Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • maquette
  • présentation
  • taxe

La réunion

Source

Présidence de M. Éric Woerth, Président

puis de

Mme Olivia Gregoire,

Vice-présidente

puis de

M. Daniel Labaronne,

Vice-Président

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Notre commission peut, si vous en êtes d'accord, arrêter aujourd'hui la liste des thèmes d'évaluation retenus par les rapporteurs spéciaux pour le Printemps de l'évaluation et qui vous a été communiquée il y a quelques jours.

Les commissions d'évaluation des politiques publiques, dans le cadre du Printemps de l'évaluation, se réuniront du 18 au 29 mai. Elles constituent l'aboutissement d'un processus d'évaluation que vous connaissez bien, puisque beaucoup d'entre vous êtes rapporteurs spéciaux d'une mission, individuellement ou par binôme.

Dans sa réunion de la semaine dernière, au cours de laquelle le bureau a examiné les thèmes d'évaluation proposés par les rapporteurs spéciaux que nous arrêtons aujourd'hui, il a insisté pour que les rapports spéciaux soient de vrais rapports d'évaluation. Il en va de la crédibilité de l'exercice. Il ne s'agit pas d'un simple rapport de contrôle de gestion ou d'un rapport de suivi des crédits : il faut que se dégage une opinion indépendante sur l'efficacité d'une politique publique. Le bureau a également souhaité que les rapports spéciaux soient un tant soit peu normalisés afin que la synthèse puisse être réalisée de façon harmonisée. C'est pourquoi une maquette de présentation a été arrêtée, qui va être communiquée aux rapporteurs en vue de la rédaction de leur rapport.

La commission entend Mme Amélie Verdier, directrice du budget.

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Je souhaite la bienvenue à Mme Amélie Verdier, directrice du budget, que nous entendons pour la deuxième fois de la législature – nous l'avions entendue une première fois le 26 juillet 2017.

Lors de l'examen des missions de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020, plusieurs observations ou critiques ont été formulées en commission comme en séance publique sur différents éléments de la maquette budgétaire, tels le périmètre de certaines missions, ou encore la tendance croissante à recourir à des programmes supports regroupant l'ensemble des moyens humains et matériels, à l'exclusion des autres programmes d'une mission.

Le sujet peut paraître technique. Il n'en est pas moins très important, puisqu'il s'agit de la base et de la clef de l'interprétation politique qu'on peut faire de telle ou telle politique. Il faut en outre que les indicateurs de performance soient pertinents : c'est le principe même de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Ces réflexions s'inscrivent dans le travail que nous menons avec le rapporteur général au sein de la mission d'information relative à la mise en oeuvre de la LOLF (MILOLF).

Madame la directrice, nous avons souhaité vous entendre au sujet de la maquette sans attendre le débat d'orientation des finances publiques, au cours duquel le Gouvernement fait part au Parlement des évolutions qu'il envisage d'apporter à cette maquette. L'objectif est de réfléchir à la question de manière structurelle, sans se cantonner aux questions conjoncturelles.

Avec le rapporteur général, nous avons rencontré nos homologues sénateurs il y a quelques jours pour vérifier nos points d'accord au sujet des conclusions de la MILOLF. Ils vont entamer un travail qu'ils prévoient de terminer au mois d'avril, ce qui nous permettra de comparer et de faire converger nos analyses, sachant qu'il y a déjà beaucoup d'analyses communes. Nous pourrons ainsi être amenés à déposer, à un moment donné, une proposition de loi organique sur ce sujet en harmonie avec le Sénat – et, nous l'espérons, avec le Gouvernement, ce qui faciliterait les choses pour faire évoluer la LOLF. L'objectif est de disposer d'un outil budgétaire qui nous permette de mieux analyser, de mieux comprendre et surtout de mieux faire évoluer nos politiques publiques.

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Amélie Verdier, directrice du budget

Je commencerai par présenter les principales évolutions de la maquette budgétaire telles qu'elles ont pu être observées depuis la mise en oeuvre de la LOLF en 2006. Dans un deuxième temps, je livrerai quelques premiers éléments de réaction aux propositions faites par la MILOLF, qui s'est penchée sur ces questions de maquette. Dans un troisième temps, je vous ferai part de nos principales orientations et réflexions s'agissant de la conciliation entre la maquette budgétaire et les pratiques de gestion publique, notamment en matière d'organisation et de déconcentration.

Comme vous l'avez dit, monsieur le président, la question peut paraître assez technique mais elle est essentielle. La maquette budgétaire est l'expression même des grands principes budgétaires et le cadre du vote du Parlement. C'est à travers la maquette que s'incarnent les grands principes d'unité, d'universalité, de spécialité, et même de performance puisqu'à chaque programme budgétaire sont rattachés des objectifs et des indicateurs de performance. Du point de vue du Parlement, la maquette est essentielle pour assurer la transparence du vote, en conformité avec les grands objectifs de la LOLF visant à permettre une définition complète des moyens alloués à une politique publique. Mais permettez-moi aussi de faire valoir le point de vue des gestionnaires : il est important dans la mesure où le programme budgétaire est l'unité de « limitativité » des crédits. Les budgets doivent présenter une structure qui assure, dans la pratique, les conditions d'une gestion budgétaire efficace.

En loi de finances pour 2006 comme en loi de finances pour 2020, le nombre total de missions du budget de l'État est de 49 au total. Ce chiffre a cependant varié au cours de cette période, avec un point culminant en 2012, essentiellement du fait du nombre de comptes spéciaux – lequel a quelque peu évolué depuis lors. Si l'on se concentre sur le seul budget général, il y avait 34 missions en 2006 et il y en a 32 en 2020. Le nombre de programmes, quant à lui, est en légère augmentation, passant de 160 à 174.

L'augmentation du nombre de programmes jusqu'en 2014 est essentiellement due aux plans d'investissements d'avenir (PIA). La diminution de 2015 est liée à la rationalisation de la mission Écologie, qui est passée de 11 à 9 programmes, et de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES), qui est passée de 12 à 9 programmes. La loi de finances pour 2018 a vu la création d'une nouvelle mission Action et transformation publiques, laquelle comprend en loi de finances pour 2020 quatre programmes.

On peut aussi relever le nombre de missions interministérielles, qui a été évoqué par la MILOLF. En loi de finances pour 2020, nous avons 17 ministères ordonnateurs et 9 missions interministérielles – sur un total de 32 – au sein du budget général. Il est rare de trouver une unité, une conformité si je puis dire, entre un ministère et une mission. C'est le cas, principalement, de la justice.

Certains ministères portent plusieurs missions budgétaires. Ainsi, le ministère de l'intérieur pilote la mission Sécurité, la mission Immigration, asile et intégration et la mission Administration générale et territoriale de l'État. Dans beaucoup de cas, les moyens des politiques publiques ne sont pas exclusivement retracés dans le budget général : ils passent également par des comptes spéciaux et par des taxes affectées. Si nous regardons les évolutions sur le temps long, au-delà des changements de périmètres ministériels, la principale évolution est celle de la mission Sécurité, qui était à l'origine une mission interministérielle et qui est devenue ministérielle à la suite du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.

Je souhaite également m'arrêter sur la taille des programmes. Le montant médian des crédits des programmes du budget général se situe aux alentours de 640 millions d'euros, quatre n'étant pas dotés : deux programmes de la mission Pouvoirs publics et deux programmes très spécifiques de la mission Engagements financiers de l'État, telle la dotation au mécanisme européen de stabilité, qui doivent être considérés un peu à part. Ainsi, 17 programmes du budget général et 21 programmes au total sont d'un montant, en loi de finances initiale pour 2020, inférieur ou égal à 50 millions d'euros, tandis que le montant de 13 programmes dépasse 10 milliards d'euros.

Qu'en est-il de la budgétisation par nature de dépense ? Tout l'esprit de la LOLF est de regrouper sur un même programme budgétaire les crédits destinés à une politique publique, donc de ne pas multiplier les programmes supports qui conduisent finalement à considérer et gérer séparément ces moyens.

Le plus commode, pour repérer ces programmes supports, est de s'intéresser à la budgétisation de la masse salariale. Nous constatons effectivement, au fil du temps, une concentration de celle-ci dans un nombre plus réduit – mais pas massivement réduit – de programmes : alors que 80 programmes portaient des dépenses de titre 2 en 2006, ce n'est plus le cas que de 60 programmes en 2020. Dans certains cas, la concentration des dépenses de titre 2 dans un programme unique pour un seul ministère répond très clairement à une volonté d'améliorer le pilotage de la gestion de la masse salariale. Par exemple, au ministère de la culture, plusieurs « petites » masses salariales étaient réparties entre différents programmes budgétaires. Leur concentration dans un seul programme permet de s'assurer de la qualité de la prévision et du respect de l'autorisation parlementaire en gestion. De même, le choix a été fait de concentrer la masse salariale du ministère des armées dans un programme support, et il en va de même pour quelques ministères de moindre étendue salariale.

Il s'agit là de questions que nous nous posons de manière récurrente, en essayant de concilier deux objectifs : vous donner la meilleure lisibilité de la totalité des moyens d'une politique publique et assurer l'effectivité du pilotage en gestion. Une taille critique est effectivement nécessaire, et il faut noter un effet d'apprentissage, si je puis dire, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, avec un ajustement des crédits de masse salariale au fur et à mesure que se présentaient certains cas de dépassement récurrents dont votre commission a débattu – ces situations ont été moins fréquentes au cours de la période la plus récente mais n'ont pas totalement disparu.

Dernier élément, une relative stabilité du nombre de missions et de programmes peut masquer de nombreux changements de périmètre. Certains peuvent concerner des masses de crédits considérables sans que cela se traduise dans les intitulés des programmes et missions. Ainsi, la rebudgétisation complète des aides personnelles au logement, auparavant éclatées entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, s'est effectuée dans le cadre du programme Aide à l'accès au logement préexistant. De même, la récente réforme de l'apprentissage a conduit à la suppression d'un compte d'affectation spéciale (CAS) et à la création d'un nouvel opérateur, France compétences, financé par une taxe affectée, plafonnée, qui est retracée dans la loi de finances mais ne figure pas en tant que telle dans les crédits du budget. Citons encore le financement d'agences sanitaires, telles l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l'Agence nationale de santé publique (ANSP), qui relèvent désormais de la loi de financement de la sécurité sociale.

Bien sûr, chaque année, dans les projets annuels de performances (PAP), nous nous attachons à présenter de manière très circonstanciée ces changements, et nous travaillons à le faire également sur notre nouveau site internet, très prochainement accessible en ligne, qui constituera une source d'information, notamment pour les membres de la commission des finances. Nous essaierons de parvenir progressivement à une plus grande profondeur temporelle pour illustrer ces changements.

Quelles sont les principales modifications de la maquette en 2020 ?

Le programme Administration territoriale de l'État résulte de la fusion du programme Moyens mutualisés des administrations déconcentrées, qui portait les moyens des directions départementales interministérielles, et du programme Administration territoriale, qui portait les moyens des préfectures. C'est l'illustration du principe de cohérence de la gestion, afin que soient regroupés sur un même programme des moyens supports déployés dans les mêmes territoires, voire, parfois, dans les mêmes locaux – même si cela correspond aussi à un rapprochement de fonctions supports, qui a pu être critiqué, notamment dans l'enceinte de cette commission.

Conformément à un engagement pris par le Premier ministre, a été créé un nouveau programme Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État doté de crédits évaluatifs.

À la suite de la suppression du compte d'affectation spéciale Aides à l'acquisition de véhicules propres et du transfert du financement du chèque énergie, le programme Énergie, climat et après-mines a été assez largement refondu.

Enfin, j'ai déjà évoqué le compte d'affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage, supprimé.

Depuis quatorze ans, nous constatons donc une relative stabilité du nombre des entités supports et de leurs tailles, qui masque d'assez nombreux mouvements : mouvements entre le budget de l'État et la sécurité sociale, parfois entre le budget de l'État et les collectivités locales, créations de comptes spéciaux ou, récemment, réduction de leur nombre et rebudgétisations. La rebudgétisation du CAS Transition énergétique, dont la suppression en 2021 a été prévue en loi de finances pour 2020, sera prise en compte dans le projet de loi de finances pour 2021. Cela illustre une forme de tension entre les exigences de lisibilité politique et les contraintes de la gestion publique.

J'en viens aux propositions de la MILOLF. Je souscris pleinement à leur esprit – et donc à l'idée de revenir à celui de la LOLF. Il s'agit de parvenir à une véritable universalité du budget général de l'État et de renforcer la portée de ce principe en procédant à la rebudgétisation de nombreux moyens, aujourd'hui éclatés. Le recours à l'affectation de recettes, par des taxes affectées à des opérateurs ou par des fonds sans personnalité morale, la création presque chaque année de nouveaux prélèvements sur recettes, la création de comptes d'affectation spéciale, réduisent effectivement la portée d'une maquette budgétaire qui était conçue pour porter l'ensemble des moyens dédiés à chacune des politiques publiques.

Un mouvement de rebudgétisation a été entamé depuis 2017. Sans revenir sur la suppression du CAS Aides à l'acquisition de véhicules propres, qui servait de support budgétaire au « bonus-malus » automobile, et du CAS Transition énergétique, signalons par exemple le financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), rebudgétisé alors qu'il reposait auparavant sur la taxe générale sur les activités polluantes. Des « petites taxes » ont également été rebudgétisées, ce qui fut également l'occasion d'améliorer la lisibilité des prélèvements obligatoires.

Je veux enfin insister sur la nécessité d'intégrer les contraintes de gestion dans la conception de la maquette budgétaire. Une architecture budgétaire trop fragmentée complique la programmation, la mise à disposition et le pilotage des crédits.

De manière plus générale, le Gouvernement a lancé un mouvement de déconcentration budgétaire et de réforme de l'organisation territoriale de l'État. Cela rend nécessaire une réflexion sur la manière dont la maquette budgétaire reflète l'organisation des services : aujourd'hui, certaines directions départementales, et même parfois régionales, peuvent être alimentées par de nombreux programmes budgétaires différents. La logique de politiques publiques à laquelle répondent ces programmes pose des contraintes de gestion. Nous sommes donc dans une phase d'étude afin de vérifier que ces contraintes induites par la maquette budgétaire ne sont pas trop nombreuses.

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C'est une bonne chose d'avoir des débats sur la maquette budgétaire. Cela devrait être le cas lors du débat d'orientation des finances publiques (DOFP), mais on y parle en général plus de crédits que de maquette.

Au fil des autres débats budgétaires, souvent longs, des questions de cet ordre sont souvent soulevées, mais elles finissent par disparaître derrière des sujets d'actualité, si bien que la maquette n'est pas vraiment un sujet de discussion.

Or si le sujet n'a pas vocation à faire l'objet de grands débats publics, il n'en est pas moins fondamental.

Quant aux recommandations de la MILOLF sur la présentation des dépenses en fonctionnement et en investissement, elles ne constituent pas une atteinte à la LOLF. Il y a, en réalité, deux manières de présenter un budget : une présentation par missions, qui est essentielle et dont on doit renforcer la lisibilité, mais aussi une présentation distinguant investissement et fonctionnement, qui répond à une logique différente. Les deux approches sont complémentaires. Cela était assez important dans les contextes financiers antérieurs ; c'est fondamental aujourd'hui, dans une phase de transition qui requiert des efforts d'investissement qu'il faut suivre de façon beaucoup plus fine.

La lutte contre la fragmentation budgétaire est également un élément majeur. Je note avec plaisir les modifications en cours ou déjà réalisées dont vous faites état. Elles permettront d'éviter des « fuites » budgétaires souvent excessives.

Notre commission recevra prochainement M. Guillaume Boudy, secrétaire général pour l'investissement. En matière d'investissements d'avenir, les priorités peuvent s'entrechoquer. Il est pertinent de conduire des grands programmes quand la dépense est exceptionnelle. Mais si elle n'est pas exceptionnelle, le risque de débudgétisation est considérable – c'est d'ailleurs ce qui arrive parfois. Il faut donc que la définition des investissements d'avenir soit très claire.

Il est légitime de regrouper ces investissements exceptionnels tant du point de vue de la méthode que de celui des moyens, mais il est également important de distinguer leur répartition entre les missions. Il en va en effet de lisibilité de la mission lorsque des investissements d'avenir sont prévus dans son périmètre.

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Madame la directrice, je vous remercie pour les réponses précises que vous avez apportées à de nombreuses questions et recommandations formulées dans notre rapport sur la mise en oeuvre de la LOLF.

S'agissant des investissements d'avenir, doit-on comprendre de votre propos que vous êtes favorable à redistribuer les crédits prévus au titre du PIA entre les missions thématiques correspondant à des politiques publiques, alors qu'ils sont actuellement inscrits dans une mission unique ? Si un quatrième PIA est lancé, est-ce ainsi qu'il faudrait procéder ?

Aujourd'hui, Mme Dalloz présente les crédits dans son rapport spécial sur la mission Investissements d'avenir, mais les autres rapporteurs spéciaux avancent à l'aveugle, sans granularité et sans aucune visibilité quant à la politique publique qui est menée. Pour mettre fin à ce débat que nous avons chaque année, la solution serait d'étudier une répartition des crédits entre les missions concernées.

Concernant la maquette, autant le Parlement s'est fortement impliqué dans sa construction initiale, autant les évolutions ultérieures sont quasi exclusivement le fait du Gouvernement. Nous recevons les informations en juillet, lors du DOFP. La MILOLF propose de revoir ce calendrier, en avançant le DOFP au mois d'avril, en même temps que le débat sur le programme de stabilité, et en utilisant la séance du mois de juillet aujourd'hui réservée au DOFP pour instituer un débat en séance publique sur la dette et les conditions de financement de l'État.

Si le DOFP se tient en avril, cela pourrait constituer une opportunité pour informer plus tôt le Parlement des évolutions de la maquette, voire pour l'y associer. Actuellement, nous sommes pour ainsi dire mis devant le fait accompli, et la même question se pose pour les indicateurs de performance. La modification de calendrier que nous proposons serait propice à une collaboration avec le Parlement pour déterminer les évolutions.

S'agissant des taxes affectées, je suis à titre personnel favorable à un principe de rebudgétisation des taxes affectées. Je considère que l'affectation de la taxe est une fausse bonne idée. Elle semble apporter une certaine lisibilité mais en réalité elle verrouille, elle peut créer des frustrations et elle rend plus difficiles l'évolution et le pilotage des ressources.

L'article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (LPFP) prévoit que l'affectation de taxes ou le maintien de taxes affectées aux opérateurs et autres organismes doit répondre à l'un des critères suivants :

– la ressource résulte d'un service rendu par l'affectataire à un usager et son montant doit pouvoir s'apprécier sur des bases objectives ;

– la ressource finance, au sein d'un secteur d'activité ou d'une profession, des actions d'intérêt commun ;

– la ressource finance des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières.

Combien de taxes affectées ne respectent pas cette doctrine ? Quelles sont les plus importantes d'entre elles ? Nous aurons besoin de ces informations pour les prochains budgets.

Le même article de la LPFP prévoit un principe de plafonnement des taxes affectées. Dans le cas où une taxe ne serait pas plafonnée, le Gouvernement doit justifier l'absence de plafonnement dans le tome I de l'annexe Voies et moyens. Il semble que cette disposition ne soit pas tout à fait respectée.

Quels sont les organismes bénéficiant de taxes affectées non plafonnées ? Pourrons-nous disposer, pour ces cas, d'une justification à la dérogation au principe du plafonnement ?

Enfin, la direction du budget travaille-t-elle à la réduction du nombre de fonds sans personnalité juridique ? La Cour des comptes insiste sur ce point depuis plusieurs années, à juste titre me semble-t-il. Elle prend souvent pour exemple les fonds gérés par la Caisse des dépôts et consignations, mais il existe bien sûr d'autres fonds sans personnalité juridique. L'objectif est d'assurer le contrôle parlementaire en soumettant les dépenses de ces fonds au vote de la représentation nationale.

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Le plafonnement des taxes affectées n'est acceptable que pour un temps très bref. Reverser au budget général les montants dépassant le plafond n'est pas de bonne méthode. Si l'on a besoin de plus de recettes, la solution est d'augmenter les impôts et non de recourir à ce détournement de procédure.

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Le principe d'universalité implique que toutes les dépenses publiques s'imputent sur l'ensemble des recettes publiques. Cela étant, nos concitoyens réclament également de la lisibilité, notamment à travers l'affectation des ressources en matière de fiscalité écologique. C'est un sujet qui s'est dégagé fortement lors de la Convention citoyenne pour le climat.

Dès lors, comme concilier le principe d'universalité et l'exigence de lisibilité, notamment lorsque l'on demande des efforts particuliers à nos concitoyens ?

Je ne partage pas tout à fait l'appréciation du rapporteur général sur l'affectation des taxes, considérant que, pour certaines politiques publiques et dans des secteurs restreints, il est important de préserver des ressources et de les identifier en amont. Certaines taxes non plafonnées sont, à mon avis, tout à fait nécessaires.

Par ailleurs, comment donner plus de transparence et plus de lisibilité aux prélèvements sur recettes, aussi bien pour l'Union européenne que pour les collectivités locales ? Là aussi, la transparence est gage d'acceptation démocratique.

Enfin, le silo budgétaire actuel ne permet pas forcément d'avoir une visibilité sur la globalité d'une politique publique. Comme vous l'avez indiqué, certaines politiques publiques se répartissent entre plusieurs programmes, voire entre plusieurs ministères. Cette situation nous conduit à demander très régulièrement, par voie d'amendement, de nouveaux jaunes budgétaires.

Il arrive que l'on déplore la qualité de ces jaunes, souvent incomplets et parcellaires – tout comme, par exemple, le document de politique transversale consacré à l'évasion et la fraude fiscales. Comment les améliorer ? Lorsque le Parlement demande une vue d'ensemble sur une politique publique, de quels moyens dispose la direction du budget pour mobiliser tous les ministères afin qu'ils alimentent les jaunes ?

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La maquette budgétaire est un sujet très technique. Il est intéressant de constater que, depuis 2006, le nombre de programmes a légèrement évolué (+ 14), mais le nombre de missions (49) est resté stable.

Au-delà de ces données, madame la directrice, je voudrais vous interroger sur la dette. Comme l'a indiqué le rapporteur général, un débat ad hoc sur ce sujet devient impératif. Depuis que vous êtes en poste, la dette a progressé de 190 milliards d'euros. La responsabilité en incombe au Gouvernement, certes, mais j'aimerais que l'on dépasse les aspects techniques, voire bureaucratiques, pour se concentrer sur le sujet d'inquiétude majeur du budget, qui est cette progression de la dette.

Vous avez parlé, au sujet du nouveau site internet auquel vous travaillez, de « profondeur temporelle ». J'aimerais que l'on dispose de cette profondeur temporelle s'agissant des programmes d'investissements d'avenir (PIA). Le premier PIA arrive à son terme et l'on peut commencer aujourd'hui à en faire un bilan sérieux. Pour les suivants, en revanche, le flou est total. On ne sait plus qui fait quoi, ni qui finance quoi. Les financements croisés ont un effet de levier très intéressant, certes, mais il devient incroyablement difficile de retracer le cheminement et l'objectif de ces programmes. On ne sait plus ce qui a été réellement investi dans chaque politique publique.

En outre, on a lancé à nouveau des PIA à tiroirs et objectifs multiples. On n'est plus dans le cadre d'un programme ou d'une mission : tout a été flouté !

Comment pourrait-on, à votre avis, se défaire des programmations de ce type et organiser une lecture comptable des PIA avec une profondeur temporelle, pour reprendre votre expression, et une vraie complétude ?

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Le 25 septembre dernier, à Bercy, Gérald Darmanin et Élisabeth Borne ont présenté une méthode d'analyse très intéressante permettant de rendre compte du « verdissement » du budget. Cette méthode consiste à noter chaque ligne de recette ou de dépense selon son impact sur l'environnement ou en fonction de sa contribution à la transition énergétique, à la biodiversité ou à l'économie circulaire.

Sauf erreur de ma part, vous ne l'avez pas mentionnée dans cette présentation. Or il y a selon moi un rapport immédiat entre la définition de la maquette et la méthode de budgétisation environnementale.

Mme Olivia Gregoire, vice-présidente de la commission, remplace M. le président Éric Woerth.

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Amélie Verdier, directrice du budget

M. le rapporteur général et Mme Dalloz ont souhaité des éclaircissements sur nos propositions concrètes pour améliorer la lisibilité des PIA.

D'une part, nous avons essayé de progresser au fur et à mesure que les PIA étaient lancés. Les deux premiers n'ont été retracés qu'une année dans la loi de finances, après quoi le Parlement ne recevait quasiment plus aucune information. Le PIA 3, en revanche, a porté des crédits qui s'inscrivent dans une mission que vous revoyez tous les ans. En l'état, et alors que votre commission auditionnera bientôt le secrétaire général pour l'investissement, nous sommes dans une optique de construction. De mon point de vue, il y a eu progrès – même si ce n'est peut-être pas suffisant – puisque les crédits sont mieux retracés.

Faut-il garder un programme spécifique pour ces investissements ? Le président Woerth a bien posé le débat : il faut déterminer ce qui est exceptionnel et ce qui ne l'est pas. La logique même du PIA est de s'assurer que l'on consacre effectivement des moyens à l'investissement et que ces moyens ne sont pas détournés en gestion à d'autres fins, en mettant en évidence un effort exceptionnel. C'est du reste ce qui a été réalisé, comme l'ont montré les rapports d'évaluation : malgré la crise, on n'a pas assisté à un effondrement de l'investissement de l'État.

Il est donc nécessaire d'interroger cette structure budgétaire en tant que telle et de poser la question de ce qui doit être porté par la mission Investissements d'avenir et de ce qui doit être porté par d'autres missions avec des finalités proches. De mon point de vue, le sujet est évolutif. Il n'y a pas de raison de rester figé sur ces catégories.

M. le rapporteur général a souhaité également que l'on examine les moyens de favoriser l'implication du Parlement en matière de maquette. Je le répète, nous sommes à votre entière disposition sur ces sujets. L'organisation même de cette audition, suffisamment tôt pour pouvoir échanger avant que les arbitrages concernant d'éventuelles évolutions de la maquette ne soient rendus, le prouve. Nous nous mettons donc en situation de tenir le plus grand compte de vos remarques. Je ne sais pas s'il y a lieu d'avoir un tel débat tous les ans, mais il est légitime de l'avoir à échéance régulière.

J'en viens aux taxes affectées. Toutes ne sont pas plafonnées, mais nous avons plafonné un nombre croissant d'entre elles au fil du temps – encore récemment pour les ressources affectées aux agences de l'eau, par exemple – et telle est la logique à l'oeuvre. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) fait encore partie des organismes bénéficiant de taxes affectées non plafonnées, tout comme l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) ou la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Même si les taxes sont en nombre croissant et couvrent une surface croissante, dès lors que beaucoup d'entre elles sont plafonnées et qu'il existe des mécanismes de gestion raisonnée – mise en réserve connue dès le début de l'année et fixée à un niveau faible –, il y a de moins en moins de raisons d'avoir des taxes exceptionnelles en dehors du budget.

Concernant la conciliation entre le principe d'universalité budgétaire et la fiscalité environnementale, le budget 2021 sera présenté selon une logique qui détaillera l'effet global du budget de l'État sur la transition écologique. Pour mieux caractériser les dépenses, il reprendra la méthode du rapport IGF-CGDD récemment rendu public, en s'appuyant sur six axes principaux (parmi lesquels : la gestion des déchets, les émissions de gaz à effet de serre, l'artificialisation des sols) pour caractériser les dépenses. Il sera plus facile de détailler ces informations pour les dépenses liées au budget général, qui sont retracées précisément dans les projets et les rapports annuels de performances. Cela sera en revanche plus compliqué pour les taxes affectées ou pour les dépenses fiscales. La demande politique est très forte pour que nous explicitions où va l'argent de la fiscalité écologique ou des taxes comportementales – pour autant, comme l'a rappelé Gérald Darmanin, nous avons également besoin des impôts pour financer les prisons, les écoles, etc. Nous travaillons donc pour avoir une présentation du budget et de ses effets sur la transition écologique qui soit la plus complète possible. En particulier, nous essayerons de préciser le plus possible le mécanisme et l'affectation des taxes comportementales au sens large, qui ont leur mérite propre. Comme l'indiquait Mme Cariou, il existe des cas pratiques où le lien est plus direct entre la taxe et la dépense, ce qui peut justifier une affectation – mon propos n'est pas de dire qu'il faudrait interdire toute affectation, mais de questionner ce qui existe pour vérifier la conformité aux objectifs.

S'agissant des prélèvements sur recettes, introduits dans l'ordonnance de 1959 sans cadre précis et maintenus dans la LOLF, ceux-ci constituent bien des exceptions aux grands principes budgétaires. Cela explique que l'information disponible pour le Parlement est moindre qu'elle ne peut l'être pour le budget général. Il existe un jaune budgétaire sur chacun des deux catégories de prélèvements sur recettes, au profit de l'Union européenne et au profit des collectivités territoriales. Il est bienvenu d'avoir une vision critique sur ces documents et nul ne doute qu'ils peuvent encore être améliorés.

Il existe de très nombreux « jaunes » et « oranges ». M. le rapporteur général a bien voulu intervenir devant l'ensemble des directeurs des affaires financières pour débattre des propositions du rapport de la MILOLF. J'avoue que nous avons apprécié qu'une vision critique soit portée sur l'ensemble des rapports demandés aux administrations. Certains sont très nécessaires et complètent bien la structuration des politiques publiques dans les budgets, mais d'autres sont quelque peu redondants. Bref, on améliorerait la qualité des documents s'il y en avait un peu moins !

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Mon premier point concerne la mission Remboursements et dégrèvements. La Cour des comptes recommande de fixer le calendrier de mise en oeuvre de l'alignement de la structuration du programme 201 sur celle du programme 200. Pouvez-vous nous indiquer le calendrier retenu par la direction du budget ? La Cour demande également que soient retracés dans le projet annuel de performances et dans le rapport annuel de performances le détail et le millésime des admissions en non-valeur. Enfin, la Cour suggère de modifier la présentation du tableau d'équilibre des ressources et des dépenses dans les lois de finances. Je crois qu'il existe là un désaccord sur le fond et je souhaiterais que vous expliquiez pourquoi vous souhaitez vous en tenir à la présentation actuelle – je ne suis moi-même pas loin de partager la position de l'administration.

Par ailleurs, concernant les collectivités territoriales, il me semble que, depuis plusieurs années, la confiance des élus locaux est au plus bas car ils n'ont aucune visibilité à long terme, ni même à moyen terme. Quelle est votre position sur cette arlésienne qu'est la création d'une loi de financement des collectivités territoriales pour remédier à ce manque de visibilité ?

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Madame la directrice, je vous trouve très prudente dans vos propositions ! De manière générale, je déplore l'illisibilité des documents budgétaires, auxquels, pour dire les choses clairement, plus personne ne comprend rien.

Mieux vaudrait en revenir à trois grands principes : unité, universalité, non-affectation.

Vous parlez de supprimer les comptes spéciaux du Trésor, mais cela ne suffit pas. En matière de comptabilité budgétaire nationale, c'est toute la distinction entre opérations budgétaires et opérations de trésorerie qu'il faudrait supprimer. Revenons au droit commun ! S'agissant des opérations patrimoniales, on se moque du Parlement depuis quarante ans. Les opérations de trésorerie n'apparaissent nulle part et ne sont donc pas contrôlées. Une rebudgétisation obligerait l'administration à expliquer ces opérations au Parlement.

En outre, il conviendrait de distinguer, dans le budget de l'État, les dépenses d'investissement des dépenses de fonctionnement, comme cela est fait dans les budgets de toutes les collectivités territoriales et de tous les établissements publics. Seule une annexe, à laquelle, hélas, personne ne s'intéresse, montre que les dépenses d'investissement de l'État ne s'élèvent plus qu'à une vingtaine de milliards d'euros pour 380 milliards de dépense au total.

Sur la fiscalité affectée, je partage entièrement l'opinion du rapporteur général : il faut rebudgétiser toutes les taxes affectées, tout en mettant en regard les dépenses correspondantes, de sorte que les rapporteurs spéciaux puissent voir à quoi sert l'argent. L'article d'équilibre est de plus en plus complexe mais les taxes affectées n'y figurent pas toutes, sans que l'on sache pourquoi. Bref, une rebudgétisation s'impose, d'autant que les montants en jeu – environ 60 milliards d'euros – sont considérables.

Les programmes d'investissements d'avenir représentent précisément tout ce qu'il ne faut pas faire. Entre dépenses consomptibles et dépenses non-consomptibles, ils sont conçus pour qu'on n'y comprenne rien. Il faut les rebudgétiser, tout comme il faut rebudgétiser les prélèvements sur recettes, même si une telle opération empêcherait à l'avenir tout amendement parlementaire visant à augmenter les « dépenses » correspondantes.

S'agissant des remboursements et dégrèvements, nous demandons depuis des années que l'on distingue ceux de l'État et ceux des tiers, car ces derniers peuvent être ramenés dans le budget général tandis que ceux de l'État viendraient en déduction des recettes.

Concernant enfin les deux budgets annexes, je ne vois aucune raison de ne pas rapatrier le budget annexe Publications officielles et information administrative dans le budget général.

Ainsi, mes chers collègues, on comprendrait beaucoup mieux comment les dépenses publiques sont réalisées. Mais la question est bien là : a-t-on envie que la compréhension s'améliore ? Je crois au contraire que c'est la volonté de dissimuler qui a inspiré toute l'évolution de la maquette budgétaire.

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Vous avez fait état de votre souhait de mieux évaluer le budget de l'écologie, madame la directrice. J'espère que mes questions vous y aideront et que vous y répondrez plus précisément que Mme Élisabeth Borne lors de la discussion budgétaire.

Il nous a été présenté un budget de l'écologie pour 2020 en hausse de 800 millions d'euros, pour un total de 32,2 milliards d'euros. J'aimerais tout d'abord savoir comment on parvient à ce montant, alors que la mission Écologie, développement et mobilité durables est dotée de seulement 13,3 milliards d'euros en crédits de paiement dans le PLF 2020. Est-ce la direction du budget qui a établi ce chiffre ? Selon quelles modalités ? Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens est-il mis à contribution pour parvenir à un montant aussi élevé ? Ou, le cas échéant, diverses niches fiscales ?

Par ailleurs, la hausse faciale des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables tient en partie à la création d'un nouveau programme intitulé Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État et doté de 409 millions d'euros. Pourquoi avoir ainsi choisi de gonfler artificiellement les crédits de la mission alors que la charge de cette dette a évidemment sa place dans la mission Engagements financiers de l'État ? De même, imputerez-vous la charge de la dette des hôpitaux publics reprise par l'État sur les crédits de la mission Santé ?

Enfin, tout le monde s'accorde à estimer que la mission Écologie, développement et mobilité durables est hypertrophiée. Quelles sont les modifications de maquette qui, à votre avis, permettraient d'améliorer la lisibilité budgétaire et politique de ces crédits ? À titre d'exemple, le programme 159, qui comprenait à l'origine les seules subventions pour charges de service public de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), de Météo France et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), s'est vu récemment adjoindre les crédits de l'économie sociale et solidaire et ceux du Commissariat général au développement durable (CGDD), ce qui en complique singulièrement la lecture.

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Amélie Verdier, directrice du budget

Concernant les remboursements et dégrèvements, il n'y a aucun désaccord de fond, à ma connaissance, sur vos propositions, madame Pires Beaune : il s'agit avant tout d'un problème au niveau des systèmes d'informations. Je ne peux pas vous indiquer précisément le calendrier retenu par la direction du budget, mais je peux vous assurer que nous y travaillons. En tout état de cause, ramener les remboursements et dégrèvements dans le budget général relève de la loi organique. C'est aussi le cas de la présentation du tableau d'équilibre contenu dans le PLF, alors que le raisonnement tenu dans mon propos liminaire était plutôt « à LOLF constante ».

M. de Courson souhaite quant à lui la rebudgétisation de certains remboursements et dégrèvements. Je rappelle qu'il s'agit en tout état de cause de crédits qui figurent dans le budget, même si leur classement est différent de leur imputation. Là encore, la discussion se situe au niveau organique.

De même, la création d'une loi de financement des collectivités territoriales ne pourrait se faire qu'en passant par une loi organique. À titre personnel, je ne trouve pas qu'une telle évolution serait nécessaire dans la mesure où elle augmenterait la fragmentation des textes financiers, même si je comprends que le Parlement ait besoin de l'information la plus complète et la plus claire possible sur les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales.

M. de Courson m'a trouvée excessivement prudente. Je crains que ce ne soit une nécessité lorsque l'on est directeur d'administration centrale ! En revanche, je crois que sur la volonté d'améliorer la lisibilité de la maquette et de procéder à chaque fois que cela est nécessaire à des rebudgétisations, il existe une communauté de pensée entre votre commission et le ministère de l'action et des comptes publics.

Quant à la budgétisation du CAS Participations financières de l'État que vous préconisez, je rappelle que la présentation conventionnelle faite chaque année est justifiée par le fait qu'il convient de ne pas donner trop d'indications précises aux marchés sur les intentions du Gouvernement, car cela pourrait affecter la valorisation de telle ou telle participation. Je prends néanmoins bonne note de la critique que vous faites de ces évaluations. À mon sens, c'est surtout en exécution, dans les rapports annuels de performances, que l'on peut exercer le meilleur contrôle.

Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, la distinction entre dépenses d'investissement et dépenses de fonctionnement dans le budget de l'État existe déjà. La question est de savoir comment enrichir ce qui existe. En outre, il convient de ne pas se limiter aux dépenses de l'État stricto sensu, mais d'élargir la question aux investissements des tiers ou des opérateurs à l'aide de subventions de l'État qui ne sont pas classées en titre 5, comme par exemple les dépenses des collectivités territoriales dans le cadre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

S'agissant de la mission Écologie, développement et mobilité durables, M. Coquerel, les chiffres donnés par le Gouvernement n'incluent évidemment pas la charge de 409 millions d'euros liée à la reprise de la dette de SNCF Réseau. Par ailleurs, vous avez raison : lorsque l'on commente l'évolution globale des moyens consacrés à l'écologie et aux transports, on suit bien une approche globale : on ne décompte donc pas uniquement les dépenses du budget général mais aussi celles des comptes d'affectation spéciale – celui de la transition énergétique par exemple – ou encore celles des taxes affectées – par exemple la taxe affectée au fonds Barnier pour la prévention des risques naturels majeurs. Je prends bonne note de vos remarques sur l'organisation des programmes de la mission – vous avez mentionné la place des crédits de l'économie sociale et solidaire et ceux du commissariat général au développement durable –, qui relève cependant au premier chef de la responsabilité du ministère de la transition écologique et solidaire.

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Et en ce qui concerne l'inclusion du CAS Contrôle et exploitation aériens dans les 32,2 milliards ?

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Amélie Verdier, directrice du budget

Il est compté dans cette dynamique.

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Je voudrais aborder la question de la maquette budgétaire sous l'angle des opérations de « renoncement à recettes », c'est-à-dire des dépenses fiscales. En tant que rapporteur spécial des crédits du logement et de l'hébergement d'urgence, j'observe depuis trois budgets que, parfois, les dépenses fiscales sont renseignées pour un montant identique chaque année, à l'euro près. Par ailleurs, lorsque notre rapporteur général se rend dans les ministères, ceux-ci n'arrivent pas à lui communiquer les résultats de leurs évaluations de ces dépenses. Qu'allez-vous proposer sur ce sujet, et quelles sont nos marges de manoeuvre afin que le Parlement soit mieux éclairé ? Je rappelle que nous parlons de sommes s'élevant à environ 100 milliards d'euros par an !

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Il existe un vrai problème de visibilité, voire de démocratie, au sujet des collectivités territoriales, qui déplorent, aux côtés des élus de terrain, un flou très important. Nous parlons de transferts de l'ordre de 100 milliards d'euros, qui incluent des prélèvements sur recettes, des dotations, des dégrèvements, des subventions. Que les députés deviennent des techniciens et puissent comprendre le sujet, c'est une chose, mais pour les élus de terrain, c'est plus complexe ! Ces derniers ont besoin de savoir comment ils doivent implémenter les politiques publiques, par exemple en matière de revenu de solidarité active (RSA) ou d'apprentissage. Or ils ne parlent pas le même langage que nous, ce qui crée de vrais problèmes de confiance et pose des questions sur l'autonomie financière des collectivités territoriales. La Cour des comptes, suivie en cela par un certain nombre de ministres, est favorable à l'élaboration d'un projet de loi de financement des collectivités territoriales. Est-ce la chose à faire ? Sinon, quelles sont les alternatives crédibles pour donner de la visibilité aux collectivités et aux élus locaux à moyen terme ?

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La visibilité est également difficile s'agissant des opérateurs et des organismes de l'État. Les outils de pilotage ont beaucoup évolué, d'abord avec le développement de la contractualisation, qui a fait en 2010 puis en 2015 l'objet de circulaires fixant des objectifs et déterminant un pilotage stratégique. Le cadre de gestion a également été rénové par le décret de 2012 sur la gestion budgétaire et comptable publique, afin de permettre une vision plus homogène de ce pilotage. Enfin, le décret de 2018 vise à responsabiliser les gestionnaires et introduit une certaine souplesse en mettant de côté le contrôle a priori. Où en sommes-nous des arrêtés de contrôle correspondants ? Ont-ils tous été signés ? D'après vous, cela a-t-il donné les résultats attendus ?

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Amélie Verdier, directrice du budget

M. Jolivet, les dépenses fiscales sont effectivement une question en soi, tout particulièrement au sein du budget du logement, où elles constituent presque un « budget bis ». Nous avons fait des progrès dans la maquette budgétaire puisque nous présentons désormais les dépenses fiscales dans les projets et rapports annuels de performances – ce qui n'était pas le cas en 2006 – et que nous essayons, dans la présentation d'ensemble, de faire le lien entre ces dispositifs.

Nous avons cependant plus de difficultés à les évaluer que les crédits budgétaires, qui font l'objet d'un acte à la fois de prévision et d'autorisation, alors que les dépenses fiscales relèvent du calcul de l'impôt. Nous serons vigilants sur ce sujet dans le prochain projet de loi de finances, notamment pour les dépenses dont le montant apparaît étonnamment stable, et nous veillerons à mieux éclairer le Parlement, au moins sur les sources du chiffrage. Il est classique que nous ayons des difficultés d'actualisation des prévisions au moment de la préparation du PLF. Je signale au passage que la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime est une manière de permettre un pilotage plus direct d'une politique publique. Nous souhaitons le rapprochement des dépenses fiscales et des crédits budgétaires, même s'il ne faut pas mélanger les deux dans l'autorisation parlementaire. L'important est la transparence de la classification entre impôt et dépenses fiscales, ainsi que l'interrogation régulière et l'évaluation de celles-ci. Beaucoup d'éléments sont liés, y compris en matière de calendrier de versement des crédits d'impôt et de ciblage de ces dépenses : on peut mieux cibler avec de la dépense budgétaire, alors que la dépense fiscale a un caractère plus simple et plus automatique.

M. Cazeneuve, vous m'invitez à donner plus de visibilité aux collectivités territoriales et à être plus claire sur l'ensemble des concours. Nous avons aujourd'hui un jaune budgétaire qui récapitule précisément ces concours. Certes, il y a beaucoup de prélèvements sur recettes pour les collectivités territoriales qui se sont sédimentés et dont la dynamique est variable. Nous essayons déjà de donner une visibilité pluri-annuelle dans le cadre de la loi de programmation. Nous poursuivons également le travail dans la perspective d'une révision de la loi organique relative aux lois de finances, qui irait plutôt dans le sens d'une présentation agrégée des relations financières que dans celui de l'élaboration d'un nouveau texte financier.

M. Lauzzana, vous m'interrogez sur les opérateurs et sur la contractualisation. Notre système de contrôle est très progressif, avec un cadre qui a été harmonisé par le décret de 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Celui-ci a fait l'objet de révisions. Il vise à unifier conjointement le pilotage stratégique et la comptabilité. Nous avons deux types de contrats avec les opérateurs : les contrats stratégiques dits « contrats d'objectifs et de performances » (COP), qui sont l'occasion de fixer des orientations pluriannuelles, et les contrats de moyens pour lesquels nous nous engageons sur une trajectoire budgétaire – nous l'avons fait récemment avec Météo France et avec Business France. Concernant enfin les arrêtés de contrôle sur les budgets des ministères, une vague d'allégements a été réalisée ; elle est en cours pour les opérateurs. La refonte de notre cadre de gestion publique doit responsabiliser effectivement les dirigeants, avec moins de contrôles a priori et plus d'exigences a posteriori.

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Je tiens à saluer le travail réalisé par vos équipes et par celles du ministère de la transition écologique et solidaire : la France est un des premiers États au monde à mettre en place une méthodologie, partagée par l'OCDE, pour évaluer l'ensemble des dépenses et des recettes de l'État au regard de nos engagements internationaux en matière environnementale. Les 33 à 36 milliards d'euros évoqués par notre collègue Éric Coquerel ne sont pas uniquement ceux de la mission Écologie, développement et mobilité durables mais rassemblent l'ensemble des dépenses de l'État évaluées au prisme de cette méthodologie. Je voulais revenir sur la façon dont nous pourrions utiliser ces travaux dans le cadre du Printemps de l'évaluation. Vous avez fait, l'année dernière, un premier exercice sur quatre missions, dont celles relatives à l'agriculture et à l'écologie. Pensez-vous que cet exercice pourrait être élargi à l'ensemble des missions ?

Je me pose également la question de l'utilisation de cette méthodologie pour évaluer nos amendements ainsi que les dispositions fiscales du prochain projet de loi de finances. Que pensez-vous de cette possibilité ?

Concernant le point 5 du rapport d'inspection que vous avez évoqué, il est proposé un schéma de réalisation annuel du futur document et un processus d'évaluation pérenne. Est-ce que le groupe de travail interministériel a été mis en place pour travailler à un partage des informations, qui est nécessaire pour mener à bien cette mission ? Concernant la présentation, un jaune budgétaire, demandé par un de mes amendements au projet de loi de finances pour 2020, nous éclairera sur le « green budgeting ». Pouvez-vous nous en dire deux mots ?

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Le programme 134 Développement des entreprises et régulations pose un vrai problème de cohérence. Je salue les premiers efforts pour le résoudre : nous sommes passés de 13 à 8 actions en 2020. Pour autant, la question se pose de la porosité entre les programmes : d'un côté, nous baissons les charges des entreprises et, de l'autre, nous les aidons dans leur développement – je pense notamment au programme 305 Stratégie économique et fiscale. En un mot, les effets d'un programme influencent directement les résultats de l'autre. Comment mieux prendre en compte la porosité de ces programmes afin de mieux analyser leur performance ? Par ailleurs, la question du tourisme reste un serpent de mer. Quelle vision avez-vous de ce secteur qui est encore, pour partie, dans le programme 134 mais qui, il me semble, n'a pas vocation à y rester même à titre résiduel ? Peut-on espérer que ce programme 134 soit modifié en ce sens avant la fin de la législature ?

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Les indicateurs de performance sont parfois trop généralistes ou trop peu opérationnels. Quelle est la méthode retenue par la direction du budget pour élaborer ces indicateurs, les réviser et évaluer leur pertinence ?

Le mode de calcul du déficit structurel pose un certain nombre de problèmes. L'Union européenne s'est engagée à le redéfinir. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?

Le Gouvernement a mis en place un plan d'action pour les territoires ruraux. Croyez-vous opportun de créer un nouveau jaune budgétaire permettant de suivre l'ensemble des moyens consacrés à la mise en oeuvre de ce plan ?

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Pourrait-on envisager également de supprimer des jaunes ?

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Amélie Verdier, directrice du budget

Concernant l'évaluation environnementale du budget, Mme Peyrol, nous avons eu un premier exercice assez complet, avec un examen de près de 90 % des crédits du budget général. Nous avons d'ailleurs une obligation de résultat, avec une présentation complétée d'ici à 2021. Ce travail nous conduit à reproduire la méthode adoptée par les inspections. Peut-être la présentation du prochain budget amènera-t-elle à la faire évoluer, mais elle nous semble assez robuste.

Je ne peux pas vous répondre directement sur la façon dont nous pourrions vous aider afin que les parlementaires disposent de cette grille de lecture. Traditionnellement, il y a plus d'amendements sur la fiscalité que sur les crédits : peut-être nous faut-il affiner les choses afin de sérier notre capacité à le faire.

Mme Gregoire, nous partageons votre préoccupation au sujet de la cohérence du programme 134. Ce programme pose un problème au regard de sa spécialité. Il finance en effet beaucoup de choses : des entreprises, le transport postal, certaines agences, ainsi que le serpent de mer du tourisme. Y sont associées des taxes affectées qui, en finançant le réseau consulaire, contribuent à cette politique publique. Nous avons bien noté les recommandations précises du Parlement, étant entendu que ce programme n'est pas satisfaisant du point de vue de la cohérence d'ensemble.

M. Labaronne, je voudrais insister sur les recommandations pertinentes formulées par la Cour des comptes l'année dernière dans son rapport sur l'exécution du budget de l'État. L'inspiration nous convient tout à fait, notamment lorsqu'il s'agit de distinguer les objectifs politiques, qu'il faut fixer au niveau de la mission, et les objectifs attachés à chaque programme, plus connectés à l'activité opérationnelle. Il n'est effectivement plus possible que nous vous proposions des indicateurs non renseignés ou pour lesquels l'ambition apparaît en deçà des réalisations des années précédentes.

Les débats sont en cours au niveau européen sur l'évolution de la méthode de calcul du déficit structurel. Le diagnostic sur le caractère trop spécialisé de ces règles est partagé, mais il y a beaucoup moins de consensus sur la façon dont nous pourrions les faire évoluer. À très court terme, je ne vois donc pas apparaître de changement radical de ces règles.

L'agenda rural met en oeuvre des dispositifs très différents et il est parfois difficile de le reconstituer complètement. Je pense néanmoins qu'il faut distinguer un jaune, qui vient en complément de la maquette pour mettre en évidence la cohérence d'ensemble d'une politique publique, et ce qui constitue un plan d'action qui peut se retrouver dans d'autres types de document – qui ne sont pas forcément une annexe annuelle et obligatoire à la loi de finances. Il est exact, Mme Gregoire, que nous recevons plus de demandes visant à créer des jaunes qu'à en supprimer !

Mme Peyrol, nous fusionnerons effectivement « le jaune et le vert », si je puis dire, en un seul document, conformément à ce que vous aviez souhaité l'année dernière.

M. Daniel Labaronne, vice-président, remplace Mme Olivia Gregoire.

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Je souhaite partager avec vous une anecdote. Au mois de novembre dernier, j'ai organisé un « atelier du budget » dans ma circonscription. Il s'agissait de mettre les citoyens en position de faire des arbitrages budgétaires. Nous les avons transportés dans l'univers de Star Wars, et les citoyens devaient résoudre une crise : les Wookies étaient mécontents et s'en plaignaient violemment au Sénat de la République intergalactique. Ils devaient ainsi réaliser des arbitrages difficiles, pour répondre à la fois à l'urgence sociale et écologique dans un univers certes imaginaire, mais qui présentait des ressemblances, tout à fait voulues, avec le monde réel. Les participants ont réalisé à quel point la réalisation d'arbitrages était une chose compliquée. C'est de mon point de vue l'atelier le plus intéressant que j'aie réalisé, et cela nous rappelle l'importance de faire de la pédagogie sur le budget : dans une démocratie, il est important que le citoyen soit informé, et cela renforce le consentement à l'impôt.

Madame la directrice, j'en viens à ma question. Quel est votre avis sur la proposition faite par le think tank « Génération libre » concernant la mise en place d'une consultation citoyenne budgétaire ? Il s'agirait, au moment de la déclaration de revenus, de rendre transparents pour les citoyens les différents postes budgétaires, afin qu'ils puissent donner leur avis sur la répartition et les arbitrages à effectuer. Il ne s'agit pas de donner directement le pouvoir de décision aux citoyens : les avis donnés feraient ensuite l'objet d'un débat au Parlement. Cette proposition permettrait de renforcer le rôle d'évaluation du Parlement, car nous disposerions du point de vue du citoyen sur les lois de finances. Elle permettrait également d'améliorer l'information du citoyen, de renforcer le consentement à l'impôt, et de rapprocher la démocratie représentative, que nous incarnons, et la démocratie participative, qui est la voix des citoyens.

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En tant que rapporteur spécial de certains programmes de la mission Écologie, développement et mobilité durables, j'appelle de mes voeux la modification de la maquette des programmes 174 Énergie, climat et après-mines et 345 Service public de l'énergie, sachant que le compte d'affectation spéciale Transition énergétique devrait disparaître au 1er janvier 2021, Bercy ayant fini par gagner son bras de fer avec le ministère de l'Écologie !

Il serait en effet plus simple d'avoir deux programmes concernant, pour l'un, la transition écologique et énergétique, et, pour l'autre, un champ à vocation sociale et territoriale. Aujourd'hui, lorsque l'on s'intéresse à ces deux programmes, on n'y comprend pas grand-chose. Prenons le chèque énergie : les crédits associés passent du programme 345 au programme 174, alors que, de mon point de vue, il s'agit d'une politique sociale qui devrait être retracée dans un programme à vocation sociale et territoriale. De même, l'accompagnement social de l'après-mines figure dans le programme 174, alors que je le verrais plutôt dans un programme d'accompagnement social et territorial. En revanche, l'après-nucléaire, c'est-à-dire la fermeture programmée de la centrale de Fessenheim à ce stade, se retrouve dans le programme 345 : il serait plus logique de regrouper les dispositifs ayant trait aux énergies amenées à être réduites au sein du même programme, car ces évolutions auront des conséquences sociales et territoriales. Enfin, les dispositifs de soutien à la cogénération, qui constituent une politique de transition énergétique proactive – bien que l'on souhaite par ailleurs mettre fin à la cogénération ! –, figurent dans le programme 345 et non pas dans le programme 174.

Madame la directrice, au-delà de la suppression du compte d'affectation spéciale et du rattachement de certains crédits finançant le bonus écologique, que comptez-vous faire pour mettre un peu d'ordre dans le jardin de la transition écologique ?

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Ce matin, nous avons beaucoup parlé de clarté et de lisibilité budgétaires. Les questions financières sont toujours sensibles dans l'opinion, car elles reflètent les priorités politiques. En demeurant opaques pour la plupart des Français, elles suscitent la méfiance. Nous, élus, et vous, direction du budget, portons collectivement la responsabilité du climat social actuel. Les finances ne doivent pas rester l'objet de quelques spécialistes.

En septembre dernier, la France a adopté sa feuille de route pour atteindre des objectifs de développement durable. Ceux-ci sont actuellement mentionnés au sein du programme 110 Aide économique et financière au développement, mais uniquement comme objectifs. C'est assez réducteur pour cet agenda, qui fait consensus entre 193 États !

Si l'on peut se réjouir de la mise en place d'un budget vert en France, cela reste limitatif lorsqu'on sait que certains comme le Mexique, le Danemark ou l'Espagne ont fait le choix d'aller plus loin, en orientant l'intégralité de leurs budgets autour de ces objectifs qui lient économie, social et écologie.

En 2018, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a proposé un ensemble de 98 indicateurs majeurs, adaptés aux priorités et spécificités nationales, qui permettent, via des données statistiques, de suivre les politiques publiques françaises concourant aux objectifs de développement durable. Revoir la maquette budgétaire au regard de ces objectifs, à l'aide du travail préalable du Conseil national de l'information statistique, permettrait une meilleure lisibilité, et est nécessaire au dialogue démocratique et à l'acceptabilité des choix budgétaires.

Il est nécessaire de renouer avec les citoyens en proposant, à l'instar de certains États, un budget réellement accessible, grâce au langage universel que constituent les objectifs de développement durable. Quelle part pouvez-vous y prendre ?

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Souvent, au début de l'examen du budget, les crédits ouverts sont fièrement annoncés par le Gouvernement. Mais à la fin de l'examen, lorsque tout est presque achevé et que plus personne n'écoute, ces crédits sont généralement rabotés. C'est systématiquement le cas pour les crédits de l'écologie.

Ces crédits sont également les cibles privilégiées des lois de finances rectificatives. La réserve de précaution n'est jamais levée pour ces budgets. Vous obligez les gestionnaires à s'inscrire dans un cercle vicieux : sachant que leurs crédits seront rabotés, ils ont tendance à sous-exécuter la loi de finances, ce qui incite d'autant plus Bercy à tailler dans leurs crédits !

Ne pensez-vous pas qu'il est temps de considérer que la dépense en faveur de l'écologie est une dépense prioritaire et utile, et de faire en sorte, comme par exemple pour les crédits de la mission Défense, que ces crédits soient consommés dans leur entièreté ?

Enfin, l'information du Parlement sur les crédits alloués aux opérateurs a régressé depuis deux ans. Pourquoi les bleus budgétaires ne livrent-ils pas l'ensemble des données les concernant ?

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Amélie Verdier, directrice du budget

Je répondrai à Mme Petit par une autre anecdote. L'année dernière, nous avons fêté le centenaire de la direction du budget, créée en 1919, à l'issue de la Première guerre mondiale, pour permettre à l'État d'avoir une vision consolidée de ses moyens et de conduire une stratégie en matière de finances publiques. À cette occasion, nous avons mené une réflexion sur nos objectifs et sur nos manières de travailler. J'ai conclu le discours prononcé lors de la soirée du centenaire sur la question du budget participatif. Il s'agit d'une anecdote : je ne peux effectivement pas vous dire que nous sommes en situation de pouvoir réaliser un budget participatif, que ce soit cette année ou l'année prochaine.

Toutefois, au sein de la direction du budget, nous sommes très attentifs à la pédagogie et à la manière de permettre l'expression des citoyens sur le budget. Il existe différentes manières d'y travailler. Nous avons fait des « jeux sérieux », dédiés à un public intéressé, à l'occasion des journées du patrimoine notamment. Les citoyens se rendent alors compte qu'il est difficile de hiérarchiser et de prioriser. Nous serions d'ailleurs très désireux de voir comment vous avez travaillé sur ce sujet.

Lorsque nous travaillons avec le politique, notre mission est de présenter clairement le champ des possibles, et dans quelle temporalité il est possible d'agir. En effet, dans un budget, certaines dépenses sont déjà engagées sur l'année, tandis que d'autres peuvent l'être sur plusieurs années, et il est possible d'agir sur ces dépenses dans une certaine mesure. C'est à cet aune-là qu'il faut, à mon sens, envisager la question des prises de position sur le budget.

Sachez qu'à Bercy, nous sommes ouverts à ce type d'innovation et qu'il nous paraît fondamental d'y travailler afin de progresser en matière de pédagogie des finances publiques. Cela prend de nombreuses formes : le site https://www.aquoiserventmesimpots.gouv.fr/, la réflexion que nous avons menée à la suite du Grand Débat national, ou encore le « parcours usager » qui permet d'avoir une meilleure vision de la dépense publique. C'est un travail de longue haleine, compte tenu notamment de la fragmentation de nos finances publiques qui nous singularise au sein des pays l'OCDE.

M. Julien Aubert a fait des propositions très précises concernant la maquette de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Je souscris à leur esprit général. En effet, ce périmètre a beaucoup évolué dans la période récente : la rebudgétisation du CAS Transition énergétique, que vous avez votée, est une victoire du Parlement, car elle permettra une présentation plus claire des engagements pluriannuels qui contribuent à cette politique publique et atteignent plusieurs milliards d'euros. Il y a eu beaucoup de mouvements entre les programmes 175 et 345. Je ne peux pas répondre plus précisément, mais les propositions me paraissent en cohérence avec l'esprit de la LOLF.

Mme de Temmerman nous a invités à faire des progrès en matière de transparence et de pédagogie dans la transcription de la feuille de route consacrée aux objectifs de développement durable. Nous regarderons avec attention les exemples du Mexique et du Danemark. Je me permets juste de signaler que lorsque nous avons présenté notre méthodologie de « budget vert » à l'OCDE et aux think tanks, ces derniers nous ont dit que, selon eux, la France était le pays le plus avancé en la matière. Nous savons que nous devons progresser, mais les observateurs extérieurs ne nous jugent pas en retard sur cette question.

Enfin, Mme Rubin a posé la question de l'exécution des crédits de l'écologie. Il est exact que la loi de finances rectificative pour 2019 a validé des annulations intervenues en gestion. Toutefois, ces annulations avaient pour objectif de financer le dérapage de la prime à la conversion, qui concourt également aux objectifs de transition écologique.

Je précise que l'exposé des motifs de la loi de règlement a été récemment enrichi pour permettre une présentation claire des mouvements qui ont affecté l'exécution et une comparaison de l'exécution budgétaire non seulement avec la prévision initiale, mais aussi avec les exécutions antérieures.

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Madame la directrice, je vous remercie pour votre intervention et pour la qualité de vos réponses.

La commission a arrêté le programme de ses travaux d'évaluation des politiques publiques :

Rapports spéciauxRapporteursThèmes d'évaluation
Action extérieure de l'ÉtatVincent LedouxLes contributions financières de la France aux organisations du système des Nations Unies
Action extérieure de l'État : TourismeÉmilie BonnivardLa politique de soutien à l'hôtellerie familiale et indépendante
Administration générale et territoriale de l'ÉtatJacques SavatierBilan du plan préfectures nouvelle génération en matière de délivrance de titres sécurisés
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Politiques de l'agriculture, forêt, pêche et aquaculture ; Développement agricole et ruralHervé PelloisLa prévention des aléas et la gestion des crises dans le secteur agricole.
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : Sécurité alimentaireMichel LauzzanaLes contrôles sanitaires et phytosanitaires à l'heure du Brexit
Aide publique au développement ; Prêts à des États étrangersMarc Le FurL'aide publique au développement à Djibouti et en Éthiopie
Anciens combattants, mémoire et liens avec la NationJean-Paul DufrègneLa prise en charge des blessés et invalides de guerre
Cohésion des territoires : logement et hébergement d'urgenceFrançois JolivetBilan des établissements publics d'aménagement d'État (objectifs de production et réalisation)
Cohésion des territoires : politique des territoiresMohamed LaqhilaLe dispositif adultes-relais
Conseil et contrôle de l'ÉtatDaniel LabaronneL'aide juridictionnelle devant les juridictions administratives
Culture : Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la cultureDominique DavidÉvaluation de la mise en oeuvre du Pass culture
Culture : PatrimoinesGilles CarrezLes aides à l'entretien et la restauration des propriétés privées et des monuments historiques.
Défense : Préparation de l'avenirFrançois Cornut-GentilleLa contractualisation entre le ministère des armées et les entreprises en matière d'innovation de défense
Défense : Budget opérationnel de la défenseOlivier GaillardLes coopérations européennes en matière de soutien aux opérations extérieures des forces françaises
Direction de l'action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative, Investissements d'avenirMarie-Christine DallozLa politique de rationalisation des entités de petite taille rattachées au Premier ministre
Écologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiquesÉric CoquerelLa politique de prévention des risques naturels et technologiques à l'heure du dérèglement climatique
Écologie, développement et mobilité durables : Affaires maritimesSaïd AhamadaLa restructuration de L'Ecole nationale supérieure maritime
Écologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après-mines ; Service public de l'énergie ; Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ; Transition énergétiqueJulien AubertLa prime à la conversion automobile
Écologie, développement et mobilité durables : Infrastructures et services de transports ; Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ; Contrôle et exploitation aériensAnne-Laure Cattelot Benoit SimianLes contrats de plan État-région
Économie : Développement des entreprises et régulations ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privésOlivia Gregoire Xavier RoserenL'accompagnement des entreprises en difficulté
Économie : Commerce extérieurNicolas ForissierL'efficacité des dispositifs de garantie export de Bpi Assurance export et comparaison internationale
Économie : Statistiques et études économiques ; Stratégie économique et fiscale ; Accords monétaires internationauxFrançois André Benoît PotterieLe réseau international du Trésor
Engagements financiers de l'ÉtatBénédicte PeyrolLa gestion de la dette de l'État dans un environnement de taux bas
Enseignement scolaireCatherine OssonLa gestion des personnels en difficulté de l'enseignement scolaire
Rapports spéciauxRapporteursThèmes d'évaluation
Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local ; Facilitation et sécurisation des échanges ; Conduite et pilotage des politiques économiques ; Action et transformation publiquesBenjamin DirxLa politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences à la direction générale des finances publiques
Gestion des finances publiques et des ressources humaines : Fonction publique ; Crédits non répartisPhilippe Chassaing Valérie PetitLe financement des IRA
Gestion du patrimoine immobilier de l'ÉtatJean-Paul MatteiGestion et valorisation du patrimoine immobilier de l'État à l'étranger
Immigration, asile et intégrationJean-Noël Barrot Alexandre HolroydL'intégration professionnelle des demandeurs d'asile et des réfugiés
JusticePatrick HetzelLes moyens affectés au ministère public
Médias, livre et industries culturelles ; Avances à l'audiovisuel publicMarie-Ange MagneLe soutien aux radios associatives
Outre-merOlivier ServaL'accompagnement des collectivités ultra-marines dans l'aménagement et le développement de leur territoire (ingénierie ; études ; maîtrise d'ouvrage ; connaissance des besoins)
Pouvoirs publicsPatricia LemoineL'exécution des crédits de la mission Pouvoirs publics en 2019
Recherche et enseignement supérieur : RechercheFrancis ChouatL'accès des chercheurs français aux financements européens
Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudianteFabrice Le VigoureuxL'objectivation de la dépense par étudiant
Régimes sociaux et de retraite ; PensionsOlivier DamaisinBilan et évaluation de la mise en place du service des retraites de l'Etat (SRE) et du compte individuel de retraite (CIR)
Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales ;Jean-René Cazeneuve Christophe JerretieL'efficacité de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation nationale de péréquation (DNP)
Remboursements et dégrèvementsChristine Pires BeauneLe crédit impôt-recherche
SantéVéronique LouwagieEfficacité et financement de la lutte contre la maladie de Lyme
Sécurités ; Police, gendarmerie, sécurité routière, Contrôle de la circulation et du stationnement routiersRomain Grau Nadia HaiLes forces de sécurité intérieure face aux difficultés de recrutement des officiers de police judiciaire
Sécurité civileBruno DuvergéL'entretien et le renouvellement des flottes aériennes de la sécurité civile
Solidarité, insertion et égalité des chancesStella DupontLe processus de contractualisation et les mesures d'investissement social mis en oeuvre dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté
Sport, jeunesse et vie associativeSarah El Haïry Perrine GouletJeunesse et vie associative : Évaluation du service civique et impact de la budgétisation du service national universel Sport : Évaluation de la prise en compte du sport pour tous dans la répartition des crédits issue de la nouvelle gouvernance sportive.
Travail et emploi Marie-Christine Verdier-JouclasÉvaluation de la politique d'inclusion par l'emploi
Participations financières de l'État ; participation de la France au désendettement de la Grèce ; avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publicsValérie RabaultParticipations de l'État : les moyens d'action de l'État
Affaires européennesXavier PaluszkiewiczBilan de la politique agricole commune sur le CFP 2014-2020
Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 9 heures 30

Présents. – M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, Mme Jennifer De Temmerman, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Bruno Duvergé, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, M. David Habib, Mme Nadia Hai, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

Excusés. – M. Damien Abad, M. François André, Mme Anne-Laure Cattelot, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Paul Mattei, M. Olivier Serva

Assistaient également à la réunion. – M. Michel Castellani, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Luc Warsmann