Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Philippe Wahl, dont la nomination aux fonctions de président du conseil d'administration de La Poste est envisagée (M. Rémi Delatte, rapporteur).

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Mes chers collègues, la commission des affaires économiques doit rendre un avis préalable à une nomination envisagée par le Président de la République. Par un courrier en date du 23 décembre 2019, le Premier ministre a, en effet, informé le président de l'Assemblée nationale que le Président de la République envisage de reconduire M. Philippe Wahl à la présidence du conseil d'administration de La Poste. Il s'agit bien de reconduire M. Philippe Wahl, puisque ce dernier occupe ses fonctions depuis l'automne 2013, date à laquelle il a succédé à M. Jean-Paul Bailly pour la durée restant à courir jusqu'au renouvellement de la totalité du conseil d'administration. Il a ensuite été confirmé à ce poste en janvier 2016. C'est donc la troisième fois qu'il se présente devant la commission des affaires économiques dans le cadre fixé à l'article 13 de la Constitution, prévoyant que pour certains emplois ou fonctions, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Je vous rappelle que la récente réforme de notre Règlement a adapté cette procédure. Il est désormais prévu que la commission compétente nomme, parmi ses membres, un rapporteur appartenant à un groupe d'opposition ou à un groupe minoritaire. Pour la présente audition, la commission des affaires économiques a désigné notre collègue M. Rémi Delatte, membre du groupe Les Républicains.

Notre rapporteur a établi un questionnaire auquel M. Philippe Wahl a apporté des réponses détaillées. Ce document a été transmis à l'ensemble des commissaires vendredi dernier. Précédemment, vous aviez également tous reçu le curriculum vitae de M. Wahl.

Avant de donner la parole à notre rapporteur, je rappelle les règles principales régissant les auditions organisées dans le cadre de l'article 13 de la Constitution.

Premièrement, l'audition est publique. Deuxièmement, le scrutin est secret et doit avoir lieu hors la présence de la personne auditionnée. Il ne peut donner lieu à délégation de vote. Il sera effectué par appel public. Des bulletins vous seront distribués à cet effet. Troisièmement, le dépouillement du scrutin sera effectué par deux scrutateurs : les deux plus jeunes députés présents appartenant respectivement au groupe La République en Marche et au groupe Les Républicains. Enfin, le dépouillement du scrutin doit avoir lieu simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat, conformément à l'article 5 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

Comme le Sénat auditionnera M. Philippe Wahl ce matin à 11 heures, il en résulte deux conséquences. Tout d'abord, je vous demanderai de respecter votre temps de parole pour les questions, et si possible de faire le plus court possible, pour que nous puissions libérer M. Wahl vers 10 heures 45. Ensuite, je demanderai aux deux scrutateurs de bien vouloir me rejoindre dans cette même salle vers 12 heures 15, pour que nous puissions procéder au dépouillement après que les sénateurs auront procédé à leur audition.

Je donne maintenant la parole à M. Rémi Delatte, rapporteur.

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Nous sommes réunis aujourd'hui pour auditionner M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste, que le Président de la République souhaite reconduire dans ses fonctions.

Conformément à l'article 13 de notre Constitution, ainsi que vient de le rappeler le président Nogal, notre commission doit émettre un avis sur ce projet de nomination. Nous avons donc la responsabilité de nous assurer que le cap choisi par le groupe La Poste et son président-directeur général actuel, M. Philippe Wahl, est le bon pour permettre à cette entreprise de poursuivre sa transformation dans un contexte marqué par un recul constant du courrier postal. Cette audition nous permet ainsi d'évoquer le bilan de l'action du président Wahl à la tête de cette entreprise depuis sa prise de fonctions en 2013 et sa première reconduction en 2016 à l'issue d'une procédure similaire.

Vous avez reçu, à cet effet, les réponses de M. Wahl au questionnaire que j'ai élaboré et que je lui avais transmis. Je rappelle que la présente reconduction de M. Wahl à la présidence du conseil d'administration intervient dans un contexte nouveau, à la suite du rapprochement du groupe La Poste avec CNP Assurances, qui a conduit la Caisse des dépôts et consignations à prendre le contrôle de ce groupe. Sur ce sujet important, je vous laisserai d'ailleurs, Monsieur le président-directeur général, nous faire un point d'étape précis pour que la Représentation nationale soit informée des implications de ce rapprochement, en matière de gouvernance notamment, et des étapes à venir pour le finaliser.

Je commencerai mon propos introductif en rappelant que La Poste occupe une place singulière dans l'histoire de notre pays. En effet, des relais de poste créés sous Louis XI pour transporter les messages royaux à la création d'une véritable administration des postes et du télégraphe au XIXe siècle, avant que les activités de poste et de télécommunications ne soient séparées en 1990 et que La Poste ne devienne finalement une société anonyme à capitaux publics en 2010, on voit bien que l'histoire postale est d'abord marquée par une capacité forte de l'institution à se transformer, donc s'adapter à son époque.

L'attachement des Français à La Poste, pour les missions de service public qu'elle leur rend encore si bien, nous oblige à une vigilance particulière quant à la situation actuelle, d'une part, et à l'avenir de cette entreprise, d'autre part. Le groupe La Poste est, en effet, l'une des principales entreprises publiques françaises. Quelques chiffres permettent d'ailleurs de prendre toute la mesure de ses activités. Le groupe La Poste réalise un chiffre d'affaires de plus de 26 milliards d'euros, dont plus d'un quart à l'international. Il s'appuie sur 250 000 collaborateurs, salariés de droit privé et fonctionnaires, et a un ancrage particulier sur notre territoire avec de plus de 17 000 points de contact qui sont autant de vecteurs de lien social, auxquels nous sommes très attachés en matière de présence sur le territoire.

Cette entreprise joue, enfin, un rôle particulier dans le quotidien des Français, en vertu des quatre missions de service public qu'elle exerce – à savoir le service universel postal, l'aménagement du territoire, le transport de la presse et l'accessibilité bancaire pour les plus démunis.

Pour moi, le groupe La Poste fait face à plusieurs défis qui seront au coeur du mandat de son prochain président-directeur général, et à propos desquels je voudrais dire un mot. Le premier défi est celui de la transformation du modèle du groupe La Poste face au recul inexorable, année après année, du courrier postal. L'entreprise a engagé une diversification accélérée de ses activités en développant notamment un ensemble de services à la personne, pour miser sur l'essor de la « silver économie » et des nouveaux usages du numérique. Il me paraît donc important que vous nous fassiez connaître, Monsieur le président-directeur général, vos projets de développement dans ces domaines et le bilan que vous tirez des initiatives en ce sens depuis que vous avez pris vos fonctions.

Le deuxième défi de La Poste est celui d'un service public qui se transforme légitimement pour s'adapter aux nouveaux modes de vie, mais qui dans le même temps doit conserver un ancrage fort dans les territoires, au service de nos concitoyens. Sur ce sujet, il est utile que les membres de cette commission disposent d'une bonne visibilité sur l'évolution, dans les prochaines années, des différentes missions de service public confiées à La Poste auxquelles nos concitoyens sont fortement attachés.

Le dernier défi est celui de l'internationalisation du groupe afin de lui permettre de gagner des parts de marché sur ses concurrents européens et internationaux. Le groupe, présent dans plus de 40 pays, réalise une part croissante de ses activités à l'international – ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, bien évidemment. Je souhaiterais donc que vous puissiez revenir sur le positionnement de La Poste par rapport à ses concurrents européens et internationaux, ainsi que sur la stratégie que vous souhaitez adopter pour renforcer la présence du groupe à l'étranger dans les années à venir.

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Philippe Wahl, président-directeur général de La Poste

C'est un honneur pour moi de solliciter votre confiance dans ce processus de nomination.

Avant d'aborder un bilan que j'espère totalement factuel et lucide de l'action menée, je commencerai par rappeler le contexte général dans lequel notre groupe s'est développé au cours des cinq dernières années. Les conditions ont été très difficiles. Bien sûr, le courrier a baissé fortement, ce que nous avions anticipé. Je veux quand même vous donner la mesure de l'incidence de cette baisse du volume du courrier : 3,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires de moins. Se sont ajoutées à ce choc la baisse des taux d'intérêt – et même, depuis 2019, des taux d'intérêt négatifs – ; la pression sur le colis, qui se développe bien mais à marge beaucoup plus faible à cause de la pression exercée sur les prix par Amazon et les e-commerçants et de la montée des coûts ; la baisse, comme pour tous les commerces physiques, de la fréquentation des bureaux de poste. Au total, notre groupe est sans doute l'entreprise française la plus chahutée et la plus touchée par la révolution numérique.

C'est à la lumière de ce contexte général qu'il faut apprécier le bilan que je m'efforcerai de vous présenter de manière factuelle – ce sera à vous de le qualifier – avec quatre indicateurs.

Le premier est économique et financier. Au cours de ces années, notre groupe a fait progresser son chiffre d'affaires de 22 à 26 milliards d'euros et son résultat d'exploitation de 790 à 890 millions d'euros, même s'il y a eu une inflexion en fin de période. Nous avons pu accroître nos investissements, car ceux-ci sont la clé de la transformation d'une entreprise. Et même, si nous n'avons pas atteint tous les objectifs économiques et financiers fixés par nos deux actionnaires, l'État et la Caisse des dépôts et consignations, nous n'avons pas cessé, pendant cette période, de leur verser un dividende. Voilà ce qu'il en est des indicateurs économiques et financiers.

Le deuxième indicateur que je vous propose est celui de la diversification, qui a été mentionnée par M. le rapporteur. Il est simple, c'est la part du courrier traditionnel, c'est-à-dire de la lettre, dans le chiffre d'affaires de La Poste : 70 % de notre chiffre d'affaires relevait de la lettre en 1990, cette part est passée à 40 % en 2010 et à 28 % à la fin de l'année 2018. Notre objectif est qu'à la fin de l'année 2020, la lettre représente moins de 20 % de notre chiffre d'affaires. C'est ce que nous appelons la diversification et la transformation de notre groupe. Nous sommes bien avancés pour atteindre cet objectif.

Le troisième indicateur que je vous propose est celui de la qualité des missions de service public que vous nous avez confiées et des relations avec nos clients. S'agissant des missions de service public, je note qu'au cours de toutes ces années, nos objectifs de qualité de service fixés par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l'ARCEP, ont chaque fois été, compte tenu des effets exogènes contrôlés par l'ARCEP, remplis dans tous les secteurs. Par ailleurs, nous avons investi plus de 2 milliards d'euros dans la modernisation de nos bureaux de poste et de nos points de contact postaux. Enfin, la Banque postale s'est bien révélée la banque des clients en situation de fragilité et des exclus.

Au-delà de ces missions, La Poste a rayonné d'autres manières. La Banque postale, par exemple, a lancé une initiative extrêmement importante avec les Assises de la banque citoyenne. Elle a développé une plateforme d'appel pour les clients les plus fragiles financièrement, L'Appui. Elle a, enfin, lancé une fondation d'éducation des jeunes, L'Envol. Et puis, souvenez-vous en, entre 2011 et 2013, lors de la crise de trésorerie et de financement des collectivités locales, la Banque postale a construit à partir de rien la première banque des collectivités locales. De même, en matière d'engagement écologique, notre groupe a été très précurseur. En juin dernier, lors d'un séminaire de l'industrie postale à Bonn, celle-ci s'est engagée à ce que toutes les postes soient neutres en carbone en 2040. La poste française est neutre en carbone depuis 2012.

Le dernier indicateur que je voudrais vous présenter est l'élément social, le « pacte social » de La Poste. D'abord, nous avons signé des milliers d'accords sociaux – ce qui est assez facile quand on a 250 000 salariés. Je voudrais insister plus particulièrement sur quatre d'entre eux, fondateurs : l'accord majoritaire social qui accompagnement le plan stratégique de La Poste ; « Un avenir pour chaque postier » ; l'accord sur les bureaux à priorité sociétale dans les zones urbaines sensibles ; et l'accord sur la modernisation des métiers bancaires. Tous ces accords sont majoritaires. Notre méthode est simple, elle repose sur le dialogue stratégique et social dans le groupe. Nous avons d'ailleurs signé, en 2017, un accord stratégique pour redéfinir la journée du facteur. Il s'agit de l'accord « Facteurs 2017 », qui prévoit 30 000 promotions à la suite de la formation de nos factrices et de nos facteurs. En matière sociale également, je voudrais mettre en exergue deux autres éléments. D'une part, la baisse très sensible des accidents du travail : sur la période, nous aurons « gagné », si j'ose dire, 1 000 accidents du travail par an. Ce sont autant de souffrances et de difficultés en moins pour nos postiers. D'autre part, nous aurons consenti des efforts considérables en matière de formation. Nous consacrons plus de 4,1 % – j'ai bien dit 4,1 % – de la masse salariale à la formation des postières et des postiers. Ainsi, 80 % des postiers sont formés chaque année et 100 % reçoivent une formation sur une période de deux ans.

Voilà donc le bilan factuel de ce qui a été réalisé. Rien de ce qui l'a été n'aurait été possible sans l'engagement, le courage et la résilience face aux difficultés que nous rencontrons du corps social, des postières et des postiers. Je veux devant vous, devant la Représentation nationale, leur rendre un immense hommage.

C'est, bien sûr, avec eux que nous allons maintenant construire le plan de La Poste pour 2030. Nous avons, en effet, intitulé notre nouveau plan stratégique « La Poste 2030 ». C'est ce plan que je m'efforcerai de réaliser dans son premier jalon, d'ici 2025, si vous me faites l'honneur de me donner votre confiance.

Le contexte général restera aussi mauvais que celui que nous avons vécu. Je ne peux pas vous annoncer autre chose. Maintenant, les taux d'intérêt ne sont plus simplement bas, ils sont négatifs. Cette situation perdurera sans doute. C'est une menace à la fois pour la banque et pour CNP Assurances qui vient de rejoindre notre groupe. En matière de courrier, nous sommes à 9 milliards de lettres aujourd'hui et, en 2025, il n'en restera plus que 5 milliards – ce qui se traduira par la perte de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires supplémentaires. Le contexte est posé. Passons avec sérénité à la suite !

La suite, c'est comme d'habitude un plan de conquête et d'innovation. Si nous avons choisi l'horizon 2030, c'est parce que nous estimons qu'il nous faut, avec vous Mesdames et Messieurs les députés, avec les postiers, avec leurs représentants syndicaux et avec toute la société, réfléchir à ce que sera La Poste pour notre pays à cette échéance. Il ne s'agit pas donc pas simplement d'une projection économique et financière, que nous ferons, mais de la projection de notre rôle – dont vous avez parlé, Monsieur le rapporteur – dans la société française de 2030. Ce rôle, nous le voyons comme celui d'une Poste consciente de ses responsabilités sociétales, qui met la puissance de sa proximité et de sa confiance au service de millions de personnes pour leur offrir les services et les produits qui leur permettent de répondre aux grands défis de notre temps : le défi écologique, le défi démographique, le défi territorial et le défi digital. Voilà le coeur de notre plan stratégique et de ce que nous allons travailler ensemble.

Cela signifie que la priorité des priorités consistera à réussir la transformation de La Poste. Car, je vous le dis sans fausse modestie, nous ne sommes pas parvenus, pour l'instant, à réussir cette transformation – même si elle a été, le bilan le montre, très substantiellement engagée. Réussir la transformation, cela veut dire poursuivre la diversification de notre groupe, en France et à l'international. Cela veut dire fondamentalement, car il n'y a pas de transformation de l'entreprise sans investissement, continuer à investir massivement dans les technologies, notre outil de production, les usines de colis, les drones, l'intelligence artificielle ; investir avec notre propre profit mais aussi les augmentations de capital de nos principaux actionnaires. Nous en aurons besoin dans les cinq années à venir. Réussir la transformation, cela veut dire aussi réussir à faire pivoter notre modèle stratégique de poste multi-activités. Cela signifie que La Poste, par ses profits, devra parvenir à dégager une capacité d'investissement lui permettant d'assurer elle-même la pérennité de son développement. Nous avons bien avancé, mais nous n'y sommes pas encore. Ce sera la priorité absolue des cinq ans à venir.

Pour transformer le modèle, il faut transformer celui de chacune de nos activités. Aujourd'hui, il existe deux grands secteurs d'activité dans La Poste : la logistique et les services financiers. En matière logistique – et vous m'y avez encouragé, Monsieur le rapporteur – nous poursuivrons notre développement international. Nous sommes déjà, dans l'Union européenne, le leader de la distribution des colis devant Deutsche Post, DHL, UPS et Fedex. Grâce à l'acquisition il y a trois semaines de la majorité dans le leader italien du colis, l'entreprise familiale BRT, c'est la poste française qui est le leader européen. Ce modèle du dernier kilomètre doit maintenant être projeté à l'international : en Inde, où nous sommes présents ; en Asie du Sud-Est ; en Amérique latine où nous avons une position forte au Brésil ; en Afrique. Voilà les grandes lignes de notre développement international.

Il s'agit également et principalement de réussir ce que nous appelons la révolution de la logistique urbaine. Celle-ci offre la possibilité de décarboner la totalité, j'ai bien dit la totalité, du transport de marchandises dans les métropoles françaises. Nous avons déjà conclu 19 accords avec les 22 métropoles françaises. Nous poursuivrons notre travail, après les élections municipales, avec les nouveaux exécutifs municipaux. C'est un enjeu majeur. La Poste a vocation, stratégiquement, à devenir le leader de la décarbonation du transport de marchandises dans toutes les villes de France. Ensuite, nous irons vers les moyennes villes, les petites villes et vers la logistique rurale. C'est une révolution de la logistique, dont nous essayons de prendre le leadership.

Concernant les services financiers, vous le savez, CNP Assurances entrera dans le groupe La Poste. Nous devons réussir cette articulation entre la banque citoyenne et CNP Assurances, par de nouveaux produits mais aussi, c'est ce qui fait notre différence, par une exemplarité de la Banque postale et de CNP Assurances à la fois dans les services à la cohésion sociale, en étant une banque assurance citoyenne, mais aussi en étant une banque assurance durable, qui participe à la lutte contre le réchauffement climatique.

Logistique et services financiers, ces deux moteurs existent déjà. En 2030, notre devoir nous semble être de construire deux nouveaux moteurs de croissance pour La Poste, qui répondent à deux immenses défis de notre temps : le vieillissement de la population et la digitalisation de la société.

Face au vieillissement de la population, notre réponse est celle des services de proximité humaine. Lorsque nous avons lancé ce nouveau métier en 2013, il représentait zéro euro de chiffre d'affaires. En 2019 et en année pleine, il représentera 494 millions. Ce sont de vrais succès. Le passage du code de la route dans les bureaux de poste est, lui aussi, un très grand succès : 3 millions de jeunes sont passés dans nos bureaux et ont ainsi hâté leur accès à l'emploi. Je peux aussi citer la livraison des repas et la visite aux personnes âgées. Nous avons donc à la fois opéré des acquisitions et développé notre présence. Mais finalement, les vraies références viennent de l'extérieur du monde postal, lorsque nous sommes choisis par d'autres parties prenantes. C'est le cas du département des Landes, qui nous a associés, dans une société d'économie mixte, au développement de son Village Alzheimer. C'est le cas de M. le professeur Bruno Vellas qui, dans le cadre de la stratégie de Mme Buzyn pour la prévention de la dépendance, a décidé d'associer les facteurs à un programme de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé. C'est le cas des professeurs de médecine de l'Institut de recherche contre les cancers de l'appareil digestif, l'IRCAD, à Strasbourg, qui nous confient leurs données de santé – car ils pensent qu'elles sont plus en sécurité à La Poste.

L'autre grand défi de la société auquel nous voulons répondre est la digitalisation. Nous pensons que La Poste, en 2030, pourra avoir un moteur de croissance lié à son rôle de tiers de confiance numérique : être un acteur neutre et universel des relations et des échanges. Sachez que nous sommes déjà le premier hébergeur de données de santé. Je ne suis pas sûr que ce soit connu. La Poste ne fait pas seulement de la lettre ! Elle est, avec le dossier pharmaceutique personnel, le premier hébergeur de données de santé. Nous sommes, bien sûr, impliqués dans la protection de l'identité numérique – raison pour laquelle, la semaine dernière, l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information, l'ANSSI, a décidé de nous accorder, pour la première fois, son certificat pour une identité substantielle pour des millions de Français. C'est un très grand sujet technologique pour la France. Nous sommes aussi protecteurs de l'intimité numérique, de votre intimité numérique. C'est le rôle de notre boîte aux lettres électronique, Digiposte, qui compte déjà 4,2 millions d'usagers. Enfin, nous nous fixons un nouvel objectif en matière de services digitaux, celui de lutter contre l'exclusion numérique. La Poste deviendra un acteur majeur de l'inclusion numérique d'ici 2030.

Grâce à d'anciens moteurs de croissance et à de nouveaux moteurs de croissance, La Poste doit fondamentalement être utile à la société tout entière. Et ce, de deux manières. D'abord – vous m'y avez encouragé, Monsieur le rapporteur – en modernisant et en confortant les missions de service public que vous nous accordez. Le service universel postal, il faut en être conscient, est déficitaire depuis 2018. C'est l'ARCEP qui l'indique. Il nous faut rétablir l'équilibre. Ma priorité, dans l'ensemble de ce processus de rétablissement de l'équilibre avec l'ARCEP, visera à préserver – j'ai bien dit préserver – la fréquence de six jours sur sept qui nous permet de servir tous les points du territoire tous les jours. Mais nous devons nous atteler à l'équilibre du service universel postal.

Pour ce qui est de l'aménagement du territoire, auquel vous êtes très sensibles, notre priorité absolue est de maintenir les 17 000 points de contact dans une société qui se digitalise. Ce sera de plus en plus difficile. De notre point de vue, la voie est dans la mutualisation de l'effort postal avec celui des collectivités locales. J'identifie deux moyens pour le faire. D'abord, l'accord tripartite et triennal sur la présence postale territoriale, que nous devons signer avec Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires, et M. François Baroin, président de l'Association des maires de France, la semaine prochaine. Ensuite, notre participation au dispositif France Service lancé par l'État et les collectivités locales.

En matière de banque, nous sommes en discussion avec la Commission européenne pour cinq années supplémentaires de mission d'accessibilité bancaire.

Au-delà des missions de service public, je nous fixerai deux grands objectifs. Le premier consistera à devenir un leader de la décarbonation. En 2020, nous distribuerons 2 milliards de colis. Notre politique n'est pas d'accumuler les colis, mais de croître dans ce secteur et de diminuer les émissions à effet de serre. En matière bancaire, la Banque postale sera la seule banque avec une gestion d'actifs intégralement issus d'investissements socialement responsables. Nous le mettrons en avant.

Enfin, cette transformation se fera par et pour les postiers. Ce sont eux qui sont La Poste. Ils sont l'image humaine et physique de La Poste tous les jours dans nos territoires. C'est sur eux que nous comptons pour réussir notre transformation, laquelle doit leur bénéficier par un effort encore accru de transformation. Je voudrais citer l'exemple d'une factrice prénommée Angélique, qui a suivi le cours Simplon de codage informatique. Grâce à cette formation, elle a participé au concours des meilleurs développeurs informatiques de France. La formation donne confiance aux postières et aux postiers.

Et, un jour peut-être, dans les cinq ans qui viennent, nous évoquerons la possibilité que la loi a ouverte aux postiers d'accéder au capital de La Poste.

Voilà donc les projets qui nous guident pour les cinq et les dix ans à venir, avec une vision, être utile à la société tout entière, et une volonté, réussir la transformation avec un pacte social et des engagements sociétaux.

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Merci, Monsieur le président Wahl, pour votre exposé qui montre comment, sous votre impulsion, La Poste diversifie ses métiers et se projette vers l'avenir. Cette diversification accélérée a permis, comme le rappelle la Cour des comptes, de pérenniser la situation de l'entreprise et ses missions de service public. Je souhaiterais, néanmoins, au nom du groupe La République en Marche, vous interroger à propos de certains points.

Le mariage, en 2019, entre la Banque postale et CNP Assurances va engendrer la création d'un acteur de la banque assurance doté de 1 000 milliards d'euros. Cette fusion sera soumise à l'approbation de la Banque centrale européenne (BCE) et des autorités de la concurrence. Qu'est-ce qui a motivé le choix du volet assurance dans une entreprise publique ? Êtes-vous confiant quant à la décision des autorités ?

Dans le numérique, vous avez des succès, puisque le processus d'authentification permettant de sécuriser des échanges en ligne vient d'être validé pour sa robustesse par l'ANSSI. Co-rapporteure d'une mission d'information sur l'identité numérique, j'aurais aimé comprendre comment votre solution se coordonnera avec la carte d'identité numérique généralisée dont la France doit se doter en 2021.

Enfin, la Commission supérieure du numérique et des postes a été saisie du nouveau projet de contrat de présence postale territoriale 2020-2022 entre l'État, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité et La Poste. Ce nouveau contrat vise au maintien des services publics dans les territoires, notamment ruraux et périphériques. La nouveauté de la demande est qu'elle a été largement participative, et effectuée en bonne intelligence avec les élus – ce qui a permis de remodeler les missions de La Poste, en particulier dans les zones isolées et sensibles, de prévoir un engagement renforcé dans le numérique et un meilleur suivi de l'expérience client, concernant notamment les horaires des postes ou la satisfaction client. Comment les Maisons de services au public – les MSAP –, prendront-elles en compte ces changements ? À quel rythme de déploiement les installerez-vous ? Enfin, instaurerez-vous des indicateurs sociaux et sociétaux de la présence postale sur les territoires, afin de mieux visualiser les problèmes liés aux territoires isolés ?

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Le groupe La Poste est une entreprise protéiforme à laquelle les Français sont très attachés, tant d'un point de vue historique – le facteur étant, pour beaucoup, le tiers de confiance – qu'au regard des missions que cette entreprise remplit : la distribution du courrier, l'accessibilité bancaire et la présence territoriale. C'est précisément sur le réseau que je souhaite vous interpeller. Derrière le nombre global de 17 000 points de contact, se joue actuellement une véritable transformation. Les bureaux de poste représentent, aujourd'hui, moins de la moitié des points de contact, dont la majorité est désormais gérée sous la forme de partenariats, avec des agences postales tenues par les communes ou les intercommunalités et des relais poste tenus par les commerçants. Si l'on peut comprendre l'enjeu de ces mutualisations du point de vue de la rationalisation des moyens de l'entreprise, il est en revanche bien plus difficile de soutenir la baisse du niveau de services aux usagers. Une agence postale ne permet pas de réaliser les mêmes opérations qu'un bureau de poste. Je pense notamment au retrait des envois en recommandé ou au montant des retraits en espèces. J'ai donc une question et une alerte.

Quelles sont vos perspectives concernant la poursuite de la transformation du réseau ? Pour la rendre acceptable, quels efforts comptez-vous faire pour tirer vers le haut les niveaux de service ?

Pour le moment, les transformations de bureaux de poste en agences postales ont surtout concerné des communes de taille intermédiaire ou de petite taille. Demain, si vous poursuivez dans cette voie, ce sont les bureaux de poste des chefs-lieux de canton que vous allez vouloir transformer. Nos concitoyens ont besoin d'un service public fort sur tous les territoires. Les membres du groupe Les Républicains considèrent que les élus ne pourront pas continuer à accompagner La Poste dans l'ouverture d'agences postales si le service aux clients n'est pas au rendez-vous.

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Le déficit de la mission de service public de la distribution de la presse est un problème bien connu. La Poste avance l'argument que cette charge historique abaisse sa capacité à se transformer. Néanmoins, l'État continue à participer au financement de cette aide à travers une compensation qui est encore de 95,9 millions d'euros en 2020, en baisse du fait de celle du nombre d'abonnés servis. Selon La Poste, la réduction du montant de la compensation accordée par l'État à cet égard entraîne une aggravation du déficit qu'elle subit dans le cadre de cette activité. La marge contributive au résultat du groupe est-elle négative ? Autrement dit, si vous n'assuriez plus la distribution de la presse, le résultat du groupe se porterait-il mieux ? En outre, avec le développement d'internet dans les territoires, la marge contributive de cette activité, qui s'effectue dans un contexte très concurrentiel, ne risque-t-elle pas de baisser ?

Une autre des questions du groupe du Mouvement démocrate et apparentés porte sur la décarbonation à 100 % que vous avez évoquée. Concerne-t-elle aussi vos activités à l'international ?

Par ailleurs, ne regrettez-vous pas que la Française des jeux, la FDJ, ait remporté le marché de la perception des impôts ?

Ma dernière question sera plus personnelle. Pour un banquier, n'est-il pas trop difficile de diriger une entreprise qui, en quelque sorte, a tout d'une « entreprise à mission » ?

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Vous avez la volonté de poursuivre vos fonctions à la tête du groupe La Poste, entreprise qui connaît depuis plusieurs années, ainsi que vous l'avez longuement expliqué, de profonds bouleversements et est donc en pleine mutation. Face au défi immense du déclin de son activité historique du courrier, vous avez diversifié vos activités, ce qui s'avérait indispensable pour vous adapter aux nouveaux besoins.

Ma première question, au nom du groupe Socialistes et apparentés concerne les services de proximité que vous avez développés. Ce développement est-il conforme à vos prévisions ? Je pense plus particulièrement à la formation des salariés conduits à effectuer ces services. En tant qu'élue de montagne, vous imaginez bien que je porterai une attention particulière aux restructurations, pour m'assurer qu'elles sont compatibles avec les contraintes, notamment géographiques – ainsi que j'ai eu l'occasion de vous en parler à plusieurs reprises. On observe, parfois, certaines incohérences. Une attention particulière est nécessaire.

J'associe mon collègue Dominique Potier à cette intervention, car il est très sensible à ce sujet. Votre groupe a fait des efforts louables en mettant en oeuvre un plan de prévention dans le cadre de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre. Cet élément de différenciation pourrait-il permettre, et si oui comment, aux collectivités de choisir La Poste de manière exclusive pour le dernier kilomètre et éviter ainsi le déploiement exponentiel d'une myriade de véhicules dans la mesure où La Poste se rend tous les jours dans chacun des villages français ?

Enfin, pour reprendre la question posée par ma collègue, la décarbonation que vous avez engagée concerne-t-elle aussi vos missions et vos activités à l'étranger ?

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Au nom du groupe Libertés et Territoires, je vous remercie pour vos propos liminaires très complets. Je tiens également à saluer votre action visant à moderniser et diversifier les services de La Poste afin d'assurer sa pérennité. Nous le savons tous ici, La Poste est un acteur clé de l'aménagement du territoire et du dynamisme de nombre de nos communes.

Vous avez prévu d'articuler le projet de contrat de présence postale autour de trois idées directrices : la mutualisation, la diversification et la numérisation. S'agissant de la mutualisation, le développement de services de proximité à domicile, notamment pour les personnes âgées, constitue un levier pour maintenir la vitalité du groupe, ses emplois dans le territoire et l'autonomie de nos aînés. Vous avez manifesté votre volonté de renforcer l'attractivité des métiers du grand âge, la prévention ou encore le libre choix des personnes âgées en créant une nouvelle prestation « autonomie à domicile ». Pouvez-vous nous détailler certaines de ces propositions ?

Face à l'inéluctable baisse du volume de courrier, quels engagements prenez-vous pour assurer l'ouverture des bureaux de poste, notamment en milieu rural ? Il ne devrait rester que 5 milliards de lettres distribuées à horizon 2025, contre 9 milliards aujourd'hui. L'incidence se fait déjà sentir dans mon département, je vous en ai régulièrement parlé. Les bureaux de poste n'y sont souvent ouverts qu'une demi-journée. Cette organisation complexifie le quotidien de nos concitoyens, contraints de parcourir plus de kilomètres jusqu'au prochain bureau de poste, et renforce parfois le sentiment de délaissement des zones rurales.

Quant à l'ouverture des maisons France Service, qui remplacent les MSAP pour lesquelles vous avez beaucoup oeuvré, comment comptez-vous améliorer la qualité et l'accessibilité des services postaux dans ces nouvelles maisons ? Quels fonds seront alloués à la montée en gamme de ces points de contact, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens ?

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Monsieur le président, je vous demande d'être le plus concis possible afin que la quinzaine de collègues qui souhaitent encore vous interroger puissent tous intervenir.

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Philippe Wahl, président-directeur général de La Poste

Je serai concis et convaincant !

Pour revenir à la première question, relative à l'opération entre La Poste, la Caisse des dépôts et consignations, la Banque postale et CNP Assurances, je tiens d'abord à rappeler que ce projet a été décidé par le Gouvernement, porté par notre ministre, celui de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, soutenu par la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, dont je salue la présidente ici présente, et par le directeur général de la Caisse. Enfin, cette opération a été permise par le Parlement, puisque vous avez amendé la « loi Estrosi » en ce sens. J'observerai, ensuite, qu'il s'agit d'une opération de cohérence et de force stratégique. Tous les groupes bancaires français, à l'exception de la Banque postale, avaient une banque assurance complète. Grâce à cette opération, CNP Assurances se rapproche de la Banque postale dont le dispositif sera le même que celui de ses cinq concurrents. Le marché financier s'est prononcé sur cette opération : il n'y a eu aucune opposition – j'ai bien dit aucune opposition – d'aucun actionnaire. L'opération a donc été validée par le marché financier, puisque la CNP Assurances est cotée et nous renforce. Où en sommes-nous du processus concernant les autorités réglementaires ? Nous attendons encore le retour des autorités réglementaires italienne et russe. Dès qu'elles nous auront fait savoir leur accord, nous déclencherons l'ensemble de l'opération. Nous en sommes à quelques semaines.

Notre activité numérique a connu un vrai succès avec la certification de l'identité numérique de La Poste, la semaine dernière. Nous sommes les premiers à avoir été certifiés. Il s'agit là d'une identité substantielle moins forte que l'identité régalienne. Ce sera l'identité de tous les jours, de la vie quotidienne. La carte d'identité, avec une identité renforcée, sortira plus tard. D'ici là, il nous semble très utile que les Français puissent disposer d'une première protection. C'est le rôle de La Poste, tiers de confiance neutre et universel, de le permettre.

S'agissant des MSAP et de leur transformation progressive, j'observe que nos discussions avec l'Association des maires de France ont permis d'aboutir à un cinquième contrat triennal, que nous devrions signer la semaine prochaine avec Mme Jacqueline Gourault et M. François Baroin. Évidemment, vous le savez car vous participez à nos travaux, nous allons chercher à être plus précis quant aux différents indicateurs de fréquentation des MSAP et des maisons France Service.

Nous sommes très attachés à la présence postale et vous avez raison de dire que cette présence a muté. Dans la moitié des situations, cette présence est assurée par des bureaux de poste. Dans l'autre moitié, elle l'est par des points partenariaux. Je crois qu'il faut ici apporter deux précisions. La première, c'est que nous avons, à la demande de l'Autorité des marchés financiers, accru le montant du versement et de la récolte de cash qui peuvent être effectués dans nos bureaux de poste – le plafond passera ainsi, à la demande des élus, de 350 à 500 euros, ce qui est un véritable effort – et ouvert ce recueil de cash aux associations et à leurs responsables.

La seconde précision, c'est qu'avec ce dispositif, le service de conseil bancaire diminue effectivement, et nous n'y pouvons rien : par définition, ni un commerçant, ni son salarié, ni un employé municipal, ni un maire ne peut donner un conseil financier. Il faut donc renvoyer la personne intéressée vers le bureau de poste le plus proche. C'est une réalité.

En revanche, très souvent, les mairies et surtout les commerces ont une amplitude horaire bien plus importante que celle des bureaux de poste. C'est la raison pour laquelle cette solution est intéressante. En général, d'ailleurs, les maires et les habitants en sont très satisfaits. Nous avons désormais l'expérience de 6 500 cas. Le numérique et la possibilité de délivrer le conseil bancaire en visiophonie apporteront peut-être une solution au problème que vous décrivez. En tout état de cause, je l'ai précisé dans ma présentation, notre présence est stratégique : nous voulons rester au coeur des territoires. Nous devons trouver, avec les collectivités locales, les bonnes voies pour le faire. Je suis très confiant.

Enfin, je pense que l'essentiel de notre effort de réorganisation des bureaux de poste ne portera pas sur les chefs-lieux de canton : nous le concentrerons sur les grandes villes et les métropoles. À titre d'exemple, il y avait à Paris 200 bureaux de poste pour 2 millions d'habitants. Nous réduirons progressivement ce nombre à 130. Du fait de la densité de la ville, qui est l'une des plus fortes du monde, nous n'avons en effet pas besoin de ces 200 bureaux. Qui plus est, l'intervention de commerces peut permettre d'étendre les horaires.

S'agissant de la distribution de la presse, la situation est simple : cette activité nous coûte 170 millions d'euros, même une fois que nous avons reçu la compensation de l'État. Ainsi, pour le dire autrement et aussi poliment que possible, la Commission européenne estime que cette mission n'est pas surcompensée : c'est un euphémisme ! La marge est négative de 170 millions d'euros… Cette activité nous coûte extrêmement cher, mais nous l'assurons. Vous observerez d'ailleurs que je ne m'exprime jamais à ce sujet : c'est en réponse à votre question que je le fais maintenant. Cette activité nous coûte beaucoup d'argent.

Concernant la décarbonation, je veux rappeler ce que nous faisons aujourd'hui en France et à l'international. Pour ses missions de transport comme pour ses centres informatiques et de données, notre groupe est totalement neutre en carbone. Cela ne signifie évidemment pas, à ce stade, que nous n'émettons pas de carbone, mais que tout le carbone émis a été compensé par des programmes de reforestation et d'investissement écologique – et pas simplement en Afrique et en Amérique latine, puisque nous avons récemment investi, dans le cadre du G20 à Biarritz, dans des opérations de reforestation dans les Pyrénées-Atlantiques. Nous finançons de nombreux projets de décarbonation. Nous avons l'intention d'en faire un argument de compétitivité, car nous sommes les seuls à être neutres en carbone. À la limite, les jeunes générations devraient refuser tout colis qui n'est pas transporté par La Poste, puisqu'il est alors carboné. Je dis bien « à la limite » !

Vous m'avez également demandé ce que je pensais du fait que la FDJ ait remporté le marché de la perception des impôts : je ne peux pas commenter une décision de l'État, dont j'ai pris acte.

Le postier que je suis se souvient qu'il a été banquier – c'est utile quand on dirige une compagnie d'assurances avec 700 milliards de bilan bancaire et assurantiel. Mais je suis postier.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué les réorganisations de notre implantation. Au fur et à mesure des réorganisations, elles deviennent plus complexes. Quand vous passez de 18 milliards à 15 milliards d'objets, ce n'est pas très compliqué. Mais quand vous commencez à descendre à 9 milliards d'objets, puis quand vous devez réduire encore ce nombre à 5 milliards, cela le devient. Nous y sommes très attentifs. J'ajoute que notre présence sur le terrain n'est pas seulement celle des postières et des postiers, c'est aussi la mienne et celle des postiers qui dirigent La Poste. Je suis d'ailleurs aujourd'hui accompagné par trois éminents postiers – deux postières et un postier : la directrice générale adjointe en charge de la branche numérique et de la communication, Mme Nathalie Collin, qui protège les données de millions de Français, M. Yannick Imbert, ancien préfet, responsable des relations avec les territoires, et Mme Smara Lungu, qui travaille avec les élus. Je suis très souvent présent sur le terrain. Vendredi dernier, j'étais à Vesoul où j'ai rencontré M. Yves Krattinger, président du département. Je serai, vendredi prochain, à Chambéry. Je ne vous détaillerai pas tout mon carnet de bal pour l'année, mais cette présence sur le terrain est importante. C'est un engagement concret. Mon déplacement à Vesoul était le 115e sur le terrain – dont 100 pour des réunions avec les syndicats locaux ! Nous sommes investis dans le territoire, comme tous les dirigeants du groupe.

Madame Battistel, vous m'avez interrogé à propos du développement des services, notamment dans la silver économie. La situation est assez simple. Nous pensons qu'un marché est appelé à fortement se développer du fait du vieillissement de la population : celui de la livraison des repas à domicile. Nous venons de remporter un appel d'offres très compétitif lancé par la ville de Nice, où 12 tournées supplémentaires seront intégralement destinées à la livraison à des anciens. La France comptera 1,3 million de nonagénaires en 2030 et 10 millions de personnes âgées de plus de 70 ans en 2040. Qui peut imaginer un seul instant que la société n'en sera pas complètement bouleversée ? Nous proposons également l'installation d'équipements médicaux à domicile. La très bonne nouvelle pour nous, je vous l'ai indiqué, est que des partenaires extérieurs à La Poste – professeurs de médecine, responsables de gérontologie, responsables de départements – affirment avoir besoin de nous. Cela témoigne que nous avons fait nos preuves dans ce domaine au cours des dernières années. Vous me demandez si notre chiffre d'affaires est conforme à nos attentes. Il s'est établi à 494 millions d'euros en 2019. Je n'ai rien contre plusieurs milliards d'euros ! Mais il faut aller les chercher. C'est toute la difficulté.

Concernant les tournées, vous avez raison d'observer que la situation est compliquée. Je rappelle que nous effectuons 46 000 tournées tout-terrain. Nous sommes très attentifs à vos remontées en la matière.

S'agissant de l'autonomie à domicile, nous pensons vraiment que nous pouvons participer aux politiques publiques que l'État, les collectivités locales et notre futur premier actionnaire – la Caisse des dépôts et consignations – mettront en avant. La Poste est une « entreprise solution », parce que les postières et les postiers ont la confiance de millions de personnes, absolument partout. Et nous pensons pouvoir être très utiles dans la stratégie de maintien à domicile que notre pays a choisie, car les Françaises et les Français nous accueillent chez eux. Il existe d'ailleurs, entre les factrices, les facteurs et leurs clients, des arrangements que je ne veux même pas connaître ! Il faut laisser les postières et les postiers s'adapter à la complexité territoriale française.

Enfin, s'agissant des maisons France Service, nous avons la volonté de poursuivre la transformation des MSAP, que vous connaissez bien, Madame Pinel. En effet, c'est grâce à vous et à votre stimulation que nous en avons développées 500 en 2017. Nous sommes conscients que nous devons améliorer leur qualité et que ce que nous faisons n'est pas toujours parfait. Lorsque nous sommes critiqués, nous le reconnaissons et nous essayons d'apporter une réponse aux reproches qui nous sont faits.

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Vous l'avez dit que le courrier représentait 28 % du chiffre d'affaires de La Poste en 2018, contre 71 % en 1991. Quelles sont les incidences de cette baisse sur les métiers historiques de La Poste liés à la distribution du courrier ? Quelle politique de l'emploi menez-vous pour faire évoluer ces métiers et aider à la reconversion de vos effectifs ? Quelles sont les conséquences sur le recrutement ?

Par ailleurs, des milliers de bureaux de poste maillent aujourd'hui notre territoire. Outre les maisons France Service, dont vous avez parlé, La Poste pourrait-elle envisager d'autres projets pour mutualiser ses bureaux ? Quels en seraient les principaux intérêts pour l'opérateur et pour le public ?

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Une distribution du courrier six jours sur sept, telle qu'elle a toujours été organisée, demeure-t-elle pertinente au regard de l'évolution de votre activité et des attentes des usagers ?

Par ailleurs, je suis très sensible à la diversification vers le service à la personne. J'y crois fermement, dans le cadre de partenariats. Vous avez évoqué ce qui se pratique dans mon département, à Nice et dans d'autres communes. Des partenariats plus ciblés avec les centres communaux d'action sociale, les CCAS, peuvent-ils également être envisagés pour faciliter les mutualisations ?

Enfin, dans le cadre de son évolution vers le développement numérique, votre groupe envisage-t-il des rapprochements ou des acquisitions de start-ups, dans le domaine de l'intelligence artificielle notamment ?

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J'ai eu l'occasion de rencontrer le délégué aux relations territoriales pour la Seine-et-Marne du groupe La Poste lors de l'annonce de la réorganisation de la distribution du courrier dans les communes de ma circonscription, notamment Lognes et Champs-sur-Marne. J'ai pu appréhender l'ampleur des transformations engagées par le groupe tant dans sa réorganisation territoriale, avec 17 000 points de contact et des partenariats divers avec les maisons France Service et les commerces locaux, que dans ses services face à l'avènement du numérique. Dans le cadre de la diversification de ses offres de services, le groupe a récemment pris position sur le marché de l'identité numérique et il est désormais en capacité d'offrir un niveau de garantie substantiel pour les démarches en ligne. Comment La Poste compte-t-elle s'imposer face aux géants du numérique, déjà très présents sur ce marché ?

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Nous avons tous compris que le volume du courrier était en diminution et que vous diversifiez vos activités notamment vers le service à la personne, ce qui est une très bonne chose. Néanmoins, s'agissant du métier historique de la distribution du courrier, nous relevons dans nos territoires un certain nombre de dysfonctionnements. Sont-ils liés à votre politique de recrutement et au turn-over trop important des facteurs ? Sont-ils le fait de l'informatisation ? Quelle qu'en soit la raison, il est dommage de constater un certain recul de la qualité de la distribution.

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Dans un contexte de vieillissement démographique, le marché des services en direction des personnes âgées va fortement se développer. En France, les personnes de plus de 60 ans seront 24 millions en 2060, dont 5 millions auront plus de 85 ans. Vous le savez certainement, le projet de loi « Grand âge et autonomie » devrait arriver courant 2020 et soulever des questions cruciales liées à la prise en charge de la dépendance et au maintien à domicile des personnes âgées. Forte d'un maillage territorial extrêmement développé, La Poste pourrait jouer un rôle clé. En effet, il arrive que les postiers soient les seuls contacts humains et familiers de certaines personnes âgées durant la journée, leur permettant ainsi de rompre avec un quotidien parfois difficile. Pouvez-vous nous indiquer quel rôle La Poste entend jouer dans l'accompagnement des personnes âgées à domicile ?

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La Poste peut s'appuyer sur des personnels motivés et fiers de leur entreprise. À l'image du bureau de poste de l'Assemblée nationale dont les agents sont compétents et serviables, vos agents sur le terrain font également preuve d'implication et de disponibilité. C'est d'autant plus remarquable que leurs tâches sont sans cesse modifiées et qu'ils se trouvent au contact des usagers parfois mécontents des changements de tournées qui font maintenant arriver le courrier, à certains endroits, en milieu ou en fin d'après-midi. Ne faut-il donc pas être plus attentif aux conditions de travail de vos personnels, lesquels expriment aujourd'hui un vrai malaise devant ces changements incessants qui contrarient aussi les usagers ?

Par ailleurs, devant la multitude des tâches demandées à La Poste – distribution du courrier, distribution de repas à domicile, passage du code de la route, vente de téléphones portables, de forfaits téléphoniques et même de matériel médical… on s'y perd un peu ! Afin de rendre l'entreprise plus lisible et de moderniser son image, ne faudrait-il pas se concentrer sur quelques compétences bien maîtrisées plutôt que de se disperser ?

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Dans vos propos liminaires, vous avez présenté succinctement les secteurs de diversification de vos services. Pour comprendre un peu mieux votre vision pour le groupe à long terme, pouvez-vous nous préciser quel est, à vos yeux, le secteur de diversification le plus stratégique ? Nous avons, bien sûr, évoqué les services à la personne. Mais quel secteur permettra à La Poste de poursuivre son développement ?

Vous avez également indiqué que votre entreprise était la plus touchée par la révolution numérique. Pourtant, en 2018, la branche numérique ne représentait que 0,1 % de votre chiffre d'affaires. Comment La Poste entend-elle utiliser les nouveaux outils numériques pour assurer son développement ? Je pense notamment aux partenariats ou à l'incubation de jeunes entreprises.

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Je souhaite avant tout remercier M. Michel Rigolet, directeur du bureau de poste de l'Assemblée nationale, dont l'équipe effectue un travail remarquable pour nous accompagner dans nos missions de députés, et qui part à la retraite dans un mois. Je remercie également tous les facteurs et les factrices de France. Ces hommes et des femmes sont au contact de la population dans tous les territoires et apportent un véritable lien social à nos aînés. Vous savez combien La Poste tient une place importante dans nos campagnes. Toutefois, je voudrais appeler votre attention sur deux points : la continuité de la qualité du service et les horaires d'ouverture.

Nous sommes régulièrement confrontés à un problème de rotation des personnels, notamment dans les territoires les plus éloignés des agglomérations – qui sont également les plus difficiles à connaître. Nous le constatons par exemple en ce moment, avec le retour de nos cartes de voeux alors même que les adresses sont les bonnes. Le renouvellement permanent d'agents en CDD de courte période ne favorise pas le lien avec nos concitoyens. Quelles mesures pourriez-vous instaurer pour garantir une meilleure connaissance du terrain par ces agents ?

Les réductions des horaires d'ouverture des guichets sont également problématiques pour nos concitoyens, notamment pour les salariés qui vivent en zone périurbaine : il est difficile de venir chercher un courrier recommandé quand un guichet ferme à 17 heures.

J'ai dépassé mon temps de parole, mais je tiens à vous dire, Monsieur le président, que vous serez le bienvenu dans le département de la Loire !

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Mon intervention portera sur la relation de votre groupe avec les élus. Vous le savez, La Poste est emblématique de la présence du service public, notamment en milieu rural. Les décisions de mutation, de transfert ou de suppression de bureaux de poste provoquent toujours un émoi assez fort – et généralement, cet émoi se traduit par des interpellations dans les permanences des députés que nous sommes. En tant qu'élu régional, j'ai siégé à la CDPPT, la commission départementale de présence postale territoriale, de mon département. Ne pensez-vous qu'à l'instar de ce qui se passe avec la dotation d'équipement des territoires ruraux, nous pourrions élargir ces commissions aux parlementaires qui sont toujours sollicités sur ces sujets ? Nous pourrions également, pour que leur composition soit à l'image de la Représentation nationale, avec un équilibre entre le Sénat et l'Assemblée nationale, faire en sorte que les nominations relèvent des présidents de ces deux chambres. Pleinement investis dans les CDPPT, les parlementaires pourraient ainsi participer aux transformations et à l'évolution du groupe La Poste et de ses métiers.

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Ma question en complétera d'autres, puisqu'elle sera relative à la proximité de La Poste dans les territoires. Je considère que vous êtes resté assez évasif dans votre réponse quant à votre présence dans le MSAP et la transformation de vos agences. Nous souhaiterions obtenir des précisions sur les moyens mobilisables., d'autant que souvent, me semble-t-il, les financements reposent assez largement sur les collectivités.

La deuxième partie de mon intervention concerne l'évolution de votre activité bancaire. Pourquoi avoir choisi « Ma French Bank » quand un intitulé français, plus parlant pour vos clients, aurait sans doute pu être trouvé ?

Enfin, la poursuite de votre déploiement dans les réseaux ne peut pas seulement se faire avec les collectivités. Les petits commerces ont également un rôle à jouer. Mais sur ce sujet, la question de mon collègue Jean-Pierre Vigier sera sans doute bien plus pointue que la mienne !

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Je voudrais d'abord saluer le travail accompli depuis 10 ou 15 ans par les dirigeants de La Poste, mais aussi par le personnel. Aujourd'hui, le courrier est distribué six jours sur sept en France. C'est l'une des fréquences les plus élevées d'Europe. À titre d'exemple, nos voisins belges ont décidé de ne distribuer le courrier qu'un jour sur deux. Avec la baisse du volume de courrier envoyé et reçu chaque année au profit d'autres modes de communication plus modernes, les modalités actuelles de distribution sont-elles toujours pertinentes ? Comment repenser le système pour qu'il s'adapte aux transformations de nos modes de communication tout en répondant, évidemment, aux exigences du service public ?

Enfin, quelle serait l'incidence sur les finances et les effectifs si une réduction de la distribution était envisagée ? En fait, vous avez déjà anticipé cette question et vous y avez répondu.

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Je remercie notre cher rapporteur pour son exposé préalable.

Vous le savez, le maillage territorial de votre groupe est dense, voire très dense dans les zones rurales – qu'il s'agisse de la distribution du courrier comme de la présence des agences postales ou de La Poste dans les communes. Cette présence est très importante, car elle apporte un service de qualité et de proximité, mais permet surtout de renforcer l'attractivité de territoires ruraux très fragiles. Cependant, nous le constatons et vous l'avez précisé, le volume du courrier distribué diminue d'année en année.

D'autres services pourraient être apportés par La Poste et ses facteurs à la population en milieu rural, où de nombreuses communes n'ont plus aucun commerce. Pourtant, le facteur distribue le courrier tous les jours. Avez-vous réfléchi à la distribution de produits alimentaires dans ces communes ? Je connais une commune rurale dans laquelle une entreprise fabrique du pain et des viennoiseries. Elle a trouvé des points de vente dans d'autres communes, mais n'a pas les moyens de distribuer ces produits alimentaires. La Poste pourrait-elle, à l'avenir, proposer ce service ?

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Le sujet du dernier kilomètre me préoccupe tout particulièrement, de même que celui des personnes âgées en milieu rural. Le fait que ces dernières puissent voir leur postier tous les jours est très important.

Vous avez évoqué votre déplacement à Vesoul, qui se situe dans ma circonscription. Je suis très déçue de ne pas avoir été informée de votre présence. J'aurais été avec plaisir à vos côtés.

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Je suis députée du Cher. La semaine dernière, j'ai visité avec votre délégué régional, M. Ludovic Provost, le bureau de poste rural de Lury-sur-Arnon, l'agence communale de Preuilly et le service « Veiller sur mes parents ». Ainsi que j'ai eu l'occasion d'en discuter avec vous en octobre dernier à Bourges, l'évolution du métier de facteur est très intéressante. La diversification des services se fait dans la continuité d'une présence de terrain à laquelle les Français sont très attachés. Mais elle bouscule aussi certaines équipes vieillissantes, que l'on envisage de regrouper avec d'autres dans des villes plus importantes. Je n'ai pas de question à vous poser, mais j'appelle votre attention afin que les situations soient examinées au cas par cas, pour accompagner au mieux et humainement ces restructurations. Peut-être certaines d'entre elles, en fonction de l'âge des équipes, peuvent-elles être temporisées sans que cela représente un coût trop important.

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Mon intervention prendra la forme d'une interpellation plutôt qu'une question. Garde-Colombe, dans ma circonscription, accueille l'unique musée de la poste rurale de France. Ce musée est implanté dans les locaux d'un bureau de poste. Nous avons eu vent que ce bureau pourrait être transformé en relais postal et, de fait, transféré dans les locaux de la mairie. Il serait ainsi séparé du musée postal. Serait-il concevable que le seul musée postal rural de France ne se trouve plus dans un bureau de poste ?

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Ma première question porte sur les fermetures de bureaux de poste. J'imagine qu'elle a déjà été soulevée avant mon arrivée, mais je la poserai une énième fois car elle concerne de nombreux territoires dans lesquels on constate des fermetures sans préavis. Les maires se retrouvent face à des bureaux de poste fermés, ou des absences non remplacées durant les congés. Je souhaite que vous nous apportiez des assurances. Ces situations sont mal vécues par nos territoires ruraux, à juste raison. Qui plus est, elles ne sont pas prévues par les conventions signées entre La Poste et le Gouvernement.

Ensuite, s'agissant du nouveau groupement constitué avec CNP Assurances, pouvez-vous nous confirmer qu'initialement, la Caisse des dépôts et consignations ne devait pas débourser un seul euro conformément à ce que prévoyait la « loi Pacte » ? Or d'après le dernier décret publié, il semblerait qu'elle doive payer 1 milliard d'euros. Qu'en est-il exactement ?

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Philippe Wahl, président-directeur général de La Poste

Le métier historique du facteur est évidemment chamboulé. Je vais même plus loin : nous changeons la journée professionnelle du facteur. Le flux dominant n'étant plus la lettre qui arrivait très tôt, mais le colis qui arrive beaucoup plus tard, on déplace nécessairement la journée de travail. Cela peut être difficile, bien sûr. L'enjeu consiste à négocier cette évolution avec les syndicats et à l'expliquer aux facteurs, pour obtenir leur compréhension et les associer à la définition de leur nouveau métier. Nous avons dépensé énormément d'énergie et d'argent pour cette formation. Les nouveaux métiers, j'ai conclu mon propos liminaire par cela, constituent un enjeu absolument fondamental. Nous poursuivrons notre aide à cette reconversion. Nous continuons, d'ailleurs, à recruter des facteurs. Et pour cause, lorsque le facteur de Bagnères-de-Bigorre part à la retraite, il ne peut pas être représenté par celui de Saint-Étienne… Nous avons un réseau qu'il faut tenir, en essayant de trouver les bonnes formes d'emploi pour le faire. C'est un enjeu absolument fondamental.

J'en viens à la distribution six jours sur sept. C'est ma priorité en matière de service universel postal. Vous avez été plusieurs à m'interroger à ce propos. Nous devrons faire évoluer le service universel postal, mais ma priorité vise à conserver la fréquence de six jours sur sept. D'abord, parce que vous-mêmes, nos clients et tous les territoires y sont très attachés. Ensuite, parce que si nous mettons en avant la puissance de la proximité, il ne faut pas la casser. Comment distribuer des repas à domicile si, comme la poste belge, nous ne passons plus qu'un jour sur deux ? C'est impossible ! Il y aurait là une contradiction stratégique. C'est la raison pour laquelle il est si important de maintenir cette fréquence.

Par ailleurs, nous continuerons à nous développer dans les services à domicile et les services de proximité. J'ai observé un fort soutien de votre part en ce sens, et je vous en remercie. L'enjeu est de taille. Le relever ne sera pas chose aisée. Nous devrons notamment être capables, avec vous d'ailleurs et avec les maires, de nouer des partenariats stratégiques avec les associations. Il ne faut pas que La Poste arrive en terrain conquis. Il convient que, territoire par territoire, elle parvienne à s'intégrer avec les collectivités locales et les associations. Nous nous efforçons de le faire. Évidemment, nous nous tenons à la disposition de tous les CCAS de France. À Nice, l'opération que j'évoquais est passée par le CCAS.

Enfin, nos investissements dans le numérique ont été considérables. Ainsi, depuis quatre ans, nous avons investi plus de 300 millions d'euros dans la branche numérique dont le chiffre d'affaires dépasse 800 millions. J'ajoute que nous avons intégré la start-up grenobloise ProbaYes, spécialisée dans l'intelligence artificielle. Nous poursuivrons dans cette voie.

Comment répondre aux géants du numérique ? En offrant la meilleure qualité possible, au coût le plus faible possible, en étant décarboné, mais aussi en comptant sur le soutien des politiques publiques. Toutefois, Amazon est notre premier client et je ne peux pas ignorer qu'il nous adresse des centaines de millions de colis. Une compétition avec son premier client est une situation assez neuve dans l'économie industrielle, mais les postiers en ont vu d'autres !

Par ailleurs, je l'ai dit moi-même, il arrive que les réorganisations – qui sont inévitables et nécessaires compte tenu de la baisse des volumes – soient difficiles. Nous nous en sortons en négociant avec les syndicats et en avertissant les élus. Une remise en cause de la distribution sans avoir prévenu les élus et sans préavis serait une erreur professionnelle de notre part. Nous ne pouvons conserver notre rôle à vos côtés dans les territoires que si vous êtes des partenaires. Or les partenaires, on les prévient avant de changer les horaires ou les localisations.

Une autre de vos questions contient sa réponse : comment le seul musée postal rural pourrait-il se trouver en dehors d'un bureau de poste ? Madame la députée, vous avez fourni vous-même la réponse ! Nous essayerons de nous attacher à la confirmer.

Plusieurs de vos questions ou remarques portaient sur la dispersion des activités de La Poste. Je voudrais revenir à ce sujet, car il est stratégiquement très important. Je ne sais pas ce qu'est la dispersion. Ce que je sais, en revanche, c'est que pas une activité ne produira à elle seule un chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros. J'en serais ravi, mais cela n'existe pas. Je serais ravi, Mesdames et Messieurs les députés, que la livraison de repas à domicile représente 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires et que nous en prenions le contrôle ! Ce n'est pas la réalité. Aussi proposerons-nous différents services à domicile, certains relevant de la santé, d'autres à destination des jeunes, mais aussi de l'inclusion numérique et de la livraison de repas. Il ne s'agit pas d'être dispersé, mais nous devons nous diversifier. Nous nous concentrerons sur les services de proximité humaine. Mais, malheureusement, il n'existe pas d'activité massive à même de répondre à nos besoins.

Notre rôle vis-à-vis des personnes âgées se traduit au travers des visites, de la livraison de médicaments mais aussi de pain. Nous le faisons déjà, dans certains cas. Il faut simplement que le boulanger prévoie que ce ne soit pas gratuit – je passe là un sujet subliminal ! En tout cas, nous sommes prêts à livrer des produits alimentaires. Notre rôle peut aussi consister à installer de l'équipement médical à domicile, lequel commence par la livraison d'un carton. Or la livraison de cartons partout en France, c'est notre métier ! Enfin, et c'est le professeur Vellas lui-même qui le dit, le lien social est un élément clé pour la prévention des risques du grand âge. Nous y sommes totalement engagés.

Monsieur Di Filippo, vous avez mentionné le nom anglais de Ma French Bank. Je me souviens avoir déjà recueilli votre courroux lors de ma précédente audition ! Je dois vous indiquer que le choix fait par nos équipes de marketing m'avait surpris, comme vous. La seule réponse est le succès : après six mois, nous comptons 100 000 clients jeunes, beaucoup plus jeunes que la moyenne de notre clientèle. Visiblement, ils ont aimé ce nom. Ce qui compte, c'est que cela plaise à nos clients, même si cela ne nous plaît pas complètement à vous et moi…

Monsieur Travert, concernant l'élargissement de la CDPPT aux parlementaires, nous ne connaissions auparavant pas le problème que vous évoquez, en raison du cumul des mandats. En effet, à travers votre représentation dans les régions, les départements et les municipalités, ces commissions comptaient toujours un ou deux sénateurs. Mais ce sujet, Monsieur le ministre, ne dépend pas du tout de moi ! Pour ma part, je suis favorable à ce qu'il y ait le plus d'élus, les plus investis possible. Je suis donc tenté de vous dire « à vous de jouer ! ».

Monsieur Cinieri, vous avez parlé à raison des problèmes que nous rencontrons concernant la rotation des facteurs. Ils existent. Mais nous devons tous prendre conscience que nous peinons parfois à recruter des titulaires. C'est la raison pour laquelle nous recourons au CDD ou à l'intérim. Je le rappelle, nous avons 46 000 tournées à gérer. Nous essayons de faire au mieux. Je reviens également sur la proposition de M. Travert. Plus nous avons de relations avec vous, mieux nous pouvons réagir – et plus nous pouvons vous alerter sur des cas difficiles.

Cette année, « Veiller sur mes parents » a permis de déclencher 2 000 visites des services d'urgence chez des personnes âgées. Nous sommes donc bien là où vous nous attendez.

J'ajoute, pour répondre à Mme Rabault, que je crois savoir que la Caisse des dépôts et consignations versera en effet 1 milliard d'euros. Mais, Madame la députée, ce n'est pas l'affaire du président de La Poste. Je suis ravi que mes deux actionnaires s'entendent bien et me fassent confiance en apportant 6 milliards d'euros de capital. Je me suis permis de vous dire de manière subliminale que le groupe aurait encore besoin d'augmentations de capital dans les cinq ans à venir pour transformer son modèle. Pour le reste, l'État et la Caisse des dépôts et consignations gèrent leurs relations. Dans cette discussion entre eux, je m'efforce de me tenir assez éloigné tout en restant attentif à leur harmonie – et comme elle règne aujourd'hui, je suis heureux.

Enfin, la branche numérique enregistre 800 millions d'euros de chiffre d'affaires, donc bien plus que la part de 0,1 % que vous avez évoquée, Mme Degois.

En conclusion, ma vision est celle d'une Poste puissante dans sa proximité humaine et digitale, au service de millions de personnes et des missions de service public que vous lui confiez, pour aborder son septième siècle d'histoire dans les meilleures conditions possibles. La Poste ne fonctionne que grâce à des femmes et des hommes très engagés, exceptionnels sur le terrain tous les jours : les postières et les postiers.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, Monsieur le président, pour vos réponses très complètes.

La commission procède au vote.

Après le départ de M. Philippe Wahl, il est procédé au vote sur la nomination par appel à la tribune et à bulletins secrets. Les résultats du vote sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Abstention

Suffrages exprimés

Pour

Contre

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Adam, Mme Delphine Batho, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Philippe Bolo, Mme Pascale Boyer, M. Jacques Cattin, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, Mme Typhanie Degois, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Vincent Descoeur, M. Frédéric Descrozaille, M. Fabien Di Filippo, Mme Stéphanie Do, M. José Evrard, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Philippe Huppé, M. Guillaume Kasbarian, M. Sébastien Leclerc, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Christophe Naegelen, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, M. Éric Pauget, Mme Sylvia Pinel, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, Mme Bénédicte Taurine, M. Stéphane Travert, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. André Villiers

Excusés. – M. Bruno Bonnell, M. Alain Bruneel, M. Julien Dive, M. Daniel Fasquelle, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Frédérique Lardet, Mme Jacqueline Maquet, Mme Anne-Laurence Petel, M. Denis Sommer, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Nicolas Turquois

Assistaient également à la réunion. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, Mme Sophie Errante, Mme Nadia Essayan, Mme Valérie Rabault, M. Jacques Savatier, M. Jean-Luc Warsmann