Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Réunion du mardi 22 septembre 2020 à 17h25

Résumé de la réunion

Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  PS et divers gauche    En Marche    MoDem    Les Républicains  

La réunion

Source

La séance est ouverte à 17 heures 15

Présidence de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente.

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes auditionne Mme Élisabeth Moreno, Ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l'Assemblée à l'adresse suivante :

http://assnat.fr/k9uhXA

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre ordre du jour appelle l'audition de Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.

Je vous adresse, madame la ministre, au nom de notre Délégation, nos plus sincères félicitations pour votre nomination ainsi que tous nos vœux de succès dans votre mission dont l'objet a été déclaré grande cause du quinquennat par le Président de la République.

« Partout où les décisions sont prises, les femmes ont leur place… jamais elles ne devraient faire exception. » Cette phrase que j'emprunte à Ruth Bader Ginsburg, membre de la Cour suprême des États-Unis, femme d'exception qui vient malheureusement de nous quitter, vous l'incarnez, madame la ministre. Votre nomination, le 6 juillet dernier, vient en effet consacrer un parcours remarquable qui vous a vu fonder une entreprise, exercer des fonctions de haut cadre international, ou encore de juge consulaire, mais également faire preuve d'un très bel engagement dans le monde associatif au profit de la diversité.

Vous êtes parvenue à monter l'échelle de la décision, faisant malheureusement trop souvent figure d'exception dans un secteur professionnel, celui du numérique, que l'on sait peu féminisé. De cette expérience, vous m'avez assuré tirer force et abnégation pour initier une nouvelle étape en matière d'autonomisation économique, d'entrepreneuriat et d'employabilité des femmes. La délégation aux droits des femmes vous accompagnera assurément dans cette nouvelle séquence.

Madame la ministre, notre Délégation a été créée voici vingt-et-un ans. Elle est composée de 36 membres représentant l'ensemble des groupes politiques et est renouvelée à chaque début de législature.

Nous travaillons dans un esprit trans-partisan, nous saisissant de l'actualité législative comme de sujets sociétaux. Nous intervenons dans l'ensemble des débats touchant aux droits des femmes, dans un esprit de concorde que je salue. Sans prétendre à l'exhaustivité, je profite naturellement de cette première audition pour attirer votre attention sur la qualité et la diversité de nos travaux sur lesquels vous pourrez vous appuyer pour mener à bien votre action.

Notre Délégation a ainsi adopté la semaine dernière le rapport sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse de nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti. Elles y constatent des difficultés persistantes pour l'accès à ce droit et préconisent des mesures concrètes, dont l'allongement du délai légal de 12 à 14 semaines et l'extension des compétences des sages‑femmes. Nos corapporteures pourront certainement en dire davantage et décrire plus précisément leurs principales propositions. Nous espérons votre soutien pour l'examen de la proposition de loi que notre Délégation déposera afin de traduire précisément les préconisations de ce rapport.

Nous avons également noté l'intérêt que vous portez à la question de la représentation des femmes dans les médias et vous vous êtes particulièrement intéressée au rapport de notre collègue Céline Calvez sur la place des femmes dans les médias en période de crise. Notre Délégation a également beaucoup travaillé sur ce sujet et notre collègue Bérangère Couillard présentera bientôt un rapport d'information établi dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, assorti de propositions très concrètes.

S'agissant des violences faites aux femmes, je salue votre détermination à aller encore plus loin en effectuant un suivi précis et actif de la mise en œuvre du Grenelle des violences conjugales. Pour ce faire, vous avez réuni le 3 septembre dernier les représentants des 11 groupes de travail du Grenelle afin de procéder à l'évaluation de l'exécution des 46 mesures retenues. Notons que 17 d'entre elles ont d'ores et déjà été réalisées et 50 % sont en cours de réalisation. Peut-être pourriez-vous nous faire un point d'étape ?

Notre Délégation avait, au moment du Grenelle, adopté un Livre blanc destiné à briser le cycle des violences conjugales et nous effectuons un suivi attentif des 150 propositions que nous y avions formulées. C'est un exercice d'application et de mise en œuvre qui me paraît tout à fait essentiel pour assurer la déclinaison concrète des objectifs de nos politiques publiques.

Par ailleurs, vous avez annoncé la création de 15 centres de prise en charge des auteurs de violences d'ici la fin de l'année ainsi que de 15 autres centres supplémentaires en 2021. Vous avez également indiqué que le bracelet anti-rapprochement devrait être disponible dès ce mois-ci. Pourriez-vous revenir sur ces annonces et les moyens qui leur seront associés ?

Dans ce contexte, je tiens à saluer votre première victoire budgétaire et non la moindre, qui devrait permettre d'augmenter de 40 % les crédits alloués au programme 137 en 2021. Sachez que nous serons à vos côtés pour voter cette hausse lors du prochain projet de loi de finances et que nous resterons vigilants quant aux parts allouées aux autres programmes relevant de notre compétence qu'ils concernent la justice, l'intérieur, la santé ou encore l'éducation.

Notre Délégation suit également avec une grande attention l'impact de la crise sanitaire sur l'ensemble des droits des femmes. Nous avons à cet effet organisé des tables rondes relatives à l'aggravation des violences subies par les femmes durant le confinement mais aussi aux conditions d'exercice des droits sexuels et reproductifs ou encore aux difficultés liées à la périnatalité. Nos travaux ont mis en avant de nombreux points de vigilance, notamment en matière de précarité économique ou encore de violences, dont celles subies par les femmes vivant dans des lieux de privation de liberté qui se sont malheureusement aggravées. Nous avons entendu des témoignages glaçants concernant par exemple la situation de femmes en situation de handicap et nous appelons à la plus grande vigilance sur ces souffrances silencieuses que nous entendons continuer de relayer au sein de l'Assemblée nationale.

Alors que s'ouvre un travail considérable de relance de l'économie pour le Gouvernement, notre Délégation ne manquera pas d'œuvrer, à vos côtés, à l'élaboration d'une économie inclusive, c'est-à-dire d'un système où les femmes ont partout la capacité de décision et d'entreprise, particulièrement en ce qui concerne les secteurs d'avenir et les métiers de demain. Donnons également aux prochaines générations les moyens de construire le futur. C'est la voie la plus sûre vers l'égalité et, comme vous l'avez rappelé ce matin même devant le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE), le travail est vecteur d'émancipation.

Pour cela, il nous faut travailler à corriger toutes les formes d'inégalité. Si elles sont salariales, cela peut être fait par des outils comme l'Index de l'égalité par exemple ou, si elles sont structurelles, en imposant la présence de femmes. C'est d'ailleurs le sens de la loi n° 2011‑103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle dite Copé‑Zimmermann portée par la délégation aux droits des femmes en son temps. Cette loi a eu des effets incitatifs déterminants. Nous souhaitons aujourd'hui travailler à son extension afin de toucher davantage d'entreprises et de lieux de décision au sein de l'entreprise. L'histoire nous le montre : il faut des règles de droit pour avancer et le passage par les quotas est souvent nécessaire.

Vous le voyez, madame la ministre, nombreux sont les sujets sur lesquels nous souhaitons échanger avec vous.

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Elisabeth Morano, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Je tiens à vous remercier pour votre invitation. Être face à vous aujourd'hui, ici à l'Assemblée nationale, le cœur battant de notre République, constitue pour moi un moment fort et tout à fait singulier. Je sais par ailleurs l'importance de votre engagement et les travaux menés par cette Délégation au sujet du droit des femmes.

Sur les enjeux importants qui sont les nôtres, je considère qu'il est essentiel que le Parlement et le Gouvernement travaillent main dans la main, en bonne intelligence, en ayant un dialogue franc et toujours constructif. C'est la clef de notre réussite collective et c'est l'idée que je me fais de la conduite de ma mission.

Au cours de mon propos liminaire, je dresserai tout d'abord un bilan en forme de point d'étape de ce qui a été accompli par le Gouvernement depuis 2017 et vous exposerai en parallèle ma feuille de route et celle de ce ministère pour les mois qui viennent. Permettez‑moi de commencer par les violences sexistes et sexuelles et d'évoquer quelques chiffres qui sont, comme vous l'avez dit, glaçants.

En 2019, 146 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire de vie. 219 000 femmes ont déclaré avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part d'un conjoint ou d'un ex-conjoint. Hélas, ces chiffres ne fléchissent pas. Nous avons, en tant que responsables politiques, une double obligation d'action et de résultats.

Mon approche et ma vision pour enrayer ce fléau consistent à mettre la victime au cœur de nos politiques publiques. Lorsque la parole se libère, lorsque la loi du silence se brise, les victimes ont, avant toute chose, besoin d'être entendues et d'être crues. Elles ont ensuite besoin d'être protégées, puis d'accéder à des soins pour pouvoir se reconstruire et, enfin, pour retrouver leur indépendance, elles doivent pouvoir reprendre leur vie en main.

C'est en partant de leur point de vue, de celui des femmes victimes, que nous devons construire notre action publique, avec l'ensemble des acteurs concernés : les associations, les forces de l'ordre, les professionnels de santé ou les magistrats.

En France, en 2019, tous les deux jours, une femme est morte sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. Toutes les sept minutes, une femme était violée. 60 % des emplois sous-qualifiés étaient occupés par des femmes. 70 % des tâches domestiques étaient exercées par les femmes et je ne parle pas que de la période de confinement. 96 % des congés parentaux étaient pris par les mères. Ces chiffres nous obligent et c'est très certainement pour cela que le Président de la République a érigé l'égalité entre les femmes et les hommes en grande cause du quinquennat.

Bien que notre Constitution stipule que tous les citoyens « naissent et demeurent libres et égaux en droits », force est de constater que les femmes continuent de subir des discriminations qui creusent toujours plus les inégalités. C'est pourquoi, depuis trois ans, l'ensemble du Gouvernement est mobilisé à travers une stratégie interministérielle forte et ambitieuse. Cet engagement sans précédent s'est matérialisé notamment par : la tenue du comité interministériel à l'égalité entre les femmes et les hommes le 8 mars 2018 ; le vote de trois lois ; la tenue du Grenelle contre les violences conjugales lancé par le Premier ministre Édouard Philippe et Marlène Schiappa le 3 septembre 2019 en présence de 15 ministres.

C'est, je crois, notre responsabilité et j'aimerais revenir sur l'esprit qui a animé le Grenelle contre les violences conjugales. Ce Grenelle a été le fruit d'un travail inédit de concertation des principaux acteurs concernés : les associations, les élus, les experts ou encore les familles de victimes. Ce travail a permis de mettre la lumière sur un sujet trop longtemps resté dans l'ombre et, à son issue, 46 mesures ont été annoncées. Ce sont des mesures fortes et concrètes pour faire diminuer le nombre de féminicides et lutter plus contre les violences faites aux femmes.

Votre Délégation a joué un rôle de premier plan au cours de ce Grenelle. Je pense notamment au Livre blanc sur la lutte contre les violences conjugales conduit par la Présidente Marie-Pierre Rixain et à la proposition de loi portée par Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha votée cet été. L'Assemblée nationale et votre Délégation se sont donc pleinement mobilisées. Je tiens à vous en féliciter chaleureusement.

Le 3 septembre dernier, avec les 11 groupes de travail du Grenelle, j'ai souhaité réaliser un point d'étape, un an après le lancement de ce travail sans précédent. Nous avions plusieurs objectifs : identifier ce qui a bien fonctionné ; voir ce qui restait en cours d'exécution ou de conception ; identifier les points de blocage qui ont pu advenir durant ces douze derniers mois.

Je veux que nous adoptions en la matière une véritable culture du résultat. Nous sommes très attendus sur ce sujet et nous devons être à la hauteur. C'est pourquoi je réunirai toutes les six semaines les 11 groupes de travail afin de faire des points d'étape réguliers et je serai ravie d'y associer les parlementaires qui souhaitent nous rejoindre.

Au total, sur les 46 mesures annoncées à l'issue du Grenelle, 17 ont déjà été réalisées et 23 sont en cours de réalisation. Certaines sont déjà bien avancées. Je pense notamment aux unités médico-judiciaires qui permettent aux femmes de porter plainte directement à l'hôpital. 30 de ces unités sont déjà en place. J'en ai d'ailleurs visité deux, l'une dans le Morbihan en Bretagne-Sud et l'autre plus récemment à Saint-Denis avec le Premier ministre. Je veux vous dire que ce dispositif fonctionne ! Enfin, six mesures sont en construction. Au total, à ce jour, 100 % des mesures du Grenelle ont été engagées.

Parmi celles qui restent à déployer, quatre mesures me paraissent particulièrement emblématiques car elles changeront de manière très concrète le quotidien des femmes victimes. Permettez-moi de les énumérer. En premier lieu, l'extension des horaires de la plateforme téléphonique 39 19 permettra une accessibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ainsi que pour les femmes en situation de handicap. Ensuite, nous ouvrirons 15 centres de prise en charge et d'accompagnement des auteurs de violence dès cette année. C'était une revendication des victimes et une demande des associations que nous allons concrétiser. Nous créerons également 1 000 places d'hébergement supplémentaires pour les victimes en 2021. C'est un engagement fort que nous portons avec Emmanuelle Wargon. Enfin, la dernière mesure emblématique est le déploiement des bracelets anti-rapprochement. Comme l'a annoncé le Garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, les 1 000 premiers bracelets seront disponibles très prochainement. Je m'assurerai donc de l'exécution rigoureuse de l'ensemble des mesures du Grenelle.

Par ailleurs, la pandémie liée à la Covid-19 s'est brusquement et un peu brutalement invitée dans nos vies. Elle en a bouleversé bien des aspects. Ce contexte particulier présentait, pour les femmes, un risque redoublé d'exposition à des violences. Dans ce cadre inédit, le Gouvernement a déployé un Plan de lutte contre les violences conjugales le 16 mars dernier. Ce plan a pleinement mobilisé tous les ministères concernés. Il visait à prévenir et signaler les violences à travers : la plateforme de signalement des violences sexistes et sexuelles du ministère de l'Intérieur qui a été, à cette occasion, renforcée par des effectifs supplémentaires ; le 3919 qui est resté opérationnel malgré le confinement ; le 114, numéro d'alerte par SMS pour les personnes malentendantes et pour tous les publics d'ailleurs, qui est resté en fonctionnement depuis le 1er avril 2020.

Par ailleurs, le nombre de téléphones grand danger a fortement augmenté et nous avons créé une plateforme téléphonique dédiée aux auteurs de violences pour prévenir la récidive.

Afin d'accompagner les femmes et les mettre à l'abri, un soutien financier supplémentaire a été apporté aux associations. 500 000 euros ont été consacrés à l'accueil d'urgence des femmes et de leurs enfants. Des points d'accueil et d'écoute ont été déployés dans les centres commerciaux ainsi que dans les pharmacies. Au total, 4 millions d'euros de financements supplémentaires ont été votés en loi de finances rectificative pour soutenir l'ensemble de ces dispositifs. En d'autres termes, l'engagement du Gouvernement et des services de l'État a été total et celui des associations également. Je tiens à les en remercier, ici, devant vous.

Malheureusement, comme vous le savez, les violences à l'égard des femmes ne s'exercent pas uniquement au sein de leur foyer. C'est pourquoi nous devons lutter contre toutes leurs dimensions et contre l'ensemble des violences physiques, sexuelles, psychologiques, économiques ou sociales. La France a ainsi été le premier pays au monde à légiférer contre le harcèlement de rue en créant une nouvelle infraction pour « outrage sexiste ». C'est une avancée significative qui redonne le droit aux femmes d'être en sécurité dans l'espace public. Cette loi va au-delà du harcèlement de rue. Je ne reviendrai pas sur toutes les dispositions adoptées, mais je voudrais simplement en souligner trois : elle a permis d'allonger le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineurs de 20 à 30 ans ; elle a élargi la définition du harcèlement en ligne ; elle a renforcé les dispositions du code pénal pour réprimer les infractions sexuelles sur les mineurs.

Je voudrais rappeler qu'elle a été votée à l'unanimité par le Parlement, signe que de telles causes peuvent dépasser nos clivages et peuvent nous rassembler.

Le Gouvernement a également agi pour lutter contre les autres formes de violences à l'égard des femmes. Je pense par exemple à la lutte contre le système prostitutionnel. Je compte relancer le comité interministériel de suivi de la loi de 2016, l'objectif étant de créer davantage de commissions départementales de lutte contre la prostitution pour renforcer les 75 existantes sur notre territoire.

Par ailleurs, je souhaite poursuivre le travail engagé par ma prédécesseure dans la lutte contre les mutilations sexuelles féminines. On estime à près de 60 000 le nombre de femmes qui vivent excisées aujourd'hui dans notre pays. Il s'agit d'une atteinte inadmissible à l'intégrité et à la dignité des femmes et des petites filles. Nous sommes résolus à lutter contre ces pratiques de plusieurs manières, tout d'abord en soutenant les associations qui les combattent, ensuite en sensibilisant davantage les professionnels de santé et enfin en veillant à l'amélioration de la santé des femmes qui en sont victimes.

La lutte contre les violences sexistes et sexuelles constitue donc l'une des priorités de notre gouvernement, une priorité assortie d'un niveau d'exigence et d'ambition très élevé. C'est une priorité parce que des vies humaines sont en jeu, une priorité parce que l'État, en synergie avec les associations, avec l'ensemble des élus et également les forces de l'ordre, les entreprises et les partenaires sociaux, a les moyens d'agir et se doit d'être au rendez-vous.

La honte doit changer de camp. Pour reprendre les mots du Président de la République, « la France ne doit plus être un pays où les femmes ont peur ». Depuis trois ans, nous avons ainsi été pleinement mobilisés et nous le resterons plus que jamais jusqu'à la fin du quinquennat.

Pour agir et pour conduire cette politique publique, il nous faut bien sûr des moyens. J'en viens donc à la question du budget alloué à l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est une question centrale qui, je le sais, suscite parfois des interrogations ou cristallise les critiques. Ces interrogations et ces critiques sont compréhensibles tant les enjeux sont importants. Parce que je sais que votre Délégation est extrêmement vigilante sur cette question, je voudrais vous apporter plusieurs éléments de précision.

Les crédits du programme 137 et plus largement ceux affectés à la lutte contre les violences faites aux femmes sont en nette progression. Il s'agit d'une réalité que nul ne peut contester. Le programme 137, piloté par mon ministère, a atteint en loi de finances initiale la barre des 29,7 millions d'euros dès 2017. En ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2021 qui sera débattu dans quelques jours au Parlement, je peux d'ores et déjà vous annoncer qu'il sera en augmentation de 40 %. Il atteindra ainsi en loi de finances initiale 41,5 millions d'euros. Il s'agit de l'un des premiers dossiers dont je me suis emparée lors de ma prise de fonctions. Je crois pouvoir dire qu'il s'agit d'une hausse historique à mettre au crédit de ce Gouvernement.

Cette augmentation sera utilisée selon trois finalités. Tout d'abord, il s'agira de financer des dispositifs très attendus que j'ai évoqués tout à l'heure et qui vont concrétiser la pleine mise en œuvre des engagements du Grenelle, à savoir les centres de prise en charge des auteurs de violences et l'extension de la plateforme téléphonique 3919. Ensuite, il s'agira d'accroître les budgets disponibles pour aider les associations. Les femmes s'expriment de plus en plus, elles ont de plus en plus accès à ces associations et il faut donc renforcer leurs moyens financiers. Enfin, nous souhaitons augmenter la part du budget alloué aux actions en faveur de l'égalité professionnelle.

Comme nous le savons tous, le budget consacré aux violences faites aux femmes ne se concentre évidemment pas sur le seul programme 137. Il n'en représente en fait qu'une faible partie. De nombreux autres programmes budgétaires – 19 au total en 2020 – y concourent aussi, parfois très fortement. Je pense notamment aux ministères de l'Intérieur, de l'Éducation nationale, de la Justice, de la Santé ou du Logement qui y consacrent d'importants moyens. En d'autres termes, nous avons développé une architecture institutionnelle afin que les enjeux liés aux violences faites aux femmes et à l'égalité irriguent l'ensemble des politiques publiques.

Depuis 2017, grâce aux travaux interministériels, nous avons réussi à améliorer l'évaluation globale de ces crédits, comme le montre l'augmentation des crédits figurant dans le cadre du document de politique transversal (DPT). Ce document, je le reconnais, a vocation à gagner en rigueur et en méthodologie, notamment pour pouvoir réaliser des comparaisons pertinentes et mieux mettre en lumière la réalité des politiques que nous finançons. Sachez que j'ai demandé à mes services d'y apporter un soin tout particulier.

Par ailleurs, je m'assurerai que le budget du programme 137 soit consommé dans sa globalité en 2020. Le Grenelle sera aussi entièrement financé, c'est un engagement que nous tiendrons. En dégageant les crédits nécessaires, l'État sera au rendez-vous de la grande cause du quinquennat.

J'aimerais maintenant évoquer la question des inégalités dans la vie économique et sociale. Le Gouvernement s'est fixé comme objectif de travailler à la réduction de toutes les formes d'inégalités entre les femmes et les hommes. Cet objectif constitue l'une des priorités de ma feuille de route. C'est donc l'occasion pour moi d'aborder la question des pensions alimentaires.

En France se trouvent aujourd'hui 2,4 millions de familles monoparentales. 85 % de ces familles sont composées d'une femme avec ses enfants et 700 000 d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté. Le non-paiement des pensions alimentaires par les pères assigne donc ces mères et leurs enfants à la précarité. Cette prise en otage financière est totalement inacceptable. C'est pourquoi, en lien avec Olivier Véran, je soutiendrai avec la plus grande vigueur la mise en œuvre dès cet automne du paiement direct des pensions alimentaires par les caisses d'allocations familiales. C'est un enjeu de justice sociale et c'est un enjeu pour lutter contre la pauvreté.

L'allongement du congé paternité est l'un des autres sujets importants qui fait l'actualité. J'y suis, pour ma part, tout à fait favorable. Comme vous avez pu le lire, le rapport Cyrulnik va dans le sens d'un allongement très conséquent, en l'occurrence neuf semaines. Avec Adrien Taquet, nous sommes convaincus qu'il s'agit d'une mesure essentielle, non seulement dans l'intérêt de l'enfant mais également dans l'intérêt de ses parents. Il s'agit d'une mesure qui permettra de faire évoluer les mentalités et de favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes dans le travail ainsi que dans la famille. C'est, je le crois, une mesure de progrès que nous nous apprêtons à mettre en place.

Cette mesure favorisera l'émancipation économique des femmes. En effet, dans le monde professionnel, cette asymétrie entraîne des inégalités tout au long de la carrière et jusqu'à la retraite. L'allongement du congé paternité permettra dès lors un meilleur équilibre, au bénéfice de tous. Des concertations avec les partenaires sociaux sont actuellement en cours et je suis convaincue que nous réussirons à faire bouger les lignes très bientôt.

La période de confinement que nous avons traversée a jeté une lumière très crue sur les inégalités entre les femmes et les hommes. Le confinement aurait pu, logiquement, conduire à un rééquilibrage de la répartition du travail domestique mais les enquêtes menées à sa sortie nous ont révélé tout le contraire : 70 % des tâches ménagères ont principalement été assurées par les femmes Or, ces inégalités à l'intérieur du foyer se répercutent également à l'extérieur.

C'est maintenant sur le terrain des inégalités économiques que je voudrais m'arrêter. Parce qu'elles sont un miroir de notre société, les entreprises sont aussi l'un des principaux foyers des inégalités entre les femmes et les hommes. Les chiffres sont à ce sujet éloquents. Les écarts de rémunérations se hissent à des niveaux très élevés en France : 25 % en moyenne et 9 % à compétences et poste équivalents. En 2018, les femmes ne représentaient que 27 % des dirigeants d'entreprise et 30 % des créateurs d'entreprise. La même année, elles étaient 30 % à travailler à temps partiel contre à peine 8 % pour les hommes.

Parce que je viens du monde de l'entreprise, je connais les réalités et la précarité économique qui se cachent derrière ces statistiques. Comme l'ont démontré de nombreuses études, j'ai conscience qu'être une femme constitue le premier facteur discriminant dans le monde du travail mais j'ai l'intime conviction que l'émancipation économique constitue la voie la plus sûre vers l'égalité.

En créant l'Index de l'égalité professionnelle, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel portée par Muriel Pénicaud constitue une véritable avancée en matière d'égalité salariale. Je ne m'attarderai pas sur son contenu que vous connaissez déjà. Néanmoins, je tiens à signaler que, chaque année depuis 2018, les entreprises de toutes tailles progressent sur ce sujet ce qui est très encourageant. Sachez donc que j'aspire à amplifier l'impact positif de cet Index, à travers une communication renforcée et plus détaillée des résultats.

Les inégalités entre les femmes et les hommes se traduisent aussi dans les instances de direction. Si nous pouvons nous réjouir que la France soit championne d'Europe et du monde en termes de féminisation des conseils d'administration de ses grands groupes depuis la loi Copé-Zimmermann portée par votre Délégation, si la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) prévoit un certain nombre de mesures pour renforcer la mixité au sein des organes de direction des entreprises, force est malheureusement de constater que la parité en entreprise, à tous les niveaux et dans tous les secteurs d'activité, fait partie des sujets qui avancent encore beaucoup trop lentement.

Dans l'industrie par exemple, les femmes ne représentent que 20 % des membres des comités exécutifs (COMEX) et, au sein des COMEX du CAC 40, elles n'étaient que 17,6 % en 2019. Dans le numérique, les femmes sont également trop peu présentes et ne représentent que 12 % des créateurs de start-up. Je suis donc résolument favorable à une féminisation accrue des comités de direction, pour mettre l'égalité entre les femmes et les hommes au cœur des processus de décision quotidiens des entreprises.

Parlons maintenant de la fonction publique. Si des progrès doivent être réalisés dans le monde de l'entreprise, l'État et l'ensemble des pouvoirs publics se doivent aussi d'être exemplaires en matière d'égalité salariale et de parité. En effet, un constat s'impose : alors que 62 % des agents de la fonction publique sont des femmes, elles n'occupent que 41 % des emplois de catégorie A+, toutes fonctions publiques confondues. Derrière les grades et les échelons se cachent également des inégalités salariales.

La loi Sauvadet puis la loi Vallaud-Belkacem y ont apporté des corrections et la loi de transformation de la fonction publique portée par le Gouvernement est également une étape supplémentaire vers plus d'égalité dans la fonction publique. Toutefois, là aussi, les progrès restent encore trop timides. Il s'agit pourtant d'une priorité du Président de la République et du Premier ministre Jean Castex.

C'est pourquoi, avec Amélie de Montchalin, nous allons travailler pour que la mixité et la diversité soient placées au cœur des politiques de ressources humaines de la fonction publique. Parce qu'elle est au service de tous nos concitoyens, la fonction publique doit ressembler à la France d'aujourd'hui et elle ne peut pas être un lieu d'inégalités. C'est le contraire même de son idéal. Nous y veillerons avec la plus grande attention.

Renforcer la place des femmes dans nos entreprises et dans nos fonctions publiques, c'est renforcer leur visibilité et leur représentativité dans la société. Cela passe aussi par leur place dans les médias. Je profite ainsi de cette audition pour saluer le travail conduit récemment par la députée Céline Calvez et son rapport consacré à la place des femmes dans les médias en période de crise.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2019, la part des femmes présentes à la télévision et à la radio dépassait à peine la barre des 40 %. En 2018, elles représentaient moins d'un quart des « unes » de la presse écrite. C'est un chiffre qui en dit long. À l'épreuve du confinement, ces statistiques ont encore chuté. Dans ce contexte, le travail d'objectivation conduit par le CSA et par Céline Calvez est donc infiniment précieux.

En effet, parce qu'ils constituent un puissant vecteur d'information et d'influence, les médias se doivent d'être un juste reflet de notre société. Avec Roselyne Bachelot, nous réfléchirons à y rendre les femmes beaucoup plus visibles. C'est, là encore, un enjeu d'équité et de justice.

Mesdames et messieurs les députés, je voudrais également rappeler l'action internationale de la France en matière d'égalité femmes-hommes menée depuis trois ans par le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République.

Emmanuel Macron a en effet souhaité faire de l'égalité entre les femmes et les hommes non seulement une grande cause du quinquennat au niveau national mais également une grande cause au niveau international. L'ambition de cette diplomatie féministe s'est traduite en particulier par la mise en place du partenariat de Biarritz pour l'égalité femmes‑hommes lors de la présidence française du G7 l'an dernier.

À l'échelle européenne, le Gouvernement s'est également beaucoup mobilisé pour que l'ensemble des pays du Conseil de l'Europe, ainsi que des États non-membres, ratifient la Convention d'Istanbul. L'exemple de la Pologne nous montre toutefois qu'il s'agit d'un combat difficile au sein même de l'Union européenne et je me réjouis qu'Ursula von der Leyen l'ait évoqué lors de son discours sur l'état de l'Union. Avec Clément Beaune, nous mènerons ce combat avec la plus grande détermination.

En effet, en lien avec la Commissaire européenne Helena Dalli, la France sera force de proposition sur les sujets d'égalité professionnelle et de respect des droits fondamentaux. Je considère que l'Union européenne se doit d'être précurseur pour l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que pour l'égalité des droits pour les personnes lesbiennes, gay, bi et trans.

En outre, la France accueillera l'an prochain le Forum Génération Égalité à Paris sous l'égide d'ONU Femmes et avec le Mexique. Ce Forum, organisé à l'occasion des 25 ans de la quatrième conférence mondiale de Pékin, sera un moment important. Il permettra à la France de continuer à faire avancer la cause de l'égalité entre les femmes et les hommes sur la scène internationale en mobilisant les grands acteurs internationaux. Notre pays y mettra une grande détermination.

L'exécution rigoureuse de cette feuille de route nous permettra, je le souhaite, de faire avancer de manière significative l'égalité entre les femmes et les hommes dans notre pays.

Je voudrais maintenant aborder une autre mission essentielle de mon ministère : l'égalité des droits en faveur des personnes lesbiennes, gay, bi et trans. Derrière l'égalité des droits, c'est l'égalité effective et concrète que je veux porter. Depuis la dépénalisation de l'homosexualité en 1982, l'adoption du pacte civil de solidarité (PACS) ou l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe, nous avons avancé pour permettre aux lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, etc.

(LGBT+)

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Elisabeth Morano, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

d'être reconnus comme des citoyennes et des citoyens à part entière. Toutefois, l'accès aux droits reste imparfait et la vie quotidienne des personnes LGBT+ est empreinte de rejet, d'exclusion voire de violences.

Laissez-moi vous partager le bilan de ces trois dernières années. Comme vous le savez, la procréation médicalement assistée (PMA) va être élargie aux couples de femmes et aux femmes célibataires grâce à la loi bioéthique. Il s'agissait d'un engagement du Président de la République et cet engagement sera tenu.

Pourtant, si les droits progressent, les violences LGBT-phobes demeurent une réalité dans notre pays. Un chiffre doit nous interpeller : en 2019, 1 870 personnes ont été victimes d'actes homophobes. Ce chiffre est inacceptable en France en 2020. Il illustre à quel point l'homophobie et la transphobie demeurent enracinées dans notre culture.

Depuis 2017, le Gouvernement a agi pour lutter contre la haine anti-LGBT+ et pour combattre son lot de violences et de discriminations. Je rappelle que, en novembre 2018, des mesures d'urgence ont été prises contre la haine envers les personnes LGBT+. Sur l'ensemble du territoire, les actions menées contre les LGBT-phobies et en faveur des droits LGBT+ sont suivies et soutenues, notamment par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). Dans chaque département, les comités opérationnels contre le racisme et l'antisémitisme ont été élargis à la haine anti‑LGBT+.

Je tiens également à rappeler que la lutte contre l'homophobie et la transphobie fait partie des programmes scolaires. C'est essentiel pour construire une société plus inclusive, plus égalitaire et plus juste. C'est pourquoi, en 2019, une vaste campagne de sensibilisation a été lancée dans les collèges et les lycées contre l'homophobie et la transphobie. J'insiste particulièrement sur le thème de la transphobie car je sais combien les personnes trans ont été et sont toujours trop souvent « invisibilisées ».

Il est évident que nous devons encore progresser dans la lutte contre l'homophobie et la transphobie. Dans ce contexte, en octobre, je présenterai le plan d'action du Gouvernement pour l'égalité des droits et contre les LGBT-phobies. Ce plan reposera sur quatre axes : la reconnaissance des droits des personnes LGBT+ ; leur accès aux droits ; la lutte contre la haine anti-LGBT+ ; l'amélioration de la vie quotidienne.

Ce plan sera doté d'une série de mesures concrètes et activables rapidement afin qu'elles aient un impact direct dans le quotidien des personnes lesbiennes, gay, bi et trans.

Enfin, le dernier volet de l'action de mon ministère concerne l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations. Il existe tant de sujets de discriminations que chacun ici dans cette salle peut se sentir un jour concerné.

L'égalité des chances, c'est pour moi tout simplement l'égalité d'accès aux droits entre tous les citoyens et c'est le fondement même de l'égalité des chances. Sans l'égalité, la liberté et la fraternité n'ont pas de sens.

Or, comme l'a rappelé Emmanuel Macron lors de son discours pour les 150 ans de la proclamation de la République, l'égalité des chances n'est pas encore effective aujourd'hui. Nous devons donc absolument redoubler d'efforts pour que cette réalité qui blesse et crée des injustices change et pour que nous puissions enfin travailler ensemble à notre destin commun.

Nous devons redoubler d'efforts pour ceux de nos concitoyens qui s'estiment privés de perspectives de progrès, redoubler d'efforts pour rendre concrète la promesse républicaine et pour éradiquer les 25 types de discriminations relevés par le Défenseur des droits. À un moment où le monde entier est confronté à cette double crise économique et sanitaire sans précédent, les valeurs de la République doivent être notre boussole et notre bouclier. C'est à partir de ces valeurs que nous devons construire un monde plus équitable, individuellement et collectivement. Dans cette reconstruction, le rôle de l'État sera fondamental comme il l'a déjà prouvé depuis le début de la pandémie.

Depuis 2017, le Gouvernement a mené plusieurs actions en faveur de l'égalité des chances. Il s'agit par exemple : des 300 000 écoliers bénéficiant du dédoublement des classes de CP et de CE1 dans l'éducation prioritaire, mis en place par Jean-Michel Blanquer ; des petits‑déjeuners servis à l'école pour 150 000 enfants chaque jour ; de la majoration exceptionnelle de 100 euros de l'allocation de rentrée scolaire ; du Plan d'investissement dans les compétences qui a pour ambition de former les plus fragiles aux métiers de demain.

Beaucoup a été fait mais soyons réalistes : il nous reste beaucoup de travail. C'est le sens des mesures annoncées par le Président de la République le 8 septembre à Clermont‑Ferrand.

Si l'école est le lieu où plongent les racines des inégalités, c'est aussi à l'école, dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité, que nous pouvons les corriger. Nous redoublerons donc d'efforts, en créant un internat d'excellence par département d'ici 2022, en permettant à 200 000 collégiens et lycéens de bénéficier du dispositif des Cordées de la réussite et en passant dès l'an prochain à 80 campus d'excellence répartis sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, j'ai conscience que notre pays est l'un de ceux où le poids du milieu social a le plus d'influence sur la réussite scolaire et professionnelle. Dans ce contexte, pour notre système d'enseignement supérieur qui fonctionne encore trop souvent à 2 vitesses, nous réfléchissons avec Frédérique Vidal à mettre en place un dispositif permettant à une plus grande proportion d'étudiants boursiers d'entrer dans les écoles recrutant sur concours ainsi que dans les masters sélectifs au sein des universités. C'est une manière de corriger les inégalités et de permettre aux élèves de milieux modestes d'intégrer plus facilement les filières d'excellence. Voici ce qu'est la méritocratie dans une démocratie et voici ce qu'est, je le crois, la République.

Après l'université, les inégalités se reproduisent et se répercutent également dans la vie professionnelle. Comme l'a démontré le Défenseur des droits, l'emploi demeure le premier domaine dans lequel se manifestent les discriminations. Nous devons donc évaluer les différentes modalités de recrutement, de gestion des trajectoires professionnelles et les objectiver dans l'emploi public comme dans l'emploi privé.

Nous devons dès lors agir à un double niveau, d'abord en luttant vigoureusement contre toutes les formes de discriminations, en favorisant l'accès au droit et en luttant notamment contre les stéréotypes à l'école et dans la vie professionnelle, ensuite en mettant davantage en valeur ce qui fonctionne dans nos zones rurales et dans nos quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Je veux absolument que l'on mette en avant la richesse de notre pays, dans toute sa pluralité.

Je veux également que l'on fasse la promotion de modes de recrutement innovants qui permettent une détection des talents et des compétences de manière objective, le curriculum vitae (CV) vidéo par exemple ou encore le recrutement sans CV et, pourquoi pas, le CV anonyme. Nous devons étudier toutes les pistes possibles pour améliorer la situation.

Parce que les discriminations ne s'arrêtent pas aux portes du recrutement, il faut aussi les combattre une fois dans l'emploi. L'égalité et la promotion de la diversité dans les parcours professionnels doivent être érigées en priorité par les fonctions ressources humaines (RH), les managers et encore plus par les dirigeants d'entreprise car ce sont eux qui décident.

Dans le contexte de crise sanitaire et économique que nous traversons, l'égalité des chances est donc plus que jamais une priorité, une priorité notamment pour la jeune génération qui arrive sur un marché du travail particulièrement dégradé. C'est pourquoi la jeunesse constitue le fil rouge du Plan de relance que le Premier ministre a annoncé début septembre.

Nous avons la responsabilité collective de faire sauter les verrous qui bloquent la concrétisation de ce qui nous unit tous les uns aux autres : notre pacte républicain. Il s'agit d'un enjeu d'équité, de justice sociale et de cohésion nationale. Nous avons le devoir d'être à la hauteur de ces enjeux et encore plus dans la période si particulière que nous traversons actuellement.

Mesdames et messieurs les députés, voici les grandes lignes du bilan de l'action du Gouvernement et de la feuille de route du ministère que m'ont confiées le Président de la République et le Premier ministre. Vous l'aurez compris : mon ministère est celui de l'égalité et celui de l'action.

D'aucuns pourraient me taxer de naïveté parce qu'un monde sans inégalité est une utopie. Affirmer que la mixité et la diversité sont une force dans un monde tourmenté peut paraître banal mais je n'arrêterai pas de le clamer haut et fort parce que mon expérience m'a convaincue que les êtres humains sont plus forts, plus résilients, plus innovants, plus performants et surtout plus heureux quand ils acceptent la différence, quand ils la cultivent et quand ils la mettent au service du bien commun.

C'est pourquoi nous devons travailler sans relâche pour établir l'égalité des chances, la rendre enfin concrète et effective. Je suis convaincue que la quête de l'égalité pousse notre démocratie à se redéfinir et qu'elle la tirera vers le haut. C'est non seulement une quête de justice mais c'est également une quête de progrès.

Pour mener les multiples combats qui sont les miens désormais, j'aurai besoin de vous. Je crois profondément en l'intelligence collective. C'est la seule intelligence qui vaille à mes yeux. Je sais le travail important réalisé par votre Délégation et le rôle à la fois d'aiguillon et de vigie qu'elle joue. Une démocratie plus efficace est à mes yeux une démocratie fondée sur le dialogue et sur la co-construction. C'est ainsi que je conçois ma mission. C'est ce qui donnera du sens à ce que nous entreprendrons avec détermination au cours des 600 jours à venir. Je vous remercie pour votre attention.

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Je vous remercie, madame la ministre, pour cette feuille de route détaillée. Elle est éminemment nécessaire alors que vous venez de prendre vos fonctions.

Je salue un certain nombre de points, notamment des engagements de votre part sur la prostitution. C'est un sujet qui tient à cœur à la Délégation.

Je salue aussi vos engagements sur l'agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire (ARIPA), notamment sa mise en place dès cet automne et non l'année prochaine. L'ARIPA était très attendue car le confinement a plongé certaines familles dans des situations de précarité.

Je salue également votre engagement quant à la place des femmes dans l'entreprise. La Délégation se saisira de ces questions évidemment essentielles. Nous comptons poursuivre le travail de nos prédécesseurs, notamment celui de Mme Zimmermann. La place des femmes dans l'entreprise est un enjeu économique ainsi que, plus largement, celle de l'argent des femmes dans notre société. C'est un sujet qui mérite réflexion tant cet argent a souvent été et est encore considéré comme de l'argent de poche et non un argent qui permet à la femme de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Vous savez à quel point, dans ce cadre, le congé maternité est encore un boulet accroché aux femmes, y compris pour celles qui ne désirent pas d'enfant. Je crois que le congé paternité, au-delà des bénéfices attendus pour les enfants, améliorera aussi l'égalité entre les femmes et les hommes dans le monde économique.

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Je souhaite, au nom des collègues du groupe La République en Marche, apporter tout notre soutien et notre solidarité à Élisabeth, l'étudiante qui a été agressée à Strasbourg parce qu'elle portait une jupe. Ces agressions sont totalement insupportables et inacceptables dans notre République ; elles ne devraient pas exister. Des lois existent, nous les avons adoptées. Elles doivent être mises en œuvre, renforcées. C'est le sens des messages passés par le Gouvernement. En tout cas, nous devons continuer le combat pour que ces agressions du quotidien n'aient plus lieu, sur l'ensemble du territoire de notre République.

Madame la ministre, je vous remercie pour cette feuille de route de combat, très détaillée. Je tiens à saluer deux annonces.

La première concerne la mise en place de l'ARIPA et du dispositif de lutte contre les pensions impayées sur lequel nous travaillons depuis un an. Nous avions découvert pendant la période du déconfinement que le dispositif avait pris du retard et vous nous annoncez aujourd'hui une mise en place dès le mois d'octobre. Il faudra néanmoins surveiller cette mise en place et avoir des échanges réguliers avec les équipes des caisses d'allocations familiales (CAF) qui auront besoin de voir leurs équipes renforcées.

Le deuxième point concerne la prostitution. J'étais hier avec le Mouvement du Nid qui, justement, me pointait les dysfonctionnements du comité interministériel. Vous nous annoncez aujourd'hui sa remise en mouvement. C'est une bonne chose.

Je souhaite vous alerter sur un deuxième point concernant la prostitution. Dans le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) transmis il y a quelques semaines, il était pointé qu'il fallait renforcer les moyens dédiés à la lutte contre la prostitution. Pouvons-nous espérer des avancées dans le projet de loi de finances (PLF) à venir sur ce sujet précis ?

Enfin, vous étiez il y a quelques jours avec le Premier ministre Jean Castex à Saint-Denis, à la Maison des Femmes, avec le docteur Ghada Hatem qui mène un travail remarquable et remarqué avec ses équipes. Il faut l'encourager, la soutenir. La mission d'intérêt général (MIG) sur les violences sexuelles et sexistes est l'un des engagements du Grenelle sur les violences conjugales et intrafamiliales. Où en sommes-nous précisément de la mise en place de cette MIG ? Il me semble que, lors de ce déplacement, vous aviez justement évoqué le renforcement des moyens budgétaires affectés au fonctionnement de la Maison des Femmes et au développement de ces structures sur l'ensemble du territoire.

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Les métiers de la filière du grand âge connaissent une forte croissance et sont à même de générer plus de 100 000 emplois par an selon le dernier rapport Libault. Les conditions de travail difficiles des aides-soignantes en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l'image négative du secteur, le faible niveau de rémunération de ces emplois et les faibles perspectives d'évolution de carrière ont créé de nombreuses difficultés de recrutement, notamment au niveau des instituts de formation d'aides-soignantes. Je dis « aide-soignante » car ces métiers sont à plus de 80 % féminins.

Afin d'améliorer l'attractivité de ce secteur, des mesures pratiques pourraient être mises en œuvre. Je pense notamment à la création d'une filière de formation spécialisée d'aide-soignante en EHPAD, à la création d'un plan de carrière EHPAD avec possibilité d'évolution au sein de la branche professionnelle, à la création de passerelles dans le cadre de la reconversion professionnelle de salariés sortant de secteurs en crise. Ces mesures seraient bien évidemment facteurs d'égalité hommes-femmes et pourraient peut-être être prises en compte dans le cadre de l'augmentation du budget du programme 137 du PLF.

Je souhaitais attirer votre attention sur un autre point : en France, près d'un million de personnes très âgées souffrent d'isolement à leur domicile. Parmi elles, près de 80 % sont des femmes. L'association Les Petits Frères des Pauvres utilise l'expression de mort sociale pour qualifier cet état d'isolement. Pourtant, la quasi-totalité de ces femmes seniors vivent à moins de 5 kilomètres d'un EHPAD. Des expériences étaient en cours avant la crise de la covid-19 pour permettre l'ouverture des EHPAD vers le monde extérieur. Ces EHPAD offraient des services tels que la restauration, le coiffeur, etc. à des personnes isolées ou même à leurs aidants, le but étant de mutualiser les ressources. Madame la ministre, que pensez-vous de ces propositions de valorisation du métier d'aide-soignante et, tout simplement, de considération des femmes âgées ?

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Notre système éducatif crée encore des inégalités entre les femmes et les hommes, d'abord par l'image qu'ont les enfants de la femme, dès le plus jeune âge. Dans les crèches, ce sont à 98 % des femmes qui s'occupent des enfants. En milieu scolaire, de la maternelle au primaire, ce sont encore majoritairement des femmes, qu'il s'agisse des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) ou des enseignantes. Ensuite, au collège, des règles vestimentaires sont imposées aux jeunes filles. Elles ne peuvent pas venir en jupe trop courte, elles ne peuvent pas venir en short, alors qu'on ne dit rien aux garçons. S'ils viennent avec une chemise un peu ouverte, on ne dira rien aux garçons à l'entrée du collège alors que l'on fera fermer le bouton à une fille. Il est anormal que des discriminations se créent ainsi dès le plus jeune âge. Je pense qu'il faut s'atteler à ce problème.

Par ailleurs, le centième féminicide de l'année 2019 a malheureusement eu lieu dans ma circonscription. La personne qui a commis ce féminicide avait déjà été accusée de violences envers les femmes, envers d'autres femmes et non celle qui a été assassinée. Cela n'avait eu aucune conséquence. Souvent, les femmes ont du mal à aller porter plainte et, lorsqu'elles le font, elles ne sont pas suffisamment écoutées. Elles ne sont pas suffisamment prises en compte. Je dirais que les peines devraient être plus exemplaires, dès les premières violences, justement pour dissuader la réitération de ces violences.

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Sur la résorption des inégalités hommes-femmes dans le monde professionnel, comment comptez-vous conduire votre action ? Vous l'avez dit vous‑même, depuis 1972 et la première loi qui inscrivait dans le droit le principe de l'égale rémunération des femmes et des hommes, les dispositions législatives se sont succédé en vue de renforcer la parité au sein des entreprises et dans le monde professionnel. Force est de constater que le bilan reste mauvais et qu'il est encore très difficile aujourd'hui pour une femme d'être à la tête d'une grande entreprise. Je sais que vous y êtes sensible ; pouvez-vous nous éclairer sur les lignes que vous suivrez pour réduire et résorber ces inégalités ?

Le 16 septembre dernier, avec ma collègue Cécile Muschotti, nous avons présenté devant la délégation aux droits des femmes un rapport d'information sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en France. Ce rapport fait suite à de longs mois d'auditions, de rencontres, de travaux. Il en ressort que, quarante-cinq ans après le vote de la loi Veil, les difficultés d'accès à l'IVG persistent encore dans notre pays. L'IVG est certes tolérée mais rencontre des difficultés à être considérée comme un véritable droit. Nous avons constaté d'importantes disparités territoriales. Nous avons formulé plusieurs propositions afin d'installer un droit effectif à l'IVG : garantir à toutes les femmes la liberté de recourir à une IVG selon la méthode de leur choix ; améliorer l'information et la sensibilisation des professionnels de santé ; renforcer l'offre sur le territoire ; allonger le délai de l'IVG médicamenteuse en ville et celui de l'IVG chirurgicale de 12 à 14 semaines de grossesse ; supprimer les éléments qui font de l'IVG un acte médical encore à part, notamment la double cause de conscience.

En nous appuyant sur ce travail de longue haleine et de fond, pour prendre en compte les difficultés d'accès à l'IVG constatées durant le confinement et au cours de la crise sanitaire, la délégation aux droits des femmes a élaboré une proposition de loi qui sera, je l'espère, bientôt débattue par la représentation nationale. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer aujourd'hui de votre soutien, de votre soutien à cette proposition de loi ? Mettrez‑vous tout en œuvre pour enfin garantir à toutes les femmes, quels que soient leur condition ou leur lieu de résidence, un égal accès à l'IVG ?

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Elisabeth Moreno

Monsieur le député Gouffier-Cha, j'aimerais comme vous apporter tout mon soutien à Élisabeth pour ce qu'il s'est passé à Strasbourg et les violences dont elle a été victime. L'État protège les femmes dans l'espace public. C'est notre devoir absolu. On ne peut pas, en France, sortir dans la rue en craignant de se faire agresser en permanence. Cela n'est pas possible. De tels actes ne peuvent pas être tolérés. J'ai saisi le ministère de l'Intérieur et je laisserai la justice suivre son cours.

En plus des lois qui existent déjà concernant les agressions physiques, la France est le premier pays au monde à avoir décidé de légiférer et de mettre en place une inflexion toute spécifique pour réprimer les outrages sexistes.

Nous avons également mis en place le plan Angela pour protéger les femmes. Je ne sais pas si, dans ce cas, ce plan aurait pu être utile. L'idée de ce plan est de faire en sorte qu'une jeune femme puisse par exemple demander à arrêter le bus au point le plus proche de son domicile lorsqu'elle est en déplacement la nuit ou s'arrêter à un restaurant pour dire « j'ai besoin d'aide, j'ai besoin de me sentir protégée ». Ces mesures sont à la fois intelligentes et sécurisantes pour les femmes.

Votre commentaire sur la mise en place de l'ARIPA, monsieur le député, me donne l'opportunité de parler de ce sujet qui me tient très à cœur. Obtenir le paiement de la pension alimentaire consiste simplement à faire valoir son droit et celui de l'enfant qu'on élève. Cela devrait être un droit acquis mais les impayés réguliers et récurrents montrent que 30 % des familles subissent encore cette précarité. Ce facteur de précarité touche majoritairement les femmes puisque 85 % des familles monoparentales sont tenues par des femmes. Même en mettant de côté ces problématiques d'impayés des pensions alimentaires, c'est souvent un sujet de tensions et ces tensions peuvent créer un rapport de forces en défaveur de la femme. La création de l'ARIPA, qui date de 2017, est pour moi une première étape pour améliorer le paiement de ces pensions.

Elle sera mise en œuvre en deux temps. Le Président de la République a pris un engagement fort pour un véritable service public des pensions alimentaires. C'est extrêmement important et nous nous y tiendrons. Ce service fera intervenir la caisse d'allocations familiales : elle versera une allocation de soutien familial et mettra ensuite en place un mécanisme de paiement direct de la pension alimentaire. Dès cet automne, le service sera ouvert pour les parents qui en ont fait la demande dans le cadre de la séparation, soit devant le juge soit par convention. À compter du 1er janvier 2021, tout parent pourra accéder à ce service à tout moment, en s'adressant à la CAF. La mise en œuvre de la mesure a malheureusement été retardée du fait de la pandémie. Avec Adrien Taquet, nous sommes extrêmement vigilants sur le déploiement de cette mesure tellement attendue par des centaines de milliers de familles.

Vous avez également mentionné la prostitution. Il y a quelques jours, j'ai rencontré l'association le Mouvement du Nid. Je veux saluer le travail remarquable que fait cette association pour sensibiliser et accompagner les femmes en situation de prostitution. Parce que ces associations ont besoin de davantage de moyens pour poursuivre leur mission, nous leur apporterons ce soutien financier.

Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire et nous devrons tirer toutes les leçons de l'évaluation des inspections rendue au mois de juin. C'est pourquoi je souhaite réunir le comité interministériel de suivi de la loi d'ici la fin de l'année.

Je l'ai dit lors de mon propos introductif : en matière budgétaire, dans le cadre de la PLF, je sécuriserai les crédits nécessaires, notamment dans le cadre du dispositif d'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) et des aides aux associations.

Vous avez également, monsieur le député Gouffier-Cha, posé une question sur la Maison des Femmes. Vous avez mentionné le travail absolument remarquable du docteur Ghada Hatem ; j'ai énormément de respect et de considération pour ce genre d'engagement et surtout pour les résultats qu'elle obtient. Je vous rejoins pleinement dans l'intérêt que nous avons à développer de telles structures. C'est d'ailleurs l'une des mesures emblématiques du Grenelle. Il s'agit créer des structures de prise en charge globalisée pour les femmes qui sont victimes de violences.

La Maison des Femmes de Saint-Denis et le CHU de Bretagne-Sud sont des exemples de ces structures que le Gouvernement souhaite déployer sur l'ensemble du territoire. Ces unités dédiées de prise en charge des violences ont vocation à apporter une prise en charge complète, notamment aux femmes et aux hommes qui sont victimes de violences conjugales, en englobant les aspects d'accueil, de délivrance de soins, le suivi spécialisé, la chirurgie et, évidemment, un accompagnement psychosocial. Il ne faut pas oublier que les violences ne s'arrêtent pas à ce qui est visible. Ce n'est pas seulement l'œil au beurre noir. Il faut penser à l'emprise, à l'état psychologique dans lequel ces femmes se trouvent. C'est pourquoi le travail que font ces hôpitaux et ces personnes – car c'est une question d'engagement de personnes – est absolument remarquable.

Madame la députée Panonacle, le sujet des aides-soignantes dans les EHPAD est très important. En réalité, vous l'avez souligné, 90 % des effectifs des EHPAD sont aujourd'hui des femmes. 148 000 femmes travaillent dans les EHPAD. La mobilisation et l'engagement tout à fait exceptionnels dont ces personnels médicaux ont fait preuve durant la pandémie doivent être soulignés.

Afin de faire reconnaître le travail précieux de ces personnes et d'apporter des réponses aux attentes des soignants, le Président de la République s'est engagé à mettre en place un plan massif de revalorisation de l'ensemble des carrières, à la fois à l'hôpital et dans les EHPAD.

Au-delà de la Covid-19, le vieillissement de la population et les problématiques de dépendance créent déjà des tensions pour recruter dans les métiers du grand âge. Il est donc primordial pour garantir la qualité de l'accueil de nos aînés de renforcer l'attractivité de ces filières et d'améliorer les conditions d'exercice de ces métiers.

Le Ségur de la santé est une première réponse, une première étape pour améliorer le quotidien des soignants et revaloriser les salaires des professionnels. Ce ne sera pas la seule. Nous prévoyons une revalorisation des rémunérations atteignant 183 euros par mois dans les EHPAD publics et privés non lucratifs : 90 euros dès le mois d'octobre et 93 euros à partir du mois de mars 2021. En outre, un travail sur la grille de rémunération des personnels paramédicaux est également engagé pour mieux prendre en compte les spécificités et les contraintes de ces métiers.

Un plan concernant les métiers du grand âge est également en cours d'élaboration. Il s'accompagnera d'une mobilisation des acteurs de l'orientation et de l'insertion professionnelle pour renseigner et orienter les candidats intéressés vers ces métiers. Ce sont de très beaux métiers mais ils sont aujourd'hui trop peu reconnus.

Vous avez aussi mentionné ce sujet tellement sensible de la rupture de l'isolement des personnes âgées. Bien entendu, la pandémie de la Covid-19 a touché très durement nos populations âgées et fragiles, en particulier les femmes. Un plan de mobilisation nationale a été mis en œuvre par Olivier Véran sur la base des propositions de M. Jérôme Guedj. L'un des principaux axes de ce plan est le renforcement du numéro vert national d'écoute de la Croix‑Rouge pour offrir un soutien psychologique à ces personnes isolées. Il faut également identifier ces personnes âgées isolées grâce à une forte mobilisation des jeunes en service civique et au partage d'informations entre les communes.

Je veux d'ailleurs souligner l'engagement de cette jeunesse. Cet engagement n'est pas toujours reconnu mais la jeunesse est là, elle a aidé, elle a accompagné, elle a fait les courses durant le confinement. Le plan doit aussi mettre à disposition des outils qui faciliteront la mobilisation des maires et des conseils départementaux. Ils sont en première ligne pour maintenir le lien dans cette sortie de crise.

La situation dans les EHPAD sera évidemment très suivie par le Gouvernement dans les semaines et les mois à venir. Par ailleurs, le maintien du lien entre les familles est une condition essentielle, nous le savons. L'État pourra faire tout ce qu'il voudra, nous n'arriverons pas aux résultats que nous recherchons, à savoir le bien-être et la bonne santé des résidents, si nous ne parvenons pas à maintenir le lien entre ces personnes âgées et leurs familles.

Madame la députée Trastour-Isnart, vous avez parlé de la lutte contre les stéréotypes de genre. Nous en parlons depuis si longtemps ! Pour que l'égalité entre les femmes et les hommes soit réelle, nous avons effectivement un travail très important à faire de déconstruction des stéréotypes et de création d'une culture de l'égalité. La diffusion de la culture de l'égalité soit s'opérer dès le plus jeune âge. Le fait que les parents passent plus de temps avec leurs enfants durant les premiers mille jours y contribuera. Ensuite, il faut évidemment s'assurer que, lorsqu'ils iront à l'école, on commence dès la maternelle à leur expliquer ce qu'est une petite fille, ce qu'est un petit garçon, pourquoi il faut respecter les uns et les autres indépendamment de leur sexe.

Par ailleurs, un travail important a été mené dans le cadre de l'application des mesures du Grenelle pour que l'ensemble des enseignants soient formés à cette égalité et aux violences qui peuvent être faites aux femmes. À cela s'ajoute la mise en œuvre de la convention interministérielle entre tous les ministères qui ont une responsabilité de politique éducative. Tous ont été embarqués dans cette discussion. Cette convention sera déclinée dans les territoires afin de mieux répondre aux besoins sociétaux, tant en matière de mixité des métiers que de respect mutuel, que d'éducation à la sexualité et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles sans oublier les cyberviolences qui ont tendance à se développer depuis l'apparition des réseaux sociaux.

La diffusion de la culture de l'égalité s'inscrit également dans le cadre de l'expérimentation du service national universel (SNU) et des cités éducatives avec l'introduction de la thématique de l'égalité entre les femmes et les hommes en tant qu'axe transversal des projets.

Dans le champ des médias, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé en mars 2018, en lien avec l'Union des annonceurs, les agences de publicité et l'autorité de régulation professionnelle de la publicité, une charte d'engagement pour la lutte contre les stéréotypes sexistes, sexuels et sexués dans la publicité. De même, en mars 2019, une charte pour les femmes dans les médias a été signée pour lutter contre les harcèlements et les agissements sexistes dans les médias.

Suite à la remise du rapport de Mme Calvez au mois de septembre 2020, notre ministère et le ministère de la Culture avec Roselyne Bachelot lanceront des travaux d'expertise technique et pratique avec les différentes parties prenantes. Nous travaillons également avec le ministère en charge des sports sur la place des femmes dans le sport. En effet, il faut faire en sorte que les femmes trouvent leur place et, surtout, qu'elles n'arrêtent pas d'en faire à l'adolescence parce qu'elles ne se sentent pas bien dans le monde du sport. Le programme national Héritage 2024 qui sera mis en place à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 sera particulièrement mobilisé sur cette question de l'égalité entre les femmes et les hommes pour que ce sujet devienne concret, pratique et opérationnel.

Madame la députée, vous avez également mentionné les violences intrafamiliales globales. Le nombre de féminicides est en hausse. Notre engagement est évidemment total et global. Il découle du Grenelle et nous avons apporté à ce problème une attention toute particulière. Si nous voulons éradiquer ces féminicides, il faut que nous travaillions sur trois axes : la prévention, la protection et la sanction. Quand je parle de sanction, le processus doit commencer dès le début de la plainte. J'ai visité une association à Nanterre qui nous expliquait comment elle forme les policiers et les gendarmes à l'écoute et à la prise de plainte. Lorsque la plainte est bien prise, l'ensemble du processus se passe bien et la plainte est bien traitée au tribunal. Bien prendre la plainte, bien assurer l'écoute, cela permet de faire de la prévention mais aussi de protéger la victime, pour qu'elle ne soit pas encore plus victime et que l'auteur des violences ne continue pas à être un agresseur.

Par ailleurs, nous travaillons sur l'éloignement des auteurs et en particulier sur l'ouverture de ces quinze centres « auteurs » en 2020. Nous espérons en ouvrir quinze autres en 2021 sur l'ensemble du territoire.

Je souhaite avoir une approche très systémique car c'est la seule manière d'y arriver. Comme je l'ai dit en introduction, je veux vraiment me placer du point de vue de la victime, voir quel parcours elle doit subir pour arriver à se sortir de cette violence et mettre en place tous les dispositifs qui doivent l'être pour pouvoir la protéger.

Madame la députée Marie-Noëlle Battistel, vous avez mentionné un sujet qui me tient particulièrement à cœur. La loi Copé-Zimmermann relative à la représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils d'administration prévoyait que la proportion de chaque sexe dans les conseils d'administration ne soit pas inférieure à 40 %. Elle a été étendue aux entreprises de 250 salariés au début du mois de janvier 2020. Le bilan de cette loi est très positif puisque nous sommes le seul pays en Europe qui a 44,6 % de représentation féminine dans les conseils d'administration. Sur la base de ce bilan positif, je ne vois pas véritablement la nécessité de modifier le seuil de 40 % prévu par la loi puisque nous l'avons déjà dépassé.

Les femmes ne représentent malheureusement que 35 % des dirigeantes non salariées d'entreprise dans notre pays aujourd'hui et, dans le monde, les chiffres ne sont pas bien différents. Elles représentent 21 % des dirigeants salariés et 23 % seulement des cadres dirigeants. Le taux de féminisation des COMEX n'est effectivement que de 19 % dans les 120 entreprises de l'indice de la Société des bourses françaises (SBF 120) et aucune, absolument aucune de nos 40 entreprises de la cotation assistée en continue (CAC 40) n'est aujourd'hui dirigée par une femme. Ce n'est pas comme si, dans notre beau pays, nous n'avions pas de femme suffisamment talentueuse et capable pour diriger un grand groupe. Le code de gouvernance de l'Association française des entreprises privées (AFEP) et du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a pourtant mis en place un plan de mixité au sein des entreprises dirigeantes et la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) de 2019 oblige les conseils d'administration à mettre en place un processus de sélection pour les organes de direction. Malgré toutes ces initiatives et ces bonnes volontés, force est de constater que les progrès sont extrêmement lents. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Je veux donc étudier les options possibles pour obtenir une représentation beaucoup plus équilibrée des femmes au sein des équipes dirigeantes. Nous savons en effet que c'est en ayant plus de femmes dans les comités de direction (CODIR) et dans les COMEX que nous ferons avancer ce sujet. Toutes les entreprises n'ont certes pas un COMEX ou un CODIR. Une entreprise de 50 personnes n'en a pas forcément par exemple. Mon objectif est de faire en sorte que davantage de femmes occupent des postes décisionnaires parce que c'est ainsi que nous verrons arriver dans les entreprises tous les changements que nous appelons de nos vœux. J'appelle ces entreprises à prendre leurs responsabilités. Quand on veut, on peut ! Je l'ai fait.

Madame Battistel, vous avez également posé une question relative à l'IVG. Comme Mme la présidente, je salue le travail que vous avez fait avec Mme la députée Muschotti. Deux des propositions contenues dans votre rapport sont inscrites dans une proposition de loi. L'allongement de 12 à 14 semaines du délai pour pratiquer une IVG instrumentale et la suppression de la clause de conscience spécifique y figurent. Ces propositions sont en cours d'étude. Elles ont toutes le même objectif : assurer la mise en œuvre réelle sur l'ensemble de notre territoire de l'accès à l'IVG. La suppression de la clause de conscience spécifique serait, je pense, une bonne chose et un acte symbolique fort et important.

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De nombreux travaux ont eu lieu au sein de cette Délégation depuis 2017 et j'ai eu l'occasion de travailler avec Stéphane Viry sur la place des femmes dans les sciences ainsi que sur la place des femmes dans les médias. J'ai senti que les responsabilités sont partagées, qu'il faut agir tout au long de la vie et que cela demande une vigilance partagée. Les leviers sont nombreux : évaluer, éduquer, former, partager les bonnes pratiques.

Toutefois, force est de constater qu'aujourd'hui, certains mots ne suscitent pas l'apaisement dans nos débats, que ce soit le mot « quotas » derrière lequel chacun met plus ou moins d'incitations ou de contraintes ou le mot « incitations » ou « contraintes financières » qui font se dresser les cheveux sur la tête de plusieurs personnes. Or, votre parcours le montre, l'argent est le nerf de la guerre. Je crois au pouvoir de l'éducation mais nous devons encore regarder comment inciter ou contraindre financièrement pour accélérer ce processus vers l'égalité entre les femmes et les hommes. Il pourrait être naturel mais nous l'attendons encore.

Dans les discussions sur le plan de relance, nous entendons parler d'écoconditionnalité, de contreparties. D'après vous, quelle est la place de « l'égaconditionnalité » dans ce plan de relance et dans l'économie que nous voulons construire dans le futur ? Comment pourrions-nous en saisir les opportunités ? Quels sont les éventuels garde-fous à prévoir pour éviter des mises en place excessives qui deviendraient contreproductives ? Aujourd'hui, pour relancer la société et l'économie, quelle place pouvons-nous faire à l'égaconditionnalité ?

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J(ajoute une question sur la place de l'égaconditionnalité dans le cadre du plan de relance à l'échelle européenne. Pourrions-nous prévoir une égaconditionnalité à la signature d'un certain nombre d'engagements sur les droits des femmes, en particulier les droits sexuels et reproductifs ?

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Je vous remercie, madame la ministre, pour cette présentation extrêmement dense de votre feuille de route. Cette densité nous montre que nous avons encore un chantier immense et que nous ne sommes pas encore arrivés en haut de la montagne de l'égalité réelle, effective, entre les femmes et les hommes.

Dans cette feuille de route, il est frappant de voir que nous sommes allés de la naissance à la maison de retraite. C'est plus compliqué d'être une femme dès la naissance et jusqu'à la maison de retraite. C'est plus compliqué d'être une adolescente, plus compliqué d'être à l'école maternelle, plus compliqué au travail et encore plus compliqué au moment de la retraite. Ces complications et ces inégalités sont terribles car elles ne se produisent pas seulement à un moment de la vie mais elles s'additionnent. Le rapport avait d'ailleurs montré que, pour les femmes de 50 ans, les inégalités ont été multipliées. Un chiffre me choque toujours : la différence moyenne de patrimoine entre un homme et une femme est de 500 000 euros ! Nous avons un chemin énorme à parcourir.

La question des cyberviolences et du cyberharcèlement n'est pas apparue dans votre feuille de route, même si je sais que vous travaillez sur le sujet. J'ai réalisé un rapport sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement pour le Premier ministre, le Garde des Sceaux et le ministre de l'Éducation nationale. Là encore, c'est plus compliqué d'être une fille à l'école et plus compliqué d'être une fille sur les réseaux sociaux.

Nous avons des chantiers législatifs délicats comme nous l'avons vu lorsque le texte de Laetitia Avia a été en partie censuré. Quelles seraient les pistes pour avancer sur la question des cyberviolences et, en particulier, des cyberviolences envers les filles et les femmes ?

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Madame la ministre, vous avez rappelé toute une série de statistiques qui montrent que l'égalité entre les femmes et les hommes est loin d'être réelle. Comme le rappelait Simone de Beauvoir, il faut rester vigilant pour que les droits des femmes ne soient pas remis en question.

Cette question des discriminations est toujours d'actualité notamment sur les questions de tenue vestimentaire. Vous avez rappelé ce qui est arrivé à la jeune Élisabeth, cette jeune femme de 22 ans insultée et agressée parce qu'elle portait une jupe. Nous avons aussi un débat sur les tenues vestimentaires dans les établissements scolaires, en particulier les crop tops. Je voudrais savoir quelle est votre position.

Par ailleurs, vous avez rappelé qu'une femme était victime de viol toutes les sept minutes. Ce chiffre est glaçant mais les faits divers nous rappellent cette réalité, qu'il s'agisse de cette adolescente violée à Nantes par un multirécidiviste ou de cette petite fille de 9 ans violée dans la Vienne par un homme qui aurait aussi violé une septuagénaire quelques jours auparavant. Suite aux viols et tentatives de viols, 9 % des victimes seulement porteraient plainte. Sur ce sujet, madame la ministre, il faut une justice implacable.

Pourquoi aussi peu de viols arrivent-ils en Cour d'assises ? Malgré une meilleure formation des forces de l'ordre pour accompagner les victimes, malgré la création des salles Mélanie pour les mineurs, comment les accompagner davantage et les inciter à aller au bout de leurs démarches ? Comment avoir un suivi plus strict des récidivistes dont nous savons qu'ils sont des prédateurs ? Prévoyez-vous de travailler sur ce sujet avec le Garde des Sceaux ?

Un rapport de l'IGAS concernant la loi de 2016 sur la prostitution et la pénalisation du client montre que cette loi a finalement été assez inefficace sur certains sujets malgré des aspects positifs notamment dans la lutte contre les réseaux ou avec l'idée de parcours de sortie de la prostitution. En revanche, la pénalisation du client a été très peu utilisée par les forces de l'ordre car elle est concrètement très difficile à mettre en œuvre. Où en est l'étude d'impact de cette loi ? Une hausse de la prostitution des mineurs est également constatée. Comment entendez-vous vous saisir de ce sujet ?

Nous avons évidemment toutes salué la loi Copé-Zimmermann et ses effets bénéfiques. L'Institut Montaigne avait publié un rapport Agir pour la parité, performances à la clé qui proposait l'objectif de 40 % dans les COMEX. Pensez-vous que c'est une proposition réalisable ? La liaison entre la diversité de genre et les facteurs de performance est, je pense, un bon argument.

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Je souhaite parler de l'engagement des femmes en politique. Les listes de candidats aux municipales doivent désormais être paritaires et respecter l'alternance femme homme sauf dans les communes de moins de 1 000 habitants. Lors des débats sur la loi Engagement et proximité, nous avions voté à l'Assemblée nationale la parité pour les communes de plus de 500 habitants. Cette avancée a malheureusement été balayée lors de la discussion avec les sénateurs en commission mixte paritaire. Les dernières élections municipales ont porté la part des femmes dans les conseils municipaux à 42,4 % contre 39,9 % précédemment. C'est une belle progression, certes, mais 20 % des communes seulement sont dirigées par une femme. La part des intercommunalités présidées par des femmes est passée de 7 % à 12 %. Ces chiffres démontrent bien que des améliorations sont essentielles. Des disparités sur les territoires persistent. Depuis vingt ans, de véritables progrès ont été réalisés dans l'application de la parité en politique mais je suis persuadée que nous pouvons faire mieux encore. Nous devons faire mieux. Les femmes doivent pouvoir accéder à des postes à responsabilités, pouvoir être élues et représenter les Français au même titre que les hommes. Pour ce faire, je suis convaincue que nous devons mettre en place des obligations et des dispositifs incitatifs. Ce n'est, à mon avis, qu'en travaillant ainsi que nous pourrons un jour prétendre à une réelle parité en politique. J'aimerais, madame la ministre, connaître votre avis sur ce sujet.

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Je voulais vous faire part d'une initiative dans mon département : la féminisation des centres de secours mise en place par le colonel Vallier. Je voudrais savoir comment nous pourrions le généraliser au niveau national. Nous avons mis en place dans mon département de nombreuses classes de cadets de la sécurité avec une féminisation qui atteint 50 % et nous arrivons ainsi à une meilleure féminisation in fine. J'insiste donc sur la nécessité d'aborder le problème dès le plus jeune âge. Lorsque les jeunes filles arrivent, l'encadrement s'adapte et fait en sorte de tout adapter.

J'ai également une question sur l'intelligence artificielle, le numérique et l'égalité. Comment faire en sorte que l'intelligence artificielle soit un facteur d'égalité, une réelle opportunité et ne devienne pas une menace pour l'égalité des hommes et des femmes ? Pour mémoire, 18 % des pages Wikipédia seulement sont consacrées à des femmes alors qu'elles représentent 50 % de l'humanité. Le déséquilibre est donc flagrant. Comment faire pour favoriser la visibilité des femmes ?

Comment, en même temps, favoriser la sécurité des femmes dans l'espace public ? Lorsque des jeunes filles se font agresser en raison de leur tenue vestimentaire, nous voyons que la féminisation est un travail sur lequel il ne faut jamais lâcher. Dès que la vigilance se relâche, ce sont les vieux réflexes qui prennent le dessus.

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Je reviens sur la situation des femmes handicapées qui subissent dans notre pays une double discrimination dans le monde du travail. Être femme et être handicapée, c'est la double peine. Ces femmes ont moins accès aux études, sont souvent cantonnées aux métiers de services. Elles ont encore beaucoup de mal à s'imposer dans le monde du travail. Parce qu'elles sont femmes, parce qu'elles sont handicapées, les difficultés à trouver un emploi puis à mener une carrière sont accrues. Vous avez rappelé le taux de femmes cadres dans notre pays. Il ressort de différentes études que seulement 1 % des femmes en situation de handicap sont cadres, contre 14 % des hommes. Cette situation appelle une vigilance bien particulière à leur égard.

Madame la ministre, souhaitez-vous vous emparer de ce sujet et améliorer la condition de ces femmes ?

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Je complète la question de ma collègue Bérangère Couillard sur la représentation et la représentativité des femmes en politique. Je rappelle que, lorsque la loi n'impose pas la parité, elle ne s'applique pas d'elle-même. Le dernier exemple en date est celui des élections départementales. Si les parlementaires et le Gouvernement n'avaient pas imposé ce binôme homme-femme, nous n'aurions pas aujourd'hui une collectivité territoriale départementale avec 50 % d'élus hommes et 50 % d'élues femmes. Toutefois, la parité s'effrite, s'effondre et disparaît au niveau des présidences et des vice-présidences. C'est bien malheureux.

Le deuxième élément, sur lequel la délégation aux droits des femmes a commencé à travailler, est la question des métropoles et communautés de communes. Elles constituent malheureusement une véritable verrue en termes de représentation des femmes. Les élections pour ces établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne sont pas directes mais c'est un véritable sujet. Nous sortons d'une élection municipale très particulière ; il est de notre devoir de mettre sujet sur la table.

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Le 8 mars 2018, le comité interministériel à l'égalité entre les femmes et les hommes a acté l'expérimentation d'un budget intégrant la question de l'égalité dit aussi « budget sensible au genre », piloté par la direction du budget et le service des droits des femmes et de l'égalité. Vous avez mentionné – c'est tout l'enjeu du côté interministériel de la grande cause du quinquennat – que vous travaillez avec presque tous les ministres et cela montre l'engagement global du Gouvernement. Je vous en remercie.

L'intégration aux politiques publiques de la notion de genre a été développée pour la première fois en 1997 par les Nations unies. Depuis 2018, notre pays s'inscrit donc dans cette démarche de progrès.

L'an dernier, lors de l'examen du budget, j'ai interrogé chaque ministre sur ce sujet et, sur quelque 105 programmes budgétaires, seuls cinq se sont engagés dans cette démarche. Un seul est allé au bout. L'exemplarité n'est pas une façon d'influencer les autres, c'est la seule, a affirmé avec force Albert Schweitzer. Concernant l'établissement de budgets genrés, le Gouvernement se doit donc d'être exemplaire.

J'ai déjà interrogé plusieurs de vos collègues ministres, notamment Franck Riester et Gabriel Attal qui étaient respectivement à l'époque ministre de la Culture et secrétaire d'État à la Jeunesse ou encore Roxana Maracineanu aux Sports. Les réponses ont été unanimes. « Oui, la question de l'égalité entre les femmes et les hommes est une question importante. Oui, nous serons attentifs à ce que ce soit fait. Nous respecterons évidemment les engagements qui nous ont été assignés. Si vous pouvez nous y aider, ce sera bien volontiers », ceci en parlant de nous, parlementaires.

J'ai également reçu une réponse qui résonne encore étrangement. Je cite : « Pour tout vous dire, je ne savais pas que cette possibilité de décompter notre budget de manière genrée existait. » Alors qu'en 2019, l'Index de l'égalité faisait partie du quotidien de plus de 4 000 entreprises, je vous remercie, madame la ministre, de me rassurer ainsi que l'ensemble de la Délégation. J'espère que la mise en place d'un budget sensible au genre au sein de chaque ministère, de chacune de leurs missions, du plan de relance, de l'ensemble du budget 2021 qui sera soumis à l'examen du Parlement cet automne sera bien effective.

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Elisabeth Moreno

Madame la députée Calvez, en ce qui concerne l'égaconditionnalité, le Gouvernement fait un effort sans précédent pour relancer notre économie. Je ne peux imaginer, pas même une seule seconde, que les femmes ne soient pas incluses dans ce plan de relance de 100 milliards d'euros puisqu'il s'agit d'un plan de relance de toute notre économie.

Ce plan bénéficiera évidemment à tous les Français et à toutes les Françaises. L'engagement financier sans précédent que la France fera avec le soutien de l'Europe, justement grâce au plan de relance européen, nécessite bien sûr une responsabilité accrue des entreprises qui en bénéficieront. C'est un point extrêmement important. Le Gouvernement sera donc très vigilant, non seulement à la mise en œuvre du plan mais également dans le suivi des projets et ce sur l'ensemble de notre territoire. Nous sommes très attachés à ce que l'emploi, l'inclusion et l'égalité entre les femmes et les hommes soient des parties prenantes de l'exécution de ce plan. La représentation nationale – je sais que vous y serez vous-mêmes tous très attentifs – devra exercer cette vigilance et ce contrôle.

Au niveau européen, les discussions sur le plan de relance sont encore en cours. Comme vous pouvez l'imaginer, c'est assez complexe. Trouver un accord à 27 sur un sujet aussi sensible est très compliqué. Je sais toutefois que le Parlement européen, en particulier la Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres, y est très vigilant. Je ne vous cache pas que je regarde cela de très près, je ne vous cache pas que je ne suis pas la seule et, plus nous serons nombreux, plus nous nous assurerons que tout se passe bien. Nous serons là !

La question du budget genré a été posée par Mme Calvez et M. Le Bohec dont les anecdotes mettent vraiment en évidence l'importance de l'action publique pour l'avancée ou le recul de l'égalité entre les femmes et les hommes dans notre société et même dans la persistance d'inégalités systématiques. C'est cela qui fait que nous en sommes à ce point aujourd'hui. Tout le monde en parle mais que le sujet avance lentement !

Concevoir un budget genré est un exercice très complexe ; il demande une implication technique de la part de tous les ministères concernés, des comptes publics et il faut que chaque ministre soit convaincu de l'importance de ce budget genré. Une expérimentation a été menée en 2019, pilotée par la direction du budget et des services des droits des femmes et de l'égalité et de la direction générale de la cohésion sociale, avec quatre ministères concernés : le ministre de l'Agriculture, le ministère de la Culture, le ministère de la Cohésion des territoires et le ministère des Affaires sociales. Le ministère en charge de l'égalité, la direction générale de la cohésion sociale et le service des droits des femmes et de l'égalité ont évidemment accompagné la démarche. Toutefois, seul le ministère des comptes a la capacité technique actuellement d'assurer cette action.

Je suis très réaliste, très pragmatique. Ce serait une approche totalement nouvelle des politiques publiques pour mesurer l'impact de ce que nous faisons sur ce sujet. Je souhaite pousser ce sujet plus en avant avec le ministère des comptes publics.

Pour répondre à Mme la députée Duby-Muller, je redis ce que j'ai déjà dit : nous avons la chance de vivre dans un pays où chacun est libre de s'habiller comme il l'entend. C'est une vraie chance car nous connaissons tous dans cette salle de nombreux pays où, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Les femmes ont mis des siècles à s'affranchir des codes vestimentaires. Cette liberté conquise de longue haleine n'a pas de prix.

Il faut quand même être conscient qu'il est également important d'apprendre à nos enfants, dans les écoles, à respecter les règles. Nous avons tous lu, nous qui sommes parents, ce règlement intérieur des écoles qu'il faut signer et que nos enfants doivent également signer. Dans la vie, il faut respecter les règles à l'école, dans l'entreprise… Il est important, pour leur éducation, de leur enseigner le respect de ces règles. Toutefois, ces règles doivent être les mêmes pour les jeunes filles et pour les jeunes garçons. Il n'y a aucune raison de faire une discrimination. Je suis totalement d'accord avec Jean-Michel Blanquer sur ce sujet.

L'un de vous a mentionné l'impact des réseaux sociaux sur la vie de nos enfants. Il est important qu'ils échappent à ce diktat des réseaux sociaux et qu'ils puissent être comme ils ont envie d'être, sans les influences extérieures.

Enfin, le rapport que les petits garçons entretiennent avec les petites filles est aussi un enjeu d'éducation. Il faut que nous gardions tous à l'esprit cette notion de respect. C'est fondamental pour que nous vivions tous correctement et si possible bien ensemble.

Monsieur le député Balanant, vous avez parfaitement raison : les inégalités se creusent tout au long de la vie des femmes. Aujourd'hui, que vous naissiez petite fille ou petit garçon, vous savez que votre parcours dans la vie sera différent et ce jusqu'à la fin de votre vie. C'est pourquoi nous devons mettre en place un processus qui traitera chaque étape.

La clé réside à mon avis dans la vie active. Si l'écart n'est pas résorbé durant cette période, l'effet démultiplicateur nous poursuivra jusqu'au moment de la retraite et il sera dévastateur. Nous y travaillons, en particulier grâce à des mesures telles que l'Index de l'égalité qui n'existait pas il y a deux ans. Il a été mis en place en 2018 et toutes les entreprises disent que c'est un très bon outil. La preuve en est la manière dont elles l'ont rapidement embrassé. Je pense qu'il faut aller plus loin. En matière de pensions, des majorations existent actuellement pour les parents mais il faut une réflexion plus globale sur la question des retraites que je vous propose de ne pas aborder ce soir…

Vous avez également mentionné la haine en ligne. Ce sujet est tellement important, pour toutes les populations de notre pays car chacun peut, à un moment ou un autre, être concerné. J'ai vu des choses odieuses, atroces sur les plateformes. Elles concernent les femmes, les gays, les lesbiennes, les trans, les jeunes, les vieux… Je crois que la prévention est absolument fondamentale. Nous devons étudier une obligation de moyens pour encourager les acteurs du Net à prendre leurs responsabilités. Nous devons aussi travailler à la formation des forces de police pour qu'elles puissent traiter ces sujets de manière plus dynamique. Nous parlons de sanction car les gens ne comprennent parfois que la sanction. Suite à la censure du Conseil constitutionnel, il faut que nous étudiions par quelles voies passer pour trouver un moyen de protéger avant tout notre jeunesse. Je crois que toute la société en bénéficiera. Il faudra, à un moment donné, réfléchir au type de société dans lequel nous souhaitons vivre tous ensemble.

Madame la députée Rauch, en abordant les mesures à envisager à l'échelon national pour favoriser la féminisation des services de pompiers comme cela a été entrepris en Moselle, vous parlez essentiellement des métiers genrés. Ce que le service d'incendie et de secours (SDIS) de Moselle a fait peut s'appliquer aux métiers du bâtiment. J'ai travaillé dans le bâtiment et je vous laisse imaginer ce que j'ai pu entendre. J'ai travaillé dans la tech et je vous laisse imaginer ce que j'ai pu entendre. J'en passe et des meilleures. J'ai rencontré une jeune fille dans le Morbihan qui me racontait avoir dit à son professeur qu'elle voulait être mécanicienne et il l'a gentiment renvoyée vers des métiers dits plus féminins. Je voudrais que les filles sachent qu'il n'existe pas, qu'il n'existe plus de métiers féminins ou masculins. Il existe simplement des métiers qui nous passionnent et que nous avons envie de faire ou non.

Vous évoquez dans votre question les sapeurs-pompiers qui agissent de manière très dynamique pour accroître l'égalité femmes hommes et je les en remercie. Ils mettent en œuvre un plan d'action pour faciliter le recrutement des femmes et lever tous ces freins à la féminisation d'un métier qui est considéré comme plutôt masculin. Je ne peux évidemment qu'encourager de telles initiatives qui visent un métier encore très mythifié.

Au niveau national, le ministère de l'Intérieur a publié une circulaire en 2019 à destination de l'ensemble des services de secours. Cette circulaire demandait la mise en place de plans d'action dans tous les départements. Ces plans auront pour objectif de renforcer les capacités et processus d'accueil des recrues, de promouvoir l'accès des femmes à des postes à responsabilité, d'améliorer la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée et de lutter contre les violences sexuelles et sexistes.

Je tiens à mentionner le travail réalisé par votre collègue Fabien Matras dans le cadre de proposition de loi déposée le 30 juin. Ce texte comporte des propositions qui visent à renforcer encore la place des femmes au sein de ces professions. Voir des hommes s'emparer de ce sujet est heureux. J'insiste sur le fait que cette question d'égalité entre les femmes et les hommes doit être portée par les femmes et par les hommes car ce sont des changements sociétaux. Favoriser la parité au sein des conseils d'administration pour changer les mentalités, instaurer dans chaque SDIS un référent diversité et mixité est selon moi exactement ce qu'il convient de faire.

L'ensemble de ces mesures va dans le sens d'une plus grande égalité entre les femmes et les hommes et je serais très heureuse que nous puissions échanger sur la manière de pousser encore ce processus ensemble.

Vous avez aussi posé une question sur l'intelligence artificielle et les algorithmes. C'est un sujet central auquel je suis très sensibilisée puisque je viens du monde de la tech. Il n'est jamais trop tard mais il est plus que temps de se saisir de ce sujet qui a avancé sans nous. Chacun doit se rappeler que les outils technologiques ne sont que des outils. Ce sont des outils pilotés par des hommes et par quelques rares femmes. Les outils ne sont que l'extension de ce qu'est l'humain. Si vous êtes raciste, vous créerez des algorithmes qui deviendront racistes. Si vous êtes misogyne, vos algorithmes représenteront votre misogynie. Si vous êtes sexiste, les algorithmes représenteront votre sexisme. Je ne parle pas de manière théorique. Plusieurs entreprises ont été condamnées ou ont dû revenir en arrière sur certains algorithmes parce que ceux-ci étaient sexistes, racistes, misogynes…

C'est pourquoi j'insiste ardemment : j'incite les jeunes filles qui font des études brillantes en sciences à s'emparer de ce sujet et à se rendre compte que les algorithmes, que nous le voulions ou non, que nous l'aimions ou non, font partie de notre vie. Nous devons avoir notre mot à dire sur ce sujet. Sinon, ces inégalités que nous combattons aujourd'hui nous poursuivront demain par les outils et cela deviendra autrement plus dangereux.

C'est un sujet qui m'intéressait au plus haut point auparavant. Je vais m'en emparer à nouveau maintenant et, avec Cédric O, nous aurons des discussions – qui sont d'ailleurs déjà commencées –, des réflexions au niveau national et au niveau international car les plus grands acteurs du numérique sont aujourd'hui des acteurs internationaux.

Madame la députée Couillard, vous avez posé une question sur la parité en politique. Je veux me réjouir de toutes ces lois qui forcent la parité en politique. Comme pour les entreprises, tant que nous n'aurons pas des femmes dans les postes exécutifs décisionnaires, nous aurons du mal à avancer sur ces sujets.

Toutefois, les lois ne suffisent pas malheureusement, notamment pour avoir plus de femmes à la tête des exécutifs. Vous l'avez mentionné, nous n'avons que 19 % de maires femmes à la suite des dernières élections municipales. Pourtant, personne ne peut dire qu'une femme n'est pas capable de diriger une mairie. C'est insensé.

Je sais que la politique est un monde difficile, je suis bien placée pour le savoir mais si nous voulons changer le monde, il faut que nous prenions nos responsabilités. Il faut que nous osions y aller. Ces 19 % de maires se sont lancées. La députée Muschotti a d'ailleurs posé la même question. C'est dire combien nous y sommes tous sensibles et combien nous avons envie de voir ce sujet évoluer.

C'est un travail de très longue haleine. Nous parlons de changements de mentalité, de changements de culture. Cela prend des années, cela prend des générations mais, plus nous prendrons de temps à rentrer dans la bataille, plus nous décalerons l'échéance d'arrivée à cette parité que nous appelons de nos vœux. Énormément d'actions de sensibilisation sont menées, dans les écoles, dans les entreprises, dans les médias mais rien n'aura jamais autant d'impact que l'éducation que les parents donneront à leurs enfants dès le jeune âge, que les renforcements qui seront faits au sein des écoles par les professeurs et les formateurs. Nous toutes et tous qui sommes dans cette salle, plus nous rabâcherons ce sujet, plus nous serons entendus car nous avons tout de même la chance aujourd'hui d'avoir la parole. Tant de gens n'ont pas cette parole. Continuons de la pousser, continuons d'embarquer davantage de gens, continuons de témoigner. Témoigner est important. On ne peut faire que ce qu'on a vu d'autres faire - c'est pourquoi la représentation est importante, que les rôles modèles sont importants.

Je m'y attellerai. Lorsque j'étais cheffe d'entreprise, j'allais régulièrement dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) ou dans les zones rurales pour parler de mon métier, pour montrer qu'il est possible de partir de nulle part et arriver quelque part en traversant des métiers sur lesquels nous n'étions absolument pas attendues. N'ignorez pas l'influence que vous pouvez avoir et que vous n'auriez même pas imaginée sur la vie de jeunes filles et de jeunes hommes. Continuons de porter cela ensemble, pour que nous ayons toujours davantage de rôles modèles et de représentativité.

Madame la députée Anthoine, vous m'avez posé une question extrêmement importante. Vous avez raison de souligner qu'être femme et handicapée est une double peine. Je vous informe que nous avons créé un groupe de travail spécifique sur le handicap pendant le Grenelle. Lorsque j'ai réuni les onze groupes de travail en septembre, le ministère de Sophie Cluzel était parfaitement bien représenté, de manière très dynamique, avec de très belles idées et des actions qui avancent bien. Nous cartographierons les structures médicales qui prennent en charge et informent sur le droit les femmes handicapées. En matière d'emploi, la discrimination d'une personne handicapée est interdite par la loi. Beaucoup de gens, dans notre pays, encore aujourd'hui, ignorent leurs droits et il faut qu'elles puissent les clamer, qu'elles puissent les demander. Toutefois, pour qu'elles les demandent, il faut qu'elles les connaissent. Nous prévoyons une grande campagne de communication sur ce sujet des droits pour que les gens les connaissent et puissent les activer. Je serai totalement mobilisée aux côtés de Sophie Cluzel. Nous avons déjà commencé.

Madame la députée Duby-Muller, l'application de la loi la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées constitue une avancée majeure pour protéger les femmes victimes des réseaux de traite des êtres humains et pour lutter contre le proxénétisme. Le fait de pénaliser le client est assez novateur. Je ne peux pas répondre à votre question de savoir pourquoi si peu de personnes sont sanctionnées mais je me saisis de ce point. Je vérifierai et je creuserai pour comprendre. Le fait d'avoir créé une aide financière pour que ces femmes sortent de la prostitution est également un geste fort et important. Je réunirai le comité interministériel d'ici la fin de l'année pour comprendre ce qui fonctionne, ce qui bloque et comment nous pouvons encore pousser ce sujet. Je sais que je pourrai compter sur le Mouvement du Nid qui est extrêmement engagé.

Vous avez également, madame la députée, mentionné les violences sexuelles. Actuellement, moins de 20 % des femmes portent plainte lorsqu'elles sont victimes de violences, qu'elles soient physiques ou sexuelles. Notre devoir est de faire en sorte que cette situation change. Je continue donc à encourager les femmes à porter plainte, à encourager les associations à demander à ces femmes de porter plainte. Les forces de l'ordre, dans les commissariats et dans les gendarmeries, bénéficient d'une formation renforcée pour les aider à mieux accueillir ces femmes qui viennent porter plainte. C'est l'une des mesures du Grenelle. D'après les derniers chiffres, 10 800 policiers et gendarmes ont été formés. Ce n'est pas suffisant et Marlène Schiappa est engagée sur ce sujet, ainsi que Gérald Darmanin. Nous souhaitons que toutes les femmes victimes de violences physiques, sexuelles et psychologiques puissent aller porter plainte et que les forces de l'ordre les croient, les prennent en considération sans qu'elles aient à faire des pieds et des mains et que le processus suive son chemin.

Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité renforcer l'arsenal législatif en augmentant le délai de prescription des viols sur mineur de 20 à 30 ans. Je souhaite traiter l'ensemble des violences sexistes et sexuelles sous toutes leurs formes, dans tous les lieux. J'ai encouragé les associations à nous remonter les cas où les femmes n'ont pas été prises en considération pour que nous apprenions de ces cas et que nous puissions avancer de manière plus dynamique.

Mesdames et messieurs les députés, j'espère avoir répondu de manière la plus précise qui soit à vos questions. Ce sont des questions importantes car elles touchent la vie des gens, parce que la misogynie et le sexisme tuent, parce que le racisme tue, parce que l'homophobie tue. Nous devons nous battre avec détermination pour changer ces situations.

Je vous remercie, chacune et chacun, pour le travail extraordinaire que vous avez déjà effectué et pour tout ce que nous ferons ensemble.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, je vous remercie pour le temps que vous nous avez consacré, pour vos réponses extrêmement détaillées et pointues et je me réjouis de pouvoir entamer avec vous une collaboration qui sera fructueuse pour la cause des femmes.

La réunion s'achève à 19 heures 20.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, M. Erwan Balanant, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Céline Calvez, Mme Bérangère Couillard, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Gaël Le Bohec, Mme Cécile Muschotti, Mme Sophie Panonacle, Mme Isabelle Rauch, Mme Marie‑Pierre Rixain, Mme Laurence Trastour-Isnart

Excusés. - Mme Sophie Auconie, Mme Valérie Boyer, Mme Annie Genevard, Mme Nicole Le Peih