Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mardi 7 juillet 2020 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • algorithme
  • individu
  • intérieure
  • prorogation
  • renseignement
  • terroriste

La réunion

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La séance est ouverte à dix-huit heures.

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Avant d'aborder notre ordre du jour, je voudrais exprimer notre émotion à la suite du décès de Mélanie Lemée, la jeune gendarme tuée samedi dernier dans l'exercice de ses fonctions. Nous assurons sa famille mais aussi l'ensemble des gendarmes de la solidarité et du soutien de notre commission dans cette nouvelle épreuve.

Notre ordre du jour appelle l'examen pour avis, sur un rapport de Loïc Kervran, de l'article 2 du projet de loi de prorogation de plusieurs dispositions du code de la sécurité intérieure. Cet article 2 prévoit en effet la prorogation, au-delà du 31 décembre 2020, d'une technique de renseignement que l'on appelle communément « algorithme ».

Vous le savez tous ici, le renseignement revêt une importance stratégique pour nos armées. Trois services de renseignement du premier cercle relèvent directement du ministère des armées : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement militaire (DRM) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et nous mesurons tous l'importance du continuum sécurité-défense et des liens entre nos opérations militaires extérieures et notre politique de sécurité intérieure face à la menace terroriste.

La saisine pour avis de notre commission sur cette courte disposition se justifie d'autant plus que la commission de la défense s'était déjà saisie pour avis de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

Notre collègue Loïc Kervran a été co-rapporteur d'une mission d'information dressant le bilan de cette loi fondatrice. Dans son rapport présenté il y a tout juste un mois, il évoque longuement cette technique de l'algorithme. Il semblait donc tout désigné pour rapporter sur ce texte, d'autant que ses qualités ont été saluées par tous.

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Notre commission est saisie pour avis sur l'article 2 du projet de loi de prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.

Cet article 2, très court, modifie deux dates, prorogeant d'un an la possibilité de recourir à titre expérimental à une technique de renseignement communément appelée « algorithme », prévue par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, dont j'ai eu l'honneur de vous présenter une évaluation il y a tout juste un mois.

Il s'agit d'une disposition expérimentale, initialement prévue jusqu'au 31 décembre 2018. Compte tenu de la mise en application tardive du premier algorithme, l'expérimentation a été étendue au 31 décembre 2020 par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, abrégée « loi SILT ». Sans intervention du législateur avant la fin de cette année, l'expérimentation ne pourrait donc pas se poursuivre.

Deux questions se posent à la représentation nationale.

Faut-il prolonger ou arrêter ce dispositif expérimental ? C'est à la fois une question de besoin opérationnel et d'équilibre entre libertés et sécurité. Pour y répondre, je montrerai pourquoi les services de renseignement français ont besoin de cette technique et comment l'équilibre entre sécurité et libertés publiques est assuré.

Si ce dispositif est prolongé, doit-il l'être sur ce périmètre, et pour cette durée ? Je vous ferai des propositions sur la durée de prolongation de l'expérimentation, ainsi que sur de futures évolutions du dispositif.

L'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure définit la technique de l'algorithme comme la mise en œuvre sur les réseaux de traitements automatisés destinés, en fonction de paramètres, à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste. Le champ d'application des algorithmes s'étend aujourd'hui à l'équivalent des données de facturation des communications classiques – appels téléphoniques, SMS, consultations de répondeur – des opérateurs téléphoniques français. Il ne s'agit que de données de connexion, conservées vingt-quatre heures au maximum, pour être traitées par les algorithmes.

Si les techniques de renseignement prévues par la loi de 2015 s'exercent de manière individualisée, l'algorithme fait figure d'exception : son objectif est de recueillir, traiter, analyser et recouper un grand nombre d'éléments techniques anonymes pour détecter des signaux de faible intensité sur des données brutes, qui témoigneraient d'une menace pour la sécurité nationale.

L'algorithme est spécifique, mais il convient de le démythifier : ainsi que nous le rappelons dans notre rapport d'information sur la loi de 2015, il ne s'agit pas d'un outil de surveillance de masse mais bien d'un instrument de détection ciblée des signaux faibles. Cette détection est ciblée car elle est effectuée en fonction de paramètres déterminés, dans un seul objectif : révéler une menace terroriste. Il s'agit d'un outil de détection précoce de la menace qui, par essence, est diffuse et évolutive. En matière de lutte contre le terrorisme, la menace émane d'auteurs parfois inconnus des services, ne pouvant faire l'objet d'une surveillance ciblée a priori. Les actes terroristes sont de plus en plus souvent le fait d'individus qui s'inspirent des messages de propagande de certaines organisations les incitant au passage à l'acte et fournissant des instructions pour ce faire, sans qu'ils soient en contact direct avec ces organisations.

Si le dispositif a été instauré en juillet 2015, il n'a commencé à être utilisé par les services de renseignement qu'à compter d'octobre 2017. Désormais, trois algorithmes ont été autorisés et sont en fonctionnement.

La loi de 2015 a aussi prévu l'obligation pour le Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l'application de cette expérimentation au plus tard le 30 juin de cette année. Dans ce rapport, qui nous a été remis la semaine dernière, le Gouvernement indique que les années 2015 et 2016 ont été « marquées par d'intenses travaux techniques et des échanges nourris avec la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ». Le Gouvernement précise que ce sont la DGSE et la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) qui ont travaillé au paramétrage des algorithmes, en lien avec le groupement interministériel de contrôle – service de centralisation des données collectées placé auprès du Premier ministre.

Le rapport indique que pour que les algorithmes soient pleinement utiles, les paramètres d'alerte doivent être définis de manière suffisamment précise pour ne pas recevoir trop d'alertes, ou trop peu, et la qualité des données traitées par les algorithmes doit être suffisante. Il a donc fallu plusieurs allers-retours entre les services de renseignement et la commission de contrôle avant que le premier algorithme soit mis en œuvre, en octobre 2017. Le Gouvernement indique en outre que le premier algorithme « a été modifié assez largement dans ses premiers mois de fonctionnement, en raison d'un nombre encore trop élevé d'alertes générées par le système. Ces ajustements, rapides, ont été très bénéfiques pour la préparation et la mise en œuvre des autres algorithmes ». Au vu de leurs résultats, les trois algorithmes ont fait l'objet de demandes de renouvellement, de deux mois la première fois puis de quatre mois les fois suivantes.

Si les résultats obtenus au moyen de ces algorithmes sont protégés par le secret de la défense nationale, tout comme leur architecture précise, le Gouvernement a informé le Parlement qu'ils ont notamment permis d'identifier des individus porteurs d'une menace terroriste, de détecter des contacts entre des individus porteurs de menace, de mettre à jour des comportements d'individus connus des services de renseignement et d'améliorer la connaissance des services sur la manière de procéder des individus de la mouvance terroriste. Le Gouvernement indique dans son rapport que l'algorithme « a montré qu'il était en mesure de fournir des informations particulièrement utiles sur le plan opérationnel ». Il « permet d'alléger la surveillance sur les objectifs du bas du spectre et leur entourage ou en fin de suivi.

(…)

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D'autre part, ce capteur est un indicateur opérationnel déterminant pour orienter l'enquêteur dans sa stratégie d'investigation concernant le suivi d'un objectif. »

Si les algorithmes ont fait la preuve de leur utilité opérationnelle, ils pourraient s'avérer indispensables si la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) confirmait sa jurisprudence de 2016 interdisant la conservation généralisée et indifférenciée des données. Dans sa décision de décembre 2016 Tele2 Sverige AB, la CJUE a remis en cause l'obligation, pour les opérateurs de télécommunications, d'assurer une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation des utilisateurs de réseaux de communication. Cet arrêt a fait l'objet de questions préjudicielles et devrait donner lieu à une nouvelle décision à l'automne. Cette décision, si elle était confirmée, aurait des conséquences majeures pour les services de renseignement dans la mesure où elle remet en cause la possibilité de recourir à toutes les techniques de renseignement nécessitant la conservation des données, c'est-à-dire qui ne fonctionnent pas en temps réel. L'avantage des algorithmes est précisément de fonctionner en temps réel.

L'algorithme est un outil utilisé par d'autres puissances étatiques. C'est notamment le cas au Royaume-Uni depuis l' Investigatory Powers Act de novembre 2016. La législation néerlandaise prévoit la mise en œuvre de traitements automatisés sur des données de connexion à des fins de détection des menaces « pour l'existence continue de l'ordre démocratique, la sécurité ou les autres intérêts vitaux de la Nation ». Hors du continent européen, les services américains et israéliens utilisent également ce type de techniques.

Il me paraît donc indispensable de poursuivre cette expérimentation : la menace terroriste reste importante et seuls ces algorithmes permettent d'appréhender une masse de données aussi conséquente. La France est une grande nation du renseignement et cette possibilité conférée par le législateur contribue à lui faire tenir son rang.

En contrepartie de ce caractère unique, le recours à la technique algorithmique est non seulement entouré des garanties prévues pour l'ensemble des techniques de renseignement, mais également très spécifiquement encadré.

Un algorithme ne peut être utilisé qu'au titre de la finalité de prévention du terrorisme. Cette menace se maintient à un niveau élevé : en février 2020, on recensait soixante et un attentats déjoués depuis 2013. Depuis le mois de janvier 2020, trois attaques ont été perpétrées, dont deux pendant le confinement : le 3 janvier à Villejuif, le 4 avril à Romans-sur-Isère et le 27 avril à Colombes.

Comme pour les autres techniques de renseignement, la mise en fonctionnement d'un algorithme par les services de renseignement suppose une autorisation du Premier ministre, accordée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La commission de contrôle, autorité administrative indépendante, est consultée aussi bien sur l'architecture de chaque algorithme que sur toute modification apportée à celle-ci. Pour ses vérifications, elle a accès au code source qu'elle analyse avec des experts indépendants. Ce n'est que si l'algorithme détecte des données susceptibles de caractériser l'existence d'une menace à caractère terroriste que le Premier ministre peut autoriser, après une nouvelle consultation de la commission de contrôle, l'identification des personnes concernées. Les données exploitées doivent impérativement être détruites dans les deux mois, sauf éléments sérieux confirmant l'existence d'une menace terroriste.

Le dispositif est donc extrêmement protecteur, à l'opposé des boîtes noires que certains voudraient y voir.

L'intérêt du dispositif et son caractère équilibré étant acquis, se pose la question du format de la prolongation.

Dans le rapport d'information que nous avons présenté il y a un mois, nous préconisons non seulement de poursuivre cette expérimentation mais aussi, afin de donner une plus grande efficacité aux algorithmes, d'étendre leur champ d'investigation à ce qu'on appelle les URL, c'est-à-dire aux adresses web, chaînes de caractères donnant un chemin d'accès à une ressource physique sur internet. Cela permettrait notamment de détecter la consultation, par des individus, de fichiers caractérisant une menace.

Une telle extension du dispositif supposerait une modification conséquente de la loi de 2015, et donc un débat de fond sur l'ensemble du texte. Si l'utilisation des algorithmes était appliquée aux URL, il serait cohérent d'étendre le champ d'application de l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure, qui concerne la technique de recueil de données de connexion en temps réel. En conclusion de notre rapport, nous appelons donc de nos vœux un tel débat de fond.

Cela étant, le Gouvernement a considéré que « les circonstances sanitaires exceptionnelles résultant de l'épidémie de covid-19 rendaient difficile l'examen en temps utile, et dans des conditions de débat appropriées, par le Parlement, d'un projet de loi spécifique ». Il propose donc de proroger l'expérimentation de l'algorithme jusqu'au 31 décembre 2021, soit pour un an de plus que ne le prévoit le droit en vigueur.

S'il me paraît effectivement opportun de décaler la date du 31 décembre 2020, pour sécuriser juridiquement l'expérimentation du dispositif après la fin de l'automne, qui correspond à la période budgétaire au Parlement, il ne me semble pas indispensable d'aller aussi loin dans le temps. Une prorogation au 31 juillet 2021, pour un an, est largement suffisante pour permettre au Parlement de débattre sereinement des évolutions de la loi de 2015. Ce débat sera d'autant plus riche que la loi a fait l'objet d'une évaluation par le législateur et que la mission d'information dont j'ai fait partie a formulé plusieurs propositions d'ajustements. De même, la délégation parlementaire au renseignement, que préside Mme Françoise Dumas et dont je suis également membre, rend chaque année des observations, dont certaines sont rendues publiques, sur l'activité et les moyens des services de renseignement. Enfin, de son côté, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement rend également un rapport public faisant état de son activité de contrôle. Les éléments destinés à nourrir le débat public sur le droit du renseignement sont donc nombreux à notre disposition.

Je vous propose d'amender l'article 2 du projet de loi que nous examinons aujourd'hui afin de prévoir une prorogation de l'algorithme jusqu'au 31 juillet 2021 et, en conséquence, la remise d'un rapport au Parlement d'ici au 31 décembre 2020.

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Depuis une dizaine d'années, notre pays est exposé à une menace terroriste sans précédent : assassinats commis par Mohammed Merah en 2012 à Toulouse et Montauban, tragique année 2015 marquée par les attentats au siège de Charlie Hebdo, au stade de France, au Bataclan, à l'Hypercacher de Vincennes et dans le Thalys, attentats de Nice le soir du 14 juillet 2016, attentat à la préfecture de police de Paris à l'automne 2019. Cette triste énonciation montre combien l'État a besoin d'outils pour assurer la sécurité des Français. Pour éviter que de tels malheurs ne se reproduisent, de nombreux moyens humains et techniques ont été déployés ; ils ont permis de déjouer cinquante-neuf attentats en six ans, comme l'indiquait il y a quelques mois le ministère de l'intérieur.

Parce que les services de renseignement sont en première ligne pour détecter la menace terroriste, la loi renseignement de 2015 a autorisé une expérimentation sur une nouvelle technique de recueil d'informations, fondée sur des algorithmes, systèmes mathématiques de tri des informations numérisées. Le projet de loi dont notre commission est saisie pour avis propose de la proroger jusqu'au 31 décembre 2021. Pour votre part, Monsieur le rapporteur, vous jugez que la date du 31 juillet 2021 laisserait suffisamment de temps pour organiser un débat parlementaire. Il me semble en effet que nous disposons déjà des éléments pour le nourrir. Rappelons en effet que la date initialement prévue par la loi SILT était le 31 décembre 2020.

La pérennisation de l'algorithme et la modification de ses contours techniques sont des sujets sur lesquels les administrations et les services n'ont cessé de réfléchir. Le Parlement a lui aussi déjà commencé son travail. Il y a quelques semaines, nous nous sommes prononcés en faveur de la publication du rapport de la mission d'information chargée d'évaluer la loi de 2015 dont le président est Guillaume Larrivé et dont les co-rapporteurs sont Jean-Michel Mis et vous-même, Monsieur Kervran.

Je tiens à rendre hommage au formidable travail de la délégation parlementaire au renseignement qui mériterait d'être plus connue et plus valorisée. L'examen prochain d'un projet de loi sur le renseignement sera certainement l'occasion pour ses membres de rendre visible le contrôle qu'ils exercent habituellement dans l'ombre.

La prorogation que nous votons aujourd'hui n'est qu'une étape, contrainte par les circonstances sanitaires exceptionnelles de ce début d'année. Dans l'attente d'un véritable débat parlementaire d'ici à l'été 2021, nous veillerons à trouver un équilibre entre préservation des libertés et prévention de la menace terroriste.

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La loi SILT a le mérite d'exister mais le cadre intermédiaire qu'elle a établi entre l'état d'urgence et la situation qui le précédait n'en reste pas moins dégradé. La France est sortie de l'état d'urgence le 1er novembre 2017 et il apparaît comme un moindre mal de conserver des mesures de suivi et de protection face au terrorisme – assignation dans un périmètre, instauration de zones de protection, perquisition administrative, techniques de recueil de renseignement. L'actualité nous rappelle encore leur nécessité et le groupe Les Républicains votera, en responsabilité, leur prorogation. Nous sommes même favorables à une extension de deux ans de leur validité, voire à leur pérennisation. Ne tournons pas autour du pot.

Il faudrait enrichir ce projet de loi. Nous estimons que le profil de certains détenus terroristes appelle un suivi sur une plus longue période que la durée de six mois prévue pour les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS). En juin 2020, sur les 287 MICAS appliquées depuis novembre 2017, seules 42, soit 14 %, ont fait l'objet d'un renouvellement au-delà de six mois, et 16, soit 5,5 % au-delà de neuf mois. Ce renouvellement ne devrait plus être subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. Il faudrait aussi faire en sorte que les trois critères établis pour justifier le recours à de telles mesures soient alternatifs et non plus cumulatifs. La durée totale cumulée, aujourd'hui fixée à douze mois, nous paraît insuffisante au regard de la dangerosité des individus en cause. Elle devrait être portée à vingt-quatre mois, d'autant que ces mesures peuvent être levées dès que le comportement ne constitue plus une menace d'une particulière gravité. Enfin, il importe de modifier la définition du périmètre à l'intérieur duquel l'individu peut se déplacer : le territoire de la commune est bien trop large, compte tenu de la taille de certaines métropoles. L'assignation à résidence serait préférable.

Vous le voyez, il y a encore beaucoup de choses à améliorer en matière de sécurité intérieure.

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Pour le groupe Mouvement démocrate et apparentés, la sécurité de nos concitoyens n'est pas une option : nous devons encourager tout ce qui permettra d'améliorer le fonctionnement de nos services. Nous savons en particulier que la DGSE formule des demandes récurrentes pour accéder bien plus en amont aux données des fichiers PNR (Passenger Name Record) afin de mieux suivre les déplacements d'un individu faisant l'objet d'une surveillance. Nous sommes donc favorables à la prorogation de ces mesures, compte tenu des retards techniques que nous avons enregistrés, et irons dans le sens du rapporteur.

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Rappelons que le projet de loi dont nous sommes saisis pour avis ne comporte que trois courts articles. Un débat plus global sur le renseignement et la sécurité intérieure aura lieu ultérieurement.

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Le texte soumis à l'avis de notre commission ne pose pas de difficultés particulières et notre groupe Libertés et Territoires votera pour son adoption. Il paraît pertinent d'accepter ces prorogations au regard de l'impact de la crise sanitaire sur notre calendrier parlementaire.

Je souhaite partager avec vous notre satisfaction devant le choix du Gouvernement de ne pas renouveler automatiquement pour cinq ans les mesures de la loi renseignement. Une telle automaticité aurait été inconcevable pour nous alors que le texte a d'emblée cherché à donner un fondement juridique à des mesures déjà en vigueur et éloignées du juge judiciaire. Nous ne pouvons laisser perdurer de telles atteintes à l'État de droit. La France est entrée dans une ère sécuritaire très préoccupante. C'est la raison pour laquelle le contrôle du Parlement doit pouvoir s'effectuer concrètement et en toute indépendance. Lors de sa visite en France, en 2018, la rapporteure spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a d'ailleurs insisté sur la nécessité d'une évaluation indépendante.

Nous devrons avoir une discussion sur le fond, notamment sur la technique de l'algorithme. Pour notre groupe, il est évident qu'il faudra envisager une évolution du cadre légal. Le rapport d'activité 2019 de la CNCTR relève que la pratique a fait apparaître des dysfonctionnements de certaines dispositions de la procédure.

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Si nous nous devons tous d'avoir une vision globale des questions de défense nationale, membres ou pas de cette commission car la défense est l'affaire de tous, nous avons aussi intérêt à nous spécialiser pour monter en compétences. Le travail constant sur un sujet ciblé permet d'acquérir l'expertise nécessaire pour que l'Assemblée nationale puisse émettre des avis indépendants et fondés, le rapport de notre collègue Loïc Kervran nous le montre bien.

Le renseignement se réduit souvent à un débat entre liberté et sécurité qui occulte un autre débat, celui qui porte sur la faisabilité et l'utilité. La bonne innovation est celle qui répond à un besoin opérationnel. La question que nous devons nous poser ici est de savoir si les algorithmes sont utiles. Notre réponse est clairement oui. Dans un monde aux risques multiples, le nombre grandissant de capteurs génère toujours plus de données, qui ne peuvent faire l'objet d'un traitement manuel. Or il est nécessaire de pouvoir les analyser pour identifier les individus porteurs de menaces, obtenir des informations sur leur localisation et améliorer la connaissance des services sur la manière dont ils procèdent. L'usage des algorithmes évite d'exercer une surveillance trop poussée sur l'ensemble du spectre. C'est comme si pour pêcher, on utilisait au lieu d'un gros filet ramassant beaucoup de poissons un harpon permettant de sélectionner quelques poissons bien identifiés. En ce sens, les algorithmes peuvent être protecteurs des libertés individuelles.

Nous sommes donc favorables à une prorogation de l'expérimentation, conscients que nous aurons besoin de nous pencher, au sein de notre commission, sur l'actualisation de la loi de juillet 2015.

Quant à l'extension aux adresses URL, elle nécessite un débat de fond. Nous partageons votre conviction, Monsieur le rapporteur, qu'il pourra se tenir d'ici à l'été 2021. Nous soutenons donc votre amendement à l'article 2.

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Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine souscrit à la prorogation de l'algorithme, compte tenu du contexte social et sanitaire et de la menace terroriste, toujours présente. Mais nous sommes impatients de débattre et de faire des propositions, notamment sur l'élargissement du champ d'application de ce dispositif. Actuellement, les Antilles doivent faire face à un problème aussi grave que le terrorisme : la circulation d'armes à feu. Nos forces de sécurité sont dépassées par l'ampleur du phénomène et elles n'ont pas accès aux renseignements qui leur permettraient de lutter, non seulement contre le narcotrafic, mais également contre la circulation d'armes à feu.

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Monsieur le rapporteur, vous avez fait un travail remarquable. Vous proposerez, avec votre amendement, de prolonger jusqu'au 31 juillet 2021, soit pour une durée de sept mois, le dispositif de l'algorithme. Ne faudrait-il pas le prolonger davantage ? C'est la crise sanitaire qui justifie ce report, or nous ne sommes pas à l'abri d'une seconde vague…

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Monsieur Bazin, la commission de la défense ne s'est saisie que de l'article 2 du projet de loi et nos débats d'aujourd'hui concernent uniquement la prorogation de l'algorithme. Je rappelle – et cela me permet de répondre du même coup à M. Jean-Michel Jacques – qu'en prolongeant le dispositif pour une durée trop longue, on se priverait de la possibilité d'étendre le champ d'application de l'algorithme aux URL et d'étendre de la même manière le champ d'application de l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure. Prolonger trop longtemps le dispositif, c'est repousser le débat de fond et l'introduction de nouveaux outils. C'est pourquoi la date de juillet 2021 me semble offrir un bon équilibre : elle permet à l'Assemblée d'avoir un débat de fond, tout en évitant à nos services de perdre du temps pour se doter des bons outils.

Je crois profondément au rôle du Parlement. Or ce dispositif a déjà été prolongé une première fois et je pense qu'il ne doit pas l'être indéfiniment. Il s'agit, je le répète, d'un dispositif expérimental.

Monsieur Michel-Kleisbauer, la mission d'information sur l'évaluation de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a fait un certain nombre de recommandations pour améliorer l'accès des services de renseignement aux fichiers : c'est un sujet qui dépasse le PNR et la discussion d'aujourd'hui, mais vous trouverez de nombreux éléments sur ce sujet dans le rapport d'information.

Monsieur Favennec-Bécot, je suis d'accord avec vous : il importe d'avoir rapidement un débat de fond sur ces questions. Toutefois, je ne crois pas que ces dispositifs soient des « atteintes à l'État de droit », comme vous le dites, bien au contraire. La loi de 2015 a cette particularité d'avoir fait entrer dans le champ du droit la politique publique du renseignement qui se menait, au mieux de façon « alégale », au pire de manière illégale, puisqu'elle était en contradiction avec d'autres dispositions, sur le secret des correspondances, par exemple. La loi de 2015 a été un vrai tournant, puisqu'elle a fait entrer les techniques de renseignement dans le champ du droit.

Monsieur Gassilloud, je partage votre analyse : l'algorithme et d'autres techniques de renseignement, quand elles sont bien ciblées et qu'elles permettent justement de ne pas surveiller tout le monde, protègent les libertés individuelles.

Madame Kéclard-Mondésir, je partage votre souhait d'avoir un débat de fond, même si les questions que vous évoquez nous font sortir du débat sur l'algorithme, dont la seule finalité, pour l'heure, est la lutte contre le terrorisme.

La commission en vient à l'examen de l'article 2 du projet de loi dont elle est saisie pour avis.

Article 2

La commission examine l'amendement n° DN1 du rapporteur pour avis.

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Mon amendement vise à trouver un équilibre entre deux nécessités. Il faut qu'un débat de fond ait lieu, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, sur ces questions qui touchent à l'articulation entre sécurité et libertés publiques. Or la situation sanitaire exceptionnelle ne permettra probablement pas qu'il ait lieu avant le 31 décembre 2020. Il faut par ailleurs pérenniser cette expérimentation au-delà de cette date, car nous ne pouvons pas priver nos services de la technique de l'algorithme. Proroger le dispositif jusqu'à la date du 31 juillet 2021 me semble être le moyen de concilier ces deux impératifs.

Je l'ai dit, beaucoup de propositions sont déjà sur la table : le Parlement a beaucoup travaillé sur ces questions, comme la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Nous serons donc capables de discuter au fond sur ces sujets dans les mois qui viennent, et vos différentes interventions ont montré la nécessité d'avoir ce débat, mais il ne pourra probablement pas se tenir avant la fin de l'année – c'est tout l'enjeu.

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Si je comprends bien, votre amendement vise à proroger la technique de l'algorithme jusqu'au 31 juillet 2021, et non jusqu'au 31 décembre 2021, comme le prévoit le projet de loi. Sur le fond, je n'ai pas d'objection fondamentale mais il ne faudrait pas que cela soit interprété comme un signe de défiance à l'égard de cette technique, ou comme une manière de la remettre en cause. Si ce que vous voulez, c'est que le Parlement puisse débattre rapidement – c'est à dire au premier et non au deuxième semestre de 2021 – d'une loi relative aux techniques de renseignement, alors nous voterons votre amendement. Mais nous voulons être certains qu'il ne remet pas en cause cette technique, qui est absolument indispensable à la lutte contre le terrorisme.

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Il n'y a aucune méfiance de ma part vis-à-vis de cette technique, soyez-en sûr. Ce que je souhaite, c'est que nos services se dotent de la technique de l'algorithme et que son champ soit élargi, comme je l'ai exposé dans mon rapport d'information, sur lequel j'ai travaillé avec notre collègue Guillaume Larrivé. L'objectif est de donner à nos services un outil renforcé le plus vite possible. C'est pour cela que nous voulons aller vite. La loi de 2015 est une loi d'équilibre et il faut débattre de ses suites de manière globale.

La commission adopte l'amendement à l'unanimité.

Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 modifié.

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Je vous rappelle que la commission des lois examinera demain le projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Xavier Batut, M. Stéphane Baudu, M. Thibault Bazin, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Philippe Chalumeau, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Jean Lassalle, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, M. Nicolas Meizonnet, M. Philippe Meyer, Mme Monica Michel, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Florence Morlighem, Mme Nathalie Serre, M. Stéphane Trompille, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Sylvain Brial, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Benjamin Griveaux, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, M. Gilles Le Gendre, M. Franck Marlin, M. Jean-François Parigi, Mme Josy Poueyto, Mme Sabine Thillaye