Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 18 décembre 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • handicapée
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La réunion

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Mercredi 18 décembre 2019

La séance est ouverte à neuf heures trente.

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Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente

La commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap (n° 2371) (Mme Nathalie Elimas, rapporteure).

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Mes chers collègues, la proposition de loi que je vous présente aujourd'hui vise à améliorer l'accès à la compensation des conséquences du handicap. Ce texte devrait vous en rappeler un autre, puisque l'Assemblée nationale a adopté, le 17 mai 2018, une proposition de loi sur ce sujet dans le cadre d'une niche du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés. Cette proposition, qui avait été rapportée par notre collègue Philippe Berta, dont je tiens à saluer le travail, n'a toutefois pas été inscrite à l'ordre du jour du Sénat. La proposition de loi que nous examinons ce matin a été déposée par Alain Milon, membre du groupe Les Républicains du Sénat et président de la commission des affaires sociales de la haute assemblée, ainsi que par plusieurs de ses collègues. Elle est inspirée par la même philosophie que le texte que nous avions adopté l'an dernier, et l'enrichit sur plusieurs points.

Avant d'aborder les quatre articles de la proposition de loi, permettez-moi de revenir brièvement sur les origines de la prestation de compensation du handicap (PCH), qui occupe, dans le paysage des aides sociales en faveur des personnes en situation de handicap, une place singulière. La PCH est le fruit de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a modifié en profondeur la politique en faveur des personnes handicapées. La principale avancée de cette loi réside dans la reconnaissance d'un droit à la compensation des conséquences du handicap par la solidarité nationale, qui se matérialise aujourd'hui par la PCH. Pour mémoire, cette dernière est une prestation individualisée, attribuée quasiment sans condition de ressources, qui assure la prise en charge des surcoûts de toute nature liés au handicap.

Néanmoins, près de quinze ans après la promulgation de la loi de 2005, il semblerait que les objectifs initiaux du texte n'aient pas été complètement atteints. Les personnes en situation de handicap continuent d'affronter trois types de difficultés : premièrement, certaines personnes handicapées âgées demeurent exclues du bénéfice de la PCH, en raison du maintien des barrières d'âge à 60 et 75 ans ; deuxièmement, on déplore la permanence de restes à charge élevés, notamment en matière de transport ou d'équipements ; troisièmement, la prestation de compensation est inadaptée aux besoins des enfants. Les défis à relever sont encore nombreux et les attentes des personnes handicapées, de leurs proches et des associations qui les représentent sont fortes.

La présente proposition de loi vise à corriger certaines insuffisances de la loi de 2005 au travers de quatre articles.

L'article 1er a pour objet de supprimer la barrière d'âge de 75 ans, au-delà de laquelle il n'est aujourd'hui plus possible de solliciter la PCH, alors même que la personne était en situation de handicap avant l'âge de 60 ans. Elle reprend à l'identique l'article 1er de la proposition de loi que nous avions adoptée l'an dernier.

L'article 2 vise à clarifier les dispositions législatives relatives aux fonds départementaux de compensation du handicap, qui permettent de limiter le reste à charge des bénéficiaires de la PCH.

L'article 3 tend à préciser plusieurs aspects de la législation quant aux modalités de contrôle et d'attribution de la PCH.

Enfin, l'article 4 prévoit la création d'un comité stratégique qui serait chargé de proposer des évolutions du droit, afin de mieux prendre en compte les besoins de compensation des enfants en situation de handicap ainsi que la problématique du transport des personnes handicapées.

Cette proposition de loi s'inscrit plus globalement dans le cadre de la politique de la majorité, qui a fait du handicap une de ses priorités, comme l'illustre, entre autres exemples, la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapées (AAH), dont le montant mensuel a été augmenté de près de 100 euros depuis le début de la législature pour atteindre, à compter du 1er novembre dernier, 900 euros. La majorité est également pleinement engagée dans le soutien aux proches aidants, qui sont confrontés quotidiennement aux difficultés engendrées par le handicap ou, d'une manière plus générale, par la dépendance. Sans revenir sur l'ensemble des mesures annoncées par le Gouvernement dans le cadre du plan de mobilisation en faveur des aidants, je rappellerai simplement deux dispositions contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 : l'indemnisation du congé de proche aidant, à hauteur de 52 euros par jour – 43 euros pour une personne en couple – durant trois mois ; la défiscalisation et l'exonération de prélèvements sociaux des sommes versées, à titre de dédommagement, aux aidants familiaux dans le cadre de la PCH.

La proposition de loi soumise à votre examen a pour objet d'apporter une réponse à plusieurs problématiques. Tout d'abord, son article 1er vise à supprimer la limite d'âge, actuellement fixée à 75 ans, au-delà de laquelle il n'est plus possible de demander la PCH. Aujourd'hui, la limite d'âge pour solliciter la PCH est établie à 60 ans. Toutefois, les personnes qui remplissaient les critères d'attribution de cette prestation avant 60 ans peuvent aussi en demander le bénéfice, sous réserve de la solliciter avant l'âge de 75 ans. Cette limite d'âge de 75 ans est injuste. En effet, elle pénalise ceux qui n'ont pas jugé utile d'en solliciter le bénéfice avant cet âge mais qui, passé 75 ans, se trouvent en difficulté en raison d'un changement survenu dans leur environnement, comme la disparition d'un proche aidant. La personne handicapée, après 75 ans, est dans l'impossibilité de demander à bénéficier de cette aide, alors même que son handicap s'est déclaré avant l'âge de 60 ans. Elle a alors seulement la possibilité de solliciter le versement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), qui, d'une manière générale, ouvre droit à une prise en charge moins complète des besoins de la compensation que la PCH.

La suppression de la barrière d'âge de 75 ans pour solliciter le bénéfice de la PCH répondrait donc à un souci d'équité. Elle permettrait de prendre en considération tant les changements intervenus dans l'environnement des personnes en situation de handicap après 75 ans que l'allongement de leur espérance de vie. Si elle était adoptée, cette mesure améliorerait le droit à la compensation d'environ 8 000 personnes handicapées vieillissantes, pour un coût net évalué à près de 33 millions d'euros par an par la direction générale de la cohésion sociale, déduction faite des économies réalisées sur l'APA – la PCH et l'APA ne pouvant être cumulées.

Évidemment, si nous supprimions la barrière d'âge de 75 ans, nous devrions aussi nous interroger sur la pertinence du seuil de 60 ans. L'article 13 de la loi de 2005 prévoyait d'ailleurs la suppression des deux limites d'âge à un horizon de cinq ans, avant que le Conseil d'État ne juge en 2012 que cette disposition était dépourvue de toute portée normative. À titre personnel, je pense que le débat sur la suppression de la barrière de 60 ans mériterait d'être ouvert, tant en raison de l'augmentation de l'espérance de vie que du recul de l'âge minimum de départ à la retraite de 60 à 62 ans, même s'il serait sans doute prématuré de trancher cette question aujourd'hui, notamment en l'absence d'une évaluation financière précise.

L'article 2 de la proposition de loi, qui a trait aux restes à charge des personnes en situation de handicap, vise à sortir d'une impasse juridique liée aux imprécisions de la loi de 2005 concernant le fonctionnement des fonds départementaux de compensation du handicap. Ceux-ci sont chargés d'attribuer des aides financières extralégales destinées à permettre aux personnes en situation de handicap de faire face aux frais de compensation restant éventuellement à leur charge après attribution de la PCH. Or l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles, relatif aux fonds de compensation du handicap, est inspiré par deux logiques contradictoires. D'une part, l'abondement des fonds repose sur les financements facultatifs de plusieurs acteurs : l'État, l'assurance maladie, les caisses d'allocations familiales, les départements et les conseils régionaux – en pratique, seul le conseil régional d'Île-de-France. D'autre part, la loi impose que les frais de compensation restant à la charge du bénéficiaire de la PCH n'excèdent pas 10 % de ses ressources personnelles nettes d'impôts « dans des conditions définies par décret ». Il existe donc une obligation juridique, qui doit être mise en oeuvre grâce à des fonds financés de manière facultative. La contradiction intrinsèque à cet article n'a pas permis la publication du décret d'application, et donc l'entrée en vigueur effective de cette disposition relative au reste à charge. En l'absence de décret, l'institution des fonds de compensation s'est effectuée de manière assez disparate : chaque conseil départemental a pu décider des publics éligibles à l'aide du fonds, des montants et des types d'aides attribués.

Cette situation se traduit par de fortes inégalités entre les départements, qui ne sont évidemment pas acceptables. Ainsi, selon la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), sur un échantillon de soixante et onze fonds, seuls vingt-deux ont permis de réduire le reste à charge à moins de 10 % du coût des projets, tous domaines confondus. Pour quatorze fonds, le reste à charge demeure supérieur à 20 % du coût des projets. Par ailleurs, si la très grande majorité des fonds prennent en charge les aides techniques relevant de la PCH, lesquelles représentent 52 % des dépenses totales, seuls 20 % des fonds couvrent les dépenses relevant de l'aide humaine.

Le Conseil d'État a condamné l'État en février 2016 pour ne pas avoir respecté un délai raisonnable entre la publication de la loi et celle du décret d'application. Il est donc nécessaire de sortir de cette impasse juridique. À cette fin, l'article 2 de la proposition de loi vise à clarifier le cadre législatif, qui permettra au Gouvernement de prendre un décret d'application et d'harmoniser en partie les modalités d'intervention des fonds départementaux.

L'article 3 de la proposition de loi tend à préciser les modalités de contrôle et d'attribution de la PCH. S'agissant du premier volet, le texte consacre au niveau législatif le rôle du président du conseil départemental dans le contrôle de l'utilisation des aides versées au titre de la PCH. Surtout, cet article précise que ce contrôle ne pourra désormais porter que sur une période de six mois au minimum. Cette disposition répond à une revendication des associations représentant les personnes en situation de handicap, qui estiment que les contrôles pratiqués dans certains départements sur les aides humaines sont parfois trop rigides et ne prennent pas suffisamment en considération l'évolution des besoins des bénéficiaires de la PCH au cours d'une année. Par ailleurs, une disposition adoptée par voie d'amendement en commission, au Sénat, prévoit que toute réclamation dirigée contre une décision de récupération d'un indu revêt un caractère suspensif.

S'agissant du second volet de l'article, qui concerne les modalités d'attribution de la PCH, il est proposé d'alléger les démarches administratives des bénéficiaires de la PCH à deux niveaux. D'une part, les durées de versement des aides de la PCH seraient harmonisées. Aujourd'hui, il existe des plafonds pour chaque type d'aide de la PCH selon des périodes de référence distinctes – 3 960 euros d'aides techniques tous les trois ans, 5 000 euros d'aides pour l'aménagement du véhicule et la compensation de surcoûts liés aux transports tous les cinq ans, 10 000 euros pour l'aménagement de son logement tous les dix ans. Cette situation conduit à multiplier les dépôts de dossiers. Il est donc envisagé de fixer par voie réglementaire la durée d'attribution des aides au titre de la PCH à dix ans, soit la durée maximale existant actuellement, afin de ne pénaliser aucun bénéficiaire, et de calculer au prorata les nouveaux plafonds pour chaque type d'aide.

D'autre part, l'article 3 consacre un « droit à vie » à la PCH pour les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. Cette disposition s'inscrit dans la continuité des mesures de simplification en faveur des personnes handicapées qui ont été prises en fin d'année dernière. En effet, depuis le 1er janvier 2019, l'allocation aux adultes handicapées, la carte mobilité inclusion mention « invalidité » et l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) peuvent être attribuées à vie aux bénéficiaires présentant « un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % et dont les limitations d'activité ne sont pas susceptibles d'évolution favorable, compte tenu des données de la science ». Je précise que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) continueront à accompagner les bénéficiaires ayant « un droit à vie » à la PCH, en particulier lorsque leurs besoins évolueront.

J'en viens au quatrième et dernier article, dont l'objet dépasse le cadre de la PCH, puisqu'il vise à créer un comité stratégique chargé d'élaborer et de proposer des adaptations du droit à la compensation du handicap afin de répondre aux besoins spécifiques des enfants, mais aussi des évolutions des modes de transport des personnes en situation de handicap dans le cadre d'une gestion intégrée. Il vise ainsi à répondre à deux problématiques qui ont été relevées dans le cadre des travaux de la cinquième conférence nationale du handicap (CNH). L'un des cinq chantiers qui ont été engagés par la CNH porte sur l'amélioration de la prise en charge des besoins des enfants handicapés.

Lors de l'examen de la proposition de loi sur la prise en charge des cancers pédiatriques dont j'avais été la rapporteure, les travaux parlementaires avaient mis en lumière l'inadaptation de notre protection sociale aux situations particulières rencontrées par les parents d'enfants gravement malades. La ministre des solidarités et de la santé s'était alors engagée à ce que l'articulation de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP), en particulier, soit étudiée par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Dans son rapport remis en juin dernier, l'IGAS recommande de mettre en place « une nouvelle cartographie des prestations proposées aux familles, permettant d'accompagner les parcours des enfants en situation de handicap de la naissance à l'âge adulte », qui conduirait à faire évoluer l'AEEH et l'AJPP.

Par ailleurs, les déplacements des personnes en situation de handicap, qui sont évidemment essentiels pour permettre leur intégration dans la société, sont aujourd'hui entravés par des restes à charge élevés et des dispositifs de prise en charge peu lisibles.

L'IGAS, dans le rapport que j'ai cité, ainsi que le rapporteur du Sénat, Philippe Mouiller, proposent d'étudier la possibilité de créer des plateformes départementales chargées de la gestion financière et logistique des transports des personnes handicapées. Celles-ci auraient un interlocuteur unique, ce qui simplifierait leurs démarches. Le comité stratégique prévu à l'article 4 serait conduit à évaluer les propositions de l'IGAS sur ces deux sujets – les besoins spécifiques des enfants handicapés et la gestion des transports des personnes handicapés – en vue de proposer des adaptations de notre droit.

En conclusion, si cette proposition de loi ne saurait régler à elle seule toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes en situation de handicap, elle apporte néanmoins sa pierre à l'édifice en améliorant l'accès à la compensation.

Je crois qu'il est de notre devoir de simplifier autant que possible les démarches de nos concitoyens confrontés au handicap pour qu'un jour disparaisse peut-être ce que Marie-Anne Montchamp, présidente de la CNSA, appelle le « double effet de sidération » : « sidération devant la découverte du handicap, sidération devant la découverte de la complexité administrative du système ».

Je vous invite par conséquent à adopter le texte que je viens de vous présenter.

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Madame la rapporteure, le groupe La République en Marche salue unanimement les réelles avancées de votre proposition de loi pour les personnes en situation de handicap, dans la continuité de la proposition de notre collègue Philippe Berta, en 2018. Ces avancées étaient demandées depuis longtemps par les associations et les personnes en situation de handicap. Les quatre articles du texte apportent des améliorations significatives à la prestation créée par la loi de 2005, sans la refondre entièrement. Les articles 1er et 3 améliorent concrètement l'accès à la PCH. La barrière d'âge de 75 ans, au-delà de laquelle il n'était plus possible de demander à bénéficier de la prestation, est supprimée. Par ailleurs, il existera désormais un droit à vie à la PCH pour les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. Cette disposition devrait changer la vie quotidienne de milliers de personnes handicapées et de leurs familles.

Le texte comporte également des mesures très attendues permettant de sortir d'un imbroglio historique entre l'État et les collectivités locales. L'article 2 permet ainsi de clarifier le mécanisme financier des fonds départementaux de compensation du handicap, afin que le reste à charge des bénéficiaires ne dépasse pas 10 % de leurs revenus. Même si l'article ne résout pas la question des disparités territoriales, le décret d'application devrait permettre une première convergence des approches.

Enfin, nous soutiendrons la création d'un comité stratégique notamment chargé d'établir des adaptations du droit à la compensation du handicap pour les enfants, proposée à l'article 4. Même si ce comité ne nous semble pas le levier d'action le plus efficace, l'adoption de l'article en commission visera à permettre au Gouvernement d'établir un périmètre initial de réforme.

S'il nous reste encore des étapes à franchir pour améliorer les modalités de la prestation de compensation du handicap, en l'état, le texte nous convient et nous le voterons.

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Cette proposition de loi visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap ne peut que nous réjouir, alors que l'accès à la PCH n'a fait que se complexifier et que les principaux financeurs, les conseils départementaux, subissent de nombreuses contraintes dans un cadre juridique qui ne prévoit pas toujours une répartition claire des compétences. Il faut plus de transparence et de simplicité.

Parmi les mesures que nous saluons, je peux citer la suppression de l'âge limite de 75 ans ou le droit à vie de la PCH dans certaines conditions. Je m'arrêterai un moment sur l'article 2 relatif aux MDPH, qui doivent accorder des aides financières aux personnes handicapées, pour couvrir les frais restant à leur charge, et puiser dans un fonds départemental de compensation, dont le financement par les personnes publiques est facultatif. Or comment remplir une obligation légale de versement d'aides avec des moyens financiers facultatifs ? L'article 2 vise à résoudre une telle contradiction, en atténuant l'obligation faite aux maisons départementales des personnes handicapées. Une ambiguïté demeure néanmoins, quant à la rédaction du décret. Il faut hiérarchiser, compte tenu de leur capacité limitée, les demandes qui seront adressées aux fonds : gravité du handicap ou coût de l'aide. Ne faut-il pas aussi se battre pour faire baisser les prix des aides techniques, pour réduire le reste à charge ?

Nous ne pouvons que nous réjouir de l'article 3, qui va permettre d'ouvrir, sans limitation de durée, l'accès à la prestation aux personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement, ce qui est déjà le cas pour l'AAH.

Je m'interroge toutefois sur la question des frais de transport. Les dispositions législatives se sont succédé sans souci de cohérence, avec des conflits de financeurs. Certaines clarifications sont nécessaires. Pourtant, le sujet ne figure pas dans votre proposition de loi. Quelle est votre position à ce sujet, madame la rapporteure ?

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La proposition de loi s'inspire largement de celle de notre collègue Philippe Berta, adoptée à l'unanimité en mai 2018 par notre assemblée. Nous vous remercions, madame la rapporteure, de vous être emparée de ce texte semblable issu du Sénat, qui apporte des solutions de bon sens en faveur des personnes en situation de handicap. Le texte reprend d'ailleurs à son compte les dispositions phares consistant à supprimer la barrière d'âge de 75 ans pour l'accès à la prestation de compensation du handicap. Cette disposition très attendue mettra un terme à une injustice régulièrement dénoncée par les institutions et les associations. Il s'agit de l'acter dès à présent, pour qu'elle entre en vigueur le plus rapidement possible.

L'article 2 vise à clarifier les dispositions législatives relatives aux fonds départementaux de compensation du handicap. Il inscrit dans la loi que les frais de compensation ne peuvent excéder 10 % des ressources personnelles nettes d'impôts des personnes handicapées, dans la limite des financements de chaque fonds. Après l'adoption d'un tel dispositif, il incombera au Gouvernement de prendre enfin le décret d'application nécessaire qui permettra d'harmoniser les modalités d'intervention de ces fonds dans tous les territoires.

Nous souscrivons à l'esprit de l'article 3, qui vise à améliorer les modes d'attribution et de contrôle de la PCH, en inscrivant dans la loi le rôle des conseils départementaux. Les départements sont en effet les relais indispensables au déploiement de la politique du handicap. Nous soutenons particulièrement les mesures d'harmonisation des durées d'attribution des différents types d'aides de la PCH. Surtout, nous ne pouvons que soutenir le droit à vie de cette aide pour les handicaps les plus lourds.

Enfin, l'article 4 se saisit d'une question primordiale et toujours en suspens : celle de la prise en charge des transports des personnes handicapées. Le groupe du MoDem et apparentés soutiendra naturellement l'ensemble de la proposition de loi.

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La proposition de loi adoptée par les sénateurs vise à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap. Issue de la loi de 2005, la PCH est une aide financière, versée par les départements aux personnes qui ont besoin d'une aide pour les actes quotidiens. Elle compense les dépenses liées à la perte d'autonomie, pour ce qui relève d'aides humaines et techniques. Néanmoins, plusieurs prospections ont montré des dysfonctionnements déplorables, générant un sentiment d'injustice : exclusion des personnes handicapées âgées ; restes à charge trop élevés ; exclusion de l'aide à domicile du champ de la PCH ; délais de traitement des dossiers par les MDPH. Les réponses apportées à certaines de ces questions dans la proposition de loi n'ont suscité qu'une réaction mitigée de la part des associations. La première disposition, attendue de longue date, supprime la barrière d'âge de 75 ans. Aujourd'hui, les femmes et les hommes dont le handicap survient après 60 ans ne peuvent prétendre à la PCH. Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), 7 600 à 8 000 personnes devraient bénéficier du changement. Au vu des 300 000 bénéficiaires, la proposition a un effet marginal ; il n'en reste pas moins que l'accès à la prestation sera plus juste.

La deuxième mesure consiste à attribuer à vie la prestation aux allocataires dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement, comme cela est déjà le cas pour l'AAH.

La troisième disposition concerne la limite de la participation du bénéficiaire, que maintient le texte, tout en tenant compte des capacités des finances départementales, ce qui suscite des réserves, compte tenu du contexte et des contraintes pesant sur les conseils départementaux. Cependant, en amont de la conférence de février, le Gouvernement doit préciser ses intentions et passer à l'action. Je souhaite mentionner la situation des aidants familiaux, dont l'instauration d'un congé spécifique ne peut être qu'une première étape dans leur reconnaissance. Il faut également s'assurer de la place accordée à la dématérialisation pour respecter l'objectif d'inclusion.

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La loi du 11 février 2005 a posé le principe du droit à compensation des personnes en situation de handicap et créé la PCH, un dispositif innovant et ambitieux, non soumis à conditions de ressources, qui a avantageusement remplacé l'ACTP, réservée aux seules aides humaines. Néanmoins, ce dispositif n'est pas sans défaut. Il prend en effet insuffisamment en compte l'allongement de la durée de vie et le vieillissement d'une partie grandissante de la population, qui concerne également les personnes en situation de handicap. La proposition de loi vise à supprimer la barrière d'âge de 75 ans, ce qui représente une véritable avancée. Le maintien de l'âge limite au-delà duquel il n'est plus possible de faire droit à une demande de PCH pour un handicap survenu avant 60 ans n'était pas justifié, alors que nos concitoyens vivent plus longtemps. Il était important d'adapter notre droit en conséquence.

La clarification apportée par l'article 2 concernant la mise en oeuvre du reste à charge nous paraît également aller dans le bon sens. Cela permettra, tout en tenant compte des moyens des départements, de faire davantage droit au plafonnement du reste à charge du bénéficiaire en dessous de 10 % de ses revenus nets d'impôts. Cela étant, nous restons au milieu du gué, puisque l'ouverture de ce droit est conditionnée aux moyens des départements, dont les finances sont déjà très contraintes. Pour rendre ce droit à compensation véritablement effectif, nous sommes favorables à la mise en place d'une contractualisation entre l'État et les départements.

Nous soutenons la mesure de justice et de simplification que constitue l'instauration d'un droit à vie à la PCH en cas de handicap irréversible. Mais nous sommes réservés concernant la création d'un nouvel organisme de réflexion à l'article 4, même si nous comprenons la nécessité d'avancer sur la question des mobilités et de la prise en charge spécifique durant l'enfance. Rien n'empêche d'engager une réflexion approfondie sur ces sujets dans le cadre des structures existantes, comme la conférence nationale du handicap.

Notre groupe aborde favorablement l'examen de cette proposition de loi. Nous sommes convaincus de la nécessité d'agir avec volontarisme en direction des personnes en situation de handicap, pour une société plus inclusive.

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Permettez-moi de m'interroger sur la pertinence d'inscrire la proposition de loi de nos collègues sénateurs à notre ordre du jour, alors que l'un des objectifs des travaux menés par la CNH est notamment d'améliorer la PCH. Par ailleurs, un texte devrait bientôt nous être soumis sur l'amélioration de la prise en charge de la dépendance. Le droit à l'autonomie est un droit pour tous, que l'on ait plus ou moins de 60 ans. La suppression de la limite d'âge à 75 ans, si le handicap a été reconnu avant l'âge de 60 ans, va dans le bon sens. La vraie avancée, cependant, serait de supprimer la barrière d'âge des 60 ans, qui conduit à ne pas traiter les personnes en situation de handicap de la même façon, ce qui n'est pas normal. Le groupe Libertés et Territoires continuera de demander la levée totale de cette barrière.

Nous nous interrogeons aussi sur la prise en charge des transports, l'article 4 ne résolvant en rien la complexité du système actuel.

Enfin, l'article 2 nous inquiète. Nous craignons en effet qu'il ne vienne modifier la loi du 11 février 2005, dans un sens très défavorable en matière de reste à charge pour les aides techniques et humaines, remettant même en cause le principe d'égalité et d'universalité de la loi de 2005, dont le décret n'a jamais été publié en ce qui concerne l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles.

Pour toutes ces raisons, notre approche sera réservée.

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La PCH est une aide relativement nouvelle, qui permet de prendre en charge des dépenses liées aux situations de handicap. Le principal poste de dépenses est l'aide humaine aux personnes devant les dépenses relatives à l'adaptation du logement ou aux moyens de transport. C'est une véritable aide quotidienne pour les personnes en situation de handicap. Selon les chiffres de la DREES, l'ensemble des personnes qui pourraient bénéficier de cette aide à La Réunion n'en ont pas encore fait la demande. Ce non-recours est particulièrement problématique au regard de la nature même de la PCH, qui doit permettre de compenser des dépenses liées au handicap, souvent d'un montant très élevé.

La proposition de loi laisse sans réponse de nombreuses questions très concrètes. Le fonds qui permet de financer la PCH est si peu doté que les départements assurent plus de 71 % de son financement. Il est donc nécessaire de revoir le financement de la solidarité pour l'autonomie. Par ailleurs, les associations ont relevé que les critères d'attribution de la PCH sont beaucoup trop restrictifs, excluant un grand nombre de personnes handicapées. Il est également à noter que les montants de la PCH n'ont pas été réévalués depuis 2006, malgré l'inflation. Par conséquent, le reste à charge ne cesse d'augmenter.

Pour toutes ces raisons et parce que le texte passe à côté des enjeux majeurs relatifs à la PCH ou apporte de fausses réponses, il sera difficile pour nous de le soutenir.

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Peut-être ai-je raté un épisode, mais je n'ai pas bien compris pour quelles raisons mon groupe n'a pas pu amender le texte.

Alors que la PCH doit être améliorée, votre proposition va dans le bon sens, notamment en levant quelques blocages. Nous sommes favorables à la suppression des deux limites d'âge : 75 ans et 60 ans. Par ailleurs, les plafonds n'ont pas évolué depuis 2006. Le périmètre de la compensation est également trop resserré. Le montant mensuel de la PCH par personne a fortement diminué depuis 2006, puisque ses bénéficiaires ont perdu environ 250 euros par mois. Les fonds départementaux de compensation du handicap viennent pallier une insuffisance. Les départements les abondent à hauteur de 72 %. Il faudrait faire publier un décret pour limiter le reste à charge, comme c'était l'objectif initial. On se demande en effet comment concilier le principe de limite des fonds disponibles avec l'exigence de l'égalité des droits.

Le reste à charge est un véritable frein à la mise en place des plans d'aide. Nous sommes un peu dubitatifs quant aux formules choisies sur le contrôle d'efficacité. Nous pensons qu'il faut apporter certaines clarifications et qu'il y aurait besoin d'un service d'accompagnement à la mise en place des plans d'aide, qui semble nécessaire pour empêcher le renoncement ou les redressements qui peuvent parfois s'ensuivre de manière indue.

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Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre travail sur la PCH, versée sans conditions de ressources, pour couvrir les surcoûts de toute nature liés au handicap dans la vie quotidienne. Je vous remercie également d'avoir souligné la complexité des critères d'attribution de cette prestation. Je vous avoue que je me demande parfois comment une personne handicapée réussit à s'y retrouver dans tout ce magma administratif.

Ma question porte sur un point très précis : la suppression de la PCH pour un bénéficiaire qui serait hospitalisé plus de quarante jours ou placé dans un établissement social ou médico-social donnant lieu à une prise en charge par l'assurance maladie ou par l'aide sociale. L'exemple qui m'a été soumis est également très précis : pendant son hospitalisation de longue durée, les médecins ont demandé aux parents d'une enfant atteinte de handicap à pathologies multiples de se relayer à son chevet. L'un d'entre eux a dû interrompre son activité professionnelle et a, de ce fait, subi de lourdes pertes financières. Sur le fondement de l'article D. 245-74 du code de l'action sociale et des familles, ils se sont vu supprimer le bénéfice de la PCH, à un moment où, plus que jamais, ils en avaient besoin. Je suis sûr que cet exemple n'est pas unique. Il devrait être pris en compte dans votre proposition de loi, même si j'ai bien conscience qu'il s'agit d'un article réglementaire. Quelle est votre position à ce sujet, madame la rapporteure ?

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Nous avons tous en tête, madame la rapporteure, des situations qui heurtent le bon sens. Ainsi, dans ma circonscription, un homme dont la femme est handicapée devait racheter un tricycle. Alors qu'il en avait trouvé un d'occasion, il n'a pas pu le remettre en état parce que la pile lui aurait coûté 300 euros. Mais on lui a octroyé une prestation de 3 600 euros pour en racheter un neuf...

Si elle ne répond évidemment pas à toutes les questions ni à la complexité de la vie, qui est pleine d'incertitudes, cette proposition de loi fait avancer les droits fondamentaux des handicapés. Elle repose sur des principes éthiques comme la solidarité mais surtout la dignité de la personne. Il est donc évident qu'il faut la voter même si des imperfections demeurent.

Vous le savez, je suis médecin : comment allez-vous, madame la rapporteure, développer une vision globale du handicap qui ne doit pas être vu à travers le prisme d'un mille-feuille administratif ? Vous visez fort justement la clarté et la lisibilité. Se pose aussi le problème de la péréquation car certains départements sont plus riches que d'autres. Je travaille beaucoup sur cette question avec le président du conseil départemental de l'Aisne. Les disparités sont également nombreuses entre la ville et la ruralité, même si les liens y sont plus forts. Comment allez-vous organiser cette péréquation ?

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Nous ne pouvons que soutenir cette proposition de loi.

Je veux apporter ici un témoignage à propos des accompagnants de vie scolaire (AVS). Dans les classes pour l'inclusion scolaire (CLIS), les enseignants qui se retrouvent face à une douzaine d'élèves, parfois lourdement handicapés, ont du mal à faire face, faute d'AVS. Il est vrai que ceux-ci ont un problème de statut et de salaire, puisqu'ils perçoivent 600 euros ou 700 euros par mois pour vingt ou vingt-cinq heures hebdomadaires, ce qui n'est vraiment pas beaucoup ! Je souhaite donc, à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi, alerter sur la situation des AVS dans le cadre des CLIS gérées par les municipalités et dont les maires ont la responsabilité.

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J'abonde dans le sens des propos tenus par nos collègues Marc Delatte et Jean-Pierre Door. Ils reflètent la vision globale du handicap que vous défendez, madame la rapporteure. Les situations ubuesques sont en effet légion qu'il s'agisse de l'accompagnement des enfants en milieu scolaire ou du matériel. Il faut vraiment que nous progressions sur ces points.

Comme l'a souligné Gilles Lurton, il est très difficile de s'y retrouver dans ce magma. Nous comptons donc également sur vous, Madame la rapporteure, pour apporter plus de lisibilité.

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Cette proposition de loi d'initiative sénatoriale va dans la bonne direction. Elle vise en effet à améliorer la situation des 335 000 bénéficiaires de la PCH dans le cadre des dispositions de la magnifique loi de 2005, qui mérite, comme tous les textes, d'être ajustée au fil de l'évolution de la société et des besoins de celle-ci. Votre proposition de loi nous permet de faire un pas de plus.

Comme certains de nos collègues l'ont évoqué, l'article 2 peut effectivement prêter si ce n'est à contestation, du moins à interrogation, eu égard à l'échec de la situation actuelle.

Je considère, peut-être de façon exagérée – mais le débat mérite d'être posé – que la proposition de loi relative à l'amélioration de la PCH défendue par notre collègue Philippe Berta et adoptée par notre commission le 9 mai 2018 n'a pas permis d'avancer sur le sujet. On note en effet une rupture d'égalité entre les bénéficiaires, l'application du droit variant selon les politiques publiques et le bon vouloir des départements. Une telle situation est insupportable et il convient d'y remédier.

Si la rédaction de l'article 2 propose une solution, l'enjeu reste le décret, c'est-à-dire les modalités techniques de nature à résoudre l'équation complexe, voire impossible, liant le fonds départemental de compensation – parfois sous-doté ou plus doté – et l'obligation de compenser le reste à charge à hauteur de 10 %.

Madame la rapporteure, ma question est simple : avez-vous pris l'attache du Gouvernement ou de l'administration centrale sur des éléments de garantie dans le décret d'application qui suivra cette proposition de loi, dont je ne doute pas qu'elle sera adoptée par notre assemblée au mois de janvier 2020 ?

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Madame la rapporteure, je vous remercie de présenter cette proposition de loi, fondamentale à mes yeux.

Je vais également surtout revenir sur l'article 2, c'est-à-dire sur le fonds départemental de compensation du handicap. Celui-ci ne pourra être sollicité que dans la limite des financements disponibles. Mais comment concilier cette disposition avec le plafond prévu du reste à charge, qui peut atteindre 20 % dans certains départements ?

Qu'en est-il de l'évaluation de l'efficience de ces fonds départementaux ? Si je suis favorable à ce que ceux-ci s'adaptent aux problématiques rencontrées, je prône également un meilleur encadrement de leur action. Existe-t-il une étude faisant apparaître ces disparités départementales ? Quand disposerons-nous enfin de véritables évaluations de l'impact de nos politiques publiques dans les départements ?

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Je reviens également sur l'article 2 : une imprécision de la loi du 11 février 2005 relative aux fonds départementaux n'a pas permis l'application effective de la limitation du reste à charge. Si la loi impose en effet que les frais restant à la charge du bénéficiaire de la PCH n'excèdent pas 10 % de ses ressources personnelles, le décret correspondant n'a jamais été appliqué. Chaque fonds départemental fonctionne ainsi selon ses propres règles.

Les fonds ont été mis en place de façon très diversifiée, et donc totalement inégalitaire, sur le territoire. Le reste en charge s'élève en moyenne à 16 % : son niveau est donc supérieur au plafond de 10 % fixé par la loi. Cette proposition de loi vise à mettre en place, dans les départements volontaires, une expérimentation d'une durée de trois ans afin d'étudier les conditions de faisabilité d'un dispositif effectif respectant un tel plafond. Comment garantir, dans ces conditions, l'égalité de traitement entre bénéficiaires des aides destinées aux personnes en situation de handicap ?

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Je remercie l'ensemble de mes collègues pour leur intervention. Je le disais en préambule, et je le répète : cette proposition de loi n'a pas vocation à tout régler. C'est une petite pierre apportée à l'édifice. Le problème du handicap est vaste, les questions multiples et les inégalités persistantes. Nous avançons donc modestement.

Cette proposition de loi contient néanmoins des avancées concrètes : je pense notamment à la limite d'âge de 75 ans et à l'éclaircissement apporté à l'article 2 qui lève une ambiguïté entre, d'une part, des fonds départementaux financés de manière facultative, et, d'autre part, l'obligation en matière de reste à charge.

Certaines questions étant redondantes, je vous propose d'y répondre en précisant les choses article par article.

L'article 1er supprime donc la barrière d'âge de 75 ans au-delà de laquelle il n'est plus possible de demander à bénéficier de la PCH. Certains d'entre vous m'ont interrogée sur le recul, qui serait à définir, de la barrière d'âge à 60 ans. Le débat mérite d'être ouvert, compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie et du recul – sujet d'actualité – de 60 à 62 ans de l'âge minimal de départ à la retraite. Il importe cependant d'évaluer préalablement le dispositif en question. Le rapport de l'IGAS dont nous disposons date en effet de 2016. En outre, la fourchette s'établit entre 13 millions et 67 millions d'euros. Il faut donc revoir ces éléments avant de proposer une évolution de la limite d'âge.

Il faudrait surtout articuler cette mesure avec les réflexions en cours s'agissant de l'APA, dont il est possible de demander à bénéficier à partir de 60 ans. Le rapport Libault a d'ailleurs émis plusieurs propositions visant notamment à créer une prestation autonomie qui permettrait de faciliter l'accès aux aides techniques et aux solutions de répit pour les proches aidants.

Le projet de loi relatif à la dépendance qui doit arriver au début de 2020 et que nous attendons tous avec impatience, chère collègue Jeanine Dubié, nous permettra précisément de débattre du sujet.

L'article 2 vise à sortir d'une impasse juridique en conciliant le droit des personnes handicapées de voir leur frais de compensation ne pas excéder 10 % de leurs recettes personnelles nettes d'impôt, et les contraintes financières des fonds départementaux sur lesquelles nous devons nous pencher. Je rappelle que le reste à charge est parfois de plus de 20 %. Il reviendra donc à chaque fonds, dans le cadre fixé par le décret d'application, de préciser les critères d'éligibilité pour garantir ce droit.

J'ouvre une parenthèse : Monsieur Viry, j'ai effectivement eu l'occasion de discuter avec le cabinet de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, qui a pris un certain nombre d'engagements. Nous apporterons des réponses plus fines pour la séance publique.

En principe, plus les ressources financières des fonds seront importantes, meilleure sera la prise en charge des frais de compensation. Il reviendra aux fonds départementaux de décider des modalités d'instruction des dossiers de manière à satisfaire un maximum de demandeurs. On peut imaginer que si les ressources sont relativement faibles au regard des dossiers déposés, les critères d'éligibilité pourraient être resserrés en vue de garantir le droit inscrit dans la loi. Bien entendu, il aurait été préférable, pour les bénéficiaires, que les fonds disposent de ressources garanties. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Mais une telle disposition aurait nécessairement pesé davantage sur les finances des conseils départementaux qui sont déjà très contraintes.

Les régions peuvent également être sollicitées pour abonder ces fonds. À ce jour, seule la région d'Île-de-France intervient dans ce sens. Voilà donc une piste que nous pourrions explorer.

D'autres leviers d'action pourraient être utilisés pour réduire les frais de compensation, par exemple en limitant les dépenses à l'achat. Le PLFSS 2020 a ainsi prévu des dispositions pour inciter les personnes en situation de handicap à se tourner vers des équipements de seconde main en bon état, comme les fauteuils roulants, ou vers des matériels à prix compétitifs. Je partage complètement votre analyse, monsieur Delatte : il faut avant tout faire preuve de bon sens !

Sur l'article 3, s'agissant de la durée unique d'attribution de la PCH, la direction générale de la cohésion sociale nous a indiqué qu'il était prévu de retenir une période de dix ans : c'est la période maximale actuellement. Des disparités existent – cinq ans, dix ans – et il est souvent très difficile pour une personne en situation de handicap de se confronter aux méandres administratifs. D'une manière générale, il faut toujours privilégier la lisibilité, la souplesse et la simplification.

Les montants plafonds pour chaque type d'aides seront recalculés au prorata, ce qui permettra à une personne en situation de handicap d'engager des dépenses plus importantes si besoin, après la survenue du handicap.

Concernant les aides techniques, le plafond, actuellement de 3 960 euros pour trois ans, passerait à 13 200 euros pour une durée de dix ans : cela présente donc vraiment un intérêt, le coût d'un fauteuil roulant électrique pouvant atteindre plusieurs milliers d'euros – jusqu'à 20 000 euros, m'a-t-on indiqué lors des auditions.

Sur l'article 4, certains ont exprimé des doutes quant à la création du comité stratégique. J'avoue que je me suis moi-même posé la question : est-il nécessaire, utile, pertinent de créer un comité supplémentaire quand on prône la simplification ? L'intérêt de cet article est de mettre la question des transports et de la spécificité des besoins des enfants handicapés sur la table. Quand on oeuvre en faveur d'une société toujours plus inclusive, on ne peut évidemment pas occulter et écarter le sujet des transports. Si l'article 4 est adopté, alors la création de ce comité nous permettra d'y travailler.

Par ailleurs, les transports sont vraiment au coeur de la problématique de la mission conduite par Philippe Denormandie. Le Gouvernement est sensibilisé à ce sujet, son objectif étant d'apporter des réponses concrètes dans les prochains mois. Cette proposition de loi ne sera pas suffisante, je le reconnais, mais je tenais à rappeler l'engagement du Gouvernement sur ce sujet.

Monsieur Lurton, vous m'avez interrogée sur la suppression de la PCH pour une enfant atteinte d'un handicap. Au cours des différentes auditions que j'ai menées lors de l'examen de la loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli, j'ai moi-même été interpellée sur cette question – il s'agissait en l'occurrence de l'AJPP. C'est vrai qu'il y a une certaine injustice pour ces parents, qui subissent une double peine : non seulement leur enfant est malade ou en situation de handicap, mais les conséquences économiques sont parfois très lourdes.

Je partage totalement votre point de vue. Nous avons engagé, dans le cadre de la loi sur les cancers pédiatriques, une démarche que nous entendons prolonger ; le rapport de l'IGAS va d'ailleurs dans ce sens. Nous devons réfléchir de façon très concrète, très pragmatique à une refonte de toutes ces aides – AJPP, PCH, AEEH... Il faut clarifier ces dispositifs afin que le passage d'une situation à une autre n'entraîne pas de suppression sèche, en prévoyant un accompagnement pour ces familles qui sont véritablement dans le besoin.

Monsieur Delatte, n'étant pas secrétaire d'État, il ne m'appartient pas de m'exprimer sur la vision du Gouvernement : Sophie Cluzel répondra précisément à votre question à l'occasion de l'examen du texte en séance, début janvier.

Je me réjouis de constater que nous partageons l'objectif de simplification de la vie des personnes en situation de handicap, dans le but de rendre notre société toujours plus inclusive. Ce texte, je le répète, ne réglera pas tout mais il apporte des réponses concrètes et précises à certains points : c'est un petit pas, mais nous avançons.

La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Suppression de la barrière d'âge de 75 ans au-delà de laquelle il n'est plus possible de demander à bénéficier de la prestation de compensation du handicap

La commission adopte l'article 1er sans modification.

Article 2 : Clarification du cadre juridique relatif aux fonds départementaux de compensation du handicap

La commission examine l'amendement AS1 de la rapporteure.

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Le présent amendement a pour objet la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement pour l'informer de la mise en oeuvre du décret d'application mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles, tel que modifié par l'article 2 de cette proposition de loi. Pour mémoire, ce décret doit harmoniser les modalités d'intervention des fonds départementaux de compensation du handicap. Le rapport traitera notamment de l'évolution du reste à charge des personnes handicapées ayant sollicité un fonds départemental.

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J'ai une interrogation concernant cet amendement – mais n'y voyez pas une remise en cause ! Cette proposition de loi n'est peut-être pas le grand soir mais elle permet d'avancer : chacun en convient. Ce qui nous préoccupe tous, c'est d'être efficace, le plus rapidement possible. Proposer la remise d'un rapport ne pourrait que décaler l'application de ce texte, ce qui me paraît contradictoire avec la volonté d'aller vite et de faire évoluer le système. Je n'ai donc pas d'objection de fond mais, compte tenu de l'état d'esprit qui nous anime, je m'interroge : le Parlement doit certes jouer son rôle et assurer une présence dans la décision publique, notamment au travers de rapports mais, dans le cas d'espèce, je ne suis pas certain que cela serve la cause. À moins que vous ne réussissiez à me convaincre, je serai d'avis de rejeter cet amendement.

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Il est inhabituel de demander un rapport pour être informé de la mise en oeuvre d'un décret d'application : c'est assez original ! Je ne doute pas de votre volonté d'obtenir des informations mais cela donne l'impression que quelque chose ne va pas. Nous devons demander à la secrétaire d'État, par un vote très clair, que ce décret soit rapidement publié. Mme la secrétaire d'État s'est exprimée sur la baisse des prix, dans le cadre des aides techniques, afin de réduire le reste à charge, mais on voit bien que les modalités doivent encore être définies. Que nous apprendrait un rapport ? Que le décret ne peut pas être publié ? Et on va attendre encore des mois et des années, alors qu'il y a véritablement une urgence ! On voit rarement un rapport sur la mise en oeuvre d'un décret.

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J'entends votre question : je comprends que cela paraisse surprenant mais je crois que cet amendement permettrait de répondre de façon concrète aux différentes questions que vous avez posées quant à ce décret et à son contenu.

Sur la rapidité, je ne doute pas un seul instant que la commission mixte paritaire sera conclusive et que nous irons assez vite dans l'application de ce texte et l'organisation de ces fonds. J'y vois plutôt quelque chose de concret et je ne pense pas que cela entraîne un blocage dans le temps. Si nous n'adoptions pas cet amendement, nous serions peut-être dans l'obligation de demander à la secrétaire d'État de venir expliquer comment s'organise l'application de l'article 2, qui est le coeur de la proposition de loi.

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Mon intervention déborde le cadre du présent amendement et porte sur l'article 2. En retenant la formule « Dans la limite des financements du fonds départemental de compensation », cet article établit une sérieuse limite à la mise en oeuvre du droit à la compensation. Il fait reposer sur les départements une responsabilité qui ne devrait sans doute pas reposer spécifiquement sur eux et crée en outre une inégalité entre territoires. Cela soulève un problème plus vaste, qui aurait mérité des débats plus approfondis.

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Nous avons tous constaté des disparités entre les départements, quel que soit le sujet !

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L'article 2 vise à clarifier le dispositif, source d'inégalités entre les territoires. Cet article crée un socle commun, tout en laissant la main aux départements. Par ailleurs, la CNSA a précisément pour rôle de compenser les inégalités dont vous parlez : je rappelle qu'un abondement annuel de 500 millions d'euros est destiné à l'ensemble des territoires.

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Je veux évidemment souligner que cet article 2 constitue un progrès par rapport à l'existant – cela va mieux en le disant ! – mais cela ne lève pas toutes les ambiguïtés.

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L'article 2 pose un problème de fond. Vous ajoutez à la rédaction actuelle du deuxième alinéa de l'article L. 146-5 la précision suivante : « Dans la limite des financements du fonds départemental de compensation ». Ainsi, vous liez une prestation à la capacité d'un fonds : cela signifie-t-il que si celui-ci est épuisé, les personnes handicapées ne pourront plus être accompagnées ? Je n'y suis pas favorable.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Précision des modalités de contrôle et d'attribution de la prestation de compensation du handicap

La commission adopte l'article 3 sans modification.

Article 4 : Création d'un comité stratégique

La commission adopte l'article 4 sans modification.

Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à dix heures quarante-cinq

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Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Caroline Janvier, M. Olivier Véran, M. Jean-Pierre Door, Mme Michèle de Vaucouleurs et Agnès Firmin Le Bodo membres de la mission d'information commune sur la réglementation et l'impact des différents usages du cannabis.

La commission a créé une mission d'information sur l'accueil familial, dont les rapporteures seront Mme Mireille Robert et Mme Josiane Corneloup.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 18 décembre 2019 à 9 heures 30

Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, M. Jean-Carles Grelier, Mme Véronique Hammerer, M. Brahim Hammouche, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Bernard Perrut, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry

Excusés. – Mme Josiane Corneloup, Mme Caroline Fiat, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Monique Iborra, M. Thierry Michels, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Michèle Peyron, Mme Nadia Ramassamy, Mme Stéphanie Rist, Mme Nicole Sanquer, M. Aurélien Taché, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Boris Vallaud, Mme Martine Wonner

Assistait également à la réunion. – M. Pierre Cordier