Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Réunion du vendredi 7 février 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Vendredi 7 février 2020

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission poursuit l'examen du projet de loi instituant un système universel de retraite (n° 2623 rectifié) (M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général, MM. Nicolas Turquois, Jacques Maire, Mmes Corinne Vignon, Carole Grandjean et M. Paul Christophe, rapporteurs).

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Mes chers collègues, nous avons examiné 2 195 amendements ; il en reste 17 921.

Article 8 (suite) : Modalités de calcul et d'acquisition du point, unité de mesure d'un système juste et transparent

La commission est saisie des amendements identiques n° 4719 de Mme Clémentine Autain et n° 4730 de M. Adrien Quatennens.

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Il s'agit de supprimer l'alinéa 1 de l'article 8, qui concerne les décotes et les surcotes. Afin que l'examen de cet article se fasse sur de bonnes bases, est-il possible que le rapporteur et le ministre nous en expliquent la logique ?

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Nous entrons ici dans le détail de l'architecture de cette réforme, à savoir la mise en place du système par points, dont l'objectif, ainsi que nous l'expliquons depuis le début de nos débats, est en réalité de limiter la part de la richesse nationale consacrée aux retraites. Hier, nous avons terminé nos travaux en rappelant qu'au mois d'octobre 2018, sur France Inter, Jean-Paul Delevoye avait clairement expliqué qu'on ne saurait excéder le plafond de 14 %. Vous défendez ce plafond en arguant qu'il suffit aujourd'hui à absorber la démographie des retraités. Or nous savons que la part des seniors dans la population de ce pays est vouée à augmenter fortement et que, par conséquent, fixer un plafond de dépenses à 14 % du PIB revient à instaurer une règle d'or dont la variable d'ajustement ne peut être que le niveau des pensions.

Le système à points ne sert donc, à nos yeux, qu'à une chose : moduler la taille de la part du gâteau, qui ne va cesser de diminuer à mesure que les gens seront plus nombreux. Pour que la baisse des pensions ne frappe pas toujours au même âge, vous instaurez cette idée d'âge d'équilibre, qui se décalera, génération après génération.

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Il y a deux jours, nous avons eu de vives altercations sur le cadre de nos débats et la nature de nos échanges. Il va sans dire – et je le réaffirme ce matin – que l'intention de La France insoumise n'étant pas de coopérer à l'élaboration du texte mais de donner voix, au sein de l'Assemblée nationale, à la revendication de la majorité du pays, qui demande le retrait du texte, nous avons fait le choix de demander la suppression de chaque alinéa. Néanmoins, vous aurez compris, compte tenu de ma précédente intervention, que notre intention est également d'avoir un débat de fond, en l'occurrence, ce matin, sur l'instauration du système par points. Il serait donc utile pour l'avancée de nos travaux que le rapporteur fasse l'effort de répondre sur le fond.

Je répète que nous considérons que ce système vise à contracter la part de la richesse consacrée aux retraites avec, comme conséquence directe, la baisse du niveau des pensions par l'instauration d'un âge d'équilibre. Le rapporteur peut-il répondre sur ce point de manière plus musclée qu'il ne vient de le faire ?

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Je vous rassure, nous avons parfaitement compris que vous n'aviez pas l'intention de coopérer à la construction de ce texte. Quant au débat, nous l'avons déjà eu hier, et je maintiens donc mon avis défavorable.

Pour ce qui est des Français, dont vous vous réclamez, la majorité d'entre eux souhaite le changement du système actuel, qu'il juge injuste et ne comprend pas. Ils réclament plus de lisibilité et plus d'équilibre ; c'est ce que nous mettons en place à travers cette réforme.

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Un mensonge répété cinquante fois ne fait pas une vérité. Quant aux critiques que l'on peut tous formuler à l'endroit du système actuel, elles ne rendent pas pour autant les Français éperdus d'amour et d'impatience pour le projet que vous présentez. La réalité, c'est qu'ils le refusent avec force depuis des semaines, mais vous avez fait de la surdité un mode de gouvernement – cela finit par s'entendre, si j'ose dire !

Votre réforme va entraîner une baisse du taux de remplacement dans le temps, une baisse du niveau de vie relatif des retraités par rapport aux actifs et un recul de l'âge de départ à la retraite : ce sont des données objectives, c'est ce que dit votre étude d'impact. Pouvez-vous le dénier ? Fournissez-nous, si c'est le cas, un tableau avec le taux de remplacement par génération et par niveau de revenus jusqu'en 2070.

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Nous avons entamé hier le débat sur la philosophie de votre projet de loi. Il est loin d'être achevé, d'autant que vous n'êtes pas parvenus, et c'est le moins que l'on puisse dire, à nous convaincre. Vous avez donc encore un effort à fournir pour convaincre – nous, si vous le pouvez, mais plus largement le pays –, que votre nouveau système est celui que tout le monde réclamerait à cor et à cri.

Que le système actuel ait des défauts, chacun en convient, et nous savons pourquoi. Nous avons déjà expliqué que les multiples entailles qui avaient été faites au droit à la retraite avaient été regrettables ; nous les avons combattues et nous continuons de les combattre. En l'occurrence, vous nous vantez les mérites d'un système sans les démontrer. Vous le dites plus lisible mais vous êtes incapables de nous indiquer quels seront le taux de remplacement et les droits garantis. Creusez vos arguments !

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Pourquoi rejetez-vous absolument le fait qu'un système de retraite ait comme variable d'ajustement l'espérance de vie ? Tout le monde est pourtant capable de le comprendre : si l'espérance de vie venait à doubler, il faudrait doubler les pensions. Imaginez-vous sérieusement qu'on pourrait doubler la taille du gâteau et consacrer 28 % de la richesse nationale aux retraités ? Soyons sérieux ! La France détient déjà le record mondial en matière de durée des pensions servies : nous atteignons une moyenne de vingt-six ans, alors qu'elle est de dix-sept ans en Europe. Que voulez-vous de plus ?

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Il existe une règle qui veut que le gain d'espérance de vie soit réparti entre vie active et retraite à raison de deux tiers-un tiers. Cette règle, il faut la respecter en jouant sur l'âge légal plutôt que sur l'âge pivot.

En ce qui concerne les points, il faut les considérer comme une simple modalité de calcul. On peut évidemment manipuler le calcul par points, mais on pouvait tout autant le faire lorsqu'il s'agissait de trimestres. Ce que je conteste, c'est l'idée que les points seraient le seul moyen d'accumuler des droits dès la première heure travaillée. Ce n'est pas vrai, il y avait plus simple, mais vous n'avez pas voulu. Quoi qu'il en soit, nos débats doivent surtout porter sur l'évolution de la valeur d'acquisition du point et sur sa valeur de service.

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Il me semble que le système par points va avant tout permettre à chacun de savoir, de façon plus lisible, tout au long de sa vie professionnelle, ce qu'il a accumulé comme droits à la retraite. Je ne comprends donc pas où est le problème. Qu'on puisse ensuite discuter de la valeur du point, de la manière dont elle est fixée, des modes de rémunération et du fait de savoir s'ils intègrent ou non les revenus du capital, ce sont en effet des enjeux politiques intéressants, mais je ne comprends pas vos réticences sur l'aspect technique du système.

La commission rejette les amendements.

Elle en vient aux amendements n° 4890 de Mme Clémentine Autain et n° 4901 de M. Adrien Quatennens.

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Monsieur Da Silva, ce que nous voulons, c'est préserver notre système et faire en sorte qu'on n'allonge pas la durée de cotisation, qu'on ne retarde pas l'âge de départ et qu'on ne baisse pas les pensions.

Vous manquez d'imagination quant aux moyens d'augmenter les recettes. Sachez que si l'assiette de cotisations était élargie au capital, si les revenus financiers contribuaient au financement des retraites selon le même niveau d'effort que les revenus du travail, on obtiendrait 25 milliards d'euros. Des marges, il en existe donc ! Mais rien ne sert de discuter de la taille du gâteau puisque votre objectif est purement comptable.

J'en reviens donc au point, qui est au coeur de votre réforme. Nous voudrions que le rapporteur ou le secrétaire d'État nous expliquent comment seront calculées sa valeur d'acquisition – au moment où on l'acquiert – et sa valeur de service – au moment où on le touche –, et quel sera le coefficient d'ajustement.

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La démonstration de notre collègue Da Silva donne la désagréable impression que nous devrions regretter que l'espérance de vie ait augmenté. D'abord, l'espérance de vie stagne désormais, tandis que l'espérance de vie en bonne santé recule, et j'attends qu'on me prouve que la pollution et notre alimentation n'auront sur elle aucune incidence négative, dans les années à venir.

Considérer l'augmentation de l'espérance de vie comme un problème dans l'équation, c'est oublier un paramètre essentiel : on produit beaucoup de richesse mais cette richesse est extrêmement mal répartie. Il y a donc des solutions pour financer l'augmentation de l'espérance de vie, si toutefois on accepte de ventiler un peu mieux la richesse produite au lieu de la laisser accaparer par quelques-uns. Aujourd'hui, un salarié français travaille en moyenne quarante-cinq jours par an pour rémunérer les actionnaires, contre neuf jours dans les années 1980 ; dans l'intervalle pourtant, la productivité a augmenté. Il y a donc une part des richesses produites par le travail qui ne lui revient pas ; en l'affectant au financement des retraites, nous la lui rendrions.

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Monsieur Woerth vous pouvez répéter à l'envi qu'il aurait été plus simple de conserver des trimestres, mais la valeur du trimestre dépend du nombre d'heures travaillées, et il est compliqué, autour de la cinquantaine, de calculer le niveau de pension auquel on aura potentiellement droit. Au contraire, lorsqu'on accumule des points sur un compte, la valeur du point peut certes évoluer – nous en discuterons à l'article 9 –, mais on peut déjà avoir une idée, en euros constants, de ce que sera le montant de sa retraite, si l'on a une carrière relativement linéaire. C'est non seulement beaucoup plus lisible que le calcul par trimestres, mais je rappelle également qu'en ayant travaillé 140 heures au cours d'un trimestre pour un job d'étudiant, vous avez cotisé pour rien, alors que pour 160 heures vous commencez à acquérir des droits : pour les jeunes, cela ne tombe pas sous le sens.

Pour ce qui concerne l'espérance de vie, monsieur Quatennens, c'est un élément paramétrique important dans l'équilibre du système, et j'ai déjà expliqué pourquoi à plusieurs reprises. L'une des vertus du système universel et de la mutualisation globale du système de retraite, c'est que, en cas d'événement majeur – démographique, sanitaire ou économique –, plus la base démographique est large, mieux l'amortisseur fonctionne, de même qu'un système par répartition s'avère plus stable qu'un système par capitalisation.

Cela étant, le calcul du point dépend notamment du nombre de retraités et varie avec lui, de manière assez prévisible. C'est ainsi que la valeur retenue dans le rapport Delevoye permettait qu'en dix-huit ans – durée correspondant à l'espérance de vie après un départ en retraite à l'âge d'équilibre –, vous touchiez l'équivalent du capital que vous aviez versé en cotisations tout au long de votre carrière.

Avis défavorable aux amendements.

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Les Républicains ne sont pas opposés par principe au système à points, et nous savons que cela fonctionne à l'AGIRC-ARRCO. C'est, à nos yeux, une simple modalité de calcul. Vous affirmez qu'elle facilite les prévisions, puisqu'il suffit de multiplier le nombre de points accumulés par un coefficient. C'est en partie vrai, sauf que vous ne stabilisez les règles de fixation de la valeur du point qu'à partir de 2045. En outre, il n'y a pas qu'une valeur du point, mais deux : la valeur d'acquisition et la valeur de service. Tout cela peut donc beaucoup varier, avec des écarts qui, au bout d'un certain temps, pourraient atteindre 10 % ou 12 %. Vous ne pouvez donc pas prétendre que vous proposez un système stabilisé dans lequel chacun pourra connaître, à 30 ans, le montant de sa retraite en fonction des points qu'il a accumulés. Par ailleurs, avec le décompte par trimestres, vous savez en gros, lorsque vous atteignez la cinquantaine, à quoi vous pourrez prétendre, car vous connaissez votre durée de cotisation et que vous avez probablement interrogé votre caisse de retraite.

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Nous ne pouvons que constater les difficultés que vous avez à illustrer par des exemples concrets les vertus du système à points, nous expliquant que les choses seront plus claires demain lorsque le dispositif s'appliquera. Avouez que les Français ont de quoi s'inquiéter ! C'est aujourd'hui qu'ils souhaitent des clarifications sur le sort qui leur sera réservé.

Un ancien président avait inventé la formule « travailler plus pour gagner plus » ; vous, c'est « travailler plus pour percevoir moins ». C'est, en tout cas, ce qui semble se dessiner aujourd'hui, alors que j'aimerais pouvoir indiquer des perspectives plus claires à nos concitoyens qui m'interrogent.

Les Français sont prêts à faire des efforts, mais des efforts qui paient, pas des sacrifices. Or tout dans vos propos semble dire, au contraire, que votre réforme n'est ni sociale ni de progrès, mais une réforme comptable, qui passe obligatoirement par des sacrifices.

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Nous avons essayé de vous expliquer sur tous les tons que le système que vous proposiez n'offrait aucune visibilité, aucune stabilité, aucune garantie. Vous ne nous dites rien des quatre variables que sont l'âge de départ – qui va probablement reculer au fil du temps –, la valeur d'acquisition du point, sa valeur de service et enfin le niveau des pensions, puisqu'il n'est pas interdit de penser qu'elles seront éventuellement désindexées, comme vous l'avez déjà fait depuis le début de la législature.

Vous avez beau vouloir nous rassurer, vous êtes incapables de nous fournir la grille des taux de rendement et des garanties sur lesquels les gens pourront compter au bout de leur carrière, génération après génération. Je continue donc à vous la réclamer, et j'espère que le Conseil constitutionnel vous le reprochera si vous ne la fournissez pas.

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Si l'espérance de vie augmente ou – et c'est probable – si la part des seniors dans la population augmente, il y a deux possibilités, et c'est là que les deux logiques, la nôtre et la vôtre, s'affrontent. La vôtre répond à la volonté de maintenir constante la part du PIB consacré aux retraites, ce qui implique de faire du niveau des pensions une variable d'ajustement. Comme vous n'assumez pas politiquement de dire aux Français qu'en partant à la retraite au même âge que leurs aînés, ils toucheront moins, vous expliquez qu'il leur faudra travailler plus longtemps. En réalité, cela revient au même, car s'il faut travailler plus longtemps, c'est bien parce que vous allez introduire un mécanisme de décote et donc baisser le niveau des pensions à l'âge en question.

Notre logique est à l'opposé. Si l'espérance de vie augmente ou que la part des seniors dans la population augmente, nous considérons qu'il faut maintenir la possibilité de partir à un âge et pour un niveau de pension déterminés par des choix politiques. Il faut donc adapter la part de la richesse nationale consacrée aux retraites. Là est toute la différence entre vous et nous. En résumé, vous poursuivez un objectif comptable et, pour l'atteindre, vous allez diminuer le niveau des pensions. C'est tout !

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Beaucoup de bêtises ont été dites ces derniers jours sur les régimes à prestations définies et à cotisations définies, et il serait bon de revenir sur la définition de ces termes. La question des régimes à prestations définies et à cotisations définies ne concerne, en France et en droit français, que les régimes par capitalisation. En effet, tout régime par répartition est piloté grâce à l'ajustement, chaque année, du montant des cotisations et des prestations, pour atteindre l'équilibre budgétaire. À l'inverse, lorsqu'on parle de cotisations et de prestations définies, on se réfère à un système – par exemple celui des régimes complémentaires collectifs par capitalisation – dans lequel vous cotisez en vue de parvenir à une somme finale. Dans un régime à prestations définies, la somme que vous toucherez est garantie par l'employeur, quels que soient les aléas ; dans un régime à cotisation définies, vous ne toucherez que ce que vous avez capitalisé.

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Il est faux de prétendre qu'avec cette réforme les pensions vont baisser. En revanche, ce qui est certain, qu'il faut dire dans un souci de vérité à nos concitoyens et qui est inscrit dans le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) – auquel chacun de nous est très attaché –, c'est que si nous ne faisons rien, les pensions baisseront. Nous ne pouvons nous y résigner.

Par ailleurs, les Françaises et les Français nous demandent de la lisibilité. Ils connaissent le système par points, qui constitue plus de 50 % des pensions ; le problème est que la retraite de base, fondée sur un système d'annuités, est parfaitement illisible. C'est donc par souci de cohérence que nous voulons généraliser le système par points, ces derniers étant indexés sur les salaires, ce qui permettra de mieux prendre en compte les salaires de début de carrière, sans les écraser. Ainsi, l'ensemble de leur carrière étant prise en compte, nos concitoyens verront leurs pensions augmenter.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Nous avons déjà eu ce débat, et chaque groupe a eu l'occasion d'exprimer sa position sur le système par points. Dans l'article 9 se trouvent nombre des réponses aux questions que se pose notamment La France insoumise sur la valeur d'acquisition et la valeur de service du point ; j'espère que nous pourrons les aborder.

Il est très clairement indiqué dans l'article les conditions dans lesquelles sont définies la valeur d'acquisition et la valeur de service du point, qui sont revalorisées selon la même règle et épousent donc une dynamique commune. On peut contester le système par points, exprimer son désaccord avec le projet du Gouvernement, mais on ne peut pas prétendre qu'il va conduire à des divergences importantes entre la valeur d'acquisition et la valeur de service. Il suffit de se référer au texte, qui indique le contraire.

En ce qui concerne le taux de rendement, nous avons déjà expliqué à plusieurs reprises qu'il serait fixé par la gouvernance, c'est-à-dire par les partenaires sociaux : comment voulez-vous, dans ces conditions, que nous donnions à l'avance des informations sur des éléments qui ne sont pas encore arrêtés ? Si vous souhaitez – et je crois que c'est le cas – que les partenaires sociaux aient un rôle dans la gestion des retraites, il faut leur laisser jouer ce rôle. Cela étant, nous disposons quand même de quelques indications sur le sujet puisque le rapport Delevoye du mois de juillet établissait des hypothèses avec un taux de rendement brut à 5,5 %.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 22120 de M. Pierre Dharréville.

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Nous tâchons d'expliquer les choses de manière un peu plus claire que vous. Le premier effet de ce système par points, c'est le calcul de la pension sur l'ensemble de la carrière, ce qui ne produit évidemment pas le même résultat que lorsqu'elle est calculée sur les six derniers mois pour la fonction publique, ou sur les vingt-cinq ou dix – ce que nous proposons, pour notre part – meilleures années dans le régime général. Vous intégrez donc dans le calcul les moins bonnes années, tout en nous expliquant que cela améliorerait les droits à la retraite – vous aurez du mal à nous convaincre sur ce point.

Je voudrais aussi dénoncer l'hypocrisie qui entoure le maintien de l'âge, compte tenu de l'âge d'équilibre. Il faut bien préciser, en effet, que la notion d'équilibre ne s'applique pas ici aux trajectoires individuelles mais à l'équilibre financier du système. En d'autres termes, vous faites dépendre le montant des pensions de données financières, et l'âge d'équilibre n'a nullement vocation, dans votre système, à garantir les droits de chacun à la retraite.

La lisibilité que vous nous promettez n'est pas au rendez-vous, parce que vous refusez de garantir ce droit. Nous ne savons même pas quel sera le taux de rendement en 2022. On ne peut pas avancer ainsi, sans garantie, et se dire que les choses se règleront au fil de l'eau. Ce n'est pas sérieux !

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À vous écouter, monsieur Dharréville, on a le sentiment que, dans le système tel que vous l'envisagez, certes en exagérant un peu, un fonctionnaire n'aurait à travailler que pendant six mois, et un affilié du régime général pendant vingt-cinq ans, pour acquérir des droits à la retraite. Mais vous semblez oublier qu'il faut valider des trimestres dans un même régime.

Par ailleurs, compte tenu de votre positionnement politique, il me semble que le coeur de votre électorat, ce sont des ouvriers ou des salariés qui ont des carrières relativement plates, au niveau du SMIC ou légèrement au-dessus du SMIC. Or, dans le système actuel, leur vingt-cinquième meilleure année se trouve totalement dévalorisée, puisque le calcul se fait sur la moyenne de vingt-cinq années de salaires revalorisés sur la base de l'inflation. Il y a vingt-cinq ans, nous étions en 1993, ce qui signifie qu'il y a 40 % d'écart entre la progression par l'inflation et la progression par les salaires, selon les chiffres déjà évoqués.

Le système actuel accentue donc les différences entre les carrières plates et celles qui se sont traduites par d'importantes revalorisations en fin de carrière. Certes, pour ces dernières, le nouveau dispositif écrasera légèrement cette progression, mais l'immense majorité de nos concitoyens, qui perçoivent des rémunérations proches du SMIC ou qui ont des carrières incomplètes, a tout à gagner au calcul par points, qui servira également tous les polypensionnés.

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Il faut arrêter de raconter que vous cherchez à instaurer de la lisibilité dans le système, car l'intervention du secrétaire d'État vient de prouver le contraire. Tous ceux qui l'ont écouté ont pu constater à quel point le Gouvernement maintient le plus grand flou sur son projet.

Par ailleurs, les Français que je rencontre dans ma circonscription ne réclament pas un système plus lisible ; ce qu'ils veulent savoir, c'est quand ils pourront partir, avec quel montant et dans quel état. Ce sont les prestations qui les intéressent et non la manière dont ils vont cotiser.

Enfin, monsieur le rapporteur, si La République en Marche décide des réformes à faire en fonction de son électorat, nous considérons, nous, avant tout, l'intérêt général et la manière de concilier au mieux l'égalité et la liberté. C'est dans cette perspective que nous proposons de retenir, non pas les vingt-cinq meilleures années, mais les dix meilleures.

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Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous ne nous dites pas la vérité. Vous dites qu'il y a un rendement garanti à 5,5 %, mais ce n'est pas dans le texte. Vous dites que la valeur du point sera indexée sur les salaires, mais ce n'est pas vrai. Jusqu'en 2045, la valeur du point évoluera selon un taux supérieur à zéro et compris entre celui de l'inflation et celui de l'évolution des salaires. Après 1945, le point sera indexé sur les salaires, sous réserve de l'équilibre financier du système – et c'est une réserve importante ! Vous dites que les partenaires sociaux pourront débattre, mais ce n'est pas vrai, car vous êtes en train de les corseter. Votre seule règle d'or, c'est celle de l'équilibre financier : il n'y a aucune règle d'or sur les droits sociaux. Dites la vérité et arrêtez de nous donner des chiffres que vous ne démontrez pas !

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Plus on vous écoute et plus le brouillard s'épaissit : on est maintenant au coeur du Connemara ! Je partage l'avis de M. Woerth : il n'y aura absolument aucune visibilité et pas de dynamique commune entre la valeur d'acquisition et la valeur de service. La raison en est simple : le système actuel, à prestations définies, va être remplacé par un système à cotisations définies. Nul ne sait quel sera l'âge d'équilibre au moment où il partira à la retraite, pas plus que la valeur du point, puisque ces données seront lissées tous les cinq ans, en vue d'assurer l'équilibre financier du système.

C'est le conseil d'administration de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), en se fondant sur l'avis d'un comité d'experts, qui prendra ces décisions et le tout sera validé par décret. Au bout du compte, c'est donc le Gouvernement qui fixera la valeur de service du point. Cette valeur de service bougera nécessairement, parce que tout est corrélé à l'équilibre financier, cette règle d'or de l'austérité budgétaire que vous énoncez à l'article 55 – que nous n'atteindrons pas. Tous ces mécanismes font que nous allons travailler plus longtemps, puisque l'âge d'équilibre va, lui aussi, bouger, contrairement à ce qui est écrit dans votre volume de mille pages, qui est totalement mensonger.

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Le groupe Les Républicains est tout à fait d'accord avec la nécessité de maintenir l'équilibre financier de notre système de retraite : c'est un impératif et une responsabilité vis-à-vis des générations futures. En revanche, trois points me semblent problématiques dans votre projet. Premièrement, vous nous dites qu'il faudra travailler plus longtemps, mais vous avez retiré l'âge pivot et votre projet ne mentionne pas de durée de cotisation. C'est un vrai paradoxe ! Deuxièmement, vous dites vouloir instaurer un régime universel, mais vous excluez du champ de la réforme un grand nombre de professions : votre système n'a donc plus rien d'universel. Troisièmement, le rapporteur vient de nous dire que les pensions seront garanties et indexées sur la valeur du point, mais ce ne sera pas le cas avant 2045.

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Madame Autain, asséner mille fois le même mensonge n'en fait pas une vérité.

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Depuis trois jours, vous répétez des contre-vérités. Sachez que nous ne nous levons pas le matin en nous demandant comment détruire les retraites : nous y tenons, au système de retraite.

La valeur du point n'est rien d'autre qu'une clef de répartition qui remplace celle des vingt-cinq meilleures années. C'est une manière de répartir l'enveloppe globale, dont nous souhaitons d'ailleurs qu'elle reste toujours aussi importante. Cette clef de répartition est moins hasardeuse que celle des vingt-cinq meilleures années, parce qu'elle donne la même valeur à toutes les périodes de la vie professionnelle. Comme le disait M. le rapporteur, cela donne la même valeur au début et à la fin de carrière : ce système favorise donc les faibles pensions et les personnes qui ont des carrières plates. Toutes les études d'impact montrent que cela va augmenter le montant des pensions de retraite de 30 % pour les 25 % les plus pauvres.

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Il est bien évident qu'il faut assurer l'équilibre financier de notre système. Il serait irresponsable de transmettre une dette à nos successeurs : je suis atterré quand j'entends cela. Je sais bien que François Hollande nous a laissé un budget insincère, mais ce n'est pas une raison... Certes, il existe d'autres solutions pour assurer cet équilibre et l'on peut entendre celle que vous avancez de faire participer le capital. En tout cas, nous ne nous en sortirons pas si le système n'est pas équilibré.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine les amendements identiques n° 4753 de Mme Clémentine Autain, n° 4756 de M. Alexis Corbière, n° 4758 de M. Bastien Lachaud et n° 4764 de M. Adrien Quatennens.

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À l'alinéa 2, après le mot « carrière », nous proposons d'insérer les mots : « de façon à garantir une pension de retraite lui garantissant un maintien de son niveau de vie ».

Madame Fabre, permettez-moi de vous répondre sur deux points.

Premièrement, pour revenir au débat que nous avons déjà eu hier et avant-hier, il ne fait aucun doute que la prise en compte des vingt-cinq meilleures années est plus favorable que la prise en compte de l'ensemble de la carrière. Il n'est pas nécessaire d'avoir fait de grandes études pour le comprendre. Nous avons déjà un point de repère, puisque lorsqu'on est passé des dix meilleures aux vingt-cinq meilleures années, cela s'est traduit par une dégradation des pensions. Prendre en compte l'ensemble de la carrière va encore dégrader la situation.

Deuxièmement, s'agissant des travailleurs les plus pauvres, la retraite minimum à 85 % du SMIC était déjà inscrite dans la « loi Fillon » de 2003. Vous êtes donc en train de nous revendre des dispositions qui sont déjà dans la loi, mais qui ne sont pas appliquées.

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Il est essentiel que nous précisions nos objectifs. Nos collègues de la majorité disent qu'il faut assurer l'équilibre financier. Soit, mais dans quel but ? En fonction de ce dernier, la manière d'atteindre l'équilibre financier peut varier. Le problème, c'est qu'en ouvrant la conférence de financement, le Premier ministre a d'emblée cadré la discussion en ne retenant comme seul levier possible que l'allongement de la durée du temps de travail. D'autres paramètres pourraient être modifiés, mais on ne nous permet pas d'y toucher, ce qui limite nos discussions.

Dans ce contexte, il importe d'écrire dans la loi que nous voulons assurer une pension de retraite qui garantisse à chacun le maintien de son niveau de vie. Sur la base de ce principe, nous pourrons, en tant que législateurs, actionner d'autres leviers, par exemple l'augmentation des cotisations. La France insoumise estime qu'en consacrant 1 ou 2 points de PIB supplémentaires aux retraites, nous assurerons un niveau de pension acceptable à tous. Si nous ne fixons pas des objectifs précis, la discussion restera totalement abstraite.

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Ce qui importe, en effet, c'est de définir la finalité de notre système de retraite : le voulons-nous en capacité de garantir le niveau de vie des retraités ou le voulons-nous à l'équilibre ? Garantir le niveau de vie n'implique pas d'avoir un système en déséquilibre ; par contre, un système qui ne vise que l'équilibre ne garantit pas le maintien du niveau de vie.

Permettez-moi de prendre un exemple, qui est développé par le Conseil supérieur de la fonction militaire. Prenons deux généraux en fin de carrière. L'un a fait Saint-Cyr, a commencé aspirant et a été officier toute sa vie ; l'autre est issu du rang et est devenu général en fin de carrière. Celui qui a eu le mérite de s'élever en empruntant l'escalier républicain qui fait l'honneur de l'armée, n'aura pas le même niveau de pension que l'autre général. Votre réforme vous paraît-elle vraiment juste ?

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Premièrement, nous ne sommes pas des défenseurs du système actuel, et nous ne sommes pas favorables au statu quo. Compte tenu des coups de canif que ce système a déjà reçus, nous considérons que les gens partent trop tard et trop pauvres à la retraite. Ne vous contentez pas de faire des comparaisons avec le système actuel, nous n'en sommes pas les défenseurs !

Deuxièmement, nous avons, nous aussi, le souci de l'équilibre financier. Alors, cessez de faire comme si vous seuls étiez sérieux. Notre contre-projet est financé et assurera un système à l'équilibre. Notre collègue de La République en Marche a dit à l'instant que si nous ne faisons rien, les pensions baisseront. C'est vrai, mais si vous appliquez votre réforme, les pensions baisseront aussi. Travailler plus longtemps ou diminuer le niveau des pensions, ce sont deux manières de dire la même chose : le poids de l'effort pèsera sur les actifs.

Si nous voulons garantir l'équilibre financier sans faire peser tout l'effort sur les actifs, la question que nous devons nous poser est la suivante : sur quelles recettes supplémentaires pouvons-nous compter pour garantir le niveau des retraites ? Des leviers existent : la hausse des salaires et la hausse des cotisations. Votre règle d'or se limite à ces deux mots d'ordre : 14 % du PIB et équilibre financier. Notre règle d'or, c'est la retraite à 60 ans, aucune pension en dessous du SMIC pour une carrière complète et personne sous le seuil de pauvreté. Nos objectifs sont radicalement différents.

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Monsieur Quatennens, je sais très bien que vous n'êtes pas un défenseur du système actuel et que vous n'en êtes pas l'artisan – contrairement à d'autres groupes d'opposition qui ont une part de responsabilité dans l'évolution du système actuel. Vous voulez, comme nous, améliorer le système et agir en faveur des carrières les plus difficiles, les plus heurtées, les plus fragiles.

À cet égard, j'ai été un peu surpris que M. Lachaud évoque la situation des généraux. Je ne dis évidemment pas qu'il ne faut pas les prendre en considération mais j'ai été surpris que ce soit votre groupe qui le fasse. Notre priorité, c'est de favoriser la redistribution en direction de nos concitoyens les plus faibles. Les militaires, dont il a été question, ont une carrière linéaire et ascendante. Mais il se trouve que les carrières ascendantes, sans accident et qui montent à un niveau aussi élevé ne sont pas le cas le plus commun. Pour notre part, nous pensons qu'il faut revaloriser prioritairement les pensions de ceux de nos concitoyens qui ont les carrières les plus difficiles, avec un salaire autour du SMIC.

S'agissant du maintien du niveau de vie, il est déjà fait mention à l'article 1er de la « garantie d'un niveau de vie satisfaisant ». Les personnes les plus fragiles doivent, en proportion, avoir davantage que ceux de nos concitoyens qui ont eu une belle carrière : il ne semble donc pas judicieux d'établir une proportion qui serait valable pour tous.

Madame Dalloz, vous êtes revenue sur le système par points. Aujourd'hui, 30 % à 50 % des pensions sont versées par l'AGIRC-ARRCO, un régime par points qui est piloté par les partenaires sociaux. Or l'AGIRC-ARCCO est à l'équilibre et a même 70 milliards de réserves – si je ne me trompe pas. Cela prouve que les partenaires sociaux sont capables de piloter un tel régime.

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Nous souhaitons nous inspirer de l'AGIRC-ARCCO, car ce système est lisible et a fait ses preuves.

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Madame Faucillon, je pense que vous avez, comme moi, rencontré nos concitoyens lors des cérémonies des voeux du mois de janvier ou sur les marchés. Moi aussi, ils me demandent combien ils vont toucher, parce qu'ils ne savent pas comment faire le calcul. Le système actuel manque de lisibilité : le système par points sera beaucoup clair. Nombreux sont ceux qui découvrent douloureusement, au moment de prendre leur retraite, que leur pension ne s'élèvera qu'à 600, 700 ou 800 euros, après une longue vie de labeur. Désormais, la retraite minimum sera à 85 % du SMIC, soit 1 000 euros. Cela reste très modeste, mais c'est un vrai progrès par rapport à la situation actuelle.

Avis défavorable aux amendements.

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Quand vous évoquez la lisibilité et la redistributivité de votre projet, on a un peu le sentiment que c'est le père Castor qui nous raconte une histoire, car vous ne faites aucune démonstration. La seule manière d'assurer la lisibilité et la redistributivité du système, c'est d'avoir un taux de remplacement garanti ; or vous ne voulez pas en entendre parler.

Vous dites vouloir mieux prendre en compte les carrières accidentées et les carrières plates, mais votre système par points crée des malus à chaque accident de parcours. Il faudrait que les gens puissent se former et se qualifier tout au long de leur vie pour connaître une évolution de carrière. Or vous ne proposez rien en ce sens : vous parlez des carrières plates comme si elles étaient une fatalité.

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Ne nous trompons pas de débat : pour leur retraite, les Français n'attendent pas des points, mais des euros. Et tout l'enjeu est de savoir comment les points vont se transformer en pensions sonnantes et trébuchantes. Vous voulez favoriser la clarté et la lisibilité ? Alors indiquez aux Français, non pas combien de points ils vont acquérir, mais quelle sera leur valeur à la retraite – autrement dit, leur pouvoir d'achat.

Aujourd'hui, les systèmes par points bien gérés ne sont pas pilotés par l'État. Quand l'État gère, que se passe-t-il ? Au cours des deux dernières années, on a eu droit à la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités et à la sous-indexation des pensions de retraite par rapport à l'inflation. Dans ce contexte, l'étatisation du système est-elle vraiment souhaitable ?

Surtout, ce nouveau système étatisé, que l'État pourra arbitrer chaque année par décret, protégera-t-il le niveau de vie des retraités et des futurs retraités sur la durée ? Rien ne garantit que 10 euros cotisés donneront les mêmes droits en valeur réelle aux générations suivantes. La génération 1975-2004 est dans le plus grand flou, peu assurée de la bonne valorisation de ses premières années de carrière. La vérité, et beaucoup de Français l'ont compris, c'est que sans la garantie d'un régime équilibré pour demain, le système favorisera la baisse des retraites en valeur réelle – car Bercy ne manque pas d'imagination.

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Une fois n'est pas coutume, je partage assez largement l'avis de notre collègue Thibault Bazin, dont les propos m'ont fait penser à une formule de Coluche, qui disait que les Français ne demandent pas du travail et que de l'argent suffirait.

Monsieur le rapporteur, au moins faites-vous vivre le débat en affirmant vouloir revaloriser les pensions des Français qui ont fait toute leur carrière autour du SMIC – j'imagine que personne ici ne s'oppose à cet objectif. Mais pour quelqu'un qui a trimé toute sa vie, recevoir une pension de 1 000 euros pour une carrière pleine, à 65 ans au plus tôt, ce n'est pas vraiment ce que j'appelle une revalorisation ! Par ailleurs, je crains que ce que vous affichez comme une revalorisation notoire ne se fasse aux dépens de tous ceux qui sont à deux ou trois SMIC en fin de carrière.

Pour en revenir aux amendements, vous ne pouvez pas refuser d'inscrire dans la loi le principe du maintien d'un niveau de vie décent.

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Vos objectifs, ce sont l'équilibre financier et la limitation de la part des ressources consacrées aux retraites, ce qui implique que le niveau des pensions et l'âge du départ à la retraite seront bel et bien les variables d'ajustement. Nous aussi, nous visons l'équilibre, mais avec un âge de départ et un niveau de pension garantis. La variable, pour nous, c'est la part des ressources consacrée aux retraites. Vous demandez aux Français de soutenir une réforme qui vise surtout à ne pas mieux répartir les fruits de la richesse produite.

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, n'estimez-vous pas que le travail des Français, aujourd'hui, produit suffisamment de richesses pour financer le départ à la retraite à un âge et avec un niveau de pension que l'on puisse garantir ? Vous dites souvent que la France détient le record du monde de la dépense sociale. Vous dites moins souvent que nous avons aussi le record du monde des dividendes versés aux actionnaires. Qui produit ces richesses ? Ce sont bien les actifs. Or c'est sur les actifs que vous faites peser l'intégralité de l'effort pour atteindre votre équilibre financier.

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Je rappelle que le titre IV du projet de loi concerne la CNRU et qu'il décrit la composition et les missions de son conseil d'administration. Paritaire, il aura une capacité de proposition et veillera à l'équilibre financier du système – un objectif qui nous réunit. Il discutera des différents paramètres et pilotera l'ensemble du système. Le conseil d'administration de la CNRU travaillera aussi en lien avec le comité d'experts, composé de représentants du Parlement et du Conseil économique, social et environnemental, et le conseil citoyen.

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J'aimerais clarifier un point, parce que je crois qu'une erreur est en train de s'installer. À plusieurs reprises, certains d'entre nous – et j'en fais partie – ont dit que si nous ne faisions rien, le niveau de pension des retraités pourrait baisser. En réalité, si nous ne faisons rien, il va y avoir un décrochage entre le niveau de vie des actifs et celui des retraités. C'est ce que dit le COR, et ce n'est pas la même chose que de parler d'une baisse des pensions.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie des amendements identiques n° 4907 de Mme Clémentine Autain, n° 4910 de M. Alexis Corbière, n° 4912 de M. Bastien Lachaud et n° 4918 de M. Adrien Quatennens.

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Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 à 8 de l'article 8, relatifs à l'inscription des points au compte personnel de carrière. Nous ne voulons pas du régime à points, non seulement parce qu'il ne nous paraît absolument pas lisible, mais parce que nous pensons qu'il est la voie conduisant à une très grande régression.

J'aimerais reprendre un exemple concret que j'ai déjà exposé et au sujet duquel je n'ai reçu aucune réponse. Imaginons un ouvrier qui aurait commencé à travailler à l'âge de 20 ans et qui aurait travaillé pendant quarante-trois ans. À l'heure actuelle, il devrait partir à la retraite à 63 ans. Si, au moment où il prendra sa retraite, l'âge d'équilibre est à 65 ans, il aura une décote de 10 %, pour les deux années qui lui manquent. Imaginez qu'il se produise un krach boursier et que le conseil d'administration de la CNRU décide, pour y faire face, de faire passer l'âge d'équilibre à 66 ans : il aura 5 % de décote supplémentaire. J'aimerais qu'on me réponde précisément sur ce point.

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Nous nous perdons parfois dans des débats techniques, sur cette question des points, alors que la question essentielle est celle de l'objectif que nous assignons à notre système de retraite. Nous voulons un système lisible, qui garantisse à nos concitoyens un niveau de vie correct au moment de la retraite. Or vous ne pouvez pas nier que le point introduit une forme de variabilité.

Je rappelle, par ailleurs, que les ordonnances de 2017 ont supprimé des critères de pénibilité, et on a du mal à croire que vous allez à présent les prendre en compte en leur attribuant de points. Avec cet amendement, nous demandons la suppression des alinéas 4 à 8, c'est-à-dire du système à points, parce qu'il existe d'autres options. On pourrait, par exemple, augmenter les cotisations. En tout cas, la variabilité du point n'est pas satisfaisante et elle l'est d'autant moins que ce n'est pas le législateur qui aura la main dessus.

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Monsieur le rapporteur, je ne vois pas pourquoi notre groupe ne pourrait pas défendre les droits à la retraite des généraux. Je vous parlerai des adjudants-chefs à l'article 37, si nous l'atteignons...

Vous dites vous préoccuper d'améliorer la retraite des plus pauvres et des plus faibles, mais avec les alinéas 4 à 8, vous supprimez le principe de solidarité. Alors que la solidarité nationale compensait les accidents et les trous de carrière, dans votre nouveau système, des personnes au SMIC ne cumuleront plus de points pendant leurs années de chômage, ce qui les pénalisera fortement. Ce n'était pas le cas lorsqu'on prenait en compte les vingt-cinq meilleures années et, a fortiori, les dix meilleures. Votre objectif affiché de soutenir les petites carrières et les plus pauvres est en contradiction avec le fait de prendre en compte la totalité de la carrière.

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Je vais reposer la question à laquelle le secrétaire d'État et le rapporteur n'ont pas répondu. N'estimez-vous pas que le travail des Français produit déjà suffisamment de richesse pour financer un départ à la retraite à 60 ans et un niveau de pensions digne ? Votre réforme, dans la mesure où elle se fixe comme objectifs l'équilibre financier et un budget contraint, érige un rempart contre le meilleur partage de la richesse produite. Pour financer les propositions que nous formulons, nous avons besoin de consacrer 2 points de PIB de plus aux retraites d'ici à 2040. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, combien de points de PIB sont passés de la rémunération du travail à la rémunération du capital ces dernières années ? Le débat essentiel, le seul qui vaille, c'est celui sur le partage de la richesse produite.

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Après chacune de vos interventions, j'ai l'impression de passer l'oral du baccalauréat et d'avoir 2 heures pour préparer un exposé sur le fonctionnement de la sécurité sociale. C'est évidemment un sujet important et je dis cela avec le sourire.

J'ai aussi envie de sourire à cause de M. Bazin : hier, il nous parlait de James Bond, et aujourd'hui, il nous demande : « Comment l'État gère ? ». De votre côté, prenez garde à ne pas vous retrouver... au placard, monsieur Bazin !

L'AGIRC-ARRCO est la preuve qu'un système par points géré de façon paritaire peut être à l'équilibre, et même faire des réserves en cas de coup dur. Certaines décisions ont été difficiles à prendre, notamment au moment du rapprochement de l'AGIRC et de l'ARRCO. Au sein de l'AGIRC-ARRCO, les partenaires sociaux ont pu prendre des décisions responsables, aussi bien vis-à-vis de leurs pensionnés que des finances publiques.

J'ai également un argument plus politique. Dans le système actuel, qui compte quarante-deux régimes, les décisions prises par les conseils d'administration des différentes caisses sont assez peu médiatisées. Lorsqu'il y aura une caisse unique, la CNRU, ses décisions seront scrutées de près et vous pourrez, mesdames, messieurs les députés, veiller au respect des droits des pensionnés bien plus facilement que dans le régime actuel, aux quarante-deux régimes.

Monsieur Quatennens, vous m'interrogez sur la part de dépenses publiques qui pourrait être consacrée aux retraites. Aujourd'hui, la dépense publique représente 54 % du PIB en France : cela nous place en tête au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Nous pourrions faire le choix d'accorder une part plus importante de nos dépenses aux retraités, mais il existe aussi d'autres urgences sociales et d'autres priorités budgétaires : l'hôpital public, la justice, nos forces de sécurité intérieure qui sont sous-équipées...

Madame Autain, l'hypothèse que vous faites d'un report de l'âge d'équilibre du fait d'un krach boursier n'est pas fondée, puisque l'âge d'équilibre évolue en fonction de l'espérance de vie. Si un krach boursier se produit, la meilleure façon d'y faire face sera de compter sur la solidarité nationale dans son ensemble. Or plus notre système par répartition reposera sur une base large, mieux il absorbera le choc : c'est le système le plus résilient qui soit.

Avis défavorable aux amendements.

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Monsieur Quatennens, vos affirmations sont contestables. Vous dites que ce sont les salariés qui paient aujourd'hui les retraites, mais en réalité, c'est l'ensemble de l'économie : les salariés, pour les cotisations sociales salariales, les entreprises pour les cotisations sociales patronales et l'État, avec la fiscalité sur le travail et le capital et la CSG pour la partie sociale, qui représente un quart du budget des retraites.

J'aimerais surtout souligner l'ineptie de votre projet. Vous proposez de consacrer 2 à 4 points de PIB supplémentaires aux retraites pour financer le départ à 60 ans. Pour ce faire, il y a deux solutions. Soit vous misez tout sur la fiscalité du capital, auquel cas vous mettez fin au paritarisme pour adopter un système totalement public et beveridgien. Soit vous estimez qu'il faut aussi faire porter la charge sur le travail et, dans ce cas-là, les jeunes d'aujourd'hui, qui seront les vieux de demain, feront travailler les jeunes de demain comme des forcenés. Ils ne pourront plus être employés parce qu'ils seront trop chers et ce sera la guerre des générations.

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J'aimerais rétablir quelques vérités. D'abord, si un choc boursier se produit, la solidarité nationale dans son ensemble l'absorbera effectivement. Mais, en réalité, votre système de règle d'or, avec sa périodicité de cinq ans, va conduire à ce que l'on appelle des ajustements procycliques : en cas de crise, votre système l'aggravera.

Par ailleurs, vous considérez l'équilibre financier du système de retraite indépendamment de la protection sociale dans son ensemble. Or il existe un périmètre beaucoup plus large qui, lui, est largement excédentaire.

En réalité, la valeur de service du point n'est indexée que sur une chose, l'équilibre financier du système, et non sur l'inflation ou sur les salaires, comme vous l'écrivez. C'est votre seule règle d'or : le taux de remplacement et l'âge de départ à la retraite serviront de variables d'ajustement en cas de choc asymétrique.

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L'article 8 concerne le compte personnel de carrière, sur lequel vont s'accumuler des points. Ce système me paraît excellent, car chacun aura une vision précise de ses points et de ses droits. J'atteins l'âge de la retraite et lorsqu'on a fait les premiers calculs de mes droits à pension, on a oublié dix années de ma carrière salariée : faire la liste de mes premiers petits boulots n'a pas été chose facile. Chacun aura désormais un compte individualisé d'une parfaite clarté et c'est une excellente mesure. Une telle crispation contre ce système à points me semble totalement illogique.

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Mme Fabre nous a dit tout à l'heure qu'elle ne se levait pas le matin en se demandant comment elle allait pouvoir détruire le système de retraite. Tant mieux ! Mais on nous a raconté la même chose sur le droit du travail et sur l'assurance chômage, et on voit aujourd'hui ce qu'il en est. Dans ces conditions, il est de plus en plus difficile de vous croire.

Vous avez déjà tenté hier et avant-hier de nous expliquer qu'en prenant en compte les moins bonnes années d'une carrière, ce sera mieux qu'en prenant les meilleures. J'avoue que nous peinons à comprendre vos calculs arithmétiques. De surcroît, les précédentes réformes, dans la continuité desquelles vous vous inscrivez, ont fait l'objet d'études et d'évaluations. La Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) a, par exemple, démontré que le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années dans le privé a entraîné une diminution de 6 % du niveau des pensions. Alors cessez de nous raconter des histoires en nous parlant de la solidarité nationale, alors que M. Mattei vient de confirmer que chacun sera responsable et comptable de son propre sort !

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Le bureau de la commission spéciale a fixé l'organisation de nos débats : il a été convenu qu'un orateur de chaque groupe s'exprimerait sur chaque amendement, pour une durée d'une minute. Or M. le rapporteur dispose de beaucoup de temps pour aborder beaucoup de sujets – c'est son droit –, ce qui limite notre capacité à répondre sur des questions essentielles.

Ainsi, s'agissant de l'AGIRC-ARRCO, vous dites que c'est un système qui fonctionne très bien, avec une gouvernance assurée par les seuls partenaires sociaux et une règle d'or de gestion. Pourquoi diable avez-vous pris la décision de la supprimer puisqu'elle est exemplaire ? Concernant la connaissance et la lisibilité, on ne peut pas dire que rien n'existe : les Français peuvent déjà consulter le site Info Retraite, qui fournit des informations particulièrement fiables sur ce sujet. Enfin, je réfute le point comme gage d'information puisqu'il pourra bouger en cours de carrière, selon l'âge d'équilibre et la gouvernance. Comment pourra-t-on l'évaluer en fin de carrière ? On ne le sait pas !

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Je précise qu'une réunion du bureau, ce soir à 19 heures 45, reviendra sur l'organisation de nos débats.

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J'aimerais entendre le secrétaire d'État et le rapporteur sur la question suivante : n'estimez-vous pas que le travail des Français produit suffisamment de richesses et qu'une meilleure répartition de celles-ci permettrait de garantir un âge de départ et le niveau des pensions ?

Par ailleurs, monsieur Maire, la retraite à 60 ans, la garantie d'une pension au SMIC pour une carrière et personne sous le seuil de pauvreté, cela représente seulement 2 points de PIB de plus d'ici à 2040. Depuis 1982, la richesse créée par actif a augmenté de 30 % : alors que, dans les années 1980, 2 points de PIB par an étaient redistribués aux salariés, ce ratio est tombé à 0,7 point de PIB par an depuis les années 1990. La question de la répartition des richesses est donc bien au coeur du débat sur les retraites.

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Le système de retraite complémentaire de l'AGIRC-ARRCO fonctionne bien et peut en effet nous servir de modèle. En revanche, le système de base pose des problèmes d'équilibre et d'incompréhension, nous obligeant à des réformes permanentes qui mettent notre pays dans la difficulté et lui font connaître des crises sociales à répétition. Il est donc normal que nous nous inspirions du modèle AGIRC-ARRCO.

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J'aimerais savoir comment s'organisent les débats parce que nous n'avons pas le temps de nous expliquer. Il y a beaucoup de rapporteurs : le rapporteur général vient de parler, le rapporteur a parlé, un orateur de la majorité a parlé, le secrétaire d'État parle quand il le souhaite : ce n'est pas possible d'avoir trois représentants de la majorité sur chaque sujet ! Tous les rapporteurs parlent et cela n'est pas décompté du temps de parole de la majorité !

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Monsieur Woerth, en tant que président de commission, vous savez que nous nous tenons à des règles.

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Aucune règle n'impose que plusieurs rapporteurs prennent la parole !

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Il y a un rapporteur général et un rapporteur thématique, chacun étant appelé à s'exprimer. Lorsqu'un rapporteur intervient sur un rapport thématique qui n'est pas le sien, cela est décompté comme un temps de la majorité, limité à une minute. Ce sont les règles que nous avons fixées en bureau et je vous invite, monsieur Woerth, à faire connaître votre observation à l'ensemble des membres du bureau.

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Où est le manque de respect ? Les règles ont été fixées et vous ne les respectez pas !

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Notre pays consacre une part très significative de ses richesses à la redistribution ; il est même l'un des pays de l'OCDE qui redistribue le plus, et nous ne pouvons que nous en réjouir, même si l'on a le droit d'en souhaiter davantage, monsieur Quatennens. Le Gouvernement se montre attentif à une juste répartition de la valeur ajoutée produite dans l'entreprise ; il a notamment adopté des mesures dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises pour encourager les politiques d'intéressement, même dans les petites et moyennes entreprises.

Monsieur Vallaud, vous n'avez sans doute pas bien écouté – ou alors l'avez-vous fait à travers vos filtres personnels – ce que j'ai dit : le projet de loi prévoit très clairement, dans son article 9, que la valeur de service et la valeur d'achat sont indexées sur le même taux.

Sur le montant de pension qui serait redistribué, je vous renvoie à l'étude d'impact : même si elle est contestée, elle contient tout de même des informations intéressantes. En page 132, le tableau n° 13 vous indique très clairement la répartition en quartile de l'ensemble de la génération 1980 : l'évolution des pensions est significative avant et après la réforme, et très favorable aux 25 % des retraités les plus modestes. En page 176, le graphique n° 59, qui retrace l'évolution de la pension annuelle moyenne de droit direct par génération en euros constants, montre que l'évolution proposée par le système universel est positive.

La commission rejette les amendements.

Elle examine les amendements identiques n° 4805 de Mme Clémentine Autain, n° 4808 de M. Alexis Corbière, n° 4810 de M. Bastien Lachaud et n° 4816 de M. Adrien Quatennens.

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J'ai bien écouté le rapporteur nous expliquer que l'âge d'équilibre serait désormais calculé sur l'espérance de vie : c'est faux, archifaux ! À cause de votre choix de la procédure accélérée, notre commission n'arrivera pas à l'article 55 et c'est fort dommage, car cet article est extrêmement précis : tous les cinq ans, sur la base d'un rapport du comité d'expertise indépendant, le conseil d'administration de la CNRU proposera une trajectoire financière du système de retraite sur un horizon de quarante ans, avec ces fameux glissements sur cinq ans qui permettront de modifier les paramètres chaque année. Mais quelle est la règle pour modifier ? C'est une règle d'or d'austérité budgétaire, et c'est indiqué tout à fait clairement dans l'étude d'impact du projet de loi, en page 926 : l'objectif est de « permettre d'assurer [...] une meilleure maîtrise de l'impact financier du système universel de retraite, notamment à travers la mise en place d'une règle d'or imposant le retour à l'équilibre tous les cinq ans [...] ». La logique est donc bien financière et ne se soucie pas de l'espérance de vie.

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Le calcul sur la totalité de la carrière dégradera les pensions de retraite : toutes les études de la CNAV sur la réforme Balladur de 1993 ont démontré que six salariés sur dix ont vu leur pension baisser dès lors que l'on est passé des dix aux vingt-cinq meilleures années. Depuis 1982, les richesses produites en France ont augmenté de 30 % en raison de la productivité des salariés. En 1990, 75 % de ces richesses étaient consacrés aux investissements ; cette part est tombée à 57 %, tandis que la part des richesses accordées aux actionnaires est passée de 22 % à 36 % : ne pourrait-on pas réfléchir à une meilleure répartition ? C'est la grande controverse qui traverse ce pays depuis plusieurs décennies, voire un siècle, et les discussions techniques sur les points ne servent que de paravent à votre volonté de ne pas aborder le sujet. Pour garantir un niveau de vie décent, il faut consacrer une part des richesses plus importante aux pensions de retraite, ce que vous refusez de faire.

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Notre collègue Fabre nous a dit qu'elle ne se levait pas le matin avec l'objectif de détruire les retraites ; force est de constater qu'elle se couche le soir en l'ayant fait ! À la suite de la réforme Balladur, qui a fait passer le nombre d'annuités de dix à vingt-cinq et la durée de cotisation de trente-sept ans et demi à quarante, les pensions ont baissé de 6 % – sur une moyenne de pensions de 7 110 euros, 660 ont été perdus. Quand on passera de vingt-cinq ans à la totalité de la carrière, la perte sera encore plus importante.

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Monsieur le secrétaire d'État, vous considérez que nous consacrons déjà beaucoup d'argent aux dépenses sociales et vous avez même dit que c'était plutôt bien, mais cela ne répond pas à la question que je vous ai posée : estimez-vous que les Français produisent suffisamment de richesses par leur travail, et est-il vrai que si nous organisions une meilleure répartition de la valeur produite, nous pourrions sans trop de difficultés garantir un âge de départ et un niveau de pension ? Il est bien entendu que répondre par l'affirmative ne vaudrait pas, de votre part, accord avec cette conception.

La droite a souvent dû faire des réformes paramétriques par le passé ; pour votre part, vous organisez un système qui contient à lui seul toutes les futures réformes qu'il aurait fallu faire à l'avenir pour ne pas partager davantage la richesse produite.

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Concernant l'organisation des débats, j'essaye de ne pas répondre systématiquement « défavorable », pour ne pas crisper les débats. Je réponds donc à des questions parfois posées sur des amendements précédents : la discussion peut paraître décousue, mais nous arrivons ainsi à aborder les sujets de fond. Par ailleurs, le secrétaire d'État ne répond pas systématiquement, pas plus que le rapporteur général : il n'y a donc pas trois prises de parole de la majorité sur chaque amendement.

Nous ne proposons pas de supprimer l'AGIRC-ARRCO mais d'en élargir le système.

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Les acteurs ne seront pas exactement les mêmes, mais le principe reste le même. Quant à Info Retraite, on peut y trouver des informations sur les droits à la retraite des régimes alignés, mais, dès que le système est un peu plus complexe, c'est le brouillard complet !

L'espérance de vie est effectivement un critère à la main de la CNRU, mais la règle de répartition reste de deux tiers de durée d'activité pour un tiers de durée de vie en retraite ; elle est réitérée dans les articles du projet de loi. En tout état de cause, l'espérance de vie n'augmente pas d'un an chaque année.

Enfin, monsieur Vallaud, une question peut effectivement se poser en termes de gouvernance s'agissant de la périodicité de cinq ans au regard de la durée d'un cycle économique, qui est de huit ou dix ans. Il faut donc, en prévision d'une crise économique, comme le fait l'AGIRC-ARRCO, constituer des réserves qui serviront d'amortisseur social. Nous aborderons ce sujet ultérieurement dans le débat.

Avis défavorable aux amendements.

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Je ne sais si vous m'avez mal compris, monsieur le secrétaire d'État, ou si c'est votre réforme dans son ensemble que vous avez du mal à comprendre : je n'ai jamais prétendu qu'il y avait une dissociation dans l'indexation de la valeur d'acquisition et de la valeur de service du point. J'ai simplement dit que lorsque vous prétendiez que ces valeurs étaient indexées sur l'évolution des salaires, c'était un mensonge, parce que c'est sous réserve de l'équilibre financier du système. Avant 2045, l'indexation est calculée sur une valeur comprise entre l'inflation – cette valeur doit être supérieure à zéro – et l'évolution des salaires. Par le simple fait du décalage de l'entrée en vigueur de la réforme, vous faites des économies : ainsi, pendant vingt-trois ans, jusqu'à ce que les premiers retraités commencent à être concernés par le système, le rendement, fixé à 5,5 % dans toutes vos hypothèses, se dégradera très vraisemblablement. En tout cas, vous ne pouvez pas formuler l'hypothèse que cela ne bougera pas.

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Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais la gestion de la Caisse est conçue de telle façon que, in fine, c'est le Gouvernement qui décide. Les paramètres sont l'essentiel du sujet, car ce sont eux qui font fonctionner le système : un moteur sans essence ne sert à rien ! Tout votre système dépend des paramètres : il s'agit bien d'une réforme paramétrique et non systémique. Or ces paramètres sont à la main du Gouvernement.

Il y a un certain nombre de fondamentaux. Oui, les pensions vont baisser à l'âge légal – c'est ce que veut dire l'âge pivot, d'ailleurs ! Vous ne voulez pas le reconnaître mais c'est comme cela que ça marche, et c'est très inquiétant. Les points ne signifient rien : ce n'est qu'une modalité technique. Ce qui importe, c'est ce qu'il y a autour des points, à savoir tous les paramètres permettant notamment de déterminer leur valeur.

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Ajuster l'âge de départ à la retraite sur l'espérance de vie est en soi contestable, car on peut vivre plus longtemps sans être obligé de travailler plus longtemps. Or, dans votre projet de loi, ce n'est absolument pas le paramètre décisif et final puisqu'y figurent aussi les paramètres économiques et financiers. Ce qui est complètement fou, c'est qu'avant, il fallait en passer par la loi pour changer un paramètre, que ce soit l'âge de départ ou le niveau de pension. Désormais, vous pourrez le faire sans transparence, sans débat national, sans passer par le Parlement, par simple décret. Les paramètres seront totalement dans la main des gouvernements successifs, sans aucune discussion parlementaire, sans débat national. C'est un véritable hold-up démocratique d'inscrire dans le marbre de la loi que l'on pourra demain, par simple décret, et hop ! changer l'âge de départ et baisser le niveau des pensions. C'est un véritable scandale démocratique !

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L'AGIRC-ARRCO est un système de retraite complémentaire : sa création a donné lieu à un débat sur son éventuelle intégration dans le régime général – cela n'a pas été le cas finalement. Quant à vous, vous proposez une réforme à l'envers, c'est-à-dire que vous voulez intégrer le régime général dans le système par points ; ce n'est pas tout à fait la même chose.

La redistribution n'est pas le fait des points mais du filet de sécurité minimum que vous avez fixé. On peut tout à fait, dans le système actuel, prendre des mesures de correction pour avoir droit à un trimestre, pour revenir à l'indexation des droits sur les salaires, comme avant 1993, pour améliorer les droits liés à la maternité, etc. Si l'on ne fait rien, dites-vous, cela va baisser : que faites-vous pour que cela ne baisse pas ? Rien !

Vous n'êtes pas opposés à la redistribution des richesses mais vous vous demandez si l'on n'a pas déjà atteint un niveau suffisant de redistribution. Je vous réponds non ! Quant à ce qui est d'éviter les trop nombreux conflits sociaux qui éclatent à chaque réforme des retraites, vous ne cherchez qu'à passer en catimini vos mauvaises mesures !

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Nous sommes en train de mettre en place une méthode fondée sur la fixation du point ; il ne faut pas aller au-delà. Monsieur Vallaud, vous nous accusez de mentir sur l'indexation. Or on sait très bien qu'il n'y a pas de certitude dans ce monde. Il suffit de voir le nombre de lois de finances rectificatives qui sont votées – cinq ou six sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy ! Les événements font que l'on doit bouger les règles, c'est une évidence ! Ce serait mentir que de dire aux Français que tout est figé ! On met en place une méthode, des outils, une gouvernance qui assurent le plus de transparence et de solidarité : admettons que c'est une bonne méthode !

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Je me demande si nous avons tous lu le même projet de loi. Le titre IV prévoit clairement que la CNRU propose des orientations donnant lieu à un débat annuel devant la représentation nationale en projet de loi de financement de la sécurité sociale : chaque parlementaire pourra ainsi s'exprimer sur ces orientations. Par ailleurs, quand l'AGIRC-ARRCO a fixé des orientations nouvelles, elle ne l'a pas fait dans le débat public : nous n'en avons absolument pas discuté au sein de la représentation nationale.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l'amendement n° 21558 de M. Sébastien Jumel.

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Le problème, c'est que vous défendez votre système en poussant tous les curseurs à fond, comme si vous n'aviez pas prévu que cela ne se passerait pas tout à fait comme cela dans la réalité. Nous discutons ce choix que vous faites de toujours retenir, au sein d'indicateurs variables, le meilleur cas de figure. Or on sait très bien que les choses ne se passeront pas comme cela, et que toute nouvelle crise pèsera directement sur l'âge, sur les pensions, etc.

Le mode de gouvernance pose également problème. Les partenaires sociaux pourront être force de proposition, dites-vous : c'est un changement de paradigme majeur ! La gestion par les assurés était déjà bien abîmée, mais, là, nous sommes carrément dans un autre registre, il ne faut pas nous raconter d'histoire ! Les partenaires sociaux eux-mêmes le disent : vous étatisez le système et vous les mettez à la porte ! Ils ne disposeront plus que d'un strapontin pour écouter la discussion et faire éventuellement quelques suggestions ! Il faut que vous assumiez la réalité de votre texte.

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L'histoire de la création de la sécurité sociale est très instructive. En 1945, le Conseil national de la Résistance, sous la houlette du général de Gaulle et des communistes, dont nous avons ici les dignes héritiers, a voulu instaurer un système universel. Sous la pression des régimes existants, ils ont fini par y renoncer et créer des régimes différents.

À sa création, la sécurité sociale accordait une pension de 30 % du dernier salaire : nombre de retraités étaient donc extrêmement pauvres. Il a fallu la mise en place de l'AGIRC, sous la houlette de la CGT, puis de l'ARRCO, pilotée par FO, pour qu'un système à points vienne compléter de façon significative les pensions. C'est donc le système à points AGIRC-ARRCO qui a contribué à l'amélioration des retraites.

S'agissant des mesures dont M. Lachaud dit qu'elles ont abîmé le système, en 1993, M. Balladur a fait adopter des mesures assez drastiques. D'autres réformes sont intervenues depuis.

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Il y aurait eu des réformes avant vous ?

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Oui, et je les salue, car elles n'ont pas été simples et toutes ont demandé du courage politique.

Entre 1993 et aujourd'hui, le taux de pauvreté des retraités a reculé, passant de 10 % à 7 %. En revanche, la pauvreté en France s'établit à 14 %, et même à 26 % chez les moins de 30 ans en 2017 selon l'Institut national de la statistique et des études économiques. S'il y a une priorité à accorder, n'est-ce pas aux plus jeunes générations, qui ont du mal à entrer sur le marché du travail ? Que nous préservions les retraites est une nécessité absolue, mais si nous devions répartir des points de richesse supplémentaires pour la solidarité, ce serait pour nos plus jeunes concitoyens.

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Ce choix peut se discuter politiquement, mais la priorité est de faire entrer les jeunes sur le marché du travail : c'est la meilleure façon d'acquérir des futurs points de retraite et de réduire le taux de pauvreté.

Avis défavorable.

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Lorsque nous vous alertons sur des points précis, vous nous répondez que ce n'est pas vrai ; deux ans plus tard, on voit que nos craintes se réalisent. Ainsi, pour les taxes énergétiques, il a fallu le mouvement des « gilets jaunes » pour que vous reculiez. Nous l'avions dit aussi s'agissant de votre politique économique. Et hier, une note publiée par Mathieu Plane, économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), indique que « les perdants de la politique économique du Gouvernement se trouvent parmi les plus modestes, les chômeurs et les retraités ». Ce n'est pas l'opposition qui vous le dit, ce sont des économistes.

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Pour répondre à Carole Grandjean, nous avons lu le même document. Pour vous, le caractère démocratique des décisions qui seront prises tient au fait que des propositions seront présentées...

Comme la commission ne parviendra pas à terminer ses travaux – tout le monde le sait –, je ne vois pas pourquoi on ne rebasculerait pas sur des interventions de 2 minutes : cela permettrait de développer vaguement une idée. Il est impossible de le faire en 1 minute !

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Monsieur le rapporteur, n'opposez pas les générations entre elles ! À cet égard, votre réforme pose problème : comment maintenir plus de seniors en activité pourrait aider les jeunes à entrer sur le marché de l'emploi ? C'est un raisonnement enfantin !

Les pensions risquent de baisser de 22 % ; il y aura moins de richesses à partager, comme le montre l'étude d'impact : page 143, 43 milliards d'euros en moins avec la baisse des cotisations des employeurs publics ; page 120, les dépenses de solidarité resteront plafonnées à 22,5 % des dépenses de pension ; page 123, la part des dépenses pour compenser les aléas de carrière baissera. Tous ces faits sont indiqués dans votre étude d'impact !

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Pour la bonne tenue de notre commission, il serait très important que chaque matin, en début de séance, nous sachions où en est la conférence de financement : que dit-on dans cette conférence de financement ? On peut toujours lire le journal, certes, mais nous sommes quand même des parlementaires : ce serait bien d'avoir une information autorisée. Le secrétaire d'État pourrait nous dire chaque jour quels sont les points d'évolution, s'il y a convergence ou non, si des pistes se dessinent. Cela permettrait d'éclairer un peu nos débats parce que j'ai l'impression que la machine tourne à vide : on parle de principes, de points, de 2045, de 2027, de 2022 – tout cela est très bien mais où en est-on et comment évolue cette conférence ?

Par ailleurs, il y a une terrible complexité : le système sera architecturé autour de points, de la durée de cotisation, parce que celle-ci continuera à être calculée, de l'âge légal et de l'âge pivot, soit quatre éléments fondamentaux, alors que le système précédent n'en comportait pas autant.

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L'économiste en chef de l'OFCE, Xavier Ragot, a admis que l'étude de l'observatoire était incomplète : il manque les 15 milliards d'euros de la formation, les millions du plan pauvreté, le reste à charge zéro et son impact sur les ménages, et d'autres paramètres importants. Les chiffres seront complets au mois d'avril.

Ce qui importe, et que vous ne voulez pas voir, c'est que, malgré tout, ce sont les classes moyennes qui sont les grandes gagnantes de notre politique : 70 % des Français bénéficient de notre politique économique et sociale. Le niveau de vie de nos jeunes, qui font partie des 5 % les plus pauvres, doit être notre préoccupation de tous les jours. À cet égard, je suis ravie des résultats que nous obtenons sur l'apprentissage, dont la hausse montre à l'évidence qu'il apporte une première réponse.

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Cette étude est, en effet, truffée d'erreurs et largement incomplète. Je ne peux pas laisser dire que cette réforme pénalise les plus défavorisés ou les plus fragiles d'entre nous. Les femmes sont largement gagnantes, de même que les familles. J'en veux pour preuve la valorisation de 5 points pour les femmes dès le premier enfant. On peut certes discuter des familles de trois enfants, sujet sur lequel notre groupe avait des amendements à défendre mais n'en aura pas l'occasion puisqu'il est traité à l'article 44. Enfin, les aidants, dont le congé est indemnisé, bénéficieront de droits à la retraite avec ce nouveau système.

La commission rejette les amendements.

Les travaux, suspendus à onze heures trente, reprennent à onze heures quarante-cinq.

La commission est saisie des amendements identiques n° 4822 de Mme Clémentine Autain et n° 4825 de M. Alexis Corbière.

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À la collègue du groupe La République en Marche qui m'a interpellée sur le caractère démocratique des décisions qui seront prises sur l'âge d'équilibre et la mise en oeuvre des paramètres, je précise que nous avons bien lu le même projet de loi. Que le conseil d'administration de la Caisse vienne présenter son affaire lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas un gage de participation du Parlement à la décision ; il ne s'agit que d'information, voire de concertation. Cette disposition n'est pas du tout de nature à garantir un débat démocratique dans notre pays sur cette question.

Quant à l'OFCE, le titre du journal Le Monde est tout de même très éloquent, madame Motin : « Avec la politique économique de Macron, les 5 % de Français les plus pauvres devraient voir leur niveau de vie se réduire ».

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Vous connaissez notre opposition au système à points ; c'est l'objet de la demande de suppression de l'alinéa 5.

Depuis tout à l'heure, nous vous demandons d'imaginer une autre répartition des richesses prenant acte du déséquilibre qui existe depuis plusieurs décennies et qui devraient inciter le Gouvernement à nous proposer des marges de manoeuvre autres que la simple augmentation du temps de travail.

Le rapporteur a parlé de mesures courageuses prises en 1987 et 1993. En 1987, le nouveau calcul sur la base de l'inflation a entraîné une baisse des pensions de 20 %, quant à la réforme de 1993, en faisant passer de dix à vingt-cinq le nombre des années cotisées prises en compte, elle a eu pour conséquence une diminution des pensions de 6 %. Ces mesures me semblent, au contraire, marquées par l'absence de courage, car elles font porter par les salariés un certain choix de répartition de richesses. Vous considérez comme courageux de faire supporter aux salariés la règle d'or que vous vous êtes fixée, donc de les faire travailler plus longtemps. Nous refusons cette logique !

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Nous assumons pleinement rechercher, par ce mode d'organisation, un débat social plus apaisé. Aujourd'hui, pour retrouver l'équilibre, des réformes sur les retraites sont présentées tous les cinq ou six ans, qui suscitent des blocages sociaux très importants et des fracturations dans notre pays. Ici, nous prévoyons une règle de base sur laquelle les partenaires sociaux ont pleinement la main. On nous reproche de les priver de leur rôle alors qu'on leur confie les différents paramètres de gestion sur la valeur du point, sur la valeur de service du point, sur l'évolution de l'âge d'équilibre. Si ce n'est pas faire confiance à la démocratie sociale, je ne sais pas ce que c'est !

Avis défavorable aux amendements.

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Monsieur le rapporteur, vous assumez le fait que, dans un débat social plus apaisé, il s'agira d'éviter les blocages – précisément ce que je défends, de laisser, en face de lois avec lesquelles une partie de la population est en désaccord, la possibilité d'un débat et de manifester pour contester les décisions du Gouvernement. Là, vous choisissez une forme à la fois plus simple et plus discrète.

Arrêtez de nous raconter que ce sont les partenaires sociaux qui vont décider, parce qu'ils ne forment pas un tout homogène. Dois-je vous rappeler ce qui s'est passé lors de la réforme de l'assurance chômage ? Le Président de la République a dit que les partenaires sociaux étaient des imbéciles et le Gouvernement a repris la main. Comme vous conclurez l'affaire par décret, au final, c'est le Gouvernement qui aura la main pour décider des paramètres.

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Oui, vous tenez compte des délibérations de la CNRU, mais ensuite vous prenez la décision. Tout est totalement corseté. La seule règle d'or, c'est l'équilibre financier du système. Cela se passera exactement de la même manière pour la réforme des retraites : un cadrage impossible à tenir, une conflictualité et un échec prémédité par l'exécutif. N'est-ce pas le Président de la République qui disait : ils demandent à pouvoir se concerter, mais ensuite ils nous appellent au secours ? Non, ce n'est pas de cette manière que ça se passe.

Puisque l'étude de l'OFCE est contestée, je citerai celle de l'Institut des politiques publiques qui montre, sur la base des budgets 2018, 2019 et 2020, que 1 %, soit 5 euros par mois en moyenne, est allé aux 10 % des ménages les plus pauvres, qui ont touché ainsi dix fois moins que leur part dans la population ; 6 %, soit 372 euros par mois, sont allés à 1 % des ménages les plus riches, ce qui représente six fois plus que la part qu'ils représentent dans la population, et 3 % sont allés aux 0,1 % des Français les plus riches, à qui on a rendu environ 1 923 euros par mois, c'est-à-dire qu'ils ont touché trente fois plus que la part qu'ils représentent dans la population.

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Nous ne sommes pas opposés à un système de retraite par points. Depuis ce matin, j'entends parler du régime AGIRC-ARRCO. Oui, c'est un système par points ; oui il fait confiance au paritarisme, et c'est tant mieux ; oui c'est une gouvernance totalement paritaire qui fonctionne ; oui il signe des accords dont on n'entend pas parler dans la presse.

Vous, ce que vous proposez, c'est un changement total de gouvernance, comme d'ailleurs vous l'avez fait pour la réforme de l'assurance chômage : vous faites passer d'un paritarisme de gestion à un paritarisme de caution. Les partenaires sociaux ne seront plus là que pour cautionner un système étatisé dont les décisions seront prises par le Gouvernement. D'ailleurs, tout cela était écrit dans le livre de M. Macron intitulé pompeusement Révolution.

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Chers collègues, vérifiez vos chiffres ! Hier, vous avez fait des erreurs massives concernant les dates des ordonnances du général de Gaulle ; aujourd'hui, vous en faites encore sur l'impact de l'allongement des annuités prises en considération. Il n'y a jamais eu de baisse du pouvoir d'achat liée aux pensions CNAV et AGIRC-ARRCO cumulées durant les réformes en question, mais une diminution, année après année, du taux de pauvreté des retraités et une augmentation moyenne des retraites pour cette catégorie.

Interrogez les partenaires sociaux sur la gouvernance proposée. Je parle sur le fondement d'une histoire personnelle qui me fait partager avec eux les problématiques, y compris sur la gouvernance, depuis les quarante dernières années.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l'amendement n° 22122 de M. Sébastien Jumel.

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À nouveau, il s'agit de vous inviter à en rester à un système à prestations définies.

Je m'alarme de ce que le rapporteur associe le courage politique à une très forte régression des droits. Ce qu'il appelle le courage politique, c'est ce qui a fait baisser le niveau des pensions de 20 %, puis de 6 % lorsqu'on a modifié le calcul des pensions en prenant en compte les vingt-cinq et non plus les dix meilleures années. Dans ce projet de loi, vous affichez comme principe qu'un euro cotisé donne les mêmes droits à tous. C'est donc la reproduction des inégalités qui existent aujourd'hui sur le marché du travail. Vous sortez de l'idée de la solidarité, c'est-à-dire que ceux qui subissent aujourd'hui les carrières hachées et les politiques néolibérales les retrouveront de manière plus affirmée encore à la retraite.

Vous n'assumez pas la vision de société que vous offrez dans votre projet de loi, une société où chacun compte ses points pour lui-même, par lui-même. Vous procédez à une forme d'uberisation du système de retraite où c'est chacun pour soi. On sort d'un système de solidarité qui venait compenser les inégalités produites par votre politique néolibérale.

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Madame Faucillon, cessez de raconter n'importe quoi ! Trouvez-moi un seul graphique montrant que les retraites ont baissé de 20 %. Je suis d'accord sur le fait qu'à partir de 1993 et de la réforme de M. Balladur, les pensions ont augmenté moins rapidement que si elles avaient été indexées sur les salaires, mais à aucun moment elles n'ont baissé de 20 % puis de 6 %.

Le courage, c'est de prévoir un système pérenne. Quand vous parlez des retraites, évoquez plutôt les retraites les plus basses, celles de ceux qui perçoivent actuellement 700 ou 800 euros, celles des commerçants et des artisans et de ceux qui ont carrières incomplètes.

Vous prétendez que le système à points est un système personnel. Comme le dit M. Woerth, c'est une modalité de détermination de l'activité, comme l'est également le système basé sur le trimestre. Le point nous semble plus lisible, plus équitable, parce que plus fin, l'échelle étant plus granulométrique que le système par trimestres. Il serait illusoire de croire qu'un calcul effectué sur vingt-cinq ans élimine les périodes sans activité. Avec le système actuel, le malus est double, avec une proratisation quand il manque des trimestres et une autre proratisation quand il manque des années.

Faisons le constat de ce qui ne va pas dans le système actuel, et essayons de l'améliorer. Nous proposons cette réforme pour l'améliorer durablement et significativement.

Avis défavorable.

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Les projections économiques anticipent une hausse de 67 % du ratio entre les plus de 65 ans et les 20-65 ans – autrement dit, la part des seniors dans la population française va considérablement augmenter. Quant à votre étude d'impact, elle fait baisser la part des richesses consacrées à ces retraités de 13,8 % à 12,9 %, mais elle ne donne aucun chiffre sur l'évolution du ratio entre la pension moyenne et le salaire moyen. L'étude ne compare pas la situation des retraités en 2050 avec la situation actuelle, mais avec une situation fictive et une dégradation pendant trente ans, de sorte que les pensions moyennes baisseraient déjà de 21 % par rapport aux salaires. Dès lors que vous fixez comme paramètre l'équilibre, avec lequel nous sommes d'accord, tout en l'associant à un budget contraint, en réalité, il n'y a qu'un seul paramètre : le niveau des pensions.

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Monsieur le rapporteur, chiche, faisons le constat de ce qui ne va pas – mais aussi de ce qui va ! Dans votre projet, certaines choses vont dans le bon sens : le minimum contributif, le cumul emploi-retraite. Ce qui ne va pas, c'est que, compte tenu du déséquilibre de 17 milliards d'euros dont on parle d'ici à 2025, sans parler des mesures de justice sociale, en l'état, le projet n'apporte aucune garantie de financement. Il ne faut pas leurrer les Français : en l'absence d'équilibre du système, les pensions connaîtront une baisse pérenne, comme l'a souligné mon collègue Cherpion.

Vous dites que les réformes qui ont été faites ont permis d'augmenter les pensions de retraite. Dès lors, pourquoi abandonner tout ce qui a fonctionné ? Si l'AGIRC-ARCCO a permis d'assurer une augmentation des pensions de retraite, ne démolissez pas le système qui existe !

Enfin, comment pouvez-vous dire du système que vous voulez qu'il est plus lisible, alors que vous êtes incapables d'offrir un simulateur fiable pour tout le monde ?

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Actuellement, chacun construit sa retraite par des trimestres cotisés ; demain, ce seront des points. Plus on avance dans l'examen de ce texte, plus je constate qu'il crée des droits nouveaux. J'en veux pour preuve le cumul emploi-retraite. Actuellement, un salarié qui veut continuer à travailler alors qu'il a pris sa retraite n'obtient aucun droit nouveau ; demain, il capitalisera des points nouveaux qui lui permettront d'augmenter sa retraite. Quant aux périodes involontaires d'interruption – congés maternité, congés maladie, invalidité, chômage –, elles seront prises en compte dans un fonds spécifique qui permettra d'abonder des points supplémentaires. Ce sont bien des avancées qui concernent tout particulièrement les salariés. C'est pourquoi les termes d'uberisation ou d'individualisation des retraites ne me semblent pas appropriés.

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Vous nous mettez au défi de produire des graphiques ou des tableaux que vous-même ne produisez pas. Évidemment, nous sommes bien en peine de le faire... À nous, donc, de faire des calculs sur la base, par exemple, du tableau de la page 7, qui montrerait qu'une revalorisation sur le salaire moyen nuirait aux carrières ascendantes et favoriserait les carrières au SMIC : il y aurait une baisse de pension de 4 % pour les premières et une augmentation de 5 % pour les secondes. Outre que je remets en cause le fait que le niveau d'indexation serait continu, s'agissant de l'âge du départ à la retraite, on aperçoit une baisse du taux de remplacement à niveau d'âge équivalent. Dans le nouveau système, la baisse du taux de remplacement sera de 8 % pour un départ à 64 ans et de 18 % pour un départ à 62 ans.

La part des retraites dans le PIB baissera de 3,7 %, passant de 14 % environ à 12,9 %. Le report de cinq mois de l'âge de départ à la retraite fournit une économie de 2,7 %, ce qui veut dire qu'en 2050 le ratio retraite moyenne sur salaire moyen baissera de 22 %.

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Ce qui s'est produit en 1987 a bien eu pour effet une baisse de 20 % du niveau des pensions.

Le rapporteur m'interpelle sur les propositions que nous pouvons faire en faveur des agriculteurs, par exemple. Les députés communistes, dont M. Chassaigne, se sont considérablement battus sur la question de la retraite des agriculteurs. L'Assemblée nationale avait même adoptée à l'unanimité une proposition de loi que votre majorité a refusé de reprendre en deuxième lecture. Le travail est déjà fait, mais vous l'avez refusé.

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De 18 à 23 ans, j'ai passé mon baccalauréat en candidat libre et mes petits contrats d'intérim ne m'ont pas permis d'avoir des trimestres pleins. J'ai commencé à travailler à l'âge de 23 ans. Résultat, avec le système actuel, je devrai travailler pendant quarante-deux ans pour avoir une retraite à taux plein, c'est-à-dire jusqu'à 65 ans. Mais comme j'ai eu trois interruptions de carrière dues à des périodes de chômage, je devrai en réalité aller jusqu'à 66 ans et demi. Avec le système à points, l'ensemble des petits boulots que j'ai effectués de 18 à 23 ans serait comptabilisé, ce qui me ferait gagner plus d'un an et percevoir une retraite à taux plein à 65 ans. Partons de cas concrets : pour moi, voilà ce qu'apporterait cette réforme ! Malheureusement, comme je suis né en 1972, je ne pourrai pas en bénéficier.

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Les agriculteurs que nous interrogeons considèrent que la réforme va dans le bon sens, de même que la Confédération paysanne et d'autres syndicats plus majoritaires, si je puis dire.

Monsieur Vallaud, vous avez vraiment une vision technocratique de cette réforme, vous êtes dans vos chiffres, dans vos tableaux. Mais prenez un peu de recul ! Cette réforme va dans le bon sens. Je vous rappelle que l'étude d'impact sur le projet de loi de Mme Touraine avait été considérée comme insuffisante et il me semble d'ailleurs que le groupe Les Républicains avait saisi le Conseil constitutionnel. Sortons un peu des tableaux ! Je le répète, la retraite à points est un très bon système.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Monsieur Woerth, je vous donnerai bien volontiers quelques éléments sur l'avancement de la conférence sur l'équilibre et le financement des retraites, mais sans doute pas de façon journalière, ne serait-ce que parce qu'elle est présidée par Jean-Jacques Marette et non par le secrétaire d'État chargé des retraites.

Vous avez dit que le niveau de pension à l'âge légal de départ à la retraite sera moindre, mais vous savez bien que peu de Français partent à l'âge légal ; en réalité, l'âge moyen est de 63,4 ans. Vous avez donc omis de préciser que, pour obtenir une retraite à taux plein, une certaine durée d'activité est nécessaire. Ainsi, les comparaisons que vous avez faites sur l'âge de 62 ans ne tiennent pas au regard de l'âge de la retraite à taux plein. Je vous renvoie à la page 176 de l'étude d'impact, où l'on détaille bien que le système futur sera bénéfique pour autant qu'il y ait, dans certains cas, une légère progression de la durée au travail. D'ailleurs, le Gouvernement a rappelé qu'il souhaitait inciter les Français, sans les y contraindre, à travailler plus longtemps, et que la notion de durée est un élément prépondérant de l'équilibre sur lequel nous avons déjà échangé à plusieurs reprises.

S'agissant de la conférence de financement, je comprends bien qu'un député doit être informé autrement qu'en lisant les journaux. Jean-Jacques Marette a proposé deux groupes de travail : le premier traitera de l'équilibre à 2027 et des différents scénarios de trajectoire financière ; le second précisera les outils et l'affectation des financements aux prestations contributives ou non contributives – qui finance quoi. Des séquences de travail pour ces deux groupes de travail sont prévues le 17 février, le 9 mars et 23 mars. Une séance plénière aura lieu le 6 avril.

Le dialogue social se construit toujours avec une progressivité : la première étape consiste à trouver un large consensus sur le constat, à définir les éléments sur lesquels on veut travailler et les objectifs. Ensuite, on peut avancer sur la méthode et le contenu.

Je connais l'opiniâtreté de M. Quatennens, et plutôt que de l'en excuser, je lui apporterai, sur le partage de la valeur ajoutée, un élément de réflexion tiré du rapport annuel que le COR – où je siégeais encore – a rendu en juin 2019. À la page 33, la figure 1.19 montre que le rapport entre les salaires et la valeur ajoutée, qui était de 57 % dans les années 1990, est supérieur de 2 points aujourd'hui. On peut toujours prendre un agrégat macro-économique pour étayer sa thèse ou sa lecture politique du fonctionnement de la société, mais l'important n'est-il pas que notre pays consacre une part très significative de sa dépense publique aux dépenses sociales – plus de 51 % ? Cette part, du reste, a augmenté, puisqu'elle était de 42 % il y a plusieurs dizaines d'années. Peut-être cette redistribution ne s'opère-t-elle pas de façon suffisamment visible ou dans le sens que vous souhaiteriez les uns les autres, mais on ne peut pas nier que nous sommes dans un pays redistributif qui porte une vraie ambition sociale de partage.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement n° 22537 de M. Boris Vallaud.

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On peut tout à fait se créer des droits dès la première heure de travail sans qu'il soit nécessaire d'instaurer un système à points. Si un système par trimestres a été instauré, c'est parce qu'on comptait à la main. Depuis, on a fait quelques progrès. Tel est l'objet de l'amendement.

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Toute heure travaillée doit ouvrir les mêmes droits, mais à salaire égal. C'est la notion de durée et de droits qui doit être comptabilisée.

Avis défavorable.

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Monsieur le secrétaire d'État, la conférence de financement des retraites aurait dû être installée le 30 janvier 2019, et non pas le 30 janvier 2020 : aujourd'hui, nous serions en train de discuter d'un texte charpenté. Le Conseil d'État indique que « le projet de loi intervient dans un contexte de relative solidité du système français de retraites, notamment en raison des réformes des années récentes qui ont permis de sécuriser son financement ». Heureusement qu'on l'a fait ! D'ailleurs, vous l'avez reconnu. Pour sécuriser son système de financement, il faut évidemment poursuivre de façon extrêmement puissante une vision du financement des retraites, ce qui n'est pas le cas.

Vous minimisez l'effet de l'âge pivot. En vérité, à l'âge légal, il y aura bien une baisse des retraites par une super-décote, une décote supplémentaire à celle qui frappe l'insuffisance de trimestres.

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Pardon, camarade député Mattei, d'essayer d'expliciter une réforme incroyablement obscure ! Nous travaillons sur un sujet qui va engager la vie des gens pendant cinquante ans ; autant essayer d'être précis et clair. Vous nous expliquez que c'est une esquisse. Une fois de plus, vous ne savez pas où vous allez. Continuez à bosser !

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Monsieur le secrétaire d'État, sur la question de la répartition entre le capital et le travail, votre argumentaire ne tient pas complètement. Seul le travail produit de la richesse, la rémunération du capital est basée sur l'idée de gratuité. En réalité, lorsqu'un salarié travaille, sa rémunération ne correspond pas exactement au montant de ce qu'il produit. C'est par l'accaparement de cette richesse que le capitalisme peut vivre, et uniquement comme cela. Il y a bien lieu de savoir où placer le curseur de la répartition entre capital et travail. Lorsque je vous dis que nous n'avons besoin que de 2 points supplémentaires de PIB d'ici à 2040 pour pouvoir financer une mesure qui permet de garantir et le niveau de vie et l'âge de départ à la retraite, admettez que ce n'est pas énorme considérant que ces points de PIB sont passés des poches du travail à celles du capital ces dernières années. Nul besoin de faire la révolution pour financer un système de retraite juste.

La commission rejette l'amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 4839 de Mme Clémentine Autain, n° 4842 de M. Alexis Corbière et n° 4850 de M. Adrien Quatennens.

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Au sein du système universel, quelques petits éléments permettent de faire valoir la solidarité pour les aléas de la vie, tout de même très réduits puisqu'il s'agit des périodes de congé maternité, de congé maladie, d'invalidité et de chômage. Or nous ne savons pas quelle sera la hauteur de la compensation puisqu'elle sera définie par décret, c'est-à-dire par le Gouvernement. On est donc au coeur du chèque en blanc que vous nous demandez de signer sur un texte à trous. Sur les aspects politiques comme techniques, nous n'obtenons pas de réponse.

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On en revient toujours à ce qui me semble être la controverse entre nous : quelle part des richesses voulons-nous mettre dans notre système de retraite, en l'espèce dans ces points de compensation de solidarité ? Nous devrions, nous législateurs, pouvoir en discuter, regarder comment apporter d'éventuelles corrections. Or vous nous proposez de le faire par décret. Avouez que c'est très peu respectueux pour ce que nous sommes en train de faire et participe d'une méthode qui n'est pas tolérable.

Je veux remercier notre collègue Éric Woerth qui, malgré tous nos désaccords, exprime depuis le début de nos travaux des choses tout à fait vraies. J'espère que, au-delà des arguments pertinents que porte La France insoumise, mes collègues l'entendront : oui, il est évident qu'il y aura une super-décote à l'âge légal de départ en retraite. Cela doit nous inciter à revenir à l'essentiel : un système qui permette de partir à la retraite à l'âge de 60 ans par une autre répartition des richesses. 2 points de PIB, telle est notre proposition.

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En réalité, le macronisme nous fait regretter l'honnêteté de la droite républicaine, qui est favorable à une mesure d'âge par le recul de l'âge de départ à la retraite. C'est un point de désaccord fondamental entre nous, mais, au moins, elle dit la vérité aux Français sur ce qu'elle souhaite ; elle explique sur quel paramètre elle souhaite jouer. Vous, vous dissimulez vos intentions : vous parlez d'un système universel, juste, simple, etc., alors que ce que vous préparez, c'est une mesure d'âge à long terme, avec le recul de l'âge de départ effectif au taux plein. Vous êtes tout simplement des gens de droite maquillés en progressistes. Assumez donc de faire une chose en contradiction avec le programme que vous avez défendu lors de l'élection présidentielle !

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Quelle déclaration d'amour M. Quatennens vient de faire aux Républicains ! Ce coup de foudre totalement improbable, c'est vraiment le miracle de l'amour...

Plus sérieusement, je ne sais trop comment interpréter cette proposition de suppression de l'alinéa 6 de l'article 8. Je sais bien que telle n'est pas vraiment votre intention, mais il est assez surprenant de lire que vous prévoyez de supprimer l'attribution de points pour des périodes particulières de la vie telles que la maternité, la maladie, les accidents et le chômage.

Dans la définition du financement, nous voulons en revenir aux origines de la sécurité sociale : d'un côté, les cotisations serviront à se constituer des droits à pension à travers l'acquisition de points ; de l'autre, la solidarité sera financée par des taxes – la CSG, mais aussi la contribution sociale de solidarité des sociétés, autrement dit une taxe portant sur les plus grosses entreprises – clairement fléchées vers le Fonds de solidarité vieillesse universel. C'est donc la solidarité qui financera les points attribués au titre des dispositifs visés par l'alinéa 6. Le système nous paraît parfaitement sain, mais aussi tout à fait clair dans ses modalités.

Avis défavorable aux amendements.

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Il s'agit ici de solidarité, de faire en sorte que le système de retraite soit plus juste – ce à quoi, me semble-t-il, chacun ici aspire. Or, de ce point de vue, le projet de loi constitue une occasion manquée. Nous avions là l'occasion de faire un pas en avant substantiel, de corriger des situations qui paraissent anormales dans la France du XXIe siècle, car elles traduisent des inégalités – je pense notamment aux agriculteurs. Ce que le Gouvernement semblait proposer à cet égard correspondait aux aspirations de chacun, mais il y avait en réalité un malentendu, probablement même une imposture, car le projet de réforme n'apporte aucune solution aux retraités agricoles actuels ; les dispositions ne vaudront que pour les nouveaux ayants droit. On sent bien, partout dans les territoires, l'attente frustrée des agriculteurs.

Par ailleurs, il est évident que, si la conférence de financement ne débouche sur rien, on en reviendra à l'âge d'équilibre, lequel sera en fait un âge décote, pour ne pas dire un « âge pipeau », selon l'excellente expression de Thibault Bazin. Il faut dire la vérité aux Français sur ce qui les attend.

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Monsieur le rapporteur, selon vous, j'aurais adressé une déclaration d'amour à la droite. Pas du tout : j'ai juste souligné sa clarté. Je le répète, contrairement au macronisme, la droite républicaine s'assume. De ce point de vue, nous pouvons la regretter. Elle nous dit clairement qu'elle souhaite modifier le paramètre de l'âge ; vous, vous le faites, mais sans le dire. C'est aussi simple que cela.

En ce qui concerne la conférence de financement, comme l'ont souligné plusieurs collègues, notamment Boris Vallaud, vous invitez les partenaires sociaux à la table des discussions, mais en leur disant que le budget est contraint, car la part du PIB consacrée aux retraites ne saurait dépasser un certain niveau. Autrement dit, vous ne leur laissez absolument aucune marge de manoeuvre. Ce qui rend les choses plus claires, c'est qu'on a beau retourner le problème dans tous les sens, le nombre de paramètres sur lesquels on peut jouer apparaît en fait assez restreint. De ce point de vue, ce que vous faites n'a rien de flou ; c'est même très clair.

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Tout ne peut pas être parfait mais, d'ici à la séance, monsieur le secrétaire d'État, il serait bon, s'agissant des retraites agricoles, notamment les plus petites, d'envisager une trajectoire de rattrapage, pour les ramener en quelques années au niveau du minimum garanti proposé par le Président de la République. Je suis sûr que mon sentiment est partagé dans tous les groupes. Je vous le dis en toute sincérité, ce signal serait très bien accueilli par les agriculteurs en activité, qui ne sont pas éligibles, en l'état, aux dispositions du projet de loi – et il en va de même pour les indépendants, les commerçants et les artisans.

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Je peux comprendre que le recours à des ordonnances et à des décrets vous fasse peur, chers collègues de La France insoumise, mais les règles sont clairement posées dans le projet de loi. Nous n'avançons pas masqués, nous assumons le fait d'attribuer des points de solidarité. Je vous pose la question : êtes-vous pour ou contre l'attribution de points de solidarité dans certains cas de figure ? Si vous êtes contre, dites-le, n'avancez pas masqués. Pour notre part, nous sommes tout à fait clairs : nous acceptons ces points de solidarité, et nous assumons également que le Gouvernement décide des modalités de leur attribution par décret, car c'est clairement indiqué dans le texte.

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Ce que vient de dire M. le rapporteur est très intéressant, car cela confirme que l'on dissocie ce qui est financé par les cotisations de ce qui est financé par la solidarité. Or, avec la cotisation non créatrice de droits venant alimenter le fonds de solidarité, il y a le risque que la part solidarité devienne la variable d'ajustement du système. D'ailleurs, cela ressemble beaucoup au taux d'appel pratiqué à l'AGIRC-ARRCO, lequel fonctionne de fait, la plupart du temps, comme une variable d'ajustement. Telle est, en pratique, la réalité. Par ailleurs, vous avez changé l'affectation de cette part de solidarité entre le rapport Delevoye et le projet de loi.

La commission rejette les amendements.

Elle en arrive aux amendements identiques n° 21770 de Mme Clémentine Autain, n° 21773 de M. Alexis Corbière et n° 21781 de M. Adrien Quatennens.

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Je poursuis notre discussion en évoquant maintenant la question de l'équilibre. Depuis que vous avez engagé la réforme, vous insistez sur votre souci d'équilibrer le système. L'austérité budgétaire est chez vous obsessionnelle. C'est même la raison pour laquelle vous faites cette contre-réforme : les régimes spéciaux sont accusés d'être trop coûteux, et le déficit serait structurellement insoutenable.

Des économistes se sont intéressés à l'effet du taux de cotisation unique que vous voulez fixer, et je tiens à alerter notre commission sur leurs conclusions. Le taux de cotisation serait de 28,12 % pour tout le monde – la part patronale s'élevant à 16,87 %. À l'heure actuelle, le taux de versement par l'État est de 74 %, et de 30,6 % pour les collectivités locales. Le manque à gagner serait donc considérable. À cela s'ajoute la diminution drastique des cotisations des cadres, car, au-delà de 120 000 euros de revenus annuels, hop ! on échappe au régime de solidarité : encore 4 milliards d'euros de pertes de ce côté-là. Les économistes évaluent ainsi entre 41 milliards, selon Henri Sterdyniak, et 67 milliards d'euros, d'après les calculs de Guillaume Duval, les « trous » que vous êtes en train de créer par une loi qui prétend, au contraire, régler la question du déficit. J'aimerais bien avoir une réponse sur ce point précis.

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Là où nous sommes en désaccord avec vous, c'est que nous ne pouvons accepter que, sur beaucoup de points, il y ait du flou, voire des trous, des éléments qui seront précisés hors du cadre de cette commission et du travail de législateur que nous faisons ici, qui nous semble être le lieu d'expression normal de la souveraineté populaire.

Certes, nous faisons tous de la rhétorique, mais quand M. Mbaye a dit que nous ne voulions pas corriger certaines situations par l'attribution de points de solidarité, c'était une véritable blague. C'est comme si vous disiez, au motif que nous nous opposons à votre système de retraite, que nous voulions supprimer le système de retraite en tant que tel. Nous ne voulons pas que ces corrections soient fixées par décret parce que, comme l'a dit très bien notre collègue Boris Vallaud, vous allez en faire la variable d'ajustement destinée à assurer l'équilibre financier, ce qui introduit un énorme danger. Par ailleurs, je rappelle que vous avez supprimé quatre critères de pénibilité en 2017, ce qui n'est pas totalement secondaire – vous êtes même marqués au fer rouge pour cette affaire. En définitive, vous nous expliquez que vous allez corriger, par un système fumeux et que nous ne maîtrisons pas, tous les mauvais coups portés par votre réforme au système de retraite.

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Vous faites une réforme par points dont l'objectif est l'équilibre, mais avec un budget contraint. Soit vous baisserez le niveau relatif des pensions, soit vous ferez travailler plus longtemps les Français – ce qui est foncièrement la même chose. Vous nous dites que nous sommes des méchants parce que nous voulons supprimer un alinéa qui offre des points de solidarité. C'est un peu comme si vous mettiez le feu à la forêt et nous reprochiez de vouloir supprimer un point d'eau que vous auriez installé au milieu.

Nous disons qu'il est possible de faire une réforme permettant de financer la retraite à 60 ans, garantissant qu'aucune pension ne soit inférieure au SMIC pour une carrière complète, étendant la prise en compte de la pénibilité et reconnaissant la situation des personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Je signale au passage que, quand vous parlez de points de solidarité, nous parlons, pour notre part, de trimestres accordés, de validation de droits à la retraite, notamment selon des critères de pénibilité. Il est tout à fait possible d'assurer la solidarité sans en passer par ce que vous vous apprêtez à faire.

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Il y a là un ensemble de contre-vérités qui, à force que vous les répétiez, conduisent à se demander s'il n'y a pas, de votre part, une forme de mauvaise foi. Tous les points de service auront la même valeur. En ce qui concerne la solidarité, il existe des mécanismes destinés à tenir compte, notamment, de la maternité. Nous avons souvent pris l'exemple de deux soeurs jumelles, dont l'une travaille dans le privé et l'autre dans le public : la première peut valider huit trimestres, la seconde deux. Ce n'est pas du tout équitable, me semble-t-il. Vous répétez, monsieur Quatennens, que la part du PIB consacrée aux retraites est contrainte, mais je vous mets au défi de trouver un seul article, un seul alinéa du projet de loi où ce serait écrit. Cette part est constatée en baisse au vu des hypothèses retenues, et cela s'explique par le fait que la masse salariale augmente plus vite que la masse des pensions – voilà ce qui est écrit dans l'étude d'impact ; il faut apprendre à lire. C'est une conséquence, ce n'est pas une donnée de base.

Monsieur Vallaud, qui n'est plus parmi nous, nous indiquait que la part de solidarité avait changé entre le rapport Delevoye et le projet de loi. Ce n'est pas vrai : dans l'un comme dans l'autre, elle est fixée à 2,81 %.

Madame Autain, je ne sais plus si vous étiez là hier soir au moment où j'ai donné l'explication en ce qui concerne la retraite des agents publics. Si ce n'était pas le cas, j'ai un scoop pour vous : l'État ne verse aucune cotisation de retraite pour ses salariés. Quand on travaille sur la question, il faut étudier les budgets et les mécanismes. L'État est, en quelque sorte, sa propre caisse de retraite pour ses salariés. Le taux de 74 % résulte du rapport entre la somme des pensions versées par l'État à ses fonctionnaires et la somme des salaires de ces derniers soumis à cotisation. La contribution ne diminue en apparence qu'en raison d'un effet d'optique. La somme versée sera toujours la même : M. le secrétaire d'État s'y est engagé hier, et cela a été écrit à différentes reprises. À partir du moment où la réforme sera mise en oeuvre, l'État cotisera à hauteur des 16,87 % prévus pour la part patronale et versera la différence dans une enveloppe à la CNRU.

Monsieur Corbière, en ce qui concerne les quatre critères de pénibilité supprimés dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité mis en place par la précédente majorité, je rappelle qu'il fallait que figure chaque mois sur les feuilles de paie une partie consacrée à ces critères. En l'état, c'était inapplicable. Hier soir, j'ai donné un exemple fondé sur mon expérience personnelle – car j'établis moi-même les feuilles de paie de mes salariés agricoles. Je devais indiquer s'ils avaient été exposés à tel ou tel facteur de risque. S'il est possible de le faire pour un salarié effectuant le même travail à longueur de journée, il n'en va pas de même pour un salarié agricole amené à procéder une ou deux fois par mois à des traitements par produits phytosanitaires ou à porter des charges lourdes : comment voulez-vous le déclarer ?

Enfin, monsieur Quatennens, tout ce que vous promettez dans votre système me fait penser à cette expression qu'on utilise chez moi : le beurre, l'argent du beurre et... la crémière. Vous, vous ajoutez même ses soeurs. On ne peut pas tout promettre, qui plus est sans prévoir de financement. Pour notre part, nous sommes réalistes.

Avis défavorable aux amendements.

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Au groupe Les Républicains, nous sommes des élus responsables ; nous assumons. Nous refusons toute baisse des pensions, comme nous refusons toute augmentation des cotisations. Dès lors, le seul paramètre sur lequel il est possible de jouer est, effectivement, l'âge de départ à la retraite. Vous, vous n'assumez rien. Vous avez retiré provisoirement les mesures d'âge, ce qui veut dire, très concrètement, que le niveau des pensions va baisser à l'âge légal de la retraite. Il ne saurait en être autrement : c'est mathématique. Par ailleurs, monsieur le rapporteur, en ce qui concerne les pensions des fonctionnaires, nous connaissons bien le compte d'affectation spéciale Pensions. Personne ici n'a jamais douté de cette réalité. Enfin, je tiens à dire que je suis profondément choquée par la déclaration de M. le secrétaire d'État qui a paru hier. En substance, il a déclaré que, quoi qu'il arrive, les Français devaient se résoudre à la réforme. Ce n'est pas ainsi que je conçois le dialogue social dans notre pays.

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Mme Autain nous a dit tout à l'heure qu'au-delà de trois plafonds annuels de la sécurité sociale (PASS), hop ! on échapperait au régime de solidarité. J'aimerais lui faire comprendre, si j'y arrive, que le système des 3 PASS est éminemment redistributif et solidaire. Je m'explique. Aujourd'hui, avec les 8 PASS, ce sont les carrières « plates » qui paient les retraites des 300 000 personnes ayant les plus hauts salaires. En établissant le plafond à 3 PASS, on limite les hautes retraites. Surtout, et puisqu'il était question tout à l'heure de l'espérance de vie en bonne santé, n'oublions pas que les personnes dont les retraites sont très élevées sont également celles qui vivent très longtemps. Autrement dit, on paie ces retraites pendant de très longues années. N'oublions pas non plus la cotisation de 2,81 % des 3 PASS.

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Fin 2018, sur France Inter, Jean-Paul Delevoye avait clairement dit, et ces propos ont été retrouvés, que la part de 14 % du PIB consacrée aux retraites serait le plafond. Vous nous dites en quelque sorte, monsieur le rapporteur, que cette déclaration n'a pas été traduite dans le projet de loi. Parfait : cela veut dire qu'il est possible de consacrer 2 points de PIB de plus aux retraites pour financer le système que nous proposons.

Vous venez de dire, en substance, que nos propositions étaient folkloriques. Or il n'est pas vrai que nous ne saurions pas financer le système que nous voulons mettre en oeuvre. Je vais d'ailleurs vous donner, monsieur le rapporteur, le document que nous avons déjà transmis à M. le secrétaire d'État, qui montre que nous sommes tout à fait en mesure de le faire. À la différence des Républicains, qui ont eu l'honnêteté de dire qu'ils voulaient une mesure d'âge, nous voulons que la nouvelle répartition passe par une hausse des salaires et du taux de cotisation. C'est clair. Là, au moins, il y a une véritable confrontation entre deux visions de ce qu'il convient de faire. Vous, vous restez au milieu du gué : vous n'assumez pas ce que vous allez faire en réalité. C'est toute la différence entre nous.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

J'invite, d'abord, Mme Dalloz à vérifier ses sources plutôt que de citer des propos rapportés sur des comptes Twitter parodiques comme s'ils étaient les miens. Je conçois qu'elle ait pu aller un peu trop vite ; pour ma part, je suis prudent quand je cite les uns et les autres : je vérifie toujours.

J'aime beaucoup ce débat, que nous avons déjà eu cinq, six... dix fois, je ne sais plus. Nous avons bien compris qu'une partie des députés ici présents, et qui ont déposé de nombreux amendements, souhaitent débattre de façon récurrente de sujets qui figurent pourtant bien dans le projet de loi, mais un peu plus loin. Il est dommage que nous ne puissions pas en arriver à ces articles, d'autant plus que d'autres députés, de sensibilités politiques différentes, voudraient défendre leurs amendements qui s'y rapportent, parce qu'ils ont des idées à faire valoir – cela les amène, d'ailleurs, à prendre, eux aussi, la parole de façon un peu incongrue, car sans rapport avec les articles du texte que nous examinons à ce moment-là. Voilà, malheureusement, ce que je constate depuis cinq jours.

J'ai déjà répondu deux fois à la question, mais je peux le faire une troisième. En ce qui concerne la participation de l'État, notamment le taux de charges payé, que l'on peut effectivement qualifier de « fictif », ou plutôt d'« implicite » – le terme me paraît plus adéquat –, les enjeux ont été très bien posés à travers les interventions du président Éric Woerth et de la présidente Valérie Rabault. Le mécanisme a été très bien décrit par M. le rapporteur : l'État va couvrir ses engagements. J'ai déjà expliqué, il y a plus de trois jours, à Mme la présidente Valérie Rabault – en présence du plus grand nombre d'entre nous – que le niveau de la contribution serait identique. J'ai indiqué à quel endroit du texte cela se trouvait. Une trajectoire budgétaire a été prévue, nous pouvons donc être tout à fait sereins. On peut certes se prévaloir de tel ou tel article paru dans un journal, mais il me paraît préférable de regarder ce qui est inscrit dans le projet de loi : c'est plus sérieux pour des échanges en commission.

En ce qui concerne le débat sur le produit intérieur brut, c'est la même chose : nous l'avons déjà eu un certain nombre de fois au cours des cinq derniers jours. Qu'à cela ne tienne, ouvrons-le une nouvelle fois, même si c'est dommage car cela se fait au préjudice des autres thèmes que vous êtes pourtant nombreux, mesdames, messieurs les députés, à vouloir aborder. M. Quatennens souhaitait donc revenir sur les propos de Jean-Paul Delevoye. Celui-ci connaissait bien le sujet et, en l'occurrence, ne faisait que relayer les analyses du COR. Avant même de se saisir de la réforme, le COR avait en effet expliqué, à la suite de la demande qui lui avait été faite par le Premier ministre de se pencher sur le problème des déficits à l'horizon 2025, que, dans le système actuel, la part des retraites dans le PIB diminuait tendanciellement, et ce pour la bonne et simple raison que la dynamique du PIB et celle des salaires étaient fortes. Cela n'empêche pas que la pension moyenne de retraite, elle, augmente : là encore, c'est une réalité incontestable, constatée d'ailleurs par le COR – je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, je le répète et il suffit, pour s'en convaincre, de lire le rapport du COR de juin 2019. Jean-Paul Delevoye ne faisait donc, tout simplement, que poser un constat.

Cela dit, je comprends que nous ayons une divergence avec l'opposition de droite, en l'occurrence Les Républicains. Il s'agit là d'une réforme de société, qui doit permettre à notre système de retraite de s'adapter au marché de l'emploi et aux nouvelles règles de vie sociale d'aujourd'hui et de demain. Nous ne voulons pas avoir une approche purement budgétaire, mais nous sommes aussi parfaitement conscients qu'il n'est pas possible de faire de la solidarité de façon durable sans assurer la solidité financière de notre dispositif. Je crois d'ailleurs avoir entendu des propos extrêmement clairs à cet égard émanant de plusieurs groupes, y compris de gauche. Je ne dénie à personne le fait de défendre aussi cette idée. Eh bien, défendons-la ensemble ! Si nous voulons de la solidarité pour l'ensemble de nos concitoyens, si nous voulons des mesures fortes pour partager, il faut absolument que notre système soit robuste, qu'il soit en mesure de passer les années, mais aussi de s'adapter car, que nous le voulions ou non, notre environnement évoluera. Notre responsabilité politique est donc de donner les moyens à notre système de retraite de s'adapter au monde de demain, et de le faire tout en préservant un fort niveau de solidarité.

La commission rejette les amendements.

La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Réunion du vendredi 7 février 2020 à 9 heures 30

Présents. – Mme Clémentine Autain, M. Thibault Bazin, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Jean-Jacques Bridey, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Gilles Carrez, M. Lionel Causse, M. Jean-René Cazeneuve, M. Gérard Cherpion, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Albane Gaillot, M. Éric Girardin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Sacha Houlié, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Didier Le Gac, Mme Monique Limon, M. Jacques Maire, M. Jacques Marilossian, M. Jean-Paul Mattei, M. Jean François Mbaye, M. Thierry Michels, Mme Cendra Motin, Mme Zivka Park, M. Adrien Quatennens, Mme Valérie Rabault, M. Hervé Saulignac, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois, M. Boris Vallaud, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, M. Éric Woerth

Excusés. – Mme Brigitte Bourguignon, M. Patrick Mignola, M. Olivier Véran

Assistaient également à la réunion. – M. Alexis Corbière, Mme Elsa Faucillon, Mme Isabelle Florennes, Mme Olivia Gregoire, M. Bastien Lachaud