Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 15h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CRS
  • LBD
  • arme
  • manifestation
  • schéma

La réunion

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La séance est ouverte à 15 heures 30.

Présidence de M. Jean-Michel Fauvergue, président.

La Commission d'enquête entend à l'occasion d'une table ronde, des représentants de syndicats de policiers (corps d'encadrement et d'application) :

- M. Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police, M. Laurent Noulin, référent national en charge des CRS, M. Sylvain Durante, secrétaire national Ile-de-France, et Mme Edwige Sylvestre, déléguée nationale à la communication ;

- M. Loïc Travers, secrétaire administratif général d'Alliance Police Nationale, M. Stanislas Gaudon, délégué général, et M. Johann Cavallero, délégué national CRS ;

- M. Grégory Joron, secrétaire général délégué d'Unité SGP Police, et M. François Niffle, délégué national secteur CRS ;

- M. Jean-Paul Nascimento, secrétaire national CRS, d'UNSA Police, et M. Denis Hurth, responsable secteur formation.

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Mes chers collègues, pour la première audition de notre commission d'enquête sur le maintien de l'ordre, nous recevons les représentants des principaux syndicats des corps d'encadrement et d'application (CEA) de la police nationale, c'est-à-dire les gardiens de la paix et gradés : Unité SGP Police FO, Alliance Police nationale, UNSA Police et Alternative Police. Une autre table ronde sera organisée ultérieurement avec les représentants du corps de commandement, les commissaires et les officiers.

Le ministre de l'Intérieur a présenté vendredi 11 septembre les grandes lignes du nouveau schéma national de maintien de l'ordre (SNMO). Nous allons donc pouvoir directement entrer dans le vif du sujet en demandant aux policiers de terrain leur avis sur ces décisions.

Avant de vous donner la parole pour un cours propos liminaire, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Les personnes auditionnées prêtent serment.)

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Grégory Joron, secrétaire général délégué d'Unité SGP Police FO

Je vous remercie de votre invitation à nous exprimer sur un sujet qui aura occupé l'espace médiatique et politique plusieurs mois du fait du mouvement des gilets jaunes. Une commission d'enquête sur le maintien de l'ordre républicain avait déjà rendu un rapport en 2015. Nous avions à l'époque humblement remis aux commissaires un ensemble de propositions que je tiens à votre disposition, car il n'est pas sans lien avec le nouveau schéma national de maintien de l'ordre.

Nous étions en effet tous d'accord pour dire que le fait de se focaliser exclusivement sur le déroulé d'une journée de maintien de l'ordre était une erreur, et qu'il fallait également travailler sur l'avant et l'après. Il s'agissait pour nous de prendre position quant au rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) rendu à la suite de l'affaire de Sivens et dont il était question dans ces précédents travaux.

Nos propositions sont malheureusement restées lettre morte, alors que, pour la première fois de son histoire, l'outil de maintien de l'ordre républicain n'était pas à la hauteur des risques encourus. En dépit du retour des ultras au cours des manifestations de 2016 contre la « loi travail », aucun ajustement n'a été fait. Pire : les effectifs de CRS n'ont pas été revus à la hausse. Or, la première arme du maintien de l'ordre reste la dissuasion : si vous êtes moins nombreux sur le terrain, vous êtes moins dissuasifs pour ceux qui ont de mauvaises intentions.

S'agissant du schéma national de maintien de l'ordre, nous regrettons de n'avoir pas été associés aux travaux visant à son élaboration.

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C'est étonnant ! En avez-vous parlé avec le ministre ?

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Grégory Joron, secrétaire général délégué d'Unité SGP Police FO

Nous nous en sommes ouverts au ministre qui, ayant repris le dossier en cours de route, n'a pu que le déplorer. Et je dis cela non pas pour critiquer plus librement a posteriori ce qui aura été fait, mais bien parce que c'est regrettable en matière de dialogue social.

Ce qui a été présenté nous semble plutôt aller dans le bon sens, à deux réserves près. Il aurait été préférable, au lieu de mettre l'accent sur la judiciarisation du maintien de l'ordre, de se concentrer sur la gestion de foule, les manœuvres et les stratégies. Encourager l'interpellation immédiate tendrait à déséquilibrer des dispositifs déjà fragiles compte tenu des risques encourus.

En outre, le schéma ne contient aucun élément sur la protection juridique des agents en intervention ; j'ai à l'esprit l'affaire du Burger King, dont nous pourrons discuter au cours de nos échanges. Il me semble en effet qu'on s'attaque à un pilier fondamental de l'exercice du maintien de l'ordre en unité constituée. C'est à la justice de trancher, et je ne veux pas présumer de la décision qui sera rendue. Il est toutefois étonnant que quatre agents du CEA se retrouvent sur le banc des accusés à la suite d'une opération de maintien de l'ordre dictée par des règles, des codes, et au sujet de laquelle l'ordre légal et le commandement légitime doivent prévaloir sur tout le reste. À l'heure qu'il est, quatre lampistes se retrouvent ainsi mis au ban, et il est à prévoir que, à l'avenir, des collègues auxquels on donnera l'ordre d'user de la violence légitime se demanderont s'ils ont le droit de le faire.

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Loïc Travers, secrétaire administratif général d'Alliance police nationale

À l'instar de mon collègue, je regrette qu'on nous ait présenté un SNMO déjà ficelé avant que nous ayons pu y travailler, car avec la radicalisation de la violence que nous observons depuis 2016, nous avions des remarques et des idées à partager. Certaines se trouvent dans le schéma, d'autres devront encore être martelées, en particulier sur le recrutement et la formation.

Concernant les opérations de maintien de l'ordre, notre objectif est de déterminer des cadres, des modus operandi pour traiter les problèmes rencontrés, notamment les violences urbaines qui parfois en découlent. Il faut donc recentrer le débat sur la technicité.

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Denis Hurth, responsable secteur formation d'UNSA Police

Vous appelez notre expertise sur l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines du maintien de l'ordre. Nous tenions en préambule à rappeler que l'essentiel de tous ces fondamentaux repose sur la formation dans la police nationale.

Or, paradoxalement, depuis le mois de juin dernier, la formation initiale des gardiens de la paix a été rénovée en passant de douze à huit mois. Pendant huit mois, les élèves sont formés sur une période divisée en deux socles. Le premier, d'une durée de vingt-trois semaines, se déroule en école. Le deuxième se partage entre la suite de la scolarité et le module d'adaptation au premier emploi (MAPE). L'objectif de ces deux premiers socles est de rendre les élèves autonomes et de rompre avec la technique du par cœur, c'est-à-dire apprendre sans mettre en œuvre.

S'ensuivent seize mois de professionnalisation dans le service de pré-affectation durant lesquels la formation adaptée au premier emploi s'appuie sur un référent de professionnalisation et des modules d' e-learning. Or c'est là que le bât blesse, et c'est pourquoi l'UNSA Police est sceptique quant à cette nouvelle organisation de la scolarité.

Si durant les huit premiers mois les élèves gardiens de la paix sont encadrés par des formateurs professionnels, ils sont ensuite durant seize mois suivis dans leur commissariat d'affectation par des tuteurs. Ces derniers ont pour charge de remplir des grilles d'évaluation, de revenir sur ce qui s'est passé sur la voie publique et de l'analyser. Or, tous nos collègues le savent, accomplir ces tâches est presque une mission impossible car les agents n'ont pas le temps de s'occuper de leurs collègues stagiaires. Ce système n'a pas fonctionné pour les adjoints de sécurité ; il sera très compliqué de le mettre en œuvre pour les gardiens de la paix stagiaires.

J'en viens à la formation continue, c'est-à-dire aux fondamentaux, car il faut bien comprendre que, par essence, la doctrine du maintien de l'ordre doit s'appuyer sur la formation.

L'UNSA Police n'a cessé d'alerter la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN) sur l'impossibilité d'appliquer la note du 2 novembre 2015 relative à l'organisation des formations des policiers. Prenons l'exemple de la formation aux techniques de sécurité, qui rend obligatoires trois séances de tir et techniques d'intervention pour un volume de douze heures minimum par an. Cette obligation ne peut pas être respectée, faute de formateurs et de moyens logistiques. En tant qu'ancien formateur, je peux vous affirmer qu'on peut difficilement arriver à plus d'une séance de trois heures de tir par fonctionnaire.

Pour le maintien de l'ordre, la condition physique est également une exigence importante. Une note précise que deux heures hebdomadaires sur le temps de travail peuvent être consacrées aux pratiques sportives. Cette possibilité est toutefois fonction des nécessités opérationnelles, et bien souvent les agents n'ont pas le temps de s'entraîner. Nous ne jetons pas la pierre aux chefs de service : ces créneaux sont de fait impossibles à mettre en place faute de personnel et d'infrastructures. Alors que nous sommes littéralement asphyxiés par les chiffres à fournir dans tous les domaines, jamais ne nous a été communiqué un bilan chiffré annuel permettant d'apprécier le volume horaire consacré au maintien de la condition physique.

Le maintien de l'ordre n'est pas une histoire de gamins : c'est un monde où on ne doit rien laisser au hasard, ni la condition physique, ni le cadre juridique d'emploi des armes, ni leur usage. Pour toutes ces raisons, le véritable bras armé de la police nationale réside dans une bonne formation.

L'UNSA Police prône l'augmentation du nombre d'exercices de simulation d'interventions de police. Il faut mettre nos collègues dans de bonnes conditions d'entraînement pour assurer les principes généraux de sécurité en action. Un réel suivi s'impose pour ceux de nos collègues qui rencontrent des difficultés avec leurs armes.

Une augmentation des séances d'instruction de tir, c'est-à-dire une gymnastique de la technique d'appréhension de l'arme plus fréquente, doit effectivement être mise en place : ce n'est pas en ayant son arme trois fois par an dans la main qu'un agent peut agir efficacement, en particulier quand il effectue ses trois séances de tir aux mois de janvier et février sans plus jamais retoucher son arme avant l'année suivante. Chaque agent doit par exemple effectuer une révision annuelle sur les nouvelles armes qui ont été distribuées, les fusils d'assaut HK G36, en tirant soixante-quinze cartouches ; on appelle cela un recyclage. Les formateurs constatent malheureusement qu'il faut chaque fois tout recommencer depuis le début, parce que les collègues ont tout oublié sur l'arme, qu'ils n'ont pas manipulée pendant un an, voire un an et demi.

Je pourrais continuer d'énumérer les problèmes de la formation continue un long moment encore. Si rien n'est simple, tout est néanmoins perfectible. Pour améliorer l'efficience des policiers, les habitudes doivent changer et des moyens doivent être déployés. La formation a un rôle clé à jouer pour l'acquisition des savoirs, savoir-faire et savoir-être nécessaires à l'exercice de ces différents métiers.

Pour l'UNSA Police, il faut rendre un parcours de formation obligatoire pour tous, car il y va de notre sécurité et de celle des citoyens. C'est à cette condition que le policier pourra toujours intervenir avec discernement, impartialité et proportionnalité.

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Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police

Je vous remercie de votre invitation, car il me paraît important que nous puissions vous apporter notre éclairage professionnel sur le nouveau schéma national de maintien de l'ordre.

Je commencerai par rappeler le contexte qui a mené à son élaboration. Le maintien de l'ordre n'a jamais été remis en cause en France parce qu'il a toujours été efficace. C'est parce que certaines manifestations ont évolué vers des violences auxquelles nous n'avions jamais été confrontés qu'il a fallu s'adapter. Le principe a toujours été le maintien à distance pour éviter la confrontation, et nous nous sommes donc trouvés fort démunis quand nous y avons été exposés.

Alternative Police CFDT, nouveau syndicat des gradés et gardiens de la paix, a lancé l'alerte sur cette absence de réponse depuis sa création en 2015, notamment lors des premiers faits de violence constatés au cours des différentes manifestations contre la « loi travail » ou « loi El Khomri ». Nous avions à l'époque été confrontés aux ultras, aux black blocs, à des casseurs, donc, ce qui a mis en évidence l'inadaptation de la doctrine du maintien de l'ordre de notre pays.

Je déplore, tout comme les collègues qui viennent de s'exprimer, que les professionnels que nous sommes, notamment les CRS, n'aient pas été associés à la concertation pour trouver les bonnes solutions et les bonnes réponses, car ce sont bien les techniciens de terrain qui sont en mesure de déterminer ce qu'il convient de faire pour adapter la technique du maintien de l'ordre à la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Je me réjouis néanmoins que Christophe Castaner puis Gérald Darmanin aient pris en compte les propositions que nous avons publiées dans des tribunes médiatiques.

Alternative Police a en effet prôné dès 2016 l'utilisation d'outils alternatifs à ceux du maintien de l'ordre classique, qui ont été repris dans le schéma. Nous aurons toujours besoin de recourir à la force légitime pour contenir les troubles à l'ordre public compte tenu des violences auxquelles nous sommes confrontés ; des moyens adaptés peuvent toutefois être utilisés pour limiter ce recours. La désescalade est par exemple pratiquée en Allemagne : des médiateurs agissent en amont de la manifestation auprès des organisateurs et font en sorte de maintenir un contact permanent avec les participants pour éviter les débordements, ou à tout le moins convaincre les manifestants pacifistes de ne pas se mêler à ceux qui viennent pour casser. Durant des manifestations de gilets jaunes, nous avons précisément été confrontés à la situation où des personnes se sont retrouvées au milieu d'affrontements entre CRS et casseurs. Ces techniques sont donc très utiles. Nous demandions également depuis cinq ans d'être équipés en matériels audio puissants et en panneaux lumineux, également utilisés en Allemagne, pour indiquer clairement à la population ce que nous faisons et la façon dont nous intervenons, ou communiquer des ordres de dispersion. Il est prévu que ces outils soient déployés et je m'en réjouis ; nous n'avons cependant pas encore de précisions sur le matériel qui sera mis à notre disposition.

Nous manquons également de matériel lourd comme les canons à eau. Nous avions proposé l'utilisation de traceurs chimiques pour pouvoir interpeller les casseurs a posteriori plutôt qu'immédiatement, ce qui suppose d'aller directement au contact et présente le risque d'avoir des blessés de part et d'autre. Je rappelle que les policiers ont enregistré des milliers de blessés pendant les manifestations des gilets jaunes, et que certains dommages collatéraux graves sont avant tout la conséquence d'affrontements ayant eu lieu non pas avec des CRS – parce que ce sont des professionnels du maintien de l'ordre, ils ont globalement très bien fait leur travail – mais avec des personnels envoyés en renfort, non équipés, et non formés au maintien de l'ordre. Face à des personnes particulièrement virulentes, le seul moyen de protection que ces agents avaient en leur possession était cette arme qui fait toujours polémique : le lanceur de balles de défense (LBD).

La réflexion ne doit donc pas s'arrêter au seul schéma de maintien de l'ordre : comme nous y invitait mon collègue voilà quelques instants, elle doit inclure la formation des policiers en général, et des CRS en particulier. Je suis d'ailleurs convaincu que tout policier doit être formé au maintien de l'ordre, car il est à craindre que les mouvements sociaux continueront d'être noyautés par des personnes dont l'objectif est de remettre en cause l'autorité de l'État et de déstabiliser notre démocratie. Nous devons nous donner les moyens de répondre à ces violences en évitant les dommages collatéraux que nous avons connus durant les manifestations des gilets jaunes.

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En résumé, bien que vous déploriez n'avoir pas été directement associés à l'élaboration du schéma national de maintien de l'ordre, vos remarques ont été prises en compte, et ce qui est proposé vous agrée dans l'ensemble. Vous relevez avant tout un problème de formation : la formation initiale théorique est tombée de douze à huit mois, et la formation continue est insuffisante, en particulier celle des unités non spécialisées dans le maintien de l'ordre.

Certains d'entre vous regrettent la judiciarisation du maintien de l'ordre et l'absence de solution pour assurer la sécurité juridique des agents.

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Ces premières prises de parole montrent que vous avez bien cerné notre axe de travail : après des mouvements sociaux qui ont été largement commentés du fait des regrettables incidents auxquels ils ont donné lieu, nous nous interrogeons sur la manière d'adapter le travail des forces de l'ordre aux nouvelles formes de manifestations et aux nouveaux manifestants qui leur font face.

Vous avez critiqué l'accent mis sur la judiciarisation dans le nouveau schéma. Or, les auteurs du rapport sur le maintien de l'ordre publié en 2015 soulignaient l'insuffisance d'éléments à charge contre les personnes interpellées pour permettre un traitement judiciaire des infractions commises. Comment concilier, dans une opération de maintien de l'ordre, les nécessités de l'action et la préparation de la judiciarisation pour répondre aux exigences de la procédure pénale ?

Par ailleurs, deux catégories de matériels ont été très critiquées dans l'opinion : les lanceurs de balles de défense et les grenades explosives. Quelle utilisation du LBD préconisez-vous pour réduire les risques afférents ? Pouvez-vous nous expliquer en quoi l'usage des nouvelles grenades permettra de prévenir les accidents ?

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Je précise que la nouvelle grenade de désencerclement est dotée d'un bouchon allumeur qui ne se projette plus. Quant à l'utilisation des LBD, elle a fortement décru depuis la fin des manifestations des gilets jaunes.

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Grégory Joron, secrétaire général délégué d'Unité SGP Police FO

Je répondrai au sujet de la judiciarisation : j'ai dit regretter non pas qu'elle soit accrue, mais qu'on mette l'accent sur l'interpellation immédiate.

Bien sûr, il doit y avoir une réponse judiciaire aux infractions commises, et ce que tous nous avons déploré, en particulier avec le mouvement des gilets jaunes, c'est le sentiment d'impunité de ces personnes qui venaient chaque samedi à Paris pour tout casser puis repartaient comme si de rien n'était. Cette réponse peut toutefois prendre une autre forme que l'interpellation immédiate : le dispositif de maintien de l'ordre est déjà suffisamment difficile à installer, et rétablir l'ordre en situation dégradée n'est pas toujours facile. En posant pour objectif l'interpellation, on s'éloigne quelque peu de ce que doit être une mission de maintien de l'ordre.

Je ne dis pas qu'il ne faut pas interpeller. J'aurais néanmoins souhaité qu'on privilégie plutôt la judiciarisation a posteriori, avec l'identification des auteurs grâce à de nouveaux moyens techniques tels que le marquage ou la captation vidéo. Je ne suis pas favorable aux techniques de la désescalade, qui induisent plusieurs difficultés. Les appliquer comme le font nos voisins allemands supposerait notamment de doubler les effectifs de CRS, et je doute que nous en ayons les moyens. C'est en outre un système oppressif, qui s'appuie sur une présence policière démesurée. La désescalade a enfin pour corollaire la suppression des moyens intermédiaires : les agents se retrouvent ainsi démunis face à une violence accrue. En 2015, lors de l'inauguration du nouveau siège de la banque centrale européenne à Francfort, les policiers ont été contraints de quitter le terrain parce qu'ils n'arrivaient pas à le tenir ; je ne suis pas sûr que ce soit un bon message dans une république qui se dit forte.

Si nous avions été consultés au sujet de la judiciarisation, nous aurions mis en avant le cas de l'Angleterre, où les agents se rendent au domicile des personnes à interpeller le lendemain des manifestations et appliquent une réponse pénale très ferme. Une communication ad hoc vise à casser le sentiment d'impunité, et les forces de l'ordre utilisent la manœuvre pour éventuellement faire cesser l'infraction. L'objectif n'est donc pas forcément de rechercher l'interpellation immédiate à tout prix, ce qui serait de nature à déséquilibrer un dispositif de maintien de l'ordre déjà difficile à tenir.

La plus grosse difficulté rencontrée avec ces mouvements était simplement de « séparer le bon grain de l'ivraie », de parvenir à cibler les black blocs en les dissociant des personnes venues légitimement exercer un de leurs droits les plus fondamentaux : s'exprimer dans la rue.

Concernant le LBD, le nombre important de tirs vient du fait que nous avons dû mettre tous nos collègues dans la rue pour encadrer les manifestations dans toutes les villes où elles avaient lieu. À Lorient, par exemple, il n'y avait pas de CRS, et seul un demi-escadron de gendarmerie mobile a pu être envoyé en renfort. Des collègues qui étaient depuis des années au service du timbre-amende ou à la brigade accidents ont été sortis du commissariat et, casque sur la tête, envoyés sur une opération de maintien de l'ordre. Des effectifs non formés aux violences urbaines et à la gestion de foule ne peuvent pas avoir la même approche que leurs collègues aguerris au travail en milieu hostile, capables de garder à l'esprit que la plupart des personnes qui leur font face sont des citoyens en colère, et non pas des assassins ou des délinquants. Et ces collègues non formés ont été exposés à leurs dépens, car plusieurs se retrouvent à présent seuls sur le banc des accusés.

C'est la raison pour laquelle le LBD 40 a été très utilisé, et le conserver dans l'arsenal est une nécessité absolue, sauf à ce qu'on trouve une autre arme pour le remplacer. Ce qui nous importe, c'est d'avoir un outil efficace à utiliser en cas de besoin.

Quant à la nouvelle grenade, elle semble en effet plus sécurisée, puisque le bouchon allumeur ne se désolidarise pas du corps. L'impact sonore et la capacité demeurent inchangés : une grenade de désencerclement projette dix-huit plots. Il y a toutefois un petit bémol : elle nous a été distribuée sans avoir été essayée dans la police, ce que nous avons dit au ministre. Puisque j'ai juré de dire la vérité, je ne vous cacherai pas que ce changement s'est fait dans la précipitation. Des services ont dû rendre samedi, le jour de la manifestation, les anciennes grenades pour être équipés des nouvelles, ce qui pose question. Enfin, la chaîne pyrotechnique de ce nouveau matériel serait un peu plus longue, ce qui suscite notre inquiétude : la grenade pourrait être rejetée sur les agents, des manifestants pourraient être tentés de la ramasser.

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Ces mesures appellent un retour d'expérience, en particulier s'agissant de l'utilisation des nouveaux matériels. Les anciennes grenades ont-elles déjà été retirées de tous les services, ou uniquement de ceux chargés du maintien de l'ordre, CRS et gendarmes ?

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Grégory Joron, secrétaire général délégué d'Unité SGP Police FO

Elles ont été retirées de tous les services. Au Havre, par exemple, les collègues n'avaient pas reçu les nouvelles, mais n'avaient déjà plus les anciennes.

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Pour ceux de nos collègues qui n'auraient pas lu la presse, je précise que le schéma national du maintien de l'ordre prévoit l'utilisation du LBD par deux personnes, un lanceur et un superviseur, lequel donne l'ordre de tirer, et l'installation de caméras – vous pourrez nous préciser si ce sera le cas partout et en permanence – pour effectuer une captation vidéo.

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Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police

Je vais commencer par répondre sur le fond, et céderai ensuite la parole à mon collègue Laurent Noulin, CRS, qui travaille encore sur le terrain.

Nous devons tous être responsables, sans raideur dogmatique. Il n'est pas question de désarmer les CRS et d'empêcher nos collègues de rétablir l'ordre républicain, de garantir la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens, de faire cesser les troubles à l'ordre public. La désescalade intervient en amont de l'action « répressive » des forces de sécurité ; l'une n'empêche pas l'autre. Alternative Police CFDT ne demande pas que soit mis en œuvre à l'identique ce qui est fait en Allemagne. Nous souhaitons plutôt adapter à notre schéma de maintien de l'ordre, assez atypique, les techniques intéressantes d'autres pays d'Europe. Si la désescalade, grâce à la médiation, permet en amont d'éviter, ou du moins d'atténuer les violences pour une partie de la population qui manifeste, il me paraît opportun de l'expérimenter et de voir si elle fonctionne.

Notre syndicat n'a pas non plus de position dogmatique sur l'armement ; nous sommes ouverts à toutes les solutions, dès lors que le matériel retiré aux policiers est remplacé par un autre. Il n'est pas question d'aller au contact des casseurs la fleur au fusil : nous avons besoin de moyens non seulement pour intervenir et interpeller, mais aussi et surtout pour se protéger.

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Soyons clairs : dans le nouveau schéma de maintien de l'ordre a été rappelée la nécessité de tenir à distance, et le LBD est une des armes qui permet de le faire.

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Avant de passer aux questions suivantes, il serait intéressant pour notre commission d'entendre l'un des CRS ici présents qui a été directement confronté aux difficultés du maintien de l'ordre, monsieur le président.

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Laurent Noulin, référent national en charge des CRS

Je souhaite préciser les caractéristiques de la nouvelle grenade. Comparée à l'ancienne, elle est beaucoup moins puissante, puisqu'elle fait trente-six joules au lieu de quatre-vingts ; ce sont toujours dix-huit plots qui sont projetés. Son rayon d'efficacité est de cinq à dix mètres ; celui de l'ancienne grenade était supérieur à dix mètres. Le bouchon allumeur reste sur le corps de la grenade, et n'est donc plus projeté, projection qui pouvait auparavant produire des dégâts ou blesser des manifestants.

Les compagnies sont équipées de caméras, les lanceurs de LBD le sont également. En théorie, l'autonomie est de quatre heures avec enregistrement par batterie, chaque caméra étant dotée de deux batteries. En pratique, les remontées du terrain font état d'une autonomie de quinze à vingt minutes par batterie, ce qui pose un gros problème d'efficacité, d'autant plus gênant que le tireur de LBD doit, à réception de la caméra, enregistrer son numéro d'immatriculation administrative, qui correspond au numéro référentiel des identités et de l'organisation (RIO), et synchroniser la caméra avec l'heure et le lieu. Si la capacité d'autonomie de la batterie était plus longue, il n'y aurait pas besoin de superviseur. Le matériel est donc parfaitement inadapté.

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L'un d'entre vous a insisté sur la nécessité de travailler sur l'avant et l'après : comment les retours d'expérience sont-ils pris en compte dans vos interventions pour vous permettre de vous adapter aux nouveaux modes d'action ?

Le renseignement vous donne-t-il les moyens de bien anticiper vos interventions, ou êtes-vous parfois surpris de la nature des modes d'action et de leur volume ?

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Est-il prévu que tout lanceur de LBD aura à sa suite un superviseur en permanence ? Puisque ce dernier a la charge d'autoriser le tir, où se placera-t-il concrètement ?

Concernant les nouvelles grenades dont les caractéristiques techniques viennent d'être précisées, des essais ont-ils été conduits avant leur mise en service, ou ce choix n'est-il fondé que sur la fiche technique ?

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Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police

Le renseignement est un vrai sujet. En 2016, lors des manifestations contre la « loi El Khomri », la préfecture de police a déployé au cœur même des manifestations des policiers en civil, lesquels faisaient du renseignement dans le cadre du maintien de l'ordre pour nous signaler les éléments perturbateurs qui venaient s'agréger au cortège. À la suite de la polémique suscitée par des rumeurs selon lesquelles des policiers se déguisaient en casseurs pour déclencher les confrontations avec la police et alimenter la violence, la préfecture de police a fait le choix de retirer des manifestations les collègues en civil chargés du renseignement. Nous nous sommes aperçus au fil des manifestations que c'était une erreur stratégique, car nous n'avions plus les retours d'information nécessaires pour gérer les violences auxquelles nous étions confrontés. Des effectifs ont d'ailleurs été replacés au cœur des manifestations pour identifier les potentiels perturbateurs.

Le renseignement en amont de chaque manifestation est donc clairement très important pour que le maintien de l'ordre s'exécute dans les meilleures conditions. Il est assuré par le renseignement territorial, qui a fait remonter bon nombre d'informations durant le mouvement des gilets jaunes et permis d'endiguer la violence, ou du moins de la réduire autant que possible, en interpellant en amont ceux qui venaient pour casser. Vous avez sans doute vu les images des saisies effectuées avant les manifestations – des haches, des marteaux, des masses, des boules de pétanque.

Annoncé vendredi, le nouveau schéma national de maintien de l'ordre a été testé samedi sur une première manifestation. Nous n'en avons pas eu de retour à ce jour, et ne pouvons donc pas nous prononcer sur l'avant et l'après.

Concernant le LBD, nous sommes tous au fait du fonctionnement en binôme : lanceur et superviseur doivent travailler ensemble, et donc rester en contact direct.

Quant à la nouvelle grenade, Alternative Police CFDT n'a à aucun moment été sollicité, tout comme pour le SNMO. Nous n'avons participé à aucun test ou expérimentation.

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Stanislas Gaudon, délégué général d'Alliance Police nationale

Mes collègues ont évoqué à juste titre l'avant, le pendant et l'après. Le renseignement en amont des manifestations doit effectivement être renforcé, l'analyse doit être menée. Il est toutefois tout aussi important que les déclarations soient faites, car en garantissant le parcours de la manifestation et, par suite, le positionnement des unités de maintien de l'ordre, elles sont la condition d'une organisation opérationnelle. Il faudra marteler que les rassemblements sauvages tombent sous le coup de la loi.

Dans le schéma national de maintien de l'ordre, de nouvelles sommations sont prévues en cas d'attroupement. Or le délit d'attroupement n'est plus retenu par les parquets depuis 2017 au motif qu'il serait assimilé à un délit politique. Les infractions commises dans le cadre d'attroupements sont pourtant sévèrement punies ; que le parquet décide de ne pas les sanctionner rend la tâche compliquée pour mes collègues.

Ce n'est pas sans lien avec les difficultés que nous avions soulevées relativement à l'application de la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et à garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dite « loi anticasseurs », qui prévoit dans le champ des peines complémentaires prises à l'encontre des individus violents l'interdiction de manifester. Le chiffre qui avait été donné à l'époque était de trente-deux interdictions prononcées en vingt ans, ce qui démontre une absence de réponse, et explique, comme le rappelait Grégory Joron, qu'on retrouvait tous les samedis les mêmes personnes commettant les mêmes méfaits. À nouveau, ces constats nous amènent à nous interroger sur la judiciarisation après les événements. C'est pourquoi je souhaiterais céder la parole à mon collègue Johann Cavallero, sur les procédures inhérentes au maintien de l'ordre.

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Je vous demanderai d'être concis, car beaucoup de mes collègues souhaitent vous poser des questions. Si vous distribuez ainsi la parole, nous n'y arriverons pas.

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Johann Cavallero, délégué national CRS d'Alliance Police nationale

Sur le plan judiciaire, il est important de rappeler que nos collègues CRS perdent leur qualité d'agent de police judiciaire (APJ) lorsqu'ils participent en unité constituée à une opération de maintien de l'ordre. Ils ne sont donc plus habilités à établir des procès-verbaux. Toute remise d'un individu à un officier de police judiciaire (OPJ) doit néanmoins être accompagnée d'une fiche de mise à disposition, facile à remplir. En outre, dans ce cadre, les CRS n'agissent que sur ordre : il n'y a pas d'initiative en maintien de l'ordre. Et c'est ce qui s'est passé dans l'affaire du Burger King : les collègues ont agi sur instruction. Les sections et, en leur sein, les groupes tactiques sont toujours encadrés par des gradés. C'est la raison pour laquelle, comme le précise le schéma national, les forces mobiles doivent être en première ligne.

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Il faut bien distinguer deux types d'opérations de maintien de l'ordre : les manifestations traditionnelles dont les participants respectent la règle du jeu et auxquelles viennent s'agréger, à la marge, des casseurs, et les manifestations dans lesquelles personne ne respecte la règle du jeu. Dans ce dernier cas, évidemment, il faut intervenir.

Quant à la fiche de mise à disposition qui vient d'être mentionnée, les magistrats ne la retiennent pas pour la constitution des infractions. C'est la raison pour laquelle le nouveau schéma prévoit la présence d'un OPJ sur les lieux des manifestations, chargé de relever les éléments constitutifs de l'infraction et d'en permettre la poursuite.

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L'opinion publique s'émeut de voir à la télévision des images de saccage de magasins et de vitrines en présence des forces de sécurité. Certes, la priorité est d'assurer la sécurité des services de police sur le terrain, mais qu'avez-vous à proposer, en termes de doctrine ou de moyens, pour éviter ces dégâts qui, semaine après semaine, nourrissent un sentiment d'impuissance et irritent l'opinion ?

Il est impératif que ces atteintes aux biens et aux personnes soient sanctionnées. De la même façon, quel changement d'organisation, quels moyens envisager pour permettre la judiciarisation, c'est-à-dire rassembler des éléments suffisamment probants dans le cadre de procédures adaptées pour que les sanctions judiciaires tombent ?

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Je suis étonnée que les représentants des forces syndicales n'aient pas été associés plus en amont à l'élaboration du document de présentation des grandes lignes du schéma national. La version finale vous a-t-elle été transmise pour consultation ?

J'ai écouté très précisément les propos du ministre Gérald Darmanin vendredi dernier au sujet de la technique de l'encadrement, autrement appelée la nasse, qui a été très décriée par l'opinion publique et certains commentateurs. Que pensez-vous du fait que celle-ci sera désormais beaucoup plus encadrée, circonscrite dans le temps et moins fréquemment utilisée ?

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Grégory Joron, secrétaire général délégué d'Unité SGP Police FO

Il est légitime que le public se pose des questions quand il voit un groupe de CRS, une compagnie d'intervention ou un escadron de la gendarmerie mobile ne pas bouger alors qu'un abribus est saccagé ou qu'une voiture est volée. C'est toute la difficulté de l'exercice du maintien de l'ordre, qui suppose d'accepter une part de désordre et de savoir où placer le curseur.

Il faut bien avoir à l'esprit qu'à Paris comme ailleurs, c'est le préfet qui a la charge des opérations et qui délègue son autorité aux commissaires sur le terrain, lesquels doivent faire remonter les problèmes rencontrés et attendent les instructions pour manœuvrer. Il n'y a pas de solution miracle : il faut trouver l'équilibre entre, d'un côté, l'initiative laissée aux compagnies pour limiter les saccages et, de l'autre, le maintien du dispositif, conçu pour assurer la sécurité des manifestants. Laisser trop de champ à l'initiative, c'est prendre le risque de voir s'affaiblir un pan du dispositif. La réponse n'est sans doute pas satisfaisante, mais si les collègues ne bougent pas, c'est parce qu'ils n'ont pas reçu l'ordre de le faire.

Concernant la chaîne pénale, pour avoir de meilleurs résultats il faut évidemment des moyens d'identification plus solides. Nous savons que les éléments constitutifs rassemblés en situation dégradée sont fragiles. La plupart du temps, si les affaires sont classées sans suite, ce n'est pas parce que les magistrats ne retiennent pas les éléments présentés, mais parce que les avocats font leur travail de défense. Leur client n'a pu être reconnu à une distance de cinquante mètres, le port de la capuche est un élément insuffisant pour l'identifier car plusieurs personnes alentour en portaient une également, et ce n'est donc pas lui qui a jeté le caillou mais la personne à côté : tels sont les arguments utilisés le plus souvent, avec succès.

Quant au document final du SNMO, il nous a été transmis ce matin, madame la députée, mais à ma connaissance, aucun échange n'a eu lieu avec le cabinet du ministre entre vendredi dernier et hier, mardi, pour faire bouger quelques lignes.

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Vous avez de la chance, car pour notre part, nous ne l'avons pas encore eu !

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Grégory Joron, secrétaire général délégué d'Unité SGP Police FO

Enfin, la technique d'encadrement ayant suscité des polémiques, il est bon que les forces en présence avertissent les manifestants lorsqu'elles ont l'intention d'y recourir. Et il est nécessaire d'indiquer aux personnes au moins une porte de sortie, faute de quoi il peut y avoir un effet cocotte-minute, dangereux à la fois pour les personnes présentes et pour nos collègues sur le terrain. C'est là aussi un des principes fondamentaux du maintien de l'ordre. Une amélioration des techniques passe donc forcément par une communication plus claire à l'adresse des manifestants, pour les responsabiliser.

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Johann Cavallero, délégué national CRS d'Alliance Police nationale

S'agissant des saccages, il conviendrait de repositionner les forces. Les forces mobiles, qui sont vraiment aguerries, rompues au maintien de l'ordre, doivent être placées en première ligne pour libérer les effectifs de la brigade anti-criminalité (BAC) ou des brigades de répression de l'action violente motocyclistes (BRAV-M). Certaines compagnies de CRS sont dotées de sections des moyens spécialisés (SMS), équipées de barre-ponts, de canons à eau et de motopompes insuffisamment utilisés. On peut en effet tenir une rue ou un bâtiment administratif grâce à un barre-pont, qui peut se déplier sur dix-huit mètres, et ainsi garder des effectifs opérationnels. L'erreur faite aujourd'hui est de mettre en première ligne des équipes qui ne sont pas des forces mobiles et en deuxième ligne des CRS ou des gendarmes mobiles. Lors des événements du 1er décembre 2018, plus de vingt unités de CRS ont gardé des bâtiments, alors qu'il y avait le feu partout. Il faut donc revoir ce positionnement.

Nous avons bien reçu ce matin la dernière version du schéma national. Nous avons repéré deux modifications de taille. Alors qu'il était question de recruter 275 CRS d'ici à 2022, la période retenue est désormais 2017-2022, ce qui n'est pas tout à fait pareil. Concernant les moyens engagés pour les engins lanceurs d'eau et les véhicules blindés, le budget devait être fixé à l'horizon de 2022, et la date a maintenant disparu.

Quant à la technique de l'encadrement, il faut pouvoir continuer à l'utiliser, tout en gardant bien évidemment une porte de sortie. Ce dispositif permet d'isoler et de canaliser les fauteurs de troubles, et d'évacuer les autres personnes prises à l'intérieur de la nasse. S'il a souvent été décrié, les forces mobiles le maîtrisent néanmoins. Il est beaucoup utilisé lors des matchs qui comportent des risques d'affrontement entre supporters. C'est un outil vraiment indispensable au maintien de l'ordre. Les CRS suivent vingt-cinq jours de formation par an pour maîtriser cette technique. J'en reviens donc au début de mon intervention : ce sont ces agents qui doivent être mis en première ligne, parce qu'ils sont là pour ça, et non pas pour être relégués au second plan. Ils doivent vraiment être utilisés pour le maintien de l'ordre, car c'est leur spécialité.

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Denis Hurth, responsable secteur formation d'UNSA Police

J'aimerais corriger l'image que l'opinion se fait du CRS qui va travailler le samedi. C'est un père, il n'est pas là pour éborgner ou blesser quelqu'un ; il est là pour protéger les biens et les personnes.

Nous suivons des entraînements bien spécifiques, où nous apprenons à fixer, déborder, neutraliser. Nous sommes cependant les fonctionnaires les plus aigris, parce que quand nous allons travailler, les choses ne se passent pas comme elles devraient, et vous pouvez le voir à la télévision. Au sein des unités, la discipline et la cohésion sont déterminantes pour préserver la sécurité de tous et neutraliser les actions individuelles. Sur les Champs-Élysées, face aux gilets jaunes, vous voyez peut-être les compagnies républicaines de sécurité et les gendarmes mobiles, qui sont en mesure de faire du maintien de l'ordre, mais il y a d'autres effectifs de la police nationale. Voilà deux semaines, par exemple, des policiers de Lyon ont été intégrés à des compagnies d'intervention alors qu'ils n'avaient jamais fait ça. Sans discipline ni cohésion au sein de nos troupes, ça ne peut pas fonctionner. Il faut désormais posséder une parfaite maîtrise des cadres juridiques et des conditions d'emploi de la force pour faire du maintien de l'ordre, telle est la précision que je voulais apporter.

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Je précise pour mes collègues que la différence entre une opération de guerre et une opération de maintien de l'ordre, c'est que dans ce dernier cas on laisse une porte de sortie aux manifestants pour qu'ils puissent quitter les lieux et rentrer chez eux.

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Loïc Travers, secrétaire administratif général d'Alliance police nationale

Les retours d'expérience sont quasiment inexistants, ce n'est pas dans la culture de la police. Seuls quelques chefs les pratiquent parce qu'ils y ont été formés ou parce qu'ils pensent pouvoir ainsi apporter quelque chose à leur unité. Même si la situation s'améliore, c'est encore peu répandu.

Pour préciser vos propos, monsieur le président, il me semble utile de distinguer les opérations de maintien de l'ordre des opérations de violence urbaine. On a beaucoup parlé des lanceurs de balles de défense et de leurs superviseurs, mais les forces lourdes que sont les CRS n'utilisent presque jamais le LBD en maintien de l'ordre pur. Ce n'est que quand la manifestation commence à dégénérer vers des violences urbaines avec des dislocations de groupes que cette arme est utilisée, à la fois par les CRS, par les unités mobiles de la préfecture de police, c'est-à-dire les compagnies d'intervention, et par les BRAV-M, dont il est inutile de rappeler les hauts faits, puisque ce sont elles qui ont permis d'endiguer les flots de casseurs et d'effectuer correctement des dizaines d'interpellations. Il y a donc une différence fondamentale entre le maintien de l'ordre pur et les violences urbaines au regard de l'utilisation du LBD.

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De l'extérieur, on observe évidemment des différences entre les manifestations, certaines ne donnant lieu à aucun débordement ; je pense notamment aux marches pour le climat. Vous qui vivez cela régulièrement, pourriez-vous caractériser ce moment où l'on bascule du maintien de l'ordre aux violences urbaines ? À cet égard, pensez-vous avoir besoin d'une nouvelle doctrine du maintien de l'ordre, ou plutôt d'une nouvelle méthode en amont, pour agir avant les manifestations, notamment avec une éventuelle interdiction de manifester ?

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Loïc Travers, secrétaire administratif général d'Alliance police nationale

Comme l'a rappelé mon collègue Denis Jacob tout à l'heure, l'année 2016 et les manifestations contre la « loi El Khomri » marquent un tournant : on constate à partir de ce moment-là une aggravation des blessures et le nombre de blessés explose. À l'époque, 600 policiers ont été blessés sur une période très courte de trois mois. En outre, le contact systématique a commencé de devenir la règle.

Les objets utilisés dans les manifestations – acide, mortier, bombes artisanales – ont justifié a posteriori non pas un changement de doctrine, comme vous le dites, mais un durcissement dans la façon d'interagir. Quand vous retrouvez de tels matériels, vous ne vous posez plus de questions : il faut intervenir. Alors qu'en 2016 il y avait un manque de courage politique pour utiliser certains moyens intermédiaires de défense – à la préfecture de police de Paris, sur les quatre ou cinq canons à eau disponibles, un seul était opérationnel, et personne ne l'utilisait –, la situation a changé par la suite. Un certain nombre de personnes ont été évincées, on a procédé différemment, avec de nouvelles techniques. Il y a eu une prise de conscience de la problématique que vous évoquez, et un courage politique a enfin été affiché.

Nous avons donc pu réagir quand, près de deux ans après la « loi El Khomri », les gilets jaunes ont pris la main et qu'ont surgi les difficultés mentionnées par mon collègue : une absence de déclaration de manifestation, des lieux variables, une multitude de manifestations concomitantes, parfois une cinquantaine dans un périmètre de deux à trois kilomètres carrés. Tous ces paramètres compliquent évidemment la tâche des forces de l'ordre, qui peinent à s'adapter. Dans beaucoup de situations, nous avons les moyens d'intervenir, mais encore faut-il que les bons ordres soient donnés.

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Je vous remercie de rétablir certaines vérités, monsieur Travers.

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Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police

Très souvent, on passe du maintien de l'ordre à la violence au moment de la dislocation de la manifestation, c'est-à-dire à la fin du mouvement. En termes de méthode, le nouveau schéma – dont nous n'avons pas eu la dernière version ce matin – permet de faire le tri. L'objectif n'est pas de remettre en cause la pertinence de l'intervention des forces de sécurité pour mettre un terme aux troubles à l'ordre public ; il est de faire le tri entre les manifestants pacifistes et les casseurs au moyen de signalétiques audio et lumineuses, afin que les premiers puissent s'en aller, et que nous puissions charger et interpeller les seconds.

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J'ai participé aux travaux de la précédente commission d'enquête sur le sujet, en 2015. Vous étiez sans doute alors déjà policiers, et je crois reconnaître parmi vous certains des responsables syndicaux que nous avions auditionnés. Quel regard portez-vous sur ce précédent rapport ? Et qu'attendez-vous des travaux qui commencent aujourd'hui ? Nous pouvons en effet être une force de proposition ; c'est du moins ce que nous souhaitons.

Je n'ai pas eu de retour des personnes auditionnées depuis la publication du rapport, mais ce pourrait nous être utile pour cette nouvelle réflexion. Vous l'avez souligné, des changements ont eu lieu, avec l'émergence d'une violence qui n'était pas observée auparavant. Toutefois, moi qui suis un peu âgé, et qui ai beaucoup manifesté dans ma vie – sans jamais me placer du côté des casseurs –, j'ai été témoin de graves violences, notamment en 1979, à la fin des manifestations des sidérurgistes, et à bien d'autres occasions. Ce n'est donc pas totalement nouveau.

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J'aimerais revenir sur la formation des forces de l'ordre au sein de la police nationale. Vous l'avez rappelé, elle est passée de douze à huit mois, diminuant ainsi d'un tiers, ce qui n'est pas rien.

Vous avez également pointé du doigt l'impossibilité de mettre en œuvre les entraînements physiques requis par la formation continue en raison d'une charge de travail trop importante ; les commissaires sont en effet contraints de gérer leurs effectifs.

Les formations concernent également l'utilisation des différentes armes en dotation individuelle ou collective – le LBD, le fusil à pompe, le fusil d'assaut HK G36, le Taser, le bâton de défense, le tonfa, les matraques, et la liste est encore longue. Comment faire en sorte que vous soyez tous formés à l'utilisation de l'ensemble de ces armes et que vos habilitations soient reconduites si la formation continue classique est insuffisante ?

Nous savons aussi que vos rythmes de travail sont compliqués et difficiles. Le travail de nuit et le week-end requiert une implication énorme de la part des forces de l'ordre. En maintien de l'ordre, il faut également ajouter les temps d'attente avant l'action, ainsi que la confrontation avec des individus venus « casser du flic », qui commencent par vous insulter, puis vous crachent dessus avant de vous infliger des violences physiques auxquelles vous êtes forcés de répondre par l'emploi de la force légitime.

Quelles sont vos positions en matière de formation initiale ? Préconisez-vous un retour aux douze mois, voire une augmentation de cette durée, compte tenu de la charge de travail ensuite imposée dans les différents domaines d'intervention de la police ? Quelles seraient vos suggestions pour rendre la formation continue réellement efficiente ? J'adresserai enfin une question à ceux d'entre vous qui sont CRS ou qui ont été confrontés aux situations de maintien de l'ordre : y a-t-il un suivi psychologique des policiers après les manifestations ?

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La formation, que vous avez été nombreux à évoquer, me paraît fondamentale. Je ne suis pas un technicien, et le propre des députés est bien d'être des généralistes. Au cours de la formation initiale, combien de temps est consacré au maintien de l'ordre et à la question des violences urbaines ? Ensuite, la formation continue prévoit un tutorat, c'est-à-dire un suivi par un collègue ayant de l'ancienneté. J'ai cru comprendre que les tuteurs ne disposaient pas de temps suffisant pour cette charge. Ce tutorat est-il formalisé ? En d'autres termes, l'un d'entre vous pourrait-il m'expliquer en quelques mots en quoi consiste la formation au maintien de l'ordre ?

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Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police

S'agissant de la formation initiale, elle est en effet passée de douze à huit mois. Toutefois, c'est une redistribution plutôt qu'une réduction : il y avait auparavant douze mois de formation théorique et douze mois de formation pratique, et on est passé à huit mois de formation théorique pour seize mois de formation pratique. La durée totale de formation du gardien de la paix reste donc de vingt-quatre mois, même si, durant les seize mois de pratique, l'agent est en poste de pré-affectation et suivi par un collègue, ce qui peut être vu comme une façon détournée de mettre plus rapidement « du bleu » sur la voie publique.

La formation continue pose plusieurs problèmes notamment liés aux rythmes de travail. En fait, ce sont surtout les moyens qui font défaut : une partie de nos collègues n'arrivent déjà pas à faire leurs trois séances réglementaires de tir par an. Quant à la formation continue à l'armement, elle doit impérativement être assurée, puisque pour pouvoir utiliser une arme, il faut avoir été formé préalablement et obtenu une habilitation qui doit être régulièrement confirmée ; je pense notamment au lanceur de balles de défense.

À ce sujet, la CFDT, qui est aussi partenaire du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), syndicat majoritaire des officiers, revendique la création d'une véritable académie de police, qui nous semble être la clé pour apporter des réponses en matière de formation initiale. Le Président de la République s'y était d'ailleurs engagé dans son programme électoral en 2017. Cette académie regrouperait les trois corps – gradés et gardiens, officiers, commissaires –, ce qui créerait une cohésion entre eux. Les stagiaires bénéficieraient de troncs de formation communs, et d'autres spécifiques à chaque grade.

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Loïc Travers, secrétaire administratif général d'Alliance police nationale

Pour notre part, nous souhaitons surtout nous assurer que la nouvelle formation qui se met en place se fera à moyens constants. Sur les vingt-quatre mois de formation initiale, les stagiaires passeront quatre mois supplémentaires sur le terrain au lieu d'être à l'école de police, ce qui suppose un transfert de moyens.

Concernant la formation au maintien de l'ordre, les agents destinés à intégrer le corps des CRS bénéficient de trois semaines de formation au sein d'une compagnie à l'issue des vingt-quatre mois puis, en formation continue, de périodes de recyclage des unités (PRU). Ceux qui seront affectés dans des compagnies d'intervention, à la préfecture de police ou en province, bénéficient de quinze jours de formation au sein de leur unité en sus des modules théoriques et pratiques de formation initiale.

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Grégory Joron, secrétaire général délégué d'Unité SGP Police FO

Pour répondre à M. le député Lambert, j'ai été auditionné par la commission d'enquête qui a rendu ses travaux en 2015 et qui avait été créée à la suite de la mort de Rémi Fraisse. Nous avions humblement remis nos préconisations par écrit à notre auditoire.

Ce que nous souhaitons aujourd'hui, c'est simplement apporter notre pierre à l'édifice, nourrir la réflexion de nos remarques et des remontées du terrain en espérant que vous transmettrez ces éléments au Gouvernement, à nos décideurs. L'objectif de tout ceci est en effet d'améliorer collectivement nos systèmes et nos processus d'intervention pour garantir le droit de manifester et de s'exprimer dans la rue en toute sécurité, un droit essentiel à notre démocratie. Nous rencontrons des difficultés à le faire, il faut le reconnaître et trouver des réponses. Nous avons tous regretté n'avoir pas été consultés sur le SNMO ; notre présence aujourd'hui est peut-être une manière de rattraper le coup. Discuter de ce nouveau schéma aurait mérité deux jours, et cette audition est bien trop courte. Nous restons néanmoins à votre disposition pour répondre à d'éventuelles questions écrites.

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Denis Hurth, responsable secteur formation d'UNSA Police

Concernant la formation initiale, si je ne veux pas préjuger de la façon dont la professionnalisation va se dérouler, il ne faut toutefois pas oublier qu'on n'attire pas les mouches avec du vinaigre. Je doute que beaucoup de nos collègues sur le terrain seront volontaires pour être formés trois ou quatre jours et prendre ensuite en charge des stagiaires. La direction centrale de la formation a du mal à recruter des formateurs : cette catégorie représente à peu près 4 % des effectifs de la police nationale, ce qui signifie qu'ils sont les parents pauvres en termes d'avancement. Tous souhaitent retourner sur le terrain en raison du manque d'attractivité de la fonction et de l'absence d'engouement pour celle-ci. Il est donc très compliqué de constituer des viviers pour former les élèves.

J'aimerais revenir sur ce que vous avez écrit dans votre rapport de 2018 intitulé D'un continuum de sécurité vers une sécurité globale, monsieur le président. L'enjeu était de faciliter les partenariats, notamment pour les infrastructures de tir. Votre idée de regrouper les forces pour parvenir à un travail cohérent et commun nous a beaucoup intéressés, mais depuis la publication de vos propositions, nous n'avons pas vu l'ombre d'un partenariat. Or, dans certaines écoles, à Montbéliard par exemple, les élèves font une heure et demie de trajet pour aller tirer. Dans d'autres écoles, les élèves ne peuvent parfois pas aller tirer pendant trois semaines faute d'infrastructure disponible. Je suis le premier à dire que la formation est le bras armé de la police nationale, mais il faut y mettre les moyens.

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Je vous préciserai en aparté à l'issue de l'audition ce qui est prévu ; le rapport sera versé aux documents de travail de notre commission.

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Je tiens à remercier tous les représentants des syndicats de police de s'être déplacés pour répondre à nos questions.

J'aimerais, avant que vous nous quittiez, avoir votre opinion sur les observations publiées par le défenseur des droits. En avez-vous tiré des préconisations ?

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Grégory Joron, secrétaire général délégué d'Unité SGP Police FO

Pour notre part, nous n'avions pas retenu grand-chose des recommandations du défenseur des droits, qui nous semblaient très éloignées de la réalité, et très orientées, en particulier sur le LBD.

Nous ne balayons pas d'un revers de main le problème des blessures graves que l'arme peut engendrer ; statistiquement, et j'espère ne pas choquer en précisant ce chiffre, sur 327 tirs, un seul était dangereux. Il faut donc remettre les faits en perspective sur plusieurs mois de mouvements sociaux. Surtout, il faut rappeler l'utilité de l'armement intermédiaire : nous devons disposer d'un éventail le plus large possible pour adapter au mieux la réponse aux risques auxquels nous faisons face. Supprimer le LBD, c'est enlever un barreau de l'échelle, donc contraindre à utiliser le barreau supérieur pour agir contre une menace. Le LBD est utile comme moyen intermédiaire, et il faut l'encadrer. Le superviseur est un dispositif en place depuis très longtemps dans les forces mobiles et qui fonctionne. La position du défenseur des droits était d'interdire de manière dogmatique l'usage du LBD sans rien prévoir à la place, ce qui nous pose un réel problème.

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Stanislas Gaudon, délégué général d'Alliance Police nationale

Pour répondre à votre question sur le défenseur des droits, je vous montrerai deux photographies de presse, l'une prise en 2016, et l'autre samedi dernier, sur laquelle figure un arc qui avait été saisi dans l'après-midi. (M. Gaudon déplie deux reproductions de photographies prises lors de manifestations et les fait passer aux députés.) Telle est la réalité du terrain. Les policiers sont confrontés à une violence qui s'est accrue, nous l'avons dit au début de l'audition. Il ne faudrait donc pas se voiler la face en prônant doctement la suppression des armes de force intermédiaire, car c'est une petite musique que nous avons entendue ces derniers temps.

Quelle serait la solution alternative pour nos collègues sur le terrain si on leur enlevait ces armes intermédiaires ? Le corps à corps ? Je vous invite à regarder quelques vidéos de maintien de l'ordre dans des pays européens où l'on emploie cette méthode ; je ne suis pas sûr qu'elle convienne à tout le monde ! Une autre possibilité serait l'utilisation de l'arme de service des policiers, ce que personne, je crois, ne cautionnerait. Il me semble que chacun, en particulier le défenseur des droits, devrait le garder à l'esprit.

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Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police

Il me semble qu'unanimement nous n'avons rien retenu du rapport du défenseur des droits, qui est dogmatique et partial, et je souscris parfaitement aux propos de mes collègues.

Éviter les dommages collatéraux, éviter les blessés reste bien évidemment un principe élémentaire : personne autour de cette table, aucun de nos collègues des forces de l'ordre ne va travailler dans l'idée de blesser, voire de tuer quelqu'un. Adapter les moyens, réformer le schéma de maintien de l'ordre est une chose, retirer l'armement qui nous permet de garantir la sécurité des personnes et des biens ainsi que la nôtre en est une autre, et cette option n'est pas acceptable. Les armes intermédiaires sont nécessaires. Nous sommes d'accord pour qu'elles soient adaptées ou remplacées par d'autres moyens, pas pour qu'on les retire en nous laissant comme seul outil notre arme de service.

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Madame, messieurs les syndicalistes, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Mes collègues et moi-même avons tenu à commencer nos auditions avec les représentants des syndicats de la police et de la gendarmerie. Je tiens, au nom de tous les membres de cette commission, à vous remercier du travail effectué par la police nationale, de votre dévouement et de votre engagement à la fois dans le maintien de l'ordre et dans vos autres tâches de tous les jours. Vous avez tout notre soutien dans cette mission.

La séance est levée à 16 heures 55.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Coralie Dubost, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, Mme Camille Galliard-Minier, M. Thomas Gassilloud, M. Jérôme Lambert, M. Didier Le Gac, Mme Constance Le Grip, M. Nicolas Meizonnet, M. Ludovic Mendes, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme George Pau-Langevin, M. François Pupponi, M. Aurélien Taché, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Vanceunebrock, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Alice Thourot