Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AMAP
  • infarm
  • ruche
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La réunion

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La commission s'est réunie au salon de l'Agriculture sur le thème de « l'agriculture : un lien entre les territoires et les villes », en présence de Mme Christine Aubry, chercheure en agronomie à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et directrice d'une équipe de recherche à AgroParisTech sur les agricultures urbaines, de M. Grégoire de Tilly, directeur général de La Ruche qui dit oui !, de M. Florent Sebban, agriculteur à Pussay (Essonne), administrateur du réseau AMAP (association pour le maintien d'une agriculture paysanne) Île-de-France et du mouvement inter-régional des AMAP (Miramap), et de M. Florian Cointet, responsable d'Infarm France.

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Je suis très heureux que nous nous réunissions au coeur du salon de l'agriculture. Vous connaissez ma volonté de délocaliser aussi souvent que possible nos travaux et je me réjouis que nous puissions aujourd'hui tenir cette réunion ici. Nous consacrerons nos débats au beau thème de « l'agriculture : un lien entre les territoires et les villes » et traiterons plus particulièrement de la question de l'agriculture urbaine et des circuits courts.

Je vais désormais présenter nos intervenants, que je remercie chaleureusement d'avoir accepté de nous rencontrer aujourd'hui.

Mme Christine Aubry est chercheure en agronomie à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et directrice d'une équipe de recherche à AgroParisTech sur les agricultures urbaines. Vous avez découvert, Madame, l'agriculture urbaine dans le cadre d'une mission à Madagascar de 1999 à 2001. Vous avez également contribué à la création, en 2011, d'un potager sur les toits d'AgroParisTech dans le 5e arrondissement de Paris.

M. Florian Cointet est responsable d'Infarm France, entreprise créée à Berlin et spécialisée dans l'agriculture urbaine d'intérieur qui, au sein de fermes innovantes, cultive des plantes et des herbes aromatiques, sans pesticide. Les liens de ce type d'agriculture avec les circuits de distribution classique se développent : en novembre 2018, le distributeur Metro a ainsi installé un potager urbain conçu par Infarm France à l'intérieur de son entrepôt de Nanterre.

M. Grégoire de Tilly est directeur général de La Ruche qui dit oui !, plateforme créée en 2011, permettant la vente de la production d'agriculteurs-producteurs à des consommateurs organisés en petits groupes qui sont appelés des « ruches ». On compte 1 500 « ruches » ouvertes en Europe, approvisionnées par 10 000 producteurs et regroupant 210 000 consommateurs réguliers. La distance parcourue par les produits, du producteur au consommateur, est de 49 kilomètres en moyenne. La Ruche qui dit oui ! propose également, avec le Comptoir local, des livraisons à domicile, depuis 2018.

M. Florent Sebban, enfin, est paysan à Pussay dans l'Essonne, depuis sa reconversion en 2011. Vous pratiquez, Monsieur, le maraîchage et cultivez des plantes à parfum, aromatiques et médicinales ainsi que des fruits. Vous êtes également administrateur du réseau des associations pour le maintien d'une agriculture paysanne d'Île-de-France, les fameuses « AMAP », et du mouvement interrégional des AMAP (Miramap). En 2015, on dénombrait plus de 2 000 AMAP en France. Vous serez le héros d'un film de cinéma qui sera prochainement diffusé, qui s'intitule Douce France et qui a été réalisé par M. Geoffrey Couanon. Nous vous enverrons par mail, chers collègues, un extrait de ce documentaire, dans le prolongement des échanges de ce matin.

Je passe la parole à nos invités.

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Christine Aubry, chercheure en agronomie à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE)

Merci de nous accueillir, Monsieur le Président. Je vous propose, dans le temps qui m'est imparti, de vous faire un panorama sur ce que sont les agricultures urbaines aujourd'hui. Au sens international, il s'agit d'une agriculture dans les villes ou périurbaines. On peut distinguer, schématiquement, cinq grands types d'agriculture urbaine : dans les zones périurbaines, d'abord, des fermes maraîchères et d'autres fondées sur d'autres types de production ; dans les zones urbaines, le jardinage associatif, qui n'est pas professionnel, mais aussi des micro-fermes urbaines reposant sur des systèmes très variés – en plein sol, sur les toits, sur les murs, par exemple – ou des formes d'agriculture urbaine plus technologiques, tel que l' « indoor farming », que M. Cointet évoquera tout à l'heure.

Ces agricultures servent à l'approvisionnement des villes mais ont aussi des fonctions très importantes d'éducation et de reconnexion des urbains à la manière dont leur alimentation est produite. Je pense à une association dont j'apprécie beaucoup le travail, Veni Verdi, qui a une vocation d'éducation des élèves. Bien entendu, ce n'est pas de l'agriculture au sens où on l'entend dans les territoires ruraux et périurbains, mais cela permet à des générations qui connaissent peu l'agriculture de se reconnecter aux cycles vivants, végétaux et animaux. Les projets plus technologiques, de type Infarm France, ont une visée plus classiquement économique. Il faut néanmoins noter que l'agriculture urbaine se caractérise par la multifonctionnalité de projets qui ont, le plus souvent, des fonctions de production, de formation et d'éducation. Ces fonctions sont essentielles pour reconnecter les territoires aux villes. Certes, ce n'est pas parce qu'on cultive trois tomates que l'on connaît le métier de maraîcher : mais, pour une partie de la population, il faut en passer par là.

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Je me permets de poser d'ores et déjà une question, Madame, à laquelle vous aurez l'occasion de répondre tout à l'heure. Pensez-vous que ce type d'agriculture soit susceptible d'attirer des urbains, vers les métiers agricoles, en particulier des jeunes issus de quartiers difficiles ?

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Florian Cointet, responsable d'Infarm France

L'entreprise Infarm a été fondée en 2013 en Allemagne, mais elle est avant tout européenne. Elle a grandi grâce à des fonds européens. Infarm née du simple constat qu'il est difficile, en ville, de se procurer des produits frais : les tomates sont toutes les mêmes, les plantes aromatiques proviennent des mêmes producteurs, souvent géographiquement très lointains. Quelque chose a été cassé dans notre agriculture, quelque chose qui tient au lien entre producteurs et consommateurs. Or, de nouvelles technologies, des méthodes agricoles innovantes existent. Grâce à ces nouvelles technologies et à beaucoup de recherche et développement (R&D), nous avons pu développer une nouvelle approche de cette question. Infarm est un concept assez simple : nous créons de grands placards dans lesquels nous cultivons des plantes au moyen de l'hydroponie et grâce à des éclairages par des LED dont la lumière reproduit le soleil.

Vous l'avez dit, Monsieur le Président, nous nous sommes installés dans 300 supermarchés, appartenant aux enseignes Métro, Intermarché, Leclerc et Casino. Ces dispositifs ont également été installés chez des restaurateurs. Les produits poussent ainsi devant le consommateur, en toute transparence. Le but est nutritionnel, mais aussi pédagogique. Les plantes sont commercialisées, avec leurs racines. Notre but est de permettre aux consommateurs de retrouver le goût, la biodiversité. En France, on ne consomme que trois ou quatre aromatiques alors qu'il y en a des centaines. Nous proposons des variétés qu'on ne connaît plus, une soixantaine au total. Notre objectif, c'est de nourrir des villes entières, en créant des fermes à plus grande échelle, en complément, dans les banlieues.

Infarm est aussi porteur d'un engagement environnemental : l'hydroponie utilise moins d'eau, nous n'utilisons aucun pesticide et l'impact carbone est évidemment bien moindre, puisque la plupart des volumes vendus en supermarché viennent de loin et sont suremballés. Notre consommation énergétique est électrique et nous avons la chance – même si nous en connaissons les risques – de disposer encore en France d'une énergie électrique décarbonée.

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Ma question, que je vous demande de noter, est relative à la capacité d'échelle de ce type de projet. L'agriculture urbaine répond à de nombreux enjeux sociétaux mais est-ce que l'on reste dans la marge ou est-ce que, demain, l'on nourrira des villes ?

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Grégoire de Tilly, directeur général de La Ruche qui dit oui

La Ruche a pour objectif de mettre en relation des producteurs – tous les produits sont concernés : viande, pain, légumes, volaille, épicerie… – avec des consommateurs, à l'échelle locale. La Ruche est une plateforme, elle correspond exactement à la définition de ce qu'on appelle une « market place ». La mise en relation se fait avec un rendez-vous physique, organisé par un responsable de ruche qui peut avoir différents statuts. Il dispose d'un local, restaurant ou autre, dans lequel, chaque semaine, les membres de La Ruche se retrouvent pour récupérer les produits qu'ils ont commandés. Sur le site, le responsable annonce chaque semaine que la vente est ouverte et les consommateurs peuvent choisir parmi les produits que les différents producteurs annoncent mettre en vente. La vente est ensuite close, les producteurs informés des commandes hebdomadaires et tous se retrouvent, le samedi matin, par exemple, pour la remise des commandes. Un vrai lien se crée entre producteurs et consommateurs au moment des distributions.

L'un de nos principes fondateurs est la juste rémunération du producteur : c'est lui qui fixe son prix. On le prévient simplement si celui-ci est complètement déconnecté du marché. Nous sommes transparents sur la commission que nous touchons : la Ruche touche 20 % de commission, donc 80 % du prix payé va au producteur. Un grand distributeur se vantait récemment d'avoir donné une journée de marge au producteur, soit environ un million d'euros. Il faut savoir néanmoins que la grande distribution capte 60 à 70 % de la valeur. Nous, nous avons redistribué beaucoup plus au producteur et pourtant, nous ne sommes qu'une petite start up : une équipe de 30 personnes en France et autant à l'étranger. Nous sommes d'ailleurs à peine rentable.

La saisonnalité et le caractère local des produits proposés sont au coeur de la philosophie de La Ruche : les produits parcourent, vous l'avez dit, en moyenne une quarantaine de kilomètres.

Notre aventure se poursuit et se diversifie : on a racheté une petite société qui faisait de la livraison, le Comptoir local, en 2018. Dans les régions, nous nous apprêtons à lancer des halles éphémères : si vous êtes prêts à mettre à notre disposition des gymnases ou des bâtiments de ce type, nous y recréerons des marchés paysans.

Notre système demeure quelque peu contraignant : il faut se rendre à un rendez-vous par semaine et accepter de commander 48 heures avant. Le plus important, à mes yeux, c'est de réussir à garder cet esprit de communauté : quand on y va, c'est une rencontre, une vraie rencontre.

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Florent Sebban, paysan, administrateur du mouvement interrégional des AMAP

Bonjour à tous, je suis paysan en AMAP dans le sud de l'Essonne dans un village qui s'appelle Pussay. Nous sommes trois sur la ferme. Toute la production est distribuée via des AMAP. Les AMAP sont regroupées régionalement dans la plupart des régions. Une AMAP, c'est un partenariat entre un groupe de familles et plusieurs fermes. Un partenariat direct et réciproque au sein duquel chacun s'engage : les familles en se nourrissant différemment et les fermes en décidant de produire autrement. On parle beaucoup d'agribashing aujourd'hui. Nous, ce que nous vivons au travers de ces partenariats directs, c'est de l'amour. Nous nous payons, de manière fixe, 1 700 € chacun. Nous voyons des femmes, des enfants, des hommes se nourrir de notre production : leur sourire fait partie du salaire. Quand on parle de partage de la valeur, comme vous le faisiez tout à l'heure, on se situe dans un système très éloigné du nôtre : chez nous, entre le producteur et le consommateur, il n'y a aucun intermédiaire, 100 % de la valeur va au producteur. Il s'agit donc d'un système très sécurisant, pour les paysans et les paysannes : nous savons, dès le 1er janvier, que nous vendrons toute la production, nous avons tous les chèques et donc, nous produisons autrement. Je ne suis pas en permanence pendu au téléphone pour placer tel ou tel produit.

Vous posiez une question, Monsieur le Président, sur le renouvellement des générations. Je témoigne du fait que cette production donne envie à des jeunes – et moins jeunes ! – de découvrir ces métiers. Les réseaux AMAP d'Île-de-France accompagnent deux cents jeunes qui veulent devenir paysans. Il ne s'agit pas seulement d'un désir un peu « fleur bleue », un peu fantasmé : ils perçoivent qu'il existe une alternative concrète. Nous avons des stagiaires qui veulent changer de vie, nous ne manquons pas de personne voulant devenir paysannes et paysans : nous ne manquons pas de gens, mais parfois de terre.

L'un des points forts de ce système réside dans le fait que les consommateurs sont des amis. Ils ont accès à des produits à prix fixe. La sécheresse, les risques climatiques, cela ne touche ni nous, ni eux. Ils acceptent les aléas qui font partie des contrats : peut-être auront-ils un peu moins de choux et plus de carottes, cela fait partie de la démarche. Les AMAP développement un lien entre eux et nous mais aussi entre eux : dans un village de 2 000 habitants comme le nôtre, certaines familles se connaissent grâce à nous, font des fêtes, des « apéros » ensemble. Pour un village ou une ville, c'est très créateur de liens.

La priorité, pour poursuivre ce développement vertueux, c'est de libérer des terres. Ce sont des choses que les communes peuvent encore faire. Les consommateurs, que j'appelle des amis, expriment une aspiration à transformer l'agriculture : pas une aspiration brutale de type « je veux que l'agriculture change » mais une aspiration constructive, qui pourrait être ainsi formulée : « je vais le faire avec eux ». Le fait que les gens souhaitent jouer ce rôle devrait être structuré, au sein d'une association. Sur les questions liées au foncier, on a le sentiment que les décisions sont prises de manière trop opaque. Il faut que les comités des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) s'ouvrent et respirent pour donner des rôles aux citoyens et citoyennes. Il faut davantage partager la décision.

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Lorsque je regarde le rythme de vie qui est le mien, en tant que député, avec les allers-retours en circonscription, je me rends compte que si je suis en capacité financièrement d'acheter un panier il m'est difficile, eu égard à mes contraintes de travail d'avoir une prévisibilité à plus long terme. Je me trouve, dès lors, obligé de me rendre à l'épicerie d'une grande enseigne. Quelles sont les initiatives à prendre et les innovations à créer pour permettre aux personnes ayant un mode de vie urbain avec ses contraintes propres de répondre à ces nouvelles aspirations tout en restant en accord avec vos valeurs ?

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Grégoire de Tilly, directeur général de La Ruche qui dit oui

Le système est, il est vrai, contraignant. Cependant, une vraie prise de conscience impose des contraintes qu'il faut accepter. Nous essayons, néanmoins, de nous adapter à ces contraintes : ainsi, nous avons racheté une entreprise qui fait de la livraison à domicile, nous avons également créé une structure « La Ruche au bureau ». Même si nous essayons de nous adapter, nous sommes essentiellement une structure centrale d'animation au service des producteurs qui paient ce service sous la forme d'une commission. Il n'existe que deux solutions soit le produit vient à vous, soit vous allez vers le produit.

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Florent Sebban, paysan, administrateur du mouvement interrégional des AMAP

Un de nos voisins peut prendre un panier et cela permet de créer du lien. Nous travaillons avec beaucoup de personnes âgées ou en situation de handicap auxquelles nous amenons leur panier : cela est aussi créateur de lien. Sur un plan plus sociétal, nous avons observé que ceux qui, dans les AMAP, prennent un peu de temps, apprécient, au final, ce moment privilégié.

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Je suis sensible à la question des liens entre la ville et les territoires. Je suis une élue de Haute-Vienne, territoire d'élevage, or vous parlez essentiellement du maraîchage. Je comprends bien l'importance des circuits courts mais n'y a-t-il pas un peu de « bobo attitude » dans tout cela ? Comment étendre aux quartiers défavorisés ces nouvelles formes de consommation alimentaire quand « le kebab » reste le nec plus ultra en termes de consommation ? Comment étendre ces nouveaux types de consommation au-delà des personnes qui y sont naturellement sensibles ?

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Christine Aubry, chercheure en agronomie à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE)

Pourquoi le choix du maraîchage ? Parce que c'est le plus simple à mettre en oeuvre, même s'il existe également des circuits courts pour les élevages. Aujourd'hui nous ne sommes plus confrontés à une question d'aménagement du territoire, ce qu'il nous faut, c'est retrouver une diversité de production en France, diversité de production qui existait autrefois. Pour illustrer mon propos, je parlerai de la ville d'Annecy. Il existe une zone agricole dans la ville consacrée à la fabrique du reblochon. Cependant, aujourd'hui, les habitants souhaitent qu'il n'y ait pas que des terres de pâture dans la ville, mais également des terres consacrées à la production de légumes, de fruits, etc… Cela illustre bien la demande actuelle : avoir une diversité de production dans tous les territoires. La relocalisation des productions et leur diversification sur l'ensemble les territoires demeurent une véritable question d'avenir.

La seconde partie de votre question est également très intéressante. Le risque de « boboïsation » est réel mais il existe, cependant, également une forte mobilisation dans les quartiers prioritaires de la ville pour installer des formes d'agriculture urbaine. Cette forte mobilisation est encouragée par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Cela répond à une forte demande car les quartiers prioritaires sont les plus touchés en termes de malnutrition et d'obésité.

Pour apporter des solutions, il faut, à la fois, comprendre et former.

Une chaire, « Agricultures urbaines, services écosystémiques et alimentation des villes », a été créée par la fondation AgroParisTech. Il s'agit d'une chaire partenariale qui comprend, des bailleurs, des élus, et des chercheurs. Ses recherches portent notamment sur les interactions entre agriculture urbaine et précarité sociale, et en particulier sur la manière dont l'agriculture urbaine peut être une réponse la précarité sociale. Il existe des travaux sur les jardins urbains, les jardins nourriciers.

Former des personnes dans les quartiers prioritaires à ces nouveaux métiers pour une alimentation de qualité et une agriculture urbaine peut permettre de ramener à l'emploi des personnes qui en était resté éloignées. Cela doit être l'une des priorités à mettre en oeuvre dans les années qui viennent.

Nous observons également une remise à l'honneur de glanage, de la récupération de produits mal vendables car abîmés mais sains et bons. Il nous faut également repenser l'organisation de ces formes de glanage.

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Florian Cointet, responsable d'Infarm France

C'est un fils de paysans du Charolais qui parle : j'ai conscience de la manière dont les choses se passent dans les exploitations et des difficultés rencontrées. Nous ne sommes pas agriculteurs et nous ne prétendons pas l'être : nous apportons des solutions. Nous donnons les moyens à de nouveaux acteurs de devenir producteurs pour répondre à une demande diversifiée, plurielle. Nous développons des technologies pour permettre de développer quelque chose de viable économiquement. Dans certaines villes émergent des demandes de bailleurs sociaux qui veulent mettre de l'agriculture urbaine dans des espaces dont ils disposent, des parkings, par exemple. Notre entrepôt est à Gennevilliers : nous avons recruté 15 personnes, mais nous peinons à trouver des gens sur place à employer alors que nous rêverions d'embaucher des habitants de Gennevilliers. Nous travaillons aussi avec des associations de personnes handicapées pour des tâches simples.

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Je viens d'un territoire laitier et vos présentations me parlent beaucoup. Les expériences que vous portez sur vos territoires sont essentielles : vous réconciliez les hommes entre eux et avec la terre, vous êtes des passeurs, des témoins, pour éviter de confronter les modèles. Les modèles doivent pouvoir coexister, j'en suis convaincu et je soutiens totalement cette émergence d'une agriculture urbaine. Créer de l'emploi, favoriser une alimentation saine, se réconcilier sur l'image de l'agriculture, ce sont des objectifs essentiels aujourd'hui. Dans mon territoire, des choses existent pour que nos concitoyens trouvent ce dont ils ont besoin : « Biopousses », par exemple, qui promeut un maraîchage bio et fait de la formation. Nous avons des jardins familiaux et des jardins municipaux. Avez-vous la capacité de vous tourner vers la municipalité pour traiter avec celles et ceux qui font vivre ces jardins ?

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Christine Aubry, chercheure en agronomie à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE)

Votre question, Monsieur, me rappelle qu'en 2003, une tentative de légiférer sur les jardins familiaux est restée bloquée quelque part dans le cours de la navette entre les deux chambres. Il me semble important que, dans les collectivités, on fasse la place qu'ils méritent à ces jardins familiaux et donc que soient prises des décisions foncières. Je prendrai le cas de la céréaliculture en Île-de-France : ce sont des producteurs de céréales de très bonne qualité pour le pain, mais il est aujourd'hui très difficile, lorsque vous achetez votre pain de savoir si la farine est francilienne. Or il existe aujourd'hui une vraie demande des urbains de connaître l'origine des produits.

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Florent Sebban, paysan, administrateur du mouvement interrégional des AMAP

Nous sommes installés sur une commune et, dans ce périmètre, il est possible de faire un audit foncier pour repérer le foncier disponible. Les communes importantes ont un centre communal d'action sociale (CCAS).

Une compétence importante est aussi dans les mains de nombreuses communes, c'est la restauration collective. Il y a beaucoup de possibilités de ce côté-là. Même en régie, avec le cahier des charges, on peut faire des choses.

Je voulais dire un mot, si vous le permettez, du film que vous avez évoqué en introduction, Monsieur le Président. M. Geoffrey Couanon, le réalisateur, a travaillé avec des jeunes scolarisés en première à Villepinte pour leur faire découvrir le monde agricole. Aujourd'hui, deux de ces jeunes se posent des questions, envisagent sérieusement le métier agricole. Ce qui les a séduits, étrangement, c'est principalement la liberté dont je dispose dans mes horaires. C'est ce qui a séduit Samih encore davantage que la fierté d'un métier intéressant et qui rend digne. Il a constaté que je peux passer du temps avec ma famille.

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Ma question est relative aux jardins ouvriers. Je suis élu du Pas-de-Calais, où il existe une très forte demande. Nous avons créé un jardin pédagogique : cela marche très bien. Il me semble qu'il y a peut-être quelque chose à creuser avec les jardins ouvriers, sous une nouvelle forme. Je suis élu d'un territoire touristique : je suis désolé de voir que les résidents ne profitent pas assez des produits locaux. Avez-vous réfléchi à cela : au potentiel des territoires touristiques ?

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Grégoire de Tilly, directeur général de La Ruche qui dit oui

Cette question s'est posée avec acuité dans Les Ruches car beaucoup de responsables de ruche veulent fermer l'été. Nous leur demandons de ne pas le faire, afin de pouvoir proposer des produits locaux aux touristes et nous communiquons beaucoup sur ces initiatives sur les réseaux sociaux.

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Florian Cointet, responsable d'Infarm France

Je me suis récemment rendu au Touquet. J'ai constaté que vous aviez un très beau marché, qui assure une visibilité aux producteurs locaux vis-à-vis des touristes. Ceux-ci vont beaucoup au restaurant. Il faut donc encourager également l'utilisation de produits locaux, dans ce cadre.

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Je voulais justement poser une question relative à Infarm. Cela me paraît très esthétique, comme installation. Je comprends que cela permet à des gens très éloignés de la terre de s'y reconnecter. Le côté moins positif, à mes yeux, c'est l'énergie consommée. Aujourd'hui, c'est le « zéro phyto » qui fait le buzz, mais demain qui vous dit que ce ne sera pas le « zéro énergie » ? Je me demande, par ailleurs, dans quelle mesure, en étant au fond à l'opposé des AMAP et de La Ruche qui dit oui ! vous ne constituez pas un alibi pour certains distributeurs.

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Florian Cointet, responsable d'Infarm France

Il ne faut pas exagérer sur le caractère « hors sol » d'Infarm. Effectivement, les consommateurs ont pris l'habitude de consommer des produits en toute saison et nous, nous essayons de remettre de la saisonnalité dans ces habitudes de consommation, car il en existe pour les salades ou les plantes aromatiques et nous les respectons. Nous permettons aussi de redécouvrir des plantes : la mélisse, par exemple.

En ce qui concerne le recours à la technologie, il y a plusieurs types d'agriculture comme le soulignait Mme Christine Aubry. Le problème des ressources alimentaires pour certaines villes, en particulier sur le continent africain, va devenir criant : ces solutions sont pertinentes – d'autant plus en Afrique où les ressources en eau sont souvent limitées – et il faut les considérer comme participant d'une approche globale.

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Christine Aubry, chercheure en agronomie à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE)

Je me permets d'intervenir car je ne suis pas complètement d'accord. Le système est beaucoup trop cher, pour les pays africains. Le fait de contrôler l'environnement, en revanche, est intéressant. La saisonnalité doit être posée en ces termes : est-il intéressant de remplacer des importations par des produits cultivés grâce à un dispositif tel que celui d'Infarm ? Il faut mettre les avantages et les inconvénients dans la balance. Tout cela nécessite de la recherche pour pouvoir prendre des décisions. Je suis persuadée, à titre personnel, que c'est effectivement intéressant sur un certain nombre de produits.

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Les AMAP, c'est quelque chose de très intéressant et qui suscite beaucoup d'intérêt de la part de nos concitoyens. J'ai été maire d'une petite commune de montagne et nous nous heurtions à deux difficultés. La première est, nous l'avons dit, celle du foncier, dont les collectivités ne sont pas maîtres et qu'il est difficile de préempter. La deuxième difficulté c'est la diversification de la production : comment remplir le panier de manière satisfaisante, en évitant une trop grande monotonie ?

Concernant les initiatives d'Infarm, je dois reconnaître que je suis assez interrogative, à l'heure où on réfléchit à l'impact écologique du chauffage des serres. Ne faut-il pas embarquer les citoyens sur les questions relatives à la saisonnalité ? Proposer une rupture radicale ? Ces systèmes qui permettent d'obtenir tout, tout le temps, ne posent-ils pas problème ? Je suis peut-être un peu sévère.

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Florent Sebban, paysan, administrateur du mouvement interrégional des AMAP

La question foncière peut être l'enjeu principal. Il existe 1 000 hectares disponibles sur ma commune mais il a été impossible d'y installer des éleveurs de chèvres, faute de foncier. Nous, on prône la création d'un conseil local de l'alimentation : il faut que chacun se sente une responsabilité. La Foncière Terre de Liens est un formidable outil lorsque le foncier est libéré, encore faut-il qu'il le soit. Il faut aussi, je l'ai dit, ouvrir les conseils d'administration des SAFER. Pour nous la loi « EGALIM » n'a pas été, sur ce point, au rendez-vous. Le foncier est un bien commun : sa gestion doit être plus partagée.

La diversification des paniers que vous évoquez doit être progressive et accompagnée. Nous avons commencé seulement avec du maraîchage, aujourd'hui nous obtenons 15 000 euros de chiffre d'affaires grâce aux plantes aromatiques et médicinales, et nous développons le miel et les fruits. Cela n'a été possible que grâce à l'appui financier que nous avons reçu. Comment mieux utiliser les fonds destinés à l'agriculture ? Il me semble qu'il faut préférer les aides à produire plutôt que le soutien direct des revenus.

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Grégoire de Tilly, directeur général de La Ruche qui dit oui

De manière générale, il me semble qu'il faut commencer petit, la révolution ne se fait pas en un jour. Nous avons un magazine qui est lu par 1,5 million de lecteurs, cela prouve l'avancée de ces idées dans l'opinion. Ouvrir une AMAP ou une ruche c'est déjà une première graine plantée.

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Florian Cointet, responsable d'Infarm France

Nous, nous donnons des outils nouveaux, nous investissons dans la recherche et le développement pour une agriculture plus locale et plus faible en carbone. L'agriculture change. Notre réflexion est à très long terme, d'où l'importance de la recherche pour proposer une agriculture complémentaire, qui peut être hors sol.

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Toutes les communes n'ont pas un marché couvert aussi attractif que celui du Touquet. La Ruche et les AMAP ne nuisent-elles pas à des marchés locaux, en les concurrençant ? N'y a-t-il pas, au moins, des synergies à trouver ?

Monsieur Cointet, quels sont les pays qui répondent le mieux, en Europe, à votre projet ?

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Grégoire de Tilly, directeur général de La Ruche qui dit oui

Nous n'avons jamais eu de conflit ou de situation de concurrence de ce type-là. Nous avons beaucoup de points communs avec les marchés. Nous offrons une alternative plus légère : au fond, nous créons un mini-mini marché, beaucoup plus temporaire. Il n'y a pas de compétition frontale.

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Florent Sebban, paysan, administrateur du mouvement interrégional des AMAP

La question nous est souvent posée. En réalité, les AMAP, dans de tout petits villages, c'est le marché de la commune. L'esprit marché on le retrouve partout

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Florian Cointet, responsable d'Infarm France

C'est la grande distribution qui nous aide à avancer et à nous développer. Nous venons de rentrer sur le marché nord-américain, qui se trouve très en pointe sur ces sujets, et également au Japon. Il y a également une demande globale. Depuis le début du salon, j'ai été interrogé par des personnes venant d'Algérie et du Nigéria, qui s'interrogent sur la possibilité d'adapter notre modèle aux pays en développement. Notre objectif c'est de faire d'ici 2025 des fermes énergétiquement neutres.

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Il est intéressant d'observer que l'on peut s'épanouir en travaillant. Les zones urbaines sont des territoires dans lesquels vous n'êtes pas impactés par l'agribashing. Certains modèles correspondent aux attentes de la société, d'autres pas. Aujourd'hui, c'est une réalité, cette diversité existe. Comment faire pour qu'il y ait une complémentarité entre les différents modèles, les différents systèmes de production ?

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Il importe de souligner qu'il existe une forte demande des citoyens pour aller vers la transition écologique, qui se traduit notamment par une consommation moindre de viande.

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Grégoire de Tilly, directeur général de La Ruche qui dit oui

Il est possible, en tant que petit acteur, de contribuer modestement aux changements. La question qui se pose c'est comment faire pour faire changer les choses à grande échelle. Je garde foi dans le fait que l'on peut faire changer le système dans son ensemble.

La consommation de la viande n'est pas un problème en soit, nous essayons de sensibiliser au fait qu'il ne faut pas arrêter la consommation de viande, mais consommer de la viande de qualité.

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Florian Cointet, responsable d'Infarm France

Concernant la lutte contre l'agribashing : nous ne sommes pas en concurrence avec nos collègues qui travaillent en pleine terre. Nous sommes des agriculteurs urbains.

Concernant la consommation de viande nous produisons essentiellement des végétaux et, à Berlin, c'est encore davantage le cas.

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Florent Sebban, paysan, administrateur du mouvement interrégional des AMAP

Il n'est pas question de bouleverser l'existant et il faut respecter la complémentarité entre les deux modèles. Cependant, la demande sociétale est impressionnante et, à mon sens, il faut être un peu coercitif : depuis que le Président de la République a dit qu'il fallait arrêter l'utilisation du glyphosate, cela a fait réfléchir les céréaliers de ma région qui cherchent désormais des solutions alternatives. Si l'on adresse un message clair, il est possible de changer de modèles. Or en ce moment nous ne sommes pas clairs sur nos messages.

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Christine Aubry, chercheure en agronomie à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE)

Les zones urbaines sont également des territoires qui recherchent leurs racines. La demande sociétale sur l'évolution des modèles agricoles est très forte c'est pourquoi il faut accompagner les agriculteurs. Il y a un réveil des consciences chez les urbains et les formes d'agriculture urbaine permettent de reprendre conscience de ce qu'est l'agriculture.

Il est intéressant de noter d'ailleurs que le ministère a mandaté une mission sur les agricultures urbaines dont le rapport va sortir prochainement.

Je voudrais également vous faire part d'une de mes petites marottes. Il existe une forte demande, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, de produits de légumes et fruits exotiques. Pour répondre à cette demande, l'approvisionnement se fait aujourd'hui n'importe comment. Nous nous interrogeons donc sur la manière de développer des cultures de produits exotiques pour répondre à cette demande des zones urbaines. Ainsi en reconnectant les agriculteurs avec le modèle urbain, il deviendra possible d'engager une transition écologique et de faire émerger de nouvelles filières.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour la richesse de vos interventions. Je crois à la nécessité de prendre des décisions qui sont à la fois raisonnables et acceptables d'un point de vue sociétal. Il faut concilier la recherche et le politique.

Informations relatives à la commission

La commission des affaires économiques a saisi l'Office Parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une mission portant sur les avantages et les risques potentiels des NBT (« New Breeding Techniques »). Cette saisine est réalisée en application de l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-11100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 10 heures

Présents. – M. Patrice Anato, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Philippe Bolo, Mme Anne-France Brunet, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Frédéric Descrozaille, M. Daniel Fasquelle, Mme Laurence Gayte, M. Antoine Herth, M. Guillaume Kasbarian, Mme Laure de La Raudière, Mme Frédérique Lardet, M. Roland Lescure, M. Didier Martin, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Éric Pauget, M. Dominique Potier, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, Mme Bénédicte Taurine, M. Stéphane Travert, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. – M. Thierry Benoit, M. Éric Bothorel, Mme Pascale Boyer, M. Alain Bruneel, Mme Typhanie Degois, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, M. José Evrard, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Paula Forteza, Mme Christine Hennion, M. Sébastien Jumel, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Marie Lebec, M. Sébastien Leclerc, M. Max Mathiasin, M. Jérôme Nury, Mme Anne-Laurence Petel, M. Richard Ramos, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau