Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 9 septembre 2020

La séance est ouverte à quinze heures

(Présidence M. Bruno Studer, président)

La commission procède à l'audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, dans le cadre de la discussion générale du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (n° 3234) (Mme Danièle Hérin, rapporteure générale, M. Philippe Berta, Mme Valérie Gomez-Bassac et M. Pierre‑Alain Raphan, rapporteurs).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous engageons nos travaux sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur. Mme Danièle Hérin a été désignée rapporteure générale tandis que M. Philippe Berta, Mme Valérie Gomez-Bassac et M. Pierre‑Alain Raphan étaient nommés rapporteurs, le 27 juillet dernier. M. Frédéric Reiss a été désigné hier comme rapporteur de l'opposition pour l'application de ce projet de loi.

Depuis la fin du mois d'août, les rapporteurs ont procédé à un nombre important d'auditions. Je les remercie pour le travail considérable qu'ils ont accompli dans un délai restreint. Je salue également M. Francis Chouat, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances.

Le projet de loi fait l'objet d'une procédure accélérée. Son examen en séance publique est prévu à partir de lundi 21 septembre.

Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Je suis particulièrement heureuse et honorée d'ouvrir, avec cette audition, l'examen en commission des affaires culturelles et de l'éducation du projet de loi de programmation de la recherche (LPR). La crise sanitaire a mis en évidence l'importance de la recherche, publique comme privée, et nous a rappelé que nous pouvions être fiers de nos chercheurs, de nos enseignants-chercheurs, de tous ceux qui font vivre la recherche dans notre pays.

Je salue l'engagement des centaines de chercheurs participant au réseau REACTing, au service de la lutte contre le virus, celui des chercheurs de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), qui ont la responsabilité de l'application StopCovid, celui de l'ensemble des organismes et universités mobilisés. Tous les champs disciplinaires et toutes les facettes de notre appareil de recherche ont été et restent mobilisés face au virus, depuis le premier jour, et je tenais à leur rendre solennellement hommage devant vous.

Je souhaite également remercier la communauté universitaire et de la recherche qui s'est mobilisée dans un contexte sanitaire incertain, afin de faire vivre le service public de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Je salue son travail et son engagement de chaque instant. Permettez-moi également d'adresser ces hommages à ceux qui prolongent leur engagement en cette période de rentrée universitaire, si particulière.

Le texte qui vous est soumis est dédié aux prochaines générations. C'est au sein des universités et des écoles que tout se joue. Le contexte de présentation de ce projet de loi est exceptionnel mais le texte était particulièrement attendu. De fait, il y a déjà vingt ans que la stratégie de Lisbonne a fixé un objectif qui reste, pour notre pays, une ambition et un défi : porter à 3 % du PIB l'effort national pour la recherche publique et privée. À force de multiplier les occasions manquées, nous avons perdu une décennie.

Rappelons qu'en 2010, les crédits affectés aux programmes 150, 172 et 193, à savoir la recherche publique, dans la loi de programmation pluriannuelle, s'élevaient à 11,42 milliards d'euros. En 2016, ils ne dépassaient pas 11,45 milliards d'euros. Les crédits ont presque stagné alors que le monde scientifique évolue et ne nous a pas attendus. En 2005, la loi Goulard avait bien programmé un effort considérable de 19,4 milliards sur quatre ans, mais, hélas ! faute de cadre juridique suffisant, cet objectif n'a pas été atteint. La stratégie nationale de la recherche, tout aussi ambitieuse, s'est retrouvée, de la même manière, dépourvue de portée juridique et de financement. Les investissements furent faibles au regard du nombre de livres blancs.

Je suis convaincue que le présent projet de loi de programmation nous permettra de réussir. Le chemin est encore long et nous devrons fournir collectivement des efforts considérables, mais nous avons l'occasion de poser ensemble les jalons qui nous permettront d'atteindre nos ambitions.

Malgré les réformes successives, le nombre d'inscriptions en doctorat n'a cessé de diminuer ces vingt dernières années : 20 000 en l'an 2000, moins de 17 000 en 2019. C'est là l'effet de l'érosion des rémunérations, du tarissement des recrutements et de la perte d'attractivité des métiers de la recherche publique en France, au profit d'universités ou d'entreprises dans des pays qui ont misé sur la connaissance et l'innovation.

Malgré tout, la France est demeurée une grande nation scientifique grâce à l'héritage des choix courageux qui ont été faits depuis la création du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) jusqu'à la loi Chevènement, mais surtout grâce à l'engagement des femmes et des hommes qui ont su faire vivre la recherche malgré la sécheresse des financements et le manque de reconnaissance de leur travail. La lassitude, voire la colère, de certaines franges de la communauté scientifique, puisent là leurs racines profondes : manque de moyens, de visibilité, de temps pour la recherche, insuffisance de postes, surcharge administrative. Je l'ai vécu et je sais que certains d'entre vous, qui viennent du monde de la recherche et de l'enseignement supérieur, l'ont éprouvé aussi. Nous arrivons aujourd'hui à un point où nous risquons de décrocher face à des pays qui ont su mener une politique de recherche ambitieuse sur le plan international – la Chine, la Corée du Sud, l'Allemagne ou les pays anglo-saxons qui restent dominants.

La connaissance n'a pas de frontières. La recherche est, par nature, internationale et cosmopolite. Il n'y a pas de grand pays sans une grande recherche, pas d'économie prospère sans une recherche dynamique. J'irai même plus loin : à l'heure du risque sanitaire global, de l'intelligence artificielle, du quantique, il n'y a pas de pays souverain sans une recherche publique et privée portée au meilleur niveau international.

Le texte que j'ai l'honneur de vous présenter répond à ces différents enjeux. Il est le fruit d'un dialogue nourri et d'une large concertation auxquels plusieurs d'entre vous ont déjà participé au travers de groupes de travail dont les apports ont été déterminants, qu'il s'agisse du financement de la recherche, de l'attractivité des emplois et des carrières scientifiques, de la recherche partenariale et de l'innovation. Il est aussi le fruit d'une consultation qui a recueilli près d'un millier de contributions, de centaines de déplacements au plus près des femmes et des hommes qui font vivre la recherche dans notre pays. Le travail, le dialogue et la concertation se poursuivent. Nous travaillons ainsi, avec l'Assemblée nationale, afin de dégager ensemble un chemin pour les dix prochaines années.

Une décennie représente le temps de respiration naturelle pour la recherche mais ne correspond pas au temps institutionnel. Je ne doute pas que nous en reparlerons. Notre responsabilité sera de trouver un chemin collectif pour redonner des armes à la recherche publique, au-delà des clivages, dans l'intérêt général de notre pays.

Le dialogue et la concertation se poursuivent également avec les représentants de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce texte a été adopté par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). C'est le second projet de loi jamais adopté par cet organe depuis sa création, après la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants. Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (CNESERAC), a également approuvé ce texte, qui est par ailleurs discuté au niveau du comité national de la fonction publique d'État.

Le dialogue social se poursuit avec les organisations syndicales. Le 24 juillet dernier, j'ai proposé aux syndicats représentatifs, au sein du ministère, un protocole d'accord relatif aux perspectives de rémunération et de carrière ouvertes par le projet de loi de programmation pour la recherche. Je leur ai adressé des propositions concrètes, chiffrées, financées. Les négociations sont en cours et je vous informerai des conclusions.

Vous l'aurez compris, nous avons l'intention de porter enfin l'effort national pour la recherche à 3 % du PIB. Cet objectif est inscrit à l'article 1er. Nous vous proposons ainsi de réinjecter 25 milliards d'euros dans notre système de recherche au cours des dix prochaines années.

Derrière les chiffres se cache le souhait de porter haut une ambition scientifique renouvelée pour notre pays, car nous n'avons jamais eu autant besoin de science qu'aujourd'hui. En matière de santé, la crise sanitaire nous a fait prendre conscience de la nécessité de mieux connaître les maladies, qu'elles soient communes, rares, émergentes ou réémergentes, en nous inscrivant dans une perspective de santé globale qui intègre la santé humaine, animale, environnementale, sans négliger les sujets du vieillissement et de la dépendance, de plus en plus prégnants.

La montée en puissance des enjeux environnementaux illustre avec autant d'évidence ce besoin de science. La crise climatique et écologique, l'épuisement des ressources, la mise en danger de la biodiversité, mais aussi l'évolution des milieux naturels et humains nous invitent à aborder ces questions de manière pluridisciplinaire, avec la plus grande rigueur et une parfaite lucidité. Nous ne gérerons pas la complexité de ces évolutions d'un simple coup de menton. Les bonnes intentions, les convictions, aussi profondes soient-elles, ont besoin de science pour se transformer en actions et en solutions pérennes.

La révolution numérique, aussi, concerne tous les pans de notre société. L'intelligence artificielle, l'analyse des données, le calcul intensif nous ont ouvert de formidables perspectives dans le domaine de la santé et de l'industrie du futur. Nous ne sommes qu'au début de leur exploration. Parallèlement, ces nouvelles technologies font émerger de nouvelles questions autour du respect de la vie privée, de la souveraineté, de leur accessibilité dans l'ensemble du territoire. Elles ont aussi nourri les croyances infondées, les préjugés et les fausses informations, qui circulent de manière virale, concurrencent le discours scientifique et finissent par le fragiliser. La recherche doit aussi permettre de remédier à ces problèmes.

Certains se plaindront que 25 milliards en dix ans, c'est insuffisant ; d'autres jugeront que le rythme est trop lent ; d'autres, encore, auraient voulu faire autrement. Nous n'avons pas l'intention de dessiner la programmation idéale – elle occupe déjà de pleines étagères. Nous préférons construire une programmation réaliste et soutenable, qui permette à la recherche de respirer en lui donnant une visibilité sur le long terme. La trajectoire que nous vous proposons, au cœur de la programmation, est logique et cohérente. Premier pilier de ce projet de loi, elle est structurée en trois séries de marches : des tranches cumulatives de 400 millions d'euros entre 2021 et 2023, quatre tranches de 500 millions puis les trois dernières de 600 millions.

Cette programmation est un socle qui nous permet de tracer notre politique de recherche. Elle ne dit pas tout de l'évolution du budget du ministère ni des crédits alloués à la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) pour les dix prochaines années. La programmation est, en quelque sorte, le vaisseau amiral d'une entreprise plus globale de soutien à la recherche publique et privée.

Le plan de relance et le quatrième programme d'investissements d'avenir, le PIA 4, s'ajoutent aux enveloppes des trois précédents programmes pour transformer notre système de recherche dans tout notre pays. La programmation a été pensée de manière à construire des ponts avec la prochaine génération de contrats de plan entre l'État et les régions mais aussi avec le programme Horizon Europe. Tous ces programmes sont synchronisés pour amplifier, dès 2021, l'effort de recherche.

Cet alignement des planètes sans précédent permettra au secteur de la recherche de bénéficier, en plus du 1,2 milliard d'euros prévu jusqu'à la fin du quinquennat dans le cadre du projet de loi de programmation, de 3,2 milliards en deux ans. Au total, 4,4 milliards d'euros seront investis en plus dans la recherche en deux ans. Ce mouvement est inédit. C'est un effort sans précédent qu'aucun Gouvernement n'a consenti depuis plusieurs décennies.

La programmation est construite de manière progressive, de façon à donner de la visibilité aux métiers de la recherche et à les assurer de l'arrivée de nouveaux moyens chaque année. Concrètement, la perspective de disposer de moyens supplémentaires animera chaque année d'un nouvel élan les équipes de laboratoires ou d'établissements de recherche pour mener les meilleurs travaux de recherche possibles.

Au terme de la programmation, le budget du ministère dédié à la recherche sera supérieur de 5 milliards d'euros à celui de 2020, indépendamment du PIA, du budget européen, du contrat de plan État-région et du plan de relance.

Cette trajectoire est nourrie par deux dispositions majeures prévues aux articles 11 et 12 du projet de loi, qui tendent à moderniser le financement de la recherche en renforçant la solidarité entre les équipes et la cohésion territoriale. Nous souhaitons, en effet, mettre fin à l'opposition entre les financements par appel à projets et les financements de base. Soyons clairs, la recherche ne souffre pas d'un excès de financement par appel à projets mais d'un défaut de financement global. L'Agence nationale de la recherche (ANR) fut l'une des grandes perdantes de la dernière décennie. Or il n'y a pas de grand pays scientifique sans une grande agence de financement de la recherche. Au cours de la dernière législature, ces crédits sont passés de 700 à 500 millions d'euros, ce qui est très inférieur aux sommes consacrées par la Suisse ou les Pays-Bas à leur recherche.

Du fait de la faiblesse des moyens de l'Agence nationale de la recherche, notre pays a enregistré l'un des plus faibles taux de succès au monde : 15 % à mon arrivée au ministère. Nous sommes parvenus à atteindre 17 % en renforçant les moyens annuels.

Pour illustrer la faiblesse des moyens de base, je ne citerai que l'exemple du CNRS. En 2011, les moyens consacrés directement aux laboratoires s'élevaient à 635,7 millions d'euros. En 2017, ils avaient chuté d'un peu moins de 7 % et n'étaient plus que de 591,9 millions d'euros, ce qui représentait une baisse nette de 44 millions d'euros.

En soi, le projet de loi de programmation pour la recherche opère une petite révolution. Tout d'abord, il fixe un premier objectif simple : porter le taux de succès de l'ANR à 30 %. À cette fin, nous lui allouerons 1 milliard d'euros supplémentaire.

Nous comptons, par ailleurs, doubler le taux de préciput, qui représente la part du financement revenant non aux porteurs de projet mais aux établissements dans lesquels ces projets sont menés. Parallèlement à la hausse du budget de l'Agence nationale de la recherche, environ 450 millions d'euros de crédits de base seront distribués chaque année à ces établissements, en plus des moyens qu'ils percevront au travers de leur dotation budgétaire. Une équipe qui gagnera un appel à projets de l'ANR contribuera ainsi au financement de son laboratoire mais aussi à la politique scientifique de son établissement ou de son site.

La reconnaissance juridique du laboratoire de recherche sera un outil pour orienter directement une partie des crédits de politique scientifique vers les laboratoires, qu'ils soient ou non lauréats d'appels à projets, au service des politiques de sites conduites par les universités et les organismes. Dans les territoires, les universités et les organismes pourront ainsi percevoir chaque année plusieurs millions d'euros en crédits de base supplémentaires, dans un cadre qui leur permettra de développer leur signature dans le domaine de la recherche.

D'autres dispositifs permettront encore de renforcer les moyens de base des laboratoires, dans le prolongement des mesures de soutien que j'ai souhaité prendre dès 2017 et que nous allons amplifier. Je pense aussi aux contrats d'objectifs et de moyens qui devraient remplacer les contrats d'objectifs et de performance, dépourvus aujourd'hui de clauses financières.

Grâce à ce projet de loi de programmation et aux mesures du plan de relance, les moyens de base des laboratoires devraient augmenter très sensiblement dès les deux prochaines années.

Nous avons également l'ambition de faire émerger une nouvelle génération de scientifiques en rendant aux carrières scientifiques la reconnaissance et l'attractivité qu'elles méritent. Ce sera le deuxième pilier du projet de loi de programmation pour la recherche. La programmation représente, à cet égard, une nouvelle donne, en ciblant chacun des points critiques susceptibles de fragiliser le parcours des femmes et des hommes qui ont décidé de consacrer leur vie à la poursuite de la connaissance.

Le projet de loi porte le premier plan de revalorisation du doctorat. Après avoir obtenu la reconnaissance du doctorat au répertoire national des certifications professionnelles en 2018, nous voulons aujourd'hui revaloriser de 30 % les contrats doctoraux d'ici à 2023 et augmenter de 20 % le nombre de thèses financées avant la fin de la programmation.

L'objectif est clair : chaque doctorant doit pouvoir financer sa thèse. Nous avons ainsi l'intention d'augmenter de 50 % le nombre de bourses obtenues par le dispositif CIFRE – convention industrielle de formation par la recherche –, de travailler à partir de contrats directement financés par le ministère, et de créer une nouvelle voie d'accès dans le corps des chercheurs et enseignants-chercheurs par la chaire de professeur junior. Enfin, je souhaite travailler aussi bien avec les associations qu'avec les collectivités territoriales, qui ont des besoins spécifiques, afin d'éradiquer la précarité dans le troisième cycle en moins de dix ans. Des mesures particulières permettront, par ailleurs, d'améliorer l'accueil des doctorants et des chercheurs étrangers.

Sur le plan juridique, le projet de loi de programmation prévoit de créer le premier contrat doctoral de droit privé afin de favoriser la rédaction de thèses au sein des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) et des entreprises. L'enjeu est majeur : faciliter l'insertion professionnelle des jeunes docteurs et des jeunes chercheurs.

Afin de lutter contre la précarité et d'entourer d'un maximum de garanties juridiques les jeunes docteurs, nous vous proposons également de créer un contrat postdoctoral de droit public comme de droit privé, qui donnerait un cadre juridique clair et adapté à cette période charnière et décisive qui suit le doctorat.

Rappelons, même si c'est une évidence, que nos chercheurs et nos enseignants‑chercheurs sont mal rémunérés puisqu'ils gagnent en moyenne 1,3 SMIC à 34 ans, quand ce n'est plus tard, après une thèse et plusieurs contrats postdoctoraux, après des années de contrats précaires. Ce scandale qui érode, année après année, l'attractivité des carrières scientifiques, est dénoncé depuis longtemps. Il appartiendra désormais au passé car, dès l'an prochain, plus aucun chercheur ou enseignant chercheur ne sera recruté à moins de 2 SMIC. L'article 25 prévoit d'appliquer rétroactivement ces mesures à ceux qui ont intégré le corps des chercheurs et des enseignants-chercheurs ces dernières années. Certains pourraient percevoir jusqu'à 7 000 euros pour rattraper les salaires dès l'année prochaine.

Qui plus est, tous les nouveaux recrutés recevront une dotation moyenne de 10 000 euros pour engager leurs travaux de recherche en toute autonomie. Nous n'avons pas prévu de mesure similaire pour les autres mais le projet de loi de programmation permet tout de même de corriger la situation puisqu'il prévoit le plus grand plan de revalorisation des personnels de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation jamais élaboré depuis des décennies.

Entre 2021 et 2027, pas moins de 2,5 milliards d'euros d'indemnités supplémentaires seront versés aux agents dans le cadre d'un plan de convergence des régimes indemnitaires des corps du ministère. L'accord est en cours de négociation avec les syndicats mais je peux vous assurer, dès aujourd'hui, qu'un maître de conférences percevra en moyenne, dès l'année prochaine, 1 000 euros supplémentaires et un chargé de recherche, environ 1 300 euros supplémentaires. En 2027, ces sommes représenteront en moyenne l'équivalent d'un à deux mois de salaire complémentaire. Nous avons ainsi prévu de verser sept tranches cumulatives de 92 millions d'euros chaque année, soit 644 millions d'euros de plus par an, en sept ans.

Les contractuels représentent un peu moins de 30 % de l'ensemble des personnels de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Certains sont des doctorants, d'autres ont signé des contrats au sein d'équipes de recherche pour mener des projets de longue durée, financés au niveau régional, européen ou international. Certains ont de l'or dans les mains : ils sont les seuls à savoir manipuler tel appareil, à pouvoir naviguer dans les bases de données ou les corpus documentaires. Pourtant, ils n'ont signé qu'un contrat à durée déterminée. Leur programme n'étant pas financé par des ressources de l'État, ils ne peuvent pas être titularisés et seront donc remerciés au bout de trois à cinq ans, sans espoir de réembauche dans le public.

Cette assignation à la précarité n'est plus tolérable, aussi l'article 6 du projet de loi prévoit-il de créer un CDI de mission scientifique qui permettra à ces femmes et à ces hommes de bénéficier des garanties qu'offre un tel contrat tout au long de leur mission, sans craindre que ne tombe le couperet arbitraire au bout de six ans, et aux établissements de conserver leur compétence, précieuse pour notre recherche. Il ne s'agit pas de transformer des emplois de titulaires en emplois de contractuels, comme nous l'entendons parfois, mais d'offrir des garanties supplémentaires à des agents en situation structurelle de précarité. Le CDI de mission scientifique représente un véritable progrès social qui permettra à des milliers de personnes d'accéder à des droits, comme celui d'obtenir un logement ou un crédit.

Le projet de loi de programmation tend à renforcer la diversité des recrutements en facilitant l'entrée dans la carrière scientifique de profils aujourd'hui désavantagés par les voies traditionnelles. Le dispositif des chaires de professeur junior, fruit de la réflexion du groupe de travail sur l'attractivité des carrières, devrait permettre que se constituent, au sein d'une université ou d'un organisme de recherche, une petite équipe dynamique de doctorants et d'ingénieurs, recrutés par un professeur junior grâce à un dispositif financier abondé par l'ANR. Cette mesure permettrait aux établissements de soutenir et de mettre en valeur leur politique de recherche scientifique, de conserver des disciplines rares et de renforcer leurs pôles d'excellence. Nous pourrions également conserver dans le monde académique des profils qui auraient pu être happés par des établissements ou des entreprises à l'étranger. Pour les jeunes chercheurs, enfin, cette disposition ouvre une voie supplémentaire d'accès à la carrière scientifique. Ce mode de recrutement est, du reste, le plus répandu dans le monde.

Juridiquement, il s'agit d'un contrat de pré-titularisation qu'un établissement peut passer avec le candidat à la chaire, dont la valeur scientifique du projet aura été évaluée par une commission indépendante. Au terme de ce projet, et après nouvelle évaluation, le professeur junior pourra être titularisé par une autre commission dans les corps des professeurs d'université ou des directeurs de recherche.

Le dispositif de la chaire de professeur junior est particulièrement adapté pour attirer les chercheurs internationaux en répondant aux besoins des jeunes chercheurs qui ont passé de longues années à l'étranger. Il permettra également de répondre à la situation des jeunes femmes dont les carrières s'interrompent souvent au sein des premiers corps faute de pouvoir passer une deuxième fois un concours très sélectif. Je ne doute pas que les débats en commission et en séance publique permettront de renforcer encore le caractère égalitaire de ce dispositif. Il est évident que les professeurs juniors n'ont pas vocation à se substituer aux maîtres de conférences ni aux chargés de recherche. Ainsi, les chaires ne seront ouvertes que sur des postes supplémentaires. Surtout, le nombre de départs à la retraite devrait considérablement augmenter dans les prochaines années. Nous recrutons aujourd'hui, en moyenne, 700 maîtres de conférences chaque année. Au terme de la programmation, nous devrions en embaucher entre 1 500 et 1 700 par an.

Le projet de loi de programmation prévoit une trajectoire d'emplois de 5 200 emplois supplémentaires dits sous plafond. Je peux vous assurer que l'âge moyen de recrutement des maîtres de conférences baissera au cours de la prochaine décennie. Par ailleurs, il est prévu que les chaires de professeur junior ne pourront pas représenter plus de 25 % des recrutements annuels dans les corps des professeurs ou des directeurs de recherche. Les établissements ne pourront pas effectuer plus de la moitié de leurs recrutements par cette voie. Pour vous donner un ordre de grandeur, nous prévoyons 1 400 chaires de professeur junior sur dix ans. L'architecture des voies classiques ne sera pas remise en cause, ni l'intégration dans les corps.

Enfin, dans le cadre du dialogue social engagé notamment avec le CNESER, je me suis engagée à ouvrir, pour chaque création de chaire de professeur junior, une promotion supplémentaire d'un maître de conférences vers le corps des professeurs d'université, afin de débloquer les carrières de ces collègues souvent indispensables à la vie de leur établissement.

Pour redonner de l'attractivité aux métiers de la recherche, il faut également améliorer l'environnement global de la recherche. Nous engagerons une réflexion autour des corps d'ingénieurs, de techniciens, des métiers de l'administration, de bibliothécaires, de tous ceux qui concourent, par leur travail et leur expertise, à la réussite de notre pays.

Cependant, l'une des dynamiques indispensables au fonctionnement de la recherche et à l'excellence de la science, en France comme ailleurs, sera l'évaluation, qui figure au cœur du titre III. La question n'est pas tant de savoir si nous évaluons trop ou pas assez en France, mais si cette évaluation est utile et comment nous pourrions l'améliorer. Les évaluations doivent être une aide à la décision, à condition d'être plus simples, plus synthétiques, plus explicites et de permettre d'accompagner. Nous y travaillerons étroitement avec le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), mais d'ores et déjà, ce texte prévoit quelques dispositions en ce sens.

L'article 10 prévoit ainsi de renforcer et d'harmoniser le système d'évaluation des établissements de recherche et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, dans un souci de simplification, en prenant en compte toutes les missions exercées afin d'améliorer l'avancement professionnel de tous ceux qui contribuent, par leur travail, au rayonnement de leur établissement.

Par ailleurs, l'indépendance du HCERES est réaffirmée. Je vous sais nombreux à vous intéresser à son fonctionnement et à ses perspectives.

Pour simplifier la vie des chercheurs, nous devons aussi faciliter le financement de leurs travaux. En améliorant le taux de succès aux appels à projets, l'augmentation du budget de l'Agence nationale de la recherche rendra les financements plus accessibles à tous et à l'ensemble des disciplines. Un portail unique permettra de faire converger l'ensemble des appels à projets, de synchroniser les calendriers, d'harmoniser les cahiers des charges et les procédures de sélection.

Ces orientations, ces outils, ces moyens rendus à la recherche ne prennent véritablement tout leur sens qu'au regard des bienfaits que notre pays pourra en retirer. C'est pourquoi le titre IV vise à renforcer la diffusion des résultats de la recherche dans l'économie et la société. Je sais combien vous êtes attachés, tous, ici, aux objectifs portés par ce titre mais le seul terme d'« objectifs » ne suffit pas à décrire le changement de culture et de mode de pensée qu'il induit. En diffusant la recherche dans l'économie et la société, nous pourrons, du moins pour partie, répondre à l'un des grands défis auxquels nous avons été confrontés ces derniers mois : celui de l'incompréhension, voire de la défiance, entre la science et la société, celui de la disparition de toute communication entre deux mondes qui auraient pourtant tant à gagner à se retrouver.

Si la recherche et la société ne se rencontrent pas et ne se nourrissent pas de leurs apports mutuels, nous ne parviendrons pas à parfaire la transformation dont notre pays a besoin pour relever les défis de demain. L'investissement considérable que nous demandons à la nation pour la recherche prend alors tout son sens. Chacun, qu'il soit décideur, acteur économique ou simple citoyen, doit pouvoir en récolter les fruits. Nous devrons, à cette fin, faire en sorte que les relations entre la recherche et le monde socio-économique changent d'échelle pour que les connaissances, issues du travail en laboratoire, se concrétisent dans l'innovation, la croissance, pour nos start-up, nos PME, nos grands groupes, l'emploi et le mieux-être pour nos concitoyens. C'est l'une des grandes ambitions de ce titre IV.

Le partage de la culture scientifique, technique et industrielle est le second objectif prévu à ce titre. La science, aujourd'hui, ne relève pas des seules actions de l'État ou des établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Elle rayonne et fédère un public plus large grâce aux initiatives portées par les associations, les collectivités, les médias, tous les lieux de diffusion, de médiation, de création des savoirs.

Grâce aux moyens alloués par le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, d'ambitieuses initiatives pourront être prises, à l'image des acteurs qui les soutiennent : plurielles, diverses, nationales ou territoriales, à petite ou grande échelle. Je pense aux centres Sciences et médias, à l'instar de ceux qu'ont installés d'autres pays comme l'Allemagne, l'Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni. Il pourra également s'agir du 1 % culture scientifique que prévoit l'Agence nationale de la recherche dans son budget d'intervention pour les relations entre la science et la société, mais aussi d'appels à projets dédiés ou du financement d'un volet culture scientifique dans le cadre des projets de recherche volontaires.

D'autres initiatives pourront naître à moyen terme : des projets de science participative, la formation de chercheurs au dialogue avec des non-spécialistes, l'apport d'expertise auprès des décideurs politiques ou le développement de recherches autour des relations entre la science et la société.

Nous travaillerons étroitement avec les autres ministères, en particulier celui de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, mais aussi avec les régions, car certaines sont à l'origine de très belles initiatives dans ce domaine. Je sais que vous portez de riches idées, vous aussi, et je serai heureuse d'en débattre avec vous à l'occasion de l'examen de ce titre.

Ce projet de loi de programmation représente à la fois la fin d'un cycle – celui du tarissement du financement de la recherche publique en France – et l'ouverture d'un nouveau chemin pour qu'émerge une nouvelle génération de chercheurs et d'enseignants-chercheurs, au service d'une ambition scientifique renouvelée pour notre pays. Il permettra de renforcer la solidarité, la justice, la sécurité : solidarité des équipes de recherche, des financements, des partenariats, des territoires ; sécurité des contrats, des recrutements et des parcours.

Ce texte nous offre une occasion unique de replacer la parole et la démarche scientifique au cœur du débat public et de notre société, dans les entreprises, les associations, les territoires. Je suis convaincue que vous saurez la saisir.

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Ce texte est une véritable loi de progrès pour la recherche. Elle profitera à toutes les femmes et à tous les hommes qui font cette recherche et permettra de défendre les intérêts stratégiques de notre pays. La programmation budgétaire nous engage sur dix ans pour tenir compte du temps long de la recherche, et vise à revaloriser le financement de celle-ci, à renforcer l'attractivité de ses métiers et à participer au rayonnement de la France. Elle a pour objectif principal de donner de véritables moyens à la recherche et d'accompagner ce secteur clé pour l'avenir. Notre pays, qui a toujours été pionnier en matière de recherche et d'innovation, comme en attestent de nombreux prix Nobel, y trouvera les moyens de maintenir son rang dans la compétition accrue entre les nations.

Le Gouvernement et la majorité s'engagent donc de manière inédite pour la recherche et l'innovation. Cet engagement se traduit par un effort budgétaire sans précédent et par la création de dispositifs juridiques adaptés aux besoins des métiers de la recherche d'aujourd'hui.

En ce qui concerne le volet budgétaire, je tiens à rappeler que les crédits alloués à la recherche ont déjà augmenté de 2,5 millions d'euros en trois ans, soit autant que l'augmentation réalisée entre 2012 et 2017. Grâce au projet de loi, nous poursuivons et amplifions cet effort dès 2021. D'une part, le projet de loi de finances pour 2021 déclinera l'engagement prévu dans le présent projet de loi, soit 357 millions en plus par rapport à 2020 pour le récurrent et 149 millions d'euros supplémentaires pour les appels à projets de l'ANR. D'autre part, le plan de relance allouera à la recherche 2,55 milliards d'euros en 2021 et en 2022 à travers le PIA 4. L'Union européenne, à travers son programme Horizon Europe, et les contrats de plan État-région abonderont également son financement. Il s'agit donc d'un véritable choc budgétaire dès les deux premières années.

S'agissant de l'attractivité, nous créons de nouveaux dispositifs. Les chaires de professeur junior permettront la titularisation aux postes de professeur ou de directeur de recherche dans les six ans après la thèse. Cette nouvelle voie de recrutement vise à retenir les jeunes talents, en particulier dans des domaines où la concurrence des universités étrangères ou des entreprises est forte, par exemple dans l'informatique. Nous créons également un CDI de mission afin de mettre un terme à la précarité de nos chercheurs livrés à l'instabilité des contrats courts. Enfin, nous créons un contrat doctoral de droit privé afin de faciliter la recherche au service de l'innovation et de la compétitivité de nos entreprises.

Avec mes collègues rapporteurs, conscients des enjeux, nous avons travaillé dans le consensus afin d'améliorer encore le texte et d'entériner sa capacité à répondre aux problèmes actuels rencontrés par la recherche publique et privée.

De mon point de vue, une actualisation de la loi tous les trois ans est nécessaire afin d'évaluer les dispositifs créés, mais aussi de prendre en compte l'évolution de la conjoncture économique.

Nous serons particulièrement attentifs à ce que la loi permette de diffuser la parole scientifique dans la société à travers des actions de médiation. L'enjeu est d'encourager les établissements, les chercheurs et les doctorants à développer le dialogue entre la science et la société et de les accompagner : ces activités devraient être reconnues et valorisées, pour les chercheurs comme pour les établissements.

En outre, je souhaite que cette loi soit l'occasion de reconnaître et de valoriser les spécificités du secteur des sciences humaines et sociales, en particulier dans leur activité internationale.

Enfin, nous serons attentifs à ce que des mesures soient prises pour faciliter la recherche collaborative et partenariale, afin que la recherche publique, les entreprises et la société civile – les associations, par exemple – travaillent ensemble.

Je remercie Mme la ministre de sa présence parmi nous. Je suis sûre que nos échanges vont permettre à nos collègues commissaires de mesurer les avancées permises par ce texte ambitieux.

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À mon tour de vous remercier, madame la ministre, pour l'ambition historique que traduit ce texte porteur d'un investissement de 25 milliards d'euros sur les dix prochaines années. Il ne s'agit pas seulement d'un investissement financier : c'est l'expression du niveau de confiance dans l'avenir de notre nation, de la jeunesse et des générations futures, étant entendu que chaque euro mis dans la recherche, l'innovation et le développement, c'est, à la fin, du mieux-vivre et de l'emploi. Quand on aime son pays, on investit dans la recherche, surtout quand celle-ci a pour objectif, comme le rappelle le rapport annexé, de soutenir trois grandes transitions : sanitaire, écologique et technologique.

En parallèle, il y a l'agenda 2030, qui a pour but d'atteindre les dix-sept objectifs de développement durable adoptés en 2015 par les 193 pays membres de l'ONU, dont la France.

Le projet de loi reflète également une ambition en matière de simplification : il doit permettre de redonner du temps de recherche à nos chercheurs, qui souffrent trop souvent d'une lourdeur administrative qui n'est plus adaptée au XXIe siècle.

Nous avons hâte d'enrichir ce texte à vos côtés, madame la ministre, notamment pour ce qui est de garantir une meilleure diffusion de la science dans la société – enjeu qui englobe plusieurs aspects, notamment la valorisation du doctorat et de l'excellence scientifique française. On doit s'interroger sur la manière dont l'audiovisuel public pourrait s'engager pour une meilleure diffusion de la science dans notre société. Il faut également soutenir et reconnaître davantage la recherche participative, embarquer les citoyens, les associations, l'ensemble de la société.

Enfin, nous serons aussi très exigeants quant à la lisibilité de la trajectoire financière. Certains ont demandé un démarrage plus rapide lors des premières années ; les choses ont commencé à être précisées avec le plan de relance annoncé par le Premier ministre et la quatrième génération des PIA. Cela témoignera d'une ambition encore plus forte que celle qui est déjà exprimée dans le projet de loi.

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Les articles dont j'ai la charge visent à renforcer l'attractivité des carrières en répondant à quatre grands enjeux.

Le premier concerne les débuts de carrière. À cet égard, l'article 3 crée les chaires de professeur junior, à savoir des contrats d'une durée de trois à six ans pour des jeunes docteurs, dans le cadre d'un parcours de titularisation dans le corps des professeurs des universités ou dans celui des directeurs de recherche. L'idée est d'ouvrir un accès plus direct aux fonctions de professeur des universités ou de directeur de recherche. Le dispositif cible des jeunes chercheurs au parcours atypique ou encore certains profils qui, sinon, partiraient à l'étranger. Ces chaires viennent compléter le recrutement en vigueur au travers du parcours de qualification en offrant aux établissements une possibilité complémentaire. Cette possibilité devra sans doute être mieux encadrée et évaluée régulièrement pour éviter tout effet de bord, mais il ne s'agit en aucun cas, je tiens à le préciser, d'une remise en cause du système de qualification. En effet, une trajectoire d'emploi prévoit d'augmenter le nombre de recrutements passant par la qualification. Par ailleurs, le dispositif ne revêt aucun caractère obligatoire : c'est une possibilité offerte aux établissements de recruter grâce à lui de nouveaux profils. Il en va avant tout de l'attractivité des carrières scientifiques.

L'article 4, quant à lui, crée un nouveau type de contrat ciblant les doctorants du privé. Il sera plus adapté aux particularités du doctorat et, surtout, permettra de sécuriser davantage les parcours des doctorants dans le privé et leur recrutement.

L'article 5 vise plus particulièrement les débuts de carrière par la création de contrats postdoctoraux de droit public et privé, ouvrant ainsi des possibilités aux titulaires d'un doctorat qui se retrouvent sans aucune solution adaptée à leur situation.

Le deuxième grand enjeu du titre II concerne la continuité des projets de recherche. Le projet de loi vise, en effet, à adapter les outils de gestion des ressources humaines existants afin de les faire correspondre au mieux aux réalités actuelles de la recherche.

L'article 6 ouvre ainsi la possibilité pour les établissements de recruter des agents en vue de mener à bien un projet identifié au moyen d'un CDI de mission scientifique. L'objectif essentiel du dispositif est de limiter le recours massif aux contrats précaires que l'on observe dans le monde de la recherche. La création du CDI de mission scientifique permettra de sécuriser davantage les agents, qui se verront assurés de rester en poste jusqu'au terme de l'activité de recherche pour laquelle ils ont été recrutés.

S'agissant toujours de la continuité des projets de recherche, l'article 9 prévoit la possibilité de maintenir en fonction au-delà de la limite d'âge les lauréats de grands appels à projets, pour une durée de cinq ans. Il s'agit de faire en sorte que la limite d'âge ne remette pas en cause la conduite de grands projets de recherche.

Le troisième enjeu est celui de l'accueil des doctorants et chercheurs étrangers. C'est l'un des aspects clés de l'attractivité internationale de notre système de recherche. L'article 7 renforce l'accueil des doctorants et chercheurs étrangers boursiers en définissant en particulier dans la loi le séjour de recherche, avec pour objectif de faciliter leur accueil et de renforcer l'attractivité des établissements français. Certains droits sont adossés au dispositif ; ainsi, la possibilité est ouverte de mettre en œuvre des dispositifs d'aide sociale.

Enfin, le quatrième enjeu est celui du déroulement des carrières. L'article 8 vise à permettre aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs détachés de bénéficier d'une nomination dans un autre corps au cours d'une période de mobilité sans qu'il soit mis fin à leur détachement. L'article 19 introduit des mesures de simplification en matière de cumul d'activités. L'article 25, quant à lui, permet l'application rétroactive de modifications concernant les règles de classement.

Ces mesures simplifient et accompagnent le déroulement des carrières dans la recherche. Leurs objectifs sont de sécuriser les parcours, de permettre à de nouveaux profils d'être titularisés ou encore de faciliter les mobilités. Elles répondent à des besoins bien identifiés et corrigent les limites du système actuel. Il faudra sûrement apporter des précisions – je pense notamment aux mesures envisagées plus spécifiquement pour les maîtres de conférences –, mieux encadrer certains dispositifs pour s'assurer de n'oublier personne et sécuriser certains points. Cela dit, je tiens à souligner que chacun de ces articles répond à un véritable besoin de la communauté des chercheurs. Ils permettront, à n'en pas douter, de sécuriser davantage les parcours et de renforcer l'attractivité de notre recherche.

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À mon tour de me réjouir du dépôt tant attendu de ce projet de loi de programmation pour les années 2021 à 2030. La situation du monde de la recherche ne réclamait pas moins. Enseignant-chercheur moi-même, je partage le constat largement dressé par les personnalités que nous avons entendues depuis quinze jours. Alors que leur métier est avant tout pour eux une passion et un engagement et qu'ils sont très largement porteurs de notre avenir collectif, un trop grand nombre de chercheurs et d'enseignants-chercheurs sont désenchantés et manquent de perspectives. Le présent projet a justement le mérite de tracer des perspectives de moyen terme, au-delà des échéances politiques immédiates. Ce point a pu faire l'objet de critiques ; il montre plutôt, à mon sens, une belle volonté de se dégager d'un calendrier purement institutionnel pour penser la recherche de demain.

Trop nombreux sont les départs à l'étranger qui ne participent pas au rayonnement de notre pays et qui témoignent, plus généralement, d'un manque d'attractivité du métier de chercheur en France. Ce n'est pas seulement dû à des questions financières, qu'il s'agisse des rémunérations, souvent faibles, ou du manque de ressources pour conduire les travaux ; le malaise me paraît en partie dû aussi à un sentiment de blocage – les procédures sont complexes, parfois opaques, la coordination entre les organismes de recherche publics et privés est perfectible et l'ouverture sur le monde de l'entreprise est trop timide, alors que les découvertes de nos chercheurs devraient y déboucher naturellement.

Tels sont les points pour lesquels le projet de loi s'efforce d'apporter des améliorations, parfois modestes d'apparence, mais dont certaines peuvent être décisives à moyen et long termes. Ces mesures de simplification sont comprises dans les titres IV et V, dont je suis rapporteur.

Le titre IV s'efforce d'améliorer les relations entre le monde de la recherche et l'ensemble de la société, notamment les entreprises.

L'article 13 élargit ainsi les possibilités ouvertes aux agents publics de participer à la vie d'une entreprise, voire d'en créer une, lorsqu'il s'agit de valoriser des travaux de recherche. L'article 14 permet aux chercheurs et enseignants-chercheurs de se partager plus facilement entre une activité d'enseignement, une activité de recherche et un emploi à temps partiel dans une entreprise, grâce à un assouplissement du régime de cumul d'activités à temps partiel et des mises à disposition. L'article 15 permettra notamment aux organismes de recherche, à l'instar des établissements d'enseignement, de créer des dispositifs d'intéressement susceptibles d'impliquer davantage les chercheurs sur le plan financier dans les résultats et les applications de leur recherche. Ce sont autant de mesures qui favorisent les échanges entre le monde de la recherche et l'ensemble de la société et de l'économie – au plus grand bénéfice de tous, je l'espère, mais d'abord des chercheurs.

Le titre V propose, quant à lui, diverses mesures de simplification et de réorganisation.

L'article 19, par exemple, remplace par un simple régime de déclaration préalable le régime d'autorisation auquel sont soumis les agents publics lorsqu'ils veulent exercer une activité accessoire qui relève de leurs missions statutaires. Je suis favorable à cette mesure, même s'il me semble que ce cumul doit garder des proportions raisonnables. Faut-il pour cela lui imposer un plafond dans la loi ou bien celle-ci doit-elle prescrire à leur organisme de rattachement d'en fixer un ? La première solution présente l'inconvénient d'aligner d'avance au cordeau des situations parfois très diverses ; la seconde pourrait créer des inégalités entre chercheurs selon leur établissement d'origine. Après réflexion, je préfère en rester à un appel à la sagesse.

L'article 22 prévoit une révision des règles d'ouverture et de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur privés « dans le sens d'un renforcement du contrôle des conditions exigées des personnels de direction et d'enseignement et de lutte contre les fraudes et les atteintes à l'ordre public ». Sont notamment visés les établissements d'enseignement supérieur privés susceptibles de s'inscrire dans une approche communautariste, voire sectaire. Il ne faudrait pas, cependant, que les autres établissements pâtissent de ces mesures.

L'article 24 crée, auprès de chaque centre hospitalo-universitaire (CHU), un comité territorial de la recherche en santé, où seront représentés les universités, les autres établissements de santé, les professionnels de santé libéraux, les organismes de recherche et les collectivités territoriales. La coordination sera assurée par le CHU et l'université. Il appartiendra aux acteurs de s'approprier ce nouvel instrument qui vise à coordonner leurs efforts pour la mise en œuvre de la politique de recherche en santé. On peut se demander s'il ne serait pas bon de laisser aux acteurs locaux le choix de leur organisation.

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La commission des finances, saisie pour avis, a examiné le projet de loi ce matin et adopté des amendements.

Cette loi de programmation doit être conçue pour constituer un triple choc : un choc de confiance – la confiance que la nation doit avoir dans la science et le progrès ; un choc de mobilisation financière ; un choc d'attractivité des métiers de la recherche. Rien de cela ne s'est fait depuis au moins trois décennies. Il s'agit, non plus de combler un retard, mais bien de « challenger » l'avenir. Ma conviction est que le projet de loi permet de le faire.

Pour y parvenir, il me semble essentiel de crédibiliser la trajectoire, à savoir l'effort de 25 milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2030, inscrit à l'article 2 ; cet aspect a fait l'objet d'un débat extrêmement intéressant en commission des finances. À cette fin, j'ai proposé plusieurs amendements, qui ont été adoptés. L'un d'entre eux prévoit, d'une part, que le Gouvernement remette au Parlement, en amont du débat d'orientation des finances publiques, un rapport annuel expliquant les écarts éventuels par rapport à la trajectoire et, d'autre part, une clause « de revoyure » dans trois ans, ce qui nous paraît plus efficace que d'engager un débat sans fin sur la durée de vie de cette loi de programmation.

Le texte contient plusieurs dispositions qui, dans le prolongement de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), étendent la possibilité pour les chercheurs du secteur public de passer du temps en entreprise. J'y souscris.

Par ailleurs, je souhaite que le suivi des doctorants soit renforcé, même s'il est déjà mentionné dans le projet de loi, en particulier lorsqu'ils ont fait le choix d'acquérir une expérience à l'international. J'ai déposé un amendement dans ce sens, adopté par la commission des finances ce matin.

Un autre sujet, et non des moindres, est le renforcement des liens entre la science et la société, qui est impératif. À cet égard, je me félicite de l'adoption de plusieurs amendements par la commission saisie pour avis. L'un précise que les territoires constituent une échelle tout à fait pertinente pour y contribuer ; un autre vise à poursuivre la méthode de travail qui a présidé à la préparation du projet de loi de programmation pendant près de deux ans, à savoir une association étroite de toutes les parties prenantes, au niveau national comme dans les territoires.

Par ailleurs, il me semble important de s'appuyer sur le haut-commissariat au plan. Un amendement d'appel, tout à fait perfectible, naturellement, a été adopté dans ce sens par la commission des finances : il s'agit de veiller à ce que les enjeux liés à la recherche et à l'innovation soient bien pris en compte dans le périmètre d'action et de réflexion du haut‑commissariat. Nous proposons que celui-ci joue un rôle dans la définition, pour les vingt prochaines années, de la stratégie interministérielle en la matière, laquelle a ensuite vocation à être déclinée, y compris dans les territoires. Contrairement à ce que j'ai entendu dire ce matin, il ne s'agit en aucun cas de faire en sorte que le haut-commissariat se substitue aux ministères.

Enfin, nous avons adopté un amendement au rapport annexé prévoyant que la recherche sur les cancers pédiatriques soit dotée de moyens d'action spécifiques et que le Parlement soit étroitement associé à l'élaboration des actions menées en la matière.

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En tant que rapporteur d'application d'une loi qui n'a pas encore été votée, j'ai le sentiment de mettre la charrue avant les bœufs, mais, au regard des aléas qu'a connus la loi de programmation, avec plusieurs reports – la mise en pause du fait de la crise du covid-19 ou du changement de Gouvernement –, c'est plutôt un sentiment de soulagement qui a prévalu lorsque le projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 22 juillet.

On ne peut que se réjouir de la volonté de favoriser enfin le rayonnement de la recherche française et, en cette période de crise sanitaire où les milliards injectés dans l'économie donnent le tournis, être satisfait de l'augmentation pluriannuelle des crédits destinés à la recherche. La loi de programmation prévoit une augmentation de 5 milliards d'euros en 2030 des crédits alloués à la recherche, dont 1 milliard pour l'ANR – et ce dès 2027 –, consolidant ainsi la place de cet organisme dans le domaine de la recherche. Elle se fixe également pour objectif la revalorisation des métiers scientifiques.

La revalorisation des carrières est attendue et plus que nécessaire. C'est un chantier titanesque, qui doit prendre en compte l'ensemble des personnels et des établissements publics, et non se limiter à ceux du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) : la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 doit concerner toute la recherche française.

Les débats ne seront pas de tout repos, car le texte a déclenché une vague de protestation sans précédent dans le monde universitaire et scientifique, qui craint qu'une recherche plus compétitive ne devienne sélective et n'augmente la précarité dans la profession.

Selon moi, l'un des enjeux est l'efficacité de la recherche appliquée en entreprise : certes, la loi de programmation doit en priorité permettre des progrès dans la recherche fondamentale – c'est le modèle dominant dans les universités –, mais ces deux approches, quoique différentes, me semblent complémentaires. Tout en regrettant au passage que la recherche en santé ne soit pas spécifiquement affichée et soutenue dans le projet de loi, je prendrai pour exemple la recherche médicale, qui peut être fondamentale ou clinique. Les membres du groupe de travail de notre commission chargé du suivi de la crise sanitaire du covid-19 dans le domaine de la recherche en ont pris conscience lors des différentes auditions orchestrées par Philippe Berta et Sandrine Josso.

Sans doute faudra-t-il de nouvelles approches entre l'université et les entreprises en matière de recherche, une proximité nouvelle qui créera une synergie forte avec les acteurs socio-économiques. Dans notre commission, tout au long de l'année 2019, les Rendez-vous de la recherche ont permis à la Conférence des présidents d'université, mais aussi à des organismes comme l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), le CNRS ou l'INRIA de faire des propositions.

Un des objectifs majeurs est de redonner des marges financières à la recherche française. Pour cela, il faut avoir en mémoire la stratégie de Lisbonne qui, vous l'avez rappelé, madame la ministre, prévoyait il y a déjà vingt ans que 3 % du PIB soient consacrés à la recherche, dont 1 % à la recherche publique – en 2019, en France, nous en étions respectivement à 2,2 % et 0,7 %.

Nous sommes dans le cadre d'une loi de programmation pluriannuelle, à un an et demi d'une élection présidentielle : cela me conduit à penser que se soucier de l'application de la loi, même avant les débats, n'est finalement pas si incongru que cela. Madame la ministre, vous voulez donner du temps, des moyens et de la visibilité, et il s'agit d'une loi pour les dix ans à venir, mais n'oublions pas qu'il y a un certain nombre d'urgences. Si l'une des conséquences de cette loi pouvait être d'améliorer les débouchés dans le domaine de la recherche, cela permettrait sans doute à de jeunes chercheurs ayant quitté la France en fin de doctorat de trouver un poste dans leur pays d'origine. Ce serait déjà un très grand progrès.

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Nous sommes fiers de nos chercheurs et de notre recherche, et je suis certaine que les parlementaires, à l'instar du Gouvernement, souhaitent donner les moyens et ressources budgétaires nécessaires pour que la France se tienne au premier rang des nations en matière de recherche et d'innovation. Tel est bien l'objectif du projet de loi : la trajectoire budgétaire sur dix ans redonne la visibilité nécessaire pour la montée en puissance de notre effort de recherche, et le plan de relance en accélérera l'amorçage.

Parmi les sujets essentiels auxquels le groupe LaREM est particulièrement attaché, figure en premier lieu l'attractivité des carrières offertes à nos jeunes chercheurs, dont les conditions salariales se sont dégradées au cours des dernières décennies. On ne peut que déplorer la constante diminution du nombre de nouvelles inscriptions en doctorat, qui est passé de près de 20 000 en 2009 à 16 900 en 2017. Un autre exemple en est la réduction du nombre de candidats à l'entrée au CNRS : de 8 150 en 2010, il est tombé à 5 800 en 2018.

Une première réponse consiste donc dans la revalorisation des carrières. L'instauration d'une voie complémentaire et rapide, à savoir les chaires de professeur junior, permettra aussi à notre pays de garder nos meilleurs talents, très disputés sur la scène internationale, et de s'attacher des compétences rares venues de l'étranger. Ce nouveau dispositif fait débat dans le monde de la recherche, mais nous en assumons le principe. Sinon, que répondre à nos concitoyens qui s'interrogent, voire s'indignent du départ de nos jeunes chercheurs à l'étranger ?

Plus généralement, l'essentiel est de garantir à tous nos chercheurs, enseignants‑chercheurs et doctorants les conditions leur permettant de conduire leurs recherches l'esprit libre et serein. C'est pourquoi notre groupe est très favorable à une augmentation des crédits de fonctionnement des laboratoires et des établissements par la hausse des crédits de base et par un abondement à hauteur de 40 % des budgets de l'ANR.

Il faut également réduire la précarité des personnels attachés aux projets de recherche en offrant un CDI de mission scientifique, en remplacement des actuels CDD, et sécuriser doctorants et post‑doctorants en créant de nouvelles formes de contrat.

Nous nous félicitons également du recrutement prévu de plus de 5 000 personnels statutaires supplémentaires, ainsi que du déploiement d'un environnement de recherche alloué à chaque jeune chercheur et titulaire d'une chaire de professeur junior.

Nous soutenons aussi la nécessité d'alléger les dispositifs d'évaluation pour restituer aux chercheurs du temps de recherche et d'adapter davantage les procédures d'évaluation au contexte.

Par ailleurs, le groupe LaREM souhaite insister sur le lien entre la science et la société, notamment à travers les dispositifs destinés à diffuser la culture scientifique dans la jeunesse et contribuant à éclairer les débats – les polémiques aussi, parfois –, pour éviter que la raison ou l'objectivité des faits ne soient battues en brèche. Nous y travaillerons dans le cadre de l'examen de ce texte, en commission et dans l'hémicycle.

En outre, notre groupe s'est prononcé en faveur de la progression des carrières des femmes dans la recherche. Force est de constater, en effet, que les disciplines sont fortement genrées, avec une prédominance ostensible des femmes dans les sciences humaines et sociales, par exemple, et celle des hommes dans certaines sciences dites dures. Il ne s'agit en aucun cas de brider les compétences des unes et des autres dans le champ qui est le leur, mais nous devons trouver les voies adaptées pour opérer un rééquilibrage entre les femmes et les hommes, à moyen terme, dans les différentes disciplines, et travailler en amont pour susciter de nouvelles vocations chez les jeunes femmes et chez les jeunes hommes. Il importe aussi de veiller au respect de la parité dans toutes les instances décisionnelles.

Les membres du groupe LaREM sont très enthousiastes à l'idée de travailler à ce projet de loi dans la perspective de son adoption.

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L'ambition affichée dès 2019 par le Président de la République et le précédent Premier ministre pour la recherche française, fleuron à préserver à tout prix pour que nous demeurions une grande nation dans la compétition internationale, a évidemment nourri beaucoup d'espoirs, notamment dans la communauté des chercheurs et des enseignants-chercheurs, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. L'un des enjeux majeurs identifiés alors était la nécessité de décloisonner le secteur public et le secteur privé, pour assurer un continuum de l'idée, c'est-à-dire de la recherche fondamentale – même si je n'aime pas beaucoup ce terme – à la réalisation concrète de celle-ci, qui passe par la recherche partenariale, le transfert puis la production.

L'indépendance stratégique de la France repose sur deux piliers au moins : la recherche et la production. La crise de la covid-19 nous a rappelé brutalement cette réalité et en a exacerbé les effets. Or force est de constater, à la lecture du projet de loi de programmation de la recherche présenté en conseil des ministres le 22 juillet, que la déception est immense pour un certain nombre d'acteurs, pour différentes raisons.

Je mets de côté la question du principe même d'une loi de programmation car, il y a deux ans, avec Danièle Hérin et Amélie de Montchalin, nous avions rédigé, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances, un rapport dans lequel nous en appelions à une telle démarche. Le problème est que ce projet manque singulièrement d'ambition. Où sont les enjeux ? Où sont les objectifs ? Proposer des moyens sans définir ni les uns ni les autres est un peu curieux.

Les augmentations budgétaires sont certes significatives, mais à partir de 2027, soit au-delà d'un second quinquennat éventuel. C'est du jamais vu ! Jusqu'à présent, aucune loi de programmation n'était allée au-delà de sept ans. Cela pose évidemment question. Certes, il s'agit de communication gouvernementale, mais ce n'est pas très sérieux – d'autant que, chacun le sait, les lois de programmation n'engagent que ceux qui les décrètent. Pour utiliser une formule un peu triviale, cela revient à dire : « Demain, on rase gratis. »

Les acteurs privés ne sont que peu pris en considération tout au long du texte. Leur rôle, et surtout leur contribution à la recherche publique sont totalement ignorés. De ce point de vue, il manque une jambe au projet de loi : il ne traite pas suffisamment de la question du privé. Or nous savons que la R&D et l'investissement des entreprises sont aussi des enjeux majeurs – les Allemands nous montrent clairement la voie à cet égard. Nous devons, nous aussi, progresser dans cette direction.

Par ailleurs, rien n'est fait pour réduire le millefeuille. Tout au contraire, il suffit de lire les articles du texte pour se rendre compte qu'il va encore grossir.

Enfin, autre sujet de préoccupation majeur, vous semblez maintenir la dichotomie entre l'enseignement supérieur et la recherche. Cela n'est pas raisonnable. Les universités et les établissements d'enseignement supérieur en général nous ont montré, au cours des dernières décennies, qu'ils étaient devenus des acteurs majeurs en matière de recherche. Que faites-vous pour placer notre enseignement supérieur au cœur du dispositif de recherche ?

Tous ces aspects sont importants et même stratégiques pour notre pays ; nous en débattrons donc fort volontiers avec vous, madame la ministre.

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À l'heure où l'épidémie de covid-19 révèle encore davantage l'ampleur des défis scientifiques de demain, le Gouvernement nous propose, par une politique de réinvestissement massif, de renforcer le soutien apporté aux secteurs de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Si les débats lors des auditions autour de la loi de programmation pour la recherche ont été nourris, le constat établi dans le rapport annexé fait consensus. Ce dernier témoigne du manque d'attractivité des carrières scientifiques en France, en raison de la complexité du parcours de recrutement des post‑doctorants mais aussi des rémunérations, dont le niveau moyen est bien éloigné de ce qui est pratiqué par nos voisins européens. De même, le décrochage critique de l'investissement et le manque de visibilité et de mise en évidence des travaux des chercheurs sont des problèmes qui entravent le développement de la recherche française et, plus globalement, sa capacité à être compétitive. Pourtant, les bouleversements récents liés à la crise sanitaire ont remis en lumière les enjeux fondamentaux sur lesquels se penchent, dans l'ombre des laboratoires et des universités, nos chercheurs – dont la qualité fait consensus.

C'est donc, pour l'essentiel, sur les évolutions retenues que se concentrent les interrogations. La trajectoire budgétaire est globalement celle qui est attendue, c'est-à-dire à la hausse, même si certains souhaiteraient que la progression soit plus marquée dès les premières échéances, afin de donner une impulsion. Rappelons toutefois que le plan de relance comporte lui aussi un volet dédié à la recherche et à l'innovation, dont l'enveloppe est de 2,4 milliards d'euros sur la période 2021-2022, notamment au travers du PIA 4. L'effort est donc bien réel et se veut conforme à l'objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et développement à 3 % du PIB.

Lors des auditions, un des points de débat portait sur la question de l'équilibre entre financements pérennes et financements ciblés issus des appels à projets. Les dispositions du projet de loi doivent permettre aux projets a priori peu éligibles aux appels à projets – parce que hors des effets de mode et nécessitant parfois plus de temps que de financements, ce qui est particulièrement vrai en sciences humaines et sociales – de se développer sans avoir à trop subir les conséquences chronophages des démarches administratives et de la recherche de financements. Nul doute que le Gouvernement portera une attention particulière à cette nécessité d'équilibre.

Pour ce qui est des évolutions dans le domaine des ressources humaines, avec le contrat postdoctoral en vue d'une titularisation, le CDI de mission, le fait de rendre compatibles le détachement et la mise à disposition avec une nomination dans un autre corps ou encore le maintien en fonction au-delà de la limite d'âge pour achever des travaux engagés, l'objectif est clair : donner plus de souplesse aux dispositifs existants et sécuriser le temps du projet de recherche en rendant sa durée adaptable, au bénéfice de la recherche. Toutefois, il faudra veiller à ce que la pluralité d'accès aux chaires de professeur ainsi créée, avec une plus grande diversité de statuts dans les faits, aboutisse bien, globalement, à la sécurisation des personnels, qui est souhaitable et attendue.

Les efforts budgétaires devront aussi concerner l'ensemble des personnels associés que sont les ingénieurs et techniciens, et le personnel administratif.

Par ailleurs, la question du statut des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré français (PRAG) reste en suspens au sein du projet de loi.

On notera l'ouverture de la possibilité d'un séjour de recherche pour les doctorants et chercheurs étrangers. Cette mesure est très positive en termes d'attractivité et peut s'avérer tout à fait pertinente pour certains travaux de recherche.

De même, il est souhaitable de renforcer les partenariats entre le privé et le public, comme le fait l'article 24 avec la création du comité territorial de la recherche en santé.

Le MODEM salue les objectifs que se fixe le projet de loi. Il restera néanmoins vigilant au maintien d'un équilibre entre postes pérennes et postes occupés par des contractuels, de manière à ce que l'instauration du prérecrutement conditionnel contribue à la sécurisation du statut des post‑doctorants.

Par ailleurs, dans la mesure où la répartition du préciput est laissée à la charge des établissements, le MODEM sera attentif à ce que l'attribution de l'abondement ne crée pas un contexte de concurrence entre les établissements et les unités de recherche.

Je souhaite que ce débat soit l'occasion pour nous de réfléchir aux enjeux financiers et organisationnels, mais il faut aussi qu'il nous rappelle l'importance que doit avoir l'éthique dans la recherche de demain.

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Rédigé avant la première grande pandémie de notre siècle, le texte a pour ambition de renforcer la capacité de financement des projets, programmes et laboratoires de recherche français, de conforter et de renforcer l'attractivité des emplois et des carrières scientifiques et de consolider la recherche partenariale et le modèle d'innovation français.

Force est cependant de constater qu'en l'état, la loi de programmation, malgré les bonnes intentions qu'elle affiche, ne répond pas entièrement aux exigences de notre temps. Certaines de ses contradictions et de ses insuffisances ont d'ailleurs été soulignées par plusieurs parties prenantes du secteur. Nous craignons, par exemple, que la trajectoire de dix ans ne soit trop longue, alors que nous stagnons à 2,2 % du PIB et que nous sommes en cinquième place parmi les pays les plus importants de l'OCDE. L'amendement de Valérie Rabault, adopté ce matin en commission des finances, a réaffirmé que les 3 % de PIB devaient être un seuil et sûrement pas un objectif. Par ailleurs, il règne un flou sur les augmentations budgétaires, d'autant que le seul budget qui a été chiffré est celui de l'ANR. Qu'en est‑il de la pérennité de ces financements ?

S'agissant de l'attractivité de l'emploi et des carrières, le monde de la recherche craint vivement que l'introduction des tenure tracks (chaires de professeur junior), des nouveaux contrats postdoctoraux et des CDI de mission ne vienne accentuer leur précarité plutôt qu'y remédier. Dans ce domaine, la plus grande prudence s'impose. La part des emplois non titulaires doit être minimisée dans l'organisation des filières. L'attractivité ne peut passer que par une revalorisation immédiate et forte des salaires des chercheurs et par de meilleures conditions de travail et d'accueil. De plus, dans leur grande majorité, les jeunes chercheurs se disent découragés par l'empilement des évaluations qui manquent clairement de lisibilité et de cohérence, et font peser sur leur travail un poids trop lourd. Rien de significatif dans le projet de loi ne prend en compte cette revendication, qui vous a pourtant été exprimée clairement à différentes reprises. Il faut aussi renforcer les emplois de soutien indispensables au dynamisme de la recherche et à la disponibilité des chercheurs.

Le financement par appels à projets et la mise en concurrence entre les acteurs du secteur introduiraient une prime au plus fort, au détriment des petits établissements, provoquant un surcroît de tâches administratives et un surplus de stress pour les personnels. La recherche scientifique est une affaire de patience, d'endurance et d'humilité, à l'inverse des impératifs d'efficacité économique. Les acteurs de la recherche ont terriblement besoin d'un système de financement de base, pérenne, qui garantisse leur indépendance et mette en valeur les notions de travail collaboratif, de collectif et de solidarité. Le temps de la recherche n'est sûrement pas celui de la communication.

Enfin, est totalement absente du texte la question de la marge de progression à trouver dans la parité. Il ne s'agit pas de se contenter d'objectifs chiffrés inatteignables pour se donner bonne conscience, mais de créer des outils qui permettront de déceler les talents et les compétences et de les rendre visibles. Le directeur du CNRS a proposé des pistes intéressantes.

Madame la ministre, la première version du texte avait suscité une forte opposition au sein de la communauté scientifique et universitaire. Tous disent qu'il y a urgence à agir pour éviter un décrochage et une dégradation dans le secteur public de la recherche. À l'heure où notre pays a besoin de calme, de cohésion et, plus que jamais, des forces vives de la science et de l'innovation pour poursuivre le redémarrage économique et retrouver sa souveraineté sanitaire, il serait judicieux de ne pas ouvrir un énième conflit social, faute d'un véritable dialogue avec le monde universitaire et de la recherche. Aussi est‑il essentiel de rétablir la confiance en donnant des gages de votre capacité à entendre et dialoguer.

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Il est nécessaire de mener un effort constant en direction de la recherche, qui est un moyen essentiel pour préparer l'avenir, au‑delà des préoccupations relatives à la compétitivité internationale, et pour répondre aux problèmes écrasants qui se posent à l'humanité. Or votre trajectoire dessine un effort à un horizon lointain et une montée en charge lente. Sans doute conviendrait‑il de restreindre sa durée.

Le texte pose aussi le problème de l'articulation entre l'activité professionnelle, le travail en entreprise et la recherche, et de la dévolution des droits de propriété intellectuelle. Vous proposez une évolution du dispositif Allègre, quand il faudrait assurément mieux définir ce type de relation. Soulignons encore la nécessité de soutenir les chercheurs et de valoriser les statuts.

Enfin, on ne peut que s'interroger sur la démarche de titularisation – le prérecrutement conditionnel – et de suppression de la phase de qualification pour plusieurs catégories. La qualification est une garantie de qualité. En tant qu'ancien membre du Conseil national des universités, vous comprendrez que je puisse avoir quelques réserves sur ce type de titularisation.

Cela dit, nous retenons l'effort manifeste accompli en direction de la recherche. En cette période de tensions et d'incertitudes, nous avons plus que jamais intérêt à investir financièrement, budgétairement et humainement dans la recherche et l'enseignement supérieur.

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La recherche, c'est l'avenir et l'espoir. Des technologies et des découvertes influeront sur nos vies, celles de nos enfants et petits‑enfants. Aussi faut‑il saluer la volonté de votre gouvernement de préparer le monde de demain. Néanmoins, si vos efforts sont louables, notre groupe s'interroge sur vos ambitions au regard de votre programmation budgétaire. L'objectif est fixé : consacrer au moins 3 % du PIB à la recherche, dont au moins un tiers provenant d'argent public. Mais pourquoi attendre 2030 ? Notre PIB va connaître une forte contraction cette année, les prévisions de croissance sont incertaines et rendent tout aussi incertaines les prévisions d'investissement à long terme. Alors que le plan de relance semble prévoir d'importants fonds pour la recherche, pourquoi ne pas en profiter pour concentrer la programmation sur une période plus courte, moins susceptible de subir les aléas politiques et économiques des années à venir ?

Nous avons entendu de nombreuses critiques sur l'augmentation du budget de l'ANR, qui se ferait aux dépens d'une recherche plus traditionnelle. Pour notre part, nous rejoignons le chœur des voix qui vous invitent à une répartition plus équitable des financements entre ces deux types de recherches. L'équilibrage est d'autant plus souhaitable que le plan de relance prévoit une enveloppe de 400 millions d'euros pour l'ANR dans les deux prochaines années. Le préciput semble être un moyen adapté pour répartir les fonds de l'ANR entre différentes équipes de recherche. À cet égard, vous semble‑t‑il opportun d'inscrire dans la loi un pourcentage minimal à lui dédier ?

C'est aussi toute la question de la vie universitaire qui se pose. Vous instaurez une nouvelle voie de titularisation par le biais des chaires de professeur junior. Si nous ne sommes pas opposés à cette nouvelle voie de recrutement, ne vous semble‑t‑il pas excessif de prévoir, dès sa mise en place, la possibilité d'effectuer 25 % des recrutements de cette manière ? Nous pouvons par ailleurs regretter qu'aucune disposition sur les revalorisations salariales ne figure dans le texte, ne laissant pas au législateur la possibilité de l'enrichir de ses propositions. Pourriez‑vous, madame la ministre, nous donner davantage de détails sur la mise en place du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » ? Comment pourra‑t‑il contribuer à améliorer les conditions de travail des fonctionnaires de l'enseignement supérieur et de la recherche ?

N'oublions pas non plus le sort de nos doctorants. Il est mentionné dans le rapport annexé que vous comptez revaloriser de 30 % les nouveaux contrats doctoraux. Qu'en est‑il de ceux en cours ? Enfin, parce que nos étudiants sont les chercheurs de demain, je voudrais profiter de cette rentrée assez exceptionnelle pour vous interroger sur les mesures prévues pour améliorer leur accueil et l'enseignement.

Comme vous le voyez, nous abordons ce texte avec quelques interrogations, mais surtout une envie de travailler à son amélioration de manière constructive.

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En pleine crise sanitaire, le 19 mars, Emmanuel Macron, en visite à l'Institut Pasteur, twittait que la crise de la covid nous rappelait le caractère vital de la recherche scientifique et la nécessité d'investir massivement sur le long terme. Nous pouvions donc espérer une prise de conscience sur les enjeux et les besoins de la recherche. Hélas ! le projet de loi de programmation, présenté le 22 juillet en conseil des ministres, est dans la même veine idéologique que l'avant‑projet rendu public le 16 juin. La logique reste celle de l'ouverture au privé, de la mise en concurrence exacerbée et de la rentabilité à court terme. Nous ne sommes pas les seuls à vous le reprocher, puisque ce texte est également rejeté par la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui n'y retrouve pas les propositions qu'elle a formulées lors de la grande consultation lancée par le ministère. Elle déplore une concertation biaisée ainsi qu'un vote final bâclé par les membres du CNESER, le 12 juin, à 6 h 45 du matin, après presque vingt et une heures de séance. Même le CESE émet des réserves.

Concernant le financement, sur les 25 milliards d'euros annoncés pour la recherche d'ici à 2030, seuls 400 millions supplémentaires seront budgétisés en 2021, et nous n'avons aucune certitude sur l'engagement des gouvernements à venir. Outre le fait que les syndicats s'accordent sur la nécessité d'apporter 1 milliard d'euros supplémentaire par an pendant les dix prochaines années, le mécanisme d'attribution des moyens est également problématique. Le budget de l'ANR est considérablement renforcé et, surtout, le principe de l'appel à projets, tant décrié, est conforté. Avec seulement 16 % de réponses positives à ces appels en 2019 et la diminution des fonctions support, les chercheurs doivent de plus en plus se consacrer aux tâches administratives au détriment de leur temps de recherche. Ce système limite, en outre, les thématiques scientifiques et réduit la liberté des chercheurs.

De plus, vous conservez le crédit impôt recherche (CIR), régulièrement remis en cause, notamment par la Cour des comptes, qui estime que son efficacité est difficile à établir au regard de son objectif d'augmenter les dépenses intérieures de recherche et développement des entreprises. Ce cadeau fiscal de plusieurs milliards d'euros par an devrait être réaffecté aux subventions pour charges de service public et bénéficier ainsi en partie à la recherche fondamentale et aux sciences humaines, qui sont les grandes perdantes du projet de loi.

Sous couvert d'une compétitivité stimulante, votre texte va accélérer la dégradation des conditions de travail des chercheurs : la multiplication des contrats précaires, avec l'instauration de CDI de mission scientifique, les chaires de professeur junior, inspirées des tenure tracks américains, et les contrats doctoraux de droit privé tendent à supprimer peu à peu le statut de fonctionnaire. Cette multiplication des contrats induit de grandes inégalités et une concurrence entre les générations, ainsi qu'en leur sein. Non seulement cela est néfaste à la recherche, mais aussi aux chercheurs, en accentuant la concurrence entre les personnes, les laboratoires et les revues scientifiques. Cet individualisme exacerbé menace l'esprit de collaboration et crée des rivalités préjudiciables à un travail serein, collectif et efficace.

Pour faire face aux enjeux à venir, envisagez‑vous de changer enfin de braquet ? Allez‑vous renoncer à la notion de rentabilité à court terme et à la mise en concurrence à outrance, mortifère pour la recherche ? Allez‑vous écouter les acteurs du monde de la recherche et répondre à leurs besoins ? Sans doute pas.

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La communauté de la science et de la recherche françaises attendait avec impatience ce projet de loi de programmation, depuis longtemps promis. C'est donc avec satisfaction et intérêt que le groupe Écologie Démocratie Solidarité apporte sa contribution à son examen. Nous souhaitons saluer l'effort budgétaire considérable et la revalorisation de certains personnels de recherche, quand l'Union européenne semble prendre le chemin inverse. Cependant, la trajectoire budgétaire s'étend sur une période inhabituellement longue, sans rapport avec un exercice budgétaire sincère, les enjeux du secteur et nos réalités politiques. Il s'impose de la raccourcir, l'horizon de 2027 nous paraissant le maximum acceptable, comme le réclament les acteurs de la recherche et le laisse entendre l'avis du Conseil d'État.

L'effort budgétaire doit se concentrer en début de période. L'accélération de l'histoire géopolitique, climatique et sanitaire nous impose de réarmer notre outil de recherche sans plus attendre. Plus fondamentalement, à quoi bon une loi de programmation de la recherche réduite à son implication socio‑économique ? Tout se passe comme si recherche fondamentale, recherche appliquée et innovation avaient les mêmes objets, les mêmes temporalités et les mêmes exigences. On a beau lire le texte, on n'y trouve aucune vision ample et humaniste de la recherche. Tout aussi étonnant, le texte semble oublier les missions et les conditions d'exercice des principaux acteurs de la recherche en France, que sont les maîtres de conférences et les personnels administratifs. Rien sur l'articulation, si essentielle, entre la recherche et l'enseignement supérieur.

Sur les nouveaux dispositifs de recrutement, l'étude d'impact ne permet pas d'émettre un avis fondé. Ces nouveaux contrats sont‑ils vraiment adaptés aux spécificités françaises et européennes de la recherche ? Si nous ne sommes pas opposés par principe aux tenure tracks, ce modèle d'inspiration anglo‑saxonne semble fortement plaqué sur le système français sans réflexion sur la cohérence d'ensemble. Plus encore, la précarisation et la discrimination des femmes, que l'on constate dans les pays où ce système existe, ne sont pas prises en compte. La France, avec ses 28 % de femmes chercheuses, se situe sous la moyenne européenne de 33 %. Rien, pourtant, dans ce texte qui inviterait à une transformation vers l'égalité femme‑homme dans le monde de la recherche. Ce sujet n'apparaît pas dans le projet de loi, pas plus que la recherche participative, les questions éthiques ou le rapport des médias à la recherche, soit tout ce qui contribue à inscrire la recherche dans la société.

Que peut et que doit faire la recherche française face aux défis environnementaux pour remplir ses objectifs de développement durable ? Comment s'inscrira la recherche française dans la recherche européenne ? Quel doit être son rayonnement mondial ? Comment mieux inscrire les doctorants dans la société, avec des parcours professionnels moins laborieux ? Comment mettre à profit pour la société l'extraordinaire savoir que chercheuses et chercheurs construisent patiemment ? Tout autant de questions auxquelles nous aurions aimé trouver des réponses plus précises.

Avec Cédric Villani et mes autres collègues, nous considérons qu'un travail substantiel d'amélioration de ce texte est encore nécessaire. Nous comptons y contribuer.

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Le projet de loi de programmation est un texte volontariste et ambitieux, pour replacer la France dans le peloton de tête des classements internationaux et parmi les pays en pointe sur l'innovation. Ce sont d'abord des crédits nouveaux, qui font partie intégrante du paquet de mesures du plan de relance, à hauteur de 25 milliards d'euros sur dix ans. Autrement dit, ce sont en moyenne 500 millions d'euros supplémentaires qui viendront accroître chaque année les moyens de la recherche publique. L'objectif est bien de parvenir, par un effet de levier sur la recherche privée, à 3 % de PIB à l'horizon de 2030. Cela passe par une forte mobilisation et de fortes synergies entre public et privé. Notre groupe, Agir ensemble, salue cette ambition et l'inscription des crédits dans une trajectoire pluriannuelle, qui donnera de la visibilité à nos universités et à nos organismes de recherche et renforcera notre attractivité.

Nous avons trois défis à relever : défi écologique, défi numérique, défi des mutations du travail. Le défi écologique est posé par l'urgence du changement climatique et les dangers que nos modes de vie font peser sur la nature et la biodiversité. Il faudra trouver des moyens nouveaux pour y faire face et accroître notre résilience. La recherche fondamentale sur les énergies propres – je pense aux renouvelables ou à l'hydrogène – sera décisive. Le défi est aussi numérique, alors que les possibilités ouvertes par l'intelligence artificielle et les innovations en matière de santé sont vertigineuses. Dans le même temps, l'horizontalité croissante de notre société, conjuguée à l'effort de ces technologies nouvelles, a entraîné des dérives regrettables : manipulation de l'information et discrédit de la parole scientifique. Nous sommes entrés dans l'ère du soupçon et des manipulations, parfois au plus haut sommet de l'État. Il est d'autant plus essentiel pour nos démocraties de replacer la rationalité et la rigueur scientifique au cœur de nos sociétés. Enfin, alors que les précédentes révolutions industrielles avaient constitué des gisements d'emplois nouveaux, ce n'est pas le cas de la troisième, qui voit l'émergence du big data, de l'intelligence artificielle ou de la blockchain. Réinventer un modèle de croissance pour prendre en compte ces mutations durables va constituer notre plus grand défi. C'est la raison pour laquelle il faut y investir.

Cette loi de programmation est aussi une loi à l'intention des chercheurs eux‑mêmes. En réalité, depuis trop longtemps, nous négligeons les rémunérations des personnels scientifiques. Cette évolution conduit malheureusement à une perte de prestige, au discrédit de la parole scientifique et à l'exode de nos talents à l'étranger. En portant une attention particulière aux nouveaux entrants, c'est l'ensemble des personnels qui seront progressivement revalorisés.

Le projet de loi comporte plusieurs mesures qui ont parfois reçu un accueil mitigé d'une partie de la communauté scientifique, en particulier les chaires de professeur junior inspirées du modèle anglo‑saxon ou les contrats de mission. Notre groupe a deux interrogations à ce stade. Nous croyons qu'il est essentiel que le Gouvernement rassure quant à la portée de ces nouveaux dispositifs et rappelle leur aspect facultatif. Il faudra, par ailleurs, très certainement remettre l'ouvrage sur le métier et évaluer à échéances régulières les progrès accomplis pour parvenir à l'objectif de 3 % du PIB, d'autant que l'écart entre la France et nos voisins les plus ambitieux est important. Vous avez eu raison, madame la ministre, de rappeler le retard pris par la France ces dernières années. En Allemagne, par exemple, l'objectif de 3 % est déjà atteint, et le Gouvernement en a fixé un nouveau à 3,5 %. Notre groupe accueille donc favorablement l'examen de ce texte qui porte le beau projet de replacer la science au cœur de notre modèle républicain.

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Permettez‑moi de saluer les personnels de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui assument leur mission pendant la pandémie, sans toujours disposer des moyens suffisants pour y faire face. Le projet ne les rassure pas, et je les comprends, car il porte une vision concurrentielle de la recherche, bien loin des besoins exprimés. Cette loi manque l'objectif de redonner à la recherche publique les moyens et la stabilité dont elle a besoin. C'est une loi de promesses, auxquelles de moins en moins de gens croient. L'effort budgétaire, pour atteindre l'objectif de Lisbonne de 3 % du PIB dédiés aux dépenses de recherche, dont un tiers à la recherche publique, ne débute que très lentement et ne sera réel qu'après le mandat actuel, sans aucune garantie. Une programmation sur dix ans me paraît excessive : elle fragilise les objectifs et est incapable de créer le choc d'investissement dont a besoin la recherche pour faire face aux défis environnementaux, sanitaires ou numériques.

Le projet acte l'augmentation des crédits de l'ANR, soit du financement par appels à projets. Depuis 2012, ce mode de financement vient progressivement supplanter les crédits récurrents. Les chercheuses et les chercheurs demandent un rééquilibrage en leur faveur, afin de leur dégager du temps, de favoriser l'innovation et la prise de risques et de garantir leur liberté de recherche.

Autre point préoccupant : les nouveaux contrats. La création d'un CDI de mission scientifique est une atteinte à la notion pourtant structurante dans notre droit du travail de CDI. Appeler CDI un contrat de mission est très surprenant ! Au‑delà de la sémantique, ce nouveau contrat sans titularisation ni prime de précarité vient accompagner la précarisation déjà bien avancée des personnels de la recherche. Madame la ministre, en refusant une titularisation massive des travailleurs de la recherche, en leur offrant comme seul avenir l'incertitude, nous privons notre pays de grandes ressources.

Les contrats dits de chaires de professeur junior ne sont pas non plus satisfaisants. En créant une nouvelle voie de recrutement, on affaiblit encore un peu plus le statut. En portant la limite à 25 % dans le corps et à 50 % des établissements, cette nouvelle voie vient directement en concurrence avec la voie classique et porte préjudice aux maîtres de conférences notamment. À défaut de les supprimer totalement, il est impératif que notre commission limite ces recrutements. Pour empêcher les jeunes talents de quitter notre pays, ce sont d'autres réponses qu'il faut trouver, au niveau des salaires et des moyens donnés à la recherche.

Le projet de loi est également insuffisant sur des points essentiels. Si le lien entre la recherche publique et le monde de l'entreprise doit être consolidé, il n'est pas l'unique critère de dialogue entre la science et la société. Quelle place pour les citoyennes et les citoyens dans la construction des grandes orientations en matière de recherche ? Comment améliorer le lien avec le tiers‑lieu scientifique ? Des associations comme Sciences citoyennes ont des propositions concrètes qu'il nous faut débattre.

La question de l'intégrité scientifique est également incontournable, afin de conserver à la parole scientifique toute sa crédibilité et sa portée dans la société. Plusieurs collègues de l'Assemblée et du Sénat ont travaillé à cette question et soumettront des amendements que nous soutiendrons. Le groupe GDR, en soutien à la mobilisation des chercheurs, présentera, lors du débat, d'autres propositions sur les points que j'ai soulevés.

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Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l'évolution des crédits du programme 193. Ces crédits sont en constante augmentation depuis 2016, avec des augmentations très significatives en 2019 et 2020, dues à la volonté de la France d'apurer la dette de l'Agence spatiale européenne (ESA). Néanmoins, le budget pour 2021 s'annonce un peu plus faible que celui de 2020. Pourriez‑vous nous en donner la raison ? Par ailleurs, pourriez‑vous nous confirmer que la trajectoire budgétaire est bien en adéquation avec les engagements pris lors de la conférence ministérielle de l'ESA en 2019 ? Enfin, quel sera l'impact du plan de relance sur le programme 193 ?

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Le texte affirme l'ambition de porter l'effort de recherche à 3 % du PIB à l'horizon de 2030. Néanmoins, le Conseil d'État a relevé que la période de programmation était particulièrement longue. Si j'entends qu'il faille agir dans le temps long, notre groupe va proposer de raccourcir la durée de programmation. Envisagez‑vous de nous répondre favorablement ?

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Le projet de loi entend remédier à la faiblesse des rémunérations, qui contribue à une perte d'attractivité des carrières scientifiques, et prévoit ainsi que l'embauche des jeunes chercheurs ne pourra pas se faire en dessous de deux SMIC. Comment ce montant a‑t‑il été calculé ? Pensez‑vous que cela sera suffisant à court terme pour attirer les meilleurs éléments et les inciter à embrasser une carrière de chercheur ?

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Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur l'article 21 et les coopérations renforcées entre établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Le projet actuel, mené au forceps, d'IDEX université cible, visant à la fusion de trois entités lyonnaises – ENS, Lyon 1, Lyon 3 – et de l'Université Jean Monnet de Saint‑Étienne a du plomb dans l'aile et est voué à l'échec. Il suscite une opposition quasi unanime des universitaires de Saint‑Étienne, des collectivités territoriales et des élus de la Loire. Tous souhaitent le maintien d'une personnalité morale et juridique propre à l'Université Jean Monnet. Vous avez annoncé plusieurs avancées, le report du conseil d'administration au 23 octobre au lieu du 30 septembre, le changement du nom pour intégrer Saint‑Étienne, ainsi que la garantie concernant le CHU de Saint‑Étienne. Mais il faut un plan B de coopération, privilégiant une association et non une fusion, qui puisse inclure d'autres établissements, comme Lyon 2. Comptez‑vous réunir, comme je vous l'ai suggéré dans un courrier, l'ensemble des élus de la Loire et du Rhône concernés pour en parler prochainement ?

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La faiblesse des rémunérations dans l'enseignement supérieur et la recherche tient à la configuration particulière de ces corps de fonctionnaires. Comme pour tous les corps de la fonction publique, elle est principalement déterminée par trois composantes : la valeur du point d'indice fixée transversalement à l'échelle de la fonction publique, les grilles déterminant la progression des carrières et les primes. Là où les différents corps de la fonction publique ont globalement fait l'objet d'un travail de réalignement des grilles dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations », les primes sont restées parmi les plus basses et les moins bien distribuées. Le niveau de rémunération des enseignants chercheurs et des chercheurs est loin des standards internationaux. Des annonces plus précises sont nécessaires pour leur redonner confiance. Pouvons‑nous envisager une majoration sensiblement plus marquée de l'indemnité des chargés de recherche et des maîtres de conférences de classe normale, comme le demandent certains syndicats ?

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L'objectif de 1 % du PIB consacré à la recherche publique n'est pas inscrit à l'article 1er. En outre, vous attendez de la sphère privée qu'elle passe d'un budget consacré à la recherche de 1,44 % de PIB à 2 %. Pour atteindre un tel objectif, vous tablez sur l'effet qu'aurait le cadre favorable créé par votre loi de programmation. Concrètement, pouvez‑vous nous donner des précisions sur les moyens qui permettront à la sphère privée de consentir deux fois plus d'efforts que la recherche publique ?

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L'échéance décennale à 2030 rappelle celle des dix‑sept objectifs de développement durable que la France s'est engagée à respecter avec les pays membres de l'ONU. L'objectif 9, « Industrie, innovation et infrastructure », fait de l'investissement dans la recherche l'un des leviers d'action majeurs pour soutenir le développement durable. La progression de la France se mesurera grâce à des indicateurs précis : évolution quantitative des personnels de recherche, effort de recherche en pourcentage de PIB et crédits budgétaires publics. La démarche programmatique de ce texte laisse penser que des indicateurs seront fournis par le ministère afin de suivre l'évolution vers les objectifs. Quelles méthodes de suivi seront déployées ?

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Si la loi s'inscrit dans le temps long, je souhaite vous interroger sur l'ici et maintenant. Le taux de réussite au bac a été de 96 %, ce qui permet à 48 000 bacheliers de plus qu'en 2019 d'entrer dans le supérieur. Je considère que c'est une bonne nouvelle, mais nous savons qu'il manque des places à l'université et que votre gouvernement a fait le choix de la sélection. J'ai bien noté votre annonce de 180 millions d'euros qui devraient permettre d'ouvrir 4 000 places supplémentaires dans les universités. Concrètement, comment cet argent va‑t‑il être utilisé, sans recrutement d'enseignants‑chercheurs ni de personnels administratifs dans les prochains mois ? Les personnels disent leur désarroi devant une telle situation. Quel est votre plan pour cette année ?

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L'évaluation suscite de très nombreuses inquiétudes dans la communauté scientifique. Quels sont les axes stratégiques de la politique d'évaluation que vous souhaitez instituer, ainsi que ses moyens ?

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La rentrée universitaire s'annonce sous haute tension. Le simulacre d'une organisation fondée sur le distanciel masque mal la totale improvisation gouvernementale. Faute de moyens humains, les universités sont au bord de l'asphyxie. C'est dans ce contexte que vous avez choisi de passer en force, en procédure accélérée, votre loi de programmation. Nous nous retrouvons avec un projet similaire à celui qui avait suscité la contestation du monde de la recherche en décembre dernier. Aucun enseignement n'a été tiré de la crise sanitaire, alors que le sous‑investissement chronique dans la recherche fondamentale est, entre autres, à l'origine de la fragilité de nos connaissances sur le coronavirus. Bien au contraire, votre loi consacre la privatisation de la recherche, précarise davantage les personnels et désorganise les laboratoires. Soyez donc assurée de nous trouver face à votre projet destructeur, aux côtés des chercheurs, des facultés, des laboratoires et des revues, pour défendre la recherche publique.

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Votre présentation, madame la ministre, montre la place centrale que le Gouvernement accorde à la recherche, en lui apportant davantage de moyens financiers et opérationnels et en les sécurisant sur le long terme. Ils nous aideront à relever les défis posés par la crise et à construire le monde de demain. Parmi les axes importants du projet de loi, on retrouve l'attractivité des métiers de la recherche et la diffusion de la connaissance dans l'économie et la société. À cet effet, le projet de loi facilite les dispositifs de temps partiel et de mise à disposition entre l'université et les entreprises. Cette simplification bienvenue permettra de faire rayonner le savoir et la connaissance, en dehors des colloques et des séminaires, et de donner un dynamisme certain à notre économie, notamment dans le contexte de la relance qui fait la part belle à la recherche et à l'innovation.

Cela permettra également de favoriser la mobilité des chercheurs et d'ouvrir davantage leur champ des possibles, en renforçant par là même l'attractivité de leurs métiers. Ces nouveaux dispositifs devront être connus des futurs chercheurs. En ce sens, l'orientation des étudiants et l'information à l'université revêtent une importance fondamentale, alors que beaucoup d'entre eux perçoivent aujourd'hui les métiers de la recherche comme peu rémunérateurs, peu mobiles, peu accessibles et que l'on assiste à une fuite des cerveaux. Quelles actions pourront être mises en œuvre à l'université, dès le début de la formation et lors de l'orientation des étudiants, pour faire connaître les nouvelles possibilités offertes par le projet de loi et revaloriser la voie de la recherche ?

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Aujourd'hui, la recherche n'est plus mono‑disciplinaire. La diminution des frontières interdisciplinaires, la transversalité des objets de recherche, la collaboration entre pays constituent des éléments essentiels de son progrès. Ce partenariat entre différents points de vue épistémologiques et méthodologiques est un moteur pour la recherche de demain. L'augmentation des financements alloués à la recherche est une véritable occasion pour toutes les disciplines, ainsi que pour les universités et les entreprises investies dans la recherche et le développement. On peut s'interroger sur les moyens qui permettraient de dynamiser cette transversalité, mais aussi de valoriser les résultats de la recherche. Certaines disciplines peinent en effet à obtenir des financements suffisants pour mener et diffuser leurs recherches. Les sciences sociales en sont un exemple, se sentant souvent lésées financièrement par rapport aux sciences dites dures. En ce sens, une répartition des financements en fonction des disciplines est‑elle prévue ?

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Les dispositifs de chaire de professeur junior, de contrat doctoral de droit privé ou de CDI de mission scientifique vont dans le sens d'une reconnaissance matérielle et symbolique des jeunes chercheurs. Nous saluons aussi l'objectif louable de 100 % de doctorants financés, qu'aucun gouvernement n'avait visé.

Si les dispositifs énumérés financent tous les doctorants, les universités auront-elles à définir en interne des projets pour ceux qui, n'ayant pas remporté d'appels d'offres nationaux ou internationaux, se trouveraient sans poste ? Quelle garantie donnez-vous à tout nouveau doctorant qui a signé un engagement à réaliser une thèse qu'il sera bien financé dès sa première année de recherche ?

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L'article 5 du projet de loi améliore l'organisation et encadre la durée des contrats postdoctoraux. Comment cette réorganisation s'articule-t-elle avec les contrats d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER) ? Les contrats postdoctoraux ont-ils vocation à les remplacer ?

Outre la charge de recherche se pose la question de la charge d'enseignement. Les besoins sont considérables, étant donné l'afflux d'étudiants, en particulier dans les disciplines du droit ou des sciences économiques et sociales. Sans les ATER, il sera difficile d'y répondre. Les nouveaux contrats postdoctoraux seront-ils associés à une charge d'enseignement ? Dans le cas contraire, comment comptez-vous répondre aux besoins d'enseignement ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Vos questions montrent à quel point les députés attendaient ce projet de loi et le jugent nécessaire. Le monde de la recherche vous en remercie très sincèrement.

Il a beaucoup été question de la durée de la programmation. Face à deux options – 2030, l'horizon de réalisation des objectifs de développement durable de l'ONU, ou 2027, celui du programme européen –, le choix a été fait de garantir une programmation sur dix ans, donnant ainsi une meilleure visibilité dans le temps.

Pour un laboratoire de recherche, qui engage un projet de recherche sur plusieurs années, il est essentiel de connaître à l'avance la disponibilité des crédits, donc de savoir qu'année après année, il pourra lancer de nouveaux programmes. Si tous les crédits étaient versés d'un seul coup, il ne serait pas possible d'ajouter de nouveaux programmes à ceux, nombreux, qui seraient engagés l'année suivante, chacun nécessitant un financement sur plusieurs années. Une montée en puissance financière est donc essentielle pour lancer de nouveaux programmes année après année. C'est la raison pour laquelle il importe que des marches supplémentaires soient prévues chaque année.

Pour répondre à la situation actuelle, le Gouvernement a choisi d'investir des financements supplémentaires dans le cadre du plan de relance. Destinés à accélérer la montée en puissance, ils devront être dépensés dans les deux ou trois prochaines années afin d'être efficaces pour relancer notre pays. La loi de programmation n'est en aucun cas un élément de la relance, c'est le plan qui vient s'y ajouter ; la programmation donne des moyens au temps et à la visibilité.

Il serait stérile de continuer à opposer les universités et les organismes de recherche. Depuis de nombreuses années, nous avons travaillé à définir des politiques de site et des signatures d'établissement, qui mêlent les stratégies nationales des organismes et l'implantation des universités au sein de sites et de territoires. Cette matrice, qui fonctionne, permet aux universités d'être des acteurs majeurs de la structuration des territoires, tant en termes de formation de compétences, de recherche, de production de connaissances que d'expertise mise au service du monde socio-économique.

Les organismes de recherche, eux, permettent de lancer des programmes prioritaires de recherche nationaux. Il n'est pas question de confier le programme national visant à sortir des produits phytosanitaires à une université plutôt qu'à une autre quand un organisme de recherche regroupant tous les laboratoires capables d'apporter des solutions à cette question peut être mobilisé.

Nous avons donc besoin de conserver des organismes nationaux qui concrétisent les politiques nationales sur des priorités, comme de disposer d'une recherche visible et structurée au sein des sites. Ce croisement nous le permet. Le projet de loi de programmation prévoit d'ailleurs d'abonder autant le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » que le programme 172 relatif aux organismes de recherche.

Pour lever toute ambiguïté, les chaires de professeur junior constituent bien des contrats de prétitularisation pour intégrer les corps de la recherche ou de l'enseignement supérieur et de la recherche, au niveau professeur ou directeur de recherche. Elles sont beaucoup plus sécurisantes que des années passées de post‑doc en post‑doc.

Je maintiens que ces chaires favoriseront l'accès des femmes aux corps de professeur et directeur de recherche : les candidats qui auront déjà réussi un premier concours n'auront pas à en repasser un second tout en menant parallèlement une vie de famille. Après avoir présenté un projet unique, où ils mettront en avant leurs capacités, ils suivront une phase de prétitularisation puis deviendront professeur des universités ou directeur de recherche à l'issue des six ans durant lesquels ils auront fait leurs preuves. J'aurais vraiment aimé que de telles chaires existent il y a quelques années !

Le dispositif est beaucoup plus sécurisant pour les femmes ou les jeunes chercheurs partis à l'étranger, qui ont parfois du mal avec les dates de dépôt des différents dossiers. Nous devons créer des voies particulières. Je redis que le nouvel outil des chaires de professeurs junior vient s'ajouter au recrutement traditionnel ; il ne le concurrence pas et est totalement facultatif.

Nous travaillons également sur le sujet des agrégés et des certifiés, dont certains sont détachés dans le supérieur tout en appartenant toujours à leur corps d'origine, au sein du ministère de l'éducation nationale. Leur rôle est essentiel dans les universités, y compris dans l'accompagnement des étudiants de premier cycle ou la préparation des futurs professeurs agrégés et certifiés.

Nous les prenons en compte, comme nous le faisons pour l'ensemble des personnels contribuant à la recherche. Des mesures fortes de promotion ou de repyramidage au sein du corps des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation (ITRF) sont ainsi en train d'être débattues avec les représentants des personnels. La proportion entre les professeurs d'université et les maîtres de conférences est aussi en cours d'examen, de même que la capacité à augmenter le nombre des directeurs de recherche hors classe. Ces objectifs sont en discussion dans le cadre du protocole que j'évoquais, et sur lequel je reviendrai.

Certains ont évoqué une « très forte opposition » ou un « énorme conflit social » au sujet de la loi de programmation. Je voudrais tout de même rappeler qu'entre 2012 et 2017, le programme 172 a augmenté de 50 millions d'euros ; entre 2020 et 2025, il augmentera de 1 455 millions. Avons-nous décidé, comme nous en sommes accusés, de « tuer la recherche française » à coups de milliers de millions d'euros ? Soyez convaincus que l'objectif du Gouvernement est bien de réarmer la recherche française. Tuer la recherche française, cela aurait été de maintenir un budget totalement insuffisant au regard de ce que la recherche est capable de produire. Ce que j'entends, moi, c'est beaucoup d'angoisse à l'idée que l'on continue d'abandonner la recherche française comme on l'a fait dans les dernières décennies, pas un conflit social majeur.

Je vous incite à remettre la réalité au cœur de vos discussions. Vous ne pouvez pas dire que ce gouvernement entend baisser les rémunérations des personnels de la recherche lorsque le projet de loi prévoit d'ajouter 646 millions d'euros par an sur sept ans. Il est difficile d'imaginer que nous voulons supprimer le statut des enseignants-chercheurs ou des chercheurs lorsque 5 200 emplois publics sous plafond sont ajoutés ou que nous cherchons à tuer les sciences humaines et sociales quand nous doublons les délégations qui leur sont destinées au CNRS. Sur l'ensemble de ces sujets, je vous invite à diffuser la réalité, c'est‑à‑dire ce texte.

S'agissant des difficultés liées au CNESER, ce Conseil, comme l'Assemblée nationale, est un lieu de débat. Avant que l'on ne décide d'interrompre les débats à minuit, nous avons passé bien des nuits dans l'hémicycle. Le premier budget de la recherche y a, par exemple, été voté entre 4 heures et 7 heures du matin. Qui s'engage dans une fonction de représentation, de la nation ou des personnels, doit être présent pour débattre et échanger autant que le débat le nécessite. C'est ainsi que 52 % des membres du CNESER ont approuvé ce projet de loi.

Bien sûr qu'il faut avoir une vision ample et humaniste de la recherche, et nous l'avons, mais ce n'est pas une loi qui fixe les limites de la confiance.

Quant à parler de discrimination des femmes dans la recherche, et à dire que seules 28 % des chercheurs sont des femmes, M. Nadot parlait peut-être des mathématiques ou des sciences exactes, car nos chiffres, sans être forcément parfaits, révèlent que 36,5 % des personnes qui font de la recherche dans notre pays sont des femmes. L'objectif est qu'il y ait davantage de femmes non seulement dans le monde de la recherche, mais aussi dans le corps des professeurs et des directeurs de recherche, ce à quoi les chaires de professeur junior contribueront.

On ne peut pas pointer une vision concurrentielle de la recherche lorsqu'un financement libre est accordé à l'ensemble d'un laboratoire, après qu'une de ses équipes a remporté un appel à projet, de façon à faire émerger de nouveaux projets. Cette vision est, au contraire, bien plus solidaire. Tous ceux qui ont pratiqué la recherche savent que le succès d'une équipe qui remporte un appel à projets de l'ANR est dû à l'ensemble du laboratoire. C'est pourquoi il importe qu'il puisse bénéficier du financement dans son ensemble.

Les chercheurs se plaignent du faible taux de succès des dépôts de projets à l'Agence nationale de la recherche. Cela n'est pas étonnant, car, dans la précédente législature, on a diminué de 700 à 500 millions d'euros le budget de l'Agence et, partant, le nombre de succès dans les appels à projets. Notre objectif est bien d'octroyer des financements à l'ANR afin que les projets financés soient plus nombreux à l'avenir.

Toutefois, lorsque nous redonnons 450 millions d'euros par an à la recherche de base, et que nous nous engageons à en augmenter, dans le même temps, les financements de 10 % dès l'année prochaine pour atteindre plus 25 % d'ici à 2023, il faut sortir de l'idée que nous ne réarmons que l'ANR. Cela dit, j'assume que nous réarmions celle-ci, car nous avons besoin d'une grande agence nationale de la recherche, ne serait-ce que pour chercher les projets à l'international et en Europe. Comme pour tout, il faut s'entraîner pour déposer des projets et obtenir des financements.

S'agissant des CDI de mission scientifique, demandez l'avis des jeunes docteurs recrutés en CDD, à qui l'on ne peut pas, même si les financements sont disponibles pendant dix ou douze ans, proposer un contrat excédant six ans, car cela détruirait un emploi titulaire. Les CDI de mission scientifique eux, peuvent être conclus pour douze ans, que le projet dure autant ou que le laboratoire, l'université ou le département en définisse un nouveau dans le cadre duquel le chercheur continuera à mettre tout ce qu'il a appris au service de son équipe, dans son établissement. Il ne s'agit donc pas de remplacer quoi que ce soit. Et non, on ne peut pas créer des emplois de fonctionnaire avec de l'argent venant de l'Europe ; on ne peut pas titulariser des personnes recrutées grâce à des contrats européens.

Le fait d'avoir fini de rembourser à l'Agence spatiale européenne (ESA) la dette d'un milliard d'euros, non financée, que nous avions trouvée, explique que le programme du secteur spatial semble reculer par rapport à l'an dernier. En réalité, il continue d'augmenter. Les engagements qui ont été pris envers l'ESA sont prévus dans le projet de loi de programmation.

Le choix a été fait de commencer la revalorisation par ceux qui touchent les rémunérations et les primes les plus faibles. C'est pourquoi, dès cette année, tous les maîtres de conférences toucheront au moins 1 000 euros de plus par an et tous les chargés de recherche recevront près de 1 300 euros annuels de plus. D'autres renforcements de leur régime indemnitaire s'ajouteront l'année prochaine. Nous avons donc choisi de commencer la revalorisation par les maîtres de conférences, les chargés de recherche et les catégories C des personnels de soutien à la recherche, qui ont les rémunérations les plus faibles et le moins de pouvoir d'achat.

Encourager les entreprises à investir dans la recherche et le développement est une condition indispensable pour amener les connaissances et les preuves de concept vers le marché. Cette démarche doit être renforcée. L'État doit soutenir et financer la création de connaissances, et des « passeurs » doivent les emmener un peu plus loin. Ensuite, les entreprises prennent leurs risques, ce qui est normal. C'est là le principe de la recherche et développement. Il faut faciliter et simplifier les dispositifs, penser de nouvelles possibilités de passerelles et des allers-retours afin que l'investissement des entreprises dans la R&D suive l'investissement massif que l'État réalise dans le secteur public. C'est ainsi que cela se passe dans tous les grands pays de recherche. Statistiquement, le financement de ces dépenses s'établit toujours à un tiers pour l'État, deux tiers pour les entreprises.

Naturellement, il faudra suivre les indicateurs pour garantir le maintien de la trajectoire, mais ce que j'ai entendu cet après-midi me rend certaine que personne ne souhaitera revenir sur ce projet de loi pour en abaisser les ambitions – pour les augmenter, peut-être, ce dont je ne pourrais que me réjouir.

La question de l'évaluation est essentielle : comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, il s'agit de savoir, non pas si nous en avons trop ou pas assez, mais à quoi cela sert. Évaluer c'est d'abord voir où l'on en est et quels outils donner pour accompagner et progresser. Ensuite, c'est prendre en compte toutes les missions remplies par les chercheurs au cours de leur carrière. À ce jour, les carrières des chercheurs et des enseignants-chercheurs ne sont fondées que sur la bibliométrie. Or, une fois de plus, la recherche est un travail d'équipe. Un laboratoire est aussi reconnu par sa capacité à passer des contrats industriels, à promouvoir la culture scientifique et technologique, à intéresser des étudiants pour qu'ils le rejoignent, à donner le goût de la science et de la recherche aux collégiens et aux lycéens. De même, l'investissement pédagogique, la capacité à repenser ses enseignements, à les moderniser et les mettre plus en phase avec ce que sont les étudiants aujourd'hui sont fondamentaux pour les enseignants-chercheurs. Tous ces aspects sont importants et doivent être pris en compte dans les carrières et les promotions.

Il faut donc repenser l'évaluation en profondeur. Ce travail fondamental sera mené avec tous les représentants des personnels. Il permettra à l'ensemble des chercheurs et enseignants-chercheurs de redevenir fiers de ce qu'ils font et de ne plus s'estimer de seconde zone parce qu'ils ne publient pas assez, ou peu reconnus alors qu'ils font fonctionner tout le département de formation. Mon objectif est d'éviter tout ce qui fracture le monde de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Non, la rentrée universitaire ne s'est pas faite dans l'improvisation. Il faut respecter le travail de l'ensemble des personnels qui, tout l'été, l'ont préparée. Je tiens, une fois de plus, à les saluer et à les remercier de leur engagement exceptionnel, qui fait honneur au service public.

L'interdisciplinarité et le rôle des sciences humaines et sociales sont évidents. Soyons fiers de ces disciplines, même si elles requièrent naturellement des outils et des organisations adaptés. Dans l'appel à projets flash qui a été lancé sur la question de la covid, 30 % des projets sélectionnés, retenus et financés relèvent de ces secteurs. Changeons notre représentation de ces disciplines, qui contribuent de manière considérable à l'avancée des connaissances et de la recherche.

L'objectif de 100 % des doctorants financés, fixé au niveau macroscopique, signifie bien que nous créerons des contrats doctoraux supplémentaires. Environ 25 % de doctorants n'ont pas de financement actuellement. Nous augmenterons de 20 % ceux de l'État et, pour les 5 % restants, nous travaillerons avec les collectivités, les associations, les régions et le mécénat. Nous ne diminuerons donc pas le nombre de doctorants pour l'aligner sur celui des financements, ni n'opérerons de substitution entre les futurs contrats postdoctoraux et les contrats d'ATER, bien utiles pour finir un doctorat car, dans certaines disciplines, la durée d'un contrat doctoral peut être trop courte. Les contrats d'ATER sont aussi un engagement à se présenter à des concours d'enseignant-chercheur.

Dans le monde des entreprises, il est difficile de financer un post‑doctorat au travers d'un CDD, car la période est trop courte pour conduire un projet de recherche. Les contrats postdoctoraux visent donc à renforcer la situation du post‑doctorant en lui donnant une sécurité et une stabilité, qui sont largement attendues.

Je terminerai par quelques remarques qui ne sont pas spécifiques au projet de loi de programmation.

Nous continuons à déployer le plan Étudiants. C'est pourquoi l'augmentation du budget du ministère ne se résumera pas à celle de la loi de programmation. Le plan de relance consacrera 180 millions à la création de places supplémentaires. Les demandes des étudiants portent souvent sur des structures hors université. La demande est très forte, par exemple, pour le secteur paramédical, les métiers du soin – infirmier, orthophoniste, rééducateur –, que les jeunes ont découverts depuis l'épidémie et dont ils considèrent qu'ils ont un sens. Toutes ces formations sont actuellement financées par les régions. Le Gouvernement a choisi d'aider celles-ci à augmenter de plusieurs milliers le nombre de places dans ces formations.

Nous avons également soutenu l'apprentissage, car 170 000 bacheliers ont demandé des formations sous cette forme cette année. Avec la ministre du travail, nous organisons bientôt un important forum de l'apprentissage, et je vous invite à diffuser l'information : les 15 et 16 septembre prochains, toutes les offres de place des entreprises seront proposées aux jeunes qui recherchent des formations en apprentissage.

Quant à l'IDEX de Lyon-Saint-Étienne, ce n'est pas moi qui, devant un jury international, en contrepartie de financements, ai pris l'engagement d'une telle structuration du paysage de l'ESR. Pour ma part, j'accompagne les acteurs, dans les endroits où la démarche a eu du succès comme dans ceux où elle n'en a pas eu : il ne revient pas au ministère d'annoncer que les établissements fusionnent ou s'associent.

Je suis, par ailleurs, surprise de vous entendre dire, monsieur Juanico, que l'ensemble des personnels de l'université de Saint-Étienne sont contre le projet : ce sont bien eux qui ont récemment élu leur présidente sur le projet de réussir l'IDEX. Vous dites aussi que les élus estiment très important de garder une université de plein exercice, mais nous parlons là d'un projet académique d'enseignement supérieur et de recherche, qui a été soutenu et présenté par des établissements, qui ont depuis renouvelé leurs instances. Je soutiendrai les projets que les établissements ont défendus. S'ils décident de ne pas tenir les engagements évoqués devant le jury international, ils prendront leurs responsabilités et perdront les financements de l'IDEX. Je serai navrée que les établissements de Lyon-Saint-Étienne n'apparaissent pas sur la carte des meilleurs sites universitaires de France et qu'ils ne puissent pas bénéficier de cette visibilité, notamment pour attirer des chercheurs et des étudiants internationaux, mais je respecterai entièrement la capacité des établissements à tenir ou non les engagements qu'ils ont eux‑mêmes pris. Si je comprends l'intérêt des politiques, notamment du maire de Saint‑Étienne, je ne suis pas persuadée qu'il joue pour son université. Je respecte pourtant son choix. J'ai déjà proposé qu'il soit reçu par mon cabinet. Je les recevrai et les entendrai, mais il est bon que les acteurs qui s'engagent, dans l'ESR comme ailleurs, tiennent les engagements qu'ils ont pris.

La séance est levée à dix‑huit heures.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 9 septembre 2020 à 15 heures

Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Bertrand Bouyx, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Elsa Faucillon, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Florence Granjus, M. Pierre Henriet, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, Mme Brigitte Kuster, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, Mme Constance Le Grip, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, M. Sébastien Nadot, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Muriel Ressiguier, Mme Cécile Rilhac, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory

Excusés. - M. Ian Boucard, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, M. Stéphane Claireaux, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Josette Manin, Mme Sophie Mette, M. Bertrand Pancher, M. Bertrand Sorre

Assistaient également à la réunion. – Mme Barbara Bessot Ballot, M. Michel Castellani, M. Francis Chouat, M. Patrick Hetzel, M. Jacques Marilossian, Mme Liliana Tanguy, M. Jean-Marc Zulesi