Mission d'information sur l'évaluation de la concrétisation des lois

Réunion du mardi 28 janvier 2020 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CPME
  • rescrit
  • simplification
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  PS et divers gauche    En Marche    MoDem    Les Républicains  

La réunion

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La séance est ouverte à 18 heures

Présidence de Mme Cécile Untermaier, présidente

La mission d'information sur la concrétisation des lois entend Mme Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe, et M. Lionel Vignaud, responsable de la direction des affaires économiques, juridiques et fiscales ; Mme Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises du Mouvement des entreprises de France (Medef), et M. Antoine Portelli, chargé de mission senior à la direction des affaires publiques.

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Je tiens à excuser nos deux rapporteurs absents, M. Saint-Martin et M. Goasguen. Notre troisième rapporteur, M. Jean-Noël Barrot est présent.

Pour cette dernière séance de notre série d'auditions générales, nous recevons des représentants de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et du Mouvement des entreprises de France (Medef). La première est représentée par Mme Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale, et M. Lionel Vignaud, responsable de la direction des affaires économiques, juridiques et fiscales.

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Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la CPME

Je vous prie d'excuser notre secrétaire générale adjointe, Mme Sandrine Bourgogne, qui est absente.

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Pour le Medef, nous accueillons Mme Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises, et M. Antoine Portelli, chargé de mission senior à la direction des affaires publiques.

De même que nous avons reçu des représentants d'associations de consommateurs et de professions juridiques, nous avons souhaité vous entendre car les entreprises, petites comme grandes, sont les destinataires d'un grand nombre de dispositifs législatifs qu'il leur appartient de mettre en œuvre.

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Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises du Medef

Vous vous intéressez à la loi après sa publication mais pour nous, meilleures seront les conditions d'élaboration de la loi et mieux elle sera appliquée. En d'autres termes, plus elle sera claire et plus elle sera facile à appliquer pour ses destinataires. Nous avons beaucoup contribué, comme d'autres, à l'exercice de simplification et fait à cette occasion des propositions de réduction du stock, ainsi que des propositions relatives à l'élaboration de la loi. L'un des points essentiels mis en lumière par votre questionnaire est le rôle que peuvent jouer les représentants du monde économique dans l'élaboration de la loi. Nous avons eu l'occasion – et je trouve que c'est un très bon principe – d'expérimenter le principe du tandem, avec un élu et un représentant d'entreprise, dans le cadre de la préparation de la loi « plan d'action pour la croissance et la transformation de l'entreprise » (PACTE). Franchement, il m'apparaît que la préparation de cette loi a été exemplaire parce qu'elle a été précédée par ce long travail en tandems, avec de nombreuses auditions. En revanche, nous avons regretté l'absence de rapports rédigés par les différents tandems, hormis ceux gérés par la direction du Trésor.

Nous avons également expérimenté ce principe du tandem de manière positive lors du premier Conseil de la simplification, co-présidé par M. Thierry Mandon et M. Guillaume Poitrinal. Selon moi, cette association des destinataires des normes et de ceux qui les élaborent est une très bonne chose. À un moment donné, la volonté d'aller un peu plus loin s'est manifestée, mais je sais que le secrétaire général du Gouvernement est tout à fait opposé à cette proposition. Il s'agissait cependant de la première proposition du Conseil de la simplification, consistant à mettre en place un Comité « impact entreprises » composé d'experts du monde économique et social, afin d'évaluer les textes dès lors que ceux-ci auraient eu un impact sur l'entreprise et un impact social. Nous avions trouvé cette proposition intéressante, d'autant qu'elle est inspirée de ce qui se passe dans de nombreux pays européens. Dans ces conditions, nous n'avons pas bien compris les raisons d'une telle opposition, puisque les pays dans lesquels ce dispositif existe sont tout aussi démocratiques que la France. Nous avons néanmoins compris qu'en la matière, une fin de non-recevoir était opposée.

Vous vous interrogez sur la qualité de la consultation en amont : elle est extrêmement sérieuse, et quelquefois très longue. Je prendrai un exemple quelque peu extrême, mais qui a abouti à un texte de qualité, non reproductible dans tous les cas. Il s'agit de la réforme du code civil, plus spécifiquement du droit des obligations et du droit des contrats, qui a pris du temps. La réforme a eu lieu par ordonnance, mais un travail important a aussi été mené par le Parlement sur la loi de ratification, qui a permis d'améliorer le texte. Par conséquent pour des textes d'une telle importance, destinés à régir les relations entre les entreprises pendant longtemps, cette procédure est essentielle.

Le même exercice se reproduira dans le cadre de la réforme de la responsabilité civile dont vous aurez bientôt à connaître puisqu'en l'espèce, le législateur aura la main. Dans ce cas aussi, la discussion s'inscrira dans le temps long.

Quelquefois, nous sommes confrontés à des exemples un peu caricaturaux. Je citerai à ce titre la dernière réforme des procédures collectives, pour laquelle la Chancellerie nous a adressé un projet de loi la veille de Noël en nous demandant une réponse pour les premiers jours de janvier, sans exposé des motifs. Lorsque nous avons tenté de joindre la Chancellerie, nous avons constaté que ses représentants étaient tous en vacances. Nous avons tenu à répondre dans les délais, même s'il s'agissait d'une caricature de consultation.

En outre, une systématisation des consultations électroniques et une globalisation des réponses sont constatées. On a l'impression que ce procédé donne une marge de manœuvre à ses auteurs, mais il semble que cela se décide plutôt au niveau de la Commission européenne. On nous annonce que quatre cents réponses ont été reçues, sans nous dire que sur les trois cents réponses individuelles, deux représentaient la CPME et le Medef, qui représentent des centaines de milliers d'entreprises. Par conséquent, il est important de tenir compte du poids des avis formulés.

Le Gouvernement s'est exprimé par un communiqué en Conseil des ministres sur le fait que pour la loi PACTE, les très nombreux décrets avaient été presque tous publiés. Je citerai cependant l'exemple d'un dispositif pour lequel une absence de publication embarrasse beaucoup les entreprises : celui de la « transaction URSSAF ». Le texte date d'il y a cinq ans, mais le dispositif est toujours conditionné à la publication d'un arrêté permettant la mise en place de la transaction. Or, dans la mesure où le texte ne permet plus une transaction selon le code civil, la transaction avec l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) n'est plus possible pour les entreprises. Il s'agit d'un point sur lequel nous avons attiré l'attention du Gouvernement.

Le Medef s'efforce d'aider ses adhérents à comprendre la loi car les textes ne sont pas toujours faciles. Ainsi, sur l'encadrement des activités des représentants d'intérêt, mis en place par la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi « Sapin 2 ») également, nous avons tenu beaucoup de réunions et élaboré des guides d'application. Nous envoyons tous les ans à nos membres une information pour les inciter à respecter cette obligation.

Pour la procédure de signalement des alertes, également prévue par la loi « Sapin 2 », l'obligation s'applique à partir de cinquante salariés, ce que nous avions regretté et critiqué à l'époque. Ce seuil très bas a malheureusement été repris comme seuil européen, ce que nous regrettons. Nous avons élaboré un guide d'application pour permettre aux petites entreprises de mettre en place cette procédure de signalement.

De même, nous avons publié un guide, que nous adaptons régulièrement, pour aider les entreprises à mettre en place un dispositif de prévention de la corruption. À cet effet, nous continuons à entretenir des contacts réguliers avec les autorités.

Enfin sur l'association des salariés aux résultats, qui est l'un des points essentiels de la loi PACTE, nous avons mené une campagne d'information et de sensibilisation des entreprises. Nous sommes également très attentifs à développer la notion de raison d'être, c'est-à-dire le rôle des entreprises dans la société au-delà de leur seule activité économique. Dans notre comité de gouvernance, nous mettons actuellement en place des outils pour aider les entreprises qui le souhaitent à mettre en place une raison d'être, et à en évaluer les éventuelles conséquences juridiques. Nous avons procédé de même pour la protection des données.

Le test PME est pour le moment assez décevant. Sauf erreur de ma part, l'impact éventuel ne concernerait que les décrets, et les domaines choisis n'étaient pas les plus intéressants. En revanche – et nous pourrons vous communiquer notre contribution au Conseil d'Etat – nous estimons très positives les expérimentations puisqu'avec elles, la loi perd sa légitimité ab initio. Nous avons recensé des expérimentations très réussies en matière sociale, notamment l'extension de l'apprentissage au-delà de 30 ans. Nous suivons d'autres exemples d'expérimentations, notamment le revenu de solidarité active (RSA) généralisé.

S'agissant des études d'impact, je ne vous surprendrai pas en vous disant qu'elles sont souvent décevantes. Je ne fais pas partie des gens qui, chez nous, sont en train de lire l'étude d'impact de mille pages sur la loi « retraites », mais je m'abstiendrai de la commenter après ce que le Conseil d'Etat en a dit. Par ailleurs, il y a toujours des sur-transpositions de normes européennes malgré les engagements du Gouvernement. Il y en a quelques-unes dans la loi PACTE, alors que le ministre s'était engagé, la main sur le cœur, à ce que cette loi soit celle de la « non sur-transposition ».

Pardonnez-moi d'avoir été un peu longue, mais le sujet est très riche.

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Vous ne l'avez pas été, puisque vous avez bien posé la problématique qui est la vôtre. Je vous remercie des efforts que vous faites pour accompagner les lois que nous votons.

L'objet de la mission est d'identifier le rôle du député comme facilitateur dans la concrétisation des textes. Si vous avez des suggestions en ce sens, j'aimerais que nous puissions en discuter aujourd'hui.

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Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la CPME

Je suis secrétaire confédérale de la CPME, tout en étant moi-même cheffe d'entreprise. De ce fait, je n'ai pas un langage de juriste car ce n'est pas ma formation de base. En revanche, je souhaite vous apporter des exemples concrets de difficultés rencontrées dans la vie quotidienne d'un dirigeant.

J'ai racheté mon entreprise il y a dix ans, alors qu'elle comptait trente-huit salariés ; nous en avons quatre cent soixante-dix aujourd'hui. Cela ne nous a pas empêché de grandir, mais il existe un gap très difficile dès lors qu'est franchi le seuil des cinquante salariés, en raison de la lourdeur administrative et du nombre très élevé de dispositions législatives à appliquer. C'est une réelle préoccupation au sein de la CPME, d'autant que nos adhérents sont plutôt des petites et moyennes entreprises (PME). À ce titre, elles disposent rarement d'un service juridique et de moyens consacrés directement à la veille réglementaire. Bien évidemment, nos adhérents s'appuient sur la CPME et sur les organisations interprofessionnelles de façon plus générale, de même que sur leur branche. Encore faut-il que ces branches et ces organisations possèdent une structure suffisante. Pour les adhérents, un tel soutien est important car s'ils ne respectent pas la loi, les sanctions peuvent être lourdes, y compris pénalement. D'ailleurs, la CPME lutte contre une tendance à la pénalisation du chef d'entreprise ou de la personne morale.

Pour mémoire, la catégorie des PME compte cent cinquante mille chefs d'entreprises ; nous représentons ainsi trois millions de salariés. Oui, les textes sont nombreux. Je pense que vous connaissez les chiffres, mais j'en rappellerai quelques-uns. Je remercie à cet égard Monsieur Vignaud de me les avoir fournis. J'ai été terrifiée par ces chiffres. En moyenne au cours des dix dernières années, ont été publiés par an : 51 lois, 1 585 nouveaux articles, 47 ordonnances, 674 décrets d'application, 1 622 textes réglementaires. En 2018, 71 521 pages de Journal Officiel ont été publiées. Le nombre d'articles législatifs en vigueur dépasse les 84 000, tandis que le total des articles réglementaires avoisine 233 000. Autant vous dire qu'un chef d'entreprise de très petite entreprise (TPE) ou de PME navigue à vue au milieu de cet ensemble, avec l'impossibilité de respecter les règles en intégralité. Nous avons donc toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Sur le plan de la mise en œuvre et du contrôle, il faut rappeler que les entreprises sont souvent contrôlées par des organismes divers (Inspection du travail, fisc, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes , etc.). Lors de ces contrôles, nos adhérents se plaignent souvent d'un manque de pédagogie et d'écoute. Ils ont le sentiment que les contrôleurs viennent davantage pour les sanctionner, avec un objectif de fonds à recouvrer, plutôt qu'avec un objectif de pédagogie. Je mettrai néanmoins un bémol à cette généralité, car j'ai moi-même vécu il y a quelques mois un contrôle de l'URSSAF, à l'occasion duquel j'ai constaté un changement par rapport à l'an dernier, lorsque j'avais subi un autre contrôle sur une autre structure. On commence à voir un changement de mentalité des contrôleurs, devenus beaucoup plus pédagogues et fournissant des explications. Par exemple, alors que nous n'avions pas payé une somme relativement conséquente due par l'une de nos structures, nous avons sollicité la possibilité d'un étalement de cette somme. Nous étions en effet confrontés à une problématique d'arrivée à échéance du marché nous liant à l'un de nos importants clients donneur d'ordre. Dans ce cadre, nous étions tenus de fournir l'attestation de vigilance nécessaire pour tous les marchés publics. Le contrôleur m'a bien expliqué toute la procédure pour faire valider mon plan d'étalement et obtenir mon attestation de vigilance. Cet exemple illustre l'amélioration que nous ressentons.

Les difficultés de concrétisation sont réelles. Nous en avons identifié différentes causes. Les décrets d'application ne sont pas nécessairement publiés, ou le sont tardivement. Pour la loi PACTE, l'effet d'annonce a été considérable. Pourtant, certains décrets ne sont pas encore parus. De ce fait, les chefs d'entreprises ne sont plus en mesure de savoir lesquels ont été promulgués, et lesquels ne l'ont pas encore été. Nous dépensons donc beaucoup d'énergie dans la recherche de l'information.

En outre, il existe un problème de lisibilité de la loi et des difficultés de compréhension des textes. Un chef d'entreprise de petite structure – et moi la première ! – n'a pas toujours la faculté de lire les textes et de les interpréter facilement. J'en donnerai un exemple concret. Notre entreprise étant certifiée ISO 14001, je suis tenue de pratiquer une veille réglementaire environnementale. À cette occasion, j'ai été confrontée à la nécessité d'étudier 473 points, ce qui me paraissait une mission quasi impossible.

Le chef d'entreprise qui ne dispose pas des structures juridiques et de conseil adéquates fait face à un problème de disponibilité car son temps est compté. De même, il se heurte à une difficulté d'accessibilité des normes puisque l'Association française de normalisation (AFNOR) exige, outre le paiement de la certification, un paiement pour obtenir la norme écrite ISO 9001 et ISO 14 001.

Les préconisations de la CPME visent à la sécurité juridique et fiscale et à la non‑rétroactivité des lois. Ainsi, conformément à la loi relative au traitement des déchets, nous signons des marchés de trois ou cinq ans dans le domaine de la propreté (qui est celui de mon entreprise). À ce titre, nous sommes tenus de récupérer des déchets sur certains sites. Dans un cas précis récemment rencontré, ne s'agissant pas des déchets produits par mon entreprise, les spécialistes ont mis six mois à me répondre pour m'indiquer s'il m'appartenait ou non d'en assurer la traçabilité. Finalement, il m'a été indiqué que mon entreprise était contrainte d'assurer la traçabilité de ces déchets, ce qui implique pour moi de demander un bordereau de suivi dans un centre agréé. Le coût est de trente euros par bordereau de suivi : or je ne l'ai pas comptabilisé dans mes offres auprès de mes clients et de mes donneurs d'ordre. Comme on le voit, les surcoûts peuvent devenir importants.

Un autre point concerne la faisabilité pratique des mesures. Il y a quelques années, il nous a été demandé de travailler sur des fiches individuelles d'exposition aux risques pour les salariés. À l'époque, j'employais un peu moins d'une centaine de salariés. J'ai passé beaucoup de temps à faire une fiche pour chacun. Il m'avait été dit qu'il m'appartenait d'envoyer ces fiches à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) après leur validation par le médecin du travail. J'ai adressé le tout au médecin du travail, qui m'a appelée pour m'informer que, n'ayant jamais eu connaissance de l'existence de telles fiches, il n'était pas question pour lui de les valider. En conclusion, j'ai passé des journées entières à travailler sur des documents qui se trouvent toujours entreposés dans un bas d'armoire, parce que je me suis dit que je ne pouvais pas envoyer des fiches non validées à la DIRECCTE. Comme vous le voyez, il existe une réelle problématique de communication entre les services sur ce qui doit être fait.

Les difficultés d'application des lois portent également sur le droit d'information préalable des salariés en cas de vente de l'entreprise. Dans les grosses structures, les difficultés sont sans doute moins importantes. En ce qui nous concerne, nous avons réalisé trois acquisitions en deux ans. Il n'est pas facile pour le vendeur de faire signer tous ses salariés, surtout lorsqu'ils ne se trouvent pas sur site, comme c'est le cas dans le secteur de la propreté.

Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) paraît une bonne mesure pour éviter la vente et la communication des fichiers de façon large. Pourtant, dans les TPE et PME, il suscite encore des interrogations. La CPME avait travaillé avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour produire des documents co-estampillés « CNIL-CPME ». Malgré cela, comment remplir ces documents ? Personnellement, je me suis fait accompagner, ce qui représente encore des coûts supplémentaires. C'est aussi beaucoup de travail pour peu d'utilité. En réalité, le seul avantage que j'en ai retiré est d'avoir fait un point sur le système informatique de mon entreprise afin de vérifier s'il était bien sécurisé. En l'occurrence, la réponse a été positive. Il est évident qu'une telle vérification était utile dans le contexte actuel de cybercriminalité. En revanche, le reste des démarches a représenté une quantité excessive de papiers à remplir, sans grande utilité.

Concernant les moyens dont disposent les entreprises pour sensibiliser sur leurs difficultés, il y a effectivement les administrations locales compétentes. Cela étant, les dirigeants ont souvent la crainte qu'une remontée de difficultés vers les administrations locales ne déclenche un contrôle. Je ne suis donc pas certaine que tous les dirigeants soient très enclins à poser des questions concrètes aux administrations concernées. Bien entendu, nous pouvons toujours solliciter nos conseils, mais ceci entraîne des coûts. De plus, ces professionnels sont débordés, de sorte qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir des réponses dans un délai relativement court. Les contrôleurs représentent aussi une voie pour obtenir une aide. Pour leur part, les organisations professionnelles et interprofessionnelles sont de vrais appuis. Je pense à ma branche, qui est structurée et offre un réel appui. La CPME nous apporte aussi beaucoup. Néanmoins, il est difficile de rester en alerte sur tous les sujets. Nous pensons qu'il pourrait être utile de mettre en place un contact téléphonique direct par sujet, mais peut-être en recommandant aux personnes répondantes de ne pas organiser de contrôle dans les quinze jours suivant la question qui leur a été posée. Nous leur posons précisément cette question parce que nous avons un doute, et que nous ne sommes peut-être pas complètement au fait des règles applicables.

Concernant la loi PACTE, nous saluons son mode d'élaboration. Nous avons été beaucoup consultés en amont. Nous avons estimé, en particulier, que la réunion organisée entre les parlementaires et les chefs d'entreprises pour un point d'étape constituait une très bonne pratique, même si le délai – quatre mois après la mise en œuvre – était très court. Il serait peut-être judicieux de réitérer ce type de réunion à différentes étapes, avec des durées plus longues.

En tout état de cause, si le travail en amont est intéressant, celui mené en aval l'est également. La CNIL organise actuellement des petits déjeuners avec les chefs d'entreprises afin de connaître les difficultés rencontrées à l'occasion de la mise en œuvre du RGPD. Les premiers petits-déjeuners ont eu lieu la semaine dernière. Nous trouvons qu'il s'agit d'une très bonne pratique, permettant de faire remonter de façon concrète les difficultés.

De même, les campagnes de communication organisées par le Gouvernement – la CPME en mène également – sont un bon outil pédagogique pour les dirigeants. Nous préconisons de les développer. En effet, un texte juridique peut paraître obscur alors qu'une campagne bien ciblée peut produire ses effets. Par exemple, le prélèvement à la source avait été très bien expliqué, tant aux particuliers qu'aux entreprises. Cette campagne avait été intensive, avec des documents courts, concrets et bien conçus. De ce fait, les entreprises ne se sont posé que peu de questions concernant le prélèvement à la source. Il y a toujours des appréhensions avant, mais je dois avouer que finalement, dans ce cas précis, tout s'est bien passé. Il en a d'ailleurs été de même lors de l'entrée en application de la déclaration sociale nominative (DSN) qui avait été bien préparée en amont. À la CPME, une personne avait été spécifiquement dédiée au sujet. Nous constatons aujourd'hui que cet outil apporte une simplification pour les entreprises.

En présence d'une loi, il est important pour le chef d'entreprise de comprendre les évolutions concrètes qu'il devra mettre en œuvre dans son entreprise, les opportunités créées aussi bien que les risques. Il y a là peut-être, à l'heure actuelle, un axe de communication manquant pour accompagner les lois qui sont publiées. Un dispositif avait été mis en place pour faire en sorte que les textes réglementaires soient publiés de façon assez concentrée (deux fois dans l'année) mais il ne semble plus d'actualité.

Enfin, les études d'impact sont intéressantes en ce qu'elles permettent de prendre la mesure de l'utilité concrète des lois. En revanche, il faut en simplifier les résultats, notamment du point de vue de la communication envers les dirigeants de TPE et PME. De plus, dans les études d'impact, nous éprouvons des difficultés à inclure tous les coûts induits, directs et indirects, pour les entreprises. En particulier, il est complexe d'évaluer les coûts liés au recours à un conseil, de même que le temps passé par les collaborateurs. Ce point relatif aux coûts nous paraît important.

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Je vous remercie pour toutes ces explications argumentées. Très clairement, on voit que la partie réglementaire qui nous échappe n'est pas sans poser de difficultés depuis plusieurs années, et que cela perdure. Dans le domaine de la loi, qui est notre office, j'ai bien retenu l'idée d'une communication de meilleure qualité. Nous devons prendre ce sujet à notre compte. Il faut savoir pourquoi l'on vote. Si ce vote a lieu dans un domaine qui est le vôtre, il faut que vous en compreniez l'intérêt. Cela doit être une évidence ; dans le cas contraire, ce sera une défaillance du législateur.

Nous ne reviendrons pas sur la fabrique de la loi, qui n'est pas l'objet de cette mission. Nous avons bien entendu vos remarques sur l'étude d'impact, et sommes convaincus de ce que vous en avez dit. Le sujet, pour nous, est de savoir comment se concrétise une loi nouvelle au sein de vos entreprises, et quels sont les recours qu'il vous paraîtrait utile de mettre en place. En particulier, l'un de ces recours pourrait être le député qui se trouve à proximité.

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Je vous remercie vivement pour vos exposés, notamment parce que vous nous avez donné un certain nombre d'exemples qui viendront utilement enrichir notre réflexion. La deuxième partie du travail de cette mission d'information consistera à sélectionner quelques objets de réforme récents, et à essayer de voir dans quelle mesure la loi aura bien été appliquée. Il nous intéresse de connaître les raisons pour lesquelles une loi pourrait ne pas être appliquée, en ce sens qu'elle imposerait une nouvelle obligation aux entreprises ; vous avez cité ces raisons. L'autre aspect de la question tient au fait que parfois, la loi crée de nouvelles opportunités pour les entreprises dont elles ne se saisissent pas nécessairement. Cela peut être dû à un mauvais calibrage, mais aussi à un défaut d'information.

Parmi les réformes récentes évoquées par nos collègues comme étant des objets potentiels à analyser dans cette deuxième partie de mission, figure la réduction du forfait social sur l'intéressement et la participation. Je profite de votre présence parmi nous pour vous demander votre analyse de l'appropriation par les entreprises de cette disposition, et notamment si cette appropriation a été rapide. Dans la négative, quelles pourraient en être les raisons ? Même si nous n'avons pas encore beaucoup de recul, certaines remontées pourraient d'ores et déjà nous être utiles.

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Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la CPME

J'en ai l'expérience pratique, d'autant que je travaille sur ce sujet au sein de la CPME. Je fais également partie du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (COPIESAS). Le premier frein à toutes les solutions d'épargne salariale pour les entreprises, notamment les TPE et PME, est leur caractère collectif. Il s'agit réellement du frein majeur, car ces petites et moyennes entreprises ont davantage l'habitude et le souhait de récompenser les salariés au mérite, plutôt que de prendre des mesures collectives.

Sur le forfait social, la CPME est en train de mener une enquête dont les premiers retours sont disponibles. Il en ressort que la baisse du forfait social incite un peu à développer les formules proposées, mais également qu'il existe un manque d'information, notamment sur les accords d'intéressement. Je suis convaincue que l'accord d'intéressement est un vrai outil de management, en particulier pour diminuer l'absentéisme et les accidents du travail. Mais une petite structure se tournera vers son expert-comptable ou vers des organismes spécialisés en épargne salariale, qui ne pourront pas l'aider à choisir la formule adaptée. En effet, les organismes d'épargne salariale réservent cette aide à leurs gros clients. J'ai travaillé chez Natixis (anciennement Interépargne), qui propose des formules sur-mesure pour les grosses entreprises. À l'inverse pour les PME, seules des formules standards sont disponibles, sans possibilité de proposer leur adaptation aux entreprises. Par ailleurs, lors d'une discussion que j'ai eue la semaine dernière avec les représentants de l'Ordre des experts-comptables à Bercy, il m'a été indiqué que la profession comptait quelques experts en épargne salariale maîtrisant bien le sujet, mais que beaucoup restait encore à faire de ce point de vue. D'ailleurs, l'Ordre des experts-comptables a créé des modules de formation sur l'épargne salariale.

En définitive, je pense que les entreprises pourront se saisir de l'opportunité sur laquelle vous nous interrogez, si des efforts de communication et de pédagogie à leur intention sont faits.

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Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises du Medef

Nous avons mené une campagne, et aurions souhaité que la suppression du forfait social aille au-delà. C'est un premier pas, et nous espérons qu'il y en aura d'autres. Je n'ai pas encore d'éléments à vous transmettre, mais si c'est toujours possible, je peux demander aux responsables de ce sujet au Medef de vous communiquer les chiffres. En effet, un tour de France a été mené pour sensibiliser toutes les entreprises. Nous croyons beaucoup à l'outil que constituent l'intéressement et la participation.

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Vous avez employé l'une et l'autre, à plusieurs reprises, le terme de « simplification ». Nous voyons bien en effet que pour les entreprises, la compréhension de ce qui leur est demandé et l'accumulation des procédures constituent des difficultés. Depuis 2007, c'est-à-dire depuis que je suis député, j'ai vu passer – soit dans l'opposition soit dans la majorité – plusieurs lois de simplification. L'exercice était assez bizarre, car d'une main on vidait le tonneau en supprimant des procédures et de l'autre, à la faveur des projets de loi en cours d'examen, on le remplissait à nouveau. C'était un jeu à somme nulle. Tout de même, pour ne pas désespérer, je voudrais vous interroger sur la loi n° 2019‑744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés. Avez-vous une opinion sur cette loi ? Est-elle source d'améliorations dans les différentes catégories d'entreprises ? Eventuellement, avez-vous quelque chose à dire sur l'entrée en vigueur des dispositions de cette loi, compte tenu des textes réglementaires qui sont prévus ?

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Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises du Medef

Sur la simplification, je crois qu'il faut bien distinguer deux choses. Il y a en effet eu beaucoup de lois de simplification, dont on n'a pratiquement retenu aucune mesure même si un grand nombre était utile. Le changement est venu du Conseil de la simplification, qui a fixé des méthodes. Par exemple, le « Dites-le nous une fois » est très utile pour éviter que les entreprises ne redonnent les mêmes informations à plusieurs administrations. C'est d'ailleurs le principe de la DSN, et c'est une bonne chose.

Le droit à l'erreur est encore embryonnaire puisqu'il ne couvre que peu de domaines. D'ailleurs, le droit communautaire est exclu du champ. Le Medef a souvent demandé à passer du « contrôle sanction » au « contrôle conseil » : vous l'avez noté pour l'URSSAF. On le constate aussi en matière fiscale, domaine dans lequel les modifications apparaissent progressivement. C'est très apprécié par les entreprises. Toutes ces méthodes de simplification, qui ne sont pas uniquement la suppression d'une disposition – même si c'est important aussi – représentent avant tout une nouvelle manière de travailler avec l'administration. C'est vous qui avez la main pour le décider.

Sur la loi de simplification du droit des sociétés, plusieurs organisations ont suggéré un certain nombre de mesures qui, si elles sont extrêmement techniques, sont très importantes au jour le jour pour les sociétés. Ses dispositions ne sont pas aussi impressionnantes que peut l'être la loi PACTE, mais constituent des avancées appréciables pour les entreprises. En ce qui nous concerne, nous faisons de la communication sur la loi du 19 juillet 2019, qui présente des mesures très pointillistes mais extrêmement utiles. En particulier, nous avons trouvé intéressant ce passage à des méthodes, plutôt que de continuer à prévoir des lois de simplification consistant uniquement à éliminer des mesures.

L'échec que nous avons constaté porte sur « le silence de l'administration vaut accord », puisque cette disposition a été assortie de plusieurs milliers d'exceptions. C'est un coup d'épée dans l'eau. Même s'il est vrai qu'on ne peut pas admettre ce principe sans exception, il y a eu un « raté » en l'espèce. En revanche, beaucoup de mesures prises vont dans le bon sens pour les entreprises, à l'instar du « Dites-le nous une fois » et du droit à l'erreur.

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En vous écoutant, j'ai d'abord eu l'impression que la loi pour un Etat au service d'une société de confiance (ESSOC), pourtant votée avant la loi PACTE, n'avait pas encore produit d'effets vraiment très concrets, si ce n'est concernant l'amélioration du contrôle telle que vous nous la signalez. Je voudrais vous interroger sur le rescrit, qui est un outil concret. Finalement, je souhaite avoir votre retour sur les outils qu'on pourrait mettre à votre disposition pour rendre les lois concrètes. Pour la confiance, il y a le rescrit : on peut poser des questions aux administrations sans risque, et même en tirer un bénéfice.

Sur l'intéressement, vous n'avez pas mentionné l'accord « clés en main » mis à la disposition des chefs d'entreprises sur le site du ministère de l'Economie. Est-ce que nous produisons des outils vraiment utiles ? Est-ce que nous communiquons comme il faut, ou y a‑t‑il encore une marge de progrès ? Ces questions font aussi partie de la concrétisation des lois, à tout le moins telle que nous essayons de la mener.

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Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises du Medef

Sur la sécurité juridique des entreprises, vous avez cité le rescrit. Nous avons été associés à une étude du Conseil d'Etat pour développer les rescrits. L'outil n'est peut-être pas encore suffisamment utilisé. Tout d'abord, il existe des cas où les administrations sont encore un peu réticentes à délivrer des rescrits. Quelquefois aussi, les entreprises ont un peu peur de la réponse. C'est vrai, il y a encore des progrès à faire, mais je trouve que le rescrit est un très bon outil de sécurisation. Nous trouvons aussi que l'expérimentation est une chose très utile, puisqu'elle permet de voir en grandeur nature si un texte mérite d'être pérennisé. On l'a vu en matière sociale ; des progrès ont été faits par le biais de l'expérimentation.

Le principe du guichet unique, et beaucoup d'autres mesures, nous paraissent aller dans un sens très positif. Il y a eu aussi la simplification des seuils.

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Comment avez-vous, concrètement, reçu la simplification dans les entreprises ?

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Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises du Medef

Très franchement, nous n'avons pas encore fait d'études globales mais nous avons des remontées partielles. Nous n'avons pas les moyens de diligenter des études globales. Sur l'intéressement, je demanderai aux personnes en charge de ce sujet, au Medef, si elles ont déjà des remontées du terrain puisqu'un tour de France a eu lieu pour développer ces outils auprès des PME.

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Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la CPME

A priori, les TPE et PME utilisent très peu le rescrit. Effectivement, la communication n'est pas encore appropriée. Est-ce que cela doit passer par nos branches, par nos organisations ou encore par une campagne du Gouvernement avec des messages très courts sur les réseaux sociaux ? Je ne sais pas, mais il est vrai que ce type de communication marche plutôt bien.

Concernant les accords « clés en main » publiés sur le site du ministère, il n'y a pas eu jusqu'à présent beaucoup de communication sur le sujet. De plus, pour certains chefs d'entreprises (TPE et PME) qui ont testé ces accords, l'outil restait encore complexe à utiliser. Nous avons d'ailleurs échangé la semaine dernière avec les services de Bercy, qui sont en train de travailler à un outil un peu plus complet. Nous avons préconisé d'insérer quelques formules types, parce que les services ont prévu d'élaborer des menus déroulants. Ces formules seraient notamment liées à l'absentéisme et au taux d'accidents du travail, qui intéressent une multitude d'entreprises. La problématique est aussi d'identifier l'endroit où aller chercher les informations. Les représentants de Bercy nous ont indiqué que beaucoup de sites publiaient des informations relatives à l'intéressement et à la participation. Il s'agit donc de savoir où aller chercher la bonne information. Or le chef de TPE ou de PME n'a pas le temps de faire cette recherche.

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Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises du Medef

Lorsque nous nous trouvons dans une relation qui n'est pas bilatérale avec l'administration, cela nuit au développement du rescrit. Le rescrit fonctionne bien en matière fiscale, car un administré est face à l'administration fiscale. En revanche, lorsqu'il y a un tiers que la règle est censée protéger, le rescrit est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre. Au Conseil d'Etat, nous avions étudié la possibilité de mettre en place des rescrits en matière de droit de la consommation et de droit de la concurrence. En fait, cela n'a pas fonctionné en raison de la présence d'un tiers. Avec l'Autorité des marchés financiers (AMF), cela n'a pas été non plus un succès car les entreprises avaient quelquefois peur de la réponse qu'elles allaient recevoir, ainsi que d'être soumises à davantage de contraintes.

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Pour le rescrit, c'est une observation très générale, qui est également relevée par les collectivités locales.

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Merci pour votre expression que j'ai trouvée assez pondérée et respectueuse, alors que c'était fondamentalement sur des motifs d'exaspération.

Dans tout ce qui relève de mesures inapplicables ou de domaines compliqués – je pense notamment aux années d'inconséquence qui ont fait suite à la suppression de la taxe professionnelle, avec une fiscalité peu claire pour les bâtiments logistiques et de stockage – vos interlocuteurs traditionnels sont ceux de l'administration. Est-ce que le fait que des parlementaires s'impliquent pourrait entrer dans votre horizon de pensée ? Vous les sollicitez quand ils viennent vous voir, évidemment, mais dans le contrôle de l'action publique, ce n'est pas un réflexe. C'est le sujet de notre mission : la question du rôle que nous pouvons avoir dans la concrétisation de la loi. Est-ce que vous pouvez imaginer qu'il y ait une relation plus systématique, après l'entrée en vigueur d'une loi, sur ce qui coince ou qui est mal vécu ?

En deuxième lieu, dans la relation que vous avez avec vos adhérents, notamment quant au rôle des chambres consulaires, on s'aperçoit que l'on a besoin de temps. Vous venez de dire, Madame, que justement les patrons n'ont pas le temps – en particulier ceux des TPE et PME – pour rechercher des informations sur les ressources humaines, ou juridiques. Est-ce que vos rôles vis-à-vis des chambres consulaires sont clairs ? Est-ce qu'un chef d'entreprise sait clairement ce qu'il va trouver dans une chambre consulaire, dans son syndicat ou dans sa branche ? Comment envisagez-vous ce sujet face à la complexité croissante des lois et de la réglementation qui s'appliquent à l'entreprise ? Ne faut-il pas mettre l'accent sur la communication pour faire en sorte que cela aille plus vite ? Lors d'une réunion que j'avais organisée sur les « ordonnances travail » avec des représentants du Medef dans ma circonscription, j'étais entouré d'une cinquantaine de chefs d'entreprises, qui ne savaient rien du sujet. Je ne le leur reproche pas du tout, mais ils étaient passés totalement à côté de ces ordonnances. Sur tout ce qui concernait la relance du dialogue social, il fallait pratiquement reprendre les choses à zéro. Est-ce que le parlementaire peut être utile pour organiser des rencontres ? Fondamentalement, il ne devrait pas y avoir besoin de parlementaires, mais nous sommes en France : quand c'est le parlementaire qui lance une invitation entre une administration et des entreprises, n'y a-t-il pas davantage de monde ? Peut-on imaginer de systématiser ce genre d'initiatives ?

Enfin, dans le même esprit de ces rencontres nécessaires, paradoxalement, le contrôle nécessite la confiance. Vous le savez en tant que chefs d'entreprises, mais pour qu'il y ait une délégation du contrôle, il faut une confiance à la base. C'est aussi un enjeu pour nous vis-à-vis des administrations centrales. Pour qu'il y ait un meilleur contrôle de la part du Parlement, il faut rétablir une relation de pleine confiance. J'ai le sentiment que c'est la même chose pour vous. Vous avez dit combien il était important de pouvoir poser des questions à l'administration, sans crainte de se faire contrôler. J'ai été très sensible à vos propos, lorsque vous avez relevé une amélioration allant vers le « contrôle conseil ». Il faut que cela se systématise et que les relations soient plus sereines et normalisées entre les chefs d'entreprises et les administrations qui, au premier chef, sont là pour les accompagner. Dans ce domaine, quel peut être le rôle du parlementaire ? À tout le moins, nous pourrions favoriser les mises en relation avec les contrôleurs. Pouvons-nous jouer un rôle pour fluidifier ce contact entre le monde de l'entreprise et l'appareil d'Etat ?

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Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la CPME

Le chef d'entreprise qui n'est pas impliqué à la CPME, au Medef ou à la chambre de commerce et d'industrie (CCI) a le sentiment que le parlementaire est inatteignable. C'est pourquoi il n'ira pas faire la démarche naturelle d'aller vous rencontrer dans vos permanences. Peut-être que certains viennent, cela dit.

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Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la CPME

En fait, je pense que cette démarche de rencontre serait un réel atout et qu'il serait pertinent d'y associer les organisations interprofessionnelles présentes sur le territoire et même les CCI.

De même, pour un chef d'entreprise, les missions de la CCI et des organisations interprofessionnelles sont souvent méconnues : interrogez cent chefs d'entreprises à ce sujet, et je ne serais pas surprise que 80 % d'entre eux ne soient pas au fait du partage des rôles entre ces différents acteurs. Ce n'est pas très politiquement correct de le dire, mais c'est la réalité de terrain. Je le fais avec d'autant plus d'aisance que mon mari est investi dans les chambres consulaires, et qu'il partage ce constat.

Quand j'ai racheté mon entreprise il y a onze ans, je ne me serais jamais permise de prendre contact avec le parlementaire de mon territoire pour évoquer des problématiques, ou de lui demander son aide pour une mise en relation avec les services adéquats. Je n'aurais pas osé le faire, et j'imagine que beaucoup d'autres chefs d'entreprises n'auraient pas osé non plus. Finalement, cette piste pourrait être intéressante.

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Joëlle Simon, directrice générale adjointe en charge des affaires juridiques, éthiques et de gouvernance des entreprises du Medef

Pour revenir sur le rescrit, l'extension aux branches professionnelles est la nouveauté qui pourrait en permettre un développement plus important. Une entreprise n'ose pas toujours poser la question, mais dès lors que la possibilité est ouverte à une organisation professionnelle, il est plus facile pour cette dernière de poser la question et d'obtenir la réponse, qui intéresse de nombreuses entreprises. Cette mesure, qui existe déjà en matière sociale, contribuerait à libérer le rescrit.

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Vous avez parlé du délai entre l'annonce et l'application. Je suis tout à fait d'accord avec vous : entre le moment où Bruno Lemaire fait une belle annonce et le moment où l'on peut commencer à l'appliquer, il s'écoule tout un temps, propice à l'oubli – puisque nous n'entendons plus parler de cette mesure ; ou bien, lorsque l'on en entend parler, il y a parfois de petits décalages avec ce qui avait été annoncé. Comment pensez-vous que les destinataires de ces lois pourraient aider à leur concrétisation ? Quel rôle les organisations professionnelles telles que les vôtres pourraient-elles jouer à nos côtés pour faire vivre l'attente entre l'annonce et sa concrétisation, avec l'application du texte ?

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Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la CPME

Sur la loi PACTE, il y avait tellement de sujets que certains sont devenus effectifs très rapidement, ce qui était très bien. Pour tout le reste, un étalement dans le temps a eu lieu. Vous l'avez bien dit : après, on n'en entend plus parler. Le décret d'application passe, mais si l'organisation professionnelle ne publie pas un communiqué de presse, si la branche ne procède pas à une information à l'attention de ses adhérents, ou bien encore si les entreprises ne sont adhérentes ni à des organisations interprofessionnelles ni à des branches, elles n'ont pas l'information. Par conséquent, il serait intéressant que des animations aient lieu, et qu'elles réunissent des parlementaires, des organisations interprofessionnelles et pourquoi pas les DIRECCTE, et tous les acteurs des territoires concernés, pour communiquer davantage sur la mise en application et le suivi d'une mesure.

Pour la loi PACTE, c'était flagrant : tellement de mesures sont entrées en application de façon très étalée qu'on ne savait plus distinguer celles qui étaient entrées en vigueur, de celles qui ne l'étaient pas.

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Je vous rassure, cela a été la même chose pour nous.

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Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la CPME

Alors cela me rassure ! Vous comprenez notre agacement, parfois.

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Il me reste à vous remercier de votre présence. Nous attendons vos éventuels compléments écrits.

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Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la CPME

Nous vous transmettrons une note. Merci à vous de nous avoir permis de nous exprimer sur ces sujets.

La séance est levée à 19 heures

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Noël Barrot, M. Philippe Bolo, M. Frédéric Descrozaille, Mme Cendra Motin, M. Vincent Thiébaut, Mme Cécile Untermaier, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Claude Goasguen, M. Laurent Saint-Martin, M. Michel Zumkeller

Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri