Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 8 novembre 2017

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission)

La commission des Affaires Culturelles et de l'Éducation procède à l'audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

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J'ai beaucoup de plaisir à accueillir cet après-midi, en votre nom à tous, Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Madame la ministre, cette audition a vocation à faire un premier point sur le déroulement de la rentrée universitaire, mais nous avons bien entendu tous pris connaissance avec beaucoup d'attention du plan Étudiants que vous avez présenté avec le Premier ministre lundi 30 octobre.

Notre commission a d'ailleurs constitué hier un groupe de travail sur le sujet, coordonné par notre collègue Gabriel Attal, afin d'être en mesure d'examiner dans de bonnes conditions le projet de loi que vous présenterez prochainement en conseil des ministres.

Madame la ministre, le plan que vous avez exposé au terme de la concertation lancée mi-juillet est ambitieux, juste et cohérent. Comme vous vous y étiez engagée, il aborde tous les aspects de la réussite étudiante, que ce soit en matière d'information au lycée, d'accès à l'enseignement supérieur, d'organisation des études, de personnalisation des parcours de formation ou de conditions de vie étudiante.

En réponse à l'opacité et au manque d'efficience d'APB, mais aussi aux insuffisances du dispositif d'orientation et au taux bien trop élevé d'échec en premier cycle qui constitue aujourd'hui un gâchis humain et financier – tant pour les étudiants et leurs familles que pour les finances publiques –, la mise en oeuvre rapide de ces propositions constitue pour nous tous un impératif politique et humain.

Tout ce qui est possible doit être fait, sur le plan législatif et budgétaire, pour que la prochaine rentrée universitaire puisse s'organiser sur de nouvelles bases, plus transparentes et plus justes, afin de permettre à chaque étudiant de s'engager dans un cursus d'études supérieures qui lui corresponde et d'acquérir les compétences nécessaires à son avenir professionnel.

Vous pouvez compter sur nous, madame la ministre, pour vous soutenir fermement dans cet effort.

Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous remercier très sincèrement pour cette invitation. Il me semble essentiel en effet de faire de nos rencontres, à l'Assemblée nationale, un espace utile de dialogue. Au cours des prochaines semaines, je souhaite que nous puissions installer une méthode de travail qui nous permette de construire ensemble une vision aussi partagée que possible des textes. Compte tenu des contraintes particulières du calendrier législatif qui s'annonce et des attentes fortes exprimées par nos concitoyens, c'est une nécessité.

Parler de vision de l'enseignement supérieur, c'est dire, de manière très claire, qu'au-delà des difficultés rencontrées dans le cadre de la procédure d'affectation des futurs étudiants dans le premier cycle, l'enjeu est bien celui de la place que nous souhaitons donner à notre jeunesse et à l'enseignement supérieur dans notre pays.

Les principes qui nous guident sont simples. Je veux les rappeler devant vous aujourd'hui, car nos débats devront être construits sur une base claire, à partir de principes sur lesquels nous puissions nous entendre.

Le premier principe est le droit de tout bachelier à accéder à l'enseignement supérieur. C'est une boussole, un principe intangible : nous devons garantir à chaque lycéen de France qu'il pourra aller jusqu'au bout de ses projets. C'est une exigence politique et une nécessité sociale. Nous ne préparerons pas l'avenir en refermant les portes de l'enseignement supérieur devant une partie de notre jeunesse. Nous avons besoin de plus de diplômés et de plus de mobilité sociale : c'est notre ambition.

Le deuxième principe est le droit de tout bachelier à choisir la filière et l'établissement au sein duquel il veut poursuivre ses études. Là aussi, c'est un principe essentiel. Je suis opposée à toute forme de filiarisation qui réserverait tel cursus d'enseignement supérieur à tel ou tel bachelier. Le baccalauréat est et reste le seul passeport pour l'enseignement supérieur, pour tous les enseignements supérieurs.

Le troisième principe est que nous devons faire de ce droit une réalité. Pour ne pas nous contenter d'inscrire les bacheliers dans l'enseignement supérieur mais bien les accompagner vers la réussite, nous devons faire de la personnalisation des parcours la règle. Il ne suffit pas de dire qu'aucune filière n'est fermée par principe à un bachelier, il faut que nous lui donnions les moyens de la réussite. Or, à l'heure actuelle, c'est loin d'être le cas, avec 30 % de réussites, 30 % d'abandons et 30 % d'échecs en première année de licence, et des résultats particulièrement préoccupants pour les bacheliers technologiques et professionnels. C'est pour cela que chaque établissement proposera au bachelier qui souhaite rejoindre une formation un parcours adapté qui lui donnera toutes les chances de réaliser son projet.

Le quatrième principe, c'est que le dernier mot reste toujours au bachelier, à qui il reviendra de décider s'il accepte les propositions qui lui sont faites. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas : il fait des voeux, qu'il classe, mais c'est un algorithme qui décide in fine de son affectation. Le tirage au sort peut ainsi le conduire à obtenir son cinquième ou son dixième voeu, sans qu'il ait une vraie capacité d'infléchir les choses. Demain, les bacheliers auront toutes les cartes en main pour décider, sur la base des propositions qui leur seront faites par les établissements, laquelle ils retiendront, en toute connaissance de cause.

Le cinquième principe est que l'État accompagnera les plus fragiles. J'ai souhaité que les recteurs aient tous les leviers en main pour construire les bonnes solutions et mobiliser l'ensemble de nos formations. Bien sûr, nous allons améliorer l'orientation et l'information, mais nous sommes conscients que, pour faire bon usage de cette information, il faut être accompagné, notamment par sa famille ou par des proches, dans la construction de ses choix. Il faudra donc que les recteurs puissent, dès les résultats du bac, construire avec les bacheliers qui n'auraient pas reçu de propositions leur convenant, un projet adapté.

Avec ce plan Étudiants, notre volonté, c'est de passer des paroles aux actes, et d'agir de manière très concrète pour que les étudiants n'aient plus seulement la liberté d'accéder à l'enseignement supérieur mais qu'ils aient toutes les chances d'y réussir. Pour ce faire, nous agirons sur tous les leviers : les leviers pédagogiques, bien sûr, mais aussi les leviers économiques, en améliorant leurs conditions matérielles d'études. Ainsi pourrons-nous enfin sortir de la logique absurde et aveugle du tirage au sort et de la sélection par l'échec.

Si la rentrée universitaire 2017 a marqué les esprits, c'est précisément du fait des ratés du tirage au sort, lequel fut pour beaucoup d'étudiants et pour leurs familles synonymes de longues semaines d'attente et d'incompréhension. Pourtant, le recours au tirage au sort n'est pas une nouveauté. La nouveauté de cette année, ce fut l'ampleur du phénomène : avec 169 filières en tension au soir du premier tour, il suffisait de trois candidats de plus que le nombre de places proposées dans une filière pour que l'on ait recours au tirage au sort et que ce soit le hasard qui décide des études supérieures suivies par un bachelier. Au-delà de l'émotion, légitime, ressenties par les candidats et leurs familles sur l'ensemble du territoire, la décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a mis en évidence les défauts juridiques de ce système d'affectation, qui ne prévoit aucune intervention humaine et remet le sort des bacheliers entre les mains d'un algorithme. Nous voulons donc « réhumaniser » les procédures d'affectation.

Pour sortir du tirage au sort, nous devons changer la loi, parce que la loi n'autorise aucun autre système lorsque des candidats qui ont la même situation de famille et qui résident dans la même académie ont fait un premier voeu identique. Pourtant, au cours des trois mois qui viennent de s'écouler, je n'ai pas rencontré une seule organisation ni une seule personne pour défendre le tirage au sort ou pour dire que le système actuel fonctionnait. Pas une seule. Les vingt-huit organisations consultées lors de cette concertation qui a nécessité cinquante–cinq réunions – cinquante-deux réunions bilatérales et trois réunions multilatérales – sont toutes tombées d'accord sur le fait que le système devait changer. C'est pourquoi le Gouvernement déposera, dans les prochaines semaines, un projet de loi sur le bureau de votre assemblée.

Au-delà du tirage au sort, la campagne 2017 d'APB aura également mis en évidence les difficultés particulières auxquelles sont confrontés les bacheliers technologiques et professionnels. À chaque étape de la procédure, j'ai pu le constater : ce sont les premières victimes du système actuel. Lorsqu'ils candidatent dans des filières sélectives pensées pour eux, comme les brevets de technicien supérieur (BTS) et les diplômes universitaire de technologie (DUT), ils se heurtent de fait à la concurrence des bacheliers généraux ; lorsqu'ils candidatent à l'université, ils sont tirés au sort.

Là encore, ce n'est pas acceptable. Nous avons certes accompli, avec les rectorats et les universités, un travail considérable pour accompagner, au fil des mois, chaque bachelier, mais nous devons apporter des réponses réelles et efficaces à la situation de nos bacheliers technologiques et professionnels, pour leur garantir enfin, dans les faits, la capacité à poursuivre des études supérieures quand ils le souhaitent.

Ces constats sont largement partagés. Et c'est la raison pour laquelle la concertation que j'ai conduite a abouti à la formulation de propositions qui, si elles ne rallient pas l'intégralité des suffrages, ont une très large assise.

Ces propositions forment le plan Étudiants que je vous présente aujourd'hui. Il s'organise autour de quatre grands axes, auxquels correspondent chaque fois des décisions très concrètes. Avec ce plan Étudiants, nous proposons une réforme de l'orientation, une réforme de l'accueil dans l'enseignement supérieur, une réforme des formations du premier cycle, auxquelles s'ajoutent des mesures d'amélioration des conditions de vie étudiante.

Le premier axe consiste à accompagner mieux et plus tôt nos étudiants dans leurs choix d'orientation.

Je ne vous apprends rien, l'orientation se construit bien souvent au dernier moment, dans les dernières semaines de la procédure d'entrée dans l'enseignement supérieur. Redonner de la profondeur à ce choix est une nécessité absolue, si l'on souhaite que les bacheliers fassent des voeux éclairés.

C'est la raison pour laquelle nous allons ancrer l'orientation dans le temps scolaire – en commençant par celui de l'année de terminale. Deux semaines d'orientation seront sanctuarisées pendant le temps scolaire : la première, avant les vacances de Noël ; la seconde, avant les vacances d'hiver. Elles interviendront chaque fois avant le conseil de classe et seront, chaque fois que possible, organisées autour d'une collaboration étroite entre les lycées et les établissements d'enseignement supérieur, pour permettre des visites d'établissement et des échanges avec les enseignants du supérieur et les étudiants.

La seconde semaine d'orientation aura lieu en même temps que les journées d'information et les séquences « portes ouvertes » proposées par les établissements du supérieur. Nous sommes en train de recruter trois mille étudiants ambassadeurs pour accompagner les lycéens et dialoguer avec eux, sachant qu'au sein d'une même génération les questions sont généralement plus libres.

Nous voulons également rétablir l'égalité d'information entre les lycéens. En effet, quand l'information n'est pas organisée et correctement diffusée, quand on ne dit pas clairement les choses à chacun, ce sont les plus fragiles qui en pâtissent.

Or au quotidien, en plus du travail fait par les conseillers d'orientation, ce sont souvent les professeurs de terminale qui jouent un rôle déterminant en matière d'information. Reconnaître et conforter ce rôle est donc un axe prioritaire, ce qui, concrètement, va se traduire par la mise en place d'un deuxième professeur principal dans chaque classe de terminale, et ce dès ce mois-ci.

Enfin, pour que la formule « de bac moins 3 à bac plus 3 » ne reste pas qu'une formule, nous allons mettre en place sur chaque site des équipes pédagogiques mixtes composées de représentants de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, et pilotées par les recteurs, qui sont aussi les chanceliers des universités. Car il est essentiel que la continuité entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur s'incarne au travers des relations entre les formateurs.

Nous voulons, dans le secondaire, renforcer le rôle d'information et d'accompagnement joué par le conseil de classe. Celui-ci sera amené à donner un avis d'ensemble sur le projet et les voeux du lycéen, afin de l'éclairer et de discuter avec lui de la pertinence de ses choix. Cela sera le cas à la fin du premier trimestre, à destination du seul lycéen, puis à la fin du deuxième trimestre, afin de permettre aux équipes pédagogiques des universités de bénéficier de l'éclairage de leurs collègues de l'enseignement secondaire, qui connaissent parfaitement l'élève. En aucun cas cependant, ces avis ne seront prescriptifs.

Si nous avons retenu cette proposition, c'est qu'une expérimentation conduite dans certains lycées professionnels, où il avait été demandé aux conseils de classe de donner un avis sur l'entrée des bacheliers en BTS, nous a démontré que les équipes pédagogiques de BTS accueillaient plus volontiers les bacheliers professionnels recommandés par les conseils de classe que ceux qui n'avaient pas participé à cette expérimentation. J'insiste donc sur le fait qu'il s'agit de recommandations visant à mettre en valeur les qualités du lycéen et non de jugements négatifs.

L'objectif est, d'une part, de donner aux lycéens un maximum de clefs pour leur permettre de comprendre ce qu'exige la réalisation de leur projet et, d'autre part, de permettre aux universités de proposer, le cas échéant, aux futurs étudiants, un parcours de réussite personnalisé.

C'est le deuxième axe du plan Étudiants : faire de la personnalisation des parcours la règle.

Car si le baccalauréat reste évidemment le seul passeport pour l'entrée dans l'enseignement supérieur, nous savons néanmoins tous que les bacheliers ne se ressemblent pas, qu'ils ont chacun leur parcours, leur personnalité, leurs forces, leurs fragilités et leur tempérament.

Cette diversité, qui est une vraie richesse, véhicule aussi des inégalités dont il faut prendre conscience, et notamment des inégalités entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, entre ceux qui ont les codes et ceux qui ne les ont pas.

C'est la raison pour laquelle nous demanderons à l'ensemble des filières de définir au niveau national quels sont les attendus du premier cycle. Pour le dire autrement, lorsqu'un enseignant se retrouve face à ses étudiants au début de la première année de licence, il considère implicitement que ceux-ci maîtrisent un certain nombre de savoirs et de pratiques : nous souhaitons donc rendre cet implicite explicite. Je précise là encore qu'il ne s'agit en aucun cas d'expliciter pour décourager, car nous donnerons à ces futurs étudiants les moyens d'acquérir ou de conforter ces attendus par le parcours personnalisé qui leur sera offert. Nous souhaitons donc baliser la voie et accompagner chacun pour qu'il puisse atteindre ses objectifs.

Je veux être très claire : demain, ce sont toujours les bacheliers qui choisiront la filière de licence dans laquelle ils veulent poursuivre leurs études – parce que la motivation est toujours un facteur de réussite –, mais ce seront les équipes pédagogiques des universités qui lui proposeront la voie la plus adaptée, au sein de cette filière, pour réussir et aller jusqu'au bout de leur projet.

Je veux également répondre aux critiques que certains nous adressent : notre intention n'est pas de trier les étudiants et d'en refuser certains mais de les accepter en leur expliquant comment ils vont réussir.

Cela étant, reste le cas particulier des filières sous tension. Nous allons ouvrir dans ces filières, dès la rentrée 2018, des places supplémentaires et, sur la nouvelle plateforme d'affectation, les lycéens pourront choisir des voeux groupés, c'est-à-dire opter pour une discipline ou une filière, sans être totalement fixés sur le diplôme qu'ils veulent obtenir, à charge pour nous de leur proposer un panel de formations adaptées – on peut, par exemple, se former aux métiers du sport autrement que par une licence STAPS.

Si, malgré ces nouvelles mesures et malgré le fait que, non seulement les lycéens auront, s'ils en font la demande, la possibilité de commencer leurs études supérieures par une année de préparation mais qu'ils pourront également s'inscrire sur la plateforme pour une année de césure durant laquelle, tout en ayant le statut d'étudiant, ils pourront s'attacher à préciser leur projet, si, donc, certaines formations non sélectives offrent moins de places qu'il n'y a de demandes, le seul critère de sélection retenu sera celui de l'adéquation entre le projet, la motivation, le parcours scolaire du bachelier et les attentes de la formation demandée. En aucun cas il n'y aura de tirage au sort. C'est la seule manière de remettre de la justice et de l'humain dans le système.

En conséquence, la nouvelle plateforme d'affectation nationale a été profondément repensée. Les lycéens feront moins de voeux, mais ils seront formulés de façon éclairée.

Chaque formation choisie affichera son contenu, ses attendus, mais aussi les taux de réussite et d'insertion professionnelle, ainsi que le niveau minimum requis pour des débouchés professionnels – licence ou bac +5.

Je le disais à l'instant, les voeux groupés seront renforcés et pourront s'appliquer, là où cela a du sens, dans des champs disciplinaires élargis. Le traitement des voeux sera profondément transformé : toutes les demandes seront examinées par des équipes pédagogiques dans les établissements.

Pour les filières sélectives, rien n'est modifié : la réponse sera OUI, NON ou la liste d'attente – sachant que seront indiqués le rang du candidat sur la liste ainsi que celui du dernier admis de l'année précédente.

Pour les filières non sélectives, la réponse sera OUI ou OUI SI… Dans ce dernier cas, un accompagnement pourra être proposé par l'établissement, et l'acceptation de l'inscription entrainera acceptation de ces conditions pédagogiques.

Il n'y aura plus qu'une seule vague d'affectation, qui se déroulera en continu à compter de l'ouverture de la plateforme. Chaque candidat sera prévenu directement qu'une proposition lui est faite, de manière qu'il puisse l'accepter ou en attendre une meilleure.

Pour les candidats dont aucune demande n'aurait été acceptée, une commission d'accès à l'enseignement supérieur, placée sous le pilotage des recteurs, se réunira dès les résultats du bac proclamés et aura la charge de faire des propositions alternatives. Je vous rappelle que, contrairement à ce qui se passe dans le deuxième cycle, le recteur peut, dans le premier cycle, prononcer une affectation et inscrire un étudiant.

Le rôle régulateur de l'État s'incarnera ainsi au travers des recteurs et le droit d'accès à l'enseignement supérieur de tous les bacheliers sera bien garanti. Nous prenons l'engagement fort de leur soumettre une proposition la plus proche possible de leur voeu.

J'en viens maintenant au troisième axe de notre action, qui consiste à revoir l'organisation de nos formations de premier cycle.

Il s'agit de travailler sur l'ensemble du premier cycle, afin de proposer des formations adaptées aux choix et aux besoins spécifiques de chacun. Les universités seront donc dotées d'un directeur des études pour chaque grand champ disciplinaire, de manière à être à même de proposer aux étudiants des parcours adaptés à leurs profils. Dans tous les cas, le candidat sera bien inscrit administrativement dans la filière qu'il a demandée ; le directeur des études sera, quant à lui, garant de son inscription pédagogique et pourra la faire évoluer chaque semestre.

En effet, certains bacheliers, dont le niveau semblait plutôt faible à l'origine, se révèlent au cours du premier semestre universitaire parce que le mode de formation qu'ils trouvent à l'université est un mode de formation qui leur convient. Dans ce cas-là, le directeur des études peut estimer qu'il n'est pas nécessaire que leur formation comporte davantage de travaux dirigés (TD) que la formation classique et prendre alors la décision de les rebasculer sur le cursus classique de l'unité d'enseignement. À l'inverse, certains étudiants, apparemment dotés de toutes les capacité pour réussir vont, pour une raison ou pour une autre, avoir besoin d'un accompagnement : le directeur des études pourra alors leur proposer des TD supplémentaires, ou une unité de méthodologie, de manière à les aider à reprendre pied.

Le contrat de réussite pédagogique pourra ainsi évoluer au gré des besoins de l'étudiant. Notre premier objectif est d'éviter ainsi les réorientations sèches. Aujourd'hui, lorsqu'un étudiant s'est inscrit en licence de mathématiques mais prend conscience que cela ne lui convient pas du tout, il n'a d'autre solution que de finir malgré tout son année ou d'abandonner sa scolarité pour recommencer l'année suivante une autre licence. Nous souhaitons donc favoriser les parcours aussi pluridisciplinaires que possible dans les premières années, de manière que, même si l'on a initialement choisi l'option mathématiques comme majeure, on puisse néanmoins, au second semestre, changer pour une majeure de biologie et poursuivre sa formation sans redoubler ou se considérer en échec. Le sentiment d'échec est un sentiment délétère, et nous considérons qu'il vaut mieux qu'un étudiant réussisse les cinq unités d'enseignement qui était prévues par son directeur des études plutôt que d'être dans la situation de n'avoir réussi que cinq unités d'enseignement sur dix et d'avoir raté son année. Cela fait partie des choses qui peuvent modifier le rapport aux études.

Nous voulons en finir avec les parcours en tuyaux d'orgue. Ils pourront désormais être construits à la carte, accélérés ou accompagnés, ils pourront s'interrompre et se reprendre en valorisant les acquis – je pense notamment aux stages. Quant aux formations, elles pourront s'articuler avec le territoire, en lien avec le monde socio-économique et les collectivités, pour la formation notamment de personnels qualifiés dans des secteurs d'emploi en tension.

Enfin, en lien avec les organisations représentatives de personnels, nous travaillerons sur des pistes concrètes qui permettront de donner corps à la reconnaissance de l'activité de formation dans les carrières des enseignants-chercheurs. C'est un sujet qui a très longtemps été délaissé. Il est absolument nécessaire, selon moi, que les enseignants chercheurs soient évalués à la fois sur leurs activités de formation et leurs activités de recherche, et je suis déterminée à ouvrir ce chantier majeur.

J'en viens maintenant au quatrième axe, qui vise à prendre en compte les conditions de vie des étudiants pour réduire la précarité et favoriser l'autonomie.

Les conditions matérielles sont en effet une des clefs de la réussite ; c'est aussi une source majeure d'inégalités entre les étudiants, et l'échec en première année de licence n'est souvent que l'une des facettes de l'injustice sociale, car il est très différent, lorsque l'on est en situation d'échec, de pouvoir être soutenu, notamment matériellement, par sa famille, et d'avoir ainsi le temps de reprendre son projet de formation, ou d'être contraint de renoncer du fait du coût des études.

Or ces conditions matérielles n'ont pas été appréhendées au cours des dix ou vingt dernières années. Nous avons décidé de rendre 100 millions d'euros de pouvoir d'achat par an aux étudiants. C'est un engagement très fort du Gouvernement. Comment allons-nous procéder ? Nous allons commencer par faire passer les étudiants au régime général de la Sécurité sociale. Il est incompréhensible en effet que les étudiants soient finalement les seuls qui cotisent pour leur Sécurité sociale alors qu'en théorie ils ne travaillent pas, leur métier principal si je puis dire étant d'être étudiants. Cela sera plus juste et plus simple car cela évitera les allers-retours lorsqu'un étudiant prend par exemple un job pendant ses études. Cela garantira en outre beaucoup mieux les remboursements et la prise en charge de leur santé. Tous les étudiants seront affiliés au régime général de la Sécurité sociale, y compris les étudiants internationaux.

Les étudiants qui entreront à l'université en 2018, quel que soit le niveau d'études auquel ils s'inscriront, seront donc rattachés au régime général de la Sécurité sociale. Et tous les étudiants y basculeront en 2019, ce qui permettra d'assurer la transition avec les organisations qui jusqu'à présent géraient le régime de Sécurité sociale étudiante. La bascule dans le régime général se fera en deux temps, de manière à prendre en considération le transfert des personnels chargés actuellement de la Sécurité sociale étudiante vers les caisses d'assurance maladie.

Dès la rentrée de 2018, plus personne ne paiera les 217 euros afférents au régime de Sécurité sociale étudiants (RSSE). Nous avons souhaité remplacer cette cotisation par une nouvelle cotisation « vie étudiante », égale à environ la moitié de la précédente, qui sera perçue par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS). Il s'agit de développer sur les campus des centres de prévention à la santé, de centres de soins, des activités autour du bien-être, du sport et de la culture. Ainsi, les étudiants n'auront plus à se déplacer pour aller voir un médecin par exemple.

L'État prend donc en charge les 200 millions d'euros que représente la cotisation à la Sécurité sociale de l'ensemble des étudiants, il rend 100 millions d'euros aux étudiants et consacre 100 millions d'euros à la création des structures que je viens d'évoquer. Bien sûr, les étudiants boursiers seront exonérés de cette cotisation. Actuellement, les étudiants boursiers qui veulent bénéficier d'activités sportives ou culturelles au sein des universités doivent payer la cotisation facultative. Le fait de globaliser l'ensemble de ces cotisations nous permettra de les en dispenser aussi.

Nous allons également agir en faveur du logement puisque 60 000 nouveaux logements étudiants seront construits sur la durée du quinquennat. La caution locative pour les étudiants devient gratuite et nous prenons en charge la garantie pour les baux de courte durée, de manière que ceux qui doivent prendre une location pour effectuer un stage de six mois ne soient pas obligés d'avoir une garantie individuelle. Nous encourageons également la colocation intergénérationnelle en exonérant d'impôt les revenus liés à ces colocations.

Enfin, concernant les aides sociales directes aux étudiants, nous allons travailler avec les CROUS pour atteindre deux objectifs très concrets. Premièrement, le paiement à date des bourses. Actuellement, celles-ci sont en effet versées de manière variable. Dès la rentrée de 2018, nous aurons pris les mesures nécessaires pour que le versement ait lieu systématiquement le 5 de chaque mois. Deuxièmement, pour tous les boursiers dont le dossier complet aura été adressé avant le 24 août, le paiement de la première bourse de l'année universitaire se fera avant la fin du mois d'août, de manière que les étudiants puissent bénéficier de leur bourse dès la rentrée.

Plus globalement, nous allons engager les travaux nécessaires pour avancer en direction d'une aide globale d'autonomie. Il s'agit là d'une demande forte des organisations étudiantes. Cela suppose de travailler avec les collectivités qui sont impliquées en termes d'aide sociale, comme d'ailleurs de transport, de logement, etc. Notre objectif est de parvenir à instaurer cette aide globale d'autonomie en lien avec les collectivités.

Les acteurs, avec lesquels cette réforme a été coconstruite, se sont engagés à mettre en oeuvre leurs propositions dès la rentrée universitaire de 2018. Le Gouvernement souhaite que les moyens soient au rendez-vous afin de traduire cette priorité absolue qu'est la réussite des étudiants. C'est un investissement de plus de 1 milliard d'euros sur cinq ans dans l'enseignement supérieur et dans la vie étudiante qui est ainsi effectué : en plus des 100 millions d'euros de pouvoir d'achat rendus aux étudiants, 450 millions d'euros issus du Grand plan d'investissement permettront de réaliser les transformations pédagogiques du premier cycle que j'ai évoquées, et 500 millions d'euros de crédits budgétaires seront affectés à la création des places dans les filières en tension, dans les filières professionnelles et dans les filières technologiques, de manière à mieux accorder la demande des lycéens avec les capacités d'accueil des établissements. Ouvrir des places, cela signifie aussi recruter des enseignants et des enseignants-chercheurs et reconnaître l'engagement pédagogique afin d'améliorer l'accompagnement des étudiants durant ce premier cycle de l'enseignement supérieur.

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les députés, c'est une ambition globale pour notre jeunesse qui est à l'oeuvre au sein de ce plan Étudiants. Cette ambition se matérialisera de deux façons : dans le projet de loi qui vous sera bientôt transmis – et je suis certaine que nous aurons l'occasion d'échanger sur ce sujet – mais aussi sous forme d'amendement, afin de commencer à concrétiser l'engagement du Gouvernement de manière budgétaire.

Je suis à présent disposée à répondre à vos questions. (Applaudissements.)

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Je crois pouvoir dire, au nom des membres de la commission, que nous sommes très heureux de voir arriver ce texte, afin de répondre à la situation que vous avez trouvée à la rentrée et qu'il est indispensable de modifier. Il permet de respecter à la fois l'ambition nécessaire pour la jeunesse de notre pays, l'exigence qui doit être la nôtre et la confiance envers les jeunes.

La parole est à M. Gabriel Attal qui coordonnera les travaux du groupe de travail dont j'ai annoncé la création ce matin.

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Madame la ministre, je tiens tout d'abord à vous féliciter, de la part des membres de la majorité, pour le travail, très dense, que vous avez effectué. Vous avez en effet piloté dans l'urgence une concertation nourrie – onze groupes de travail et cinquante-cinq réunions – en associant, c'est la marque de fabrique de ce Gouvernement, l'ensemble des acteurs.

Vous avez souligné le consensus qui s'est dégagé s'agissant de la nécessité de mieux informer, de mieux orienter, de sortir de l'arbitraire du tirage au sort. Ce consensus trouve un écho au sein de cette commission par-delà les différents groupes : c'est tout le sens du groupe de travail qui a été annoncé par le président Studer. Nous souhaitons travailler sur le fond, avant même que le texte ne soit transmis au Parlement, de manière objective, sans être dans des postures, en s'attachant aux actes parce que, contrairement à ce que l'on peut entendre parfois, ce ne sont pas les mots employés qui comptent mais les actes proposés. La question n'est pas de savoir si le Gouvernement tient des propos pas assez ou trop aimables, mais si ce qu'il propose est efficace. En tout cas, c'est à cela que nous nous attacherons.

Ma question porte sur le cadrage national, car tout l'enjeu de cette réforme consiste à trouver un équilibre entre la nécessaire autonomie des universités pour construire des solutions adaptées à la diversité des filières et des étudiants, et le suivi attentif et nourri des pouvoirs publics pour garantir les mêmes chances de réussite à chacun.

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Madame la ministre, l'amélioration de l'orientation des étudiants ne va pas sans donner aux universités les moyens de mener à bien leur mission. Or, dans ma circonscription, l'université de technologie de Troyes (UTT), reconnue au niveau national, est hélas sous-dotée par le ministère. Cette situation crée une iniquité entre les universités et entrave le développement d'une des universités françaises les plus performantes. La sous-dotation est de 4 millions d'euros, et la rallonge consentie par l'État l'an dernier a été de 700 000 euros, ce qui est largement insuffisant et va obliger l'UTT à freiner son expansion et ses projets.

Comment comptez-vous compenser cette sous-dotation chronique ?

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En attendant le projet de loi qui sera déposé dans une quinzaine de jours en conseil des ministres, je souhaite faire quelques commentaires sur le plan Étudiants que vous avez présenté.

Vous pouvez compter sur notre soutien pour toutes les mesures visant un meilleur accompagnement et une meilleure orientation des lycéens. Comme je vous l'ai déjà dit, il conviendrait même de commencer ce travail dès le collège, afin que l'orientation soit mieux choisie, éclairée et non subie. Les deux semaines consacrées à l'orientation, le deuxième professeur principal en terminale, les étudiants ambassadeurs, le dispositif « moins 3 plus 3 », les cordées de la réussite sont de bonnes mesures qu'il faut pouvoir généraliser sur l'ensemble du territoire. N'oubliez pas d'y intégrer la valorisation dans le cursus académique des engagements associatifs, citoyens, sportifs et culturels.

Nous vous soutiendrons aussi sur toutes les mesures de lutte contre l'échec dans le premier cycle, avec la nouvelle organisation du premier cycle et la spécialisation progressive qui permet de laisser plus de temps pour réussir l'orientation, y compris par une année de césure, la possibilité de participer davantage à des activités culturelles et sportives à condition que les équipements sportifs soient à la hauteur et disponibles – 20 % seulement des étudiants pratiquent aujourd'hui des activités physiques et sportives.

Tous les groupes seront d'accord, je crois, pour dire que ces mesures nécessitent un encadrement amélioré et des moyens financiers et budgétaires à la hauteur, s'agissant en particulier de l'accueil des 40 000 étudiants supplémentaires à prévoir chaque année pendant dix ans. Comme nous l'avons dit lors du débat budgétaire, l'enseignement supérieur a besoin d'un milliard de plus chaque année et non sur cinq ans.

Enfin, si nous sommes favorables à la fin du tirage au sort pour les filières en tension, nous formulons en revanche de fortes inquiétudes et réserves sur le dispositif proposé à cet égard. Nous considérons en effet qu'il s'agit d'une sélection déguisée destinée à décourager les bacheliers des catégories les plus populaires notamment.

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Madame la ministre, je vous remercie pour votre présentation très claire du plan Étudiants, et notamment pour ce quatrième pilier qui prend en compte la vie des étudiants. Il faut en effet s'attaquer à une inégalité qui n'est pas facile à résoudre et que j'ai vécue en tant qu'étudiante. Alors que certains étudiants peuvent bénéficier l'été, grâce à leur famille, de séjours linguistiques, de cours privés, ou se consacrer à la préparation des concours, les autres, moins chanceux, issus de milieux défavorisés, doivent travailler. Et parmi ces derniers, il y a d'un côté ceux qui ont un emploi dans les administrations grâce à leurs parents, et de l'autre ceux qui n'ont pas du tout de réseaux et qui se retrouvent chez McDonald ou à l'usine. Comment mieux prendre en compte cette inégalité entre étudiants et soutenir ceux qui doivent travailler pendant leurs études ? Les bourses aident bien souvent à vivre mais pas forcément à réussir les études.

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Madame la ministre, je vous remercie pour votre présentation très claire, pour votre état d'esprit et votre vision des choses. Nous aurons l'occasion de discuter de ce texte au cours des prochaines semaines et de vous faire quelques propositions.

Ma question concernera plus précisément la région Île-de-France. Chacun est mobilisé pour l'avenir de l'emploi et de la croissance économique de la région capitale, notamment au travers du Grand Paris Express. Parmi les lignes du Grand Paris Express figure la ligne 18 qui doit desservir le grand plateau de Saclay. Savez-vous si la construction de cette ligne sera maintenue dans les délais, ou si elle sera différée, ce qui peut avoir des conséquences très importantes pour ce grand pôle scientifique européen ?

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Madame la ministre, je vous remercie pour vos propos.

Vous avez rappelé le droit pour tout bachelier d'accéder à l'enseignement supérieur et de choisir sa filière : il nous revient d'allouer les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs. La question des moyens se pose dès le lycée, qui en raison de la pression démographique, connaît de nombreuses difficultés. Alors que les efforts devraient porter sur l'orientation et l'encadrement, ce sont sept centres d'information et d'orientation (CIO) qui ont fermé par exemple en Seine-Saint-Denis du fait du retrait du conseil départemental sur cette question de l'orientation.

S'agissant de l'enseignement supérieur, les moyens attribués à chaque étudiant ont baissé de 10 % en dix ans, en raison là aussi de la pression démographique. Vous parlez d'un encadrement nouveau pour les étudiants : cela suppose de dégager des moyens extrêmement importants.

En ce qui concerne l'avis du conseil de classe, les attendus, la réponse des universités, quel est le niveau de transparence par rapport aux familles, à l'élève et à l'étudiant, pour éviter toute forme de sélection ?

Malgré la loi Fioraso, que je n'avais certes pas votée mais qui prévoyait de fixer des quotas pour les élèves issus des bacs technologiques dans les instituts universitaires de technologie (IUT) et sections de techniciens supérieurs (STS), le document que vous nous avez transmis indique que ce dispositif n'a pas eu vraiment de résultats. Quelle est pour vous la solution, sachant que certaines directions d'établissements sont réticentes à l'accueil des élèves issus des filières professionnelles ?

Enfin, votre proposition d'une aide globale d'autonomie financée par les collectivités territoriales m'inquiète un peu au vu de leur situation financière. Pouvez-vous nous en dire plus, sachant que je préférerais que cette allocation soit versée par l'État ?

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Madame la ministre, parmi les différentes mesures du plan Étudiants que vous présentez aujourd'hui, je voudrais revenir sur celle concernant la suppression de la Sécurité sociale étudiante qui sera remplacée par une contribution vie étudiante dédiée à des activités sportives et culturelles au sein des universités.

Vous présentez cette mesure comme un gain de pouvoir d'achat de 100 millions pour les étudiants. Ils ne paieront plus la cotisation de 217 euros à la Sécurité sociale, mais une contribution vie étudiante qui ira de 60 euros à 150 euros pour les doctorants. À première vue, et prise dans sa globalité, cette mesure constitue bien sûr ce fameux gain que vous évoquez. Mais dans les faits, il est plus juste de dire que cela constitue un gain pour certains étudiants, alors que pour d'autres cela représente une perte. Je m'explique. Comme vous le savez, les étudiants de moins de vingt ans ne paient pas de cotisation sociale étudiante en premier cycle. Quant aux doctorants qui travaillent pour la plupart, ils ne cotisent pas au régime de Sécurité sociale étudiante. Pour les premiers qui ne seraient pas boursiers, votre mesure implique donc une hausse de 38 euros de l'ensemble des frais nécessaires à l'entrée en université, et pour les seconds c'est-à-dire les doctorants, elle entraîne une hausse de 129 euros. À ce propos, je viens de recevoir ce jour un courrier de la Confédération des jeunes chercheurs. Voilà la réalité que votre analyse ne présente pas.

Par ailleurs, les universités accueillant un grand nombre d'étudiants boursiers, qui seront donc exonérés de cette contribution, ne seront-elles pas pénalisées par de moindres rentrées financières pour la mise en oeuvre des actions en matière sociale, de sport et de culture que vous évoquez ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Vous avez raison, monsieur Juanico, l'orientation doit démarrer le plus tôt possible, c'est-à-dire dès le collège. Il faudra continuer à encourager et soutenir toutes les initiatives comme les cordées de la réussite qui sont effectivement extrêmement intéressantes, qui lèvent souvent une forme d'autocensure ou d'inhibition chez les collégiens, et qui leur montrent l'enseignement supérieur comme un domaine qu'ils peuvent appréhender d'une autre façon.

S'agissant des lycées, il n'est pas question que l'avis du conseil de classe soit caché à qui que ce soit. Les attendus seront disponibles a priori au plus tard au début du mois de janvier. Nous travaillons ces attendus au niveau national avec les conférences des doyens et ils correspondront à chacune des quarante-cinq mentions de licence. Si certaines universités n'ont pas tous les parcours, elles seront amenées à apporter des précisions mais les attendus seront bien préparés au niveau national. La transparence des réponses sera à la discrétion du lycéen. S'il donne les codes à ses parents, ceux-ci pourront lire les réponses, celles-ci étant adressées au lycéen. J'ai oublié de préciser que nous allons également mettre en place un comité scientifique et d'éthique pour surveiller le fonctionnement de cette plateforme et disposer d'une analyse. Il s'agit d'éviter les dérives et de faire en sorte que l'État joue son rôle de régulateur au travers des recteurs, notre objectif étant de ne surtout pas faire une réforme qui prive de l'accès à l'enseignement supérieur. C'est pour cela que ce sont les recteurs – donc l'État – qui fixent les capacités d'accueil.

Vous avez parlé de la loi Fioraso et de la fixation de quotas pour l'accès des lycéens des bacs technologiques dans les IUT et STS. Une expérimentation prévoyant que le conseil de classe de terminale donne un avis pour que l'élève puisse enter plus facilement en BTS a été lancée l'année dernière. Cette expérimentation a très bien fonctionné dans les cinq académies qui l'ont mise en oeuvre. Cette année, vingt-trois autres académies se sont également engagées – il n'en reste que sept à ne pas l'avoir fait. Nous dresserons un bilan de cette expérimentation. Si celle-ci est aussi concluante que la précédente, nous ferons en sorte que cette expérimentation devienne la règle. Cela signifiera que nous aurons trouvé un bon dispositif pour que les BTS accueillent plus et mieux les bacheliers professionnels. Là aussi, nous devrons veiller au taux de passage en deuxième année, car il est important que ces élèves réussissent en BTS.

Quant à l'entrée en IUT, pour le moment les quotas sont laissés à la discrétion de ces instituts qui annoncent, a posteriori, le pourcentage de bacheliers technologiques accueillis dans ces formations. Nous travaillons avec les directeurs d'IUT et les présidents d'université, de manière à voir si l'on peut appliquer là aussi ce mécanisme de recommandation des conseils de classe de terminale technologique.

Il faut s'interroger sur le fait que 85 % des titulaires d'un DUT poursuivent leurs études, alors que ces filières sont conçues pour être courtes et conduire à l'emploi à l'issue de la formation. Ne doit-on pas, comme le demandent les directeurs d'IUT, positionner finalement le curseur sur les licences professionnelles ? Mais, par définition, ce sont des licences professionnelles parce qu'elles n'autorisent pas la poursuite d'études. Dans ce cas, il faut réfléchir à des passerelles avec les licences générales pour ceux qui n'arrivent pas se projeter sur cinq ans d'études après leur bac, mais qui finalement changent d'avis et se verraient bien faire deux ans d'études supplémentaires. Comme les IUT sont au sein des universités, il faut travailler sur ces passerelles entre les licences générales et ces formations de DUT. Cela fait partie de cette façon de repenser de manière beaucoup plus souple le premier cycle universitaire dans son ensemble, IUT inclus.

S'agissant de l'aide globale d'autonomie, on sait que les régions, les collectivités, les villes ou les métropoles, selon les cas, instaurent des chèques santé, prévoient des accompagnements pour baisser le coût des transports etc. D'où l'idée d'un endroit où l'étudiant pourrait avoir accès à l'ensemble des informations, saisir une fois pour toutes son dossier et savoir à quel type d'aide il a droit – bien souvent, il renonce à demander par ignorance. Il faut procéder à un travail de mise en cohérence de l'information parce que les choses sont très variables d'une région à l'autre, d'une ville à l'autre.

Dans le projet de budget pour 2018, nous avons fait le choix d'augmenter les crédits de fonctionnement des universités et, pour la première fois, de prendre en compte totalement la compensation des mesures salariales de l'État dans les établissements. J'insiste sur ce point parce que, et je le dis sans blesser personne, il y a une différence entre annoncer par exemple la création de 1 000 postes chaque année pendant cinq ans dans l'enseignement supérieur, et la réalité. Si on fait une telle annonce mais que l'on ne compense pas le glissement vieillesse-technicité (GVT), les universités ne recruteront pas mais utiliseront la masse salariale ainsi transférée pour payer leurs personnels qui, par avancement interne ou concours, voient leurs salaires augmenter. Nous avons considéré quant à nous qu'il fallait d'abord calculer réellement le coût du GVT, le coût des mesures salariales de l'État, et garantir aux universités qu'elles seraient à même de prendre en charge ces mesures, et ensuite identifier les financements supplémentaires pour qu'ils aillent bien là où nous le souhaitons. C'est une autre façon de faire, et si j'étais encore présidente d'université, je serais contente que cette méthode soit employée car elle va simplifier la vie des universités pour construire leur budget.

Bien évidemment, j'ai lu la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) et le livre blanc, et j'entends bien la préconisation d'investir 1 milliard par an, ce qui inclut que l'on puisse construire de nouveaux locaux pour accueillir les étudiants. Mais je ne sais pas réaliser de telles constructions d'ici à la rentrée de septembre 2018. Cela fait dix-huit ans que l'on sait que l'enseignement supérieur serait confronté à une vague démographique importante… Il ne fallait pas attendre décembre 2017 pour envisager ces projets.

Là encore, je procède de manière réaliste. Par exemple, j'ai demandé aux doyens des facultés de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) de regarder quelles infrastructures sportives pourraient éventuellement être louées autour des sites universitaires ou dans les villes voisines, leur problème n'étant pas celui du nombre de chaises ou d'amphithéâtres…. Je vais tout faire pour qu'il y ait davantage de places dans cette filière au mois de septembre 2018, sans pour autant prétendre que j'aurai construit des gymnases en six mois, parce que ça, je ne sais pas le faire.

Voilà la première raison pour laquelle je pense qu'il vaut mieux avoir un milliard d'euros spécifiquement dédié à la réforme, comme c'est le cas actuellement, et être en mesure d'apporter des réponses pragmatiques, plutôt que de demander un milliard d'euros par an. Pourquoi pas deux ou trois ? Là encore, c'est la réalité qui doit nous guider : le budget pour 2018 de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation augmente – et il est prévu qu'il augmente sur toute la durée du quinquennat – et 1 milliard d'euros supplémentaire est spécifiquement dédié à la réforme et ne se diluera pas dans autre chose.

Vous m'interrogez sur la question spécifique de la sous-dotation de l'université technologique de Troyes. Je peux vous faire rencontrer tous les présidents d'université. Ils calculeront tous la dotation à laquelle ils ont droit et qu'ils n'ont pas, ils se référeront tous à quelqu'un d'autre. J'ai annoncé aux présidents d'université que je ne comprenais pas la façon dont les budgets étaient répartis depuis des dizaines d'années, sur la base d'un modèle qui a existé à un moment, mais qui n'a jamais été vraiment appliqué – c'est le fameux modèle SYMPA, système de répartition des moyens à la performance et à l'activité, que tous les universitaires connaissent – et qui se traduit par une construction à partir d'une règle de trois. Voilà pourquoi, là encore, je préfère avoir un 1 milliard d'euros supplémentaires sur le quinquennat spécifiquement dédié à la réforme.

Cela dit, pour bien connaître ce qui se fait à l'université technologique de Troyes et les capacités de cette université à travailler avec le monde socio-économique qui l'entoure, je ne doute pas qu'elle soit capable de mobiliser des ressources propres, au travers de formations professionnelles ou de formations continues.

Le travail des étudiants est un sujet dont nous nous sommes emparés. Il n'est pas complètement abouti, donc je ne peux pas en parler aussi facilement que je le souhaiterais. Je suis convaincue en tout cas que nous devons faire beaucoup plus confiance à nos étudiants : il faut que sur les campus, nous soyons en mesure de leur confier plus de jobs étudiants, par exemple pour faire en sorte que les bibliothèques universitaires soient ouvertes plus longtemps. Pendant qu'ils seront payés pour surveiller les bibliothèques, ils pourront travailler à leurs études. De même, ils pourraient surveiller des salles informatiques ou des salles de ressources partagées tout en étudiant. On ne bénéficie pas suffisamment dans les établissements de toute l'énergie des étudiants. Or je suis persuadée qu'il vaut mieux qu'ils aient un job étudiant dans leur établissement plutôt que d'aller travailler la nuit dans des activités qui ne leur apportent rien. Cela permettra aussi de beaucoup mieux valoriser un certain nombre de compétences, y compris dans les cursus. Cela nous ramène à la question de la valorisation de l'engagement étudiant, qui sera bien plus facile dans ces conditions, même si l'étudiant est rémunéré.

Pour les étudiants de moins de vingt ans, demandez donc autour de vous s'il était si clair pour les jeunes qui s'inscrivaient qu'ils n'avaient pas à payer les 217 euros. Pour ma part, j'en connais beaucoup qui ont découvert qu'en fait, ils n'étaient pas du tout obligés de prendre la Sécurité sociale étudiante. Il aurait donc fallu repréciser ce point.

En tout état de cause, la cotisation au fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes, la cotisation pour la visite médicale, et le coût des cotisations – certes facultatives – de culture et de sport, correspondent exactement au premier niveau de cotisation, fixé à 60 euros. S'il reste des cas particuliers, nous les examinerons. Nous avons travaillé en masse, c'est pour cela que nous annonçons 100 millions d'euros de pouvoir d'achat rendu aux étudiants, sans entrer dans les détails. Les exemples que nous avons pris sont fiables, mais nous n'avons pas encore analysé tous les cas particuliers.

Concernant les doctorants, lorsqu'ils bénéficient de contrats doctoraux, ils sont considérés comme des personnels des établissements, et donc exemptés de tout, comme les boursiers. Nous examinons quelle est la part des doctorants qui ne payent pas la Sécurité sociale étudiante et cotisent déjà au régime général. Notre objectif est que personne ne se retrouve à payer plus ; il s'agit ici de cas particuliers. Concrètement, avec ce que nous proposons, un étudiant de plus de vingt ans en troisième année de licence économisera 178 euros à la rentrée. Nous n'annonçons pas dans le détail qui gagnera combien à la rentrée, car nous sommes en train de procéder aux estimations détaillées, mais la somme globale de 100 millions d'euros est confirmée par Bercy. Cette cotisation concernera tous les étudiants, et sera payée aux CROUS, de manière que la redistribution se fasse au travers des aides sociales.

S'agissant de la ligne 18 du Grand Paris Express, j'ai déjà été alertée à plusieurs reprises, ainsi que la ministre des transports et le Président de la République. Nous sommes parfaitement informés de l'enjeu qu'elle représente et sommes à l'écoute de l'ensemble des attentes des habitants du Plateau de Saclay, des contraintes des zones protégées et de celles des agriculteurs. Aucune décision n'est prise à ce stade, mais nous sommes conscients de l'importance cruciale de pouvoir disposer d'un équipement permettant de se déplacer sur cette zone de manière beaucoup plus fluide.

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Je suis embarrassé à deux titres : j'ai un train à prendre, et vos réponses ont précédé mes questions. (Sourires.) Il m'en reste néanmoins une.

Vous avez souligné que certaines filières étaient très demandées, a contrario, d'autres le sont peu. Quelles solutions comptez-vous apporter à ces filières en déshérence, en particulier les filières scientifiques ? Vous évoquiez le cas d'une personne titulaire d'une licence en mathématiques, il faut la garder, nous en avons besoin ! Nous avons une longue tradition de formation de haut niveau dans les sciences, nous avons des prix Nobel et des médailles Fields, des ingénieurs de qualité et des capitaines d'industrie. Comment rendre les filières scientifiques plus attractives ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

J'ai été très surprise de constater que 47 % des premiers voeux sur les licences se portent sur quatre mentions seulement, alors que nous en avons quarante-cinq. Cela démontre qu'il y a un vrai problème avec l'orientation et l'information. Qu'allons-nous faire ?

Un lycéen ne voit pas ce qu'il fera avec une licence ou un master de mathématiques. Soit il adore les mathématiques, et il sera content d'en faire, soit il ne sait pas trop ce qu'il fera après. D'où l'importance de faire savoir à quoi servent les mathématiques, à quels métiers ils permettent d'accéder, au-delà de mathématicien. Bien sûr, mathématicien est un très beau métier, qu'il faut conserver, mais il fait aussi expliquer aux jeunes ce qu'ils vont pouvoir faire concrètement en étudiant les mathématiques à l'université. C'est vrai aussi pour de nombreuses autres disciplines. Les lycéens ne voient pas, par exemple, ce qu'ils vont faire en étudiant l'histoire à l'université.

Les quatre filières choisies sont : le droit, car les lycéens pensent être avocat ; la première année commune aux études de santé – PACES – pour être médecin, dentiste, pharmacien, sage-femme ou kinésithérapeute ; la psychologie, pour être psychologue ; et enfin sciences et techniques des activités physiques et sportives – STAPS –, pour travailler dans les métiers du sport.

Nous devons mieux expliquer à quoi vont conduire les différents diplômes, et nous devons faire bouger nos scientifiques pour qu'ils aillent vanter les mérites de ce qu'ils font. L'université ne doit plus être assimilée à un tas de débris où les gens sont malheureux. Je n'arrête pas de répéter à mes collègues qu'à force de ne mettre en avant que ce qui ne va pas, soi-disant pour faire bouger les choses, ils ont instillé l'image dans la population que l'université ne va pas. Alors que lorsque l'on sait tout ce qui s'y passe, on peut en être fiers.

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Madame la ministre, le 19 juillet, lors de notre première rencontre en commission, nous avions évoqué ensemble la situation de l'université de Valenciennes, et de toutes celles qui souhaitent comme elle évoluer dans leurs structures et leur statut afin d'offrir davantage de formations, d'opportunités et de débouchés à leurs étudiants.

L'université de Valenciennes souhaite devenir une université polytechnique, ce qui, pour résumer les textes en des termes très simplifiés, n'est pas possible à partir d'une université déjà existante. Vous m'aviez assuré qu'il existait des perspectives de solution à court terme à ce manquement. Dans le cadre de son projet, l'université de Valenciennes dialogue avec le groupe de l'Institut national des sciences appliquées (INSA) pour la création d'un INSA Hauts-de-France, intégré à la future université polytechnique des Hauts-de-France. Pour respecter les statuts obligatoires, l'INSA se doit d'être établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), comme l'université polytechnique des Hauts-de-France, qui comptera en outre d'autres pôles. La difficulté de cette situation consistera à garantir l'identité d'un membre – INSA – tout en maintenant l'unité de l'université englobante. Pouvez-vous m'indiquer si la modification en cours de ces dispositifs intégrera une solution pour réaliser cette nouvelle configuration de façon pérenne ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

La réponse est très courte : oui. Cette disposition nécessitant une modification législative, vous la verrez passer. Cela figurera dans le projet de loi de simplification, nous sommes en train d'y travailler.

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80 % d'élèves d'une classe d'âge, bac en poche, se précipite dans l'enseignement supérieur. Sans un véritable travail d'orientation, les taux de réussite sont peu glorieux, par exemple 27 % pour l'obtention de la licence en trois ans.

Madame la ministre, après le grand plan Étudiants que vous venez de présenter, je voudrais vous interroger sur certaines modalités d'entrée à l'université. Environ 90 % des lycéens souhaitent un accompagnement personnalisé par un professeur, des témoignages d'étudiants et la mise en place de prérequis informatifs pour éclairer leur choix d'orientation. En revanche, ils ne sont que 60 % à se prononcer en faveur de prérequis obligatoires.

Vous avez annoncé un binôme de professeurs principaux pour une meilleure orientation mais quelle sera la part réservée au mérite ?

Vous souhaitez améliorer les conditions de vie des étudiants ; j'ai bien noté vos engagements pour le paiement anticipé des bourses sur critères sociaux et j'approuve l'accès gratuit aux sports universitaires et aux activités culturelles pour les étudiants boursiers. Qu'en est-il des bourses au mérite, très malmenées lors du dernier quinquennat – suppression en 2013, rétablissement en 2015, mais seulement à moitié – ne faudrait-il pas revoir ces bourses au mérite pour les bacheliers issus de milieux défavorisés et décrochant une mention très bien ?

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En tant qu'acteur de terrain chaque semaine, je voudrais vous remercier pour les progrès contenus dans le plan Étudiants, dont je mesure l'importance. Notre priorité est de tout faire pour avoir le bon étudiant au bon endroit, et pour orienter les étudiants sur la voie de la réussite. Le passage du lycée aux études supérieures et le niveau licence sont au coeur de ce plan. Ils sont impératifs pour la réussite des étudiants. La suite éventuelle du cursus l'est aussi.

Ma question portera donc sur le niveau master. Si la sélection à l'entrée du master offre la possibilité d'un travail auprès de l'étudiant pendant deux années, sous un format plus proche de l'école d'ingénieur, avec un vrai sentiment d'appartenance, les contenus même de nombreux masters m'incitent à vous poser plusieurs questions.

Ne s'agit-il pas, pour la plupart d'entre eux, de masters extrêmement spécialisés, à une époque où les employeurs recherchent des étudiants adaptables, des étudiants « couteaux suisses », et où la mobilité de l'emploi conduira à changer en moyenne une dizaine de fois de situations professionnelles, voire de champ de spécialité ?

Ces masters ne sont-ils pas trop souvent quasiment exclusivement axés sur un avenir académique, destiné à la fonction publique, oubliant les critères nécessaires à une vraie professionnalisation – stage en entreprise de longue durée, enseignements sur la qualité, la propriété, l'entrepreneuriat, test TOEIC (Test of English for international communication) – alors même que la large majorité de ces étudiants devront rentrer dans le monde industriel ?

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Madame la ministre, je veux souligner la célérité, l'ampleur et la qualité de la concertation qui a été menée en si peu de mois. Elle a conduit à un rapport riche et a concouru à la construction de ce plan Étudiants, en quatre axes et vingt mesures concrètes.

Le nouveau dispositif d'inscription des bacheliers dans l'enseignement supérieur permettra, grâce à l'amélioration de l'orientation, une réelle augmentation des chances de réussite des étudiants. Cette transition mieux gérée devra être poursuivie par des améliorations pédagogiques en première année de licence. Ces améliorations doivent reposer sur une évolution des méthodes pédagogiques, et certaines universités mettent déjà en oeuvre des pistes prometteuses de pédagogie inversée, de pédagogie plaçant les étudiants au coeur, comme praticiens des savoirs. L'université Lyon III, que je connais bien, a mis en place un accompagnement concret des étudiants à la gestion du stress, la prise de parole ou encore aux méthodes de travail en groupe.

Le plan Étudiants comprend d'autres exemples d'innovations pédagogiques. À cet égard, et s'agissant de l'accompagnement précoce et spécifique des étudiants les plus en risque, les plus en difficulté, existe-t-il un socle de bonnes pratiques diffusable ? Si oui, pouvez-vous nous en faire part ?

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Une étude récente du ministère de l'enseignement supérieur confirme les inégalités entre étudiants face aux stages en entreprise.

En effet, seul un tiers d'entre eux aurait effectué un stage sur l'année scolaire 2015-2016, et ce taux est encore plus faible s'agissant des étudiants en licence générale, puisqu'il n'est que de 15 %. Je rappelle également que seul un employeur sur cinq estime que nos universités préparent correctement les étudiants à occuper des postes au sein de leur entreprise. Ils considèrent que l'enseignement est encore trop théorique.

Madame la ministre, votre plan Étudiant est une réforme courageuse et nécessaire, qui prévoit notamment la possibilité d'une année de césure dès le cursus en licence. Celle-ci permettra aux étudiants qui le souhaitent de s'investir dans une mobilité internationale, un projet professionnel, voire d'effectuer un stage en entreprise. Il me semble cependant nécessaire d'aller plus loin et de rendre obligatoire l'expérience de terrain lors du cursus universitaire, comme c'est le cas dans les écoles d'ingénieur, les écoles de commerces, ou encore en faculté de médecine. Stage ouvrier, stage de découverte en début de parcours, puis stage décisionnel pour affiner un projet sont autant d'opportunités pour préparer une meilleure insertion professionnelle.

Réparer notre enseignement supérieur, c'est également adapter notre offre de formation aux besoins des employeurs. C'est permettre aux étudiants de s'insérer plus facilement dans la vie active. Profitons de cette réforme courageuse pour mieux équilibrer l'offre de formation pratique et théorique, et pour permettre aux étudiants d'acquérir une véritable expérience professionnelle pendant leur cursus universitaire.

Je sais qu'il faudra du temps pour que nos universités développent un véritable réseau d'entreprises partenaires qui permettra à l'ensemble des étudiants de trouver un stage, et qu'il faudra travailler activement avec les partenaires sociaux pour construire un pacte de confiance entre universités et entreprises. Mais ce plan Étudiants n'est-il pas l'occasion d'amorcer enfin cette dynamique, nécessaire à l'avenir de notre jeunesse ?

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Madame la ministre, merci pour ce plan juste, équilibré et ambitieux qui redonne confiance et espoir.

Le nouveau système d'admission post-bac devrait mettre fin au tirage au sort, tout en garantissant l'accès des étudiants aux filières souhaitées. Afin de réduire les 60 % de taux d'échec en licence, vous avez indiqué que les universités pourraient exiger des mises à niveau pour les étudiants qui ne rempliraient pas les conditions nécessaires pour intégrer une formation donnée. Le plan Étudiants comporte aussi la création de places ciblées dans les filières en tension, avec un accompagnement financier important.

Quelles conséquences ce plan aura-t-il pour les études médicales ? Il existe une sélection à la fin de la première année PACES, avec des taux d'échec supérieurs à 75 % à l'heure actuelle. L'instauration d'attendus avant l'entrée en licence est-elle appelée à s'articuler avec cette sélection en fin de première année ?

Depuis plusieurs années, des facultés de médecine délocalisent leur PACES, comme dernièrement à Pau, permettant ainsi une augmentation du nombre d'étudiants, et surtout l'accès à des étudiants issus de milieux moins favorisés. Considérez-vous que les filières santé, qui présentent une forte attractivité, doivent faire l'objet de création de places supplémentaires dans le cadre de ce plan, et donc de création d'antennes supplémentaires ?

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Ma question porte sur l'orientation, à mon sens déterminante. Quand arrive l'affectation, il est déjà trop tard, c'est en amont, et peut-être dès le collège, qu'il faut travailler à la bonne orientation et la préparation des élèves à l'enseignement supérieur. Aussi le plan Étudiants constitue-t-il une réelle avancée. Les deux semaines d'orientation en classe de terminale, un deuxième professeur principal, un rôle accru pour le conseil de classe, des heures d'accompagnement personnalisé consacrées à l'élaboration d'un projet d'étude : tout cela va indéniablement dans le bon sens.

Avec ces différentes mesures, les enseignants vont être amenés à jouer un rôle majeur dans l'orientation des élèves, ce qui pourrait, au moins dans un premier temps, générer une certaine inquiétude face à cette nouvelle responsabilité, car ils sont peu formés pour cela et savent que leur avis est souvent décisif dans le choix d'orientation des élèves, surtout lorsque ceux-ci ne bénéficient pas d'un entourage à même de les y aider.

Comment renforcer la formation des enseignants en matière d'orientation au-delà de la maîtrise de l'outil, notamment dans le domaine des formations technologiques, qu'ils connaissent en général assez peu car ils ne les ont pas fréquentées eux-mêmes ? Comment pourront-ils prendre connaissance des attendus pour l'ensemble des formations et émettre un avis pertinent sur les voeux des élèves ?

Par ailleurs, comment envisagez-vous l'articulation entre ce nouveau rôle dévolu aux enseignants et celui des professionnels de l'éducation, je pense notamment aux conseillers d'orientation-psychologues ?

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Je me réjouis de ce plan Étudiants et de l'audace dont il fait montre. Notre pays est champion en termes de filières courtes. Selon le rapport de l'OCDE intitulé « Regards sur l'éducation », 40 % des 25-34 ans diplômés du supérieur ont suivi des formations de deux ans après le bac, contre 17 % en moyenne dans les pays de l'OCDE. Ce rapport témoigne d'un réel engouement pour les filières professionnalisantes car elles permettent une insertion professionnelle rapide.

Pour autant, cet attrait entraîne un phénomène de vases communicants au sein des filières : les bacheliers généraux cherchent en IUT ou BTS un encadrement qu'ils considèrent ne pas pouvoir trouver en licence ; mais ils prennent ainsi la place de ceux des voies technologiques. Ces bacheliers professionnels qui décident de poursuivre dans le supérieur échouent alors en licence, voie pour laquelle ils sont les moins préparés : leur taux d'échec atteint 98 % dans le général.

Le plan Étudiants que vous avez présenté fait ce même constat : les bacheliers technologiques et professionnels sont insuffisamment représentés dans les filières sélectives que sont les IUT et les STS, alors même qu'ils placent ces filières courtes et professionnalisantes en tête de leurs voeux sur APB, ce qui conduit ces étudiants à choisir par défaut l'université. L'accompagnement à l'orientation et le renforcement de la licence professionnelle, que vous avez présentés, doivent permettent de tendre vers une plus juste répartition des bacheliers. Vous proposez également la création de places ciblées sur les besoins bien identifiés, avec des ouvertures de places qui devront être conditionnées à l'accueil de ces publics. Pouvez-vous nous expliquer la mise en place concrète de cette dernière mesure – je pense entre autres à des créations de BTS – et dans quelle proportion les places seront ouvertes pour les très nombreux bacheliers qui les demandent ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Le Gouvernement est convaincu que nous devons amener le plus possible de jeunes vers une qualification. Les chiffres sont là : le taux de chômage des moins de 25 ans est de l'ordre de 25 %, mais il tombe à 6 % parmi les titulaires d'un diplôme de niveau bac + 2. Donc, le diplôme, l'enseignement supérieur, protège du chômage.

Bien sûr, la grande majorité des lycéens souhaite être accompagnée, et c'est la raison pour laquelle nous avons proposé la mise en place de filières plus personnalisées et plus « à la carte » dans le supérieur. Ils entendent, pour une partie d'entre eux, qu'il peut être nécessaire de procéder à des remises à niveau. J'ai rencontré beaucoup d'étudiants, en première année et au-delà, qui m'ont dit qu'ils auraient bien aimé bénéficier d'une telle remise à niveau. Pour moi, le mérite est là : c'est accepter, comme le fait la très grande majorité des jeunes, de travailler plus parce qu'on tient à un projet qu'on a construit. Ils seront accompagnés pour passer d'une envie de jeunesse, à plus aucune envie – parce que les jeunes passent souvent par une période où ils n'ont plus envie de rien – puis à un projet que nous les aiderons à élaborer. C'est cette envie de travailler, y compris de travailler plus pour réussir, qu'il faut encourager et valoriser, parce que rien ne s'obtient sans rien. Et les jeunes aussi sont capables de l'entendre.

Nous avons maintenu le dispositif « meilleurs bacheliers », qui permet de reconnaître le mérite, les meilleurs bacheliers ayant accès à la filière de leur choix, qu'elle soit sélective ou non. C'est aussi un encouragement. Notre objectif est bien d'encourager les jeunes à réussir, ce qui ne signifie pas qu'on leur dit que ce sera facile. Il faut juste leur expliquer la réalité du chemin et les aider à arriver au bout.

Les enseignants du secondaire comme les enseignants-chercheurs du supérieur vont enfin retrouver le plaisir d'aider vraiment les jeunes à réussir. Il est très difficile pour eux de constater ce taux d'échec année après année, d'avoir le sentiment que tout le monde s'y est habitué, et que personne ne fait rien pour que ça change.

S'agissant de la possibilité d'inclure plus de stages, c'est exactement l'idée de la formation « à la carte ». Si nous avons un souci depuis très longtemps dans les universités, c'est que nous nous sommes acharnés à opposer les filières professionnalisantes aux filières académiques. Or pour que notre pays fonctionne, nous avons besoin de jeunes diplômés à l'issue de formations courtes ou dotés de diplômes d'ingénieurs ou de masters qui soutiendront l'économie, mais également de professeurs d'université, de chercheurs, qui prépareront eux aussi l'économie de demain ; ils ajouteront de la connaissance et seront capables de la transmettre.

On ne peut pas imaginer que le même parcours amène à un bac + 2 ou un bac + 8. Il faut donc prévoir des parcours beaucoup plus modulaires, plutôt que des formations en tuyaux définies dès le départ. Actuellement, les professeurs et les chercheurs d'une discipline donnée veulent former ceux qui vont travailler avec eux et leur succéder, et leur formation est incompatible avec les stages ou l'expérience avec le monde du travail.

Notre système « à la carte » permettra plus de souplesse. Les étudiants, avides de connaissance, qui iront jusqu'aux carrières académiques, pourront choisir de faire histoire, histoire, et encore histoire. Les étudiants qui hésitent, ou qui souhaitent faire des formations plus professionnelles, plus ancrées dans la réalité, au moins dans un premier temps – ils pourront toujours changer d'avis et revenir plus tard à l'université, l'idée étant aussi d'avoir une université beaucoup plus ouverte – pourront choisir d'étudier la discipline, mais aussi des stages, des modules entrepreneuriat, des modules « connaissance de l'entreprise », et construire ainsi leur parcours.

L'objectif est d'arrêter d'opposer les formations professionnelles aux formations académiques, et de proposer un ensemble de briques à partir desquelles, de manière guidée, et en fonction de ce dont il a envie, l'étudiant pourra construire son projet. Nous aurons ainsi des étudiants qui choisiront de faire des mathématiques pour devenir chercheurs en mathématiques, et nous en aurons de plus en plus besoin. Mais nous aurons aussi attiré des jeunes qui s'apercevront qu'ils ont besoin des mathématiques pour faire un autre métier que mathématicien. C'est vrai en licence, et ça doit aussi l'être en master. Cela nous impose de décloisonner et de passer « à la carte ».

La PACES est un cas très spécial, et il n'est pas prévu de la modifier. Nous avons travaillé avec les doyens de facultés de médecine : ceux qui veulent tenter leur chance au niveau du concours, en ayant été informés, peuvent le faire.

En revanche, nous analysons deux types d'expériences en cours, dont les résultats vous seront présentés. Certaines universités, tout d'abord, ont ouvert des années préparatoires à la PACES ; nous allons en évaluer l'efficacité. Ensuite, d'autres universités se sont dotées d'un portail plus large qui permet de tenter le concours ou de réussir sa première année pour passer en deuxième année. Là encore, nous dresserons le bilan de cette expérimentation et vous le présenterons.

En clair, nous ferons en sorte qu'il y ait autant de places en PACES que de candidats et nous évaluerons les expérimentations en cours. Nous poursuivons cet objectif pour l'ensemble des filières qui se sont trouvées en tension – étant entendu que c'est plus simple pour la PACES car, très souvent, les cours sont retransmis dans plusieurs amphithéâtres, ce qui résout la question du manque de places.

J'en viens à la question des baccalauréats généraux qui conduisent aux filières courtes et professionnelles et des bacheliers technologiques et professionnels qui en sont exclus. Nous créerons des places en BTS et dans les filières courtes professionnalisantes, mais nous devons impérativement nous demander pourquoi les bacheliers généraux se dirigent vers ces filières : s'il ne s'agit que d'un accompagnement en vue d'intégrer une école d'ingénieur, mieux vaut alors s'inscrire en classes préparatoires – il y reste 2 500 places. Les IUT, en effet, sont parfois considérés comme une autre manière d'accéder aux écoles d'ingénieurs et de commerce. Il nous faut identifier clairement les filières qui permettent d'accéder à ces écoles afin de laisser les IUT jouer leur rôle, c'est-à-dire former des jeunes qui prendront un emploi à bac+2 ou bac+3. Ce travail de longue haleine suppose de cerner finement les raisons pour lesquelles ces jeunes s'inscrivent en IUT plutôt que dans des filières qui les conduiraient tout aussi bien vers des écoles d'ingénieurs, des écoles de commerce ou des grandes écoles. Il se pose aussi une question de proximité, et nous devrons sans doute nous interroger sur la manière d'accéder à l'enseignement supérieur, au moins la première année, dans un établissement situé au plus près de chez soi – c'est un autre problème.

Il va de soi que les conseillers d'orientation–psychologues jouent un rôle essentiel, mais le nombre d'élèves qui prennent rendez-vous avec ces conseillers montre qu'il ne s'agit pas encore d'une démarche naturelle. Nous comptons sur les commissions mixtes que nous allons établir et sur le dialogue que nous susciterons entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, car ce sont les enseignants qui connaissent très bien les élèves, à qui ils enseignent parfois depuis la seconde. C'est d'autant plus important si leurs collègues du supérieur parviennent à leur expliquer ce qu'ils attendent des élèves, même s'il est très difficile de formuler cinq ou six attendus. La question n'est évidemment pas d'obtenir de bonnes notes dans telle ou telle matière : les universités disposent des dossiers et ces données sont faciles à consulter. En revanche, il est plus difficile de déterminer si tel lycéen aime lire et s'il s'interroge sur ce qu'on lui apprend ; cela, les enseignants le savent parce qu'ils côtoient les élèves. Lorsque les attendus portent sur la curiosité ou la capacité de lecture, par exemple, ce sont les professeurs qui pourront en juger bien davantage que des personnes qui ne voient pas les élèves tous les jours. Plusieurs propositions d'attendus ont déjà été formulées et devraient permettre de cerner le profil complet des élèves, bien au-delà des seuls relevés de notes.

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Axel Kahn disait encore récemment qu'il était aberrant de prétendre que la réussite dans le supérieur est une question de moyens car si tel était le cas, il n'y aurait pas 60 % d'échec. Grâce au plan Étudiants, madame la ministre, vous vous attaquez enfin à la racine du problème de notre enseignement supérieur, de son accès et de sa vocation à former des chercheurs d'excellence, mais également à sa mission d'accompagnement des étudiants dans l'insertion professionnelle. L'un des chapitres de la grande concertation que vous avez menée portait sur les filières en tension comme les études STAPS et les études de santé. Vous avez déjà répondu sur l'augmentation des capacités d'accueil des PACES. Je souhaiterais également vous interroger sur la possibilité de joindre au dossier d'inscription dans cette filière un certificat électronique de passation d'un cours en ligne ouvert à tous (MOOC) sur les métiers de la santé.

S'agissant de la filière STAPS, vous avez annoncé un profond changement dans la manière d'appréhender la formation aux métiers du sport. Comment envisagez-vous la gestion des voeux groupés dans cette filière ? Elle rassemble des formations menant aux métiers de l'enseignement comme le professorat d'EPS, mais aussi des formations liées à l'animation sportive ainsi que des formations variées et de grande qualité qui conduisent au management, à la prise en charge du handicap ou encore à la recherche universitaire dans de très nombreux domaines. Ces formations ont une durée comprise entre moins d'une année et huit ans. Qu'en est-il du changement annoncé ?

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Votre propos, madame la ministre, est parsemé d'expressions récurrentes comme « à la carte », « parcours sur mesure », « personnalisation », « orientation ». La logique qui vous inspire est claire : vous avez fait le choix d'un accompagnement sur mesure en disant à chaque étudiant « oui » ou « oui, si ». Nous aurions préféré une position plus offensive en matière de sélection ; on ne peut que constater cette divergence de fond.

Pour que cela fonctionne – ce que nous souhaitons tous, tant l'université est en souffrance en termes de réussite des étudiants –, il faut que cet accompagnement soit approprié. Or, à la lecture des documents officiels, on constate que vous confiez la responsabilité de ces parcours sur mesure à un directeur des études, qui sera chargé du contrat de réussite pédagogique à l'entrée de l'université. Les mots sont certes intéressants et l'idée séduisante, mais il faut s'assurer de sa faisabilité concrète sur des cohortes de plusieurs dizaines de milliers d'étudiants. Comment recevoir chacun de ces étudiants et consacrer le temps nécessaire à vérifier l'adéquation de leur projet, leurs acquis, leurs attendus – nous aurions préféré parler de prérequis, un terme que nous jugeons plus séduisant. Ma question est purement pratique : comment fait-on ?

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Je tiens avant tout, madame la ministre, à saluer la pertinence et l'ambition de ce plan Étudiants qui, outre la qualité de l'orientation et de l'affectation des lycéens, vise aussi à améliorer leurs conditions de vie.

Ma première question, d'ordre pratique, a trait au conseil de classe du deuxième trimestre : il faut faire confiance aux équipes enseignantes pour construire un avis éclairé avec les nouveaux outils que les universités vont mettre à leur disposition. L'avis émis par le conseil de classe du deuxième trimestre sur les voeux sera-t-il néanmoins contestable par la famille, par exemple au moyen d'une procédure d'appel ?

D'autre part, si un bon élève est retenu par plusieurs universités, qui arbitrera afin de veiller à la répartition harmonieuse des bons élèves ?

Enfin, un grand plan de construction de logements étudiants est prévu. Allez-vous cibler les lieux où ils seront construits et les implanter en priorité sur les campus des métiers et des qualifications pour en faire non plus des campus virtuels mais des campus bien réels et, ainsi, valoriser l'alternance et la professionnalisation de certaines formations ?

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Afin de financer cette réforme ambitieuse, madame la ministre, vous avez indiqué que 500 millions d'euros seraient débloqués ; je me réjouis de cette décision. Le Premier ministre, quant à lui, a déclaré que 450 millions d'euros du Grand plan d'investissement seraient fléchés en direction du premier cycle universitaire, dont 200 millions en faveur des nouveaux dispositifs d'accompagnement. Pouvez-vous indiquer quels dispositifs seront financés via le plan d'investissement et quels seront les modes de financement pérennes ?

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Nous sommes fiers, madame la ministre, que vous ayez choisi la méthode adoptée par la majorité qui consiste à transformer en accompagnant – il est vrai que sur ce point, nous avons des divergences fondamentales avec d'autres collègues. Votre démarche reposant sur une construction avec les parties prenantes et sur la traduction de vos intentions dans la réalité nous semble opportune. Vous l'appliquez à l'intégration de tous les bacheliers en fonction de leurs souhaits profonds, en les guidant et en les accompagnant, mais aussi à la lutte contre l'échec, voire le sentiment d'échec – vous avez à cet égard évoqué les dispositifs contre l'orientation sèche, et je vous en remercie.

Ma question porte sur votre volonté d'évaluer les enseignants-chercheurs en termes de formation et de recherche. Il leur est beaucoup demandé – renouveler régulièrement leurs méthodes pédagogiques, être de plus en plus compétitifs en recherche – et, en même temps, on leur confie un nombre croissant de charges administratives. Allons-nous, par cohérence et pragmatisme, renforcer les fonctions support pour décharger partiellement les enseignants-chercheurs afin qu'ils soient plus offensifs sur l'enseignement et la recherche ?

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Je vous remercie à mon tour, madame la ministre, d'avoir présenté les principes du plan Étudiants, et je félicite les équipes qui ont accompli un travail considérable en faveur de cette réforme.

Lors de la présentation du plan Étudiants, vous avez évoqué la possibilité qu'auraient les universités de proposer des formations de forme variée, notamment via l'alternance, pour une meilleure adaptation des étudiants à l'emploi. Cette proposition très intéressante doit être encouragée, mais il est indispensable de l'accompagner d'une transformation du processus de recrutement des apprentis, afin que les entreprises et les administrations soient incitées à adopter cette démarche. Certains étudiants sont encore contraints d'arrêter leur formation en alternance faute d'avoir trouvé une entreprise d'accueil. L'un des leviers de transformation pourrait par exemple consister à modifier le processus administratif chronophage et compliqué, qui ne peut pas être accompli en ligne. Pourquoi ne pas le simplifier en dématérialisant la rédaction et la validation des contrats ? Quant aux administrations, il leur est impossible de recruter leurs apprentis à l'issue de cette période d'alternance. L'aménagement de l'accès à la fonction publique serait-il possible dans ce cadre spécifique ?

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Vous souhaitez, madame la ministre, qu'une évaluation plus juste et plus large des filières sous tension soit conduite afin d'éviter l'effet de concentration sur quatre d'entre elles. Quelle sera la méthode d'évaluation en amont de ces filières et, du même coup, dans quelle mesure les places seront-elles anticipées ?

D'autre part, lors de la réforme relative à l'autonomie des universités, il avait été prévu qu'une évaluation du taux d'insertion dans l'emploi serait réalisée à la sortie des différentes filières. Pouvez-vous dresser un bilan d'étape de ce dispositif, de sa pertinence et de son éventuelle pérennisation ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Les propositions concernant les cours en ligne ouverts à tous ont été formulées dans le cadre des groupes de travail par des étudiants inscrits notamment dans les filières de santé ; rien n'est encore défini ni, a fortiori, imposé.

La filière STAPS donne accès à un très grand nombre de métiers, ce qu'ignorent la plupart des jeunes qui s'engagent dans cette voie, et qui souhaitent souvent travailler autour de l'animation ou du sport – d'où l'idée de réactiver les diplômes d'études universitaires scientifiques et techniques (DEUST) et d'ouvrir des places de formation initiale dans les centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS). La réflexion en la matière est en cours et produira bientôt ses conclusions.

Nous n'avons naturellement aucun moyen de prédire quelles filières se trouveront sous tension. Nous travaillons simplement sur la base de la situation de l'année précédente afin d'anticiper. Il faut donc envisager avec la plus grande prudence la manière dont nous accompagnons les fluctuations de ces filières sous tension. Que faire, par exemple, si – cas peu probable – plus aucun étudiant ne souhaite s'inscrire dans la filière STAPS dans trois ans ? Nous devons pouvoir nous projeter. Puisque l'orientation commencera aussi tôt que possible, la réflexion des jeunes doit nous permettre d'affiner notre action et d'anticiper davantage.

Les 450 millions d'euros du Grand plan d'investissement serviront à créer un certain nombre d'outils destinés à être partagés le plus largement possible. Il pourra par exemple s'agir de préparer les tests de remise à niveau et les exercices prescrits pour ce faire, y compris ceux qui peuvent être accomplis dès le lycée ou après l'université ; en tout état de cause, l'idée est de mettre en place des dispositifs qui ne sont pas pérennes, alors que les financements budgétaires, eux, le sont par définition. C'est pourquoi nous les consacrons plutôt à la création de places, aux recrutements, à la reconnaissance de l'engagement, c'est-à-dire des mesures à long terme. En revanche, les programmes d'investissement, comme leur nom l'indique, ont une durée limitée dans le temps ; ils doivent donc servir à créer ou transformer des outils nécessitant un investissement initial destiné à cesser.

J'en viens à la question du directeur des études – une réflexion à laquelle la conférence des grandes écoles et celle des écoles d'ingénieurs ont été associées. Elles nous ont dit ceci : les écoles, même lorsqu'elles ont 6 000 étudiants, n'ont qu'une seule personne dont le travail est de formuler des propositions et de discuter avec les élèves afin de dessiner des parcours personnalisés. L'idée n'est donc pas d'avoir un directeur des études par université, mais par champ disciplinaire. La concertation, une fois de plus, a été menée avec les praticiens, et les propositions qui en sont sorties sont donc toutes réalistes puisqu'elles émanent de ceux qui les mettront en oeuvre. Nous faisons en effet le choix d'accompagner les étudiants plutôt que de leur dire non.

Les élèves pourront désormais déposer des documents sur la plateforme à venir. Les avis des conseils de classe n'auront rien de prescriptif ; les appels n'auront donc pas lieu d'être. Les élèves pourront toujours déposer un document attestant de leur motivation.

Nous introduisons la possibilité pour un étudiant de sortir de son académie afin de garantir la répartition harmonieuse des bons élèves. Les qualités requises pour réussir à l'université ne sont pas forcément les mêmes que celles qui étaient attendues au lycée. Il est donc très difficile de prédire qui seront les bons étudiants, et c'est la raison pour laquelle nous refusons la sélection à l'entrée à l'université. Souvent, en effet, les bons étudiants se révèlent, parce que leur formation leur correspond. Les entreprises, d'ailleurs, reconnaissent de plus en plus souvent la particularité de cette formation et le fait que les étudiants formés à l'université sont capables de s'adapter beaucoup mieux que ceux qui proviennent de n'importe quel autre type de formation.

La possibilité de sortir de l'académie d'origine répond à un objectif très pragmatique : prenons l'exemple d'un lycéen toulonnais qui souhaiterait s'engager dans une filière qui n'existe pas dans sa ville mais seulement à Nice et à Marseille ; il serait contraint de faire 250 kilomètres pour s'y inscrire, puisqu'il relève de l'académie de Nice, plutôt que d'aller à Marseille, toute proche. C'est pour répondre à ces cas que les recteurs pourront autoriser à sortir de l'académie. De même, pourquoi faut-il qu'un élève qui se trouve dans une académie où la paléontologie n'est pas enseignée doive définitivement renoncer à cette formation au simple motif qu'il n'habite pas au bon endroit ? En autorisant la sortie de l'académie, il ne s'agit pas d'ouvrir les portes à tout-va mais de permettre l'accompagnement de cas concrets par les recteurs – et donc par l'État – afin de lever ces freins absurdes qui obligent par exemple un étudiant à parcourir deux cent cinquante kilomètres plutôt que trente.

Il est prévu de créer un observatoire des logements pour examiner la localisation des hébergements de manière plus approfondie.

Quant au recrutement d'apprentis, je rappelle que la fonction publique ne recrute que par concours.

Il faut favoriser les fonctions support dans les établissements. Pour ce faire, il faut enfin moderniser l'administration de manière à multiplier ces fonctions de soutien à la recherche et à la formation, notamment grâce à l'automatisation. Rien n'impose par exemple que les directeurs des études soient forcément des enseignants ou des enseignants-chercheurs ; il peut s'agir de membres du personnel de soutien. Nous en discuterons avec les présidents d'université afin de déterminer ce qui leur convient le mieux.

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Je m'associe aux remerciements qui vous ont été adressés, madame la ministre, pour ce plan concret qui fait rimer bonne direction avec orientation. Les conditions de vie peuvent être une source d'échec, les étudiants cumulant un emploi avec leurs études étant de plus en plus nombreux. Vous avez largement répondu à cette problématique du cumul en présentant les mesures envisagées pour rehausser le niveau de vie des étudiants. Outre les mesures liées au logement, ne peut-on pas envisager d'augmenter l'aide au transport, dont le coût grève considérablement le budget des étudiants ?

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Je m'associe à mon tour aux compliments formulés au sujet de ce projet de transformation novateur, qui nous conforte dans l'idée que le Gouvernement va dans le bon sens.

Ma question portera une fois de plus sur la Sécurité sociale des étudiants. Leur protection sociale n'était plus suffisante car elle était complexe et certains d'entre eux ne se faisaient plus soigner. Vous avez annoncé le rattachement des nouveaux étudiants au régime général de la Sécurité sociale dès 2018 ainsi que la fusion des contributions de vie étudiante pour rendre le système plus lisible. Ce faisant, vous leur rendez du pouvoir d'achat grâce à la suppression de la cotisation de 217 euros. Vous souhaitez également améliorer l'accès aux soins de proximité en créant dix centres de santé supplémentaires afin d'en porter le total à trente-quatre en 2019. L'accès à ces centres de prévention, de soins, de bien-être, de sport et de culture sera soumis à une cotisation étudiante. Quel en sera le montant ? Les boursiers en seront-ils exemptés, comme je l'ai entendu ?

Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser les modalités qui, dans le nouveau système, permettront d'intensifier les actions de prévention et d'améliorer concrètement ce système d'accès et la protection sociale des étudiants ? Quel rôle éventuel sera dévolu aux mutuelles étudiantes ?

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Je regrette que vous n'ayez pas été nommée ministre de l'enseignement supérieur plus tôt, madame la ministre, car nous aurions gagné du temps !

Pouvez-vous estimer le nombre de jeunes qui intègreront les programmes aménagés ? Concrètement, comment se fera leur accueil ? Dans les lycées ? S'il se fait dans les universités, il se traduira par un gonflement du nombre d'étudiants, dont l'accueil s'en trouvera compliqué puisque vous évoquez l'arrivée de 40 000 étudiants supplémentaires chaque année, alors que les universités n'auront pas forcément réussi à aménager les locaux nécessaires. Comment ferez-vous ?

Enfin, il faut valoriser l'alternance, qui est primordiale pour les jeunes car elle leur permet de trouver un emploi bien plus vite et bénéficie à l'entreprise également.

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Cette question sur l'alternance vous permettra, madame la ministre, de répondre à Mmes Charrière et Petit qui ont également abordé le sujet.

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À mon tour, madame la ministre, je tiens à vous remercier pour la présentation de ce plan Étudiants dont les objectifs reflètent très bien l'attente qu'ont les étudiants au quotidien – je m'en félicite non seulement comme député, mais aussi comme doctorant.

Dans l'éventualité où un bachelier ne serait pas accepté dans la formation de son choix, il est proposé de lui garantir une place dans une formation proche du choix initial. Existe-t-il des projections sur la part des étudiants qui seraient concernés par cette proposition ? Comment définiriez-vous la notion de « formation proche » ? Pouvez-vous citer un exemple qui nous permettrait de mieux cerner la proposition ?

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Au-delà du plan Étudiants et du post-bac, ma question porte sur les études post-licence. Vos prédécesseurs ont avancé la sélection à la première année de master suite à une décision du Conseil d'État, alors qu'elle s'effectuait auparavant entre la première et la deuxième année. La mesure adoptée en décembre 2016 est entrée en vigueur à la rentrée universitaire 2017, et les étudiants dont l'entrée en master est refusée bien qu'ils soient titulaires d'une licence portent recours devant le recteur, qui doit alors formuler trois propositions d'admission.

Le 28 septembre dernier, madame la ministre, vous annonciez que sur les 2 200 étudiants concernés, 400 avaient accepté les propositions qui leur étaient faites, 533 les avaient refusées et 446 n'avaient pas répondu. Qu'est-il advenu d'eux depuis cette date ? Comment envisagez-vous d'améliorer le dispositif en vue de la rentrée prochaine ?

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Je vous remercie, madame la ministre, pour votre exposé clair et optimiste, car il n'est pas aisé de construire un parcours global de réussite des étudiants. Votre réforme en quatre axes est importante et prometteuse, y compris pour les parents, qui sont rassurés à la lecture de ce plan étudiants.

Ma question porte sur l'accompagnement personnalisé : quelles méthodes pédagogiques seront mises en place pour tenir cet engagement ? Utilisera-t-on par exemple des méthodes innovantes provenant de milieux autres que le milieu scolaire ?

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Je vous félicite moi aussi de la mise en place du plan Étudiants, madame la ministre. Cependant, je m'inquiète du devenir de nos jeunes diplômés. En effet, certains étudiants mahorais qui ont poursuivi leurs études jusqu'à obtenir leur doctorat et leur habilitation à devenir maîtres de conférences éprouvent toutes les peines du monde à être recrutés à ces postes. J'ai été saisie des cas de plusieurs d'entre eux qui ont postulé pour enseigner au centre universitaire de Mayotte et dont la candidature n'a même pas été retenue pour audition par le jury de recrutement organisé par l'Université de Nîmes.

Actuellement, les maîtres de conférences recrutés ainsi enseignent souvent pendant deux ou trois ans tout au plus, puis retournent en métropole. Les étudiants mahorais ont besoin d'une équipe pédagogique stable et d'exemples de Mahorais ayant réussi, qui leur donneront la volonté de réussir eux aussi dans un département ou plus de 40 % des personnes âgées de 15 à 64 ans sont touchées par l'illettrisme. Quels dispositifs peuvent être mis en place pour faciliter l'intégration des doctorants mahorais dans le corps des maîtres de conférences, mais aussi pour leur offrir la possibilité d'enseigner dans leur département ?

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Permettez-moi de profiter de votre présence, madame la ministre, pour vous parler de recherche et d'outre-mer. Alors que la COP23 vient d'ouvrir à Bonn et que la recherche scientifique nous décrit de manière de plus en plus précise l'avenir de notre planète, ne pensez-vous pas que nos outre-mer sont des laboratoires extraordinaires pour la recherche, la formation, l'expérimentation et l'innovation pour une transition écologique et énergétique durable ? De plus, envisagés dans leur cadre régional, les outre-mer offrent une situation remarquable de collaboration internationale. La situation subarctique de Saint-Pierre-et-Miquelon, par exemple, fait de cet archipel un point exceptionnel d'observation et d'étude des changements climatiques dans l'Atlantique nord, son insularité en fait un modèle obligé de développement bas carbone où les idées les plus novatrices peuvent être testées, sa position au large des côtes américaines en fait un centre d'interaction scientifique international en émergence entre le Canada, les États-Unis et la France.

Ne pensez-vous pas qu'il faille soutenir les initiatives prises par l'enseignement supérieur français, en particulier les universités marines, le CNRS et l'IFREMER, dans le cadre d'un accord signé en 2016 par les premiers ministres français et québécois afin de créer l'Institut France-Québec de la mer ? On pourrait ainsi faire de Saint-Pierre-et-Miquelon un centre permanent de recherche et de formation sur les sciences des océans et des littoraux, un véritable hub de collaboration entre l'Europe et l'Amérique du Nord dans le cadre de l'alliance atlantique. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'il serait pertinent d'engager résolument votre ministère dans cette direction ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Nous entamons vendredi une concertation sur la formation dans tous ses aspects – formation professionnelle, apprentissage, formation continue, formation tout au long de la vie. Mais, d'ores et déjà, le plan Étudiants a été conçu, avec le système à la carte, dans l'idée d'organiser l'alternance de manière beaucoup plus simple. Je suis convaincue en effet que l'alternance, y compris dans les laboratoires de recherche, est une façon d'appréhender le futur métier auquel on se destine et que est donc extrêmement importante.

Monsieur Testé, la question du coût des transports et de leur prise en charge relève des collectivités territoriales, et c'est la raison pour laquelle j'indiquais tout à l'heure que nous devions faire en sorte de rendre les dispositifs d'aides existants beaucoup plus visibles.

Madame Dubois, les centres de santé sont ouverts à tous les étudiants, l'idée étant que la cotisation santé, bien-être, sport et culture qu'acquitteront tous les étudiants alimente les oeuvres sociales, qui en feront ensuite bénéficier l'ensemble des étudiants, en transitant le cas échéant par les universités, si les centres de soins sont gérés par les universités. Pour le moment il est prévu que cette cotisation s'échelonne entre 60 euros pour le premier cycle, 120 euros pour le deuxième et 150 euros pour le troisième. Ce n'est qu'une première estimation, qu'il faudra affiner, en évaluant au cas par cas si cela peut s'appliquer à l'ensemble des étudiants.

Madame Charvier, d'après mes chiffres, 1 514 étudiants en master ont reçu une proposition à ce jour, et je pense que nous devons donc davantage anticiper. La procédure est longue et lourde, car j'insiste de nouveau sur le fait que, à l'inverse de ce qui se passe dans le premier cycle, les recteurs n'ont pas de possibilités d'affectation directe. Ils doivent se renseigner auprès des universités et des responsables de masters, lesquels doivent ensuite accepter les dossiers des étudiants. Fort heureusement, cela concerne relativement peu d'étudiants, car, lorsqu'on est titulaire d'une licence, il est assez simple de s'orienter vers les bons masters, et l'inscription ne se résume pas à un simple dépôt de candidature, l'étudiant ayant le plus souvent échangé au préalable avec le directeur. Cela étant, nous réfléchissons à la manière de réorganiser cette transition pour l'an prochain, afin de raccourcir la procédure et de ne pas pénaliser les quelques étudiants qui y auraient recours. J'insiste sur le « quelques », car cela n'a concerné que deux à trois mille étudiants sur les cent trente mille qui se sont inscrits en master.

Vous m'avez demandé, monsieur Henriet, ce qu'était une « formation proche du choix initial ». Je prendrai l'exemple des DUT QLIO – Qualité, logistique industrielle et organisation –, dont l'intitulé est totalement incompréhensible pour la majorité des lycéens, ce qui fait qu'ils sont peu choisis, alors que d'autres DUT, aux noms plus explicites et proposant une formation similaire sont très demandés. Le recteur peut donc orienter un lycéen souhaitant faire des études de logistique vers un DUT QLIO, auquel ce dernier n'aurait pas spontanément pensé.

Pour que la question des moyens ne soit pas un obstacle, nous travaillons avec les CROUS afin que, dans le cadre des commissions mixtes, des résidences universitaires soient mises à disposition des étudiants qui en auraient besoin, et qu'ils puissent, le cas échéant bénéficier de certaines aides sociales.

En ce qui concerne l'outre-mer, j'ai commencé à rencontrer les présidents des universités ultramarines. Je suis absolument convaincue qu'il faut que ces présidents positionnent leurs établissements exactement comme vous l'avez formulé, monsieur Claireaux, à savoir comme des centres de l'excellence française à rayonnement régional. Dans cette optique, Saint-Pierre-et-Miquelon a toute sa place dans le déploiement de la stratégie Sentinelle Nord de l'université Laval, à Québec.

Plus globalement, j'ai l'intention de m'appuyer sur le projet qu'avaient lancé les universités ultramarines dans le domaine des ressources naturelles et des bioressources océaniques, mais qui n'a pas été retenu par le jury des écoles universitaires de recherche. Ce projet doit être retravaillé car tous les organismes de recherche que vous avez mentionnés, l'Institut de recherche pour le développement (IRD), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) ou le CNRS, sont comme moi convaincus que les territoires ultramarins peuvent en effet faire fonction de hubs scientifiques et présenter pour les étudiants internationaux une attractivité finalement plus grande que la métropole. Pour cela, nous devons accompagner les établissements dans leur mutation et leur ouverture à l'international.

Madame Ali, le centre universitaire de formation et de recherche (CUFR) de Mayotte est une toute jeune université, qui requiert un accompagnement spécifique. Il y a chaque année à Mayotte deux mille cinq cents bacheliers, dont 50 % qui partent poursuivre leurs études en métropole avec, malheureusement, un taux de réussite inférieur à 5 %, ce qui est un vrai problème. Peut-être l'éloignement joue-t-il un rôle dans cette contre-performance, sachant que seuls soixante-dix étudiants environ choisissent chaque année de partir étudier à La Réunion, pourtant beaucoup plus proche.

Par ailleurs, le CUFR de Mayotte est notoirement sous-dimensionné, et c'est la raison pour laquelle 5 millions d'euros lui ont été spécifiquement affectés dans le cadre du contrat de plan État-région.

Je porte en tout cas une attention toute particulière aux universités ultramarines, et Mayotte en fait partie.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, nous vous remercions, ainsi que toute votre équipe.

La séance est levée à 18 heures 50.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 16 heures 15

Présents. - Mme Ramlati Ali, Mme Aude Amadou, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Gabriel Attal, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, M. Grégory Galbadon, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Pierre Henriet, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Josette Manin, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, Mme George Pau-Langevin, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, Mme Stéphanie Rist, M. Cédric Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill

Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Céline Calvez, M. Laurent Garcia, Mme Sandrine Mörch, M. Franck Riester, M. Thierry Solère