Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 14 janvier 2020 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Mardi 14 janvier 2020

La séance est ouverte à dix-sept heures trente-cinq.

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La commission procède à l'audition de M. Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, sur le rapport « Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS). Bilan et perspectives ».

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Mes chers collègues, permettez-moi au préalable de vous présenter mes voeux pour 2020, avant de souhaiter la bienvenue à M. Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS).

Monsieur le président, vous avez été chargé par le Premier ministre, le 1er octobre 2018, de dresser un bilan des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), notamment dans la perspective d'une nouvelle loi organique. Vous avez remis votre rapport au Premier ministre le 6 novembre 2019, à une période où notre commission consacre une part importante de son activité à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Maintenant que nous avons achevé nos travaux sur la LFSS 2020 et avant de nous engager dans l'examen de la réforme des retraites, dont le volet organique modifie d'ailleurs les textes relatifs aux lois de financement, il nous a paru indispensable de vous entendre.

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Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale

Permettez-moi également, madame la présidente, de joindre mes voeux aux vôtres, en souhaitant notamment que vous fassiez oeuvre utile pour les personnes âgées, enjeu sociétal le plus important à mes yeux. Les recommandations de notre rapport sur les LFSS découlent d'un travail collectif avec des parlementaires, des partenaires sociaux et des experts. Je le précise car il n'est pas aisé d'établir un rapport qui aboutisse à des recommandations presque unanimes, comme c'est le cas présentement. Ce n'est donc pas simplement en mon nom personnel que je m'exprime.

Conformément à la lettre de mission du Premier ministre, notre travail a consisté à réaliser un bilan et à formuler des préconisations sur la LFSS.

Notre bilan fait état de plusieurs éléments tout à fait favorables. Notre première recommandation est d'ailleurs de maintenir cet objet relativement neuf dans l'histoire parlementaire de notre pays que sont les LFSS, introduites par le « plan Juppé » en 1995. Dès lors que le système de sécurité sociale est devenu de plus en plus universel, son pilotage ne pouvait plus être réservé aux seuls partenaires sociaux. D'une part, il venait s'inscrire dans une logique de solidarité nationale qui interpellait les représentants de la Nation. D'autre part, dès lors que les montants financiers dépassent le budget de l'État et entretiennent de fortes interactions avec d'autres politiques publiques – sur l'emploi, par exemple –, ces aspects ne pouvaient pas être ignorés du Parlement. C'est pourquoi il a été décidé de consacrer un moment particulier à la LFSS. Certains en viennent même à envisager sa fusion avec la loi de finances, tandis que le HCFiPS estime que le sujet de la sécurité sociale doit être identifié en tant que tel dans le pilotage des ressources et des dépenses, et qu'il importe d'affirmer sa spécificité. S'agissant par exemple du pilotage financier, les risques de la sécurité sociale demandent à être appréhendés de façon particulière, souvent intergénérationnelle, c'est-à-dire dans un temps long. Le pilotage de ces risques ne saurait être envisagé dans une logique annuelle. Si nous voulons que nos concitoyens aient confiance dans ce système, le principe de transparence et de visibilité des ressources affectées à la sécurité sociale est essentiel.

Notre regard sur le bilan du pilotage financier est globalement positif : la loi de financement a indéniablement permis de conforter des éléments de pilotage, avec non seulement une analyse annuelle mais aussi des objectifs de dépenses et de recettes dont le HCFiPS note qu'ils ont été dans l'ensemble respectés, mais aussi des objectifs de dépenses et de recettes qui ont été dans l'ensemble respectés – ce qui n'a pas toujours été le cas, puisque l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) , à ses débuts, était régulièrement dépassé.

Je précise que ces objectifs ne sont pas des dépenses limitatives, puisqu'ils portent sur les droits objectifs des citoyens, auxquels tout un chacun peut prétendre en cas de maladie – c'est ce que Jaurès appelait le « droit certain ». Un des enjeux de la régulation de la dépense est donc de concilier le respect des droits objectifs de chacun avec le respect d'une enveloppe financière, ce qui n'est pas évident.

En dépit de ces aspects positifs, le bilan des LFSS appelle de notre part trois réserves.

Notre première réserve porte sur l'aspect démocratique. Les parlementaires observent que les délais d'examen entre le dépôt en Conseil des ministres et le vote en première lecture à l'Assemblée nationale sont très courts – ce qui est moins le cas pour le Sénat. Les partenaires sociaux, qui sont amenés à émettre des avis préalables sur les textes, sont également saisis dans des délais très courts – le délai d'urgence est au maximum d'une semaine – qui ne leur laissent pas le temps d'émettre un avis « sérieux ». Ces délais très courts génèrent des frustrations, qui ont été exprimées pendant les auditions.

Notre deuxième réserve porte sur le fait que la discussion est excessivement financière. Ce moment démocratique permet-il réellement de traiter les sujets de fond des politiques sociales, et de s'interroger sur l'adéquation entre les montants et les objectifs retenus en matière de retraite, d'assurance maladie ou de famille ? Notre réponse à cette question est nuancée. Le HCFiPS soulève d'ailleurs la question de l'évaluation des politiques publiques, et celle du rôle que le Parlement doit jouer dans cette évaluation.

Notre troisième réserve porte sur le pilotage financier. Celui-ci a progressé mais nombre de risques persistent, et notamment le risque de revenir à des situations de déficit et de dette ; l'année 2020 le montre. Le pilotage actuel ne permet, dans le contexte d'un cycle économique favorable, que d'atteindre l'équilibre. Cela signifie qu'en cas de dégradation de la conjoncture, nous pourrions rebasculer à la moindre perte de recettes dans des déficits relativement élevés, et qu'il nous faudrait longtemps pour nous en relever. Étant donné les masses financières en jeu – 500 milliards d'euros pour la LFSS –, un déficit de 10 à 15 milliards d'euros peut survenir très vite. Je n'en parle pas seulement d'expérience, mais également parce que nous avons procédé à des simulations. Nous savons qu'il serait difficile de réduire rapidement les dépenses sociales – caractérisées par leur inertie – en cas de détérioration des recettes. Une telle mesure serait du reste peu judicieuse sur le plan économique. Prenons donc garde à ne pas retomber dans un cycle de nouvelles dettes.

Retenons enfin que le périmètre des LFSS, qui est certes important, n'englobe pas toute la protection sociale. Il englobe la vieillesse, les régimes de base, les accidents du travail, la famille et l'assurance maladie, mais il n'englobe ni les régimes complémentaires de retraite, ni le chômage, ni la dépendance. La réflexion sur ce qui doit être le champ pertinent de la LFSS entre en résonance avec le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, qui étend ce champ aux régimes de retraite obligatoire.

Un élément très important est intervenu dans le calendrier, à savoir le semestre européen – qui n'existait pas lors de la création des LFSS en 1995. Nous proposons d'introduire une concertation préalable avec les partenaires sociaux sur les objectifs transmis par la France à Bruxelles, ainsi qu'avec les collectivités locales. Nous recommandons de plus que la concertation avec les partenaires sociaux au moment de la loi de financement n'ait plus lieu avant le conseil des ministres mais après. Actuellement, vu les délais, le Gouvernement ne peut pas tenir compte de l'avis des caisses. Nous recommandons de donner davantage de délai aux caisses et de faire en sorte que leur avis soit transmis non plus au Gouvernement, mais au Parlement. Nous proposons également d'augmenter d'une semaine le délai entre le Conseil des ministres et la première lecture.

S'agissant du rôle du Parlement en matière d'évaluation des politiques publiques, nous recommandons le recours aux annexes de la LFSS intitulées « programmes de qualité et d'efficience » (PQE), qui sont peu utilisées malgré leur richesse. En étant disponibles au moment du printemps de l'évaluation, ces PQE auraient un effet d'aiguillon. En effet, le Parlement doit pouvoir être davantage associé à la définition des objectifs des politiques de retraite, d'assurance maladie, de famille, etc.

Il convient de travailler à la bonne compréhension citoyenne de la LFSS, qui comporte une obligation de transparence quant à l'affectation des prélèvements sociaux, et je ne suis pas certain que les outils les plus simples aient été mis à la disposition des citoyens pour leur permettre une bonne compréhension de cet objet, qui reste pour eux assez nébuleux.

Nous proposons d'étendre le périmètre des lois de financement aux trois domaines évoqués plus tôt : les retraites complémentaires, le chômage et la perte d'autonomie. S'agissant de ce dernier domaine, nous reprenons les propositions du rapport « Grand âge et autonomie ». Nous souhaitons que ce risque social soit considéré comme un risque à part entière et qu'il fasse l'objet d'un débat démocratique annuel au Parlement. Le volet sur les retraites est évidemment lié à la réforme en cours, et se retrouve dans le projet de loi organique. Le sujet de l'assurance chômage est certainement le plus délicat. Rappelons que les écrits des auteurs des ordonnances de 1945 – je pense à Ambroise Croizat, Ferdinand Buisson ou Pierre Laroque – placent tous le chômage dans le périmètre de la sécurité sociale, censée à leurs yeux assurer l'ensemble des revenus de remplacement face aux risques de la vie. Il nous semble donc souhaitable d'étendre le périmètre de la LFSS afin de permettre au Parlement d'appréhender le champ de la sécurité sociale dans toute sa cohérence.

Il apparaît que les éléments de pilotage financier dont nous disposons ne permettent pas de nous prémunir totalement d'un retour de la dette. Ce souci, tout à fait d'actualité, se retrouvera dans le projet de loi organique relatif au système universel de retraite. Nous préconisons de renforcer la vision pluriannuelle et de fixer un objectif d'équilibre pluriannuel de la LFSS – qui vaudrait naturellement pour tous les champs et tous les objectifs de la sécurité sociale.

L'une de nos propositions est de créer un fonds de lissage. L'idée de dégager des excédents ne suscite guère d'appétence, par crainte que ceux-ci ne mènent à des dépenses supplémentaires, ce qui serait contraire aux objectifs globaux de la dépense publique en France. Le HCFiPS entend cet argument, mais il en irait autrement si ces excédents étaient mis en réserve – ce que nous préconisons – pour être utilisés dans des périodes plus difficiles. Pour beaucoup de membres du HCFiPS, et notamment les partenaires sociaux, ce choix serait cohérent avec la nécessité de préserver les ressources du système. La contrepartie de cette mise en réserve, pour les partenaires sociaux, si l'on souhaite atteindre l'équilibre et éviter les excédents, serait la non-compensation partielle des exonérations de sécurité sociale – soit un retour à la philosophie de la « loi Veil ».

Le HCFiPS recommande également que l'aspect pluriannuel des lois de financement soit renforcé notamment en ce qui concerne la construction de l'ONDAM, dont la vision est aujourd'hui trop annuelle. Les évolutions récentes engagées dans le secteur des hôpitaux vont d'ailleurs dans le même sens. En outre, le respect de la règle pluriannuelle suppose un assouplissement des dispositions organiques relatives à la pluriannualité. Le cadre de l'annualité budgétaire reste encore très prégnant, alors que la dépense sociale est par nature très différente de la dépense d'État. Pour que le pilotage soit efficace et cohérent avec les objectifs des politiques publiques, il doit s'incarner dans une vision de long terme.

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Je vous remercie pour le travail important que le HCFiPS a mené pendant deux ans. Notre dernière rencontre avait pour thème le rapport qui porte votre nom. Comme vous, nous souhaitons que la loi sur la dépendance, qui a été trop souvent repoussée au cours des deux dernières décennies, voie le jour en 2020.

Nous traitons aujourd'hui de la prise en charge de nouveaux risques, qui doit nous faire réfléchir au périmètre des LFSS. Votre rapport compte une trentaine de propositions. Nous sommes très favorables à votre recommandation de maintenir un cadre spécifique pour l'examen des LFSS. En tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, je me battrai aux côtés de mes collègues pour que ce soit le cas.

Vous suggérez de prolonger d'une semaine l'examen du texte en proposant que les caisses sollicitées rendent directement leur concertation aux parlementaires, et non en amont de l'examen du texte par ceux-ci. Cela permettrait d'éviter que les caisses soient destinataires du budget de la sécurité sociale avant les députés et donnerait aux parlementaires plus de 48 heures pour étudier un document de plusieurs centaines de pages, sans compter les annexes. Nous sommes bien entendu très favorables à cette proposition.

Vous réfléchissez également au champs d'application des LFSS en notant le degré d'imbrication des différentes sphères de la protection sociale. Lors de l'examen de la réforme constitutionnelle, nous avions préparé le terrain en élargissant le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale en lois de financement de la protection sociale, afin d'y intégrer le budget de la dépendance. Vous allez plus loin en proposant d'y intégrer l'UNEDIC et les retraites complémentaires. Cette proposition a-t-elle fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux ? Avez-vous eu un retour de la part ? L'introduction de la dépendance dans les lois de financement avait entraîné une certaine confusion ; je suppose que l'introduction de l'UNEDIC et des retraites complémentaires ne se fera pas sans heurts. Vous jugez que c'est nécessaire, mais est-ce selon vous faisable et politiquement réaliste ?

Deux autres de vos propositions sont particulièrement innovantes. Vous proposez d'assurer sur cinq ans une régulation pluriannuelle du budget de la sécurité sociale afin d'éviter de laisser traîner un éventuel déficit d'année en année, en créant un fonds de péréquation permettant de compenser d'éventuelles difficultés. La régulation pluriannuelle n'aurait pas posé problème au cours des dix dernières années, mais aurait-elle été réaliste en 2008, lorsque le déficit de la sécurité sociale s'est brutalement creusé de 24 milliards d'euros ? Une telle mesure est-elle pérenne ? Je précise que le rôle d'amortisseur social de la protection sociale en période de crise économique emporte l'assentiment de l'ensemble de la représentation nationale, et que je suis tout à fait favorable au principe d'un outil de pilotage pluriannuel.

Vous proposez par ailleurs l'intégration de la dette des hôpitaux dans le périmètre de la loi de financement. Cela serait en effet plus juste et plus honnête. Certains ONDAM hospitaliers sont « faiblards », ce qui a pour conséquence de creuser un déficit que les parlementaires ne voient pas, ne votent pas et n'examinent pas, et ne découvrent qu'à l'occasion de l'examen des comptes de la sécurité sociale. Plus la transparence sera améliorée, plus les paramètres faisant partie du périmètre de la sécurité sociale seront intégrés, et plus les parlementaires vous suivront.

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Les LFSS sont devenues la clef de voûte de notre système de protection sociale. Cet exercice démocratique et parlementaire est unique et inédit en Europe. Ces lois donnent une vision globale et consolidée de la sécurité sociale, témoignent de l'importance que nous accordons à notre modèle et permettent d'assurer un pilotage efficace, notamment dans la trajectoire de réduction des déficits. Dans ce cadre, les parlementaires sont associés et peuvent se reposer sur des données financières fiables et sincères. Néanmoins, la pertinence du pilotage financier, le périmètre d'intervention et le processus d'élaboration démocratique comportent des limites. Le périmètre des LFSS ne semble plus adapté aux enjeux actuels de la protection sociale, car il se trouve cantonné aux régimes de base de la sécurité sociale et aux fonds associés. La dépendance notamment n'y est abordée que partiellement, alors que cette problématique sera de plus en plus prégnante dans les années à venir. Nous examinerons cette année le projet de loi « Grand âge », qui mettra l'accent sur l'évolution des dépenses que constituera ce risque. Le PLFSS ne pourra se soustraire à cet examen plus approfondi du financement de la dépendance.

S'agissant du processus d'élaboration démocratique, les parlementaires et les partenaires sociaux ont exprimé leur insatisfaction sur le calendrier trop contraint de la LFSS, qui ne laisse que peu de marge à l'appropriation du texte ou de la documentation fournie. Votre recommandation n° 13 porte sur les annexes. Comment proposez-vous d'améliorer leur lisibilité et d'assurer leur transmission anticipée aux parlementaires ?

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Le HCFiPS s'est interrogé sur l'intérêt de maintenir ou non les spécificités des LFSS, et la réponse semble positive J'ai surtout relevé l'apport à la démocratie, ainsi que la sauvegarde, dans la durée, de l'équilibre des différentes branches qui composent la sécurité sociale.

En octobre dernier, les onze organisations syndicales des caisses d'assurance maladie avaient émis un avis défavorable sur les orientations du PLFSS parce que le déficit de la sécurité sociale n'est pas seulement le résultat de dépenses non maîtrisées, mais également le résultat d'un assèchement délibéré des recettes provoqué par la non-compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales – en violation de la « loi Veil » de 1994. Vous recommandez, dans votre rapport, de ne pas répéter ce genre d'opération.

J'avais également relevé, lors des derniers examens, l'intensification de la fiscalisation de la protection sociale. Le Conseil d'État avait invité le Gouvernement à approfondir sa réflexion sur la cohérence des modalités de financement des régimes. Le rapport Charpy-Dubertret, remis en 2018, proposait de faire évoluer le principe général de compensation. Votre recommandation n° 23 vise à garantir la relation claire et simple entre le budget de l'État et la sécurité sociale. Quelles garanties proposez-vous afin d'enrayer la confusion des finances publiques et des finances sociales ?

Enfin, la recommandation n° 20, qui me convient parfaitement, vise à mieux appréhender la situation des financements des hôpitaux à l'intérieur du PLFSS.

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Vous soulevez dans votre rapport la difficulté pour les parlementaires d'examiner des textes importants dans de bonnes conditions. Vous suggérez que le calendrier soit assoupli pour permettre des travaux plus approfondis. Pourriez-vous préciser le calendrier que vous préconisez ?

Vous recommandez de dédier un temps parlementaire spécifique à l'évaluation des politiques de sécurité sociale – dont nous ne sommes qu'aux prémices. Quel rôle la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) pourrait-elle jouer dans ce cadre ? Cet organe de la commission des affaires sociales a pour mission première de suivre et de contrôler l'application des LFSS, mais il est encore peu utilisé. Suggérez-vous de renforcer ses prérogatives, voire de lui donner la responsabilité du printemps de l'évaluation ?

Enfin, à l'initiative du Parlement, le financement pluriannuel des hôpitaux a été mis en place grâce à un amendement adopté par la commission et repris par le Gouvernement. Comment un budget pluriannuel de la sécurité sociale pourrait-il être envisagé ?

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Vous dressez, vingt-quatre ans après leur création, un bilan positif des LFSS, qui ont grandement amélioré le pilotage de notre sécurité sociale en mettant en place des objectifs de dépense et des conventions de gestion avec les caisses. On ne peut que soutenir cette approche responsable ; il n'est évidemment pas question de faire peser sur les générations futures le poids des dépenses de santé des générations actuelles.

Votre rapport pointe cependant un certain nombre de limites. Vous estimez que le calendrier d'examen du PLFSS au Parlement est inadapté : trop contraint et faiblement porteur de sens. La même remarque vaut pour le projet de loi de finances (PLF). Je ne peux que vous rejoindre sur ce sujet, ainsi que sur les délais parfois limités à quelques heures dont nous disposons pour amender le texte. Pourriez-vous détailler les recommandations de votre rapport à ce sujet ? Une modification du calendrier d'examen vous paraît-elle envisageable ?

Par ailleurs, vous estimez qu'il est nécessaire de modifier le périmètre des LFSS pour l'étendre, en particulier, au risque dépendance. Quelles sont vos préconisations sur ce point ?

Enfin, des voix s'élèvent pour intégrer une dimension territoriale dans la construction de l'ONDAM au-delà du fonds d'intervention régional (FIR), ce qui permettrait une meilleure prise en compte des inégalités en santé selon les besoins locaux. Pourriez-vous nous donner votre avis sur ce point ?

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Je vous remercie pour cette présentation très didactique. Le groupe Libertés et Territoires ne peut que saluer vos propositions sur l'élargissement du périmètre des LFSS à l'ensemble du champ de la protection sociale, ainsi que sur la révision du calendrier, puisque nous sommes tous otages des délais fort contraints.

Le principe de pluriannualité que vous appelez à adopter pour une meilleure cohérence budgétaire ne contrevient-il pas toutefois au principe de l'annualité budgétaire, très ancré ? Que faudrait-il faire pour passer de cette approche annuelle à cette approche pluriannuelle ?

Enfin, vous observez que l'ONDAM n'est pas un outil adapté en matière de régulation des dépenses hospitalières, d'autant plus que la situation financière des hôpitaux est en constante dégradation depuis vingt ans. En effet, lorsqu'un risque de dépassement de l'objectif global de l'ONDAM se matérialise, les mises en réserve prudentielles des hôpitaux sont sollicitées pour respecter l'objectif prévu – quand bien même le dépassement est imputable aux soins de ville. Êtes-vous favorable à ce que ce mécanisme de mise en réserve prudentielle porte de manière équilibrée sur les sous-objectifs de l'ONDAM susceptibles de connaître un dépassement, notamment l'enveloppe de ville ?

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Je salue votre proposition de donner plus de temps aux parlementaires pour examiner le PLFSS. Je fais partie de ceux qui se plaignent le plus vivement de recevoir les textes au dernier moment.

Selon le projet de loi organique qui est en cours de rédaction, ce sont le Gouvernement et le Parlement qui fixeraient la trajectoire budgétaire, laquelle échapperait alors totalement aux assurés sociaux, réduits à des arbitrages minimes dans un cadre très défini. Qui plus est, en cas de désaccord, le Gouvernement pourrait outrepasser par décret les décisions prises. N'est-ce pas aller à contresens de la philosophie de nos modèles sociaux dans lesquels la décision appartient non pas à l'État mais aux partenaires sociaux ?

Par ailleurs, j'ai déjà souligné l'opacité qui règne autour de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Elle a déjà remboursé plus de 140 millions d'euros de dette sociale – grâce aux impôts pour l'essentiel – en versant dans le même temps plus de 50 milliards d'euros d'intérêt à ses créanciers. J'ai souligné à plusieurs reprises l'opacité qui règne concernant cette caisse. Si nous savons avec quelle banque privée la CADES signe des contrats, nous n'avons aucune idée de ce que devient cet argent par la suite. Avez-vous des recommandations en la matière ?

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La construction démocratique de la LFSS est à nos yeux un enjeu majeur ; malheureusement, elle n'est pas optimale. Nous constatons le décalage important existant entre les attentes et les décisions que nous prenons ; les derniers jours en fournissent la démonstration, s'il le fallait.

Vous évoquez le délai d'examen de ces lois par le Parlement, et vous proposez de faire intervenir les caisses différemment dans le débat. Il n'est guère tenu compte jusqu'à présent de leur avis ; or je ne suis pas certain que votre proposition permette qu'il en soit autrement, et que nous sortions de cette logique d'étatisation à l'oeuvre depuis le « plan Juppé ». J'aimerais vous entendre à ce sujet.

Si nous voulons réellement une construction démocratique, ne faut-il pas s'attaquer à l'article 40 de la Constitution ? Avez-vous des préconisations en la matière ?

Je m'interroge par ailleurs sur les objectifs poursuivis par l'élargissement du périmètre que vous proposez. Je me félicite de votre recommandation n° 20 concernant les comptes des hôpitaux. Nous avons en effet besoin de davantage d'éléments pour juger correctement des propositions qui nous sont adressées.

Enfin, vous évoquez le financement durable. Comment le fonds de lissage pourrait-il être financé ? Ne faudrait-il pas mettre un terme à l'assèchement des ressources de la sécurité sociale ?

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Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale

Je vous remercie pour l'attention que vous avez portée à ce rapport et pour l'accueil plutôt favorable que vous lui réservez.

En ce qui concerne le périmètre, vous trouverez les réactions des partenaires sociaux en annexe du rapport. Elles sont nuancées, mais celle de Force ouvrière en offre un bon résumé : « Au-delà, et en l'état actuel de l'étatisation de notre modèle social, y compris donc de l'assurance-chômage et du projet de réforme des retraites [...], les propositions du Haut Conseil, en trois parties, forment un tout cohérent. S'il ne s'agit pas fondamentalement des positions de Force ouvrière, elle en souligne leur pragmatisme et réalisme, si et seulement si le premier ensemble de propositions, ayant trait à la démocratie sociale et politique, était bien respecté. »

Notre proposition ne correspond pas totalement à leurs volontés, mais les partenaires sociaux font preuve d'un principe de réalité. Quitte à ce que soit l'État qui s'occupe du chômage, les partenaires sociaux préfèrent que cela s'effectue dans un cadre orienté sur la sécurité sociale, prévoyant des consultations spécifiques et une forme de dialogue, plutôt que de voir l'État s'en occuper seul. On observe certes des nuances dans les positions des différents partenaires sociaux sur le périmètre. C'est surtout sur le chômage que portent les réticences de certains.

Nous n'avons bien évidemment pas laissé de côté le problème de la dette des hôpitaux. L'idée est de se demander comment construire les objectifs dans un tout cohérent, qui prenne en compte tant l'organisation du système de santé que du bien-être des professionnels hospitaliers – autant d'éléments qui, pour l'heure, manquent dans la LFSS, comme beaucoup l'ont dit.

Plusieurs de vos interventions ont porté sur l'avis des caisses. Or, ces avis ne sont généralement pas motivés ; ils se résument à une prise de position négative ou positive, dont l'on fait le décompte. Il serait plus intéressant pour le Parlement que les caisses émettent des avis motivés, d'autant que les raisons motivant une même prise de position peuvent différer suivant qu'elles émanent de la CGT ou du MEDEF.

Plusieurs pistes sont possibles pour gagner du temps. J'ai évoqué à ce titre les modalités de saisine des caisses. Nous estimons possible de gagner du temps en avançant le moment du dépôt en Conseil des ministres. Il est également possible de gagner du temps en reportant au 10 décembre la fin de l'examen du PLFSS, dont la lecture au Sénat se termine généralement autour du 3 ou du 4 décembre), l'objectif étant que la loi soit votée et que le Conseil constitutionnel ait rendu sa décision avant le 31 décembre. Je précise qu'aucune de ces pistes ne nécessite de réforme constitutionnelle ; toutes peuvent emprunter la voie de la loi organique, voire de la loi simple.

Mme Firmin Le Bodo m'a interrogé sur la dépendance. Nous avons bénéficié d'une consultation d'un membre du Conseil d'État, qui figure aussi en annexe du rapport. En cohérence avec mon rapport « Grand âge et autonomie », je propose pour ma part de maintenir les compétences au niveau des collectivités locales, la question étant de savoir comment faire voter un objectif qui soit cohérent avec le principe d'autonomie de celles-ci. Selon le membre du Conseil d'État qui a été consulté, le respect de ce principe d'autonomie des collectivités locales paraît assuré dès lors que ce sont des objectifs qui sont votés.

Vous avez fait allusion, madame la députée, au FIR et à une forme de régionalisation de l'ONDAM. Ces débats sont complexes ; le HCFiPS ne s'est pas aventuré sur ce terrain. À titre personnel, comme beaucoup, je pense que la territorialisation d'un certain nombre de politiques est un enjeu très important. Il faut y tendre, mais une régionalisation totale de l'ONDAM serait une affaire extrêmement compliquée, pour des raisons qu'il serait trop long de développer ici.

Mme Dubié m'a questionné sur la façon dont nous pourrions nous extraire du principe de l'annualité budgétaire. Nous pourrions commencer par autoriser davantage de dispositions pluriannuelles, Une jurisprudence du Conseil constitutionnel restreint la possibilité d'intégrer à la loi de financement des dispositions qui n'auraient pas d'impact l'année suivante. Il pourrait être souhaitable de voter par anticipation des dispositions ayant des effets dans plusieurs années. J'avais introduit en 2005, à l'occasion de la réforme de la loi organique, plusieurs dispositions allant dans ce sens, mais il est possible d'aller plus loin sur ce sujet, notamment dans la construction même des objectifs. Une annexe a été introduite par la réforme de 2005, avec un ONDAM pluriannuel. Cet objectif n'est malheureusement pas documenté en réalité. Il faut vraiment que nous allions plus loin dans la construction pluriannuelle d'une stratégie plus forte, notamment dans le domaine de l'assurance maladie.

La mise en place de réserves peut être envisagée, mais d'autres dispositifs peuvent être envisagés. Il est important que le respect de l'ONDAM soit assuré au sein de chaque sous-ONDAM. Une disposition prévoit que les évolutions tarifaires programmées dans les conventions médicales ne peuvent pas intervenir si le comité d'alerte signale un risque de dépassement de l'ONDAM. Je proposerais assez volontiers de modifier cette disposition en prévoyant qu'elle vaut également en cas de risque de dépassement du sous-ONDAM, ce qui serait un gage de cohérence par rapport aux engagements pluriannuels de tarifications, qui ont provoqué des difficultés certaines années.

S'agissant de la loi organique relative au système universel de retraite, mon propos sera restreint car la discussion sortirait de ce champ. Je dirais toutefois que la loi organique comporte des dispositions qui sont relativement cohérentes avec les propositions du HCFiPS en termes de pluriannualité, même si nous nous situons sur un champ plus large.

Pour ce qui est de la CADES, madame Fiat, la recommandation essentielle serait de respecter au maximum son échéancier et de faire un bon usage des masses financières qui pourraient être libérées. Vous savez, je le pense, que c'est l'une des rares marges de manoeuvre qui existent pour financer la perte d'autonomie.

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Ce rapport, qui est le fruit d'un travail collectif et animé – je peux en témoigner – fait finalement l'objet d'un large consensus. Il commence par l'histoire de la construction de notre système de protection sociale. Ce travail me semble d'autant plus important que nous entreprendrons bientôt la réforme de l'une de ses principales branches, celle de l'assurance vieillesse.

Le rapport recommande de définir un périmètre plus important et plus cohérent avec les enjeux de la protection sociale au XXIe siècle, mais aussi de se doter d'outils financiers durables. Le Parlement sera amené à se prononcer sur deux des dispositions de la loi organique relative au système universel de retraite.

L'article 1er organise le pilotage pluriannuel du futur système de retraite et impose l'équilibre sur une période de cinq ans. Cette mesure vous semble-t-elle satisfaisante ? Ne faudrait-il pas plutôt définir un objectif d'équilibre, plutôt que de l'imposer ? Ne faudrait-il pas en outre compléter la loi organique par la règle d'or de la compensation intégrale par l'État d'éventuelles mesures d'exonération des cotisations afin qu'elles ne portent pas atteinte aux trajectoires projetées ?

L'article 2 étend le champ des LFSS à l'ensemble des régimes complémentaires de retraite obligatoires à partir de 2022. Le rapport propose de disposer d'une annexe faisant état des trajectoires financières de ces régimes. Ne serait-il pas judicieux de disposer de cette annexe dès le PLFSS 2021 ? L'objectif fixé par cette disposition organique de donner des outils de pilotage à l'État pour faciliter la transition vers le système universel ne risque-t-il pas de faire primer la gestion directe par l'État ?

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Vous insistez en page 154 du rapport sur le rôle de contrôle et d'évaluation de la MECSS. En tant que coprésident de la MECSS, je partage votre point de vue. Avec ma collègue Annie Vidal, nous tentons actuellement de réorienter les travaux de la MECSS dans ce sens, en complément du « printemps de l'évaluation » organisé par notre rapporteur général. Je salue l'importance du travail que vous avez mené avec le HCFiPS, mais j'estime qu'une meilleure coordination de nos travaux en augmenterait certainement l'efficacité et la crédibilité.

Ma seconde question concerne le portail de service public de la sécurité sociale, qui a été lancé en 2019 et s'adresse aux assurés ainsi qu'aux professionnels de santé. On peut y trouver toutes les informations utiles sur les différents domaines que sont la maladie, la famille, les retraites, les accidents du travail, les maladies professionnelles, les cotisations et la dépendance. Vous relevez, à la page 80 de votre rapport, que ce site est principalement destiné au grand public. Or, il semble que ce portail, qui fait l'objet de 4 000 visites quotidiennes, soit surtout consulté par un public de professionnels qui recherchent des renseignements sur le PLFSS. Comment populariser ce portail ? Comment le rendre plus accessible aux familles et aux jeunes ? Un grand nombre de nos concitoyens n'ont pas forcément de vision claire sur leurs droits en matière de protection sociale. Que proposez-vous pour rendre ces informations plus accessibles ?

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Ce rapport souligne bien certaines difficultés et limites auxquelles nous sommes confrontés en tant que législateurs pour abonder, voter puis évaluer les LFSS. Je souhaite évoquer plus particulièrement la recommandation n° 19, qui vise à intégrer le risque de la perte d'autonomie dans le champ de la LFSS. Elle fait écho à la proposition n° 170 de votre rapport « Grand âge, le temps d'agir », qui recommandait de conforter les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) en lien avec la création d'un nouveau risque de protection sociale intégré dans le PLFSS. Bien que la question fondamentale de la gouvernance ne soit pas encore tranchée, pouvez-vous détailler votre vision du rôle de la CNSA et de son articulation avec les conseils départementaux tels qu'issus de votre proposition ? Cette mesure d'inscription de la perte d'autonomie dans le champ des LFSS s'inscrit-elle dans le cadre d'un cinquième risque de la sécurité sociale ou pourrait-elle trouver une autre déclinaison législative ? Quelle a été la réaction des ministères concernés par cette proposition ?

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Le calendrier du PLFSS, que vous avez déjà abordé, est contraint par de nombreuses dispositions. Le respect de ces séances obligatoires nécessite une mobilisation contrainte de l'administration dans des conditions particulièrement complexes au détriment de la concertation avec les partenaires sociaux. Ce calendrier resserré nuit évidemment à la qualité du texte. Comment s'en prémunir ? Nous-mêmes parlementaires, nous déplorons le calendrier très restreint et les conditions de travail qui ne nous permettent pas toujours d'évoquer ce sujet avec le temps, la durée et la perfection nécessaires.

J'ajouterai que la qualité des données comptables synthétisées dans les tableaux d'équilibre reste perfectible. Des insuffisances persistantes du contrôle interne sont observées, ainsi que des difficultés comptables, qui sont à l'origine de l'expression de réserves par la Cour des comptes, et même d'une fréquence élevée d'erreurs affectant les prestations versées. Êtes-vous favorable à mettre fin aux contractions de produits et de charges dans ce tableau d'équilibre non conformes au cadre normatif fixé par la loi organique relative aux LFSS pour l'établissement des comptes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ?

Enfin, les LFSS et les annexes sont toujours plus riches et détaillées, afin que nous exercions avec le plus d'acuité notre devoir de contrôle, mais semblent de plus en plus destinées aux seuls initiés, ce qui les rend illisibles à nos concitoyens. Des innovations doivent encore être réalisées afin d'offrir une information plus synthétique et mieux adaptée au grand public. Quelles sont vos pistes d'amélioration ? Que proposez-vous en termes de lisibilité et d'articulation avec les autres textes relatifs au pilotage des finances publiques ? Comment faire en sorte que nos concitoyens comprennent ce qu'est le PLFSS, ce que sont les branches et ce qu'il en coûte ?

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En tant que médecin de famille, j'ai toujours eu les yeux rivés sur l'ONDAM, avec l'impression constante que celui-ci était fixé « à la louche ». L'espérance de vie ayant augmenté en France, le degré de dépendance aussi. La chute, par exemple, concerne une personne de plus de 80 ans sur deux. C'est un marqueur de fragilité, mais également un élément péjoratif sur le plan médico-social. Dans le cadre des LFSS, ne faudrait-il pas dédier des financements en faveur de stratégies préventives et multifactorielles qui s'inscrivent dans ce que vous décrivez comme des PQE et finalement dans une stratégie européenne ? Comment renforcer, dans ces stratégies de financement, l'évaluation des études de ces politiques en termes de coût-efficacité ?

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Alors que les comptes devaient revenir dans le vert cette année, les mesures d'urgence économiques et sociales prises pour répondre à la crise des « gilets jaunes » fin 2018 ont creusé le déficit de la sécurité sociale. Au lieu de terminer en excédent, celle-ci a donc replongé en 2019, avec 5,4 milliards d'euros de déficit. Ces exonérations de charges restent à l'heure actuelle non compensées par l'État. Le coût de ces mesures d'urgence sera finalement bien supporté par le budget de la sécurité sociale en 2020. Cette année encore, l'utilisation du PLFSS comme moyen d'équilibrer les dépenses qui relèvent à l'origine du PLF est alarmante.

La disparition de la sécurité sociale comme nous l'avons connue, sa non-autonomie et la fusion des textes financiers semblent désormais bien actées. Comment ne pas faire le lien entre la situation extrêmement tendue de nos hôpitaux et services d'urgence, et la non-compensation de ces mesures ? La réduction du nombre de lits dans les hôpitaux ainsi que la multiplication des hospitalisations à domicile ont généré des économies pour l'hôpital. Pourtant, rien n'a été affecté au maintien à domicile. Où ces économies ont-elles été affectées ? Quelles sont vos propositions d'évolution afin de sortir de cette spirale infernale du déficit ?

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Je ne peux qu'être en accord avec vos recommandations concernant le calendrier des LFSS, et notamment avec la recommandation n° 8, qui suggère d'assouplir le calendrier d'examen à l'Assemblée nationale. Dans les faits, le manque de temps empêche de s'approprier correctement ce texte long et technique, et en particulier de consacrer plus de temps à la question essentielle et structurante du « pourquoi » des objectifs poursuivis avant de se poser la question du « comment » financer.

Dans le même esprit, vous recommandez également de dédier au printemps un temps parlementaire à l'évaluation des politiques de sécurité sociale afin de vérifier l'atteinte des objectifs. À cet égard, quel regard portez-vous sur le « printemps social de l'évaluation » mis en place en juin 2019 par la commission des affaires sociales ? Quelle est l'approche de renforcement de l'évaluation que vous recommandez ?

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Merci, monsieur le président, pour ces recommandations de bon sens qui permettraient d'améliorer le processus démocratique des lois de financement, tant au niveau du Parlement que dans l'association des partenaires sociaux.

Vous avez raison de rappeler qu'il faut repenser le périmètre des LFSS, qui doit être en adéquation avec les enjeux de la sécurité sociale du XXIe siècle. Il faut également améliorer les capacités de pilotage financier afin de garantir un financement équilibré de la sécurité sociale. Nous estimons, tout comme vous, que le recours à la dette doit être évité car il est impensable de faire peser ce poids insupportable sur les générations futures.

La question de la sincérité budgétaire revient chaque année. Que préconisez-vous afin que le budget que nous votons soit le plus sincère possible ? Les parlementaires pourront-ils être associés en amont, au printemps, lors des arbitrages, plutôt que de découvrir le texte en septembre ?

Enfin, je ne reviendrai pas sur le budget des hôpitaux, mes collègues l'ayant déjà évoqué.

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Votre recommandation n° 14 appelle à améliorer l'information à destination des citoyens. De nombreux sujets les concernent et les impactent directement. Il serait opportun d'illustrer de manière plus large que notre système de santé est certes à repenser afin d'être plus efficient, mais que ses acteurs et bénéficiaires doivent aussi être en mesure de se responsabiliser pour en garantir l'avenir.

Selon une étude réalisée par la Fédération hospitalière de France, les médecins estiment que les dépenses et les examens non justifiés s'expliquent principalement par la pression que les patients exercent sur eux. Comment mieux informer et ainsi réussir à mobiliser les citoyens sur un sujet aussi complexe que les finances sociales, afin de les responsabiliser, ce qui donnerait plus d'autant plus de crédit à nos votes ?

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Je suis bien sûr d'accord avec vous, monsieur le président, lorsque vous affirmez que le PLFSS doit garder sa spécificité. Le PLFSS est plus qu'une loi de finances. C'est un sujet d'ordre social, sociétal, mais nos concitoyens n'en connaissent pratiquement rien.

Sur le plan démocratique, vous insistez pour garantir la concertation avec les partenaires sociaux ; nous en sommes bien d'accord. Nous avons également un travail important à mener pour repenser le rôle du Parlement, notamment en matière d'élaboration des objectifs, et pour rendre notre implication moins technocratique.

En ce qui concerne l'extension du périmètre à la perte d'autonomie, je partage votre recommandation. Nous pourrons alors comparer le PIB consacré à la retraite, qui est de 14 %, avec le PIB consacré à la dépendance, qui ne s'élève qu'à 1,4 % . Cela sautera aux yeux de tout le monde, et nous pourrons faire mieux.

J'insisterai pour finir sur un acteur qui manque selon moi dans vos recommandations, à savoir le citoyen. Intégrer le citoyen – même si je ne sais pas exactement sous quelle forme – marquerait une vraie rupture par rapport à ce qui se pratique aujourd'hui. Lorsque nous votons une LFSS, nous n'avons aucune idée de la manière dont elle se met en place l'année suivante. Des efforts sont à consentir pour avoir la preuve de la mise en oeuvre de ce que nous votons.

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Votre recommandation n° 20 vise à mieux appréhender la situation financière des hôpitaux et des établissements médico-sociaux dans le cadre des LFSS. Il me paraît important de donner au secteur hospitalier davantage de visibilité sur l'évolution de l'ONDAM hospitalier et sur la trajectoire d'évolution pluriannuelle des ressources des établissements, laquelle pourrait prendre la forme d'un protocole entre l'État et les fédérations hospitalières, l'ONDAM étant la variable d'ajustement ultime de chaque PLFSS. J'aimerais connaître votre opinion sur cette visibilité améliorée et sur son efficacité à terme, notamment au regard de l'actualité de ce jour.

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Dominique Libault, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale

Je vous remercie pour la richesse de vos interventions et de vos questions. Beaucoup ont parlé de communication et d'éducation du citoyen, et en particulier des jeunes. Je pense que nous sommes collectivement assez mauvais sur ces sujets. Lorsque nous remettons sa carte vitale à un jeune de 16 ans, nous ne lui donnons aucune explication. Je rappelle qu'à la fin de ses mémoires, Pierre Laroque écrit que le sujet le plus important est « l'éducation à la solidarité », que nous ne pratiquons pas. Certains pays comme l'Uruguay font cela très bien. L'éducation de la jeunesse doit bien entendu porter également sur les responsabilités.

Comme vous le savez, je suis également directeur de l'École nationale supérieure de sécurité sociale, installée à Saint-Etienne. J'organise tous les deux ans un concours avec l'éducation nationale, permettant aux jeunes de réfléchir à ces différents sujets. Ceux d'entre vous qui sont intéressés pourront assister à la remise des prix le 1er avril prochain, afin de découvrir les productions des jeunes. Notre site Sécu-jeunes.fr propose de la documentation et s'efforce de communiquer de façon simple. Nous accueillons de nombreuses écoles, 800 jeunes ; nous organisons des ateliers, de nombreuses activités, etc.

Beaucoup de choses devraient être faites pour travailler très en amont sur la formation de ce que j'appelle la citoyenneté sociale, dans une vision de droits et de devoirs. Nous sommes malheureusement assez mauvais dans ce domaine, et nous le payons plus tard par une certaine conflictualité et par certains comportements individuels. J'observe d'ailleurs que les écoles de dirigeants ne forment pas du tout à ce genre de sujets : le social n'y est pas la discipline la mieux traitée. Un immense effort collectif s'impose.

Le sujet de la citoyenneté est un enjeu majeur. C'est bien l'objet de la recommandation n°14. Je relève incidemment que la communication sur le site des impôts – « À quoi servent vos impôts ? » – ne trouve pas sur le site de la sécurité sociale un équivalent de même qualité, qui pourrait s'intituler « À quoi servent vos prélèvements sociaux ? ».

Il est vrai que l'examen du PLFSS est rapide et que les sujets sont quelque peu survolés. Je pense qu'il conviendrait d'approfondir ce travail en se focalisant chaque année sur une thématique privilégiée (le médicament, l'hôpital, la politique familiale, etc.). Il faudrait aussi privilégier l'approche pluriannuelle en revenant par exemple tous les cinq ans sur un sujet donné, en s'appuyant sur davantage de documents produits par l'administration – et sur les plus utiles, tels que les PQE. Aujourd'hui, les annexes sont volumineuses et difficiles à utiliser pour beaucoup d'entre vous, et même pour les administrateurs. C'est en travaillant avec vous en amont que nous pourrons concevoir des annexes fournissant un support plus efficace pour l'évaluation, sans oublier de mieux travailler avec la Cour des comptes.

Je soutiens que nous avons beaucoup progressé sur la sincérité des comptes, à travers les processus de certification des comptes. Ils sont désormais certifiés positivement, ce qui n'était pas toujours le cas fut un temps. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a jamais d'erreur, mais je pense honnêtement que l'image est fidèle. C'est tout l'intérêt des processus de certification que de remarquer les erreurs et de nous faire progresser. Je reste évidemment très attentif à ces sujets, d'autant que les sommes en jeu sont énormes, mais j'estime que nous avons fait beaucoup de progrès et que nous sommes sur la bonne voie.

Tout comme vous, monsieur Delatte, je pense que nous ne faisons pas assez de prévention, et que ce constat amène d'autant plus à plaider en faveur d'une logique pluriannuelle. Les programmes de prévention sont toujours coûteux au début et ne rapportent que dans la durée. Inscrire une stratégie de prévention dans une logique de pluriannualité est donc, encore une fois, très important pour sortir d'une vision se bornant aux économies réalisées dans l'année, qui ne peut plus constituer l'alpha et l'oméga d'une politique de santé et d'assurance maladie.

L'une d'entre vous a posé une question sur le « cinquième risque ». Je n'ai pas employé ce terme car, pour ma part, j'estime qu'il faut reconnaître le chômage et la perte d'autonomie comme des risques à part entière, en plus des quatre premiers.

S'agissant de la CNSA, je n'ai pas grand-chose à dire de plus que dans mon rapport « Grand âge et autonomie », qui préconise un renforcement de ses compétences. La CNSA doit être positionnée davantage comme garante de l'équité territoriale. Le sujet des disparités territoriales est d'ailleurs revenu très souvent à l'occasion des nombreuses présentations que j'ai assurées partout en France à la suite de mon rapport.

Je reste à votre disposition si vous souhaitez continuer à échanger sur ces sujets fondamentaux. J'insiste sur l'importance de la cohérence de l'ensemble du système. Si nous souhaitons conserver le sens de la construction de la sécurité sociale dans la durée, atteindre des équilibres financiers de moyen terme et fonctionner de façon démocratique, il faut changer les choses ; c'est l'ensemble qui fait une construction solide.

La séance est levée à dix-neuf heures.

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Guy Bricout, rapporteur sur la proposition de loi visant à instaurer un congé de deuil de douze jours consécutifs pour le décès d'un enfant mineur (n° 1116), ainsi que Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure sur la proposition de loi visant l'ouverture du marché du travail aux personnes atteintes de diabète (n° 1432).

Présences en réunion

Réunion du mardi 14 janvier 2020 à 17 heures 30

Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marine Brenier, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Charlotte Lecocq, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Michèle Peyron, M. Alain Ramadier, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Isabelle Valentin, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, Mme Corinne Vignon

Excusés. – M. Joël Aviragnet, Mme Justine Benin, Mme Josiane Corneloup, Mme Nathalie Elimas, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Fadila Khattabi, M. Jean-Philippe Nilor, M. Adrien Quatennens, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Jean-Louis Touraine

Assistaient également à la réunion. – M. Dino Cinieri, M. Pierre Cordier, M. Jean-Marie Sermier, M. Jean-Marc Zulesi