Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du lundi 29 juin 2020 à 20h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE

Lundi 29 juin 2020

La réunion est ouverte à vingt heures trente.

(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente)

La commission spéciale commence l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique (n° 2658). Elle procède en premier lieu à la discussion générale.

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Nous reprenons, pour une deuxième lecture, ce texte de progrès, que beaucoup d'entre nous sont fiers de porter. Entre autres avancées importantes, il ouvre l'accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) à des couples de femmes et à des femmes seules, sans retirer aucun droit à personne. Je me réjouis de constater que nous partageons avec le Sénat certains points de convergence qui étaient encore inimaginables il y a peu. Le texte issu du Sénat conserve en effet l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, ce qui témoigne d'un certain degré de consensus social sur ce sujet.

Sur plusieurs points néanmoins, il nous faudra réaffirmer les choix faits par notre assemblée en première lecture. Je pense d'abord à la prise en charge de l'ensemble des actes d'AMP par l'assurance maladie, pour toutes les personnes qui y ont accès. Il s'agit d'une question d'égalité et de non-discrimination. Le critère de fertilité ne peut naturellement pas commander ce remboursement, alors même qu'il ne recouvrait pas, depuis longtemps, l'ensemble des recours à l'AMP par des couples de sexe différent.

Dans le même esprit, nous devrons rétablir l'accès de l'ensemble des personnes susceptibles de s'engager dans un parcours d'AMP au double don de gamètes. L'interdiction de ce double don priverait nécessairement les femmes non mariées ou en couple homosexuel qui souffrent d'infertilité d'accéder à la maternité. Là encore, nous devrons chasser la discrimination.

L'évaluation psychologique ou sociale, particulièrement stigmatisante pour les femmes souhaitant bénéficier d'une AMP, devra être retirée. Il y va de la dignité des femmes.

Il nous incombera aussi de rétablir l'article 2, qui permet une autoconservation des gamètes, donc une certaine liberté pour les femmes choisissant leur moment et leurs modalités de procréation. De façon regrettable, le Sénat avait supprimé cette autoconservation.

Sur tous ces sujets, j'encouragerai un retour à la rédaction adoptée en première lecture. Le texte doit toutefois faire encore l'objet d'évolutions au cours de cette deuxième lecture, dans la perspective d'un processus plus humain, plus ouvert, plus inclusif. Nous serions dans l'erreur si nous ne prenions pas davantage en compte les demandes de la société et celles des personnes pour qui les parcours d'AMP sont souvent semés d'embûches.

Je souhaite que nous ayons à nouveau un débat sur l'AMP « de volonté survivante », concernant les femmes qui, après avoir perdu leur conjoint ou leur conjointe, souhaitent néanmoins poursuivre leur projet parental. Il ne me semble pas raisonnable d'ajouter à la douleur du deuil que vivent ces femmes celle de renoncer aux gamètes de leur conjoint, alors que l'AMP est désormais ouverte aux femmes seules. Le Conseil d'État nous y incite fortement, de même que le respect de l'autonomie des femmes.

Dans un domaine comparable, les personnes transgenres susceptibles de porter un enfant devraient entrer dans le champ des personnes susceptibles d'avoir recours à l'AMP. Les amendements qui visaient à supprimer cette discrimination ont curieusement été jugés irrecevables. Je le regrette profondément, en rappelant les présentations justes, élégantes et généreuses de notre collègue Raphaël Gérard lors de l'examen en première lecture.

Je défendrai enfin l'extension aux établissements privés, sous certaines conditions, des activités de prélèvement, de recueil, de conservation et de don de gamètes. Il existe aujourd'hui des carences importantes dans le maillage territorial et des délais insupportables dans certaines zones, qui sont à l'origine de discriminations injustifiées. Nous devons les corriger, du moins dans les territoires ultramarins et certaines zones de métropole, en ouvrant ces activités à davantage d'établissements.

Il nous faut progresser encore davantage dans la direction de l'humanisme, de la justice, de l'égal accès à la parentalité. Vous le voyez, très loin d'être une quête d'un faux droit à l'enfant, il s'agit de lutter contre les discriminations et d'établir un droit complémentaire des enfants, y compris celui de pouvoir naître dans des familles diverses mais qui ont toutes beaucoup d'amour à leur donner.

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Le texte contient des engagements importants, que nous devons concrétiser collectivement, aussi rapidement que possible. J'espère que le Sénat fera de même.

Ce projet de loi est attendu par un grand nombre d'enfants et d'adultes, qui combattent pour la reconnaissance et l'accès à leur histoire, à leurs origines. Il est aussi attendu par un grand nombre de femmes qui luttent, parfois depuis des années, pour leurs projets parentaux. Nous leur devons une réponse, de manière claire et urgente. Nous devons ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes, établir le socle juridique de leur filiation avec leur enfant et garantir aux personnes nées par don un accès à leurs origines personnelles, pour leur dignité.

S'agissant des articles 3 et 4, ainsi que, désormais, des articles 1er A et 4 bis, dont je suis rapporteure, le Sénat a apporté des modifications substantielles.

Je proposerai évidemment la suppression de l'article 1er A, introduit pour affirmer dans le code civil que « nul n'a de droit à l'enfant ». Cette affirmation, qui repose sur un concept juridique inexistant, est dépourvue de portée juridique. Néanmoins, elle risquerait d'être source d'une insécurité juridique. On peut se demander si un tel interdit, de portée très générale, ne remettrait pas en cause l'assistance médicale à la procréation elle-même ou certaines de ses modalités. L'interdiction ainsi posée pourrait entrer en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le respect de la vie privée et familiale. À l'heure où nous le renforçons, il serait dommage de lui porter atteinte dans le même temps. Je veux aussi affirmer que ce texte n'a jamais ni évoqué ni sous-entendu de droit à l'enfant. Il n'y a rien de tel dans le code civil. Cette affirmation a contrario, portée par le Sénat, qui est de nature strictement politique, vise à stigmatiser le recours à l'AMP, d'une manière totalement abstraite. L'adopter nuirait au principe et à la volonté de ce projet, qui veut le meilleur pour les familles et pour les enfants. J'espère que nous nous entendrons tous sur ce point.

Pour ce qui concerne l'article 3, relatif au droit d'une personne conçue dans le cadre d'une AMP par recours à un tiers donneur d'accéder à ses origines, le Sénat a procédé à trois modifications majeures.

Il a d'abord prévu le principe de double consentement du donneur : avant son don pour l'accès à ses données non identifiantes, et lors de la demande de l'enfant issu du don pour l'accès à son identité. Je vous proposerai de revenir sur ce point. Un consentement irrévocable du donneur, préalablement au don, à communiquer ses données non identifiantes et son identité est une condition essentielle, de nature à sécuriser l'enfant. Celui-ci saura qu'il pourra, à sa majorité, s'il le souhaite, connaître les données personnelles du donneur.

Ce sera aussi une sécurité pour les parents, qui, nous l'espérons pour les générations à venir, accompagneront l'enfant dans cette démarche. Outre le fait qu'il permet de garantir à l'enfant l'accès à ses origines personnelles, cette solution couvre l'hypothèse d'un décès du donneur, qui ne fait pas obstacle à la communication de son identité à la personne née de son don. L'accord du donneur à cette communication dans un mouvement de double consentement pourrait y porter atteinte.

Le Sénat a aussi supprimé la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur, pour confier l'ensemble de ses missions au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) au sein duquel serait constituée une formation spécifique. Là encore, je proposerai de revenir sur cette modification en rétablissant la commission ad hoc dont la création, plutôt que le recours au CNAOP, a été justifiée dès la première lecture par la différence de situation juridique et psychologique entre les enfants qui sont issus d'un don de gamètes et ceux qui ont été confiés à leur naissance. Il convient de ne pas instaurer de parallélisme entre la situation de ces enfants, au risque de fragiliser les procédures d'AMP avec tiers donneur et d'accouchement dans le secret.

La troisième modification proposée par le Sénat consiste à confier à l'organisme chargé de l'accès aux origines personnelles des enfants conçus par AMP avec tiers donneur la mission de contacter les anciens donneurs en cas de demande d'accès provenant de personnes nées de don sous l'actuel régime de l'anonymat total, et de les interroger sur leur volonté ou non de communiquer leurs informations personnelles sans attendre qu'ils se manifestent spontanément. Je vous propose de conserver cette proposition, qui s'inscrit dans la logique d'un accès facilité des personnes issues de don à leurs origines. Au moment où nous créons l'accès aux origines personnelles, il est bon de donner à ce droit la force d'une unité et d'une cohérence, quelle que soit l'année de la naissance.

Enfin, je présenterai un amendement à l'article 3, qui prévoit le recueil par le médecin du centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) de l'identité de la personne ou du couple receveur, ainsi que la transmission et la conservation de ces données dans le registre placé sous la responsabilité de l'Agence de la biomédecine (ABM) afin de nous assurer de l'effet de la réforme, conformément au souhait que vous aviez évoqué lors des débats en première lecture.

Quant à l'article 4, relatif à la filiation des enfants nés d'un couple de femmes ou d'une femme non mariée par recours à l'AMP avec tiers donneur, le Sénat est revenu sur la quasi-totalité du dispositif, notamment sur le principe d'une filiation établie sur le fondement de la volonté exprimée par les deux mères, en consacrant le principe selon lequel la mère est la femme qui accouche et en établissant la filiation de l'autre femme par une procédure d'adoption accélérée. Cela n'est pas acceptable. Aussi, je vous propose de revenir à l'article 4, tel qu'adopté par l'Assemblée, en y apportant quelques modifications majeures, que je présenterai.

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Malgré le contexte sanitaire, il était important que nous puissions poursuivre l'examen de ce texte à l'Assemblée, en espérant que les droits qu'il créera puissent devenir réalité dès 2021. Moins médiatisé que le titre Ier et l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, le don d'organes n'en est pas moins un sujet majeur. Chaque année, les nouveaux patients en attente de greffe, inscrits sur le registre national, sont plus nombreux. Soixante ans après les premières transplantations d'organes, seuls 6 105 patients ont pu être greffés en 2017 quand plus de 28 000 personnes étaient en attente d'un organe, dont près de 19 000, d'un rein.

Le texte modifié par le Sénat est tout à fait satisfaisant sur plusieurs points, même si des désaccords subsistent. À ce stade, j'insisterai d'abord sur les points positifs. Dans de nombreux articles, l'équilibre trouvé au Sénat s'inscrit dans le prolongement de celui que nous avions dessiné en première lecture. Le Sénat est allé plus loin que l'Assemblée sur de nouveaux sujets, en adoptant deux articles additionnels importants, l'un, qui étend le don du sang aux mineurs de 17 ans et à certains majeurs protégés, l'autre, qui est relatif au don du corps à la science. Celui-ci, issu d'un amendement gouvernemental, fait suite à un scandale macabre impliquant le centre du don des corps de l'université Paris Descartes voilà quelques mois.

Pour ces deux articles 7 bis et 7 ter, je souhaite que cette deuxième lecture soit l'occasion d'aller plus loin encore dans l'affirmation de nos valeurs fondamentales.

S'agissant du don du sang, je souhaite que la pratique rejoigne enfin le droit pour ce qui concerne les discriminations faites aux hommes homosexuels. Je rappelle qu'en 2016, la loi a adopté un principe très clair selon lequel « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ». Dans la pratique, chacun le sait, un délai d'abstinence spécifique demeure, qui est aujourd'hui de quatre mois alors qu'il s'établissait à un an jusqu'à avril 2020. Ce progrès n'empêche pas qu'une discrimination injustifiée subsiste. Le temps est venu de la faire cesser.

Comment expliquer qu'un homme en couple avec un autre homme depuis de nombreuses années n'ait pas le droit de donner son sang s'il a eu un rapport sexuel avec son conjoint dans les quatre derniers mois ? Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, qui avait fait la même analyse il y a quelques années, notait que « l'erreur consiste à se limiter à la sexualité, alors même que c'est le comportement sexuel qui peut être à risque, quelle que soit l'orientation sexuelle par ailleurs. »

Certains argueront peut-être que cette précision relève du niveau réglementaire, d'autres que cet alignement finira par arriver un jour. Rien ne doit conduire le législateur à se censurer devant une discrimination si évidente. Si la sécurité des receveurs doit naturellement être la priorité – il ne peut y avoir de droit à donner son sang –, cette décision doit s'appuyer sur des principes et sur des faits scientifiques. Une note publiée en avril par Santé publique France a estimé que l'alignement des critères des donneurs homosexuels sur ceux des donneurs hétérosexuels comporterait un risque supplémentaire d'infection tout à fait marginal. Il correspondrait à plus de 3 000 donneurs supplémentaires. Il est donc temps de mettre fin à cette discrimination, en adoptant l'amendement à l'article 7 bis que je défendrai avec de nombreux collègues.

L'article 7 ter, issu d'un amendement du Gouvernement, comble un vide juridique inquiétant. Alors que la loi encadre strictement le don d'organes, elle ne dit rien sur le don du corps à la science. Le Gouvernement propose de mieux encadrer et de mieux surveiller les centres du don des corps rattachés aux universités de médecine. Cela est évidemment une bonne chose, mais il faut aller au-delà de simples ajustements administratifs. Aujourd'hui, le droit ne prévoit aucune disposition pour le devenir des corps et le respect qui leur est dû, alors même que, selon l'article 16-1-1 du code civil, « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. » En particulier, j'ai découvert lors de mes travaux que tous les centres n'acceptent pas de rendre les cendres du défunt à la famille. Je proposerai un amendement allant dans le sens d'une clarification.

De nouveaux débats nous attendent. Ceux que nous avons eus en première lecture ont été intenses et nourris. Je souhaite évidemment que nos travaux se poursuivent avec le même enthousiasme et le même respect.

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Je me félicite du retour de ce texte pour une deuxième lecture avant l'été, car nous avons pris d'importants engagements, que nous devons concrétiser collectivement, aussi rapidement qu'un travail législatif approfondi et sérieux le permet. Je continue à regretter l'amalgame temporel d'une éthique sociétale avec une éthique scientifique, qui exige une récurrence d'analyse bien plus courte.

Les titres III et IV ont trait, d'une part, à l'articulation entre nos principes éthiques et les progrès scientifiques et, d'autre part, aux recherches portant sur les embryons et les cellules souches.

S'agissant de la diffusion des progrès scientifiques dans le respect des principes éthiques, je ne reviendrai pas sur l'article 10 relatif aux tests génétiques, que je vous proposerai d'adopter conforme.

En revanche, je proposerai une nouvelle rédaction de l'article 11 relatif à l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le domaine médical, afin non seulement de clarifier le périmètre du dispositif visé, à savoir les traitements algorithmiques dont l'apprentissage est réalisé à partir de données massives, mais aussi de maintenir l'obligation d'informer le patient avant l'utilisation d'un tel traitement dans le cadre de sa prise en charge médicale, ou encore de garantir que les résultats issus de ce dispositif seront validés par un professionnel de santé. Il s'agira également de prévoir la traçabilité des actions et données, pour éviter que le dispositif ne fonctionne comme une boîte noire.

Pour l'article 12 relatif à l'enregistrement de l'activité cérébrale, je proposerai une rédaction de compromis, afin de dépasser les querelles sémantiques stériles.

Le titre IV comprend les articles 14 à 18, qui ont pour objet la réorganisation, la clarification et l'amélioration de l'encadrement législatif de différents types de recherches, notamment celles sur les gamètes ou les embryons, qu'elles soient conduites dans le cadre d'un processus d'assistance médicale à la procréation ou, hors AMP, sur des embryons n'ayant pas vocation à être implantés.

À ce sujet, je rappelle que toute création d'embryon à des fins de recherche est strictement interdite. Il s'agit d'un principe fondamental, inscrit dans la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine, que le projet de loi tend à clarifier et à solidifier. Les recherches sont donc conduites sur des embryons qui ont été conçus en vue d'une AMP mais qui ne font plus l'objet d'un projet parental. Le texte fixe une limite de conservation de ces embryons à quatorze jours, c'est-à-dire qu'il est mis fin à leur développement in vitro dans le cadre d'une recherche au plus tard le quatorzième jour après leur constitution.

Les recherches sur les cellules souches embryonnaires, qui ne sont pas des embryons et n'ont nullement vocation à le devenir, ne relèvent pas des mêmes enjeux éthiques. Quant aux cellules souches pluripotentes induites, dites cellules IPS, il s'agit de cellules adultes que l'on a reprogrammées génétiquement pour les rendre pluripotentes et non totipotentes, c'est-à-dire capables de se multiplier à l'infini et de se différencier dans différents types cellulaires. Elles composent un organisme adulte tout en étant incapables de redonner un individu.

Sur ces deux derniers types de recherches, les articles 14 et 15 prévoient un mode d'encadrement similaire, avec une déclaration à l'Agence de la biomédecine pour les recherches hautement sensibles. Je reviendrai sur certains ajustements introduits par le Sénat dans ces deux articles, qui tendent à déséquilibrer le dispositif et à imposer des limites inadéquates.

Ce n'est toutefois pas le cas pour l'article 16, qui prévoit les modalités de consentement quant au devenir des embryons et que je proposerai d'adopter conforme.

Enfin, le Sénat a décidé de supprimer l'article 17, qui modifie l'article L. 2151-2 du code de la santé publique et l'article 16-4 du code civil pour sécuriser les recherches effectuées dans un cadre in vitro, impliquant une modification ciblée du génome, redéfinir et interdire strictement la modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces et mettre fin aux restrictions de finalité de ces recherches portant sur les maladies. Par cette suppression, le Sénat a déséquilibré l'architecture de l'encadrement de ces différentes recherches. Je proposerai donc de rétablir l'article 17.

L'importance du titre IV tient à ce qu'il établit l'équilibre entre progrès de la science et respect de nos principes éthiques.

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Certains des articles dont je suis rapporteur ont donné lieu à des débats passionnés au Sénat, comme cela avait été le cas à l'Assemblée. Sur de nombreux sujets d'une grande importance, je vous proposerai toutefois de revenir à la rédaction du texte issu de l'Assemblée. C'est notamment le cas pour ce qui concerne le dépistage néonatal.

Alors que nous avions fait le choix de maintenir le juste équilibre du droit existant, le Sénat l'a bouleversé, en introduisant un article 19 quater tendant à systématiser le dépistage de maladies à partir de tests exclusivement génétiques. Ceci n'est pas souhaitable.

Contre l'avis de sa commission, le Sénat a également adopté les articles 22 bis et 22 ter, qui ont pour point commun de ne reposer sur aucune indication thérapeutique validée, et d'ouvrir la porte à des pratiques commerciales extrêmement lucratives, fondées sur des illusions et rompant avec tout principe de solidarité, puisqu'elles ne seraient pas remboursées.

L'article 22 bis propose ainsi de systématiser l'autoconservation des cellules, en amont de certains traitements, ce qui, médicalement, pose problème. Pourtant, en l'état actuel du droit, rien n'empêche un établissement autorisé de prélever et de conserver les cellules d'un patient, à partir desquelles il développera des médicaments de thérapie innovante. Toutefois, il faut que l'intérêt de cette pratique ait été validé. La Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire a d'ailleurs réaffirmé sa ferme opposition à l'article 22 bis, qui « introduirait une logique de commercialisation de produits de thérapie cellulaire ».

Pour ce qui concerne la conservation du sang de cordon, c'est encore pire. Des banques privées de sang de cordon existent déjà dans certains pays, tels le Royaume-Uni ou le Canada. Selon les pays, le coût d'une conservation de sang de cordon sur vingt ans varie de 1 000 à 3 500 euros. Aujourd'hui, aucune donnée scientifique ne montre qu'il est utile de conserver le sang de cordon de son enfant dans une perspective de médecine régénérative.

Mais quel parent qui aurait les moyens de payer ces sommes ne le ferait pas, si on lui faisait croire – alors même qu'aucune pathologie n'a été déterminée pour laquelle cette conservation serait utile – que cela pourra un jour sauver son enfant ? Pire encore, cela détournerait ces dons des banques publiques allogéniques, avec pour conséquence une diminution du nombre de greffons et de leur diversité pour les malades qui en ont vraiment besoin.

Ces trois articles additionnels ne s'inscrivent pas dans la philosophie humaniste et scientifique qui doit sous-tendre ce projet.

Sur d'autres sujets, j'espère que la deuxième lecture nous permettra d'améliorer encore le texte. C'est notamment le cas de l'article 21 bis relatif à la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital. Comme je m'y étais engagé lors de nos débats en première lecture, j'ai étudié ce sujet sensible dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). J'ai auditionné des médecins spécialistes du sujet, des associations de patients et des juristes, ce qui m'a permis de voir comment l'article 21 bis pouvait être précisé et amélioré.

En particulier, une difficulté est liée à l'inscription du sexe à l'état-civil pour la prise en charge de ces enfants. Lors de la première lecture, en séance, nous avions principalement évoqué le délai de déclaration à l'état-civil, dont l'allongement peut faire peser une pression moindre pour l'assignation d'un sexe. Dans mes auditions, j'ai noté que le principal problème était la difficulté à rectifier éventuellement le sexe à la suite de la première déclaration. Je présenterai donc un amendement visant à répondre à ces deux questions.

Enfin, je me réjouis de la suppression par le Sénat de l'article 19 bis A, malencontreusement adopté par notre assemblée en première lecture. Cela ne réglera malheureusement pas les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA). J'ai donc déposé un amendement afin de rendre véritablement possible la pratique de cette technique, qui doit évidemment rester limitée à des situations exceptionnelles.

Sur ce sujet comme sur les autres, je ne doute pas que les débats que nous aurons seront aussi passionnés et passionnants qu'ils l'ont été en première lecture.

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Le Sénat a apporté de nombreuses modifications aux articles 29 A à 34. Je ne détaillerai que les plus significatives.

Le Sénat a tout simplement supprimé l'article 29 A, qui crée la délégation parlementaire à la bioéthique. Convaincue, comme nombre d'entre vous, de l'intérêt de cette délégation, je vous en propose le rétablissement. La délégation permettra d'exercer une veille permanente, à même de conduire une réflexion continue sur les sujets liés à la bioéthique, de favoriser l'appropriation par les parlementaires de ces sujets complexes, d'accroître leur expertise en la matière, d'être saisie de projets ou de propositions de loi ayant un lien avec la bioéthique et d'assurer le suivi de l'application de la loi.

À l'article 30, relatif à l'Agence de la biomédecine, le Sénat a procédé à plusieurs modifications, parmi lesquelles l'introduction d'une logique de pondération au sein du conseil d'administration de l'Agence, entre le collège des représentants de l'État et des institutions et le collège des personnalités qualifiées, des représentants d'associations et des représentants du personnel. Il a également introduit dans le rapport annuel de l'Agence une analyse des décisions d'opposition à certains protocoles de recherche sur les cellules souches ainsi qu'une évaluation des modifications législatives et réglementaires qui pourraient être envisagées dans les domaines relevant de sa compétence.

Je vous proposerai de revenir sur ces modifications, d'une part, en rétablissant les dispositions relatives à la composition du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale en première lecture, afin de garder une forme de flexibilité et d'éviter la rigidification voulue par le Sénat ; d'autre part, en supprimant les ajouts au rapport annuel de l'Agence, qui s'avèrent redondants.

S'agissant de l'article 31, le Sénat a supprimé l'habilitation à légiférer par ordonnance sur les investigations cliniques dans le domaine des dispositifs médicaux. Je vous propose de revenir sur ce point, car il m'apparaît justifié, au regard des délais et du caractère particulièrement technique de la matière, de recourir à une telle habilitation pour adapter le code de la santé publique au règlement européen relatif aux dispositifs médicaux.

Je propose d'adopter conforme l'article 32 relatif au délai de réexamen des lois de bioéthique.

Enfin, le Sénat a supprimé les demandes de rapports que l'Assemblée nationale avait prévues aux articles 33 et 34. Je vous propose de les rétablir, car nous devons pouvoir disposer d'un état des lieux du stock de gamètes ainsi que d'un bilan de l'organisation des prélèvements d'organes et de tissus.

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Au nom du groupe La République en marche, je suis très heureuse que ce texte revienne aussi vite pour être examiné par notre commission spéciale en deuxième lecture. Il n'est pas un projet pour plus tard mais un projet d'avenir, pour toutes les familles, qui leur donne la possibilité même d'exister. Il pose aussi la question de l'avenir de notre recherche.

En poursuivant la révision des lois de bioéthique, nous nous interrogeons à nouveau sur une question essentielle : le progrès scientifique est-il conciliable avec nos principes éthiques ? Cette procédure nous permet d'adapter notre droit avec mesure, recul et expertise, dans l'intérêt de la personne humaine.

Le texte que nous avons adopté en première lecture a étendu des droits existants et en a accordé de nouveaux. Dans notre commission spéciale, personne n'a cédé aux postures faciles. Des différences existent, bien sûr, mais le cadre intense et respectueux de nos débats a été essentiel, pour aboutir à un texte équilibré.

Le Sénat a toutefois choisi d'opérer un retour en arrière, fragilisant de fait l'équilibre sage que nous avions atteint. Que dirait-on d'une société qui ne crée de droits nouveaux que pour les plus riches ? Un droit qui ne serait accessible qu'à quelques-unes, en raison de leurs revenus, n'est pas un droit effectif. Nous devons rétablir la prise en charge de la PMA par l'assurance maladie.

Quant à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, elle doit se faire sans aucune distinction, ni d'orientation sexuelle, ni de statut matrimonial. Le critère d'infertilité pathologique, introduit au Sénat, recrée une injustice dans un droit nouveau, d'autant que les protocoles d'aide médicale à la procréation n'ont jamais guéri l'infertilité.

Avec ce texte, nous posons aussi des limites. Nous disons avec fermeté ce que nous ne souhaitons pas ouvrir. Nous l'avons d'ailleurs clairement redit, s'agissant de la gestation pour le compte d'autrui (GPA).

En ce qui concerne la PMA post mortem et le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A), nous avons fait le choix, après des débats nourris, de prendre en compte, au-delà de l'intérêt individuel, leur incidence sur l'ensemble de la société.

Cet équilibre me semble essentiel. Nul doute que de nouveaux débats s'ouvriront sur ces sujets. Je reste très attachée à la ligne de crête que nous avons trouvée en première lecture, qui permet d'éviter toute dérive marchande du corps humain et de prévenir de toute dérive eugénique.

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Notre monde est en pleine mutation avec l'accélération des connaissances et les réalités sociales d'aujourd'hui. Il nous rappelle combien éthique et juridique sont indissociables, et nous interroge sur notre propre humanité et notre relation au vivant. Le champ des possibles s'élargit et de nouveaux espoirs se font jour. En qualité de législateurs, avec vigilance et responsabilité, il nous faut donc répondre à des enjeux complexes dans le respect des invariants éthiques.

Dès janvier 2018, de nombreux acteurs se sont mobilisés pour participer au débat, sous l'égide du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Ils ont éclairé le travail parlementaire, du simple citoyen aux sociétés savantes. La qualité des débats, dans nos différences d'appréciation, vous honore, chers collègues.

Si l'ouverture de l'AMP sans discrimination répond à un projet parental, un projet d'amour, d'autres enjeux appellent à légiférer. Ainsi, concernant le don de sang, s'il faut rappeler le principe absolu de non-discrimination, il est également important de ménager la compétence du ministère des solidarités et de la santé, en renvoyant au pouvoir réglementaire, si des circonstances exceptionnelles le justifiaient. De même, la baisse de 25 % des greffes lors du confinement, au-delà des solidarités qui, partout, ont fleuri, nous conforte dans le choix de favoriser le recours au don croisé d'organes.

Faire confiance à la communauté médicale, c'est lui donner des possibilités de recherche dans le cadre d'une finalité médicale, car il ne faut pas insulter l'avenir. Sans créer un fol espoir, il faut encadrer les travaux de recherche, pour éviter toute dérive eugéniste.

Soumettre à simple déclaration la recherche sur les cellules souches pluripotentes quand la recherche sur les embryons surnuméraires reste soumise à autorisation est essentiel. Lever l'interdiction de recherche sur des embryons transgéniques ouvre des voies de recherche, tout en interdisant tout clonage reproductif, dans le respect de la convention d'Oviedo.

L'intelligence artificielle a été un soutien essentiel lors de la crise sanitaire. Elle doit rester un outil soumis à la garantie humaine, nécessitant le consentement éclairé du patient.

Ne nourrissons pas pour autant un sentiment de toute-puissance, car une société n'est digne qu'à travers la reconnaissance de ses fragilités. Aujourd'hui, l'éthique est mise au défi de la dimension internationale et de la mondialisation des pratiques. Réviser la loi tous les cinq ans, face à l'accélération des connaissances, ne doit pas faire l'économie d'un débat futur sur l'intérêt d'une éthique européenne commune.

Mes chers collègues, soyons fiers du travail accompli et réaffirmons, comme en première lecture, notre adhésion au projet de loi relatif à la bioéthique.

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J'interviens en tant qu'orateur du groupe Les Républicains mais je n'ai pas la prétention d'exprimer l'ensemble des opinions de mes collègues. Mon objectif n'est que de soulever les enjeux éthiques qu'impliquent, selon moi, les mesures proposées. Les questions abordées touchant à l'intime, aux valeurs et aux convictions de chacun, les députés LR auront à nouveau une liberté absolue de vote. Chacun s'exprimera en conscience sur ces sujets.

Permettez-moi de vous faire part de ma sidération devant le choix du Gouvernement et de sa majorité, dans le contexte actuel, d'inscrire en priorité la révision des lois de bioéthique à l'ordre du jour de notre assemblée. Cela participera-t-il à l'unité nationale, revendiquée par le Président de la République ? J'en doute. Le projet de loi divise les Français. Selon un récent sondage, 70 % d'entre eux ne sont pas favorables à son inscription à l'ordre du jour.

Est-il la préoccupation majeure des Français ? J'en doute aussi : il l'est pour 1 % des Français, selon ce même sondage.

Est-ce pour le Gouvernement un moyen de faire diversion, alors que la crise économique inquiète, que le Ségur de la santé engendre des mécontentements légitimes, que la commission d'enquête révèle une mauvaise gestion du risque épidémique depuis 2012 ? Les Français ne sont pas dupes. Avec un délai aussi court entre les examens en commission et en séance, répétant les erreurs du passé, vous ne créez pas les conditions d'un débat apaisé.

Pourtant, ne devrions-nous pas rechercher le consensus autour de principes bioéthiques qui rassemblent les Français, et réfléchir à rendre encore plus effectifs, demain, les principes de gratuité, de consentement libre et éclairé ainsi que de respect dû au corps humain et à la dignité de chaque personne ?

Cela demande du temps et du respect, y compris des parlementaires. Nous venons de vivre une crise inédite, qui a posé des questions éthiques. Au lieu de nous précipiter à examiner ce projet de loi relatif à la bioéthique, ne devrions-nous pas prendre du recul ?

D'une part, la pénurie de ressources – masques, blouses, gants, réactifs – durant la crise du covid-19 devrait nous faire réfléchir sur le monde d'après. Le Comité consultatif national d'éthique avait d'ailleurs évoqué l'enjeu national des priorités à définir, quand les ressources sont limitées. Les motifs thérapeutiques primeront-ils demain ? Ferons-nous prévaloir l'éthique de la vulnérabilité dans l'examen des changements souhaités par votre majorité ? Ainsi, les dispositions de votre projet pourraient accroître des tensions marchandes, augmentant par exemple le risque de rendre ineffectif le principe de gratuité.

D'autre part, la crise sanitaire que nous venons de vivre a souligné notre attachement aux libertés et au respect de la vie privée. Les dispositions de ce projet de loi relativiseront-elles la notion de consentement libre et éclairé ?

Enfin, cette réflexion sur le monde d'après nous appelle à nous interroger sur notre rapport à la nature humaine, au temps et au travail. À l'heure où l'écologie devient une préoccupation pour un nombre croissant de Français, ne devrions-nous pas mieux respecter la nature humaine, en privilégiant la procréation naturelle, plutôt qu'artificielle, dans nos politiques publiques, en particulier la politique familiale ?

Nous avions évoqué ces enjeux il y a neuf mois. Depuis octobre, quelles mesures ont été prises pour préserver la fertilité, améliorer la politique familiale, sanctionner le tourisme procréatif ou transplantatoire ? Rien ou presque. En bioéthique, c'est pourtant l'effectivité des principes qui compte.

En conclusion, il me reste à espérer que nous fassions preuve d'audace afin de tenter de réguler des techniques qui, dans leurs excès, peuvent se révéler irrespectueuses de la dignité humaine. Surtout, il faut que nous ayons la volonté indéfectible de défendre les plus vulnérables et de leur donner la priorité. Jusqu'à maintenant, la France avait toujours su défendre une certaine idée de la personne humaine. Il faudrait que nos débats, dans le respect, lui permettent de garder ce cap essentiel d'une bioéthique exigeante, ce que ne fait pas ce texte, pour l'instant.

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Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés se félicite du retour de ce projet de loi en deuxième lecture, malgré le contexte actuel. Conscient des priorités, la poursuite de la révision des lois de bioéthique lui apparaît comme une nécessité absolue au regard de l'attente qu'elle suscite tant dans la société civile que dans la communauté scientifique que nous devons soutenir et sécuriser, sans nous immiscer dans son fonctionnement.

Retrouver les avancées de la première lecture, comme l'ouverture de l'AMP à toutes les femmes, alors que certaines sont contraintes de se rendre dans les pays voisins de la France aux législations plus ouvertes, ou l'autoconservation ovocytaire, nécessaire dans une société où les femmes, qui doivent avoir une bonne connaissance de l'évolution naturelle de leur fertilité, s'engagent plus tardivement dans la maternité, nous semble nécessaire.

Ce texte permettra également à chaque enfant né d'un don d'accéder, à sa majorité et s'il le souhaite, à ses origines.

Si elles ne satisfont pas tout le monde, ces évolutions sociales et naturelles doivent être accompagnées par le législateur compte tenu de son devoir vis-à-vis des générations à naître, dont chaque membre doit se retrouver dans notre belle devise : son inscription à l'état-civil doit lui apporter égale reconnaissance et protection quel que soit son mode de conception, ce qui implique notamment de sécuriser l'établissement des filiations.

Si la première partie du projet de loi consacrée à la PMA monopolise l'attention, il traite également de la transcription dans notre droit de progrès et de découvertes scientifiques : je pense notamment aux articles favorisant, dans un cadre strict, les avancées concernant les cellules-souches embryonnaires.

Nos débats sur cette question ont mis en lumière la robustesse de nos garde-fous qui ne font pas obstacle à une recherche ambitieuse et éthique. Le groupe MODEM accordera donc un grand intérêt aux dépistages néonataux, notre assemblée ayant, en première lecture, choisi le statu quo et le Sénat ayant proposé des avancées notables que nous chercherons à maintenir et à compléter compte tenu de leur potentiel thérapeutique et médical. Notre ambition en la matière demeure intacte : mieux dépister et mieux diagnostiquer pour que chacun dispose des mêmes chances dès la naissance.

Notre groupe participera pleinement au débat qui s'ouvre aujourd'hui, avec le même mot d'ordre qu'à l'automne dernier : respect, en particulier des opinions, de la dignité et du droit républicain.

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Le groupe Socialistes et apparentés porte un regard ambivalent sur le projet de loi qui nous revient du Sénat : s'il regrette de nets reculs, en particulier s'agissant du titre premier, il se réjouit de certains de ses apports sur d'autres.

Conforme à sa philosophie ouverte, il pourrait cependant se montrer plus ambitieux sur certains sujets. Si nous nous sommes félicités de l'égalité de prise en charge des tentatives de PMA par la sécurité sociale, nous ne pouvons que regretter la réintroduction d'un critère d'infertilité pathologique qui aurait pour conséquence une inégalité devant le projet parental. Or nous devons assurer à toutes et à tous un égal accès à la PMA : nous proposerons d'atteindre cet objectif par voie d'amendement.

Nous regrettons également la suppression en séance publique au Sénat de l'expérimentation relative au diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies, dans la mesure où une analyse chromosomique nous permet aujourd'hui de déterminer la viabilité des embryons : nous devons donc y recourir largement – nous proposerons des amendements en ce sens – afin de réduire drastiquement le nombre d'interruptions médicales de grossesse, de fausses couches ou de grossesses gémellaires tout en améliorant le taux de réussite des fécondations in vitro (FIV).

Par ailleurs, le projet de loi initial prévoyait l'autoconservation des gamètes pour les femmes – seulement à partir de 30 ou 32 ans – comme pour les hommes : nous soutenons cette avancée et regrettons sa suppression par le Sénat. Restant fidèles à l'ouverture d'esprit montrée par le projet de loi, nous proposerons d'ouvrir l'autoconservation dès l'âge de 18 ans.

Enfin, il faut répondre à la question de la PMA post mortem : dès lors qu'une femme seule peut y recourir grâce à un tiers donneur, rien ne justifie qu'une veuve dont le défunt mari a autorisé l'usage de ses gamètes ne puisse poursuivre son projet parental. Les législations de pays frontaliers inspireront nos propositions en matière de délais : il serait injuste qu'une femme endeuillée doive donner ou détruire les embryons conçus avec son compagnon. Nous débattrons donc de plusieurs situations envisageables.

Les difficultés, accrues au cours du confinement, désormais bien identifiées et rencontrées par un trop grand nombre de femmes en matière d'accès à l'IVG ainsi qu'à l'IMG le montrent : il y a urgence à agir. Ce texte constitue à cet égard une occasion unique. Les avancées possibles y trouveront, je l'espère, un écho afin de répondre à leur détresse.

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Il y a quelque chose de choquant et même d'indécent à ce que le Gouvernement et la majorité choisissent de réinscrire ce projet de loi alors que nous sortons à peine de la crise sanitaire et que ses conséquences économiques et sociales frappent extrêmement durement nos entreprises, nos artisans, nos commerçants, nos salariés qui s'inquiètent pour leur emploi.

Parmi les dispositions très discutées de ce texte, l'extension de l'AMP aux femmes seules et aux couples de femmes n'est en rien une mesure bioéthique : elle traduit un choix politique destiné à satisfaire des groupes d'intérêts particuliers, sûrement pas l'intérêt général. L'examen de ce projet de loi aurait dû avoir lieu voilà plus de deux ans, mais il a été différé sous prétexte de concertation supplémentaire sur un certain nombre d'éléments. Or rien aujourd'hui n'a changé, et l'état du droit n'empêche pas le développement de la recherche dans nombre de domaines. Un choix politique fait donc que ce texte n'a rien à voir avec les débats propres aux lois de bioéthique telles que nous les concevons depuis 1996.

D'ailleurs, le contraste est assez fort entre la volonté affirmée d'ouvrir des droits nouveaux au nom de l'égalité sociale, et les restrictions de liberté que nos concitoyens ont connues pendant l'état d'urgence, et que le Gouvernement s'apprête d'ailleurs à prolonger au nom de la sécurité sanitaire.

La crise a montré que le politique doit primer sur une espèce de scientisme généralisé imposant de suivre toute nouvelle forme d'expérimentation. Nous avons vu les pouvoirs publics, et le Gouvernement le premier, justifier leurs décisions politiques en se retranchant derrière de pseudo-avis scientifiques. Or, sur chaque sujet – le port du masque, les tests, l'efficacité de la chloroquine –, ils se sont révélés si contradictoires et polémiques qu'on voit bien qu'à la fin, c'est le politique qui doit décider.

Le Sénat a certes pu apporter des éléments qui vont dans le bon sens, mais je continue à considérer qu'il n'était pas nécessaire d'inscrire ce débat à l'ordre du jour maintenant.

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L'épidémie de Covid-19 aura eu des conséquences importantes sur tous les pans de notre société, dont celle de retarder l'adoption de ce projet de loi et donc l'accès à une demande légitime et de longue date : l'ouverture des techniques d'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules.

Les rendez-vous sur les sujets de bioéthique sont si rares et espacés – la dernière révision remonte à neuf ans – que nous courons à chaque fois le risque d'adopter un texte trop rapidement obsolète, tant les techniques scientifiques et médicales évoluent rapidement. Aussi était-il nécessaire, en dépit du contexte exceptionnel, de procéder à la deuxième lecture de ce texte dans notre assemblée, d'autant plus que le Sénat nous en a transmis une version bien différente de celle adoptée ici en première lecture.

Je ne peux ainsi que regretter les mesures qu'il a introduites s'agissant de l'ouverture de l'AMP, qui n'assurent pas suffisamment l'égalité d'accès de toutes les femmes. J'ai bon espoir que nos travaux permettent de revenir sur la non-prise en charge par la sécurité sociale pour toutes les femmes ainsi que sur le maintien du strict critère médical et pathologique. L'infertilité ou l'incapacité d'avoir des enfants est un sujet très complexe, qui ne peut être réduit à des considérations médicales. Elle nécessite, en revanche, d'organiser une véritable politique de lutte au travers des campagnes nationales d'information et de prévention. Tel sera l'objet d'un amendement transpartisan que vous défendrez, madame la présidente, et que nous soutiendrons.

Il est également impératif de revenir sur l'interdiction du double don de gamètes. On ne peut ouvrir l'accès à l'AMP sans garantir et améliorer son efficacité. C'est d'autant plus vrai que l'épidémie de Covid-19 l'a brutalement interrompue, allongeant encore davantage les délais.

Le texte ne traite pas suffisamment des enjeux relatifs à la qualité des techniques. L'AMP peut être un véritable parcours du combattant, une épreuve faite de souffrance, de douleur et de déception, et il ne faut donc pas passer à côté d'une occasion d'améliorer l'accès à cette assistance en réduisant notamment les inégalités territoriales. Notre groupe fera des propositions en ce sens.

S'agissant des modes de filiation, les dispositions introduites au Sénat sont incohérentes avec l'ambition du texte. Nous reviendrons sur l'extension du droit commun aux couples de femmes, à laquelle je suis favorable.

Il nous faudra également poursuivre nos discussions sur la recherche sur l'embryon, les cellules-souches ou encore les tests génétiques. Une attention particulière doit enfin être portée aux conditions d'accès aux interventions volontaires ou médicales de grossesse, la crise sanitaire ayant, encore une fois, mis en lumière leurs difficultés à cet égard.

Nous espérons sincèrement que nos débats seront, comme en première lecture, dignes, respectueux et à la hauteur des enjeux afin que nous puissions avancer ensemble en veillant toujours à ce que l'humain et le patient restent au centre de notre réflexion.

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Je me réjouis que le projet de loi relatif à la bioéthique revienne en deuxième lecture, car il est attendu par nombre de nos concitoyens.

Il va nous falloir revenir sur l'œuvre réactionnaire du Sénat : le texte qu'il a adopté n'est pas acceptable, et d'abord au regard du déremboursement de la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires. Une telle discrimination selon l'orientation sexuelle est une honte ! Nous serons nombreux, je pense, à voter pour le rétablissement de l'égalité entre tous les couples.

Le Sénat a également supprimé les garanties de non-discrimination fondée sur le genre ou l'orientation sexuelle lors de l'entretien avec le médecin, et jugé bon d'inscrire dans la loi que nul n'aurait de droit à l'enfant. C'est bien inutile puisque personne ne prétend qu'un tel droit existe et que celui-ci n'est inscrit nulle part. Contrairement à sa tradition, le Sénat fait bavarder la loi.

Revenir sur les absurdités que le Sénat a introduites ne sera pas suffisant. La question de la PMA a longuement occupé nos débats ; or elle a trait à l'égalité et non à la bioéthique, à laquelle nous devrions consacrer plus de temps. Mais puisque le Gouvernement a décidé de l'intégrer au projet de loi relatif à la bioéthique, il ne faut pas nous arrêter en chemin. Nous devons ouvrir à toutes les femmes la possibilité de recourir à cette technique, et, surtout, consacrer l'égalité.

L'égalité doit être notre boussole ; la simple application des principes républicains doit nous guider. L'égalité est une idée très simple, que tout le monde comprend ; le principe est énoncé dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : la loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Aussi n'est-il pas utile d'inventer des circonvolutions, des dérogations et des systèmes complexes – et surtout payants – qui constituent autant d'occasions de limiter l'accès à la PMA.

Les couples hétérosexuels peuvent d'ores et déjà y recourir ; il s'agit juste de l'ouvrir à toute personne en capacité de porter un enfant. La PMA avec don de gamètes existe déjà ; il suffit de l'étendre à toutes les personnes en faisant la demande. La filiation sécurisée avec un parent qui n'est pas le parent biologique existe déjà ; il suffit de l'étendre à toutes les personnes engagées dans un parcours de PMA.

L'égalité simplifie la loi comme la vie de tout le monde. Elle vaut pour les couples de femmes, les femmes célibataires mais aussi pour les personnes transgenres qui demeurent victimes d'une discrimination. Dans un rapport récemment publié, le Défenseur des droits rappelle s'être déjà prononcé en faveur de l'autoconservation des gamètes des personnes transgenres dans la perspective d'un futur projet parental. Quel sens y aurait-il à autoriser une personne à conserver ses gamètes pour lui interdire de s'en servir ensuite ? Les hommes transgenres doivent également pouvoir accéder à la PMA : pourquoi la leur interdire alors qu'avant leur changement de genre à l'état-civil ils y avaient droit ? Pourquoi les contraindre à choisir entre un état-civil correspondant à leur identité de genre et la possibilité de porter un enfant ?

Il nous faudra également revenir sur les personnes intersexes : depuis la première lecture, le CCNE a rendu un avis allant dans le sens d'une interdiction des opérations non consenties, qui sont des mutilations. Je regrette que nombre de nos amendements sur ce point aient été déclarés irrecevables alors que tant l'avis du CCNE que le rapport de la fondation Jean Jaurès, en lien avec la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), et celui de l'OCDE ont été publiés depuis la première lecture. De simples questions de procédure devraient-elles nous empêcher de revenir sur ces sujets alors que nous devrions pleinement en débattre ?

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C'est avec soulagement que les députés du groupe Écologie démocratie et solidarité retrouvent les travaux de la commission spéciale, réclamés tant sur nos bancs que dans la société civile. L'urgence est bien réelle.

À la faveur de l'épidémie, chaque Française et chaque Français a été amené à s'interroger sur l'essentiel : l'accès aux soins ou aux techniques médicales dont font partie l'IVG ou la PMA, l'émancipation et la construction des enfants au sein des familles, l'adversité comme les inégalités accentuées par le confinement, qu'il a fallu surmonter. Le projet de loi doit traiter un certain nombre de ces sujets, d'abord en accordant le même droit à la PMA prise en charge par la sécurité sociale à toutes les personnes. Les femmes en couple hétérosexuel accèdent depuis maintenant plus de trente-cinq ans à cette technique, qui aide à faire naître plus de 24 000 enfants chaque année. Les autres n'en ont pas le droit parce que célibataires ou en couple lesbien, et elles en souffrent car elles ont de l'amour à donner à un enfant.

Leur souffrance est telle qu'elles sont prêtes à partir à l'étranger – au Portugal ou aux Pays-Bas –, à se surendetter, à mettre en jeu leur propre santé et celle de leur future progéniture pour subir des actes médicaux ; elles pratiquent parfois des PMA dites artisanales, en s'inséminant, en dehors de tout cadre médical, du sperme acheté sur internet ou en trouvant un géniteur d'un soir. Elles peinent ensuite à se voir reconnaître comme parent de leur enfant, l'exposant ainsi à l'insécurité juridique la plus totale. Tous ces risques sont absolument insupportables. En ce mois des fiertés, nous devons apporter aux femmes et aux hommes transgenres, ainsi qu'à leurs enfants, la même sécurité et la même considération qu'aux autres, sans hiérarchie aucune.

Je ne peux, à cet instant, m'empêcher d'avoir une pensée pour toutes les personnes que j'ai rencontrées, dont le parcours de PMA s'est interrompu brutalement durant la période de confinement et qui ont ainsi perdu toute chance de fonder une famille. Elles ne forment pas, cher collègue Brindeau, un groupe d'intérêt particulier ; ce sont simplement des êtres humains. Pour la bonne tenue de nos échanges, il serait bon de ne pas employer des expressions qui renvoient aux heures les plus sombres de notre histoire.

La deuxième lecture que nous entamons doit nous permettre de débattre de sujets non consensuels qui sont au cœur de l'humanité. Je pense à la nécessité d'offrir un mode d'établissement de la filiation digne pour chaque enfant, indépendamment de son mode de procréation – charnelle, médicalement assistée ou en gestation pour autrui.

Il sera également nécessaire d'assurer la plus forte probabilité de succès aux techniques médicales de procréation en autorisant le DPI-A et la réception des ovocytes de la partenaire (ROPA). L'humain devra être placé au centre de notre réflexion, et nous devrons nous en remettre à son jugement éclairé et indépendant pour maîtriser de bout en bout nos capacités de procréation. Cela supposera d'autoriser l'autoconservation des ovocytes et la PMA post mortem.

Au sein des nombreux sujets à traiter, notre boussole devra être celle de l'égalité et du libre arbitre, composantes fondamentales de notre démocratie.

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Le groupe Agir ensemble se réjouit que ce texte revienne aujourd'hui en deuxième lecture.

J'entends dire que ce ne serait pas le bon moment, qu'il faudrait se concentrer sur les sujets sanitaires, économiques et sociaux. Permettez-moi de ne pas être d'accord. Si l'urgence sanitaire, économique et sociale doit mobiliser nos énergies, le Parlement doit néanmoins continuer à travailler parce que le monde ne s'est pas arrêté de tourner pendant la crise du coronavirus et que nous vivons des révolutions technologiques majeures. Elles touchent à l'intelligence artificielle, aux nanotechnologies, aux biotechnologies et aux neurotechnologies, et peuvent changer la conception même que nous avons de l'être humain. Il est donc nécessaire qu'en tant que législateurs, nous accordions le droit aux évolutions de la technique et que nous posions les barrières adaptées à notre société : c'est ce qu'on appelle l'éthique, raison d'être de ce projet de loi.

Je suis stupéfait de voir comment, dans notre pays, on peut débattre de manière totalement polémique et irrationnelle des effets des systèmes de télécommunications de cinquième génération – allant jusqu'à raconter qu'ils auraient propagé le Covid-19 – et s'intéresser si peu à la connexion du cerveau humain à la machine – des techniques d'imagerie pourraient demain lire dans les pensées et être utilisées comme moyen de preuve contre soi-même devant la justice –, à l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les décisions de santé ou à certaines applications neurotechnologiques permettant de stimuler de certaines facultés cérébrales. Ce sont autant de sujets qui me paraissent aussi importants que ceux que soulève la PMA. Celle-ci représente certes une avancée importante de ce projet de loi relatif à la bioéthique, mais ce n'est pas la seule.

Nous ne serons pas toujours d'accord, y compris au sein de notre groupe où nous respecterons la liberté de vote et de conscience, mais nous devons être heureux de discuter de sujets d'une telle importance. Je suis persuadé que nous saurons le faire dans le respect mutuel et en garantissant au mieux les intérêts de la personne humaine. C'est notre devoir,

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Il est bon que nous puissions aller au bout de ce débat en faisant perdurer l'atmosphère d'écoute et la profondeur qui ont prévalu en première lecture.

Toutes et tous, nous ne pouvons qu'être saisis d'une forme de vertige devant les questions qui nous sont posées de manière un peu radicale : qui sommes-nous ? Quels humains voulons-nous être ? De tels questionnements devraient nous assaillir beaucoup plus largement que sur le seul sujet de ce texte, car nous y sommes renvoyés lorsque nous parlons de climat, de santé ou de travail. Notre réflexion dans ce débat est guidée par le respect de tout humain et de tout l'humain, les deux étant inséparables. Il y a là un chemin de crête à trouver pour répondre le mieux possible à toutes ces questions.

Nous sommes face à des responsabilités importantes, la première étant d'écarter la loi de l'argent, de l'empêcher de s'insinuer partout – dans les processus de décision, dans le développement de certaines possibilités –, car cela fait de nous de simples marchandises. Nous devons à tout prix écarter l'argent du champ de la bioéthique. C'est la raison pour laquelle nous sommes très attachés au respect du don dans toutes ses dimensions.

Nous sommes évidemment favorables à la reconnaissance et à l'accompagnement des évolutions des structures familiales, comme à la réaffirmation du droit de toutes les femmes d'accéder à une assistance possible à la réalisation de leur projet familial. La société se doit de les accompagner au mieux. Il faut aller au bout de l'avancée en cours, car elle répond à des désirs et à des attentes, tout en faisant, sur ce sujet comme sur tous les autres, un sensible travail d'élucidation du sens.

Nous devons aussi évaluer des questions lourdes liées à la génétique, à l'utilisation des données et à ces fameux tests qui se développent. Nous ne devons pas nous arroger le droit de décider qui a le droit de vivre en édictant une sorte de norme, car cela nous entraînerait sur des terrains extrêmement glissants – et dangereux.

Le pouvoir acquis par l'humanité sur la vie elle-même interroge notre devenir. Cette question essentielle est revenue en force à la faveur des événements qui nous ont touchés durant cette crise. Ne faire de l'humain ni une marchandise ni une machine, nous avons tous en tête cette quête d'humanité.

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Mon collègue Thibault Bazin a bien indiqué qu'il défendait une position ne reflétant pas celle de l'intégralité de notre groupe. Je regrette de ne disposer que d'une minute pour faire entendre une voix parmi les 25 % de notre formation qui ne s'opposent ni à l'extension de la PMA pour toutes ni au projet de loi dans son ensemble. Je suis très heureux de l'examiner en deuxième lecture.

Je m'interroge sur la possibilité d'une pénurie de gamètes, beaucoup craignant tant une monétarisation que des pressions exercées sur les donneurs en cas de don dirigé. Il suffirait de s'inspirer de ce que prévoit la loi en matière de don d'organes entre vivants. Que penseriez-vous, mesdames, messieurs les rapporteurs, d'un dispositif par lequel un couple proposerait un donneur qui alimenterait la banque de son don, ce qui réduirait les délais d'attente et augmenterait significativement les dons ?

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Alors que le pays vient de traverser une crise sanitaire très importante, le Gouvernement considère comme prioritaire l'adoption par le Parlement de son projet de loi relatif à la bioéthique qui franchit beaucoup de lignes rouges. Nous allons connaître une crise économique et sociale sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale, et il choisit de faire passer en force ce texte qui rompt des équilibres éthiques fondamentaux, qui touche à l'essence même de notre humanité.

Alors que le pays a besoin de concorde et de sérénité, le Gouvernement prend le risque fou de diviser et de créer des tensions inutiles. Pratiquant la politique politicienne, il est prêt à tout pour ressouder une majorité à la dérive, sans respecter la volonté de nos concitoyens extrêmement nombreux à considérer que ce sujet n'est pas prioritaire au regard de la crise sociale et économique.

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Nous sommes d'accord que ce texte n'est pas prioritaire lorsque 1 % seulement des Français considèrent l'extension de la PMA comme une urgence. Il va, en outre, les diviser alors que nous devrions être rassemblés pour faire face à la crise sanitaire et à la très dure crise économique et sociale des prochains mois.

Le manque de courage de l'exécutif, j'allais dire sa lâcheté, s'illustre en ce qu'il cède aux caprices du lobby de ce 1 %, sans doute surreprésenté et influent.

Le Président de la République n'a pas dit un mot, le 14 juin, sur l'extension de la PMA alors que le décret portant convocation du Parlement en session extraordinaire date du lendemain.

Par ailleurs, les ministres sont absents ce soir, alors qu'ils devraient nous expliquer quelle démarche les a conduits à réinscrire dans l'urgence ce texte à notre ordre de jour, un texte qui sera débattu dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire pendant lequel les libertés, notamment celle de manifester, sont très strictement limitées. Encore une preuve de la lâcheté de l'exécutif !

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Malgré 95 000 faillites annoncées cette année, une dette publique représentant 120 % du PIB, et sans doute 800 000 à 1 million de suppressions d'emplois cette année, malgré une crise économique d'une ampleur inconnue succédant à la crise sanitaire, vous préférez faire passer coûte que coûte votre projet de loi relatif à la bioéthique ! Peut-être pensez-vous que le « monde d'après » dont rêvent les Français ressemble à celui que vous nous concoctez, qui sera peuplé d'enfants sans père ? Si ce projet loi est censé susciter une attente, sachez que sept Français sur dix considèrent qu'il devrait être suspendu ou retiré afin que priorité soit donnée à la gestion des conséquences de la crise du coronavirus.

On les comprend : comment vouloir d'un monde où on crée légalement, de manière institutionnelle et délibérée, des enfants sans père ? Vous qui invoquez à tout bout de champ le principe de précaution, vous l'oubliez quand il s'agit des enfants. Osez nous dire qu'un enfant n'a pas besoin de père ! Osez affirmer une telle monstruosité ! Vous exigez la parité, sauf pour la filiation, et l'égalité, sauf pour les enfants dont certains connaîtront leur père, et d'autres non.

Lorsqu'au nom de ce même principe d'égalité, l'on vous soupçonne de vouloir imposer demain la GPA, vous jurez vos grands dieux qu'il n'en est rien, mais ce ne sont que mensonges !

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Nous voici réunis pour l'examen de ce projet de loi, bien que sept Français sur dix ne veuillent pas de son retour en urgence en pleine crise sanitaire, bien que les deux tiers des Français le considèrent comme une manœuvre de diversion ou une tactique électorale, bien que 53 % des électeurs d'En marche ! le considèrent comme un retour au monde d'avant.

En pleine crise sanitaire, alors que l'attention des Français se porte sur bien d'autres préoccupations prioritaires, vous nous présentez à nouveau ce projet de loi contre lequel des milliers de Français ont manifesté. Si vous voulez vraiment faire preuve de courage, demandez à la nation de s'exprimer par référendum sur ce sujet, plutôt que sur la laine de verre !

Un élément fondamental nous différencie : vous pensez que le père est une fonction ; nous pensons qu'il est un homme – je sais, c'est fou ! Vous nous construisez un monde dont une majorité d'individus ne veulent pas !

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Je me réjouis de la deuxième lecture de ce projet de loi relatif à la bioéthique. Hasard du calendrier, la mission d'information sur la politique familiale a commencé ses travaux l'année dernière, au moment où nous débutions l'examen de ce texte ; cette année, nous y revenons au moment où la mission va remettre son rapport. Celle-ci a consacré toute une partie de ses auditions aux nouvelles familles et donc au sujet complexe de la filiation.

Pour moderniser notre politique familiale, nous devons impérativement tenir compte des évolutions de notre société, au premier rang desquelles les profondes transformations des modèles familiaux depuis un siècle, afin que toutes les familles, sans exception, soient reconnues et soutenues. J'estime que l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes ou aux femmes seules est un progrès. Cependant, j'appelle à prêter une attention particulière à ces dernières, compte tenu de la difficulté sociale dans laquelle se trouvent de nombreuses familles monoparentales dans notre pays.

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Je me félicite que l'on reprenne ce texte : il n'y a pas de hiérarchie entre les sujets au Parlement. Les Françaises et les Français qui peinaient à réaliser leur projet familial n'ont pas cessé de souffrir pendant la crise sanitaire. Leur ouvrir de nouveaux droits n'en retirera à personne. La famille et le foyer ont, au contraire, été mis en avant comme des priorités pour tous les Français pendant la crise.

Je suis ravie de reprendre ces débats car ils touchent à des sujets d'avenir, tels que la génétique ou l'évolution technologique sans cesse croissante, qui interrogent les législateurs que nous sommes.

La commission spéciale en vient à l'examen des articles du projet de loi (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

titre premier élargir L'ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S'AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES

Chapitre premier Permettre aux personnes d'exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé

Avant l'article 1er A

La commission examine les amendements identiques n° 860 de M. Xavier Breton et n° 883 de M. Patrick Hetzel.

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Nous avons demandé pourquoi il n'y avait pas de représentant du Gouvernement à la tribune ce soir, mais nous n'avons pas obtenu de réponse.

L'amendement n° 860 a pour objet de supprimer l'intitulé du titre Ier. Voilà bien de la littérature ! Quand on précise « sans s'affranchir de nos principes éthiques », c'est précisément qu'il y a transgression.

Le premier principe remis en cause est celui de la gratuité : l'extension de l'assistance médicale à la procréation entraînera un business de la PMA – de nombreuses sociétés capitalistes sont déjà à l'affût. Le deuxième concerne l'anonymat du don de gamètes, qui sera levé, contredisant ainsi l'un de nos principes éthiques fondamentaux. Le troisième principe à pâtir sera la liberté du consentement. L'autoconservation des ovocytes se fera parfois sous la pression des entreprises, qui ont intérêt à ce que les femmes procréent le plus tardivement possible, comme cela se passe aux États-Unis.

Ce sont autant de principes éthiques qui sont remis en cause, alors même que le titre Ier prétend en assurer le respect. Nous vous proposons de supprimer ce titre mensonger.

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En effet, le titre est erroné : c'est clairement une fake news et le franchissement de lignes rouges. On va vers une marchandisation du corps, car la gratuité du don ne sera plus garantie. Avec des titres qui ne posent plus des notions juridiques mais relèvent davantage de la communication, le Gouvernement fait de l'enfumage, ce contre quoi nous nous insurgeons.

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Il est parfaitement légitime que certains veuillent faire entendre leur différence. Nos collègues Républicains ont indiqué qu'il n'existe pas une bioéthique unique, universelle dans le temps et dans l'espace ; toutefois, on ne peut pas nier que les progrès introduits dans ce texte reposent sur des valeurs éthiques. Même si ces valeurs ne sont pas partagées par tous, ce sont bien « nos » principes éthiques. Il est donc légitime de maintenir ce titre. Avis défavorable.

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Le groupe EDS s'opposera à cet amendement précisément pour les trois raisons évoquées par notre collègue Breton. Il ne s'agit pas de permettre le développement d'un business, mais de donner les mêmes droits à toutes les personnes en capacité de porter un enfant. Il ne s'agit pas non plus de supprimer l'anonymat prévalant entre le donneur et le receveur, mais de donner la possibilité à l'enfant né d'un don d'accéder à l'identité ou aux informations non identifiantes d'un donneur, s'il le souhaite, possibilité qui n'est en rien donnée aux parents. Par ailleurs, nous avions bien identifié, en première lecture, la pression que pourraient exercer les entreprises, raison pour laquelle nous avions adopté un amendement pour condamner fermement toute incitation ou tout concours financier des entreprises en vue de l'autoconservation des ovocytes.

En réalité, les trois points que vous avez formulés reflètent la situation actuelle : c'est l'absence d'encadrement législatif du recours à la PMA qui mène un certain nombre de familles dans des situations désastreuses. Une attitude éthique consiste justement à sécuriser les parents en facilitant les projets parentaux.

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Nous sommes là pour faire du droit. Or un tel intitulé, c'est de l'autopromotion gouvernementale. C'est d'ailleurs totalement mensonger ! Ce n'est pas comme cela que vous apaiserez les débats ! Si vous voulez que cela se passe correctement, il faut renvoyer ce texte : ce n'est pas le moment ! Le pays traverse une crise incroyable, et vous passez un texte qui intéresse moins de 1 % de nos concitoyens : c'est tout de même hallucinant !

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Plusieurs centaines de femmes ont été pénalisées pendant le confinement parce qu'elles n'ont pu avoir accès à la PMA, ou bien parce qu'elles attendaient l'ouverture du droit à la PMA. Il serait déraisonnable de les pénaliser davantage.

Ce texte aborde aussi le sujet de la transplantation d'organes. Près d'un millier de Français ont été privés d'accès à la transplantation ; certains sont décédés pendant cette période. Trouvez-vous raisonnable de ne pas étudier les moyens d'amplifier l'accès au don d'organes et à la transplantation ? Je comprends que l'on essaie de reporter aux calendes grecques une mesure dont on ne veut pas – c'est de bonne guerre –, mais il n'est pas raisonnable de retarder l'adoption d'un texte qui répond à une urgence sanitaire : notre pays a le plus grand besoin des progrès apportés par ce projet de loi.

Quant au titre, est-il mensonger ? Non !

La commission rejette les amendements n° 860 et 883.

Elle est saisie des amendements identiques n° 36 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 164 de M. Thibault Bazin.

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Le titre Ier a pour conséquence de priver un enfant de son père. Une telle volonté n'étant, par définition, pas éthique, il convient de modifier le titre pour que celui-ci colle à la réalité. On ne peut évidemment pas qualifier d'éthique un projet de loi qui prive un enfant de père et qui, au nom de l'égalité, consacrera demain la GPA et la marchandisation des ventres des femmes. Si louer un ventre ou priver délibérément, légalement, un enfant de son père est éthique, c'est que nous n'avons pas la même définition de ce mot !

J'ai entendu ce soir, à plusieurs reprises, certains députés expliquer que ce texte ne retirait aucun droit à quiconque. C'est faux : vous enlevez à l'enfant le droit d'avoir un père, et cela n'a décidément rien d'éthique !

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La sémantique est très importante et un titre ne doit pas dire l'inverse des effets que pourraient avoir les dispositions du texte. Nous devons vérifier que le contenu ne s'affranchit pas de nos principes éthiques. Vous déposez vous-mêmes des amendements, preuve que la question peut se poser.

C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer les mots « sans s'affranchir de nos principes éthiques » afin de rendre le titre plus cohérent avec le texte. Enfin, monsieur le rapporteur, vous évoquez l'urgence sanitaire mais, même en cas d'urgence, il est toujours essentiel, pour un pays comme le nôtre, de rechercher la dignité.

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C'est bien ce que nous faisons : nous recherchons la dignité pour toutes les femmes, de façon égale et sans discrimination. Je respecte parfaitement la revendication par certaines ou certains de principes éthiques différents, mais je ne vous permets pas de nier que cette loi soit rédigée au nom des principes éthiques de non-discrimination, d'égal accès et d'égalité pour toutes les femmes.

Par ailleurs, il serait dangereux d'indiquer que tout enfant qui naît a le droit à disposer d'une mère et d'un père à tout moment de sa vie. Cela ne peut figurer dans notre droit, vous le savez bien.

Vous avez toute liberté de préférer ne pas appliquer l'extension de la PMA à toutes les femmes, mais vous n'avez pas le droit de l'interdire à l'immense majorité des Français qui considèrent qu'il s'agit d'une question de justice. Oui, nous maintenons que la rédaction de cette loi repose sur des principes éthiques.

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Dans ce cas, il conviendrait de définir le mot « éthique », qui signifie « intérêt supérieur de l'individu ». Vous parliez de dignité, mais où est la dignité de l'homme quand il est réduit à ses gamètes ? Où est la dignité de la femme quand elle est réduite à son orientation sexuelle ou matrimoniale ? Où est la dignité de l'enfant ? La convention internationale des droits de l'enfant reconnaît à celui-ci le droit de connaître ses parents biologiques dès la naissance. Ce titre ne convient pas en l'état.

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Chers collègues, il faut que vous arriviez à définir ce qui est éthique ou moral. Le désir d'une femme de fonder une famille contrevient-il à votre éthique ? Certaines femmes souffrent tellement de ne pouvoir transmettre leur amour à un enfant qu'elles se rendent à l'étranger pour avoir recours à une pratique médicale non encore autorisée en France. Elles prennent des risques financiers, juridiques, sanitaires pour elles, pour leur progéniture, dans le seul but d'accomplir leur volonté de fonder une famille : si cela vous semble amoral, dites-le ! Selon moi, l'éthique républicaine consiste à permettre à toutes les personnes, sans aucune hiérarchie, de pouvoir le faire et surtout de garantir la sécurité de tous, adultes comme enfants.

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En droit, comme en politique et en morale, quand un concept s'entend de manière naturelle, il n'est pas besoin d'insister dessus. Vouloir absolument inscrire dans le titre Ier que l'on respecte des principes éthiques et interdire à quiconque d'exprimer tout désaccord à ce sujet démontre que l'extension de la PMA n'est pas une question éthique. Ce n'est qu'une question politique : assumez-le !

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En répondant à une revendication des adultes, pour qui l'enfant est un produit destiné à satisfaire leurs désirs, vous privez délibérément un enfant de son père. C'est bien un point de divergence avec nous qui défendons les enfants parce qu'ils sont les plus vulnérables, et ont le droit d'avoir un père et une mère. La convention internationale des droits de l'enfant reconnaît expressément le droit de ne pas être séparé de ses parents. Le rôle des États est d'y veiller, de manière très prudente et sans s'immiscer dans la vie des familles.

Assumez cette divergence de conception : vous vous placez du côté de la volonté de certains adultes, nous nous plaçons du côté de la vie et du parcours des enfants.

La commission rejette les amendements n° 36 et 164.

Elle examine les amendements identiques n° 861 de M. Xavier Breton et n° 884 de M. Patrick Hetzel.

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Dans la même logique, il s'agit de revenir sur l'intitulé du chapitre 1er. Faut-il que vous ne soyez pas convaincus de la solidité de vos dispositifs pour que, dans l'intitulé, vous éprouviez le besoin de préciser que le choix doit être « éclairé » et le cadre « maîtrisé » ! Si vraiment le choix était éclairé et le cadre maîtrisé, cela irait de soi et il ne serait pas nécessaire de l'écrire. Cette surenchère dans les intitulés montre que le texte est loin d'être parfait.

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On nous parle de cadre maîtrisé : il ne l'est pas ! Toutes les garanties ne sont pas données pour assurer l'intérêt supérieur de l'enfant. Les désirs des adultes priment sur tout le reste.

Nous sommes totalement opposés à ce texte gouvernemental, parce qu'il ne garantit pas l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est un problème de fond, l'une des lignes rouges sur lesquelles nous ne pouvons pas transiger. Ne vous inquiétez pas, le Conseil constitutionnel réglera cela si, par malheur, ce texte devait être adopté. On ne peut pas laisser cela dans un texte de loi parce que c'est un mensonge, ni plus ni moins !

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Toute thérapeutique doit être proposée au malade de façon éclairée par le médecin : c'est un devoir. Il n'est donc pas anormal de préciser que l'AMP est pratiquée par une équipe médicale après que la femme a été éclairée sur les conditions qui l'entourent. Puisque l'on s'assure que l'acte est bien pratiqué à l'issue d'une réflexion, vous devriez être satisfaits. Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements.

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Vous parlez d'un texte fondé sur un principe de non-discrimination. Or vous créez une discrimination entre les enfants qui auront un père et une mère, les enfants qui auront deux mères et ceux qui n'auront qu'une mère.

Par ailleurs, je n'ai jamais parlé de droit au père : j'ai dit que vous organisez la naissance d'enfants sans père, ce qui, pour moi, n'est pas éthique. Contrairement à ce que vous prétendez, les actions en recherche de paternité et de maternité attestent du droit de l'enfant à avoir un père et une mère. Si un enfant n'a pas son père, c'est en raison d'une impossibilité de fait, ou d'un choix de sa part, mais la loi autorise l'action en recherche de paternité, et c'est un droit.

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Vous dites que le terme « éclairé » relève de l'obligation d'informer le patient sur un dispositif médical pour éclairer son consentement. Or vous avez passé votre temps, en première lecture, à nous expliquer que l'AMP n'est pas un dispositif thérapeutique ou médical. Vous ne pouvez pas démontrer que les couples hétérosexuels ayant recours à l'AMP sont vraiment malades ou ont vraiment une cause pathologique d'infertilité. En réalité, cette technique permet d'accéder à la parentalité par d'autres biais que le simple rapport sexuel. Cela n'a rien à voir avec un dispositif médical ! La notion de « choix éclairé » n'a donc rien à faire dans le titre.

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Le problème des titres n'est pas propre à ce projet de loi : la mode est au marketing politique. L'exemple de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, est édifiant : non seulement il n'y a pas eu d'élan pour le logement, mais nous avons subi une baisse de l'offre et nous devrions même connaître une année noire ! De même, les événements récents ont montré que la loi renforçant la sécurité intérieure n'avait pas vraiment atteint son but. Quant à la loi pour une immigration maîtrisée, les chiffres de l'année ne sont pas forcément bons. Peut-être devrions-nous réfléchir à ce décalage entre les titres des lois et les faits.

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Nous faisons référence à « nos » principes éthiques, car nous respectons la légitimité d'autres principes. Nous choisissons donc modestement de ne traiter que les principes qui nous animent et nous paraissent souhaitables pour la justice et l'égalité entre toutes les femmes.

Quant à la question médicale, même si la grossesse non pathologique ne relève pas de la thérapeutique, elle est organisée et suivie par des médecins. On parle d'une parturiente plutôt que d'une patiente, mais il est raisonnable de prévoir qu'elle doit disposer de toutes les informations avant qu'un acte médical soit pratiqué : c'est la condition nécessaire pour établir une confiance réciproque entre l'équipe soignante et la femme.

La commission rejette les amendements n° 861 et 884.

Elle examine l'amendement n° 166 de M. Thibault Bazin.

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Il s'agit de proposer un intitulé plus sobre et plus cohérent. Monsieur le rapporteur, vos propos laissent penser que la France aurait des principes éthiques à géométrie variable. Je n'ai pas l'impression que ce soit cela, la bioéthique à la française. Nous sommes un pays uni, qui peut se rassembler autour de principes éthiques communs, même si nous pouvons avoir des valeurs différentes. Ce sont les médecins qui auront à se prononcer sur l'accès d'une personne à l'assistance médicale à la procréation, selon sa situation. Si celle-ci est très âgée ou si le médecin peut déterminer, en fonction des éléments en sa possession, que l'AMP n'a aucune chance d'aboutir, il doit avoir la possibilité de dire non. Nous devons réfléchir à sa place et définir le cadre adéquat.

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Un médecin qui ne souhaite pas pratiquer une interruption volontaire de grossesse (IVG) a le droit de s'y soustraire au nom de ses principes éthiques, mais il a le devoir de conseiller à la femme qui souhaite y recourir la consultation d'un autre médecin, car il doit respecter ses principes éthiques à elle. Il peut bien y avoir coexistence de principes éthiques différents dans la même communauté humaine, dans le même pays, les uns n'empiétant pas sur les autres.

Vous nous prêtez comme objectif d'autoriser l'accès à l'AMP. C'est un peu réducteur ! Cela va plus loin : nous voulons autoriser toutes les variétés d'AMP pour toutes les femmes, avec une prise en charge intégrale par la sécurité sociale. Notre titre mérite donc d'être maintenu tel qu'il est.

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Y a-t-il des gens qui ne font pas un choix éclairé en matière de procréation ? Surtout, qu'est-ce qu'un choix éclairé ? S'il y a un choix, c'est qu'il y a un projet qui repose sur une idée, avec un début et une fin. Or, pour moi, un enfant, ce n'est pas une idée ; il ne nous appartient pas ; il a un début et une fin qui nous dépassent complètement. Ce terme me pose donc un problème éthique.

La commission rejette l'amendement n° 166.

Elle examine l'amendement n° 165 de M. Thibault Bazin.

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Je vous propose l'intitulé suivant : « Élargir l'accès à la procréation médicalement assistée ». Cela correspond à la réalité de votre projet, que l'on peut respecter même si nous le combattons.

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L'intitulé que vous proposez est trop réducteur, car ce chapitre ne traite pas que de l'AMP.

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Cette proposition de rédaction concerne le chapitre qui porte bien sur l'assistance médicale à la procréation. Elle ne concerne pas l'ensemble du titre, qui traite effectivement d'autres sujets, comme l'autoconservation des ovocytes. Nous pouvons donc tous nous ranger derrière sa proposition.

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L'autoconservation des ovocytes figure bien dans le même chapitre, alors que ce n'est pas de l'AMP.

La commission rejette l'amendement n° 165.

Elle est saisie de l'amendement n° 59 de Mme Annie Genevard.

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Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le rapporteur, je pense que votre argument n'est pas exact : l'autoconservation des gamètes n'a de sens que si l'on entend recourir à une AMP.

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Votre amendement est en contradiction totale avec l'objet de la loi bioéthique. Même le groupe des sénateurs Républicains a dépassé cette question ! C'est un combat d'arrière-garde. Je peux comprendre que vous vouliez revenir très loin en arrière, mais, à ce point, cela n'est pas possible. Non, cette disposition ne se limite pas aux couples formés d'une femme et d'un homme ; nous l'étendons même aux femmes seules.

La commission rejette l'amendement n° 59.

Article 1er A (nouveau) Absence de droit à l'enfant

La commission examine les amendements identiques n° 1458 de la rapporteure, n° 100 de M. Guillaume Chiche, n° 485 de M. Maxime Minot, n° 790 de M. Jacques Marilossian, n° 1036 de Mme Anne-France Brunet, n° 1111 de Mme Sylvia Pinel, n° 1148 de Mme Danièle Obono, n° 1261 de M. Jean-Louis Touraine et n° 1369 de M. Jean-François Mbaye.

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Pour reprendre vos propres mots, monsieur Bazin, les sénateurs ont choisi de faire du marketing politique, dont vous nous avez dit toute la nocivité pour la loi. Je ne doute donc pas que vous voterez la suppression ici proposée.

Les sénateurs Républicains ont créé, dans le titre VII sur la filiation du code civil, un pseudo-principe selon lequel nul n'aurait de droit à l'enfant – comme si ce projet de loi prévoyait un droit à l'enfant ! C'est totalement erroné en droit, cela crée de l'incertitude et est contraire aux principes éthiques de notre code civil. Pour éviter toute source d'insécurité juridique, il faut supprimer cette erreur manifeste.

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Il faut supprimer l'article visé pour trois raisons. Premièrement, le projet de loi ne vise absolument pas à créer un droit à l'enfant. Deuxièmement, cette notion n'a aucune consistance, aucun fondement juridique. Troisièmement, la naissance d'un enfant n'est jamais garantie lorsqu'on recourt à l'AMP. La probabilité d'obtenir une grossesse au bout de six inséminations avec tiers donneur ou au bout de quatre fécondations in vitro – soit le nombre maximal de tentatives prises en charge par la sécurité sociale – n'est que de 60 %.

Nous parlons bien du droit d'accès à une pratique médicale. Il ne s'agit en aucun cas de garantir le succès de cette dernière. Par ailleurs, je vous encourage à aller à la rencontre de femmes qui se sont engagées dans ce parcours : elles sont nombreuses à essuyer échec sur échec, à enchaîner les tentatives, perdant chaque fois un peu plus de chances d'avoir un enfant.

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Le Sénat a effectivement souhaité inscrire dans le code civil un article affirmant : « Nul n'a de droit à l'enfant. » Cela nous semble superfétatoire, d'autant que, comme vient de le dire Guillaume Chiche, les couples ou les femmes seules qui s'engagent dans un parcours d'assistance médicale à la procréation savent à quel point le chemin est difficile, et que le succès n'est pas garanti. Il n'est nullement question de droit à l'enfant dans le projet de loi, et cette notion n'a pas lieu d'être. Qui plus est, ajouter un tel article, au détour d'une révision des lois de bioéthique, nous semble jeter le doute sur la sincérité des couples ou des femmes seules qui s'engagent dans un tel parcours.

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Je le dis clairement d'emblée, nous sommes tous d'accord pour considérer que l'enfant n'est pas un objet. Il est un sujet de droit, pas un objet de droit. Dès lors, l'inscrire dans la loi n'a pas de sens sur le plan juridique.

L'aide médicale à la procréation est un parcours du combattant et les couples ne sont pas certains que leur démarche aboutisse. Les techniques de PMA sont longues, difficiles, parfois même douloureuses ; je le sais pour l'avoir expérimenté. Elles débouchent souvent sur des naissances prématurées et connaissent de nombreux échecs. Cela vaut pour les couples hétérosexuels, cela vaudra aussi pour les couples de femmes ou pour les femmes seules. Imaginer, dès lors, que les couples de femmes ou les femmes seules passeront par la PMA pour avoir un enfant comme elles se procureraient un objet est totalement faux. Imaginer que la PMA serait une baguette magique qui, dans une démarche consumériste, donnerait des enfants à des parents forcément homosexuels l'est tout autant. Au contraire, les couples de femmes ou les femmes seules ne veulent pas qu'on leur donne un enfant : ces personnes veulent faire un don d'amour, comme les couples hétérosexuels, quitte à affronter le long parcours de la PMA.

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Je suis, moi aussi, tout à fait favorable à la suppression de cet article et, à travers elle, à celle du concept de droit à l'enfant dans le texte. Un couple hétérosexuel ou un couple de femmes peuvent faire mûrir un projet parental mais n'ont pas droit à un enfant. L'enfant est une personne, un sujet de droit : il ne saurait être envisagé comme l'objet du droit d'un tiers.

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L'amendement no 1111 va dans le même sens que les précédents : il faut supprimer l'article 1er A, introduit par le Sénat, car, d'un point de vue juridique, il ne me semble ni pertinent ni inopérant de parler de « droit à l'enfant ». Un enfant est une personne, c'est-à-dire un sujet de droit, et ne peut donc être reconnu comme l'objet du droit d'une autre personne.

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Nul n'a parlé d'un droit à l'enfant, et cet article, ajouté par le Sénat, n'a aucune portée juridique. Son seul effet est de rendre la loi bavarde, alors que, normalement, l'un des rares intérêts du Sénat est de fournir le concours de ses qualités légistiques, notamment en évitant ce bavardage. Cela est d'autant plus inquiétant que, dès 1991, le Conseil d'État, dans le cadre de son étude annuelle, avait dénoncé le fait que la loi était bavarde ; il y était revenu en 2006 car il avait constaté que le bavardage continuait et mettait en péril la sécurité juridique de notre système.

L'article 1er A n'apporte rien. Ce n'est qu'une provocation laissant accroire que le projet de loi porte l'idée d'un droit à l'enfant, ce qui n'est absolument pas le cas. Il faut évidemment le supprimer.

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Je me joins au concert. Nous devons supprimer cet article, pour deux raisons. Premièrement, sur la forme, il n'est pas possible juridiquement de traiter une personne, sujet de droit, comme l'objet du droit d'un tiers. Deuxièmement, sur le fond, les chances de succès d'une fécondation in vitro sont faibles : une sur cinq seulement à chacune des tentatives, et 60 % environ au total en les répétant. On est donc très loin d'un droit à l'enfant. Laisser entendre dans la loi que quiconque pourrait revendiquer un droit à l'enfant n'aurait pas de sens.

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Même si nous nous intéressons ici à la conception et à la venue au monde d'enfants conçus par la mise en œuvre de techniques médicales, la procréation – surtout lorsqu'elle implique seulement un couple qui, par le processus naturel, décide d'avoir un enfant – est avant tout une affaire privée, relevant du droit à fonder une famille. Par ailleurs, en droit français, le droit à l'enfant n'existe pas. En introduisant cet article, les sénateurs ont essayé de donner corps à ce qu'ils présentent fallacieusement comme étant la volonté de la majorité et du Gouvernement de créer un droit à l'enfant. Je me félicite que bon nombre de nos collègues soient aux antipodes de la position des sénateurs, et je souhaite que nous effacions du texte cette aberration juridique.

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Avis favorable. Il importe de faire la différence entre avoir un enfant et être parent.

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Il n'y a pas de droit à l'enfant, nous sommes d'accord, tout comme il n'a jamais existé d'obligation positive pour l'État d'assurer à l'un de ses ressortissants d'avoir un enfant. C'est pourtant ce que revendiquent ceux qui souhaitent légaliser la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, ou encore la GPA. Au nom de ce désir d'enfant, qui se transforme en droit à l'enfant, on lève les restrictions, de quelque ordre que ce soit, pour atteindre une sorte de « droit à la parentalité » – l'expression est de vous, monsieur Touraine –, qui implique de facto le droit à l'enfant. L'article introduit par le Sénat relatif à l'impossibilité du droit à l'enfant n'est donc pas inutile, loin de là. Je propose toutefois une modification visant à réaffirmer pleinement que le droit à l'enfant n'existe pas. C'est l'objet d'un amendement qui vient après, mais dans la mesure où vous allez certainement voter la suppression de l'article, il va tomber.

Les choses bien énoncées ont le mérite d'être claires, et c'est particulièrement important dans ce projet de loi. S'il ne consacre pas le droit à l'enfant, pourquoi ne pas inscrire la garantie que nous proposons, ne serait-ce que pour protéger l'avenir, en particulier celui de nos enfants – qui, je le répète, sont des sujets et non pas des objets ?

En ce qui concerne les chiffres communiqués par M. Chiche et M. Touraine, selon l'Agence de la biomédecine, le taux de succès est non pas de 60 %, mais de 16,9 %…

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…ce qui justifie, à mes yeux, que le recours à la PMA ne soit pas systématique, mais qu'il faille, au contraire, envisager d'autres solutions.

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Je ne sais pas si le Sénat a entendu faire une opération de marketing politique. En revanche, il a souhaité, tout simplement, mettre votre majorité devant les conséquences de ses actes. Que vous le vouliez ou non, et même si vous niez que c'est là votre intention, en ouvrant cette technique médicale au-delà de ce pour quoi elle a été créée, c'est-à-dire tenter de pallier l'infertilité au sein d'un couple hétérosexuel ayant la capacité de procréer par gamètes mâles et femelles, vous entrez dans la parentalité de volonté, défendue de manière très cohérente par Jean-Louis Touraine. Or cette parentalité de volonté s'apparente à un droit à l'enfant, que ce concept existe ou pas juridiquement. Si c'est d'un acte d'amour qu'il s'agit, il existe déjà une procédure ouverte à tous, quel que soit le statut des personnes et leur orientation sexuelle : l'adoption.

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Cette discussion est très importante. Elle renvoie à la notion de projet parental – vous vous souvenez de l'amendement, honteusement adopté en première lecture, qui réduisait l'enfant au produit de la volonté des adultes. « Nul n'a de droit à l'enfant », lit-on dans cet article. Qui peut s'opposer à cette phrase ? Le fait même que vous le fassiez montre bien qu'en fait, dans votre logique, l'enfant est uniquement le produit de la volonté des adultes. C'est tout à fait révélateur de nos différences de conception : vous défendez la volonté des adultes, censés pouvoir utiliser toutes les techniques pour satisfaire leur désir ; nous privilégions la protection de l'enfant, qui n'a pas à devenir un produit et ne se réduit pas à la seule volonté de ses parents. Celui-ci n'est pas seulement un projet, il a une vie par lui-même. Nous assumons cette différence et ne sommes qu'à demi étonnés, malheureusement, que vous refusiez d'inscrire dans la loi l'idée selon laquelle nul n'a de droit à l'enfant.

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La sémantique a son importance. L'expression « assistance médicale à la procréation » traduit bien le fait que des médecins interviennent dans le processus de procréation ; ce n'est pas seulement une assistance technique. Les sénateurs, au-delà des autres dispositions, qu'ils ont maintenues pour partie, ont senti le besoin de réaffirmer, avant toute chose, le principe essentiel de la non-reconnaissance d'un droit à l'enfant, quand bien même il faudrait peut-être, sur le plan juridique, améliorer la rédaction.

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Les sénateurs ont senti le besoin d'inscrire dans le texte la phrase en question parce que, dès lors que le critère thérapeutique est supprimé, il y a le risque qu'aucune demande d'AMP, même celles n'ayant aucune chance d'aboutir, ne puisse plus être refusée par le médecin – avec tous les litiges que cela pourrait entraîner. J'aurais aimé connaître l'avis des ministres sur ce point ; ce sera pour la semaine prochaine. Il faut mesurer soigneusement les conséquences du projet de loi. Or, de fait, la question se pose : les médecins pourront-ils dire non ? Peu importe, à cet égard, la situation personnelle des demandeurs, l'intervention des médecins dans le processus de procréation concerne aussi bien les personnes hétérosexuelles que les personnes homosexuelles.

Vous avez dit, avec raison, que le processus d'AMP est long et difficile, qu'il y a beaucoup d'échecs. Un médecin pourra-t-il refuser une AMP, notamment s'il estime que, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, elle ne pourra pas aboutir ? En définitive, ce n'est pas tant le droit absolu à l'enfant qui est en jeu que le droit absolu à l'AMP. Tel est l'objet de l'article : il faut maîtriser ce risque. Quand on fait de la bioéthique, il est important également de maîtriser les risques.

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J'ai relu les débats au Sénat : M. Patriat s'y est félicité que le texte consacre un droit au désir d'enfant. C'est parce que de tels arguments ont été avancés que la majorité du Sénat a tenu à inscrire clairement dans le texte que « Nul n'a de droit à l'enfant. » Vous devez assumer politiquement le fait que, dès lors que vous défendez un amendement visant à rayer ces mots, vous acceptez l'inverse – autrement dit, vous voulez créer un droit à l'enfant.

Vous devriez être honnêtes avec nos concitoyens ; c'est vraiment la moindre des choses. Or vous avancez masqués. Le pire, c'est que vous n'assumez pas ce que vous faites. Faire de la politique, c'est assumer ses idées et les défendre clairement. Vous essayez d'enfumer nos concitoyens, mais ils ne le supportent pas – et ils vous l'ont fait savoir pas plus tard qu'hier.

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Monsieur Hetzel, nous avions dit que nos débats devaient rester sereins…

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Que dire après cette brillante intervention de M. Hetzel ? Arrêtons de berner les gens : avoir accès à cette technique d'AMP, ce n'est rien d'autre, in fine, que s'offrir un enfant. Il faut faire la différence entre avoir un enfant et être parent, dites-vous. Nous ne pensons pas la même chose. Selon vous, être parent, c'est une fonction. D'ailleurs, le Président de la République lui-même l'a dit à la présidente : « Votre problème, c'est que vous pensez que le père est un homme. » Allez donc dire à nos concitoyens que le père est une fonction ! Faites un référendum pour savoir ce qu'ils en pensent. Je vous assure que, dans les 171 villages de ma circonscription, les gens pensent que le père est un homme. Être un père, être une mère, ce ne sont pas des fonctions.

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J'ai un peu de mal à suivre le débat, et j'aurais aimé que Mme Thill et certains de nos collègues des Républicains nous donnent des précisions. Si je comprends bien, madame Thill, vous dites que la PMA, c'est le droit à l'enfant, et que vous êtes opposé à celui-ci. Dans ce cas, il faut interdire toute pratique de PMA, y compris pour les couples hétérosexuels. Est-ce bien là ce que vous vouliez dire ?

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Une fois n'est pas coutume, je vais aller dans le sens de M. Lachaud.

Vous nous avez incités collectivement, cher monsieur Hetzel, à assumer nos idées ; je vous invite à faire de même. À vous entendre, ce n'est pas « nul n'a de droit à l'enfant » que vous voulez inscrire, c'est « nul n'a de droit au projet parental ». Vous niez, en creux, et j'ai d'ailleurs trouvé cela très surprenant, l'idée d'un projet parental, y compris dans la procréation charnelle. Or, bien sûr, il y a un projet avant la conception ; c'est même pour cela qu'il y a conception, que celle-ci se passe sous la couette ou par AMP. Je ne pense pas que vous ayez envie d'inscrire dans le texte le refus du projet parental, mais c'est bien ce que vous pensez.

Je réitère mon avis favorable aux amendements de suppression, qui conduisent à réaffirmer qu'il s'agit ici non pas d'avoir un enfant, mais bien d'être parent. Nous réfutons totalement, s'agissant de l'enfant, le champ lexical de la possession et de l'objet. Par ailleurs, je suis défavorable aux amendements suivants, défendus incidemment à l'occasion de certaines interventions et qui tomberont du fait de l'adoption des amendements de suppression.

La commission adopte les amendements n° 1458, 100, 485, 790, 1036, 1111, 1148, 1261, 1281 et 1369.

En conséquence, l'article 1er A est supprimé et les amendements no 37 de Mme Emmanuelle Ménard, no 471 de M. Xavier Breton, no 473 de M. Patrick Hetzel, no 167 de M. Thibault Bazin, no 29, no 1304 et no 1305 de Mme Annie Genevard, no 363 de M. Patrick Hetzel et no 280 de M. Xavier Breton tombent.

Article 1er Élargissement de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées

La commission examine les amendements de suppression no 38 de Mme Emmanuelle Ménard, no 168 de M. Thibault Bazin, no 282 de M. Xavier Breton, no 365 de M. Patrick Hetzel, no 563 de Mme Agnès Thill, no 936 de M. Pascal Brindeau et no 1171 de Mme Josiane Corneloup.

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L'amendement no 38 tend à la suppression de l'article 1er. Je n'ai pas besoin de rappeler que l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules divise le pays – on l'a vu il y a quelques mois, avec les manifestations qu'elle a suscitées. Elle soulève des questions éthiques importantes, auxquelles nul ne peut répondre à ce jour, et elle prend en compte le seul intérêt des adultes, sans examiner l'intérêt supérieur de l'enfant.

Dans l'organisation légale de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, l'enfant serait légalement privé de son père et de lignée paternelle. Le préjudice résultant de la privation de père est pourtant reconnu et indemnisé par la Cour de cassation, même lorsque le père est décédé avant la naissance et que l'enfant ne l'a donc jamais connu.

Le projet de loi, en son article 1er, méconnaît en outre l'article 7 de la convention internationale des droits de l'enfant – ratifiée par la France –, qui prévoit l'obligation d'enregistrer l'enfant dès sa naissance, c'est-à-dire d'établir un acte de naissance conforme à la réalité, qui relate l'événement de la naissance en indiquant quand, où et de qui l'enfant est né. L'indication de parents d'intention, dans le cadre de la PMA, méconnaît le droit de l'enfant, car elle le prive d'un acte conforme à la réalité pour établir un acte conforme aux désirs des adultes, ce qui est totalement différent.

Le projet de loi méconnaît également l'article 7 de la convention en ce qu'il prive l'enfant du droit d'être élevé, dans la mesure du possible, par ses parents. Lorsqu'on parle des parents, on vise évidemment ceux dont la réunion des gamètes a permis à l'enfant d'être conçu. C'est le sens des actions en recherche de maternité ou de paternité dans le droit français, dont je parlais tout à l'heure.

Enfin, nombre de pédopsychiatres insistent sur les conséquences importantes de la privation légale de père dans le processus de construction de l'enfant et de son psychisme. Les parlementaires ne peuvent, à mon avis, assumer la responsabilité d'un tel bouleversement anthropologique, dont on est encore absolument incapable de mesurer les conséquences.

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En première lecture, j'avais posé des questions concernant les externalités négatives des changements proposés – souvent, dans les débats, on n'évoque que les externalités positives. Je me permets de vous les poser de nouveau, car je n'ai pas été rassuré s'agissant des risques éthiques.

Premièrement, avant d'envisager une extension de l'assistance médicale à la procréation, ne devrions-nous pas attendre des études sérieuses en la matière ? Je ne suis pas le seul à poser la question ; même le Conseil d'État et le CCNE l'ont fait.

Deuxièmement, qu'en est-il de la médecine ? On a bien vu, avec la crise sanitaire, que les moyens humains et financiers dont elle dispose ne sont pas extensibles et qu'elle a déjà du mal à faire face aux défis auxquels elle est confrontée.

Troisièmement, quel est l'avenir de la relation médicale si les moyens ne sont plus concentrés sur la réponse aux situations pathologiques ? Le Comité consultatif national d'éthique a dit que la définition des priorités était un enjeu important. En cessant de le faire, on risque de créer des injustices, surtout en cas de pénurie des moyens.

Quatrièmement, ne crée-t-on pas une inégalité majeure, à terme, entre les enfants ?

Enfin, n'ouvre-t-on pas la porte à la GPA ? L'inégalité entre les couples de femmes et les couples d'hommes n'aboutira-t-elle pas inéluctablement à la légalisation de cette dernière, peut-être à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité ?

Pour toutes ces raisons, il faut être extrêmement prudent.

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Ne risquons-nous pas, en effet, de créer des inégalités majeures entre les enfants – entre ceux qui auront un père et une mère, ceux qui auront deux mères et ceux qui auront une mère seule ? Les uns auront une ascendance fondée biologiquement, les autres non. Il est important que nous ayons des réponses sur ce point, car nous entendons parler d'égalité, mais c'est de l'égalité entre les adultes qu'il s'agit ; nous parlons quant à nous des enfants. C'est affaire de choix : vous vous intéressez à la volonté des individus adultes de fabriquer un enfant, quand nous sommes dans une logique de protection de l'enfant. Selon nous, celui-ci doit avoir un père et une mère qui l'élèvent et lui donnent toutes ses chances dans la vie.

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L'article 1er modifie en profondeur l'assistance médicale à la procréation, puisqu'il supprime le but thérapeutique sur lequel est fondée l'intervention médicale. Cet article, qui ouvre l'AMP aux couples de femmes et aux femmes célibataires, est à mettre en relation avec l'article 4, qui opère une réforme profonde du droit de la filiation, dont la portée – nous l'avons dit en première lecture – n'est absolument pas maîtrisée.

L'article 1er rompt avec le droit jusqu'alors applicable à l'assistance médicale à la procréation, alors même que, depuis 1994, les législateurs successifs ont toujours considéré qu'il y avait là un équilibre et qu'il ne fallait pas aller au-delà. De surcroît, vous supprimez le père du modèle légal de la filiation pour l'insémination artificielle avec donneur, comme s'il n'existait pas, ce qui revient à nier une réalité biologique. Vous devez assumer cette démarche.

Avec cet article, l'intérêt supérieur de l'enfant ne serait pas préservé. C'est la raison pour laquelle nous demandons sa suppression. Vous êtes en train de faire voler en éclats l'équilibre qui prévalait depuis plusieurs décennies. Selon nous, il doit être préservé. C'est une autre ligne rouge.

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L'article 1er élargit l'accès à l'AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées. Associé à l'article 4, qui procède à une réforme du droit de la filiation dont la portée n'est pas maîtrisée, il rompt en profondeur avec le droit jusqu'alors applicable à la procréation médicalement assistée.

Depuis l'adoption des premières lois de bioéthique, en 1994, le droit français se caractérise par une constante recherche d'équilibre entre les nécessités du progrès scientifique et technique et la préservation des valeurs humaines et sociales fondamentales ; cet article s'en éloigne. Cette recherche d'équilibre repose sur l'idée que tout ce qui est techniquement possible n'est pas toujours socialement ou éthiquement souhaitable. C'est une véritable question, que je vous invite à vous poser. Ainsi, s'agissant de l'AMP, les législateurs successifs ont fait le choix d'encadrer strictement les conditions d'accès, fondées sur l'intérêt supérieur de l'enfant, au sens de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, que vous semblez nier, et d'interdire rigoureusement les techniques susceptibles de porter atteinte aux valeurs sociales fondamentales. Par ailleurs, l'article L. 2141-2 du code de la santé publique réserve le recours à l'AMP à un couple formé d'un homme et d'une femme, vivants et en âge de procréer.

En ouvrant l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, l'article 1er rompt l'équilibre fragile qui avait été trouvé. S'il convient de reconnaître que la notion d'égalité se trouve au fondement de cette disposition, car elle donne la possibilité à tous les couples, hétérosexuels et homosexuels, de satisfaire un désir d'enfant, celle-ci ne s'en heurte pas moins à plusieurs limites. Si, en effet, on permet aux femmes homosexuelles de recourir à la médecine pour procréer en se fondant sur l'égalité, il paraît nécessaire d'en faire autant pour les hommes, et nous voilà arrivés à la GPA, interdite en France au nom du principe d'indisponibilité du corps humain. En outre, l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes remet en question tout notre droit de la filiation en la détachant de toute référence à l'engendrement.

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Je demande, moi aussi, la suppression de cet article, car il ne s'agit pas là d'une question de bioéthique. Nous ne sommes pas en train d'interroger la technique de l'AMP pour savoir si elle constitue un danger pour le corps de la femme, si elle présente plus d'avantages que d'inconvénients d'un point de vue purement médical ; tout cela a été vu lorsque l'AMP a été inscrite dans les lois de bioéthique. Ce que vous proposez, c'est de transformer une technique médicale en une technique sociale d'accès à la parentalité. D'ailleurs, c'est le code de la sécurité sociale qui sera modifié, et cette décision politique emportera des conséquences sur le code civil, au regard du droit de la filiation.

L'extension de la PMA n'a donc rien à faire dans un projet de loi relatif à la bioéthique. Si vous souhaitez avoir ce débat, il faut transférer ces dispositions dans un autre texte élargissant l'AMP aux femmes seules et aux femmes en couple homosexuel et faisant toute la lumière sur le basculement que cela représente en matière de droit de la filiation.

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Avis défavorable. Dans tout ce que j'ai entendu, je crains qu'il n'y ait eu une confusion entre, d'une part, le désir d'enfant, et, d'autre part, le droit à l'enfant. Le désir d'enfant est quelque chose de souhaitable, qu'il faut encourager et qui a d'ailleurs permis à beaucoup d'entre nous de naître, mais il ne débouche absolument pas, pour quelque raison que ce soit, sur un droit à l'enfant. De la même façon, j'ai entendu Mme Ménard faire la confusion entre parents et géniteurs. Là encore, ce sont deux choses différentes – être parent, d'ailleurs, c'est beaucoup plus. J'observe également une confusion entre l'AMP avec tiers donneur et la GPA, laquelle suppose une femme porteuse. On ne saurait glisser ainsi de l'une à l'autre : ces deux pratiques sont fondamentalement différentes. Je voudrais donc, pour la clarté de nos débats, qu'on n'entretienne pas, volontairement ou involontairement, la confusion sur ces questions.

Quant au coût de l'extension de l'AMP, il n'est pas du tout inquiétant. Il a été évalué à 15 millions d'euros ; rapporté à un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 205 milliards, c'est totalement négligeable. On ne peut pas utiliser l'argument du coût pour interdire l'extension de l'AMP aux femmes en couple et aux femmes seules.

Enfin, je suis d'accord avec M. Breton qu'il faut avant tout protéger les enfants. C'est bien sûr notre devoir, et notre préoccupation première. C'est précisément la raison pour laquelle nous nous attachons à suivre toutes les études en sciences humaines portant sur la question : nous voulons être sûrs d'offrir aux enfants les meilleures chances possibles. Depuis près de deux ans que le CCNE s'est prononcé, des dizaines d'études, dans plusieurs pays, ont été publiées – Mme Susan Golombok, par exemple, que nous avons auditionnée ici même, a une équipe très performante. Parmi toutes ces études, qui les ont suivis pendant vingt-cinq ans, pas une seule n'a montré le moindre inconvénient pour les enfants nés dans ces conditions. Ce sont des enfants ardemment désirés, très aimés, qui reçoivent beaucoup d'attention : ils ont tout ce qu'il faut pour bien se développer. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir. Nous avons attendu d'avoir toutes ces données pour étendre, dans notre pays, l'AMP aux couples de femmes homosexuelles et aux femmes seules.

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Monsieur Touraine, vous souhaitez que nos débats soient clairs. Or, tout à l'heure, vous nous avez dit quelque chose d'inexact : le droit de l'enfant à avoir à la fois un père et une mère existe bel et bien, à travers l'action en recherche de paternité ou de maternité, même si cette recherche peut se révéler impossible et que les enfants peuvent renoncer à la mener. Un enfant a donc juridiquement le droit d'avoir un père et une mère ; ne nous dites pas le contraire, car ce serait nier la réalité.

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Faire famille signifie accueillir un enfant – qu'on soit en couple homme-femme, en couple femme-femme ou encore femme non mariée – et lui permettre, tout simplement, de vivre en sécurité et entouré d'amour. C'est pourquoi l'accès à la PMA pour les couples de femmes et les femmes non mariées est important. Il faut également que la PMA puisse être réalisée en France. On l'a dit, c'est une démarche complexe, parfois douloureuse : il est inutile d'ajouter une angoisse supplémentaire liée à la nécessité d'aller la faire ailleurs. Il vaut mieux sécuriser et accompagner ces femmes pour que l'enfant à naître soit accueilli dans les meilleures conditions possibles.

La commission rejette les amendements n° 38, 168, 282, 365, 563, 936 et 1171.

La commission examine l'amendement n° 169 de M. Thibault Bazin.

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Il s'agit de préserver la place qui est faite aux médecins intervenant dans l'AMP dans le code de la santé publique. Qu'en sera-t-il de la relation médicale si les moyens ne sont plus concentrés sur la réponse aux situations pathologiques ? S'il n'y a plus de critères objectifs, si la médecine ne procède qu'à une évaluation subjective de la souffrance des personnes qui ne sont pas affectées de pathologies les empêchant d'avoir un enfant, ne risque-t-on pas d'engendrer de l'injustice ? Comment les médecins vont-ils pouvoir gérer ces demandes ?

Dans le domaine de la bioéthique, le rôle de la loi est d'encadrer les techniques médicales pour éviter les dérives et permettre au médecin d'assurer sa mission. Le but thérapeutique, inscrit dans le code de la santé publique, constitue une limite nécessaire, à la fois fiable, objective et légitime, pour permettre l'assistance médicale à la procréation.

Le rapporteur parle souvent de l'AMP, sans distinction. Du point de vue sémantique, il importe de distinguer l'AMP sans tiers donneur, qui fonctionne plutôt bien, de celle qui se pratique avec tiers donneur. C'est cette dernière qui est susceptible de provoquer des tensions ; elle soulève des questions beaucoup plus complexes, en matière notamment de gamètes et d'anonymat, qui nécessitent une réflexion quant aux risques encourus.

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Nous avons déjà débattu de ces questions il y a près d'un an, et nous les avons résolues. Vous avez le droit de ne pas vouloir évoluer à leur propos, mais vos amis Républicains du Sénat l'ont fait : tous ont accepté que la procréation médicalement assistée devait être étendue aux couples de femmes et aux femmes seules. Vous voulez revenir en arrière, et pas seulement d'un an, mais jusqu'au moment où l'AMP avec tiers donneur a été établie.

Je sais bien qu'il existe encore des courants de pensée qui refusent l'utilisation d'un tiers donneur, mais ils sont extrêmement marginaux ; ils représentent un conservatisme que je respecte mais que la société française contemporaine a rejeté depuis de très longues années. La pratique du tiers donneur est banale, acceptée et reconnue, à la fois dans les couples hétérosexuels lorsque l'homme n'est pas fertile, et dans les couples homosexuels en l'absence d'homme. Le principe même n'est donc plus en débat en 2020 et vous devez accepter que notre société ait couramment admis cette pratique, comme vos amis Républicains du Sénat nous y exhortent.

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Vous me faites dire des choses que je n'ai pas dites. Quand j'expose que l'AMP sans tiers donneur ne pose pas les questions d'anonymat et de pénurie de gamètes que soulève l'AMP avec tiers donneur, je ne remets pas en cause le principe, je m'interroge. Dans un système où nos ressources médicales sont limitées et où des risques de pénurie existent, quels seront les critères retenus ? Pour éviter que ce soit la jungle, il faut répondre à des questions de fond : qui sera prioritaire, et qui pourra voir sa demande acceptée ? Le médecin aura-t-il le pouvoir de refuser lorsque certains éléments ne seront pas réunis ?

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Nous aborderons plus tard l'équipe médicale clinicobiologique qui auditionne les couples ou les femmes seules et décide avec eux de l'opportunité de la PMA.

Quoi qu'il en soit, il ne doit pas y avoir de pénurie. Vous m'accorderez que les gamètes masculins ne sont pas une denrée rare. La seule raison qu'il puisse y avoir à une pénurie, c'est l'absence de campagne de collecte de gamètes digne de ce nom. Comme on fait appel aux donneurs de sang, il suffit de faire une campagne, et vous verrez un grand nombre de donneurs se présenter – plus de 90 % des hommes français ne savent pas qu'ils peuvent donner des spermatozoïdes. J'appelle une telle campagne de mes vœux depuis de nombreux mois, et j'espère qu'elle sera faite avant la promulgation de la loi.

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Réintroduire le caractère pathologique de l'infertilité constatée par un diagnostic médical serait précisément revenir sur le droit existant pour les couples hétérosexuels. Dans la majorité des cas où l'AMP est prescrite et prise en charge par la sécurité sociale, les gamètes de l'homme et les ovocytes de la femme vont très bien, mais la fécondation ne se fait pas ; c'est la raison pour laquelle on recourt à une assistance médicale.

Selon l'Académie de médecine elle-même, de la chirurgie plastique à la médecine sportive, nombreux sont les actes et les missions qui peuvent être confiés au médecin sans que la finalité soit de corriger un état pathologique ou de se substituer à une fonction défaillante. Soigner, c'est certes prévenir, diagnostiquer et traiter, mais c'est aussi considérer les personnes dans leur entièreté physique, psychique, morale, culturelle et sociale. La souffrance ressentie du fait d'une infécondité ou consécutive à des orientations personnelles – qui ne sont pas choisies – doit être également reconnue et prise en compte. C'est pourquoi nous devons disposer d'une aide à la procréation médicalement assistée pour toutes les personnes en capacité de porter un enfant, avec une prise en charge par la sécurité sociale.

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M. Touraine a fait référence au point de vue des sénateurs LR, qui serait différent de celui défendu par M. Bazin. Or il n'y avait pas d'unicité de leur position, tout comme il n'y a pas d'unicité de celle des députés LR. Je ne peux pas vous laisser dire cela. Certains sénateurs – et pas des moindres – se trouvent exactement sur la même ligne que celle défendue par M. Bazin.

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À partir du moment où l'on retire la notion d'infertilité, on ouvre la porte à tout le monde : aux femmes en couple lesbien, aux femmes seules, mais aussi aux couples hétérosexuels, qui pourront demander l'AMP par choix. On me dit que déjà, dans 5 % des cas, aucune infertilité n'est décelée. Mais la science ne sait pas tout – quelle suffisance il y aurait à l'affirmer ! Si les deux personnes ont chacune tout pour fonctionner, il y a forcément quelque chose qu'on ignore, fût-ce psychologique.

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En 1994, on a introduit le don de gamètes dans la loi en pensant majoritairement que seul compterait l'amour et que le recours à un tiers donneur ne poserait pas de problème tant qu'il y avait de l'amour dans le foyer et le couple parental. Depuis, les enfants qui sont nés d'une PMA avec tiers donneur ont grandi, et ils ont expliqué que ce n'était pas si simple. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, de nombreuses études montrent l'existence de certains désordres médicaux chez les personnes concernées. Juste avant le confinement, un article publié dans un journal grand public belge, L'Écho, faisait état de ce que 50 % des enfants nés de PMA avec tiers donneur souffriraient de mal-être.

Vous dites aussi que l'absence de campagnes sur le don de gamètes explique le faible nombre d'hommes qui donnent leurs spermatozoïdes. Or l'Agence de la biomédecine lance régulièrement de telles campagnes. Seulement, pour un homme, donner ses gamètes n'est pas un geste anodin ; c'est une grande responsabilité aux implications fortes, et cela peut apparaître à certains comme un acte contre nature.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 169.

Elle est saisie de l'amendement n° 901 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

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Cet amendement vise à rétablir les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale ouvrant l'AMP aux couples composés de deux femmes et aux femmes seules, en réponse à un projet parental. En conséquence, l'article L. 2141-2 introduit par le Sénat, indiquant que l'AMP a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple formé d'un homme et d'une femme, serait supprimé.

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Je propose, juste après, l'amendement n° 1438, qui est un peu plus complet. Je suggère donc que vous retiriez le vôtre.

L'amendement n° 901 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques n° 896 de Mme Michèle de Vaucouleurs et n° 964 de M. Bastien Lachaud.

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Il s'agit, dans la même optique, de supprimer l'alinéa 3 introduit par le Sénat qui, en limitant l'accès à la PMA aux couples rencontrant des difficultés médicales pour avoir un enfant, empêche de fait les couples de femmes et les femmes seules d'y recourir et ainsi de fonder une famille.

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La distinction opérée dans l'alinéa 3 rompt toute la philosophie initiale d'égalité devant la parentalité entre couples hétérosexuels, couples homosexuels et femmes seules, ce qui revient à essentialiser la parentalité alors que celle-ci est avant tout un phénomène social. Nous souhaitons donc le supprimer.

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Si l'on adopte mon amendement, vos intentions, que je partage, seront satisfaites. Je vous propose donc de retirer les vôtres.

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Je ne suis pas défavorable à l'idée de retirer le mien. J'ai déposé un sous-amendement sur l'amendement n° 1438 ; j'espère qu'il sera considéré avec bienveillance par M. le rapporteur.

Les amendements n° 896 et 964 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 1438 rectifié du rapporteur, n° 486 de M. Maxime Minot, n° 1312 de Mme Aurore Bergé, n° 1112 de Mme Sylvia Pinel, les amendements identiques n° 101 de M. Guillaume Chiche et n° 1034 de Mme Anne-France Brunet, l'amendement n° 749 de Mme Elsa Faucillon, les amendements identiques n° 102 de M. Guillaume Chiche, n° 817 de M. Hervé Saulignac et n° 1180 de M. Didier Martin, et l'amendement n° 1370 de M. Jean-François Mbaye.

L'amendement n° 1438 rectifié fait l'objet des sous-amendements n° 1565 et n° 1567 de M. Thibault Bazin, n° 1575 de M. Bastien Lachaud, et n° 1568, n° 1569 et n° 1570 de M. Thibault Bazin.

L'amendement n° 1312 fait l'objet des sous-amendements identiques n° 1498 de M. Thibault Bazin et n° 1525 de M. Patrick Hetzel, n° 1500 de M. Thibault Bazin, n° 1527 de M. Patrick Hetzel, et n° 1502, n° 1503 et n° 1504 de M. Thibault Bazin.

L'amendement n° 1180 fait l'objet du sous-amendement n° 1573 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.

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Il s'agit, par l'amendement n° 1438 rectifié, de rétablir la rédaction adoptée en première lecture par notre assemblée, et de réaffirmer ainsi que l'AMP est ouverte aux couples de sexes différents comme aux couples de femmes et aux femmes seules, et qu'elle vise à répondre à un projet parental.

Le Sénat a souhaité distinguer l'accès à l'AMP pour les couples infertiles d'une part, et pour les couples de femmes et les femmes non mariées d'autre part. Cette distinction ne nous paraît pas justifiée puisqu'elle aboutirait à priver les couples de femmes et les femmes seules d'une prise en charge par l'assurance maladie.

Par ailleurs, cet amendement vise à affirmer qu'aucune différence de traitement n'est admissible, ni en raison du statut matrimonial, ni de l'orientation sexuelle, ni de l'identité de genre. Une rédaction qui oublierait l'une de ces mentions ferait apparaître une discrimination. À cet égard, je renvoie à la discussion en première lecture, lors de laquelle notre collègue Raphaël Gérard avait relayé les associations représentatives pour dire à quel point la discrimination envers les personnes transgenres était mal vécue, et le sentiment de relégation et de marginalisation aussi fort que celui qu'avait pu ressentir dans le passé les personnes homosexuelles. Il est important d'éliminer toutes ces discriminations.

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Je vous propose, par le sous-amendement n° 1565, de supprimer la première phrase du deuxième alinéa de l'amendement du rapporteur, puis par le n° 1567 d'empêcher les femmes seules d'accéder à la PMA, et par le n° 1568 de supprimer le quatrième alinéa.

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L'amendement n° 486 vise à revenir au texte du projet de loi initial, qui prévoit d'ouvrir l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées, sans distinction au regard de l'orientation sexuelle ou du statut matrimonial des demandeurs. Distinguer deux régimes, l'un pour les couples hétérosexuels, l'autre pour les couples de femmes et les femmes non mariées, pourrait avoir pour conséquence de rendre ce droit non effectif par une priorité induite en faveur des couples hétérosexuels. De même, cette distinction interdit la prise en charge des frais médicaux par la sécurité sociale pour les couples de femmes et les femmes seules. Cet amendement vise donc à restaurer l'égalité entre tous les demandeurs de PMA.

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L'amendement n° 1312 est l'amendement du groupe La République en marche ; il reprend strictement la rédaction adoptée en première lecture, qui permettait d'aboutir à un équilibre. Ce n'est pas tout à fait la même que celle que vous proposez, même si nos deux amendements visent le même objectif.

Nous proposons de supprimer ce qui a été introduit par le Sénat, qui opère à nouveau une distinction empêchant de consacrer l'accès à l'AMP pour toutes. Nous réaffirmons ainsi qu'il ne peut en aucun cas y avoir une discrimination et une distinction en fonction du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle, et donc qu'aucune priorisation ne peut s'effectuer sur la base de ces critères.

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Avis défavorable. Madame Bergé, j'adhère tout à fait à ce que vous venez de dire, mais je pense que si l'on traque les discriminations s'agissant du statut matrimonial et de l'orientation sexuelle, nous devons aller jusqu'à écarter celles portant sur l'identité de genre, faute de quoi les difficultés perdureront pour les personnes concernées. Il faut que nous nous attachions à éliminer l'ensemble de ces discriminations.

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Je ne comprends pas l'argumentaire que vous utilisez pour combattre l'amendement de votre groupe parlementaire. Finalement, les désaccords perdurent au sein de la majorité et, neuf mois et un confinement plus tard, il n'y a toujours pas de projet qui fasse consensus. Cela montre qu'il faut prendre le temps de discuter et de regarder exactement quelles sont les modifications apportées, pour ne pas faire d'erreur. C'est le sens de mon sous-amendement n° 1498.

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Nos sous-amendements identiques tendent à supprimer la première phase du deuxième alinéa, car elle introduit une logique qui fait perdre à la PMA son but thérapeutique. Depuis la loi de bioéthique de 1994, on parle de procréation médicalement assistée. Dès lors que l'on parle de projet parental et que l'on supprime cette référence au but thérapeutique, on sort de la procréation médicalement assistée et on entre dans un nouveau paradigme. Il faut alors le dire clairement.

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La PMA n'a jamais eu de but thérapeutique. Elle ne guérit pas l'infertilité, elle ne fait que la compenser. Il ne s'agit pas d'une application thérapeutique, comme peut l'être, par exemple, une opération sur les trompes. Par ailleurs, la PMA peut d'ores et déjà être pratiquée dans des cas où il n'y a absolument pas d'infertilité. Pendant la période de confinement où ces opérations ont été arrêtées, un nombre notable de personnes en couple hétérosexuel et inscrites pour une PMA ont eu un début de grossesse dans des conditions naturelles, prouvant bien qu'il n'y avait pas d'infertilité médicalement établie.

On ne peut pas s'en tenir à cette logique thérapeutique ni restreindre la PMA à certaines conditions, pas plus qu'il ne doit y avoir de hiérarchisation des critères : toutes les demandes de PMA doivent être traitées à égalité d'accès.

Enfin, les nuances de point de vue existant au sein de notre groupe parlementaire sont tout de même bien moindres que celles qui s'expriment au sein des Républicains, députés comme sénateurs. Vous avez insisté sur ces divergences, et l'immense différence entre le texte de la commission et celui de la séance plénière suffit à les illustrer.

Il peut y avoir débat pour savoir si l'accès des personnes transgenres à la PMA est légitime ou s'il faut maintenir une forme de discrimination envers ces personnes. En première lecture, la particularité avait été relevée de ce qu'une femme devenue homme pouvait enfanter. Le fait d'être transgenre, pour autant que les conditions soient remplies d'un point de vue anatomique, ne doit pas représenter en soi un obstacle à l'accord pour une PMA. C'est important pour les personnes transgenres, qui vivent cette situation comme une discrimination spécifique à leur encontre.

Avis défavorable aux sous-amendements.

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J'ai bien compris que vous étiez favorable à ce que les femmes devenues hommes puissent accéder à l'AMP.

Mon sous-amendement n° 1500 propose de ne pas autoriser l'accès à l'AMP aux femmes seules – que le texte désigne d'ailleurs par les termes discutables de femmes non mariées. Je m'interroge sur la multiplication des situations de vulnérabilité que pourrait susciter cette ouverture, et en premier lieu le fait d'élever seule un enfant. Le Conseil d'État, lui-même, a jugé « excessif de donner à une personne la puissance extrême d'imposer à une autre l'amputation de la moitié de son ascendance ». Il y a aussi la vulnérabilité matérielle à laquelle sont majoritairement exposées les familles monoparentales, qui constituent un quart de la population pauvre. Vous nous avez déjà opposé que les femmes seules qui choisissaient l'AMP étaient des femmes qui en avaient les moyens, mais nul n'est à l'abri d'un accident de la vie et on ne peut méconnaître les risques auxquels on expose un enfant qui n'a qu'une seule lignée parentale. Nous avons envers eux une responsabilité.

C'est une question qu'il est d'autant plus nécessaire d'aborder que nous évoquerons demain les adaptations à apporter à notre politique familiale.

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Vous citez l'avis du Conseil d'État, mais il est important de ne pas le tronquer. Non seulement le Conseil d'État ne s'oppose pas à l'accès à la PMA pour les femmes seules, mais il considère même légitime de permettre à toutes les femmes veuves d'utiliser les gamètes de leur défunt compagnon ou les embryons conçus à partir de ces derniers.

Par ailleurs, il est très différent d'être une famille monoparentale selon que c'est une situation subie ou choisie, et on a trop tendance à ne considérer que le cas de ces familles monoparentales précaires qui subissent cette situation et n'ont pas toujours, malgré tout l'amour qu'elles leur offrent, les moyens d'assurer des conditions d'éducation optimale à leurs enfants.

Nous parlons ici de cas dans lesquelles la femme seule aura longuement mûri son projet parental, au sein de son propre environnement familial où l'enfant trouvera des référents féminins et masculins.

Votre crainte n'est donc pas justifiée, et les études montrent que les enfants nés de femmes seules se développent aussi bien que les enfants ayant eu soit deux mères, soit une mère et un père. Avis défavorable.

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L'argumentation du Conseil d'État se limite aux cas des veuves, c'est-à-dire à une situation découlant bien d'un accident de la vie. Nous attirons, nous, l'attention sur le fait que l'ouverture de la PMA aux femmes seules pose d'emblée la question de l'altérité : il est très différent d'avoir deux parents ou de n'en avoir qu'un et, contrairement à ce que vous affirmez, la plupart des psychologues disent que la confrontation à une forme d'altérité est essentielle pour la construction de son identité. Vous ne pouvez balayer cela d'un revers de la main.

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Le rapporteur fait la distinction entre la monoparentalité subie et la monoparentalité voulue : mais le divorce, par exemple, me paraît une situation voulue…

Par ailleurs, puisque l'accès à la PMA pour toutes est un droit non opposable, nous allons en effet au-devant de situations de grande vulnérabilité. On peut être cadre supérieure et tout perdre quelques années après – le covid vient de nous le rappeler. Les gens déménagent, connaissent le chômage, meurent. On ne peut faire des lois qui ne s'adaptent qu'à l'instant t et ne prennent pas en compte le temps long.

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Le principe de non-discrimination doit être un principe général qui s'impose de lui-même. Vouloir l'inscrire dans l'article pourrait laisser penser qu'en réalité son application pose problème. Le sous-amendement n° 1527 propose donc de supprimer l'alinéa 3.

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L'amendement n° 1112 vise à réintroduire la notion de « projet parental », afin de ne pas faire de distinction entre les couples hétérosexuels infertiles et les couples de femmes. L'amendement prévoit cependant de maintenir le fait qu'une AMP peut également avoir pour objet de répondre à une infertilité biologiquement ou médicalement constatée.

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L'accès à la PMA ne doit faire l'objet d'aucune hiérarchisation des projets parentaux ni d'aucune discrimination liée à l'orientation sexuelle, au statut matrimonial ou à l'identité de genre.

L'amendement n° 101 propose donc d'autoriser l'accès à la PMA pour toutes les personnes en mesure de porter un enfant, c'est-à-dire de permettre l'accès à la PMA aux hommes transgenres, qui ont changé d'état civil pour avoir une identité de genre qui leur corresponde mais sont aptes à la gestation. Il y a quelques années encore, on imposait aux hommes transgenres de se faire stériliser pour obtenir leur identité masculine. Fort heureusement, cette règle archaïque a disparu et nous devons poursuivre cette avancée en leur ouvrant l'accès à l'aide médicale à la procréation.

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L'amendement n° 1034 modifie les conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation. Le recours à l'AMP procède avant tout d'un projet parental et de l'échange de volontés, et les critères médicaux ne peuvent à eux seuls déterminer son emploi. L'AMP doit être ouverte aux couples hétérosexuels et homosexuels, ainsi qu'aux femmes non mariées, dans le respect du principe d'égalité. Aucune différence de traitement ne doit exister au regard du statut matrimonial, de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre des demandeurs.

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L'amendement n° 749 entend revenir sur la décision prise par le Sénat de réintroduire le critère d'infertilité comme condition d'accès à la PMA et donc de refuser la prise en charge par l'assurance maladie des demandes de PMA qui ne seraient pas fondées sur un critère médical.

Les sénateurs ont ainsi institué une rupture d'égalité entre les femmes et les hommes qui désirent mener à bien une procréation médicalement assistée. Nous déplorons cette nouvelle écriture, contraire à l'égalité des droits et nous pensons injuste de créer deux catégories de bénéficiaires, a fortiori lorsque l'une des catégories se trouve exclue de toute prise en charge par la sécurité sociale. C'est non seulement contraire à la philosophie qui anime la rédaction de ce projet de loi mais cela risque, en outre, de favoriser la prise en charge des couples hétérosexuels atteints d'une pathologie, rendant ainsi caduque l'effectivité du nouveau droit octroyé aux couples de femmes et aux femmes seules.

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L'amendement n° 102 est un amendement de repli qui propose de revenir à la version initiale du texte adoptée en première lecture.

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L'amendement n° 817 vise à revenir sur la décision du Sénat d'exclure les couples de femmes et les femmes non mariées de l'accès à l'AMP, excluant ainsi de facto les couples hétérosexuels fertiles.

Introduire une différence d'accès à l'AMP entre, d'une part, les couples hétérosexuels et, d'autre part, les couples de femmes crée une rupture d'égalité, qui fait risquer une censure par le Conseil constitutionnel.

Sur le fond, la distinction entre couples fertiles et infertiles est bien moins binaire que ce que l'on peut penser. L'infertilité d'un couple se caractérise par « l'absence de grossesse après douze à vingt-quatre mois de rapports sexuels complets, réguliers (deux à trois fois par semaine) et sans contraception ». Nous sommes à l'évidence ici dans l'ordre du déclaratif, et opérer dans la loi une distinction entre couples fertiles et infertiles est dès lors sans effet réel.

Un tiers des couples ayant recours à l'AMP aujourd'hui n'ont en réalité pas d'infertilité pathologique diagnostiquée, mais une infertilité déclarée, constatée de fait par les couples, suite à l'absence de grossesse malgré des tentatives répétées – j'en profite pour rectifier ici les propos de Mme Thill : selon l'INSERM, ce ne sont pas 5 % mais 15 % des couples qui ne parviennent pas à concevoir d'enfant pour des raisons inexpliquées.

Enfin, il peut exister des raisons, légitimes d'accorder aux couples hétérosexuels fertiles un accès à l'AMP : certains couples fertiles peuvent connaître des difficultés à concevoir dues à d'autres raisons que la fertilité, et il faut en tenir compte.

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L'amendement n° 1180 propose le rétablissement du texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale.

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Le sous-amendement n° 1573 propose d'étendre le principe de non-discrimination à l'identité de genre.

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Je suis défavorable aux amendements et sous-amendements qui reviennent sur les avancées que nous avons adoptées en première lecture. Nous ne souhaitons pas que l'accès à l'AMP pour toutes les femmes soit remis en cause.

Par ailleurs, j'émets un avis favorable sur les amendements ou sous-amendements proposant d'ouvrir l'accès à l'AMP aux personnes transgenres.

C'est tout l'esprit de l'amendement n° 1438 rectifié que je vous propose.

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Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est favorable à l'amendement n° 1312, qui ne mentionne pas les personnes transgenres, question sur laquelle nous n'étions pas parvenus à une position consensuelle lors de la première lecture.

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Je voulais défendre le sous-amendement n° 1575 à l'amendement du rapporteur. Il propose d'ouvrir l'accès à la procréation médicalement assistée aux hommes transgenres. En effet, depuis 2016, le changement de genre à l'état civil n'est plus subordonné à la stérilisation, ce qui fait qu'il existe des hommes transgenres portant un enfant sans avoir eu recours à la PMA.

La PMA avec don de gamètes est déjà pratiquée par des couples hétérosexuels comprenant un homme trans, comme pour n'importe quel autre couple hétérosexuel. Le rapport du Conseil d'État souligne d'ailleurs que la plupart des pays d'Europe n'ont pas défini l'identité des personnes qui pouvaient ou non concevoir un projet parental grâce à la PMA, ce qui permet de ne pas créer de discrimination supplémentaire.

Le projet de loi, tel qu'il est rédigé, conduirait à introduire une discrimination fondée sur le sexe inscrit à l'état civil : un homme transgenre n'ayant pas fait son changement à l'état civil aurait accès aux techniques d'AMP tandis que celui qui l'aurait fait n'y aurait pas accès. Il est inconcevable qu'une loi défendant l'égalité introduise en réalité des discriminations nouvelles.

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Il faut absolument refuser cette fiction qui voudrait qu'une personne puisse utiliser son sexe biologique d'origine tout en étant désignée comme étant du sexe opposé ou en étant intersexe. Cela rend le processus de transidentité dans son ensemble totalement ambigu et contradictoire. On ne peut pas avoir tout et son contraire ; on ne peut être homme et enfanter comme une femme. L'utilisation de son appareil génital de naissance ou même de ses gamètes de naissance implique, me semble-t-il, d'être désigné, dans le processus médical qui suit et vis-à-vis de l'enfant qui pourrait être conçu, par ce sexe de naissance. On ne peut pas tout mélanger, être un jour homme, un jour femme, un jour les deux : pour l'enfant à naître, cela induit une situation bien trop ambiguë.

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Je suis d'autant plus favorable au sous-amendement de M. Lachaud que ce sont des situations qui existent déjà, que cela soit légal ou non. La question est de savoir si nous laissons perdurer des discriminations contre les personnes transgenres qui, dans la réalité, deviennent déjà parents sans les conséquences que vous craignez ; on le sait, car ce sont des situations suivies, encadrées et documentées.

La commission rejette successivement les sous-amendements n° 1565, 1567, 1575, 1568 à 1570, l'amendement n° 1438 rectifié et l'amendement n° 486.

Elle rejette successivement les sous-amendements n° 1498, 1525, 1500, 1527 et 1502 à 1504.

Elle adopte l'amendement n° 1312.

En conséquence, les amendements n° 1112, 101, 1034, 749, 102, 817, 1370, ainsi que le sous-amendement n° 1573 tombent.

Les amendements n° 785 de M. Raphaël Gérard, n° 973 de Mme Nadia Ramassamy, n° 564 et n° 566 de Mme Agnès Thill, n° 1015, n° 1394, n° 43 et n° 44 de Mme Emmanuelle Ménard, les amendements identiques n° 283 de M. Xavier Breton, n° 366 de M. Patrick Hetzel et n° 565 de Mme Agnès Thill, les amendements n° 1007 de Mme Martine Wonner, n° 818 de M. Hervé Saulignac, les amendements identiques n° 1151 de Mme Danièle Obono et n° 1154 de M. Bastien Lachaud ainsi que le sous-amendement n° 1574 de M. Raphaël Gérard, les amendements identiques n° 1162 de M. Bastien Lachaud et n° 1177 de Mme Danièle Obono, les amendements n° 1024 de Mme Nadia Ramassamy, n° 40 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 810 de M. Thibault Bazin et n° 1416 de M. Hervé Saulignac tombent également.

La réunion s'achève à minuit cinq.

Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du lundi 29 juin 2020 à 20 h 30

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, Mme Marine Brenier, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, Mme Anne-France Brunet, M. Guillaume Chiche, M. Francis Chouat, Mme Bérangère Couillard, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré‑Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Nathalie Elimas, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Bruno Fuchs, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Annie Genevard, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Patrick Hetzel, M. Bastien Lachaud, Mme Monique Limon, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, M. Thomas Mesnier, M. Maxime Minot, Mme Sylvia Pinel, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Florence Provendier, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs

Assistaient également à la réunion. – M. Alain David, Mme Agnès Thill