Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 14h30

Résumé de la réunion

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  • OMC
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La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, dans la perspective du prochain Conseil européen des affaires étrangères (politique commerciale commune).

La séance est ouverte à 14 heures 35.

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Chers collègues, nous recevons cet après-midi Jean-Baptiste Lemoyne, quelques jours avant la réunion du Conseil des affaires étrangères (CAE) de l'Union européenne (UE) consacrée aux questions commerciales qui se tiendra le 12 mars prochain. Je le remercie grandement de sa présence, je le remercie aussi de tenir l'engagement qu'il a pris vis-à-vis de notre commission des affaires étrangères de venir régulièrement avant chaque réunion du Conseil. Je forme le voeu que l'expression portée par la commission sur ces questions trouve écho dans le cadre des réunions du Conseil consacrées aux affaires commerciales.

Je passerai rapidement sur l'actualité.

J'aborderai en premier lieu l'épidémie de coronavirus qui semble se stabiliser en Chine mais qui, en revanche, se propage dans le reste du monde. Monsieur le secrétaire d'État, nous souhaitons vous entendre sur les conséquences envisagées de cette crise sanitaire sur l'économie chinoise, sur les échanges mondiaux de manière plus large, étant entendu que la place de la Chine dans les chaînes de valeur des entreprises européennes est extrêmement importante.

Vous nous ferez part également de votre analyse quant à l'impact potentiel de cette crise sur notre commerce extérieur, alors même que les chiffres de 2019 avaient été encourageants, nos exportations de biens ayant, par exemple, progressé de 16 milliards d'euros.

La deuxième grande zone d'incertitude porte sur les conditions de notre futur partenariat avec le Royaume-Uni qui sont ou peuvent être de nature à peser sur notre commerce extérieur, s'agissant du pays avec lequel la France enregistre son plus fort excédent commercial.

Les Britanniques, vous le savez, souhaite un accord de type CETA, Comprehensive Economic and Trade Agreement. Ils ont annoncé leur intention de créer, d'ici à la fin de l'année 2021, une dizaine de ports francs. Les risques de dumping sont une réalité.

Quelle est votre analyse sur la façon dont ces négociations s'engagent, sur les risques, le cas échéant, d'aboutir à un no deal et quelles en seraient les conséquences sur notre commerce extérieur, même si nous ne souhaitons pas ce no deal et que nous souhaitons évidemment aboutir à un accord ? Notre responsabilité nécessite que nous envisagions l'ensemble des hypothèses.

Autre sujet de préoccupation : l'accord commercial signé entre Washington et Pékin mi-janvier est-il susceptible d'affecter le volume des exportations européennes vers la Chine ? Vous nous direz ce que vous en pensez.

Nous souhaiterions également vous entendre sur l'ensemble des accords commerciaux en cours de négociation par l'Union européenne ou déjà conclus et en attente de ratification. Je pense aux accords négociés, notamment, avec le Vietnam, avec les pays du Mercosur, la Chine, les États-Unis, le Chili, le Mexique, l'Australie ou encore la Nouvelle-Zélande.

Je veux rappeler ici que, dans le cadre des débats que nous avons eus sur le projet de loi de ratification du CETA, nous nous étions fortement mobilisés pour que le Gouvernement remette au parlement une étude d'impact de nouvelle génération complète, rigoureuse, reposant sur un travail d'experts et surtout centrée sur la situation française, ce qui n'était pas le cas auparavant des études d'impact qui étaient une traduction de l'étude d'impact de la Commission européenne – pour aller vite. Ces études d'impact doivent désormais offrir une analyse qualitative des effets de l'accord, mais aussi donner lieu à un suivi dans la durée, notamment pour les filières sensibles.

Le Gouvernement s'est engagé à fournir ce même type d'études d'impact pour tout nouvel accord de commerce. Je veux vous rendre attentifs à un point essentiel pour notre commission. Si la Constitution et la loi organique n'exigent la remise d'une étude d'impact au sens strict que pour accompagner le dépôt des projets de loi, la commission des affaires étrangères est persuadée qu'une telle étude doit devenir la norme pour tout accord de commerce, même s'il est n'est pas soumis à ratification de notre Parlement, c'est-à-dire pour tout accord, mixte – c'est évident – et non mixte. La Commission européenne envisage que les parlements ne soient plus saisis des accords de commerce non mixtes. C'est une orientation que je déplore car cela ne me semble pas une bonne chose pour la démocratie européenne. Toutefois, si tel était le cas, en l'absence de processus de ratification nationale, l'information des parlementaires et de la société civile serait d'autant plus nécessaire.

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du secrétaire d'État de l'Europe et des affaires étrangères

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, tout d'abord, un grand merci d'avoir pris sur votre temps pour que nous puissions nous retrouver et échanger avant le Conseil du commerce du 12 mars prochain à Bruxelles qui s'inscrit dans un contexte troublé. Les tensions commerciales mondiales, en effet, sont persistantes. Les États-Unis ont certes trouvé avec la Chine un accord dit de « phase 1 », signé le 15 janvier dernier, mais il repose sur des engagements déséquilibrés et dont la mise en oeuvre reste assez incertaine, ce qui fait penser qu'il s'agit peut-être seulement d'une trêve temporaire dans l'escalade tarifaire.

Par ailleurs, les conséquences économiques et commerciales de l'épidémie de coronavirus sont encore difficiles à évaluer. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a revu hier à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2020 de 0,5 % et envisage une baisse de 1,5 % dans un scénario dégradé si l'épidémie venait à s'amplifier. Une conséquence immédiate est une annulation de toutes les échéances de haut niveau à court terme prévues jusqu'à présent avec la Chine, ce qui risque de ralentir considérablement des dossiers importants dont nous avions prévu le règlement au cours des prochaines semaines.

Au niveau européen, nous sommes désormais vingt-sept secrétaires d'État du commerce autour de la table suite au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Nous sommes donc entrés dans la période de transition prévue par l'accord de retrait jusqu'au 31 décembre 2020. Ce temps doit être mis à profit par le négociateur européen pour trouver un accord aussi ambitieux que possible sur nos relations futures. Cela ne sera pas chose aisée : même si le mandat de négociation a été adopté par le Conseil le 25 février dernier, les objectifs européens et britanniques comportent d'importantes divergences. On le constate lorsque l'on se reporte au document relatif aux mandats mis sur la table par le Royaume-Uni. La mobilisation de tous sera nécessaire pour aboutir à un accord d'ici à la fin 2020.

Mon propos liminaire sera donc structuré autour des quatre points portés à l'ordre du jour du Conseil commerce.

Premièrement, un état des lieux des relations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis avec l'arrivée de nouveaux commissaires – je pense à Phil Hogan –, la volonté de relancer les discussions sur de nouvelles bases, les interlocuteurs ayant changé du côté européen, tout en gardant l'état d'esprit qui était le nôtre.

Deuxièmement, un état des lieux des relations commerciales entre l'Union européenne et la Chine.

Troisièmement, la préparation de la douzième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui se tiendra à Noursoultan en juin prochain.

Quatrièmement, l'état des lieux des autres négociations bilatérales. Phil Hogan fera un point sur les fonctions du directeur général adjoint de la direction générale du commerce, en charge du suivi des accords. Au-delà de l'aspect lié à la négociation, nous continuons de nous battre pour un plus large suivi de leur mise en oeuvre et sur les éventuels manquements de nos partenaires. Un point portera également sur le coronavirus et ses impacts.

Le premier point porte donc sur les relations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis.

Je n'étonnerai aucun d'entre vous en commençant par souligner que la pression exercée par les États-Unis sur les intérêts européens est allée croissant ces derniers mois. Depuis le mois de juin 2018, les États-Unis imposent, pour des raisons de sécurité nationale, des droits additionnels sur nos exportations d'aluminium et d'acier de 10 et 25 %. Fin janvier 2019, l'administration Trump a décidé d'étendre ces mesures tarifaires à des produits de transformation, tels que des coques pour téléphones, des vis, etc. Au bout du compte, ces mesures touchent environ 1,3 % de nos exportations vers les États-Unis, soit 700 millions de dollars. Comme vous le savez, l'Union européenne n'est pas restée inerte et a adopté des mesures de rééquilibrage sur des produits de consommation américains depuis la mi-2018, ainsi que des mesures de sauvegarde pour éviter que le marché européen ne soit déstabilisé par le refus d'entrée de produits sur le marché américain qui viendraient d'espaces autres que l'espace européen. L'Union européenne a également engagé un contentieux à l'OMC pour contester ces mesures.

La pression a été crescendo. En octobre 2019, les États-Unis ont également adopté, dans le cadre du contentieux Airbus à l'OMC, des droits de douane supplémentaires de 10 % et 25 % contre 7,5 milliards de dollars d'exportations européennes, dont 3,2 milliards d'exportations françaises, portant sur les avions assemblés à Toulouse et les vins tranquilles. Je sais que les élus des zones vitivinicoles ont été particulièrement mobilisés dans la mesure où la filière a subi un impact dès la fin de l'année dernière. Les chiffres du commerce extérieur du mois de décembre font apparaître une baisse de 40 % des exportations en décembre, ce qui est significatif. Je reviendrai sur les mesures d'accompagnement que nous avons décidées.

Cette liste a été révisée le 14 février dernier, à ce stade de façon assez limitée. En complément de ces sanctions effectivement imposées, des menaces d'adoption de sanctions tarifaires ont plané ou continuent de planer. Ces menaces ont d'abord porté sur les exportations européennes d'automobiles. Même si le délai à l'issue duquel la Maison blanche devait décider d'imposer ou non des sanctions tarifaires contre ces produits est arrivé à échéance, la menace continue de peser.

Des menaces ont ensuite porté sur un ensemble d'exportations françaises en représailles au vote d'une taxe française sur les services numériques. À la suite d'une discussion entre les secrétaires d'État des finances américain et français, qui ont réussi à s'entendre il y a peu, il a été convenu de suspendre jusqu'à la fin de l'année la perception de la taxe française, en l'attente d'un accord que nous recherchons au sein de l'OCDE pour adopter une approche commune sur cette taxation numérique. C'est d'ailleurs l'un des objectifs du G7 Finances présidé par les États-Unis. Nous espérons que la situation progressera dans le bon sens et que nous parviendrons à une base de discussion commune.

La nouvelle Commission européenne a souhaité inscrire sa prise de fonction dans une optique de renouvellement de ses relations commerciales avec l'administration américaine dans le cadre des mandats du Conseil qui ont été adoptés. La France avait fait entendre sa voix et marqué ses réserves, voire son opposition, sur certains aspects. Je pense qu'il convient d'articuler à la fois la fermeté de nos positions et le dialogue car l'exemple du dossier AirbusBoeing montre que nous avons intérêt à trouver ensemble des règles pour éviter que des dispositifs de subventions ou des systèmes jugés indus se répètent. Pendant ce temps, en effet, la concurrence continue de se structurer pour s'installer rapidement sur le marché.

Ce message de fermeté dans le dialogue est celui que je porterai lors du CAE du 12 mars. Je le doublerai d'un message d'appel à l'unité face aux tentatives américaines de nous diviser. Sans unité, pas de rapport de force équilibré ; sans rapport de force équilibré, pas de dialogue transatlantique respectueux des intérêts de chacun.

Concernant la relance des discussions commerciales UEUS, la France rappellera la vigilance particulière qu'elle porte à la préservation des préférences collectives européennes, notamment sur les plans sanitaire et phytosanitaire. En effet, les États-Unis ne cachent pas leur volonté de remettre en cause le modèle européen. Cela est particulièrement vrai concernant, par exemple, nos normes de protection du consommateur et de la santé publique sur le plan agricole. Nous considérons leurs critiques inacceptables. Je tiens à le dire d'entrée : aucune ouverture sur ce point n'est envisageable ! Au reste, cette position est partagée par l'ensemble des États membres et par la Commission.

S'agissant du contentieux AirbusBoeing, la nouvelle Commission a intensifié le dialogue avec les États-Unis sur la base des offres sérieuses que nous avons présentées, lesquelles permettront de définir des disciplines futures conformes aux règles de l'OMC. À ce titre, l'annonce, il y a quelques jours, par l'État de Washington de la suppression d'un régime de rabais fiscal identifié par l'OMC comme incompatible avec l'accord sur les subventions est une nouvelle positive. Si nous arrivons à dialoguer positivement avec les États-Unis sur la réforme d'un certain nombre de dispositifs lors du Conseil, je soutiendrai un tel accord, à la condition qu'il entraîne un retrait effectif des sanctions tarifaires imposées par les États-Unis sur nos produits. Pour l'heure, avec le secrétaire d'État à l'agriculture et le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, nous sommes mobilisés à Bruxelles pour obtenir la mise en place des fonds de compensation. Sur le plan national, nous doublerons les moyens de promotion pour aider les filières viticoles à explorer et à accroître leurs parts de marchés en trouvant d'autres débouchés ; il n'en reste pas moins que le marché américain reste particulièrement important pour ces produits.

J'en viens aux relations commerciales entre l'Union européenne et la Chine.

L'année 2020 devait être marquée par deux grands moments : un sommet UE-Chine qui devait se tenir fin mars, le second étant prévu au mois de septembre à Leipzig. L'épidémie actuelle de la COVID-19 hypothèque le maintien du sommet des 30 et 31 mars qui devait se tenir à Pékin. Néanmoins, la volonté de la présidence allemande d'organiser en septembre prochain, à Leipzig, un sommet qui réunira, pour la première fois, l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement des pays membres de l'Union européenne et de la Chine doit nous conduire, dès à présent, à fixer un agenda très précis de ce que nous attendons de ce sommet et à nous accorder sur la façon d'atteindre nos priorités.

Nos relations avec la Chine sont guidées par une boussole. Nos priorités sont exprimées dans la communication conjointe entre la Commission et le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) de mars 2019. Nous appelions à une relation économique plus équilibrée avec la Chine qui, si elle est un partenaire, n'en reste pas moins un concurrent économique et un « rival systémique », pour reprendre les termes de la communication.

Nous souhaitons restaurer la réciprocité des échanges avec la Chine, à travers la signature de l'accord sur la reconnaissance et la protection des indications géographiques (IG). Un accord politique a été conclu sur ce point. Le sommet du mois de mars devait permettre la signature formelle de l'accord, qui est donc repoussée, et protéger ainsi des produits de nos territoires. Par ailleurs, un accord global sur les investissements est en cours.

Nous souhaitons que la Chine s'engage dans la réforme de l'OMC et la modernisation des règles du commerce international, notamment en matière de subventions industrielles, car, comme vous le savez, nous en remettons en cause un certain nombre.

Nous souhaitons également que l'Union européenne se dote de nouveaux instruments, notamment dans les domaines des marchés publics et du droit de la concurrence, afin que nos entreprises ne soient pas confrontées à une concurrence déloyale.

Atteindre ces objectifs nécessite une unité européenne forte, de ne pas réviser à la baisse nos ambitions à l'égard de la Chine, notamment en matière d'équité dans la concurrence. Cet appel à l'unité peut paraître d'évidence mais n'oublions pas le format 17 + 1 réunissant la Chine et certains pays européens. Il faut donc que, au quotidien, nous construisions la notion d'unité pour avancer soudés.

Nous souhaitons travailler à l'accès réciproque aux marchés publics et instaurer un outil pour traiter les problèmes auxquels est confronté le marché intérieur de l'Union en lien avec les subventions des États tiers. Margrethe Vestager a d'ailleurs annoncé un livre blanc sur ce sujet dans les tout prochains mois.

Le troisième point inscrit à l'ordre du jour du Conseil commerce réside dans la préparation de la douzième conférence ministérielle de l'OMC.

Vous le savez, l'OMC connaît une situation critique depuis le mois de décembre dernier, à tel point que des États prétendent régler leurs litiges hors de l'OMC. Sur le fond, nous avons assisté à une incapacité de l'Organisation et de ses membres. Un mode de fonctionnement fondé sur le consensus n'est pas aisé à manier et il est difficile de conclure de nouvelles négociations. Nous constatons que les règles n'ont pas évolué depuis 1995, contrairement au commerce qui a connu de profondes mutations liées aux transformations numériques.

Indispensable, la modernisation prendra du temps. Il faudra bâtir un consensus avec les États-Unis et les pays qui partagent les constats sur ce que nous recherchons dans cette modernisation et sur les moyens d'y parvenir. Il faudra que la Chine accepte de faire évoluer un statu quo qui, aujourd'hui, ne permet pas de prendre en compte, ou insuffisamment, un certain nombre de subventions.

Dès lors, comment procéder ? Nous travaillons par cercles concentriques. D'une part, entre Européens, Japonais et Américains. Nous avons réussi à produire des recommandations pour mieux prendre en compte des subventions industrielles, mieux les notifier et respecter des obligations de transparence. Cette base de travail solide a été mise sur la table le 15 janvier dernier. D'autre part, nous travaillons entre Européens et Chinois sur l'organe de règlement des différends. Il convient de cheminer dans ces deux directions.

Sur le plan des négociations, nous aimerions conclure le travail en cours sur les subventions au secteur de la pêche qui avait échoué il y a deux ans à Buenos Aires. Je précise qu'il ne s'agit pas de faire des concessions inutiles, notamment sur le champ agricole

Le commerce doit, par ailleurs, être cohérent avec nos ambitions environnementales. Aussi porterons-nous un message fort sur les enjeux de développement durable à Noursoultan. Un projet de déclaration ministérielle est en cours d'élaboration en ce sens.

Compte tenu de la paralysie de l'organe d'appel de règlement des différends depuis le mois de décembre, comment préserver un étage d'appel dans le système OMC ou assimilé ?

L'Union européenne a travaillé avec seize autres membres de l'OMC, ceux qui principalement avaient l'usage de cet organe d'appel, afin de mettre sur pied un arrangement intérimaire d'appel destiné à maintenir un examen en seconde instance dans le cadre de nos contentieux à l'OMC. L'objectif vise à préserver notre droit à des procédures complètes de règlement des différends à Genève. Les discussions techniques sont sur la bonne voie. Un accord a d'ailleurs été annoncé à Davos le 16 janvier dernier.

Parmi les seize membres de l'OMC qui ont rejoint l'Union européenne au titre de cette démarche, je citerai, entre autres, la Chine, le Brésil, le Canada, l'Australie, la Corée du Sud, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, Singapour, la Suisse, des acteurs de poids du commerce international couvrant une partie prépondérante du commerce de l'Union européenne. Je crois que nous avons préservé les voies et moyens de recourir à cet appel.

Pour les membres qui n'auraient pas souscrit à cet accord intérimaire, nous souhaitons que la Commission – c'est ce qu'elle a proposé – adapte ses instruments européens afin d'adopter des contre-mesures commerciales pour, dès la sentence en première instance, mettre en place ces contre-mesures tarifaires.

Le quatrième point procédera, comme vous m'y incitiez, madame la présidente, à un tour d'horizon de l'état des lieux des négociations bilatérales en cours. À l'issue des échanges formels au sein du Conseil, un déjeuner de travail permettra à la Commission de dresser un état des lieux des autres négociations commerciales bilatérales en cours.

Entre l'Union européenne et l'Indonésie, les négociations progressent lentement, notamment en raison de sujets sensibles, notamment celui lié à l'huile de palme, car, comme vous le savez, nous menons une stratégie de lutte contre la déforestation. Ce n'est donc pas la négociation la plus dynamique à ce stade.

En revanche, entre l'Union européenne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, les discussions sont constructives. Dans la droite ligne des annonces du Pacte vert pour l'Europe, la France soutient la conclusion d'un accord ambitieux incluant le respect de l'accord de Paris comme clause essentielle de cet accord. Au titre de la clause essentielle, à l'instar des droits de l'homme, les préférences commerciales pourraient être levées si nous constations que le partenaire commercial ne respectait pas ses engagements. Ce fut un long combat mené par la France, aujourd'hui repris par l'actuelle Commission. Depuis deux ans, nous nous sentions quelque peu isolés, ce qui va désormais changer et c'est heureux !

Aujourd'hui même, la Commission a adopté une nouvelle stratégie UEAfrique. En matière commerciale, il y a bien à faire, car l'Afrique s'est dotée d'une zone de libre-échange continentale (ZLEC). Nul doute que nous aurons à oeuvrer à une meilleure intégration économique.

Un accord de partenariat économique entre l'Union européenne et l'Afrique orientale et australe existe, qu'il convient d'approfondir. Il concerne Maurice, Madagascar, le Zimbabwe et les Seychelles. Les premières sessions de négociations se sont tenues en janvier, les prochaines auront lieu en juillet. Au-delà des échanges de biens, cet accord permettra de couvrir les échanges de services.

Par ailleurs, un certain nombre d'accords seront soumis à la ratification des Parlements nationaux. J'aborde ainsi une préoccupation que vous avez exprimée, madame la présidente. Le Parlement sera prochainement saisi d'un projet de loi visant à autoriser la ratification par la France d'un accord plurilatéral organisant le démantèlement des accords bilatéraux de protection des investissements « intra-européens ». Nous traduisons ainsi une décision de la Cour de justice de l'Union européenne qui, dans un arrêt Achmea du 6 mars 2018, avait jugé ces accords bilatéraux contraires au droit de l'Union européenne.

D'un point de vue commercial stricto sensu, l'accord de libre-échange UE-Singapour est entré en application provisoire le 21 novembre 2019 ; l'accord sur la protection des investissements sera soumis à la ratification de l'ensemble des parlements des États membres.

L'accord de libre-échange et l'accord sur la protection des investissements UE-Vietnam ont été approuvés par le Parlement européen le 12 février dernier. Le CAE commerce du 12 mars endossera la décision de conclusion de ces deux accords en vue d'une entrée en vigueur dans quelques mois, tandis que l'accord sur la protection des investissements fera l'objet d'une procédure de ratification par les parlements des États membres.

Des accords de partenariat économique avec l'Afrique seront soumis à votre ratification. S'agissant des études d'impact, nous souhaitons que les futurs accords commerciaux fassent l'objet d'une étude d'impact d'un niveau d'ambition équivalent aux efforts fournis pour l'accord avec le Canada. Les termes « niveau d'ambition » ne signifient pas que le format sera le même tant il est vrai que les accords revêtent leurs propres caractéristiques et que les filières sensibles ne sont pas toujours les mêmes. Mais il est certain que nous voulons un suivi très fin de l'ensemble de ces accords des filières agricoles sensibles. Vous avez raison de préciser que nous devons informer les parlementaires et la société civile à travers vous, notamment lorsque vous êtes amenés à vous prononcer et a fortiori lorsque le Parlement n'est pas amené à se prononcer, car ce sont alors le Parlement européen ou les instances européennes qui se prononcent lorsque l'accord n'est pas mixte.

Nos méthodologies sont désormais éprouvées et elles nous permettront, là aussi, de répondre aux attentes.

J'ai brossé un tour d'horizon rapide des sujets qui seront abordés le 12 mars. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

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Merci beaucoup.

Je note que pour tout nouvel accord commercial, comme le Gouvernement s'y était engagé, interviendra une étude d'impact de nouvelle génération, c'est-à-dire une étude d'impact franco-française quantitative et qualitative, touchant l'ensemble des filières impactées par un accord de libre-échange ou par un accord de commerce, que l'accord soit mixte ou non, que le Parlement soit ou non saisi. C'est ainsi que tout nouvel accord de commerce, quand bien même le Parlement ne serait pas saisi de sa ratification, fera l'objet d'une étude d'impact approfondie et que chacune des filières sensibles connaîtra un suivi. Telle était la demande de la commission, à laquelle le Gouvernement avait répondu positivement.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué les différents mécanismes de l'OMC. Vous n'avez pas précisé où en était la plainte déposée par l'Union européenne au sujet de Boeing. Celle déposée par les États-Unis contre Airbus a été réglée – et mal réglée pour la France – mais à quelle échéance devrait aboutir la plainte de l'Union européenne contre Boeing ?

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du secrétaire d'État de l'Europe et des affaires étrangères

On pense qu'elle pourrait aboutir au mois de juin, mais vous avez vu que les États-Unis ont pris les devants pour une partie, en mettant fin aux subventions fiscales de l'État de Washington. Aussi le dialogue pourrait-il intervenir pour en finir.

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Merci, monsieur le secrétaire d'État, de cet exposé intéressant.

Les engagements de l'Union européenne sont encourageants et nous voyons le chemin qui reste à parcourir. En tout cas, merci de ce que vous faites pour défendre la position française dans cet environnement nouveau en Europe et encourageant.

Je reviens à l'épidémie de COVID-19, qui est la dernière manifestation d'une série de fortes tensions qui ont touché l'économie mondiale. Vous l'avez évoqué. La Banque mondiale s'est également prononcée sur les perspectives et, plus largement, sur la situation géopolitique.

Dans ces circonstances, je ne pense pas comme certains qu'il faille céder à la tentation populiste qui consisterait à rejeter d'un bloc, et d'un seul, la mondialisation. En effet, des voix de divers groupes politiques s'élèvent, ici ou là, pour invoquer la nécessité d'une forme de démondialisation. Pas plus tard qu'hier matin, c'était le sénateur Retailleau sur France Inter qui s'en faisait le relais.

À cet égard, je formulerai deux remarques : la coopération internationale nous permet de lutter contre cette épidémie ; peut-être est-ce également elle qui nous permettra de trouver un vaccin.

La souveraineté ne peut s'exercer qu'avec le concours de la puissance nécessaire. Personne n'est fort quand il est seul. La crise à laquelle nous faisons face doit, au contraire, nous inciter à réfléchir à une mondialisation plus maîtrisée, plus régulée, moins dirigée par la seule logique de marché et sans rapports de dépendance, en particulier vis-à-vis de la Chine. Cela implique de retrouver, notamment pour nos secteurs manufacturiers, les compétences, les talents, les savoir-faire qui se sont délocalisés. Je voudrais saluer, ici, l'initiative de Sanofi, qui a décidé de rapatrier dans l'Union européenne une usine de fabrication de principes actifs médicamenteux.

Cela implique de consolider nos secteurs stratégiques qui sont aussi concernés par cette dépendance comme le secteur pharmaceutique que je viens d'évoquer.

Cela implique aussi d'avoir des chaînes d'approvisionnement moins longues, donc moins fragiles, lorsqu'un problème survient, si toutefois c'est possible.

Cela implique encore de trouver une réponse à la question de la dépendance aux métaux rares, clé de la nouvelle révolution industrielle liée à la transition écologique et numérique.

Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d'État, quelles sont les pistes envisagées pour mieux appréhender notre indépendance stratégique, mieux accompagner nos entreprises pour, le cas échéant, les aider à relocaliser leurs activités ? Quel rôle jouerait dans ce contexte, l'Union européenne pour relever ce défi d'une véritable souveraineté européenne ?

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Au moment où le Royaume-Uni, l'un des plus virulents partisans du libre-échange, vient de quitter l'Union européenne et où l'industrie allemande, traditionnellement opposée aux mesures protectrices, ressent la pression des producteurs chinois, et alors que les industries européennes appellent l'Union européenne à renforcer les moyens de la politique commerciale, les institutions européennes commencent à prendre conscience de la nécessité de réinventer la politique commerciale commune. Assurément, les demandes des industries européennes sont entendues. Cependant, rien n'est fait pour que la politique commerciale commune soit mieux comprise de nos concitoyens.

Dès lors, je souhaite savoir si le Conseil européen compte impulser une politique que l'on pourrait appeler sociale, en tout cas de compensation plus efficace, d'accompagnement ou de reconversion pour équilibrer l'ouverture commerciale qui détruit un certain nombre d'emplois et, de plus, nous engage dans une dépendance dangereuse. Nous évoquions encore ce matin en commission la problématique des produits médicamenteux.

Ma seconde question concerne les États-Unis et la Chine qui ont signé un accord en début d'année, lequel inclut des mesures visant à faciliter l'identification et les sanctions contre le vol de la propriété intellectuelle, la contrefaçon et le piratage par divers moyens, notamment la prise de sanctions plus lourdes.

Selon une estimation de l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle, la contrefaçon coûte chaque année 60 milliards d'euros à l'Union européenne, plus précisément à onze secteurs clés de l'économie européenne. Ceci représente une perte de 7 milliards pour les secteurs concernés en France.

La contrefaçon pèse aussi sur l'emploi. L'étude chiffre à près de 468 000 le nombre d'emplois perdus à l'échelle de l'Union européenne. Selon une étude de l'IFOP, 37 % des consommateurs déclarent s'être fait duper en achetant un faux produit en ligne, en pensant qu'il s'agissait d'un produit authentique. Sachant que 80 % de la contrefaçon est fabriquée en Chine et que les produits se retrouvent très facilement au niveau des « marketplaces » tels qu'Amazon ou Ali Baba, que compte faire l'Union européenne pour que, enfin, la Chine respecte la propriété intellectuelle de nos entreprises ?

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Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous remercier de votre présence. Il ne s'agit pas de remerciements de pure forme. Vous aviez pris l'engagement, avant chaque réunion du Conseil de l'Union européenne, de venir échanger avec nous. Le fait n'est pas anodin, il est une marque de respect vis-à-vis du Parlement, quelles que soient les tendances politiques de cette commission, qui sont diverses. Je vous remercie donc de venir exposer la position de l'exécutif avant les réunions du Conseil et, dans l'autre sens, de vous nourrir des réflexions et des débats que tient la commission.

Ma première question concerne l'intégration de l'accord de Paris dans les accords de commerce. Pendant les débats relatifs au CETA, nous avions longuement échangé sur l'accord qui avait été signé en parallèle puisque le calendrier ne permettait pas de rouvrir les négociations. Vous aviez alors exprimé très fortement la position de la France.

Nous étions seuls à vouloir l'intégration de l'accord de Paris dans les accords de commerce ; certains affirmaient qu'il ne s'agissait que d'une pure chimère. En la circonstance, pour la première fois, nous avons une opportunité d'ancrer l'accord de Paris dans le dur d'un accord commercial et donc de fixer une stratégie. Jusqu'à maintenant, l'absence de gouvernance mondiale permet à chacun de faire ce qu'il veut. Dès lors que nous aurons ancré l'accord de Paris aux accords de commerce, un coût s'appliquera à un pays qui déciderait de sortir de l'accord de Paris, faisant ainsi tomber les accords de commerce. Cela engendrerait une boucle vertueuse d'accords multilatéraux et l'utilisation du levier d'action des accords de commerce pour ancrer la solidité et la durabilité de l'accord de Paris.

Une page nouvelle de l'histoire des accords de commerce va s'écrire, c'est imminent, nous attendons que le dispositif soit acté pour en constater la matérialité, mais je tiens à souligner que nous aurions réalisé un progrès déterminant s'il prenait forme.

Ma seconde question porte sur le Mercosur.

Au-delà de la qualité d'un accord potentiel, se pose la question de la confiance ou de l'absence de confiance vis-à-vis d'un partenaire, en l'espèce le Brésil, qui, pour de multiples raisons liées à l'histoire de nos relations et aux scandales sanitaires, n'a pas suscité le degré de confiance que nous entretenons avec d'autres États, le Canada notamment.

Nous avons suivi l'actualité mouvementée de cet accord. Un vote du Parlement européen reste assez incertain. Il s'agit d'un accord mixte, je crois. Le Parlement procéderait donc à sa ratification. En l'état de cet accord, gardant en mémoire notamment l'épisode de cet été, nous devrions être confrontés à de nombreuses oppositions parlementaires dans bien des pays. Quelle est votre analyse ? En tant que parlementaires, nous ne souhaiterions pas assister à une ratification à la va-vite de cet accord. Avez-vous pleinement conscience du degré d'attention que porteront les parlementaires à ce sujet ?

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Les questions commerciales sont souvent porteuses de polémiques. Le débat avait été lancé, puis relancé, lors des élections présidentielle puis européennes, à l'occasion desquelles les candidats déclaraient vouloir soumettre les futurs accords commerciaux européens à référendum.

Le temps a passé et tout le monde a bien compris que le commerce mondial passe souvent avant l'intérêt des agriculteurs, avant la protection des savoir-faire, avant le respect des normes sanitaires ou écologiques, souvent au mépris des règles sociales, fiscales ou environnementales.

Qu'entendez-vous faire pour que les nouveaux accords commerciaux proposés par l'Europe soient exemplaires et respectueux des intérêts et des valeurs que nous défendons tous ?

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Dans un rapport publié ce lundi 2 mars, l'OCDE revient sur les conséquences économiques de l'épidémie de coronavirus sur l'activité et revoit ses prévisions de croissance pour 2020 nettement à la baisse.

La Chine, d'où est parti ce virus, est devenue, ces dernières années, l'usine du monde et les différentes mesures engagées jusqu'ici pour endiguer la propagation du virus – quarantaines, restriction des déplacements, contrôles accrus – ont perturbé les chaînes d'approvisionnement à travers le globe.

Cet épisode viral nous aura au moins ouvert les yeux sur la dépendance que l'Europe a contractée auprès de la Chine et nous aura permis d'envisager les choses différemment à l'avenir, notamment par le renforcement de notre politique de voisinage et du partenariat entre l'Europe et le Maghreb.

Alors que depuis la chute du mur de Berlin, l'Europe s'est plus construite à l'Est qu'au Sud, il est temps de se concentrer sur les relations euro-méditerranéennes. Celles-ci nécessitent qu'elles se fassent sur des bases équitables en termes de mobilité des biens et des personnes. En effet, en dépit des crises politiques, sociales et économiques qui ont pu les toucher, ces pays ont connu une véritable transformation économique, impulsée par une nouvelle génération arrivée aux affaires. Les questions liées à l'environnement et au numérique ont, elles aussi, contribué à ce chamboulement. Je m'en rends compte à chacun de mes déplacements dans ma circonscription. Monsieur secrétaire d'État, comment renforcer notre politique de voisinage avec les pays du Maghreb ?

Ma seconde question porte sur un sujet qui me tient à coeur et sur lequel je souhaiterais, une nouvelle fois, appeler votre attention. Elle concerne les 3,5 millions de Français dans le monde et porte sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger. Alors que se prépare le prochain contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE), les parents d'élèves estiment que l'augmentation des frais de scolarité pour remédier aux nécessaires travaux immobiliers devient insupportable. Cela est particulièrement perceptible au Maghreb, au Maroc notamment, qui accueille le premier réseau de l'AEFE dans le monde avec 43 500 élèves, répartis dans 44 établissements.

Pour y remédier, il est plus que temps de réformer l'AEFE afin de lui permettre d'emprunter sur les marchés, de trouver des nouveaux moyens de financement pour ne plus oppresser les familles. Les parents d'élèves n'en peuvent plus – je vous le redis, monsieur le secrétaire d'État. À Rabat, ils en sont au point de vouloir arrêter de payer les frais de scolarité. C'est grave, monsieur le secrétaire d'État, il faut réagir !

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Le 19 février dernier, nous évoquions ici, au sein cette commission, la construction de notre relation future avec notre allié britannique. Si un partenariat fort est évidemment souhaitable, celui-ci ne doit pas se faire au détriment de l'exigence qui anime chaque parcelle du projet européen.

La politique commerciale de l'Union européenne est l'un des éléments les plus achevés de sa construction et, forte de ce succès, notre Union s'est rapidement imposée comme un acteur incontournable du commerce international. Elle représente aujourd'hui le premier ensemble commercial mondial avec près de 17 % des échanges de biens et de services en 2017. Pourtant, cette réussite s'érode. L'Union européenne a perdu 2,5 points de sa part de marché mondiale entre 2005 et 2015 et cette tendance devrait perdurer. Il est évident que le Brexit soulève de grandes inquiétudes quant à l'avenir de notre politique commerciale commune. Aussi comment le Gouvernement entend-il assurer la stabilité et la pérennité de ce pilier de notre Union sans la participation britannique ?

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Monsieur le secrétaire d'État, même si le sujet n'est pas à l'ordre du jour du prochain Conseil, je souhaiterais néanmoins vous interroger sur la relation UE-Afrique, plus particulièrement sur l'accord de Cotonou.

En 2000, l'accord de Cotonou, signé par l'Union européenne et 79 pays de la zone Afrique – Caraïbes – Pacifique (ACP), prenait successivement la suite des conventions de Yaoundé et de Lomé.

L'une des nouveautés majeures de l'accord de Cotonou concernait le volet commercial, dissocié, pour la première fois, de l'aide au développement. Appelé « accord de partenariat économique » et signé pour vingt ans, il instaurait des zones de libre-échange entre l'Union européenne et les pays ACP. Les négociations pour un nouveau partenariat ont été lancées en 2017 et le nouvel accord aurait dû être validé fin mai 2020. Les discussions ont eu tendance à s'enliser, à faire du sur place et l'accord de Cotonou vient d'être prorogé jusqu'à la fin du mois de décembre 2020. Nous en sommes donc à la dernière ligne droite des négociations.

Les gouvernements africains ont modifié profondément leurs relations avec Bruxelles, comme le montre le dernier processus de négociation qui a eu lieu les 22 et 23 janvier. D'ailleurs, le secrétaire d'État rwandais des affaires étrangères, Richard Sezibera, a déclaré que l'Union africaine arrivait à maturité, déterminée à parler d'une seule et même voix sur la scène internationale, et que le partenariat du continent africain avec l'Union européenne devait également atteindre son stade de maturité.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer sur la position de la France au sein de l'Union européenne sur l'accord de Cotonou ? Ne vous semble-t-il pas que le format pris par la convention de Yaoundé, puis par celle de Lomé et ensuite par l'accord de Cotonou, est désormais dépassé ? Dans ce cas, quelles seraient, selon vous, les modalités d'un accord de transition réussi ?

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Ma première question portera sur les traités de libre-échange, et notamment le CETA. Ces traités sont gérés par l'Union européenne et par la Commission, qui conduisent les négociations commerciales avec des États tiers. Ces traités, comme le CETA, par exemple, peuvent, à terme, mettre en danger les filières et le savoir-faire agricole de nos pays et régions. Or, le CETA, comme d'autres traités, est adopté par la Commission européenne avant les parlements nationaux. Comment pouvons-nous reprendre notre souveraineté économique et notre autonomie agricole dans ce contexte, sachant que ces traités, d'une manière partielle, peuvent également être mis en application avant qu'ils soient étudiés par nos parlements, ce qui pose un problème d'éthique ?

Ma seconde question fait suite à l'intervention de Mme Genetet qui a évoqué la nécessité d'une mondialisation plus maîtrisée. J'interviendrai plus précisément sur la relocalisation d'entreprises françaises implantées en Chine. Connaissant le marché chinois et la manière de faire de nos amis chinois, peut-on raisonnablement penser que la Chine laissera faire cette relocalisation, sachant que la Chine est également le premier client du monde de nombre de pays ? Nous sommes dans un cadre de négociation. Pensez-vous que la Chine se laissera faire et acceptera de perdre des entreprises ?

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Je précise que les accords de commerce sont adoptés par le Parlement européen et non par la Commission européenne. C'était sans doute un lapsus de votre part. Ils sont validés, adoptés ou rejetés par le Parlement européen avant d'être éventuellement examinés par les parlements nationaux. De ce point de vue, vous avez tout à fait raison.

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Permettez-moi de revenir sur la relation avec nos voisins suisses, si chers à Olga Givernet et à moi-même, en tant que députées d'une zone frontalière. Il n'y a pas, à proprement parler, d'accord commercial en cours de négociation entre l'Union européenne et la Confédération helvétique, mais des négociations dans différents secteurs : électricité, agriculture, sécurité alimentaire, santé publique, audiovisuel, culture, police, etc. Cependant, un accord-cadre institutionnel se prépare, visant à consolider, pérenniser et sécuriser les conditions d'accès mutuel aux marchés suisse et communautaire en fixant un cadre institutionnel à la multitude d'accords sectoriels en négociation. Cet accord traite plus spécifiquement de la libre circulation des personnes, du transport aérien, du transport terrestre, des échanges agricoles et de la reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de la conformité.

Où en sont les négociations engagées depuis 2013 avec la Suisse voisine, une démocratie semi-directe, sachant qu'à tout moment les initiatives populaires peuvent faire basculer un texte et modifier le contenu des accords bilatéraux ? Quelle est la position de la France sur cet accord institutionnel qui aura forcément des répercussions d'ordre commercial côté français ?

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La Commission européenne s'est engagée dans un ensemble de mesures visant à faire de l'Europe le premier continent climatique neutre d'ici à 2050. L'Union européenne a donc besoin d'un modèle d'accord commercial cohérent avec le Green Deal qui promet de soumettre toutes les politiques européennes aux enjeux écologiques. Avec 500 millions de consommateurs dans l'Union européenne, la convergence entre politique commerciale commune et politique environnementale n'est donc plus une option. C'est aussi l'occasion de rappeler les engagements de l'accord de Paris car certains se livrent à des polémiques sur des accords commerciaux passés qui ne respecteraient pas le développement durable et n'auraient pas d'effet contraignant. Une polémique sur l'accord avec le Vietnam est d'ailleurs en cours et vous êtes intervenu à ce sujet lors d'interviews. Vous avez émis le souhait de faire de l'accord de Paris une clause intégrant des accords commerciaux. Le développement durable ne peut plus passer en seconde position, surtout lorsque l'on sait que certaines régions du monde abusent de la déforestation à des fins commerciales. C'est le cas du Brésil où la déforestation est en hausse de 30 % en 2019 ans par rapport à 2018.

Lors du prochain Conseil des affaires étrangères, envisagez-vous avec vos homologues la création de mécanismes de sanctions, afin que les normes environnementales deviennent juridiquement contraignantes et, par conséquent, de revoir certains accords commerciaux ?

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Nous l'avons déjà évoqué, les accords bilatéraux sont désormais un outil privilégié de la politique commerciale de l'Union européenne. En novembre dernier, l'accord commercial entre l'Union européenne et Singapour est entré en vigueur. Il s'agit du premier accord bilatéral entre l'Union européenne et un pays d'Asie du Sud-Est. Cette ouverture vers l'Asie a été confirmée depuis par l'accord bilatéral avec le Vietnam. Composée de dix pays, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) couvre une région à l'économie très dynamique. Ses 2 500 milliards de dollars de produit intérieur brut (PIB) font d'elle désormais le cinquième bloc économique mondial. Elle représente également 9 % de la population mondiale, soit un marché potentiel de 625 millions d'habitants.

L'ASEAN apparaît donc comme une zone commerciale clé pour l'Union européenne qui, quant à elle, est devenue le deuxième partenaire commercial de la zone. La signature d'un accord bilatéral paraît donc aujourd'hui nécessaire et stratégique. Elle permettrait de mettre en place un socle commun de règles de libre-échange, d'augmenter nos exportations vers cette zone devenue un nouveau centre névralgique économique et surtout une réserve de croissance.

Un accord bilatéral entre l'Union européenne et l'ASEAN est-il envisageable et, si oui, quel en serait le calendrier ?

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Vous le savez, depuis octobre 2019, les vins français d'une teneur en alcool inférieure ou égale à 14 degrés et conditionnés dans des contenants inférieurs à deux litres se voient appliquer des droits de douane de 25 % à leur entrée sur le territoire américain. Cela fait suite à l'affrontement dans le cadre de l'OMC entre les États-Unis et l'Union européenne à propos de subventions accordées par certains pays, dont la France, à l'avionneur européen. Mais l'effet des sanctions américaines se fait déjà sentir. Selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FAVS), les exportations de vins et spiritueux ont reculé de 17,5 % au dernier trimestre de 2019. Les ventes de vins français aux États-Unis ont dévissé de 40 % en novembre et de 30 % en décembre 2019 par rapport à novembre et décembre 2018, donc sur une année lissée. Au cours du dernier trimestre 2019, la perte de chiffre d'affaires pour les exportations vers les États-Unis s'élève à 40 millions d'euros.

Pour les vins français, le marché américain représente le premier marché à l'export. C'est aussi le premier marché de consommation de vin au monde. En 2019, les États-Unis sont à l'origine de 65 % de la croissance du chiffre d'affaires à l'export des vins français. C'est donc un marché aussi attractif que solvable et un débouché irremplaçable pour les entreprises vitivinicoles françaises. L'imposition durable d'une taxe américaine risque de faire sortir massivement les vins français du marché américain, qui seront rapidement remplacés par d'autres produits plus accessibles car moins taxés, tels que les vins italiens ou les vins du Nouveau monde.

À l'heure actuelle, aucun marché n'est en mesure d'absorber les vins qui n'iront pas sur le marché américain. Les vins et la filière vin vont donc se retrouver sur les marchés européen et national, qui sont déjà en berne et dans une situation alarmante quant à leur capacité à conquérir ces marchés. Il est donc urgent de prendre la mesure de la situation dans laquelle est plongé le secteur. Je sais que c'est fait. Lors de sa visite au Salon de l'agriculture, le 29 février dernier, le Président de la République a exprimé le souhait de voir mis place un fonds européen de soutien pour la viticulture d'ici au printemps prochain.

Comment la France entend-elle procéder pour obtenir rapidement une réponse de principe à la mise en place d'un fonds de soutien aux entreprises vitivinicoles touchées par les taxes américaines sur le vin ?

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Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre intervention dont certains éléments me conduisent à modifier ma question. Vous l'avez dit, un des objectifs de la politique commerciale commune est le renforcement par l'Union européenne de son réseau d'accords bilatéraux. Une attention particulière doit être portée aux filières agricoles sensibles. En tant qu'agricultrice, je connais ce problème. En effet, à l'occasion de la ratification de l'accord économique et commercial global, une mission avait été conduite sur l'effet de l'accord sur les filières dites sensibles, qu'elles soient bovine, porcine, avicole ou qu'elles concernent le sucre ou l'éthanol. Mesurer l'impact des flux engendrés par ces accords est important pour maintenir la viabilité économique de ces filières. Une telle mission sera-t-elle renouvelée pour d'autres accords ? En tout cas, il serait opportun de suivre ces études d'impact, dans le souci de préserver la traçabilité et surtout la sécurité alimentaire de nos produits.

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Au mois de juin se tiendra à Noursoultan la douzième conférence ministérielle de l'OMC. Le directeur général, M. Azevêdo, affirme que c'est l'occasion pour les membres de l'OMC d'élaborer des règles multilatérales. L'Asie centrale en général, mais plus précisément cette zone et encore plus précisément ce pays, le Kazakhstan, me tiennent à coeur. J'apprécie l'évolution positive des relations que nous entretenons avec ce pays. Qu'attendez-vous du directeur général de cette conférence ? Comment améliorer l'efficacité des relations commerciales entre le Kazakhstan et la France, et inversement ?

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du secrétaire d'État de l'Europe et des affaires étrangères

Merci de vos contributions, questions et suggestions.

Mme Anne Genetet a évoqué la prise de conscience suscitée par le COVID-19 et la nécessité d'une indépendance stratégique. Il est intéressant de voir un certain nombre d'entrepreneurs considérer la sécurité de leur approvisionnement aussi importante que leurs coûts de production et engager un effort de relocalisation. Bérangère Abba a signalé récemment un cas dans son département de la Haute-Marne et vous évoquiez le cas de Sanofi. De façon générale, la nouvelle Commission ne craint plus de prononcer des mots naguère tabous ou perçus à Bruxelles comme sulfureux. Le commissaire Thierry Breton se fait le héraut et le chantre de la politique industrielle, idée très française. Un certain nombre de projets industriels communs sont lancés avec bonheur entre États européens. Je pense à la production de batteries, de semi-conducteurs et à d'autres secteurs stratégiques. Désormais, des expressions comme « souveraineté numérique dans la protection des données » ont cours dans le vocabulaire bruxellois. Tout cela participe de cette prise de conscience et, au-delà, d'actions concrètes.

Mme Bérengère Poletti a souligné la nécessité de réinventer la politique commerciale commune. Au sein de la commission du commerce international (INTA), le terme de réciprocité n'est plus un gros mot mais fait désormais partie du logiciel commun – je parle sous le contrôle de la présidente qui a suivi cela de très près, il y a quelques années. De même, la notion d'intérêt stratégique est beaucoup mieux prise en compte. Nous avons ainsi abouti sur la question du contrôle des investissements stratégiques et nous allons essayer de progresser sur celle des outils liés aux marchés publics.

En matière de propriété intellectuelle, nous avons vu les États-Unis obtenir des concessions de la part de la Chine dans l'accord de phase 1. Dans le cadre du sommet de Leipzig, notre enjeu est d'obtenir une avancée comparable. C'est important pour les Européens, faute de quoi l'accord États-Unis-Chine se ferait sur notre dos et nous connaîtrions des conditions de concurrence moins favorables que celles des entrepreneurs américains. Le meilleur respect de la propriété intellectuelle fait partie de notre feuille de route. C'est pourquoi, de façon générale, en liant cela à la contrefaçon, nous avons été heureux d'obtenir un accord politique avec nos amis chinois sur les indications géographiques. Cela permettra de défendre un certain nombre d'appellations, d'éviter que soient commercialisés en Chine des produits qui « s'apparentent à, qui portent le nom de, mais n'en sont pas ». Un premier pas a été fait.

Le président Waserman a cité l'intégration de l'accord de Paris comme clause essentielle des accords commerciaux. D'évidence, cela crédibilisera une démarche. Quand on parle de convergence des politiques commerciales et environnementales, cela n'est pas du marketing, cela doit se traduire dans la vraie vie. Un pas décisif a été franchi.

Concernant le Mercosur, le Président de la République a indiqué clairement que la France n'était pas en état de ratifier le texte. Nous avons néanmoins lancé, conformément au souhait exprimé par la commission et la présidente, le processus de création d'une commission indépendante sur l'étude d'impact dont nous aurons les résultats dans les prochaines semaines. D'un point de vue politique, nous avons été rejoints par les Autrichiens, puisque le Chancelier a annoncé que l'Autriche n'était pas non plus en mesure de ratifier le texte. Par ailleurs, du côté des Pays-Bas, pays pourtant traditionnellement libre-échangiste, les débats intenses qui ont eu lieu au sujet du CETA ont abouti à une réflexion sur la façon de conclure ces accords commerciaux. Tant mieux ! Cela signifie qu'une prise de conscience s'est fait jour sur la nécessité de passer du libre-échange au juste échange.

M. Alain David a demandé ce que les accords de nouvelle génération pouvaient apporter en matière sanitaire, sociale ou agricole. Les accords commerciaux doivent être aussi des leviers pour cranter avec nos partenaires un certain nombre d'éléments en matière sociale et environnementale. Je prendrai le cas concret du Vietnam. Grâce à cet accord, nous avons obtenu que le Vietnam ratifie les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), notamment celle relative à la liberté syndicale. J'estime que c'est un progrès. Grâce à notre discussion commerciale, nous avons pu faire avancer le volet social dans ce pays. De même, avec la Corée du Sud, nous avions signé en 2011 un accord sur un certain nombre de clauses sociales relatives au droit du travail. La Corée n'ayant pas ratifié toutes les conventions de l'OIT, nous avons décidé d'engager le processus de règlement des différends parce que nous considérions que notre partenaire n'était pas au rendez-vous de l'ensemble des engagements qu'il avait pris. Par conséquent, ces accords commerciaux peuvent tirer très concrètement vers le haut.

M. M'jid El Guerrab a insisté sur la nécessité du lien à établir avec nos voisins et partenaires de la Méditerranée. À cet égard, le Président de la République a lancé la dynamique du sommet des deux rives, qui implique les sociétés civiles, ce qui est très important. Il sera d'ailleurs de nouveau réuni en juillet prochain, en Mauritanie. Au-delà de l'aspect purement commercial, c'est un processus vertueux. Je note que la démarche de nos amis et voisins du Maghreb n'est pas totalement unifiée. De l'Union du Maghreb arabe, nous connaissons à la fois l'existence et les limites de fonctionnement.

Bien que le sujet de l'AEFE ne soit pas commercial, il me tient à coeur, comme à un certain nombre d'entre vous, représentant les Français établis hors de France. En annonçant avec Jean-Yves Le Drian le plan de réengagement auprès de l'AEFE, nous avons donné des gages, sous la forme de 25 millions d'euros supplémentaires en base à partir de 2020 et de la baisse du prélèvement forfaitaire qui est passé de 9 % à 6 %. J'ai souhaité, et j'ai mené ce combat jusqu'au matin même de la conférence de presse, que les parents d'élèves soient davantage associés aux évolutions du réseau, en leur donnant plus de place dans le conseil d'administration de l'AEFE, par le doublement de leur représentation et en leur communiquant davantage d'éléments budgétaires en amont au sein des établissements, afin que leur voix soit mieux entendue et prise en compte. Nous veillerons d'ailleurs à faire passer le message à l'AEFE et au réseau selon lequel l'inflation mondiale est en hausse de 3,5 % et qu'il ne faut pas aller au-delà, car cette revalorisation pèse ensuite sur les familles qui produisent déjà souvent de gros efforts pour scolariser leurs enfants.

Mme Aina Kuric s'est interrogée sur le poids de l'Union européenne comme acteur commercial après le départ du Royaume-Uni. Nous restons tout de même très forts. Nous représentons vingt-sept pays et plus de 450 millions d'habitants. En revanche, le Royaume-Uni, risque d'éprouver la difficulté d'avoir à négocier des accords commerciaux en agissant désormais seul. Certes, Boris Johnson a annoncé de manière tonitruante des discussions avec les États-Unis et de nombreux partenaires partout dans le monde, mais il n'en reste pas moins qu'il est plus difficile d'obtenir des concessions lorsque vous pesez 60 millions d'habitants que lorsque vous en pesez 450 millions. Nous restons forts. D'ailleurs, l'agenda assez dense des discussions et des dialogues avec un certain nombre de pays de l'ASEAN et de l'Indo-Pacifique montre que l'Europe reste attractive.

Mme Valérie Thomas a évoqué le lien avec le continent africain et les négociations des accords post-Cotonou. De fait, elles ont pris un peu de retard, d'où la prorogation jusqu'à la fin de l'année, en raison d'un certain nombre d'éléments sur lesquels, nous, Européens, ne sommes pas prêts à transiger. Je pense à des éléments sociétaux vécus ou ressentis différemment en Europe et en Afrique, et au sujet desquels nous souhaitons continuer à défendre nos valeurs. Il y a un certain nombre d'acquis.

On s'oriente vers une nouvelle architecture reposant sur un socle commun aux trois zones – Afrique, Caraïbes et Pacifique –, mais comportant un pilier propre à chacune. Nous avons insisté sur le maintien d'un pilier Caraïbes et Pacifique, parce que la France est l'un des rares pays de l'Union européenne, après le départ du Royaume-Uni, à entretenir des liens forts avec ces zones. Nous avons des territoires ultramarins, ce qui fait aussi la force de la France, véritable « pays monde », comme le dit régulièrement le Président de la République. Dans cette stratégie de dialogue avec le continent africain, nos relations reposent désormais davantage sur une logique de partenaires d'égal à égal, qui s'inscrit d'ailleurs dans la droite ligne du dernier sommet tenu à Abidjan fin 2017. La nouvelle stratégie qui a été actée ce matin comporte plusiuers partenariats – sur la transition écologique et l'accès à l'énergie, sur la transformation numérique, sur une croissance et des emplois durables, sur la paix et la gouvernance, sur la migration et la mobilité. – sur lesquels nous allons travailler selon une philosophie plus moderne et respectueuse des identités de chacun.

M. Jean-Claude Bouchet a parlé du processus de mise en oeuvre provisoire d'un certain nombre d'accords commerciaux. C'est le cas du CETA qui est entré en vigueur provisoirement en septembre 2017 puisque les parlements sont amenés à se prononcer au fur et à mesure. Il est clair que ces accords mixtes comportent une partie commerciale de compétence purement européenne. Cette entrée en vigueur provisoire est possible parce qu'elle ne requiert pas formellement d'autorisation au-delà de celles du Parlement européen et du Conseil des ministres. En revanche, le volet investissement n'entrera pas en vigueur tant que l'ensemble des parlements ne se sera pas prononcé. Cela fait quand même plusieurs décennies que le volet commercial est de compétence purement européenne. Une démocratie européenne est à l'oeuvre par la désignation de nos représentants au Parlement européen mais cela nécessite un éclairage toujours plus approfondi des parlements nationaux en amont lorsque les accords ne sont pas mixtes, tout comme lorsqu'ils le sont.

Madame Marion Lenne, pour m'être rendu récemment à Genève auprès de nos compatriotes qui y résident, je sais combien vous êtes investie, votre engagement régulier m'ayant d'ailleurs été rapporté. Vous le savez, nous souhaitons la conclusion de cet accord-cadre institutionnel entre l'Union européenne et la Suisse. Nous sommes dans l'attente des résultats de la votation du 17 mai prochain, dont nous en espérons une issue favorable. Pour le reste, Jean-Yves Le Drian rencontrera, dans les prochains jours, le conseiller fédéral pour les affaires étrangères qui sera en déplacement en France. Je vous invite à saisir le ministre au cours de son audition cet après-midi car sa rencontre avec le conseiller fédéral sera un moment important du dialogue franco-suisse.

Rodrigue Kokouendo a évoqué les polémiques que peuvent parfois engendrer les accords de libre-échange. L'exemple du Vietnam montre bien la prise en compte des dimensions environnementale et sociale. Quant aux mécanismes de sanctions, l'Europe est crédible non seulement lorsqu'elle négocie, mais aussi quand elle fait respecter la signature qui engage tout le monde. Je citais l'exemple de la Corée du Sud. Il ne faut pas avoir peur d'activer les mécanismes de règlement des différends. La mise en place du directeur général adjoint de la direction générale du commerce en charge du suivi des accords permettra d'être plus attentif encore au respect scrupuleux de la parole donnée par nos partenaires.

M. Buon Tan a relevé combien l'ASEAN est une zone clé ; si on la replace dans le contexte de la croissance mondiale, elle est en croissance forte. Il n'y aurait que des intérêts à conclure un accord de bloc à bloc, mais des nuances politiques entre les différents États de l'ASEAN ne l'ayant pas rendu possible, nous nous sommes engagés dans une démarche d'accord pays par pays qui a permis d'obtenir récemment l'accord avec Singapour et l'accord avec le Vietnam. Nous allons continuer, parce qu'il s'agit d'un débouché majeur. Pour l'instant, nous le faisons un par un, mais nul doute que, de façon globale, des intérêts président à un dialogue stratégique UE-ASEAN.

Éric Girardin m'a interrogé sur l'effet des mesures américaines sur la filière viticole française. Je suis allé à la rencontre des acteurs de la filière au Salon de l'agriculture la semaine dernière. La prise en charge des frais de promotion est augmentée, le taux de subvention passant de 50 % à 60 %, cumulable avec une aide nationale. De plus, au niveau français, j'incite le monde vitivinicole à utiliser l'assurance prospection, mécanisme très intéressant pour démarcher de nouveaux marchés, et à un coût faible depuis la réforme du dispositif. Par ailleurs, lors de sa réunion plénière du 11 mars, le Parlement européen se prononcera afin de donner plus de flexibilité aux programmes de promotion. Ces programmes devant parfois être validés en amont, des filières se sont positionnées sur les États-Unis et il faut les aider à se repositionner sur d'autres géographies. La flexibilité offerte pour ce faire sera plus grande.

Enfin, il convient de montrer au commissaire à l'agriculture l'effet des fonds de compensation sur la filière agriculture. De ce point de vue, deux échéances majeures se dessinent : le Conseil agriculture et pêche, qui se réunit le 24 mars – mon collègue Didier Guillaume plaidera naturellement la cause – et quelques jours plus tard, les 26 et 27 mars, le Conseil européen. Là non plus, il ne faudra pas hésiter, compte tenu des enjeux, à remettre les pieds dans le plat.

Mme Nicole Le Peih a traité des études d'impact. Je ne me répéterai pas, je dirai oui, comme précédemment. Pour le suivi de la filière des filières agricoles sensibles, notre méthodologie est éprouvée et nous allons poursuivre en ce sens.

M. Pierre Cabaré, dont je sais le rôle en tant que président du groupe d'amitié France-Kazakhstan, a insisté sur la conférence ministérielle à Noursoultan. Qu'en attendons-nous, sinon de progresser enfin sur la négociation sur la pêche, par l'encadrement d'un certain nombre de subventions, et sur la pêche dite illégale. Il est quand même un comble que cette pêche ne soit pas encore totalement encadrée ! Il importe également de progresser sur des sujets structurels pour l'OMC comme la définition de règles adaptées au xxie siècle pour les subventions industrielles et les notifications. D'où le travail réalisé à l'échelon européen avec d'autres partenaires, mais qu'il faut faire porter et endosser par d'autres. Il convient aussi de débloquer tout ce qui a trait à l'organe d'appel, même si nous avons notre dispositif intérimaire.

De façon générale, je suis très attaché au développement de nos relations avec cette zone de l'Asie centrale. J'ai eu l'occasion d'y faire une tournée l'année dernière et le Président de la République a accepté la proposition qui lui était faite d'instaurer un dialogue stratégique « un plus cinq », France et pays d'Asie centrale, qui se sont réunis pour la dernière fois en 2016, alors que d'autres pays européens sont beaucoup plus actifs que nous. Nous tiendrons donc une réunion ministérielle d'ici à la fin du premier semestre, qui sera suivie d'une réunion de chefs d'État et de gouvernement, regroupant la France et les cinq pays d'Asie centrale. D'un point de vue stratégique, aux confins et de la Russie et de la Chine, il s'agit d'un espace particulièrement important.

La séance est levée à 15 heures 50.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Aude Amadou, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pierre Cabaré, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Aina Kuric, M. Mustapha Laabid, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Denis Masséglia, Mme Bérengère Poletti, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, M. Buon Tan, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman

Excusés. - Mme Ramlati Ali, Mme Clémentine Autain, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Yves Blein, Mme Valérie Boyer, M. Pascal Brindeau, M. Moetai Brotherson, Mme Samantha Cazebonne, Mme Annie Chapelier, M. Jean-Michel Clément, M. Olivier Dassault, M. Bernard Deflesselles, M. Christophe Di Pompeo, Mme Laurence Dumont, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, Mme Olga Givernet, M. Claude Goasguen, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, Mme Véronique Hammerer, M. Michel Herbillon, M. Alexandre Holroyd, M. Christian Hutin, Mme Sandrine Josso, M. Mansour Kamardine, Mme Sonia Krimi, Mme Amélia Lakrafi, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Brigitte Liso, M. Mounir Mahjoubi, M. Jacques Maire, M. Jean François Mbaye, M. Christophe Naegelen, M. Pierre Person, M. Frédéric Petit, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, M. Hugues Renson, M. François de Rugy, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, Mme Bénédicte Taurine, M. Guy Teissier, Mme Nicole Trisse

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Éric Girardin