Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 16h30

Résumé de la réunion

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 26 février 2020

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission, et de M. Jean Bizet, Président de la Commission des affaires européennes du Sénat

La séance est ouverte à 16 h 37.

I. Réunion commune avec la commission des Affaires européennes du Sénat et la délégation française au Parlement européen sur le cadre financier pluriannuel

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Chers collègues, merci à tous pour votre présence. Merci notamment au député européen Pierre Larrouturou. Cette réunion conjointe entre parlementaires nationaux et européens est un concept ancien qui rencontre un succès inégal en raison de la distance géographique qui nous sépare. Peut-être devrions-nous imaginer une autre approche en utilisant les nouvelles technologies.

Soyez les bienvenus au Sénat. Nous nous réunissons aujourd'hui pour évoquer un sujet majeur pour l'avenir de l'Union européenne : celui du cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027. Je vous rappelle que la Commission européenne a présenté, le 2 mai 2018, ses propositions en la matière, notamment pour conduire de nouvelles politiques permettant de répondre aux actuels défis auxquels l'Union est confrontée. Sa proposition se traduisait par un plafond de dépenses arrêté à 1,11 % du revenu national brut de l'Union à 27 en crédits d'engagement, soit 1 134 milliards d'euros en prix 2018.

Le Parlement européen, qui doit approuver le cadre financier pluriannuel, a adopté plusieurs résolutions et exige, en particulier, un montant de dépenses arrêté à 1,3 % du revenu national brut en crédits d'engagement.

La présidence finlandaise du Conseil a présenté, le 5 décembre 2019, une « boîte de négociation » proposant un montant de crédits d'engagement arrêté à 1,07 % du revenu national brut, soit environ 47 milliards de moins que la proposition initiale de la Commission européenne. Cette proposition a suscité de nombreuses critiques.

Le Président du Conseil européen, Charles Michel, a convoqué le 20 février un Conseil européen extraordinaire au cours duquel il espérait parvenir à un accord. En vain. Charles Michel n'ouvrait de fait qu'une très maigre marge de discussion par rapport à la proposition finlandaise : 7,5 milliards d'euros au total, correspondant uniquement au nouveau fonds pour la transition juste annoncé par la Commission européenne.

Dans la perspective des négociations sur le cadre financier pluriannuel, la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale a adopté, en mai 2019, le rapport de Christophe Jerretie, assorti de conclusions. De son côté, le Sénat, suivant une proposition que j'ai formulée avec mon collègue Simon Sutour, a adopté fin février une résolution européenne sur le CFP. Elle confirme notamment plusieurs positions sectorielles antérieures.

Avec la Présidente Thillaye, nous avons souhaité vous proposer un texte conjoint qui reprend certaines idées fortes émanant de nos deux chambres, afin d'adresser au gouvernement français et aux autorités européennes un message clair en vue de ces négociations stratégiques. J'évoquerai brièvement quelques points et laisserai ensuite Sabine Thillaye compléter mon propos.

Nous saluons les nouvelles priorités avancées par la Commission européenne pour permettre à l'Union européenne de relever les défis auxquelles elle est confrontée, mais nous affirmons clairement que le financement de ces nouvelles priorités ne doit pas conduire à réduire les ambitions des politiques traditionnelles, notamment la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion.

L'Europe a toujours besoin de la politique agricole commune et de la politique de cohésion : ce sont des politiques stratégiques, au même titre que la politique spatiale ou la politique d'innovation. Il faut donc un budget en conséquence. Nous en avons déjà débattu ensemble en octobre 2019 concernant la PAC et nous réaffirmons notre position. Nous soutenons évidemment le maintien des régions en transition au sein de la politique de cohésion.

Au moment où les États-continents (États-Unis, Inde, Chine, Brésil) consacrent un budget accru à leur politique agricole, l'Europe a adopté une démarche contraire. Il s'agit pourtant d'une politique stratégique et de souveraineté en termes à la fois alimentaires et sanitaires.

Nous souhaitons également une prise en compte, adaptée à la hauteur de leurs spécificités et enjeux propres, des régions ultrapériphériques (RUP) et des pays et territoires d'outre-mer (PTOM).

Nous affirmons le souhait de conserver l'enveloppe proposée par la Commission européenne pour le programme spatial européen. Nous soulignons la nécessité de dédier à l'agence Frontex un budget lui permettant de mettre en œuvre le mandat renforcé qui lui a été confié en 2019. Nous regrettons par ailleurs l'absence d'ambition concernant l'instrument budgétaire de convergence et de compétitivité au sein de la zone euro. Je crois qu'après avoir imaginé un certain étiage, nous sommes parvenus aux alentours de 15 milliards d'euros, ce qui est nettement insuffisant compte tenu du périmètre de cette action.

Naturellement, il faut pouvoir financer l'ensemble. C'est pourquoi nous demandons la suppression des rabais et la mise en place de nouvelles ressources propres. Cinq États membres profitent encore de la politique des rabais initiée à l'époque de Mme Thatcher. Il s'agit d'une forme de provocation de la part de ces États. Il n'est pas concevable de conserver cette politique. Sans nouvelles ressources propres, il apparaît illusoire d'imaginer aboutir à un budget ambitieux, alors que l'Europe en a besoin. Un certain nombre d'articles de presse parus dans des journaux nationaux sont explicites sur ce point.

Compte tenu de l'état d'avancement des négociations, et comme l'avait également souhaité le Parlement européen, nous appelons la Commission européenne à envisager de proroger les plafonds et autres dispositions correspondant à la dernière année de l'actuel cadre financier pluriannuel, au cas où le nouveau cadre financier ne serait pas adopté en temps utile. C'est un risque réel et il faut s'y préparer, même si ce serait un mauvais message adressé à l'Union et à nos concitoyens.

Les discussions sur le cadre financier pluriannuel font davantage ressortir les égoïsmes nationaux que le projet européen que nous partageons. Il ne s'agit évidemment pas d'être naïf, mais il est temps de retrouver la voie de l'Union au service de nos concitoyens. J'espère que cette réunion y contribuera à sa manière.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci de nous accueillir dans cette belle salle et de poursuivre cette tradition de réunion conjointe.

Le sommet de la semaine dernière a constitué une déception, mais pas une surprise. Les échanges que nous avions eus ces derniers temps avec nos collègues européens nous avaient permis de constater que les positions des uns et des autres étaient malheureusement très éloignées. Chacun restait assez ferme sur ses positions.

Nous avons reçu nos homologues néerlandais à l'Assemblée nationale au mois de janvier. Ils nous avaient clairement expliqué que le budget de l'Union européenne pouvait rétrécir en même temps que l'Union rétrécissait avec le départ du Royaume-Uni. Ce n'est évidemment pas notre perspective, même si nous sommes attentifs à la maîtrise des dépenses publiques.

L'enjeu consiste à veiller à la complémentarité entre les dépenses réalisées au niveau national et les dépenses réalisées au niveau européen. Il faudrait que nous alignions davantage nos budgets nationaux sur les budgets européens. Face aux enjeux du changement climatique et du numérique, la question n'est pas de savoir si nous allons consacrer davantage de moyens à ces sujets ; elle est de savoir si nous allons le faire au niveau national ou au niveau européen.

J'ai participé, la semaine dernière, à une réunion organisée par la commission du budget du Parlement européen dans le cadre de la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance au sein de l'Union européenne. J'ai été frappée par la différence d'approche qui peut exister entre les pays qui partent des besoins, et qui sont prêts à ce que les budgets nationaux financent davantage le budget européen, et ceux qui considèrent que les dépenses doivent s'adapter à l'enveloppe que les États sont prêts à y consacrer. Ce sont quasiment deux philosophies qui s'affrontent.

J'ai senti l'inquiétude de nos collègues du Parlement européen, qui redoutent d'être considérés comme responsables d'une crise institutionnelle s'ils rejettent un accord trouvé au Conseil européen. Le Conseil et le Parlement donnent parfois l'impression de fonctionner en vase clos, alors qu'ils devraient être complémentaires.

On peut constater un décalage préoccupant entre les discours sur la souveraineté européenne et les évolutions proposées par rapport à la proposition de la Commission européenne sur les politiques directement liées à la souveraineté de l'Union. Le Président Bizet a déjà évoqué la souveraineté alimentaire et la PAC. Pour ma part, je regrette que les budgets liés à l'innovation, à la recherche, à la sécurité et à la défense servent de variables d'ajustement dans les négociations au Conseil. Si l'on compare la proposition qu'a faite Charles Michel au Conseil européen la semaine dernière et la proposition de la Commission, on constate une baisse de 39 % des fonds européens de la défense, de 43 % des fonds alloués à Frontex, de 14 % des fonds alloués à InvestEU, de 17,5 % des fonds alloués au programme pour une Europe numérique et de 20 % des fonds alloués à Erasmus+. Ce n'est pas ainsi que nous renforcerons la souveraineté de l'Union européenne.

Préparer l'avenir, c'est aussi lutter contre le changement climatique. Le pacte vert pour l'Europe témoigne d'une ambition louable. On peut tout de même rester prudent sur les montants d'investissements annoncés, qui mélangent crédits européens, financements nationaux et financements privés. Intervenant la semaine dernière au Parlement européen, Pascal Canfin a parfaitement résumé les trois éléments nécessaires à la crédibilité des objectifs que l'Union se fixe en matière de climat : crédibilité budgétaire, crédibilité industrielle, justice sociale et territoriale.

Le fonds pour une transition juste était une initiative indispensable. Malheureusement, la PAC en fait les frais. Il est nécessaire d'assister les États membres, par exemple la Pologne, qui sont fortement dépendants du charbon. Accompagner les pays qui en ont besoin, ce n'est pas distribuer des subventions à l'aveugle. Il faut mettre en place une logique contractuelle reposant sur des plans locaux précis. Dans le même ordre d'idées, il faut veiller à la bonne utilisation des fonds européens. De ce point de vue, je suis satisfaite que le mécanisme de conditionnalité de l'accès aux fonds au respect de l'État de droit ait été maintenu. Compléter cette conditionnalité par des conditionnalités fiscales et sociales, comme la France le propose, est sans doute extrêmement ambitieux. Toutefois, il ne serait pas illégitime de prendre en compte les politiques non-coopératives dans l'attribution des fonds européens.

Je suis certaine que nous aurons l'occasion de débattre de tous ces sujets. Je remercie le député européen Pierre Larrouturou d'être présent. Nous cherchons toujours le moyen de travailler plus étroitement ensemble.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Séna t. Monsieur Larrouturou, vous avez la parole.

Permalien
Pierre Larrouturou, député européen

Merci de me recevoir. Je ne suis député européen que depuis 6 mois. Malgré cela, il m'a été demandé d'être rapporteur général du budget 2021. Nous négocions en même temps le cadre pluriannuel et le budget 2020-2021, qui est la première année du cadre pluriannuel et du financement du green deal.

Je suis très heureux que vous m'ayez invité car nous cherchons des alliés. Nous savons que cette année sera très compliquée avec la négociation du budget. En tant que rapporteur général du prochain budget, je me rends tous les mois à Berlin. L'Allemagne a peur d'avoir le mauvais rôle. Elle a peur que nous ne trouvions pas de solutions. Nous avons vu ce qu'il s'est passé la semaine dernière avec la méthode de Charles Michel. Parallèlement, la négociation du Brexit se poursuit. Jusque-là, les 27 États membres sont restés unis, mais beaucoup ont peur qu'ils finissent par se déchirer.

Le green deal a provoqué un très grand enthousiasme, notamment lors de la Conférence sur le climat de Madrid. Tout le monde regarde l'Europe. Si elle réussit le green deal, cela aura un véritable effet d'entraînement. A contrario, s'il apparaît, dans 3 ou 6 mois, que ce projet n'est pas financé, ce sera pire que tout. Aujourd'hui, il n'y a pas d'argent. La Commission européenne elle-même dit qu'il manque entre 400 et 700 milliards d'euros chaque année pour réussir le green deal.

Nous avons donc trois grands chantiers à traiter : le budget, le Brexit et le green deal.

Le budget qui nous est proposé est tout à fait inacceptable. Le budget de la politique agricole baisserait de 14 % et celui de la cohésion de 13 %. Le budget de la recherche diminuerait également. Aucun de nous ne peut accepter un tel recul. Par ailleurs, il n'y a toujours rien sur le green deal, qui était pourtant la grande ambition il y a 2 mois.

Avant même d'être officiellement député européen, j'avais assisté à la dernière réunion de la commission du budget du mandat précédent, au mois de juin. Jean Arthuis, qui faisait ses adieux au Parlement européen, s'y est exprimé très librement. Il a notamment expliqué que la commission du budget ne servait à rien depuis 5 ans, que les chefs d'État n'avaient de cesse de raboter les propositions du Parlement européen, comme s'ils voulaient être sûrs qu'entre les États-Unis et la Chine, jamais aucune puissance politique européenne ne puisse émerger. Pour Jean Arthuis, tout ceci n'est pas sérieux. Il a estimé nécessaire de trouver un ou deux sujets qui embarqueraient les citoyens afin que le Parlement soit capable de provoquer une crise clarificatrice, puisque le Brexit n'a pas suffi pour cela. Il ne faut pas en avoir peur. Cela fait 30 ans que le Mur de Berlin est tombé. Il est urgent de redéfinir le projet européen. Le budget n'est pas un évènement technique : c'est un acte politique. À Londres, le Parlement est devenu un vrai parlement lorsqu'il a provoqué une crise pour obtenir des ressources nouvelles. Aujourd'hui, le Parlement européen n'est pas un parlement. Nous n'avons que très peu de pouvoir sur les questions budgétaires.

Le dernier budget a été voté par des députés de 5 groupes. Nous avions obtenu 1,9 milliard d'euros de plus que ce que les chefs d'État voulaient donner. Il faut garder cette unité autour d'objectifs forts. Si je suis ici, c'est parce que nous avons besoin d'alliés en France et en Allemagne, dans les parlements comme dans la société civile. Comme le disait Jean Arthuis, nous devons trouver un ou deux sujets qui parlent aux citoyens.

Officiellement, tout le monde veut plus d'Europe pour le green deal, l'innovation, la recherche et la protection des frontières, mais « pas avec mon argent ». La question des ressources propres est fondamentale pour débloquer la situation et conserver les missions classiques de l'Europe.

Le climat est le sujet qui peut nous permettre de rassembler et de débloquer la situation. Depuis 2 ans, Jens Weidmann, le patron de la Bundesbank, ne fait que dire non à tout budget supplémentaire, à deux exceptions : la protection de l'environnement et la protection des frontières. Sur ces sujets, Jens Weidmann admet la nécessité d'un transfert de compétences, d'un budget plus important et d'instruments fiscaux. Il en va de même pour Mark Rutte, Premier ministre des Pays-Bas. C'est au nom du climat que nous pouvons rassembler. Les députés de six tendances politiques, l'ensemble des syndicats européens et des climatologues ont signé un appel que je vous proposerai de rejoindre. Si nous pensons que l'Europe est à un moment critique, c'est maintenant que nous devons unir nos forces.

Le climat est le sujet le plus important pour l'avenir de l'humanité. Le Sahel vit sa plus grave sécheresse depuis 1 600 ans. Chaque semaine, nous connaissons des évènements climatiques extrêmes. Récemment, 10 personnes sont mortes en Espagne en raison d'inondations. Jeunes ou vieux, riches ou pauvres, tout le monde est concerné.

Il est tellement question du climat que nous pourrions penser que le problème est quasiment réglé. Ce n'est pas le cas. L'évolution de la quantité de CO2 dans l'atmosphère est effrayante. Elle est trois fois plus rapide que dans les années 60. Malgré toutes les conférences, ce que nous faisons chez nous et dans les territoires, le problème ne se résorbe pas : il s'aggrave. Nous sommes dans un cercle vicieux : le réchauffement climatique provoque de plus en plus de feux de forêt, qui envoient du CO2, lequel accélère le réchauffement climatique. Les climatologues nous alertent depuis 40 ans. Il est urgent d'agir. Dans ce contexte, le discours de Mme von der Leyen a retenti aux quatre coins de la planète. Tout le monde sait bien qu'il ne se passera rien avec Donald Trump. Dès lors, les regards sont tournés vers l'Europe et son green deal. La Banque mondiale annonce 150 millions de réfugiés climatiques dans les 30 ans, dont 90 millions venant d'Afrique.

Il y a 3 ans, la récolte de blé a baissé de 30 % en France et en Belgique en raison des inondations. Heureusement que l'Ukraine avait réalisé une très bonne récolte. Ne nous pensons pas à l'abri. Nous aurons de très graves problèmes si, la même année, l'Ukraine et la France sont touchées par la sécheresse ou les inondations. Au-delà de cela, nous savons que nous aurons, dans 30 ans, des problèmes de canicule, d'accès à l'eau et donc de réfugiés. Il est donc urgent de réussir ce chantier. À présent, nous devons aller au-delà du très beau discours de Mme von der Leyen. Le green new deal est une référence au New deal de Roosevelt, qui a transformé un pays sinistré. Quinze réformes ont été votées en trois mois. L'Europe pourrait s'en inspirer pour innover dans sa manière de faire.

Comme Kennedy l'a fait en permettant le premier pas humain sur la lune grâce à un budget plus que décuplé pour la NASA, Roosevelt a redonné de l'espoir au peuple. Pour cela, il disposait de moyens : le budget fédéral a triplé en 4 ans. En Europe, le débat porte sur des chiffres dérisoires. Après Pearl Harbor, Roosevelt a de nouveau triplé le budget fédéral. Au total, il l'a multiplié par 12. Était-il fou ? Non. Il avait un grand projet. De notre côté, sommes-nous capables d'avoir des budgets européens qui permettent de poursuivre les missions importantes qui fonctionnent et d'investir pour le climat, la biodiversité et l'emploi ?

Le chantier est colossal. Il peut aboutir à des créations massives d'emplois. D'ailleurs, nous avons tous les syndicats européens avec nous. Mme von der Leyen a annoncé son intention de réduire de 50 % les émissions de CO2 d'ici à 2030. Cela suppose d'isoler la moitié des logements et des écoles partout en Europe dans les dix prochaines années, ce qui diminuera les dépenses de chauffage et accroîtra le confort. Il faut transformer les fermes, créer des transports en commun dans les zones peu denses. En France, l'ADEME estime que nous pourrions créer 900 000 emplois. En Europe, il est question de 5 millions d'emplois.

La précédente Commission européenne avait estimé qu'il manquait 260 milliards chaque année pour réduire de 40 % les émissions de CO2. Une autre étude de la Commission indique qu'il manque 530 milliards pour réduire les émissions de 47 %. À présent, l'objectif est une réduction de 55 % de ces émissions.

Comment trouver des sommes aussi considérables ? Pour le moment, nous avons mis sur la table une banque du climat qui, sans fonds propres nouveaux, pourrait réaliser 16 milliards d'euros de prêts supplémentaires. Il a également été question d'un fonds de transition juste doté de 7,5 milliards d'euros sur 7 ans. Avec cela, nous ne serons pas du tout à la hauteur. Par exemple, la Pologne possède 30 mines de charbon, et au moins 500 millions d'euros sont nécessaires pour chacune d'entre elles. Nous avons donc vraiment besoin d'innover. Prenons le temps de réfléchir plutôt que d'aller d'échec en échec. Nous ne sommes pas obligés de trouver un accord en mars. Nous sommes face à un enjeu nouveau. Aucun de nous ne possède toutes les solutions. Nous avons le droit de prendre 6 mois pour réfléchir tous ensemble.

Nous n'avons pas de baguette magique pour trouver des financements, mais il n'existe pas non plus de fatalité. En agissant sur six ou sept leviers, nous pouvons trouver les financements nécessaires. Dans l'appel que nous avons lancé avec des députés de six pays, des ONG et des think tanks, nous proposons trois outils supplémentaires.

Le premier est une vraie banque du climat qui soit capable d'octroyer 200 ou 300 milliards d'euros de prêts chaque année. C'est nécessaire pour isoler la moitié des logements dans les 10 ans, pour développer les transports en commun, les voies navigables, les énergies renouvelables et aider les agriculteurs. Des agriculteurs aimeraient faire du biogaz mais cela suppose un investissement de 500 000 euros. Ils sont prêts à se rassembler et à s'engager avec des financements européens et des débouchés assurés pendant 20 ans.

Aujourd'hui, il est prévu une banque du climat qui accorderait peut-être 16 milliards d'euros de prêts supplémentaires d'ici 3 ou 4 ans. C'est troublant car il n'y a jamais eu autant de liquidités. La Banque centrale européenne (BCE) a créé 2 600 milliards d'euros en 4 ans. Chaque mois, elle dispose de 100 milliards d'euros sur la table. Pendant ce temps, le Conseil européen se déchire pour trouver 100 millions. Rien dans les traités n'empêche d'utiliser cet argent de la banque centrale. Une fois que l'objectif de stabilité des prix est atteint, la politique monétaire doit être mise au service de l'ensemble des objectifs de l'Union européenne.

Un point fondamental tient aux fonds propres de la banque du climat. La banque centrale ne peut pas être actionnaire de la banque du climat. En revanche, elle peut apporter des quasi fonds propres sous forme de prêts subordonnés. D'après les règles prudentielles, 100 milliards d'euros de quasi fonds propres équivalent à 50 milliards d'euros de vrais fonds propres. Avec ces 50 milliards d'euros, la banque du climat pourrait accorder les 300 milliards d'euros de prêts nécessaires.

Le précédent quantitative easing avait représenté 2 600 milliards d'euros : 89 % sont allés à la spéculation et seuls 11 % à l'économie réelle. Le niveau de spéculation n'a jamais été aussi élevé qu'actuellement. Dans le même temps, on nous dit qu'il n'y a pas d'argent pour le climat et l'emploi. Tous les mois, le Fonds monétaire international (FMI) nous dit que nous allons vers une nouvelle crise, qui pourrait être dix fois plus grave que la crise de 2008. Comptons-nous rester sans rien faire ?

Le deuxième outil, c'est un vrai budget. L'isolation d'un logement coûte 20 000 euros. Nous n'allons pas demander à chaque famille ou à chaque village de trouver cette somme. Nous avons besoin d'un budget climat très important pour aider chaque famille, chaque village ou chaque petite entreprise. Nous demandons 100 milliards d'euros supplémentaires chaque année pour un budget climat spécifique.

Comment trouver cet argent dans le contexte du mouvement des « gilets jaunes » ? 30 % des Français et 30 % des Allemands sont dans le rouge chaque mois : il n'est pas question de leur demander un effort. Nous avons des propositions. La première est l'instauration d'une taxe kérosène. Il ne s'agit pas d'interdire l'avion, mais de mettre en place une taxe sur le kérosène, comme il en existe déjà au Japon ou en Arabie Saoudite. Cela rapporterait 12 à 15 milliards d'euros de ressources propres.

En 2005, Jacques Delors avait approuvé José Bové lorsque celui-ci avait suggéré la mise en place d'un impôt européen sur les bénéfices afin de freiner la concurrence fiscale entre États membres. 15 ans plus tard, la concurrence fiscale continue. L'impôt sur les bénéfices est tombé à 19 % en moyenne. Il fut un temps où il était à 45 %. Dans le même temps, les dividendes ont explosé. Le fait qu'il y ait des bénéfices est une bonne chose. La question est de savoir où vont ces bénéfices. Même le FMI estime que la part des bénéfices qui quittent l'économie réelle devient un vrai problème.

Nous proposons donc la création d'un impôt européen sur les bénéfices. Nous ne demanderons aucun effort aux petites entreprises (moins de 20 salariés). Cet impôt pourrait rapporter entre 70 et 90 milliards d'euros chaque année. Des personnalités aussi différentes qu'Alain Juppé, Pierre Laurent, Laurence Parisot ou le pape François soutiennent ce projet. Avec un vrai budget européen, nous pourrons apporter des aides aux familles et aux PME pour leurs travaux d'isolation.

Notre dernière idée est hors budget : il s'agit d'obliger les banques et les assurances à stopper leurs investissements fossiles et à réaffecter cet argent au green deal. En cela, nous nous inspirons de ce qu'a fait Barack Obama en 2010 par le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) : aucune banque ne peut avoir d'activité aux États-Unis si elle n'est pas totalement transparente vis-à-vis de l'administration fiscale américaine. Imaginant une forme de FATCA climat, nous souhaitons qu'aucune banque ou assurance ne puisse travailler en Europe d'ici 5 ans si elle n'a pas cessé ses investissements fossiles et si elle n'est pas totalement transparente sur toutes ses activités.

Avec ces instruments financiers, nous disposerions d'un vrai financement pour le green deal et nous créerions 5 millions d'emplois en Europe. Nous pourrions également débloquer la négociation sur le cadre financier pluriannuel. L'idée est de continuer la négociation sur le CFP, tout en créant un budget spécifique au climat, avec des ressources propres. Nous avons les citoyens avec nous. D'après Bercy, ces différents instruments pourraient être mis en place en 18 mois. Si nous n'y arrivons pas à 27, nous pourrions instituer des coopérations renforcées. Pour Schengen ou la monnaie unique, nous n'avons pas attendu l'unanimité pour agir.

Merci de votre attention.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Merci pour votre intervention, qui appelle quelques remarques de ma part.

Je considère, comme d'autres, que la Banque européenne du climat existe déjà au travers de la Banque européenne d'investissement (BEI). L'an passé, la BEI a investi près de 9 milliards d'euros, dont la moitié dans des politiques à dimension environnementale. Il faut assurément la doter davantage et mobiliser des ressources privées, mais ne nous battons pas sur une question sémantique. Il existe déjà une banque qui fait beaucoup pour le climat. Demandons-lui d'en faire davantage au lieu de créer ex nihilo une autre structure.

Tout cela ne peut fonctionner qu'en donnant un véritable prix à la tonne de CO2. Ce prix est de 20 euros actuellement. Il s'agit d'un plancher. Nous devons aller plus haut.

Je tiens à rendre hommage aux instances communautaires qui ont osé placer le nucléaire comme une énergie à utiliser pour favoriser la réduction des émissions de CO2. Les pays du groupe de Višegrad se sont engagés dans cette voie. J'ai également cru comprendre qu'un projet important d'intérêt européen commun (PIIIEC) est à venir sur l'hydrogène. J'attends cela avec impatience.

Je voudrais aussi revenir sur la taxation du kérosène. Je n'ai pas la même approche que vous. Nous avons abordé cette problématique au sein d'un groupe de travail. La filière agricole française est techniquement prête à produire du carburant à partir de ressources végétales pour le transport aérien. N'oublions pas que les émissions de CO2 dues à nos appareils électroniques sont plus importantes que celles des avions. Je ne suis pas très favorable à la taxation. Je préfère la transformation du kérosène en carburant propre.

BlackRock, qui est le premier fonds de pension mondial, a très clairement annoncé qu'il classerait les entreprises au regard de la green economy. Les entreprises auront donc tout intérêt, pour avoir accès à des moyens financiers, à être bien classées.

La politique du green deal est nécessaire et incontournable. Toute activité économique doit avoir une approche vertueuse de l'environnement. Toutefois, prenons garde à ne pas trop heurter certains de nos concitoyens. Sans imaginer la crise des « gilets jaunes », le Sénat français avait anticipé le fait que certaines taxations ne seraient pas bien reçues par une certaine frange de nos concitoyens.

Il nous faudra ensuite débattre du projet de texte commun qui est soumis aux parlementaires aujourd'hui.

M. Pierre Laurent, sénateur . Ce texte vise à soutenir les propositions défendues par le gouvernement français dans la négociation du budget. Cette ambition est largement insuffisante. Certains éléments du texte font consensus. Ainsi, nous sommes tous favorables au maintien des crédits de la PAC à leur niveau actuel. Il en va de même pour les fonds de cohésion. En revanche, d'autres aspects font davantage discussion. Par exemple, il y aurait beaucoup à dire sur la politique d'accueil des réfugiés. L'Europe ne peut pas s'en tenir durablement à sa politique de protection actuelle. Nous avons renoncé à relever le défi de l'accueil. Il s'agit d'une erreur historique. L'augmentation des crédits de Frontex n'est donc pas à la hauteur des défis à venir.

Par ailleurs, le texte réaffirme que nous voulons défendre un haut niveau pour le Fonds européen de la défense, mais nous continuons à le faire sans affronter le débat sur la souveraineté réelle de l'Europe en matière de défense. D'aucuns me disent qu'il n'existe aucune contradiction entre les stratégies actuelles de l'OTAN et l'ambition de développer un pilier de souveraineté européen en matière de défense. Selon moi, ce débat reste largement devant nous.

Il y a donc des points qui me conviennent dans le texte qui nous est proposé, mais il y en a d'autres qui m'empêchent de le soutenir en l'état.

Plus largement, je pense que nous ne sommes pas du tout à la hauteur des enjeux. Je suis assez favorable aux propositions qu'a avancées Pierre Larrouturou. Il ne faut pas simplement changer la politique budgétaire. Il faut également changer la politique monétaire. Il faut changer les missions de la Banque centrale européenne. Ce n'est pas en déplaçant quelques milliards d'euros que nous répondrons à cet objectif.

Tout le monde dit que la question écologique est liée à la question sociale. Où est l'ambition sociale de l'Europe ? Elle a disparu. Toutes les harmonisations se font par le bas. Les retraites en sont un exemple. Il y en a d'autres. Les déréglementations sociales successives nous privent d'atouts très importants pour affronter les défis écologiques.

M. Pierre Larrouturou député européen. Je devrai malheureusement vous quitter très vite car j'ai une contrainte. Avant cela, j'aimerais répondre aux quelques remarques qui ont été formulées.

Il ne s'agit pas de créer une banque du climat à partir de rien. Il s'agirait d'une filiale de la Banque européenne d'investissement, avec une gouvernance spécifique et des fonds propres. La BEI agit déjà en ce sens mais, sans fonds propres supplémentaires, elle ne pourra pas doubler ses investissements dans le climat, sauf à couper ses investissements par ailleurs. De plus, même si la BEI parvenait à doubler ses investissements dans le climat, cela ne ferait que 16 milliards d'euros. Nous avons besoin de bien plus. Dans le même temps, il faut augmenter le prix du carbone et développer des alternatives. Il ne s'agit pas de désespérer les gens.

Vous ne voulez pas de taxe supplémentaire mais nous avons besoin de trouver 100 milliards d'euros quelque part. Nous pouvons certainement demander un petit effort aux actionnaires, et pas aux 30 % de Français qui sont dans le rouge chaque mois. Ce besoin de justice fiscale correspond à une efficacité économique : les grandes entreprises ont une capacité d'épargne colossale que les ménages modestes n'ont pas.

Une taxe sur le kérosène ne serait pas non plus choquante. Encore une fois, il ne s'agit pas d'interdire l'avion mais de mettre en place le même niveau de fiscalité que pour l'essence. Par ailleurs, nous devons faire très attention à l'usage que nous faisons de la terre. C'est une chose que la filière soit prête techniquement à faire des agro-carburants, mais prenons garde à l'impact sur la biodiversité si nous y consacrons des centaines d'hectares.

Il est très intéressant que BlackRock fasse de l'environnement un véritable sujet mais ce n'est pas suffisant. Il ne suffit pas d'apposer un joli logo dans un rapport d'activité pour diviser par deux les émissions de CO2 dans les 10 ans. Nous devons prendre des mesures plus énergiques.

Sur la question de la défense, je me souviens qu'en 1992, lors de la guerre en Bosnie, tout le monde estimait que le temps de l'Europe était venu. Aujourd'hui, nous ne sommes toujours pas capables d'agir. Il est plus que temps d'avancer sur ce sujet et d'y mettre les moyens financiers nécessaires.

Sur la question de l'ambition sociale, j'ai essayé de montrer qu'on pouvait en même temps lutter pour le climat et créer 5 millions d'emplois utiles et correctement payés. Un logement mieux isolé, c'est un logement plus confortable et un gain de pouvoir d'achat important. L'an dernier, l'Europe a dépensé plus de 200 milliards d'euros pour acheter du gaz et du pétrole à l'extérieur.

Je suis vraiment désolé, mais je dois vous quitter. J'espère que nous pourrons continuer le dialogue. Merci de m'avoir écouté.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat . Merci à vous. Continuons nos échanges.

M. Michel Raison, sénateur. Les surfaces en culture sont figées au niveau européen. Que nous fassions du bio-carburant ou non, cela ne change rien aux surfaces labourées. Par ailleurs, le biogaz utilise autant de surfaces cultivées que le bio-carburant.

Il est très important de rappeler que la PAC est une politique de long terme, tant l'agriculture est un domaine dans lequel l'inertie est très forte. Il doit donc s'agir d'une priorité stratégique, au regard notamment des enjeux de souveraineté et de sécurité alimentaires. Pensez que si l'on continue de massacrer l'agriculture, la France risque ne plus être auto-suffisante pour une grande partie de ses produits. De plus, la PAC est l'une des rares vraies politiques européennes.

Bien sûr, l'agriculture doit en permanence progresser. La transition y est permanente depuis des décennies. Elle doit continuer mais à une vitesse normale, sans bouleversements. Il faudrait pouvoir souligner tous les apports de l'agriculture, en termes de consommation de CO2 notamment. Les mesures environnementales doivent être prises sur des bases scientifiques, et non sur des bases idéologiques. Nous ne pouvons plus supporter que la science soit autant méprisée. D'ici 10 ou 15 ans, nous pourrions avoir à le regretter. J'entends parfois des discours, y compris du Président de la République, qui me font frissonner.

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Le texte que nous vous proposons est une synthèse d'une résolution adoptée par le Sénat et d'une résolution adoptée par l'Assemblée nationale. Ce texte n'a pas de portée juridique. Sa portée est symbolique. Il est dommage qu'il n'y ait pas davantage de députés européens parmi nous.

Avez-vous des demandes précises de modification de ce texte ?

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Je propose de réécrire l'alinéa 2 de la manière suivante : « Affirmons néanmoins que le financement de ces nouvelles priorités ne doit pas conduire à réduire les ambitions des politiques traditionnelles, notamment la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion, qui conservent toute leur pertinence, notamment pour la lutte contre le changement climatique et la transition écologique. »

L'idée consiste à rappeler que ces politiques traditionnelles que sont la PAC et la cohésion jouent un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les budgets alloués à ces politiques influent sur les investissements des États membres, en matière de transition écologique notamment.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Votre proposition me convient jusqu'au mot « notamment » ; elle me convient moins par la suite. La politique des grandes cultures est souvent décriée. Ayons le courage d'admettre que ces 13 à 14 millions d'hectares (en France) permettent la réduction du CO2 de 245 millions de tonnes par an. La politique agricole traditionnelle contribue déjà très largement à la lutte contre le changement climatique. Dès lors, je propose de ne pas retenir votre proposition à partir du mot « notamment ». L'acceptez-vous ?

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Merci.

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Je propose, au nom du groupe LaREM, de substituer dans l'alinéa 6 les termes « euros constants » par la formulation « euros courants à son niveau actuel (UE à 27) ». Nous pensons que le budget global de la PAC doit se penser en prix courants. Le raisonnement à prix constants signifie une réduction de 5 milliards d'euros par rapport au budget précédent, ce que la France ne tolère pas. Les euros courants mettent en évidence ce qui est réellement perçu par les agriculteurs, soit 2,5 milliards d'euros supplémentaires pour le premier pilier. Au vu des crispations actuelles, il est illusoire de penser que nous pourrions maintenir un budget équivalent au budget 2014-2020 à 28.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. C'est extrêmement important, mais dans le texte commun que nous avions adopté lors de notre réunion d'octobre 2019 consacrée à la PAC, nous avons parlé en euros constants. Pour aller dans votre sens, nous pourrions tout de même ajouter à cet alinéa la formulation « indépendamment des conséquences du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ».

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Votre proposition est acceptable. Nous souhaitons également reformuler l'alinéa 7 de la manière suivante : « Jugeons que la proposition présentée par le Président du Conseil européen le 14 février 2020 va dans le bon sens, tendant à augmenter globalement de 5 milliards d'euros les fonds que la Commission européenne proposait d'allouer à la PAC dans sa proposition du 2 mai 2018 ; saluons le souhait de procéder à une réévaluation des crédits du premier pilier, démarche qui devra être amplifiée. »

Sur un plan personnel, je souhaiterais compléter cet alinéa de la formulation suivante : « et complétée par un réexamen du second pilier de la PAC ».

Nous ne souhaitons pas dénigrer la proposition du Conseil européen, qui va dans un meilleur sens que celle de la Commission, tout en continuant à plaider pour une augmentation du budget à partir de cette proposition. Par ailleurs, j'estime que les discussions doivent continuer à évoluer sur le deuxième pilier de la PAC, qui est important pour le développement de nos zones rurales.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Votre proposition me gêne au regard des trois résolutions déjà adoptées par le Sénat. La première proposition de la Présidence du Conseil, celle de la Finlande, consistait à augmenter uniquement le deuxième pilier. C'était un peu dangereux. Une autre proposition a émané du Président du Conseil européen, Charles Michel : elle prévoit d'accorder 2,5 milliards d'euros au premier comme au second pilier. Il serait préférable de ne pas abonder le second pilier. C'est également la position de Mme de Montchalin et du ministre de l'agriculture.

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Je comprends le raisonnement et je suis prête à retirer la proposition que j'ai faite à titre personnel concernant le deuxième pilier. En revanche, je maintiens la tournure de phrase qui prend en compte le fait que la proposition présentée par le Président du Conseil européen le 14 février 2020 va dans le bon sens.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Nous pourrions nous contenter de saluer la réflexion de Charles Michel, sans aller plus loin.

M. Pierre Laurent, sénateur . Je pense que ce serait une erreur politique que de supprimer du texte le terme « inacceptable ». Nous sommes dans une négociation dure. Le climat est bouillant.

M. Jean-François Rapin, sénateur . Je suis totalement d'accord. Même si nous pouvons considérer que la proposition du Président du Conseil européen est de nature à engager la négociation, le terme « inacceptable » prouve que nous sommes contre une baisse budgétaire. Ne le supprimons donc pas.

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Mon souhait était simplement de présenter les choses de manière moins frontale.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Nous pouvons vous donner satisfaction en écrivant « jugeons inacceptable la proposition présentée le 14 février 2020 », sans faire référence au Président du Conseil européen.

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Il faudrait au moins rapprocher cette proposition des propositions qu'ont faites la Commission et la présidence finlandaise.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Nous pourrions réécrire cet alinéa de la manière suivante : « Jugeons inacceptable la proposition présentée le 14 février 2020, qui majore certes la proposition de la Commission européenne, mais réduit globalement de 5 milliards d'euros les fonds que la présidence finlandaise proposait d'allouer à la PAC (…). »

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Nous proposons de faire mention du programme Erasmus dans le deuxième alinéa de la page 2, qui commence de la manière suivante : « Soulignons le rôle stratégique de la politique de cohésion ».

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Nous pourrions faire un point spécifique sur Erasmus.

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Ce serait encore mieux, mais je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Nous rédigerons un alinéa spécifique à Erasmus.

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J'aimerais apporter des modifications à l'alinéa 11. Dans sa résolution du 10 octobre 2019 sur le cadre pluriannuel 2021-2027 et les ressources propres, le nouveau Parlement a confirmé sa position consistant à demander aux États membres d'introduire un mécanisme d'ajustement des émissions de carbone aux frontières. Ce mécanisme doit pouvoir dégager des recettes indispensables à la mise en œuvre des priorités de l'Union européenne. Pour s'en assurer, il apparaît pertinent de préciser expressément que ces revenus constitueront une recette à part entière du budget.

Dès lors, l'alinéa 11 pourrait être complété de la manière suivante : « et dont les revenus générés constitueront une recette à part entière du budget européen ».

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Votre proposition me paraît tout à fait convenable.

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Je propose également de réécrire l'alinéa 18 de la manière suivante : « Saluons l'effort engagé par le Commission et le Président du Conseil européen pour proposer de nouvelles ressources propres et soutenons l'insertion dans l'accord final d'un engagement clair et contraignant pour l'introduction au cours du prochain cadre financier pluriannuel (…). »

Je propose également de compléter cet alinéa par les termes suivants : « une partie des recettes du marché d'échange de quotas d'émission carbone et une contribution calculée sur la quantité d'emballages plastiques non-recyclés dans les États membres ».

Le gouvernement français plaide vivement pour l'introduction de nouvelles ressources propres de manière claire et contraignante dans le CFP 2021-2027. Ces ressources permettront de stabiliser les contributions nationales. La formulation proposée précise les autres ressources propres envisagées et reprend la formule de la résolution européenne votée par le Sénat le 11 février dernier.

Les revenus issus du système ETS sont empochés par les États, alors qu'il s'agit d'un mécanisme harmonisé au service de la politique de l'Union européenne en matière de protection de l'environnement. Ce système pourrait générer jusqu'à 3 milliards d'euros par an pour le budget européen.

J'aimerais maintenant m'exprimer à titre personnel. J'ai conscience de la portée indicative du texte qui nous est aujourd'hui proposé, mais je pense que nous sommes tous attachés au principe d'une taxe GAFA à l'échelle européenne et à la lutte contre l'évasion fiscale. Je souhaiterais donc compléter l'alinéa 18 en y faisant mention de « mesures de lutte contre l'évasion fiscale » et du « projet d'une taxe sur les services numériques à l'échelle européenne ».

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. La commission des finances du Sénat avait adopté la rédaction suivante en examinant notre proposition de résolution européenne, indiquant que le Sénat :

« Salue les réflexions engagées par la Commission européenne pour mettre en place un panier de nouvelles ressources propres en proposant d'y inclure une partie des recettes du marché d'échange de quotas d'émission carbone, une contribution sur l'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés et une contribution calculée sur la quantité d'emballages plastiques non-recyclés dans les États membres ;

L'invite à les poursuivre et à les étendre en incluant notamment la perspective du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ;

Soutient la proposition d'abaissement du taux des frais d'assiette et de perception des droits de douane prélevés par les États membres. »

La taxe sur les GAFA n'y est pas évoquée, mais le sujet n'est pas encore cristallisé au sein même de l'OCDE.

Cette formulation vous convient-elle ?

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Cette approche me semble pertinente. Toutefois, le fait même que rien n'ait encore été cristallisé au niveau de l'OCDE concernant les GAFA apporte de l'eau à mon moulin. Il serait bon que nos deux commissions aillent dans le sens d'un objectif européen.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Nous pourrions inviter à la poursuite de la réflexion au niveau de l'OCDE sur ce point précis.

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de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. S'il n'y a pas d'autres demandes de parole, il me reste à vous remercier pour votre participation. J'espère que nous continuerons cette collaboration en réfléchissant aux moyens de mobiliser davantage les députés européens français.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Merci à tous. Je regrette le manque de participation de nos amis députés européens. Il s'agit d'une difficulté récurrente. Nous devrons trouver une autre formule assise sur les nouvelles technologies afin de cristalliser un meilleur partenariat.

La réunion est levée à 18 h 25.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - Mme Yolaine de Courson, Mme Frédérique Dumas, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, Mme Nicole Le Peih

Assistaient également à la réunion :

- M. Jean Bizet, Mme Pascale Gruny, Mme Laurence Harribey, M. Benoît Huré, M. Pierre Laurent, M. Jean-Yves Leconte, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, M. Franck Menonville, M. Michel Raison, M. Jean-François Rapin, sénateurs ;

- M. Pierre Larrouturou, membre du Parlement européen.