Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 1er avril 2020 à 14h30

Résumé de la réunion

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  • tourisme

La réunion

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Audition, en audioconférence, de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

La séance est ouverte à 14 heures 30.

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M. le secrétaire d'État, malgré la terrible pandémie que nous traversons, notre commission a maintenu ses travaux. Nous avons entendu la semaine dernière les responsables du Centre de crise et de soutien et de la Task Force Coronavirus du ministère des affaires étrangères.

Nous évoquerons avec vous, comme nous l'avons fait avec eux, la question du retour des Français qui se trouvaient en déplacement à l'étranger, le plus souvent en tant que touristes. Ils étaient 130 000, dont 121 500 auraient été rapatriés, et vous avez bon espoir que les 10 000 Français restants puissent rentrer cette semaine. Pourrez-vous également nous informer de ce qu'il en est des 1 100 Français en croisière sur deux paquebots qui cherchent à regagner la Méditerranée ?

Nous aborderons également la question des 3 ou 3,5 millions de résidents, expatriés français à l'étranger et binationaux. Quelle est la stratégie du Quai d'Orsay pour répondre à leurs inquiétudes sur leur situation financière ou sanitaire ?

Enfin, nous souhaitons vous entendre sur nos réseaux économique, éducatif, culturel ou scientifique à l'étranger. Des réponses ponctuelles ont déjà été apportées aux difficultés des Alliances françaises, très fragilisées, des Instituts Pasteur, des établissements d'enseignement français mais également de nos entreprises. Le soutien du ministère à nos réseaux de diplomatie d'influence doit être total et coordonné.

À ces questions essentielles s'ajoutent celles du commerce extérieur et du tourisme.

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Pour continuer à faire battre le coeur de notre démocratie, le Parlement doit poursuivre sa mission de contrôle.

Nous menons une forme de guerre. Les quinze jours écoulés ont été difficiles ; la quinzaine qui s'annonce le sera également. Mais la France saura relever ce défi en faisant bloc.

La crise du Covid-19 touche tous les domaines et mobilise l'ensemble des acteurs publics. L'action du ministère des affaires étrangères porte sur l'aide au retour de nos concitoyens, la politique commerciale, le commerce extérieur et le tourisme.

Pour les 130 000 Français en voyage bloqués à l'étranger, l'aide au retour est sans précédent : 124 000 auront ce soir regagné la France, les autres le feront d'ici le 7 avril. Il ne reste plus que sept pays où ils sont plus d'un millier.

Avec Jean-Yves Le Drian, nous travaillons, avec le secrétaire d'État chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari et la compagnie Air France : hier, onze vols ont ramené près de 4 000 Français ; aujourd'hui, huit vols atterriront et encore une douzaine demain. Qatar Airways collabore aussi à cette opération.

Celle-ci se déploie sur les cinq continents et implique une logistique très complexe, notamment pour que les Français disséminés rallient les capitales alors que les liaisons intérieures ont été suspendues.

Lorsqu'Air France n'a plus pu maintenir de lignes commerciales, des vols spéciaux à prix modéré ont été ouverts, en obtenant les autorisations nécessaires. Nous avons aussi recouru parfois à des vols militaires, des évacuations sanitaires et des rotations maritimes.

La mobilisation de nos 160 ambassades et de nos 89 consulats généraux est sans précédent, sous l'égide du Centre de crise et de soutien et de la direction des Français à l'étranger.

J'insiste sur la dimension européenne de cette opération, au travers du mécanisme européen de protection civile. Certains États ayant quelque peu dévoyé son principe, les vols doivent désormais être constitués pour 50 % de ressortissants de plus d'un État membre de l'Union européenne.

Le premier enseignement de cette opération, c'est la valeur d'un réseau diplomatique et consulaire universel. Il faudra s'en souvenir lorsqu'il y aura des choix à faire pour déterminer les moyens à lui consacrer.

Le second enseignement a trait à l'excellent travail interministériel, le troisième à la nécessité pour notre administration de poursuivre sa modernisation numérique et de développer des outils adaptés.

Nous sommes attentifs aux difficultés des 45 000 jeunes détenteurs d'un permis vacances-travail au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, dont ceux qui ont perdu leur emploi et demandent à rentrer.

Enfin, les 3,5 millions de Français résidant à l'étranger doivent, comme nous, respecter les consignes sanitaires, restreindre leurs déplacements et leurs contacts sociaux.

Nous suivons le développement de l'épidémie dans le monde et l'évolution des conditions sanitaires, en particulier en Afrique.

La crise aura des conséquences économiques majeures et entraînera une forte récession. Selon l'INSEE, les mesures de confinement feront reculer le PIB de 3 % chaque mois. L'OCDE envisage pour 2020 une récession de l'ordre de 2 %. Elle avait été de 1 % en 2009, ce qui avait entraîné une chute de 12 % du commerce mondial.

Les chaînes d'approvisionnement, y compris de biens essentiels et stratégiques, seront mises à rude épreuve. Cela nous poussera à nous interroger sur la diversification de nos chaînes de valeurs pour atténuer notre vulnérabilité et renforcer notre indépendance. C'était le sens, hier, de l'intervention du Président de la République.

Tout en se gardant de réflexes protectionnistes, l'Europe doit assurer sa souveraineté sanitaire et économique. Les flux internationaux de marchandises et de matériel de lutte contre la pandémie doivent perdurer, si nécessaire par des ponts aériens.

Les ministres du commerce du G20, réunis lundi, sont convenus que les restrictions aux importations pour des raisons sanitaires devaient rester ciblées, proportionnées, transparentes, temporaires et conformes aux règles de l'OMC. La référence à celle-ci constitue une victoire, compte tenu des positions prises par les États-Unis à son égard au cours des derniers mois.

En matière de commerce extérieur, la situation de la France était en voie d'amélioration avant l'apparition de la crise sanitaire. Les effets de celle-ci sont encore inconnus. Son impact est difficile à déterminer puisque l'on peut penser que la baisse de nos exportations sera compensée par une baisse de nos importations.

Nous avons lancé un plan de soutien pour aider les entreprises à conserver leurs débouchés à l'export. Le « bulletin météo » des plateformes régionales de Team France Export concernant l'état de l'économie mondiale permettra d'orienter leur action. Business France organise par ailleurs une série de webinaires.

Nous avons consolidé le soutien à l'export en allongeant d'un an la durée de l'assurance prospection, en renforçant l'assurance crédit à court terme et en couvrant plus largement les besoins de financement des exportateurs. L'enjeu est de les aider à traverser cette période difficile et à préparer la reprise.

Le tourisme est un secteur stratégique : la filière génère pas moins de 7 % de notre PIB et soutient 2 millions d'emplois directs ou indirects. Elle est très durement frappée par la crise : si tout s'arrête durant un trimestre, la perte sera de 40 milliards d'euros !

Les entreprises du tourisme peuvent bénéficier des mesures exceptionnelles comme le report des échéances fiscales et sociales, le dispositif de garantie des prêts, l'activité partielle et le fonds de solidarité pour les indépendants et les petites entreprises.

Je réunis régulièrement le comité de filière tourisme pour expliquer ces mesures et le cas échéant les adapter aux spécificités de la filière. Nous avons ainsi fait évoluer les conditions de remboursement des voyages et des séjours : afin de protéger aussi bien les consommateurs que les entreprises, un avoir, valable dix-huit mois, sera proposé aux clients.

La reprise des échanges ouvrira une période d'intense concurrence, avec de vives tensions sur les prix et un changement probable de comportement des touristes, qui partiront moins loin et auront plus d'exigences de sécurité sanitaire.

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La région PACA est un acteur majeur du tourisme.

Je salue les mesures prises par ordonnances mais elles pourraient aller plus loin pour ce secteur vital, qui demande notamment une année blanche pour les remboursements de crédits, sans frais, une extension dans le temps des avoirs pour les centres d'accueil de vacances scolaires, et l'accès, pour les microentreprises et les autoentrepreneurs, à l'aide complémentaire de 2 000 euros.

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Nos réseaux ont subi ces trois dernières années d'importantes réformes pour passer de la diplomatie du « chacun son tour » à celle du « faire ensemble ». Si nous ne voulons pas saper les efforts, il faut donner dès à présent un cadre et des priorités diplomatiques pour l'après-crise. Or les réponses tiennent souvent du saupoudrage. Nous avons décidé de créer un groupe de contact de crise afin que les mesures de soutien « cousues main » soient coordonnées et soutenues par la représentation nationale.

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Lors de la réunion de bureau ce matin, j'ai suggéré de créer trois groupes de travail. Le premier portera sur les réseaux – diplomatique, consulaire, culturel, audiovisuel – et rassemblera les rapporteurs des missions budgétaires correspondantes ainsi que les rapporteurs des contrats d'objectifs des principaux opérateurs et les rapporteurs d'information intéressés. Le deuxième s'intéressera à l'aide publique au développement, qu'il faudra bien réorienter pendant la crise et repenser après, en particulier dans le cadre du futur projet de loi. Le troisième groupe réunira les députés ayant déjà rédigé des rapports sur l'action économique extérieure.

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Les Français bloqués à l'étranger saluent le travail des ambassades et des consulats pour les rapatrier.

La pandémie questionne profondément l'économie mondialisée. Alors que l'on parle de souveraineté, d'indépendance économique et de relocalisation de la production, la Commission européenne a donné son accord lundi à l'accord de libre-échange avec le Vietnam. Ne faut-il pourtant pas saisir l'occasion de la crise pour considérer autrement l'économie, notamment en fonction des besoins de la planète ? Quitte à injecter de l'argent, autant le faire intelligemment et changer notre modèle productif !

Enfin, qu'en est-il des tentatives de résolution des conflits en cours et de la question du nucléaire ?

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L'Europe a-t-elle été à la hauteur des enjeux de solidarité, notamment avec l'Italie ?

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Votre vision du commerce mondial et de l'Europe ne m'a pas rassuré. Il n'est plus possible de continuer sur la lancée des négociations actuelles : ceux qui sont censés parler d'économie à l'échelle mondiale doivent entendre ce coup de semonce.

L'aide française au développement ne risque-t-elle pas d'être affectée par la nécessaire assistance sanitaire massive aux pays d'Afrique ?

Les rejets de visa risquent par ailleurs de se multiplier : je serais choqué si les marchandises circulaient plus librement que les êtres humains.

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Les hôteliers et les restaurateurs multiplient les initiatives en faveur des sans-abri et des personnels soignants. Confinés, ils continuent néanmoins d'acquitter leurs cotisations d'assurance perte d'exploitation.

Certes, les assureurs s'engagent à contribuer à hauteur de 200 millions au fonds de solidarité en faveur des TPE et des indépendants mais sont-ils suffisamment solidaires dans la mesure où, la notion de catastrophe sanitaire n'ayant pas d'existence juridique, les professionnels du tourisme ne peuvent pas bénéficier des garanties ?

L'ordonnance sur les conditions financières de résolution des voyages a été publiée. Les assurances seront-elles à la hauteur des besoins du tourisme ?

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Pourrait-on être mieux informé de ce qui s'est réellement passé en Chine ? Il semble bien qu'il y ait eu un manque de transparence des autorités chinoises.

Par ailleurs, des représentations ont-elles été faites à la suite des critiques de l'ambassade de Chine à Paris concernant notre action contre le Covid-19 ?

Les organisateurs de voyages devront-ils rembourser les acomptes versés par des clients ?

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Nos personnels des ambassades et des consulats ont-ils reçu prioritairement des matériels de protection ? Qu'avez-vous prévu pour faciliter leur travail et les protéger ?

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Ces crises font ressurgir les doutes nés du Brexit, d'autant que, dans le contexte de la pandémie, l'Union européenne n'a pas mieux traité l'Italie qu'elle ne l'avait fait lors de la crise migratoire.

N'est-il pas plus urgent d'améliorer le fonctionnement de l'Union et la protection de ses citoyens que d'ouvrir les négociations d'adhésion de la Macédoine du nord et de l'Albanie ?

Des discussions sont-elles en cours avec l'Agence française de développement afin de définir de nouvelles priorités ?

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Cette question de l'élargissement devra en effet être abordée.

S'agissant des actions menées par les services de l'État sur un plan bilatéral mais aussi par les différents opérateurs et le G20, quelle est la situation aux plans international et communautaire ? Nous n'avons pas une vision très claire des mesures de discrimination ou de préférence nationale prises par différents pays.

Assiste-t-on chez nos partenaires à une montée en puissance des instruments de défense ou d'attaque commerciales ? Quelles en seront les conséquences pour le commerce international à l'issue de la crise ?

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Les députés des Français de l'étranger sont heureux de disposer d'un interlocuteur qui répond promptement aux questions. Merci aussi à nos postes diplomatiques, qui montrent l'utilité d'un réseau dense et étendu.

L'ambassadeur et le consul général au Sénégal font un travail exceptionnel en accompagnant les citoyens français jusqu'à l'avion !

Quels dispositifs sont prévus pour les écoles françaises à l'étranger ? Peut-on les accélérer ? Le bac aura-t-il lieu ?

Des actions très fortes doivent être menées en faveur de l'Afrique. Au-delà du paquet financier, ne peut-on effacer la dette de ces pays ?

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S'agissant de la relance, je regrette que l'idée d'un fonds européen de gestion des crises financières et de sauvetage, soutenue notamment par l'Espagne, la France et l'Italie, ne se soit pas concrétisée, faute d'un accord de l'Allemagne et des Pays-Bas. Quelles sont les perspectives d'ouverture d'une ligne de crédits pour faire face à ce choc sanitaire et économique ?

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La crise a entraîné la chute de l'industrie du tourisme, notamment en Afrique, où le transport aérien représente 2,6 % du PIB. Les réserves animales pourraient en être des victimes collatérales. Quelle réponse la France peut-elle apporter en faveur de la protection des espèces ?

Le G20 a décidé de maintenir les flux commerciaux de produits médicaux et de santé, des produits agricoles et d'en faciliter la commercialisation. Autoriserez-vous également la circulation encadrée des populations afin de permettre aux ONG de distribuer le matériel de lutte contre l'épidémie ? Quelle politique la France défendra-t-elle en la matière ?

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En Iran, le bilan officiel ne cesse de s'alourdir. Le 20 mars dernier, Donald Trump a refusé de lever les sanctions contre ce pays, tout en lui proposant une aide humanitaire. Les Américains viennent d'autoriser les Européens à proposer leur aide via le mécanisme Instex (Instrument in Support of Trade Exchanges), mais le peuple iranien est pris en otage entre le président américain et le régime. Les soignants iraniens, par leur action, protègent leurs compatriotes, mais aussi indirectement les pays limitrophes. La France va-t-elle soutenir la demande de l'ONU d'alléger les sanctions frappant les pays en proie à la pandémie ?

Par ailleurs, certains des membres d'EUCAP Sahel ont été rapatriés. Cette mission va-t-elle se poursuivre ?

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Comment soutenir les entreprises françaises implantées à l'étranger ? Par ailleurs, il serait bon que les États membres de l'Union soient davantage unis pour faire face aux futures pandémies.

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Le volume des données de santé croît de manière exponentielle et les GAFAM se développent à une vitesse sidérante. Ainsi, Microsoft héberge les données de la future plateforme française Health data hub. La France est en retard : seules les données médico-administratives sont regroupées, les données de soins étant dispersées sous de multiples formats.

Cette question revêt une dimension géopolitique. Dans un contexte de réflexion sur notre souveraineté sanitaire, il est essentiel pour les politiques de santé que de telles plateformes voient le jour en Europe, mais aussi que ces données soient maîtrisées par des entreprises françaises.

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Les efforts considérables du Quai d'Orsay devraient conduire le Parlement à éviter des coupes budgétaires abusives dans les crédits alloués à notre réseau diplomatique et consulaire.

L'Institut Pasteur du Laos mène des études remarquables sur l'origine de la dengue ou du coronavirus. Or les coupes budgétaires ont conduit à y supprimer le poste de virologue. Le Gouvernement entend-il soutenir cet Institut comme il le mérite ?

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Les rapatriements ont été organisés avec efficacité, humanité et rapidité.

Outre que l'Europe de la santé a montré vis-à-vis de l'Italie de graves insuffisances, nous avons totalement manqué de solidarité et les Italiens se sont sentis abandonnés.

Enfin, nous devrons certainement, lors de la sortie de la crise, généraliser le port du masque dans l'espace public et les tests.

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Pour limiter les conséquences économiques de la crise sanitaire, l'Union européenne a prévu de débloquer 34 milliards d'euros, dont un milliard en faveur des entreprises des secteurs en difficulté. C'est le cas du tourisme : en France, ses pertes sont évaluées à 40 milliards au premier semestre. Ce secteur représente 8 % du PIB de la Bretagne. Comment le soutien financier de l'Union se traduira-t-il concrètement pour nos entreprises ? Quels sont les critères d'attribution de cette aide ?

Par ailleurs, est-il envisageable que l'ordonnance qui fixe les conditions de remboursement des commandes adressées aux opérateurs du tourisme soit étendue au niveau européen ? D'autres mesures sont-elles prévues pour aider les entreprises qui risquent la faillite ?

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Je regrette le manque de coordination européenne, mais aussi qu'on ait pris de haut certains pays d'Asie, dont les stratégies ont pourtant été parfois très efficaces, et l'Italie.

Des paquebots, sur lesquels se trouvent des compatriotes, sont interdits d'accoster dans les Caraïbes. Est-il prévu de les autoriser à débarquer leurs passagers aux Antilles françaises, dans le respect des procédures sanitaires ?

Enfin, les compagnies aériennes refusent de rembourser les billets d'avion que des touristes français avaient réservés pour une date ultérieure à celle de leur rapatriement. Qu'ils soient pénalisés pour avoir anticipé leur retour serait un comble. À ce propos, je salue la mobilisation du réseau diplomatique pour assurer les rapatriements.

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L'enseignement français à l'étranger est notre plus bel outil d'influence. Or, même si la continuité pédagogique est assurée, ce réseau souffre beaucoup. Les familles s'inquiètent. Il faut les aider si nous ne voulons pas qu'elles renoncent à scolariser leurs enfants dans nos établissements, faute de pouvoir acquitter les frais de scolarité. Nous devons également être attentifs à la situation des personnels, en particulier de droit local.

Quand établirons-nous un diagnostic et trouverons-nous des solutions, notamment dans les pays qui ont beaucoup souffert – je pense à l'Asie ?

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La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un plan d'urgence de 750 milliards d'euros destiné notamment à garantir ou à racheter de la dette, publique et privée. Une première enveloppe de 120 milliards a été débloquée pour inciter les banques à maintenir, voire relancer, leurs prêts aux ménages et aux entreprises. Par ailleurs, les dix-neuf États de la zone euro sont liés par un mécanisme de stabilité qui lève ses ressources sur le marché de la dette publique pour prêter ensuite, sous conditions, aux pays membres en difficulté.

L'épidémie va-t-elle inciter les États européens à pratiquer une politique de relance budgétaire ? Le gouvernement italien a déjà annoncé le déblocage de 7,5 milliards d'euros pour augmenter les ressources des services sanitaires, de la protection civile et des forces de l'ordre, ainsi que pour soutenir les revenus des familles et financer des mesures d'amortissement social et de soutien aux entreprises.

Cette crise nous oblige à construire un modèle de souveraineté stratégique européenne de développement et de protection des personnes. La France doit en être un acteur majeur. Par quels mécanismes la solidarité financière européenne pourrait-elle être renforcée ? Comment et dans quelles activités développer des industries stratégiques communes ?

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Pourquoi la viande française est-elle exportée, notamment vers la Chine, à partir des ports de Gênes et de Rotterdam, au prix de difficultés logistiques pour la filière ?

Pouvez-vous revenir sur les dispositifs élaborés avec la Team France Export ? Des mécanismes européens spécifiques sont-ils prévus pour faire face aux fréquentes destructions de productions animales ?

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Comment la France peut-elle aider les pays africains ayant instauré un confinement, notamment ceux dans lesquels nos soldats sont présents pour lutter contre le terrorisme ?

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Je salue le travail remarquable de notre réseau diplomatique.

Pour éviter de briser la récente dynamique favorable de notre commerce extérieur, nous devons accompagner nos entreprises afin qu'elles se saisissent des opportunités qui naîtront de cette crise. Je salue le plan de soutien que vous avez présenté avec Bruno Le Maire afin de sécuriser nos entreprises exportatrices. Mais il convient d'aller plus loin, en les préparant à la reconfiguration du commerce international. Business France a préparé un plan de relance ambitieux de 20 millions, qui suppose un engagement total des acteurs, au premier rang desquels l'État. Le Gouvernement soutiendra-t-il ce plan de Business France ? Des mesures complémentaires de soutien au commerce extérieur sont-elles à l'étude ? Comment le soutien à l'export est-il coordonné au plan interministériel ?

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

S'agissant du tourisme, la contribution des assurances à hauteur de 200 millions d'euros au fonds de solidarité n'épuise pas le sujet. Les bailleurs publics vont prendre des dispositions plus favorables pour les loyers ; les bailleurs privés discuteront de gré à gré avec certains acteurs du tourisme. Nous pourrions réfléchir à la création d'un médiateur des loyers.

Les prêts garantis par l'État se déploient depuis quelques jours, en particulier à destination du tourisme. Le prêt tourisme de la BPI a été abondé de 50 millions par la Caisse des dépôts et consignations. Le dispositif des avoirs met les organisateurs de vacances scolaires en bonne position juridique pour négocier avec les établissements, que le ministère de l'éducation nationale a incité à rembourser les familles. Enfin, auto et micro-entrepreneurs sont bien concernés par le fonds de solidarité.

80 % des établissements de notre réseau d'Alliances françaises et d'Instituts sont fermés et une dizaine de ces derniers ont du mal à payer leurs salariés. Les petites Alliances risquent de ne pas survivre à la crise. La direction de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau, le ministère et le groupe de contact doivent travailler ensemble, dans un cadre global.

Nous suivons la situation du Zaandam, qui a passé le canal de Panama, grâce aux démarches de Jean-Yves Le Drian. Cent Français sont sur le Zaandam et le Rotterdam, qui a recueilli les passagers sains. Nous poursuivons notre action diplomatique, afin que les États-Unis accueillent les paquebots, fassent débarquer les passagers ne présentant pas de symptômes et prennent en charge les malades. Deux autres paquebots, avec 1 100 Français à bord, nous mobilisent. Ils vont faire route vers le canal de Suez et la Méditerranée. La cellule interministérielle examine les dispositions à prendre. Nous avons déjà fait débarquer des passagers à Marseille, dans des conditions sanitaires très strictes, et organisé le retour en charter des passagers étrangers.

Le modèle commercial doit évoluer : le monde d'après ne pourra pas être le monde d'avant. Cela fait deux ans et demi que la France se bat pour passer du libre au juste échange et mettre les objectifs de développement durable au centre de la politique commerciale. Les efforts ont commencé à porter leurs fruits : la Commission nous soutient à présent dans notre combat pour que l'engagement à respecter l'Accord de Paris devienne une clause essentielle dans les accords de commerce. Il faudra aussi prendre en compte les biens publics mondiaux.

L'accord entre l'Union européenne et le Vietnam a conduit ce pays à ratifier plusieurs conventions de l'Organisation internationale du travail, tirant ses normes sociales vers le haut.

Les crises géopolitiques ne sont pas en quarantaine, on le voit en Libye ou au Mali. Nous devons rester vigilants.

L'Union européenne est-elle à la hauteur des enjeux ? La solidarité s'est tout de même manifestée : l'Allemagne et le Luxembourg ont mis 132 lits à notre disposition ; la France et l'Allemagne ont donné plus de masques à l'Italie que la Chine ; bien que l'Union ne jouisse pas de la compétence sanitaire – il faudra y réfléchir – le Conseil a lancé des appels d'offres européens conjoints pour du matériel médical ; le mécanisme européen de protection civile a été enclenché.

Des actions bilatérales de l'Agence française de développement et des dépenses des fonds multilatéraux verticaux sont réorientées vers l'aide sanitaire à l'Afrique. La France, l'Union européenne et le G20 préparent aussi des réponses.

Il n'y a pas de raison que la crise fasse évoluer notre politique de visas.

La solidarité du secteur Hôtels Cafés Restaurants est à souligner. Grâce à des conventions, plusieurs milliers de chambres ont été mises à la disposition des soignants. Des travaux seront lancés pour la création d'un état de catastrophe sanitaire, mais cela ne vaudra que pour l'avenir.

S'agissant du faible retour d'expérience de la Chine, nous disposons des éléments fournis par les autorités, parfois confirmés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Je ne me prononcerai pas sur l'activité de l'ambassade de Chine sur les réseaux sociaux. Ce qu'il faut souligner, c'est le partenariat, visible dans le pont aérien. En janvier, nous avions expédié du matériel à la Chine, elle répond présente à son tour.

Les acomptes versés aux organisateurs de voyages permettront, sous la forme d'avoirs, d'acheter un voyage ultérieur.

Nos postes diplomatiques appliquent un plan de continuité renforcé, essentiellement en télétravail. Les personnels sur le terrain ont été dotés de protections.

À propos du doute qui pourrait tenailler les peuples européens, nous sommes à un moment clé. Il faudra en tirer les leçons et passer d'une union institutionnelle à une union des Européens, de sorte que chacun se sente appartenir à l'Europe.

Nous travaillons avec l'Agence française de développement pour réorienter l'aide publique au développement afin d'aider nos frères africains à prévenir et traiter l'épidémie. Un plan prendra prochainement forme.

Le risque de restrictions commerciales est bien réel. Union européenne et G20 doivent se coordonner pour que les flux continuent à circuler et éviter que de nouvelles barrières ne pèsent sur la reprise.

La question de M'jid El Guerrab me permet de remercier nos conseillers consulaires, très actifs, notamment en Italie, et très dévoués à nos communautés.

Le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est singulièrement touché par la fermeture de ses écoles. La continuité du service pédagogique est assurée en ligne et nous renforçons les bourses. Le directeur de l'AEFE dresse chaque jeudi un état des lieux très précis avec les parlementaires représentant les Français de l'étranger. Nous devrons réfléchir à la relance de notre réseau. Il est important de continuer à s'acquitter des frais de scolarité : un seul trimestre non assumé le priverait de 800 millions d'euros. Je souscris à l'idée d'aider les familles qui en auraient besoin et de préparer la sortie de crise.

Hier, lors du G20 Finances, la France a défendu le principe d'un moratoire sur la dette des pays les moins avancés. Nous comptons sur le G20 pour proposer un paquet Afrique significatif.

L'Union européenne est au rendez-vous avec plusieurs dispositifs : 37 milliards ont été mis sur la table. Des fonds structurels ont été fléchés vers les systèmes de santé, les PME et les secteurs économiques vulnérables. En matière de solidarité financière, la France croit à l'utilité d'un instrument de dette, émis par une institution européenne, au profit de tous les États membres. Le débat se poursuit.

Concernant les espèces protégées, la réunion prévue en juin, en France, du Congrès mondial de la nature sera sans doute différée. Nous ne renoncerons pas pour autant à nos objectifs ambitieux.

Je me félicite qu'Instex ait pu être utilisé pour la première fois en Iran, à l'occasion d'une transaction de matériel de santé. Je me réjouis de la libération de Roland Marchal. Nous continuons nos appels à libérer Fariba Adelkhah.

Au Sahel, nous restons à l'initiative. La Task Force Takouba a été constituée hier.

Les filiales à l'étranger des groupes français pourront bénéficier des aides, via leur société mère. Les sociétés de droit étranger ne pourront pas bénéficier d'aides directes.

En matière de données de santé, nous devons affirmer la souveraineté européenne. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) nous offre un cadre de protection unifié. À côté de la vision asiatique, parfois dirigiste, et de celle, très libérale, des États-Unis, la vision humaniste européenne prend en compte des enjeux éthiques, particulièrement importants en matière de santé.

Le quai d'Orsay alloue à l'Institut Pasteur de Paris 2 millions d'euros, que celui-ci répartit en fonction de ses priorités au sein de son réseau international. Notre ministère prend en charge cinq postes de directeurs à l'étranger, ainsi qu'un poste de chercheur, à Wuhan. La crise rappelle l'importance du travail de ces laboratoires. Les Instituts sont très mobilisés, notamment en Afrique, pour la prévention et le traitement de l'épidémie.

Les fonds structurels dédiés aux PME seront utilisés pour le soutien de l'Union européenne au tourisme. Il y a peu de contacts entre les différents ministres du tourisme, cette compétence étant essentiellement nationale. Le tourisme de proximité sera moteur en sortie de crise, aussi devrons-nous travailler sur nos clientèles respectives – italienne, espagnole, allemande et belge, pour la France.

Alors qu'aux termes du droit européen les compagnies aériennes sont tenues de rembourser les billets, certaines ont émis des avoirs. Je me félicite qu'Air France ait trouvé des accommodements avec les voyagistes français. Un équilibre est indispensable : si un seul maillon lâche, c'est l'ensemble qui risque de lâcher. Les entreprises du voyage ont saisi à ce sujet Alexandre de Juniac, président de l'Association internationale du transport aérien.

Une nouvelle souveraineté économique et stratégique européenne était nécessaire dès avant l'épidémie. Le lancement d'une filière de batteries, partagée entre la France et l'Allemagne, était le signe de cette intuition de réduction de notre dépendance en éléments critiques.

L'export peut demeurer un moteur pour nos entreprises, d'autant qu'une partie du monde commence à sortir de l'épidémie. La Team France Export fait preuve d'une réactivité précieuse.

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Nous vous remercions, ainsi que tous les postes des ambassades et des réseaux consulaires qui continuent de travailler, notamment au rapatriement des Français. Notre commission continuera d'être vigilante, en particulier sur le prochain projet de loi de finances rectificative, en ce qui concerne la place des réseaux français à l'étranger, l'aide publique au développement – en tirant les leçons de la pandémie – et l'indispensable partenariat avec l'Afrique. Nous rouvrirons également des dossiers, car cela fait longtemps que notre commission réclame que la France soit à l'initiative d'un nouveau cahier des charges du commerce international.

La séance est levée à 16 heures 25.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Aude Amadou, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Pierre Cabaré, Mme Samantha Cazebonne, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Christophe Di Pompeo, Mme Frédérique Dumas, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M'jid El Guerrab, M. Éric Girardin, M. Meyer Habib, M. Alexandre Holroyd, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sonia Krimi, Mme Aina Kuric, M. Mustapha Laabid, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, M. Jacques Maire, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. Hugues Renson, M. François de Rugy, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, M. Sylvain Waserman

Excusés. - M. Moetai Brotherson, Mme Laurence Dumont, M. Claude Goasguen, M. Christophe Naegelen, M. Jean-Luc Reitzer