouvre 214 millions d'euros de crédits sur le programme 178 au titre du surcoût non provisionné. Quel est le surcoût prévisionnel total des OPEX en 2019 ? Quelle est la part assumée par la mission Défense ?

Toujours en ce qui concerne la mission Défense, on constate une modification en gestion de 12,4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement sur le programme 146 Équipement des forces. À quoi correspond cette modification ?

Sur la mission Recherche et enseignement supérieur, on constate des annulations de crédits à hauteur de 298 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 322 millions d'euros en crédits de paiement. Pourriez-vous les expliquer ?

Enfin, le Gouvernement avait annoncé un objectif de 1,5 milliard d'euros d'économies sur la norme de dépenses pilotables. Le Haut Conseil des finances publiques a constaté que cette réduction se limiterait à un milliard d'euros. Pourriez-vous expliquer les raisons de cet écart ?

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Monsieur le président, vous avez fait une remarque sur l'ajustement structurel : on peut la partager en partie. Mais l'examen du PLFR doit d'abord, à mes yeux, permettre d'évaluer si nous tenons les engagements du PLF et si les mesures de gestion, les aléas économiques et les retombées des annonces faites dans le cadre du Grand débat ne les remettent pas en cause. C'était l'une des préoccupations de l'opposition – et c'est tout à fait normal. Nous sommes bien à moins 0,1 % d'ajustement structurel, ce qui correspond à l'engagement contenu dans le PLF. Le Haut Conseil des finances publiques constate lui aussi que nous avons tenu l'engagement du PLF, même si nous nous éloignons ce faisant des engagements européens de la France. La discussion n'est pas nouvelle ; nous l'avons menée dans le cadre de l'examen des premiers articles du PLF 2020.

Je vous remercie, Monsieur le président, d'avoir souligné, avec l'honnêteté intellectuelle que nous vous connaissons, que nous avons sincérisé le budget de l'État et que nous avons une bonne gestion comptable depuis deux ans – et même trois si on prend en compte le décret d'avance, difficile mais efficace, de 2017. Monsieur le rapporteur général, vous l'avez également fait observer.

Nous ne faisons pas exprès de minorer les recettes – ce n'est pas une astuce de garçon de bains. Mais nous modérons à dessein notre optimisme. Il est sinon facile de présenter un budget en prévoyant plus de recettes, avant que chacun constate qu'on ne les a pas – le budget ayant entre-temps été adopté. En effet, monsieur le rapporteur général, les collectivités locales, lorsqu'elles sont bien gérées, ne présument pas des recettes fiscales qu'elles devraient avoir. Comme élu local d'opposition, j'ai connu des présentations de budget où la dotation de l'État était annoncée à un niveau de 30 % supérieur à celui où elle s'établissait finalement en réalité…

Je vous remercie tous deux, Monsieur le rapporteur général, Monsieur le président, d'avoir remarqué que nous avons été sérieux et sincères, tant en dépenses qu'en recettes. Pour les dépenses, l'éloge doit être partagé avec l'ensemble des membres du Gouvernement, qui ont bien géré leur budget. Le Parlement, en autorisant un gel des crédits à hauteur de 3 %, a témoigné de sa confiance et a ainsi responsabilisé les gestionnaires.

Monsieur le président, vous vous étonnez que le solde budgétaire ne change pas, malgré les modifications apportées tant aux recettes qu'aux dépenses. Pour ma part, je constate que le déficit – en tout cas pour l'État, nous verrons plus tard pour les collectivités locales et la sécurité sociale – diminue de 10 milliards, passant de 107 milliards d'euros à 97 milliards d'euros.

S'agissant de la défense, nous constatons que la loi de programmation militaire est exécutée et que les opérations extérieures sont financées. Si les crédits sont réduits d'environ 70 millions d'euros, Monsieur le président, ce montant nous a été proposé par le ministère des armées lui-même à la suite de la renégociation de ses contrats. Il ne s'agit pas de dépenses dans lesquelles nous aurions dû tailler pour réaliser des économies en fin de gestion. Même si cela ne représente pas grand-chose dans le budget total de la défense, il faut saluer cet effort de gestion réalisé par Mme Parly. Elle pourra sans doute évoquer le sujet avec vous, si vous le souhaitez.

Vous remarquez que les autorisations d'engagement ont augmenté. Il s'agit de décalages dans les opérations de matériel. Dans le cadre de la LPM, le ressaut budgétaire est déjà très important – 1,7 milliard chaque année – et nous serons, à partir de 2022, autour de 3 milliards d'euros en crédits de paiement. Il n'y a aucune malice sur ce point. Environ 200 millions d'euros sont imputables à une sous-exécution de dépenses salariales, due à des difficultés de recrutement. La ministre des armées travaille sur le sujet, pour que les crédits affectés à la défense soient sincérisés. Comme l'année dernière, s'il n'y a pas eu de coupe budgétaire dans les crédits des armées, il n'y a pas eu de dégel non plus. Hors masse salariale, le gel affecte 700 millions de crédits. Nous attendrons le 15 décembre pour dégeler ces fonds, au vu des recettes d'impôt sur les sociétés et de TVA, les rentrées de cette dernière étant tout à fait conformes à nos attentes.

S'agissant des opérations extérieures, nous sommes aussi dans le cadre prévu. Nous arrivons en effet à 1,4 milliard d'euros. Nous nous étions engagés à sincériser graduellement leur budget, à hauteur de 200 millions d'euros supplémentaires chaque année. Il nous reste donc à trouver cette année 400 millions d'euros, à moins que la situation internationale ne nous conduise à des dépenses imprévues.

Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué le « CAS Radars ». J'entendais d'ailleurs Mme Dalloz dire que vous aviez bien raison de le faire. In petto, je ne peux qu'être en partie d'accord avec vous. Je constate malheureusement que l'Assemblée nationale ne vous a pas suivi lorsque vous avez souhaité mettre fin à ce CAS, alors que d'autres CAS ont été cassés… Vous avez vous-même évoqué la casse du CAS…

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Même si elle a des avantages, le Gouvernement porte un avis défavorable sur sa budgétisation. Le « CAS Radars » a la particularité de connaître une baisse très importante de ses recettes. Celles-ci bénéficient à l'AFITF, pour l'essentiel, aux départements et à la prévention routière, comme le Premier ministre s'y est engagé. Grâce aux dispositions législatives que nous vous proposons, ces bénéficiaires ne seront pas affectés par cette diminution. Mais on mesure bien ici la difficulté des affectations de recettes. La fiscalité affectée plaît lorsqu'elle marche, mais, dans le cas contraire, on demande à l'État d'intervenir. Je rappelle que le budget de l'AFITF augmente de 10 % et atteint près de 2,5 milliards d'euros.

S'agissant du budget de la recherche, les mouvements constatés correspondent principalement à l'annulation de la réserve de précaution. Nous pourrons, Monsieur le rapporteur général, vous livrer le détail des économies de gestion constatées, notamment dans les établissements.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

S'agissant du « CAS Radars », les dispositions du PLFR, permettent de préserver le financement de l'AFITF. Les moyens des collectivités augmentent même au cours de l'année. Car, si les amendes perçues grâce aux radars automatiques baissent pour les raisons que nous savons, les amendes forfaitaires hors radars ont quant à elles augmenté. Vous constaterez, en vous penchant sur les crédits du programme 754, que les recettes affectées aux collectivités territoriales progressent de 89 millions d'euros, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour elles.

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Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie, au nom du groupe La République en Marche, d'avoir tenu l'engagement que vous aviez pris devant le Parlement de poursuivre votre effort de rétablissement de la sincérité du budget et de ne pas avoir introduit, dans ce projet de loi de finances rectificative, de dispositions fiscales autres que celles relatives à l'année en cours.

Le fait que vous ayez tenu votre engagement est doublement important. Il l'est, d'abord, parce qu'il importe de tenir les engagements pris devant la représentation nationale et, ensuite, parce que je crois sincèrement que cela contribuera, à terme, à améliorer les relations entre le Gouvernement, l'administration et le Parlement, d'une part, et les contribuables, d'autre part. La crise du consentement à l'impôt que nous vivons depuis de très longues années s'explique en partie par l'instabilité fiscale. Or le collectif budgétaire de fin d'année, qui venait systématiquement modifier ou ajouter un impôt de dernière minute, y contribuait massivement. Le fait que vous ayez respecté votre engagement deux années de suite est déjà une grande avancée et j'espère que ce n'est que le début d'une longue série.

Cet effort de sincérité se lit aussi dans d'autres comportements vertueux, comme l'absence de décret d'avance. C'est une mesure qui ne dira pas grand-chose au citoyen, mais qui s'inscrit dans un effort global de sincérisation budgétaire. Vous avez également mentionné, monsieur le ministre, le maintien d'un taux de mise en réserve à 3 % sur les crédits hors masse salariale et le bon comportement gestionnaire de chacun des ministres du Gouvernement : tout cela assure la sincérité du présent projet de loi de finances rectificative.

Avec le président de la commission des finances et le rapporteur général, nous avons proposé, dans notre rapport sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF), paru au mois de septembre, de sanctuariser cette pratique, en prévoyant un nouveau type de loi de finances, correspondant aux actuelles lois de finances rectificatives de fin d'année, dont le domaine serait réduit à la gestion de fin d'année et qui ne pourrait contenir de nouvelles dispositions fiscales. Cela n'exclurait pas le vote d'un collectif budgétaire si des mesures fiscales s'imposent, comme ce fut le cas l'année dernière.

Sur le fond, je ne commenterai pas l'écart constaté entre les recettes effectives et les prévisions faites en loi de finances initiale, car le rapporteur général l'a déjà fait. Ma question portera sur un point précis. Pouvez-vous nous rappeler pourquoi les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée nette sont passées de 156,7 à 129,2 milliards entre 2018 et 2019 et pourquoi vous avez décidé, pour 2020, de vous fonder sur les chiffres de 2019 ?

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Au nom du groupe Les Républicains, j'ai deux remarques à faire, l'une sur la forme, l'autre sur le fond.

Je commencerai par la forme. Après avoir achevé l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2020, nous en examinons actuellement la seconde partie. En ce moment même, nous sommes d'ailleurs censés nous prononcer, en séance publique, sur les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Il est donc nécessaire d'avoir le don d'ubiquité si nous voulons être, au même moment, en séance et en commission des finances… Je rappelle par ailleurs que nous avons achevé ce matin même, au sein de cette commission, l'examen des articles non rattachés du PLF. Autrement dit, nous devons débattre du projet de loi de finances rectificative qui nous a été remis aujourd'hui à quatorze heures trente, alors que le premier volet du projet de loi de finances n'est pas encore totalement bouclé. Et les amendements doivent être déposés avant demain à quinze heures !

Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, cette manière de travailler vous semble-t-elle respectueuse des prérogatives du Parlement ? Si vous étiez encore député, je suis sûre que vous auriez été l'un des premiers à vous insurger contre cette pratique, qui montre qu'on ne respecte rien !

J'en viens au fond. J'ai lu avec intérêt l'avis du Haut Conseil des finances publiques, dont je souligne qu'il nous a été remis avant le projet de loi de finances rectificative. Il relève que l'écart moyen de solde structurel par rapport à la loi de programmation des finances publiques est proche du seuil de déclenchement du mécanisme de correction prévu à l'article 23 de la loi organique de 2012. Parce que nous nous sommes éloignés deux années de suite de la trajectoire définie dans la loi de programmation des finances publiques, nous risquons aujourd'hui de voir se déclencher le mécanisme de correction.

Ma deuxième remarque concerne l'évolution des dépenses publiques. Vous avez affirmé, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2020, que vous maîtrisiez la dépense publique. Or on constate que ce n'est pas le cas. Alors que le programme de stabilité d'avril 2019 et le projet de loi de finances pour 2020 prévoyaient une réduction de 1,5 milliard des dépenses pilotables par rapport à la loi de finances pour 2019, le PLFR que vous nous présentez limite cette réduction à un milliard, si bien que les dépenses pilotables ont en réalité augmenté de 500 millions d'euros. Ce n'est pas une bonne manière de gérer la dépense publique. Le Haut Conseil note par ailleurs que le ratio de la dette publique au PIB serait passé de 98,4 à 98,8 % entre 2018 et 2019. On se rapproche dangereusement des 100 %, monsieur le ministre ! Vous ne semblez pas vous en inquiéter, et les taux d'intérêt bas expliquent peut-être cette forme d'insouciance. Il n'est cependant pas rassurant de constater que, bien que les recettes aient été beaucoup plus importantes que prévu en 2019, le solde public continue de se dégrader, passant à -3,1 points de PIB. Tout cela n'est pas encourageant.

J'en viens, pour finir, à votre sincérité budgétaire, dont vous faites si volontiers état. Il est vrai que vous ne prenez pas de décret d'avance et que vous nous présentez un vrai projet de loi de finances rectificative de fin de gestion. Toutefois, lorsque dans une collectivité territoriale, quelle qu'elle soit – région, département ou commune –, une décision modificative de fin d'année est prise, un débat a lieu, même s'il n'y a pas de nouvelles mesures fiscales. Dans la mission Enseignement scolaire, par exemple, vous ouvrez près de 100 millions de crédits cumulés dans les programmes 140 Enseignement scolaire public du premier degré, 141 Enseignement scolaire public du second degré et 139 Enseignement privé du premier et du second degré, pour assurer la couverture en crédits de la paie du mois de décembre des enseignants. Une telle décision est-elle sérieuse ? Donne-t-elle vraiment un sentiment de sincérité budgétaire ?

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Monsieur le ministre, au nom du groupe Libertés et Territoires, je souhaite vous poser plusieurs questions.

Permettez-moi de vous lire, pour commencer, un extrait de la synthèse de l'avis du Haut conseil des finances publiques : « Comme il l'avait déjà souligné dans son avis sur le PLF pour 2020, le Haut Conseil constate que la trajectoire de solde structurel s'éloigne de façon croissante de celle de la loi de programmation des finances publiques. » On en est à 0,4 point sur deux ans, en supposant que la croissance du PIB soit de 1,4 %. Or plus personne ne suit le Gouvernement et on estime que la croissance atteindra, au maximum, 1,2 ou 1,3 % : ce différentiel nous portera donc à 0,5 point. Monsieur le ministre, présenterez-vous au printemps, comme vous l'aviez envisagé, une loi de programmation des finances publiques ?

Ma deuxième question concerne l'effort structurel en dépense. Vous l'estimez à 0,3 point, mais les deux tiers de cette baisse – 0,2 point – sont liés à la baisse mécanique des charges financières et ne vous doivent rien : c'est une économie de constatation. Vous semble-t-il normal de considérer comme un effort structurel la baisse des charges financières, qui nous tombe du ciel ?

Ma troisième question concerne les administrations publiques locales, sur lesquelles nous avons déjà débattu, monsieur le ministre. Le Haut Conseil note que les dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales ont augmenté de 1,9 %, ce qui est supérieur à vos prévisions. Qu'en pensez-vous ?

Ma quatrième question concerne l'incroyable hausse de l'impôt sur le revenu. Le Haut Conseil note que, « s'agissant de l'impôt sur le revenu, les modalités de l'enregistrement en comptabilité nationale du prélèvement à la source restent à définir par l'INSEE en liaison avec Eurostat, ce qui crée également une incertitude sur le montant exact des recettes attendues de l'impôt sur le revenu au titre de 2019. » Pourriez-vous commenter ce propos et le décrypter ? Le Haut-Conseil fait-il ici allusion au problème du mois de décembre, ou bien évoque-t-il un autre problème ?

J'en viens à ma dernière question. Je note, dans ce projet de loi de finances rectificative, une explosion des primes d'émission, qui passent de 3 à 17 milliards. Pouvez-vous nous expliquer si cette stratégie d'endettement est un choix de l'État pour essayer de limiter la hausse – au moins au sens du droit communautaire – de la dette publique française ?

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Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés tient avant toute chose à souligner que le Gouvernement a tenu son engagement. Un texte qui se limite aux seules mesures de pilotage de fin de gestion et qui poursuit l'exercice de sincérisation des comptes ne peut qu'être salué. Cette approche, adoptée pour la deuxième année consécutive, constitue une avancée importante en faveur de l'efficacité et de l'action publique.

Certains de nos collègues ne manqueront pas de dénoncer la fragilité apparente de la prévision de croissance, qu'ils pourront juger surévaluée. Mais n'oublions pas que les finances de notre pays s'inscrivent dans un contexte national et international dans lequel l'État français fait preuve d'une solidité reconnue par nos concitoyens et par ses partenaires. Les chiffres du dernier trimestre risquent fort de donner tort au Haut Conseil des finances publiques, puisque la croissance française pourrait bien, en fin de compte, atteindre 1,4 %.

Notre groupe constate un effort constant de sincérisation, qui fait que ce collectif n'est ni audacieux, ni trop prudent, mais réaliste et équilibré par rapport à la loi de finances initiale. L'augmentation des recettes, constatée par ce collectif, s'inscrit dans la droite ligne de nos attentes : ces 6 milliards d'euros seront appelés à renforcer l'action du Gouvernement, au service des citoyens, face aux défis qui nous attendent pour l'année à venir.

Je note que les dépenses sont conformes aux prévisions votées en loi de finances initiale. Il convient néanmoins de prendre en considération la remarque relative aux dépenses d'investissement des collectivités locales émise par le Haut Conseil des finances publiques. Enfin, les ouvertures de crédits ont certes été plus importantes que l'an passé, mais elles étaient nécessaires. L'écologie, l'éducation et l'aide aux plus vulnérables n'attendent pas, et les Français le savent. Quant aux annulations de crédits, elles ne traduisent pas un manque d'ambition. Il s'agit, encore une fois, d'être réaliste par rapport à la capacité d'action des administrations, d'ici à la fin de l'année.

Le solde structurel connaît une légère amélioration, dont nous ne pouvons que nous réjouir. Veillons toutefois à ne pas trop nous éloigner des prévisions que nous avions votées : vous savez à quel point notre groupe est attaché à cette question. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés accueille positivement ce projet de loi de finances rectificative et vous soutient, monsieur le ministre, dans votre action dynamique et sincère.

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Je salue à mon tour, et bien volontiers, l'absence de mesures fiscales dans ce projet de loi de finances rectificative. Pour moi, un PLFR ne devrait jamais en contenir : c'est donc une bonne chose. Je regrette néanmoins, comme tous les orateurs qui se sont exprimés avant moi, que les délais d'examen de ces textes soient de plus en plus contraints. Pour travailler sérieusement, il faut disposer d'un minimum de temps, et ce n'est malheureusement pas le cas.

J'ai quatre questions et deux remarques à formuler.

Ma première question concerne la taxe sur les géants du numérique, dite taxe GAFA. Le Gouvernement tablait, au printemps, sur un rendement de 400 millions et il n'est en réalité que de 352 millions : comment expliquer cette différence, somme toute importante ?

Sur le programme 129 Coordination du travail gouvernemental, vous mentionnez un dégel de 2,9 millions d'euros en crédits de paiement pour couvrir l'organisation du Grand débat et l'augmentation de la subvention au mémorial de la Shoah. Pouvez-vous nous indiquer quelle somme a été spécifiquement dédiée au Grand débat ?

Sur le programme 122 Concours spécifiques et administration de la mission Relations avec les collectivités territoriales, on note une annulation de crédits de paiement de 43,9 millions d'euros. Pouvez-vous me préciser si les 50 millions prévus pour Saint-Martin ont bien été payés ?

Ma quatrième question concerne les recettes fiscales, qui sont supérieures de 5,6 milliards aux prévisions de la loi de finances pour 2019. Ces deux dernières années, on a déjà constaté un écart entre les prévisions de recettes et les recettes effectives. N'y aurait-il pas un moyen d'améliorer, à l'avenir, les prévisions en matière de recettes ?

J'en viens à mes deux remarques.

Vous indiquez, dans l'exposé des motifs de l'article consacré aux plafonds des autorisations d'emploi de l'État, que le plafond d'emplois des opérateurs de la mission Recherche et enseignement supérieur est diminué à due concurrence des recrutements autorisés au titre des contrôles vétérinaires dans l'hypothèse d'une sortie sans accord du Royaume-Uni de l'Union européenne, ce qui correspond à 100 équivalents temps plein (ETP). Même si je comprends la mécanique, je la déplore, car nous ne sommes pas dans un système de vases communicants. Prendre 100 ETP sur les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur me pose un problème.

Enfin, pensez-vous que l'engagement du Président de la République sur le niveau de l'aide publique au développement à l'horizon 2022 pourra être tenu ?

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Au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, je me réjouis, comme mes collègues, que ce PLFR ne contienne aucune mesure fiscale : cela contribuera aussi à réduire la durée de nos débats ! Je ne reviens pas sur les questions précises qui ont déjà été posées, notamment sur les crédits de la défense, ni sur la trajectoire de la loi de programmation.

Je souhaiterais vous poser une question plus large, qui a déjà été évoquée par notre collègue Christine Pires Beaune. On note, sur plusieurs missions, une masse assez importante d'annulations de crédits. Dans le programme 138 Emploi outre-mer de la mission Outre-mer, par exemple, on annule près de 100 millions de crédits de paiement, au titre de la prévision, plus faible qu'attendue, de la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations patronales spécifiques outre-mer. De même, dans la mission Justice, le programme Administration pénitentiaire connaît d'importantes annulations de crédits, alors même que l'on a réduit son budget dans le PLF pour 2020.

J'aimerais savoir ce qui explique notre incapacité à consommer ces crédits. Quelle en est la raison profonde ? Pour reprendre l'exemple des exonérations de cotisations patronales spécifiques outre-mer, sait-on pourquoi les patrons ne se sont pas saisis de ce dispositif ? S'agissant du programme Administration pénitentiaire, sera-t-il possible de corriger le tir et de construire les prisons qui sont prévues dans le plan pénitentiaire ? Accompagnez-vous le ministère de la justice sur ces questions, pour qu'il consomme effectivement les crédits qui ont été inscrits en loi de finances initiale ?

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Monsieur le ministre, ma première remarque porte sur la forme, mais elle n'est pas de pure forme. Vous nous avez transmis ce PLFR de 150 pages à quatorze heures trente et vous nous le présentez à dix-sept heures : le moins que l'on puisse dire, c'est que cela nous laisse peu de temps pour préparer nos questions. Par ailleurs, tous les amendements doivent être déposés avant le vendredi 8 novembre à quinze heures. C'est pire que l'an dernier ! Or, à l'époque, je vous rappelle que tous les groupes d'opposition avaient signé un communiqué pour protester contre ces délais extrêmement contraints. À force, on examinera le PLFR en cinq minutes !

Sur le fond, ce PLFR prévoit une réduction de un milliard des dépenses pilotables. Une fois de plus, ce sont les Français qui paient les mesures que vous avez adoptées en leur faveur au moment de la crise des « gilets jaunes ». Vous avez amorcé cette politique en refusant de compenser à la sécurité sociale certaines exonérations de cotisations décidées par l'État et vous continuez ici, en réduisant les dépenses de l'État, souvent au détriment des Français les plus modestes.

Je citerai quelques-unes de ces baisses de dépenses, qui me paraissent particulièrement choquantes. Comment pouvez-vous diminuer de 212 millions les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables ? L'annulation de 19,2 millions de crédits dans le programme Prévention des risques est particulièrement difficile à comprendre après la catastrophe de Lubrizol. Tout cela est assez délirant.

De la même manière, vous réduisez de près de 159 millions les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission Enseignement scolaire. Or, on s'aperçoit que cette baisse est notamment due au recrutement de contractuels enseignants à la place de statutaires. Ce n'est pas l'idée que je me fais de la fonction publique. Il est clair que si vous généralisez cette pratique, vous allez économiser beaucoup d'argent, mais je ne suis pas sûr que vous allez améliorer la qualité du service rendu par l'État.

Je souhaite par ailleurs rappeler que les réserves de précaution n'ont pas été conçues comme un moyen d'ajustement budgétaire et d'austérité, mais qu'elles ont vocation à faire face aux aléas exceptionnels. Or, on change progressivement de philosophie à leur égard. J'observe également que les baisses de dépenses publiques servent moins à réduire l'endettement de l'État qu'à contrebalancer la baisse d'impôt que vous avez décidée, et dont nous avons déjà dénoncé le caractère inégalitaire et non-redistributif.

Enfin, vous dites que vous comptez sur une conjoncture française meilleure et sur une croissance pour 2019 supérieure à vos prévisions. Or, pour que ce niveau soit atteint, il faudrait qu'une accélération très nette de la croissance se produise au quatrième trimestre, et rien dans votre politique ne la laisse espérer. Vous pourriez, en dernier recours, mettre 10 milliards pour encourager la consommation populaire, mais je doute fort que vous le fassiez si vous n'y êtes pas contraint par un mouvement social.

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Tous les groupes qui souhaitaient s'exprimer l'ayant fait, je vais à présent donner la parole à Mme Cendra Motin.

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Mon intervention sera moins technique que celles de mes collègues. Ce que je veux, c'est expliquer concrètement pourquoi le fait que ce PLFR ne contienne aucune mesure fiscale est une excellente chose. Auparavant, on faisait des décrets d'avance, parce qu'on n'avait pas réussi à tenir les engagements qu'on avait pris. C'est sûrement qu'on n'avait pas pris les bons engagements… On inventait des impôts nouveaux en fin d'année, histoire de combler les trous et de boucler le budget.

Tout cela avait des effets très concrets dans les entreprises. En fin d'année, les chefs d'entreprise et leur comptable attendaient, un peu apeurés, les mauvaises nouvelles du PLFR : ils devaient alors revoir toute leur stratégie, puisque ses dispositions s'appliquaient rétroactivement depuis le début de l'année. Pour être en contact avec les professionnels du chiffre, je peux vous dire qu'ils saluent tous l'effort de sincérisation réalisé depuis l'année dernière, et surtout le fait qu'il n'y ait plus de mesures fiscales dans le PLFR. D'abord, cela prouve que lorsqu'on met les bons chiffres en face des politiques publiques que l'on veut mener, les budgets ne dérapent pas. Et, surtout, il n'y a plus d'impôts surprise. Tout cela est essentiel et contribue à la croissance, car les entreprises ont une plus grande lisibilité pour définir leurs stratégies.

J'en viens à la hausse des recettes de l'impôt sur le revenu. On entend, comme toujours, le petit refrain selon lequel cette hausse serait le résultat d'un tour de passe-passe budgétaire. On nous reproche de ne pas avoir su calculer, au centième près, le taux de croissance de cette année. Mais, dans le même temps, on nous demande presque de prévoir le taux d'inflation des deux années à venir. Il faudrait savoir…

Pour ma part, je souhaite saluer les effets positifs du prélèvement à la source. J'aimerais aussi, monsieur le ministre, vous interroger sur ce qu'on ne voit pas, c'est-à-dire sur ce qui n'a pas été perçu. Pouvez-vous nous donner les chiffres que vous avez sur le crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR), le crédit d'impôt dont tous les Français ont bénéficié cette année sur leurs revenus de l'année 2018 ?

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C'est la quadrature du cercle : gestion d'un endettement accumulé, de plus souscrit à 60 % par des non-résidents ; croissance molle à 1,4 % – et encore, elle n'est même pas acquise et, de toute façon, à 1,4 %, les marges de manoeuvre sont nulles – ; demandes de financement fortes dans tous les domaines : pas étonnant que la trajectoire s'éloigne de ce qui était prévu !

Conclusion : il faut gérer au plus serré et faire des choix structurés en dehors des dépenses contraintes, qui constituent l'essentiel. La priorité doit être donnée aux infrastructures parce qu'elles ont un impact direct sur les entreprises et sur l'emploi, avec un effet induit et durable sur la productivité, donc sur la croissance, donc sur l'emploi, donc sur les finances publiques. Je ne fais la leçon à personne mais, en macroéconomie, il n'y a pas d'autre choix face à la situation actuelle de la France !

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Je veux juste dire à Mme Motin qu'il n'est pas choquant de trouver des mesures fiscales dans un PLFR, qui est une loi de finances. Au fond, c'est une répartition : des mesures fiscales sont souvent inscrites dans un PLFR lorsqu'il y en a moins dans le PLF. Des surprises sont toujours possibles. Il y a également eu des périodes nettement plus chamboulées : nous sommes dans une période plutôt calme sur le plan économique – sur le plan social, c'est autre chose. Cela permet d'anticiper un peu mieux. Je ne dis pas cela pour sous-estimer ce que fait le Gouvernement – je pense qu'une répartition de ce type est une bonne chose – mais il faut regarder le passé avec autre chose qu'un rétroviseur sans filtre.

Par ailleurs, le solde en prévision d'exécution est certes bien meilleur que le solde prévu au PLF : avec une dizaine de milliards en moins sur l'État, nous repassons sous la barre des 100 milliards d'euros, ce dont nous pouvons nous réjouir. Toutefois, le solde de 2018 pour l'État, même avec l'effet CICE, était meilleur que le solde 2019 : même avec des recettes dynamiques, il y a donc une difficulté majeure à réguler correctement le solde de l'État.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Je laisserai Olivier Dussopt répondre aux questions sur les équivalents temps plein (ETP) et les collectivités locales.

Monsieur Saint-Martin, l'écart de 25 milliards de TVA que vous avez relevé est dû principalement à la compensation des allégements de CICE entre l'État et la sécurité sociale. Cela concerne également un peu les collectivités locales, mais nous aurons l'occasion d'en reparler.

Madame Dalloz, la dépense publique se situera au même niveau que celui prévu dans le PLF en cours d'adoption. Lorsque nous en serons à l'exécution des comptes, nous constaterons que nous dépensons beaucoup moins que ce qui était inscrit ; je prends donc votre observation comme un avertissement. En PLFR, au stade de la prévision, nous sommes capables tout à la fois d'annuler un milliard de crédits, d'enregistrer des recettes supplémentaires – c'est le fait du travail du Gouvernement et non d'une augmentation des impôts – et de gager un certain nombre de dépenses, en dépit d'une crise sociale importante.

Monsieur de Courson, vous nous avez demandé si nous aurions une loi de programmation des finances publiques au mois de mars ou d'avril : la réponse est oui. Selon vous, les deux tiers de l'effort structurel seraient dus à la baisse mécanique de la charge des intérêts de la dette. Ce n'est pas tout à fait exact : cette baisse est évaluée à 1,6 milliard, soit 60 %, tandis que la baisse des dépenses représente un milliard, soit 40 %. Ce sont les règles européennes qui veulent que la charge de la dette soit intégrée dans l'effort structurel.

Certes, la France profite des taux bas, mais si les taux sont différents entre pays de la même zone, c'est parce que les banquiers prêtent en fonction de la solidité de l'économie, de la croissance et des réformes. Si nos taux sont bas, c'est parce que nous sommes considérés comme un pays sérieux, qui fait des réformes : c'est la conséquence des budgets que nous avons adoptés précédemment.

Enfin, pour répondre à votre dernière question, les primes d'émission sont passées de 3,5 à 17,5 milliards. Ce n'est pas une stratégie pour endetter le pays en cachette mais simplement la conséquence des taux bas : l'Agence France Trésor emprunte chaque mois ou tous les deux mois sur les marchés financiers et, de ce fait, elle négocie au mieux la dette du pays.

Madame Motin, la hausse des recettes de 1,1 milliard d'euros constatée par le Haut Conseil des finances publiques correspond non seulement au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu mais également à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui rapporte plus que prévu, et aux droits de mutation.

Madame Pires Beaune, le Grand débat a coûté 2,7 millions d'euros, prélevés sur les crédits des services du Premier ministre. La subvention au mémorial de la Shoah s'élève quant à elle à 0,3 million.

Concernant la taxe sur les services numériques, dite « taxe GAFA », nous avons prévu 400 millions cette année – dont 50 millions d'acomptes sur l'année prochaine, qui sont considérés comme une recette de l'année 2019 – et 500 millions en 2020. Il n'y a donc pas de prévision de baisse de ce que l'on pourrait également appeler la « taxe Bruno Le Maire ».

Madame Magnier, vous avez raison : les crédits pour l'emploi en outre-mer ont été sous-consommés. Nous sommes en train de vérifier auprès de la ministre de l'outre-mer pourquoi une partie du patronat ultramarin n'a pas utilisé le dispositif voté par le Parlement. La ministre a demandé une clause de revoyure : ce sera un sujet important de discussion avec la commission des finances et les collectivités ultramarines.

Le budget de la justice augmente, conformément à la loi de programmation de la justice. Il est normal que des décalages se produisent dans un programme d'investissement de construction de prisons. Ce n'est pas le fait du Gouvernement : Madame la garde des Sceaux vous expliquerait que les collectivités locales ne sont pas toutes d'accord pour accueillir des prisons sur leur territoire. Le Gouvernement n'a pas revu à la baisse ce programme d'investissement : il constate simplement qu'il ne peut pas le dépenser entièrement. C'est tellement vrai que les ETP de l'administration pénitentiaire, eux, sont au rendez-vous, puisque nous avons conservé leur trajectoire. Ce n'est donc pas une question d'économie budgétaire.

Monsieur Coquerel, vous avez évoqué plusieurs sujets. Je ne partage pas votre opinion – cela ne vous surprendra pas – selon laquelle les Français feraient un milliard d'économies pour financer la baisse des impôts. Je vous présente en effet un PLFR qui fait un milliard d'économies tout en enregistrant une augmentation des recettes, sans augmentation ni baisse d'impôts puisque ce PLFR ne contient pas d'articles fiscaux. S'il y a bien un milliard d'euros d'économies, c'est pour financer non pas des baisses d'impôts mais les mesures décidées par le Président de la République lors du Grand débat, des mesures très sociales : 800 millions supplémentaires pour la prime d'activité, 600 millions d'euros de plus pour les aides personnalisées au logement (APL), ou encore 300 millions pour l'écologie.

Vous nous reprochez également de rogner ce budget pour faire des économies : ce n'est pas le cas ! La mission Écologie, développement et mobilités durables ne regroupe pas tous les crédits consacrés à l'écologie, comme le démontre la prime à la conversion automobile. Par ailleurs, l'annulation de 19 millions d'euros dans le programme Prévention des risques correspond au montant de l'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble « Le Signal », devenu inhabitable : une solution ayant été trouvée, il n'y a plus besoin d'inscrire ces 19 millions. Cela n'a donc rien à voir avec la prévention des risques : je voulais vous rassurer sur ce point.

Enfin, vous évoquez la réserve de précaution. Elle est fixée à 3 % et permet de faire face à des aléas exceptionnels ; la crise des « gilets jaunes » et le Grand débat peuvent précisément être considérés comme des aléas exceptionnels. Avouez que toucher chaque année 1 % ou 2 % d'un budget de 340 à 400 milliards d'euros en gestion, ce n'est pas la mer à boire ! Sans vouloir polémiquer, les gouvernements précédents, notamment le dernier, pratiquaient un gel de 8 %. Nous limitons ce gel au strict nécessaire pour permettre la gestion courante. C'est tellement vrai qu'à la fin de l'année, vous constaterez que nous aurons dégelé beaucoup de crédits et que nous n'atteindrons pas ces 3 %.

Par ailleurs, nous avons vraiment fait un effort de sincérité cette année en présentant le budget hors masse salariale. De plus, l'année prochaine, nous appliquerons ce gel de 3 % aux seuls crédits vraiment pilotables, en excluant par exemple la prime d'activité. Les ministères sont informés en début d'année qu'ils peuvent dépenser 97 % de leurs crédits pour financer leur politique publique.

Madame Motin, concernant le CIMR, nous en sommes à la troisième émission de l'impôt sur le revenu. Nous ne connaîtrons le montant total que l'année prochaine. Les revenus exceptionnels dus au prélèvement à la source représentent à ce stade 81,1 milliards d'euros et concernent 18,5 millions de foyers : 75,2 milliards ont été imputés en moindres recettes tandis que 5,9 milliards ont été restitués.

Pour conclure, le solde de l'État enregistrait un solde négatif de 76 milliards en 2018, et s'établit à 97 milliards en 2019. M. le président Woerth, qui calcule bien mieux que moi, aura constaté que la différence correspond au CICE.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Le PLFR relève le plafond des équivalents temps plein de 294 unités, soit 135 unités dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation, dont 100 équivalents temps plein pour les contrôles sanitaires et phytosanitaires dans le cadre du Brexit et 35 équivalents temps plein pour mieux gérer les versements de l'avance des aides de la politique agricole commune (PAC), auxquels s'ajoutent 159 ETP dans le domaine de la culture. Nous enregistrons dans ce dernier cas des effets de périmètre puisque, dans le même temps, les emplois des opérateurs de la culture diminuent. Cela est lié à des vagues de titularisation dites « Sauvadet » ou encore à des décalages dans le mouvement de délégation de gestion au Centre des monuments nationaux.

Madame Pires Beaune s'interrogeait sur la diminution de 100 équivalents temps plein des programmes consacrés à l'enseignement et à la recherche. Le ministère de l'agriculture a fait le choix de réaffecter 100 emplois affectés aux contrôles phytosanitaires et vétérinaires en raison du Brexit. Ces emplois relevant de programmes gérés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sont transférés à l'enseignement supérieur agricole et à la recherche agricole. Je précise par ailleurs que nous fixons, de manière globale, le tableau d'emplois à 1 942 600 équivalents temps plein.

Concernant les collectivités territoriales, Monsieur de Courson relevait que le Haut Conseil des finances publiques craignait une augmentation des dépenses de fonctionnement de 1,9 % en 2019. Nous avons la conviction que le niveau d'augmentation des dépenses de fonctionnement en 2019 sera plus important qu'en 2018, ne serait-ce que par la remise en vigueur du protocole PPCR – parcours professionnels, carrières et rémunérations –, qui avait été gelé en 2018 : il y aura donc un effet de rattrapage. Nous ne sommes pas convaincus qu'il s'établira à 1,9 % mais nous le vérifierons.

Cela n'invalide pas les prévisions de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, qui fixait l'objectif à 1,2 % par an. Nous avions précisé que le calcul était cumulatif et que les collectivités qui réaliseraient un effort important de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement en 2018, ce qui a été le cas avec une augmentation moyenne de 0,4 %, ne seraient pas soumises au taux de 1,2 % les deux années suivantes. L'objectif est d'atteindre 3,6 % sur les trois ans : il peut être tenu.

Concernant la mission Relations avec les collectivités territoriales, le programme 119, qui finance les dotations de soutien à l'investissement local, ne subit absolument aucune annulation, ni en autorisations d'engagement, ni en crédits de paiement. Quant aux quelques annulations du programme 122, elles s'expliquent de trois manières : une sous-exécution de 44,5 millions en autorisations d'engagement sur les dotations pour calamités publiques, notamment du fait d'un moindre besoin concernant les inondations de l'automne 2018 dans l'Aude ; un besoin de financement complémentaire de 3,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour des communes de l'Aude qui avaient subi des pertes de bases fiscales à la suite de ces inondations ; enfin, une sous-exécution de 50 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour la dotation exceptionnelle à destination de la collectivité de Saint-Martin. Sur les 75 millions d'euros disponibles, 12,5 millions d'euros seront engagés de manière certaine, 12,5 millions financeront le soutien aux dépenses d'investissement dans le cadre d'un protocole avec la collectivité ; enfin, les 50 millions restants ne seront pas nécessaires en 2019 et sont donc annulés. J'ai bien en tête que nous avions gagé ces 50 millions dans le PLF 2019, raison pour laquelle nous ne les avons pas gagés dans le PLF 2020, de manière à ne pas les gager deux fois.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 7 novembre 2019 à 17 heures

Présents. - Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, M. Joël Giraud, Mme Olivia Gregoire, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Damien Abad, M. François André, M. David Habib, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva

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