Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 21h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 21 heures 35.

(Présidence de M. Bruno Duvergé, président)

La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, d'accélération et de simplification de l'action publique (n° 2750 rect.) (M. Guillaume Kasbarian, rapporteur).

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. Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à M. le ministre Julien Denormandie qui tenait à être présent pour l'examen des articles 33, 33 bis A et 33 bis, précédemment réservés.

Article 33 (code forestier et code rural et de la pêche maritime) : Habilitation à légiférer par ordonnance pour modifier certaines règles applicables aux personnels de l'Office national des forêts et des chambres d'agriculture (précédemment réservé)

La commission examine les amendements identiques n° 190 de M. Gabriel Serville et n° 339 de Mme Mathilde Panot.

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Nous en venons à un article aussi saillant que problématique de cette loi fourre-tout, qui marquera la fin du service public forestier.

En appui aux propos qu'ont tenus les représentants de l'intersyndicale de l'Office national des forêts (ONF), que nous sommes plusieurs à avoir rencontrés, je suis indignée que ce débat ait lieu au cours de l'examen d'un des articles d'un texte qui en compte tant. La forêt française, enjeu majeur face à l'urgence écologique, enjeu social et démocratique fondamental, mérite un débat spécifique.

Depuis 2005, on recense plus de cinquante suicides à l'Office national des forêts, soit un ratio par rapport à l'effectif plus élevé qu'à France Télécom. Cela donne une idée de la souffrance qui existe dans l'office aujourd'hui.

L'ONF a déjà perdu la moitié de ses effectifs. Avec l'article 33, nous allons mettre fin au statut de ses fonctionnaires, pour embaucher des agents privés qui auront en partie des pouvoirs de police. En permettant le recrutement d'agents contractuels de droit privé, nous mettons fin au service public forestier, pourtant indispensable aujourd'hui pour mener une politique forestière digne de ce nom.

Les enjeux relatifs à la forêt sont énormes. Une privatisation rampante s'y installe, notamment dans certaines régions, parallèlement à une industrialisation sur le même type que celle qu'a connue l'agriculture – coupes rases, plantation, monoculture.

Il nous revient de décider d'un modèle pour la suite. S'agissant de l'agriculture, aucun débat politique et démocratique n'a eu lieu sur la question. Nous devons le mener pour la forêt. Nous ne pouvons pas nous contenter de mettre fin au service public forestier au sein d'un simple article, dans une loi fourre-tout comme celle-là.

Un dernier chiffre : en 2019, l'ONF a connu 400 suppressions de poste, soit 1 emploi sur 20. L'article pose donc la question de la disparition de l'Office national des forêts. J'alerte mes collègues à ce sujet : si nous permettons le recrutement d'agents contractuels de droit privé, nous affaiblissons le service public forestier et le faisons disparaître. Personne n'y a intérêt, d'autant que nous connaissons l'importance du service public dans un secteur où de fortes pressions économiques pèsent sur les agents. Il ne faut pas que les agents y soient soumis. La ministre l'a dit lors de la discussion liminaire, un grand nombre de contractuels privés ont été recrutés depuis plusieurs années. Les missions de l'ONF, notamment de contrôle, doivent revenir à des fonctionnaires, non à des contractuels de droit privé.

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Malgré sa réécriture en commission spéciale au Sénat, l'article 33 organise la privatisation larvée de l'Office national des forêts. L'habilitation demandée par le Gouvernement pour réformer le statut des salariés et la composition du conseil d'administration de l'office, au moment où celui-ci connaît une crise économique et sociale majeure, est un mauvais signal envoyé aux personnels comme aux élus locaux.

En trente ans, l'office a perdu 40 % de ses effectifs, baisse qui a entraîné une crise de sens et la multiplication des suicides. De nombreux syndicats soulignent que les agents publics peuvent résister aux pressions des propriétaires et des marchands de bois et appliquer la loi en toute impartialité. Ce ne sera certainement pas le cas des agents contractuels de droit privé.

Dans ces conditions, l'opacité de la procédure d'habilitation prévue par l'article 38 de la Constitution ne peut se substituer à un véritable débat parlementaire. La transformation de l'Office national des forêts en simple gestionnaire d'une usine à bois – c'est bien de cela qu'il s'agit – est totalement inacceptable.

En Guyane, l'ONF gère 96 % du territoire, qui relève du domaine forestier privé de l'État, avec très peu d'agents. Il est ainsi dans l'incapacité de contrôler véritablement ce qui se passe dans la forêt guyanaise, notamment l'orpaillage illégal, une des difficultés majeures que connaît le territoire. Aller vers la privatisation, c'est prendre le risque de voir diminuer sévèrement le nombre d'agents qui seront chargés de contrôler, de surveiller, d'exploiter et de favoriser l'exploitation efficiente d'une forêt aussi dense.

C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 33.

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L'article 33 est important et attendu tant par l'ONF que par le réseau des chambres d'agriculture. Ces institutions ont grandement besoin de se réformer.

S'agissant de l'ONF, dont la situation financière est structurellement déficitaire, une mission des corps d'inspection de l'administration a constaté des défauts de gouvernance et de pilotage qui résultent de son organisation même. Le contrat d'objectifs et de performance en est l'illustration. Le Gouvernement souhaite faire siennes plusieurs propositions du rapport interministériel d'évaluation du contrat d'objectifs et de performance 2016-2020, paru en 2019.

Il souhaite ainsi modifier les dispositions du code forestier relatives à l'ONF afin d'élargir les possibilités de recrutement d'agents contractuels de droit privé et de leur permettre de concourir à l'exercice de l'ensemble des missions confiées à l'office, y compris la constatation de certaines infractions. De fait, l'ONF recrute aujourd'hui essentiellement des personnels de droit privé, ce qui est logique compte tenu de son statut d'établissement public à caractère industriel et commercial.

L'ONF n'est pas la seule institution qui embauche des personnels de droit privé – je le rappellerai par la suite car des amendements ont été déposés sur le sujet. Les agents chargés du contrôle du stationnement comme ceux de la sûreté ferroviaire de la SNCF ou de la RATP travaillent également sous contrat de droit privé. L'objection avait d'ailleurs été formulée par les syndicats lorsque nous les avions interrogés : l'argument ne vaut pas car de telles situations se retrouvent ailleurs.

Quant au réseau des chambres d'agriculture, il regroupe près de 8 000 collaborateurs. Leur statut, qui date de 1952, n'a que très peu évolué depuis, ce qui a des conséquences sur le fonctionnement des établissements et déteint sur le dialogue social. La structure du réseau, y compris sa tête, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), doit être revue pour s'adapter aux missions qu'elle exerce de facto mais dont elle ne dispose pas par la loi. Les mutualisations entre chambres doivent être rendues possibles, tout en conservant le maillage territorial actuel. La réforme est ainsi très attendue par les chambres.

Le besoin de modernisation est donc très important. L'APCA et le Gouvernement travaillent à un projet de contrat d'objectifs dont les avancées seront traduites dans la loi à l'issue de la concertation, d'où le recours aux ordonnances.

J'anticipe aussi vos remarques s'agissant de la mission de nos collègues sur les chambres d'agriculture. Je laisserai le Gouvernement défendre son projet mais j'imagine que, compte tenu du délai d'habilitation qui est de dix-huit mois, les conclusions du rapport pourront aussi, sous réserve du champ de l'habilitation, être traduites dans la loi.

C'est pourquoi j'émets un avis défavorable aux amendements de suppression.

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Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Les amendements ne portent que sur la question forestière alors que, le rapporteur l'a rappelé, l'article 33 qu'ils visent à supprimer concerne à la fois la forêt et la réforme des chambres d'agriculture. Il y a donc une contradiction entre la défense de ces amendements et le contenu de l'article.

Sur le fond, si nous n'avons manifestement pas la même vision de la forêt française, je suis tout à fait prêt à avoir un débat sur le sujet. En tant qu'ingénieur agronome, ingénieur des ponts, des eaux et forêts, la forêt me passionne depuis près de vingt-cinq ans.

S'agissant de votre sensibilité forestière et de notre différence d'approche, je veux rappeler que la forêt se cultive, y compris d'un point de vue environnemental.

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Julien Denormandie, ministre

Pas du tout. Dans votre communication, vous choisissez de présenter une ornière forestière comme une atteinte à la biodiversité. Cela montre que vous vous êtes assez peu rendue dans une exploitation forestière. Comment comptez-vous cultiver une forêt sans tracteur ni ornière ?

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Nous n'avons vraiment pas la même vision de la forêt !

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Julien Denormandie, ministre

Nous avons le droit d'avoir des visions différentes. La mienne est qu'une forêt se cultive. Vous pouvez ne pas être d'accord avec cela. Je serai ravi de pouvoir vous le démontrer, y compris d'un point de vue écologique. Une forêt qui se cultive est bien préférable, et très nécessaire, notamment dans un pays comme la France.

Le deuxième élément concerne le statut des personnels – là encore, nous n'avons pas le même point de vue. Ce n'est pas parce que nous encadrons le volet d'agent contractuel embauché par l'ONF que nous mettons fin au statut forestier. La formation des techniciens et ingénieurs forestiers comprend d'ailleurs toujours deux voies, l'une de fonctionnaire, l'autre de contractuel. Dire que toute personne qui s'engage dans des études forestières devrait forcément devenir fonctionnaire ne fait pas sens. Ne dites donc pas de contre-vérités sur la fin du statut forestier. L'information est fausse, et même anxiogène pour les personnes que vous semblez défendre.

Troisième élément : Mme Panot et M. Serville ont tous deux évoqué une privatisation rampante, qui atteste que nous avons définitivement un problème d'approche. Jusqu'à preuve du contraire, la privatisation ne concerne en aucun cas le statut des personnes qui y travaillent mais le capital de la structure. À l'évidence, les articles du projet de loi et les amendements ne prévoient pas de modifier la structure du capital de l'ONF.

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Ils prévoient du moins une accentuation du privé !

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Julien Denormandie, ministre

Cela voudrait dire que tout contractuel qui travaillerait dans un secteur public renforcerait la privatisation rampante. Il faut sortir de ce dogmatisme selon lequel une personne travaillant dans le service public ne peut être que fonctionnaire, jamais contractuelle. Certains projets peuvent nécessiter une compétence précise, pendant une durée donnée. Refuser d'embaucher un contractuel au motif qu'il s'agirait d'une privatisation ne fait pas sens.

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Il ne s'agit pas là d'un besoin précis.

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Julien Denormandie, ministre

Au moment où je vous parle, 43 % des personnes travaillent déjà à l'ONF sous statut de contractuel.

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Julien Denormandie, ministre

Ce n'est pas nouveau ! Dans l'ensemble des structures remplissant des missions de service public qu'évoquait M. le rapporteur, de nombreuses personnes sont contractuelles de près ou de loin, et c'est très bien ainsi.

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Julien Denormandie, ministre

Parfaitement. Dire que des fonctionnaires ne sont soumis à aucune pression alors que des contractuels seraient sous la pression des propriétaires forestiers est une approche bien singulière.

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Julien Denormandie, ministre

Non. Cela signifierait que les contractuels présenteraient un conflit d'intérêts car ils pourraient être embauchés par les propriétaires forestiers. Je ne comprends pas ce raisonnement.

En revanche, madame Panot, je vous rejoins sur la question de la crise de sens, qui est actuellement l'enjeu principal. Nous le savons tous, l'ONF est aujourd'hui confronté à des difficultés. J'envisage le malaise des agents, que vous avez rappelé, avec le plus grand sérieux, la plus grande détermination. La première des actions à mener est de travailler cette question du sens.

La crise de sens a par exemple trait au fait que, depuis des années, on ne cesse d'inciter à reboiser certaines de nos forêts françaises. Qu'un ingénieur ou un technicien forestier, travaillant sous statut public ou privé, visite une parcelle de bois scolytée alors que, dans le même temps, il n'a pas la possibilité de reboiser, accentue son malaise.

Face à cette situation, notamment à la suite du rapport de votre collègue Mme Anne‑Laure Cattelot, le plan de relance a décidé d'affecter 150 millions d'euros au plus vaste plan de reboisement que la France ait connu depuis des décennies. Il permettra également à l'ONF d'utiliser les nouvelles technologies, notamment la télédétection par laser ( light detection and ranging, LIDAR), une autre proposition du rapport de Mme Anne-Laure Cattelot, pour aider l'ensemble des personnes travaillant dans la gestion forestière.

La forêt, je le répète, se cultive. C'est le sens qu'il faut redonner, ce que permet notamment le plan de relance.

Pour l'ensemble de ces raisons, de fond et de forme, j'émets un avis défavorable aux amendements de suppression de l'article 33.

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M. le ministre l'a souligné, l'ONF traverse une grave crise, depuis des années. Son modèle doit être questionné car ses missions se sont diversifiées. Aujourd'hui, l'office compte de multiples interlocuteurs, notamment les communes forestières, et de nombreuses problématiques. La question de la forêt de Guyane, qui comprend un enjeu de protection écologique, diffère ainsi de la problématique des forêts productives. Certains élus souhaitent une « forêt loisir » à côté de leur ville, ce qui pour l'instant n'entre pas dans la culture de l'ONF. L'office doit donc diversifier ses moyens de recrutement afin de remplir ses différentes missions, et enrichir sa structure.

Avec M. le rapporteur, nous avions auditionné celui qui est devenu le directeur général de l'office en début d'année.

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De vraies questions se posent, qu'il sera nécessaire d'aborder. Il faudra permettre à l'ONF d'ouvrir son recrutement pour remplir de nouvelles missions alors qu'aujourd'hui, du fait de ses difficultés financières, il ne parvient pas à les mener à bien.

Les auteurs des amendements ont raison de souligner le malaise des agents. Je connais l'un d'entre eux, qui travaille dans un secteur où une coupe rase a été effectuée. Interpellé par des citoyens à la suite des vidéos que vous avez publiées, mis en cause, il s'est retrouvé en grande difficulté personnelle. Certes, il faut transmettre des éléments, une culture, mais ce n'est pas en opposant un mode de fonctionnement historique aux adaptations nécessaires que nous y parviendrons. Au contraire, je souhaite assouplir le fonctionnement de l'ONF pour permettre le recrutement d'agents de droit privé, et voterai contre la suppression de l'article.

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Nous voterons également contre les amendements. Hormis le statut que le ministre a largement évoqué et défendu, le changement dans la gouvernance est attendu par l'ONF et, surtout, par ses partenaires. Mais permettez-moi de rétablir la vérité sur quelques points.

Le périmètre d'intervention de l'ONF représente 25 % de la forêt française, essentiellement des forêts publiques et communales. Dire que l'on s'attaque à toute la forêt française lorsque l'on modifie le mode de gouvernance de l'ONF est faux.

Aujourd'hui, ce modèle de gouvernance vise à mieux associer les communes forestières, ce qui permet une véritable gestion de la forêt dans les territoires.

La forêt traverse effectivement une crise. S'agissant des coupes rases, on peut rappeler que, dans le Grand Est, 11 000 hectares d'arbres scolytés vont mourir. Sans coupe rase, on ne peut pas les retirer pour replanter des essences qui résisteront à la sécheresse et au changement climatique. Nous avons donc besoin des coupes rases comme un outil de culture et, surtout, pour préserver la forêt.

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S'agissant de l'industrialisation, la forêt française a doublé depuis 1850, progressant de 60 % depuis quarante ans, essentiellement grâce à l'homme.

La forêt française a besoin d'être accompagnée. Il est faux de dire qu'elle est surindustrialisée : l'industrialisation moyenne des surfaces en France est de 6 à 7 % contre 12 à 13 % dans d'autres pays. En revanche, arrêter de couper des arbres en France conduit à promouvoir la production de meubles et de chaises en bois à partir d'arbres qui viennent de l'autre bout de la planète ou qui y ont été transformés. Équiper son logement avec de tels meubles est une aberration écologique.

Nous nous félicitons donc de cet article et ferons tout pour que la forêt française reste en l'état, en votant contre ces amendements.

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Depuis quelques mois, j'ai eu le plaisir et l'honneur de travailler sur le sujet de la forêt française et de la filière bois. Certains d'entre vous ont suivi les travaux très aboutis de la Cour des comptes sur la performance économique et environnementale de la forêt, ainsi que ceux de nos collègues Mme Émilie Cariou et M. Hervé Pellois. Les professionnels de la filière ont également rédigé une feuille de route d'adaptation des forêts au changement climatique. Enfin, six organisations non gouvernementales (ONG), dont le Fonds mondial pour la nature (WWF), France nature environnement (FNE) et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont rédigé un rapport très intéressant, Forêts françaises en crise.

Tous et toutes, tous enjeux économiques et écologiques considérés, convergent et estiment nécessaire d'investir dans les forêts ainsi que dans la recherche, pour savoir que faire en forêt. Certains acteurs de la filière sont en effet démunis à l'heure actuelle, ce qui peut désespérer les forestiers, publics ou privés, et instiller de la fragilité dans l'esprit des hommes et des femmes qui s'occupent de la forêt.

Nous devons les aider, les conforter, avec des moyens financiers et du personnel dévoué sur le territoire. Les agents de l'ONF que j'ai pu rencontrer depuis six mois sont dévoués à leur tâche. Ils ont choisi leur métier et ont besoin d'être confortés dans cette ligne.

Lorsque le ministre a lancé, notamment dans le cadre de « France relance », le plan de 200 millions d'euros dédiés à la forêt, il a redonné de la confiance et un état d'esprit positif à ces agents qui ont pu sentir la considération que leur portait l'État français. Cela faisait longtemps que cela n'était pas arrivé.

S'agissant des contractuels, je crois dans la vocation publique de l'Office national des forêts et dans son caractère régalien. Pourtant, lors d'un déplacement dans la circonscription de Mme Émilie Cariou, à Verdun – je pourrais prendre d'autres exemples, comme ma circonscription –, j'ai réalisé que les agents qui avaient réussi le concours, une fois affectés dans un tel territoire, n'avaient malheureusement qu'une envie, celle de partir vers des régions plus attractives comme le Sud. Ceux qui restent sont souvent des contractuels, nés dans le territoire, formés au lycée ou au centre de formation d'apprentis (CFA) local, qui éprouvent de l'affection pour leurs forêts, leurs massifs et leur territoire. C'est un vrai signal.

Pour ce qui me concerne, j'ai travaillé comme contractuelle de mission dans les collectivités territoriales, avec autant de dévouement et d'indépendance que mes collègues.

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Julien Denormandie, ministre

Exactement !

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J'ai notamment conduit une mission de trois mois auprès du conseil général des Côtes d'Armor sur un projet européen. Les agents du conseil général, tout compétents qu'ils étaient, ne détenaient pas les compétences que j'ai apportées. Si la qualité des agents publics et leurs capacités d'adaptation sont indéniables, les contractuels sont parfois utiles. Dans tous les cas, ils ne dénaturent pas la vocation publique de l'office et l'amour que nous portons au service public.

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Tout le monde acte qu'il y a un vrai malaise à l'Office national des forêts, dont atteste notamment le nombre des suicides. Il n'est donc pas sérieux d'inclure ces dispositions au milieu d'une telle loi et de voter un tel article après un court débat. Cela n'est pas à la hauteur des enjeux.

S'agissant de la privatisation rampante, M. le ministre estime que nous n'avons pas la même vision. Quant au rapporteur, il indique que l'ONF attend cette réforme. Or les représentants de l'intersyndicale, que nous avons rencontrés il y a deux jours nous ont demandé de combattre cet article car, loin d'attendre cette réforme, ils n'en veulent pas. Ce n'est pas moi, une illuminée insoumise, qui vous le dis, mais l'intersyndicale de l'ONF ainsi que les conclusions d'un travail que je mène depuis un an, dans une commission d'enquête citoyenne, en auditionnant de nombreux forestiers et associations environnementales. L'article 33 les inquiète car, comme les collectivités, ils craignent de n'être pas représentés, après le changement du conseil d'administration qui passera de 30 à 12 membres.

Vous dites que permettre à l'ONF de recruter des contractuels privés ne conduira pas à une privatisation rampante et que ceux-ci représentent déjà 43 % de son effectif. Depuis trois ans, l'office a gelé l'embauche de fonctionnaires, tout en supprimant 400 postes, soit 1 emploi sur 20. Je ne dis pas cela pour lancer une polémique mais pour vous alerter sur ce que j'estime être une privatisation. L'intersyndicale interprète également cette évolution de la sorte.

Il a été question de la pression économique à laquelle les agents sont soumis. Pour certains d'entre eux, réaliser une coupe rase est une souffrance. Nous ne sommes pourtant pas des Idéfix, qui ne veulent pas cultiver la forêt ! Cette caricature est dommageable au débat démocratique. Pour ce qui me concerne, je crois à une sylviculture douce, dans l'esprit de la sylviculture Pro Silva. J'ai visité de nombreuses forêts qui sont gérées différemment, sans utiliser des engins qui tassent le sol, ni des ouvriers forestiers dont l'espérance de vie en bonne santé est dramatiquement basse – c'est un enjeu social qu'il faudra évoquer un jour car celle d'un bûcheron ne dépasse pas 52 ans. Ce chiffre donne une idée de ce qui se passe en forêt et des enjeux sociaux du secteur.

La forêt est multifonctionnelle : derrière le bois, la question de l'eau ou la question sociale se posent. Auparavant, les agents de l'ONF invitaient de nombreuses classes pour leur faire découvrir les forêts. Ces activités n'entrent pas parmi les apports économiques de la forêt. Aujourd'hui, les agents affirment qu'ils ne peuvent plus les mener car ils sont trop peu nombreux – leur nombre, je l'ai dit, a été divisé par deux. Leur secteur étant plus grand, ils n'ont plus le temps de remplir ces missions multiples.

J'assume que l'on puisse faire autre chose que des coupes rases en forêt. Elles ne sont pas une fatalité. De nombreux forestiers s'en passent d'ailleurs déjà. La France est très en retard sur cette question : la Suisse a interdit les coupes rases dès 1872 ; l'Autriche a une réglementation similaire à celle que j'ai proposée dans la proposition de loi que j'ai présentée avec d'autres députés ; et tous les Länder allemands disposent de lois qui réglementent la coupe rase en forêt. La France, elle, laisse faire.

Il faut poser ce débat sérieusement, non aussi rapidement que nous le faisons, afin que la représentation nationale puisse décider ce qui va advenir des forêts et du service public forestier. Poser le problème au milieu d'une loi comptant plusieurs dizaines d'articles n'est pas sérieux.

Enfin, si l'article est appliqué, les équipes de l'ONF comprendront des agents différemment assermentés en leur sein. C'est bien une complexification, alors que nous visons une loi de simplification.

J'aurais encore beaucoup à dire, mais je m'arrêterai là.

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Je comprends que le débat soit passionné mais il sera d'autant plus efficace que nous nous écouterons les uns les autres.

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J'en profite pour inviter nos collègues à visiter la forêt profonde en Guyane. Il est dommage que nous ne soyons pas nombreux à l'avoir fait.

Ce débat nous met du moins d'accord sur un point : l'ONF traverse une véritable crise de sens. En revanche, nous avons du mal à nous accorder sur d'autres points car nous fonctionnons avec un esprit trop jacobin qui consiste à vouloir appliquer à l'intégralité du territoire des normes qui ne sont pas toujours adaptées à toutes ses parties.

La forêt française hexagonale compte 17 millions d'hectares ; la forêt guyanaise, 8 millions, qui relèvent presque intégralement du domaine privé, non public, de l'État. Nous devons nous interroger sur la meilleure façon de nous organiser pour gérer cette forêt.

Lorsque nous avons évoqué une privatisation larvée, rampante, nous ne cherchions pas à mettre en doute l'intégrité des agents actuels, contractuels de l'ONF, et éventuellement de ses agents futurs. Nous avons expliqué que des fonctionnaires assermentés agissent d'une manière nécessairement différente de celle de personnes dont nous savons qu'elles pourraient subir certaines pressions. Nous devons donc nous demander quel est le meilleur modèle économique à instaurer pour gérer la forêt, notamment guyanaise, qui relève du domaine privé de l'État.

Nos opinions témoignent d'une véritable dichotomie. Or la tendance qui se dégagera, après ou avant le vote, ne rendra pas nécessairement service à la Guyane.

L'ONF en Guyane, je l'ai dit, compte entre quatre et cinq fois moins de personnel par kilomètre carré de forêt à gérer et à préserver que ce que l'on observe sur le territoire de la France hexagonale. Toutes les précautions devraient être prises pour éviter d'aller vers une diminution des effectifs, compte tenu des difficultés d'ordre économique que connaît l'office.

Mon propos se veut pragmatique, non idéologique. C'est la raison pour laquelle je prétends que nous devons prendre en considération ce point crucial. Si nous n'y prêtons pas attention, nous risquons de placer l'office, en Guyane notamment, dans des situations encore plus difficiles qui nous empêcheront de gérer et de préserver la forêt.

La forêt guyanaise constitue un joyau français dans le bassin amazonien, qui mérite toute notre attention. Ne considérons pas que l'outil ONF chargé d'en assurer la gestion peut se laisser décapiter. J'insiste auprès de vous, mes chers collègues, car nous vivons ces situations en permanence.

J'ai rappelé le fléau que représente l'orpaillage illégal sur le territoire guyanais. Le nombre élevé d'orpailleurs est certainement dû au fait que l'État, à travers toutes ses structures et ses institutions, n'a pas la capacité d'en assurer un contrôle permanent. Quand le chat n'est pas là, les souris dansent... L'idée est bien d'y remédier.

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On ne peut pas résumer dans une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à la fois à la réforme des chambres d'agriculture et celle de l'Office national des forêts. Vous avez donc bien entendu, monsieur le ministre, nous demandons la suppression de l'intégralité de l'article 33 car nous souhaitons supprimer toute l'ordonnance. Vous connaissez d'ailleurs notre peu d'attachement aux ordonnances, dont nous demandons systématiquement la suppression.

Tout le monde aura compris que les dispositions de l'article ne visent pas du tout une simplification. J'espère au moins – cela sera noté au compte rendu et dit en séance – que le Conseil constitutionnel fera son travail de censurer ce cavalier législatif, car les dispositions de l'article 33 n'ont rien à voir avec une procédure de simplification.

Si vous n'avez pas compris la différence existant entre le statut d'agent de la fonction publique et celui d'agent contractuel de droit privé, c'est que vous n'avez rien compris à ce qui s'est passé après-guerre et que vous ne comprenez rien à ce que sont l'État et la fonction publique.

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Julien Denormandie, ministre

Rien que ça !

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À tout prendre, virons les fonctionnaires et n'embauchons que des contractuels. Certains pays l'ont fait. Mais au fond, pourquoi avons-nous créé le statut de la fonction publique ? De qui, de quoi est-il protecteur ? Nous n'en savons rien.

Le statut de la fonction publique a une dimension supplémentaire, celle de l'intérêt général, qui nous dépasse. Le temps de la forêt, c'est le temps extrêmement long du développement d'une forêt, non celui du contrat.

Je suis pour que l'on coupe des arbres, que l'on récolte, que l'on vende du bois, que l'on fabrique des meubles, que l'on fasse du bois d'œuvre, à condition que cela soit fait en futaie irrégulière, sur une forêt à couvert continu. Voilà ce que je veux. Vous, monsieur le ministre, vous vous en fichez. Vous voulez faire une coupe rase, planter des arbres et hop, c'est reparti pour un tour.

Si vous avez fait des études d'agronomie pour devenir ingénieur je-ne-sais-pas-trop-quoi (Exclamations), vous devriez savoir qu'une forêt qui se porte bien n'a pas besoin que l'on plante d'arbres. La régénération naturelle est beaucoup plus efficace d'un point de vue environnemental, social, écologique et productif.

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Julien Denormandie, ministre

Non !

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Du point de vue de la compétitivité internationale de la filière bois, il est certain qu'il vaut mieux tout couper à court terme. Nous avons bien compris quel était l'enjeu.

D'ailleurs, vous réduisez aujourd'hui autant les forêts privées que les forêts de l'ONF à une surproductivité par rapport à leur capacité de rendement. Et vous replantez, à coups de millions, pour faire le plus grand plan de replantation jamais imaginé. Mais c'est un scandale !

Nous demandons donc la suppression de cet article. Le sujet est central, car il nous dépasse et dépasse même les agents de l'ONF. La France a une responsabilité particulière car elle abrite l'une des plus grandes forêts d'Europe. Avec le changement climatique, s'occuper correctement de la forêt est un enjeu essentiel.

Mais vous, vous regardez passer le marché, qui propose d'installer des usines à pellets à Gardanne, dans votre centrale à biomasse qui n'a rien d'écologique – du point de vue européen, la biomasse, ça fait bien, ça fait vert. On peut comprendre que vous ne compreniez rien à la forêt, mais ce n'est pas seulement l'enjeu : vous abordez ce sujet par le biais de l'article 33 d'un projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, c'est‑à‑dire une demande d'habilitation à prendre une ordonnance sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. La forêt demande un débat responsable, raisonné, qui puisse confronter les différents points de vue. Visiblement, vous êtes dans le dogmatisme et les phrases creuses comme « j'aime la forêt française », « les forestiers ont besoin de… », « les contractuels sont des gens très bien ».

Oui, les contractuels sont des gens très bien. Et heureusement que les gens qui aiment la forêt ne s'arrêtent pas à leur statut. Mais le statut est plus protecteur lorsqu'il est celui de la fonction publique. Il permet aussi aux forestiers, si la forêt est mise à mal, de le dire. Les contractuels peuvent beaucoup moins se le permettre, à moins de prendre le risque d'être licencié, surtout lorsque l'on voit la forêt subir des coupes rases qui n'ont aucun sens écologique.

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Nous avons entendu vos arguments, monsieur Bernalicis.

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Je termine, monsieur le président, avec une remarque sur les scolytes. Certes, la monoculture intensive fait que, lorsqu'un arbre est infesté, toute la forêt l'est et qu'elle n'a aucune résilience. Avec des essences plus diversifiées, certains arbres résisteraient. On m'a même laissé entendre qu'il valait mieux ne pas couper les arbres atteints car les scolytes quittent l'arbre coupé, pour manger le suivant. En Allemagne, dans certaines forêts atteintes par les scolytes, les forestiers ne coupent plus les arbres.

Examinons donc la situation rationnellement. Si l'on vous écoutait, il faudrait tout couper, partout. Vous le voyez, votre appréhension de la forêt est assez limitée.

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Julien Denormandie, ministre

Un problème de fond se pose : vous demandez un débat, mais vous faites des leçons de morale. C'est insupportable, je vous le dis franchement.

Si vous voulez, nous pouvons entrer dans le détail. Dans des territoires dont les députés ne sont pas forcément de la majorité, expliquez-moi comment faire la culture des pins de Gascogne, dont l'intérêt écologique est indéniable ? Et comment peuvent vivre durablement des forêts de feuillus et de résineux, que la nature aurait créées ?

Enfin, je ne vous laisserai jamais déporter le débat et dire que, contrairement à nous, vous défendez les agents de l'ONF. Ma seule préoccupation est de redonner du sens à ce que nous faisons à l'ONF pour et par les agents. Mon travail consiste à les accompagner et à les protéger, à redonner du sens. Dans le même temps, vous tenez un discours alarmiste, anxiogène que les Français entendent et répercutent dans les forêts auprès des agents de l'ONF.

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C'est la situation qui est alarmante, pas notre discours !

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Julien Denormandie, ministre

Monsieur Bernalicis, je ne vous ai pas interrompu.

Les citoyens entendent qu'une coupe rase est une atteinte à toute la biodiversité, un assassinat des forêts. Où est la responsabilité de ces propos vis-à-vis des agents de l'ONF ?

À la différence de vous, monsieur le député, les agents de l'ONF connaissent parfaitement leur métier. Ils savent comment cultiver la forêt. Face à une forêt atteinte par les scolytes, ils ont les tripes retournées à penser que les moyens manquent pour replanter des arbres. Pour la première fois, nous affecterons 150 millions euros, pour replanter 50 millions d'arbres. Comme Colbert l'a fait en son temps, comme après-guerre, où il a été décidé de planter des douglas et de l'épicéa, nous devons nous demander quel bois nous aurons besoin de produire dans quarante, cinquante ou soixante ans. Aujourd'hui, c'est l'ancien ministre du logement qui vous le dit, la France est à la traîne sur la construction en bois. Comment ferez‑vous pour que le bois de nos maisons ne soit plus importé des pays du Nord ? Est-ce avec votre gestion forestière que vous y parviendrez ?

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Julien Denormandie, ministre

Pas le moins du monde ! La filière forestière compte davantage d'employés que le secteur automobile. Les scieries de hêtres – je peux en parler longtemps, un de mes premiers métiers a été d'installer un chauffage à bois dans une telle scierie – existent en France, mais elles ont besoin d'être renforcées, de même que l'amont et l'aval, sans les opposer. C'est d'ailleurs un problème fondamental depuis dix ans.

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Julien Denormandie, ministre

Il y a vingt ans, on disait dans notre pays que la forêt avançait et que le bois reculait. Cette situation perdure aujourd'hui.

Les choses ne se passent pas comme dans votre vision, avec une forêt uniquement naturelle, qui n'aurait qu'une seule utilisation, où le gland du chêne se reposerait à côté d'un douglas ou d'un épicéa, de feuillus, de résineux. La grume est prise pour faire une poutre ; le houpier donne des pellets. Tout cela est organisé, avec des personnes dont c'est le métier.

Je ne vous laisserai donc jamais dire que nous n'assurons pas la protection des agents forestiers. Je suis leur ministre de tutelle, la première personne qui a la responsabilité de les protéger. Je partage leur passion et je vous assure que je les défendrai.

Enfin, ce dont nous avons le plus besoin, c'est du sens. Par votre discours, vous remettez de l'anxiété. Par nos actions au travers du plan de relance, par le rapport de Mme Anne-Laure Cattelot, nous tentons de remettre le sens dont les agents forestiers de l'ONF ont besoin.

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Une des particularités de la forêt française est sa multifonctionalité. Nous ne pouvons pas être comme la Scandinavie car nous n'avons pas de grandes étendues non habitées à perte de vue. Tout est proche de l'habitat, donc tout doit être harmonieux.

On peut donc définir la forêt française par la capacité qu'elle a d'associer les enjeux sociétaux, économiques et écologiques. Cette nouvelle politique forestière va parfaitement dans le sens de la relance du pays et nous apportera non seulement de l'autonomie, mais aussi de la résilience dans notre économie et notre quotidien d'acheteur et de consommateur. Elle a du sens en tant qu'elle relocalise, crée des emplois dans les territoires ruraux, permet de développer des métropoles durables, avec de l'habitat durable. Nous touchons du doigt une filière qui mérite d'être développée. J'ai toute confiance dans le ministre pour atteindre cet objectif.

S'agissant des pellets, le ministre a rappelé leur utilité : comme dans le cochon, tout est bon dans l'arbre. Nous devons tout valoriser afin qu'il n'y ait pas de déchet. L'usine de pellets doit être non pas l'aboutissement de l'exploitation de très beaux arbres, mais le débouché des parties d'arbres qui ne pourraient pas servir d'éléments de construction ou de meubles. On trouve là une cohérence et des éléments de développement très intéressants avec l'arbre dans son entier.

Le sujet des coupes rases, auquel vous voulez ramener notre débat, n'est pas la question que nous nous posons maintenant. Il s'agit plutôt de définir ce que nous devons faire de notre forêt maintenant, à moyen et à long terme.

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Absolument pas. Je vous invite à devenir plus rural et à venir un peu en forêt, ce qui fait le plus grand bien.

Nous devons amener la sylviculture à évoluer progressivement. Les propriétaires forestiers réalisent des coupes rases non pour leur plaisir, mais en raison d'un modèle qui date effectivement d'un certain temps. J'ai des idées et des convictions sur le sujet, mais je sais surtout que nous pourrons obtenir des résultats progressivement, non en claquant des doigts. Nous allons conduire les propriétaires forestiers à prendre encore plus soin de l'environnement – ils le font déjà –, et à adopter la philosophie de ne pas placer tous leurs œufs dans le même panier.

Monsieur Bernalicis, faites confiance au dialogue que le ministre est en train d'ouvrir avec l'ensemble des propriétaires publics et privés, les syndicats, les chercheurs, les associations. Vous verrez alors ce qu'est la coconstruction.

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Contrairement à M. Bernalicis, nous faisons confiance au ministre. Nous sommes ravis que la forêt redevienne un enjeu majeur pour le Gouvernement.

(Applaudissements.)

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L'office a plusieurs fonctions : non seulement celle, régalienne, de contrôle, mais aussi industrielle et commerciale. C'est pourquoi il faut une pluralité de statuts, de formations, de compétences, pour mener les missions diverses qui en découlent.

La question du sens est au cœur du problème. La France a déchargé la question de la politique forestière sur l'office depuis des années : le pouvoir politique n'a pas défini de stratégie en la matière, en lien avec les partenaires, notamment les communes et la forêt privée. C'est de cela que nous souffrons.

Actuellement, nous constatons une volonté de redonner une stratégie forestière au pays, y compris dans l'évolution de la manière de faire. Il s'agit notamment de changer les pratiques en matière de biodiversité et d'en intégrer de nouvelles, comme de nouvelles approches – en termes de massifs, par exemple.

Il y a donc une volonté d'avancer. Nous ne sommes d'ailleurs pas en opposition sur tout ce qui a été dit. La filière elle-même opère une prise de conscience, face aux problèmes du scolyte, de la sécheresse et des changements climatiques qui obligent à entrer en action. Ce mouvement est en train de s'amorcer, l'État prenant toute sa place dans la réflexion globale avec la filière, les communes et l'ensemble des acteurs qui composent la forêt française.

C'est pourquoi nous devons ouvrir toutes les possibilités, assouplir les cadres pour que demain, ces choix puissent se traduire concrètement sur le terrain par des actions et la capacité de l'office de mettre en œuvre la politique qui sera déterminée en commun. Ce moment est donc important car il amorce un questionnement de fond sur l'évolution de la politique forestière de notre pays, sur ses ambitions et sa volonté de reconquérir des marchés.

La balance commerciale du secteur, je le rappelle, est très déficitaire, à hauteur de 6 milliards d'euros. Nous importons énormément, et parfois de très loin, ce qui pose des problèmes incommensurables à M. Bernalicis. Nous allons essayer de les régler. Je remercie à ce titre M. le ministre de l'initiative prise.

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Le plaidoyer de M. le ministre Julien Denormandie était parfait ! Je suis heureux qu'un ministre de l'agriculture s'intéresse à la forêt, au-delà des urgences agricoles ou de celles liées à l'élevage.

Je prendrai un seul exemple, celui d'un producteur de bois. Dans le centre de la France, si vous coupez une forêt puis la laisser repousser, la pression des grands cervidés est telle – ils broutent les petits arbres en permanence – qu'elle les empêche de repousser. Le seul qui repousse, c'est l'acacia car il a des épines. Sans action de l'homme, la forêt s'appauvrit donc et devient une forêt d'acacias. L'action de l'homme sur la forêt existe depuis cinq cents ans et elle est indispensable... Puis-je finir mon propos, monsieur Bernalicis ?

(Protestations dans la salle)

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Votre connaissance de la forêt est si faible que vous la compensez par un excès d'agressivité dans vos paroles ! C'est insupportable ! Il faut faire preuve de beaucoup de modestie car les problèmes de la forêt sont complexes. Le seul secteur où la forêt française est excédentaire, c'est celui de l'exportation de grumes brutes non transformées : on les envoie en Chine et on les fait revenir par conteneurs, en raison de l'absence d'une politique de développement de l'aval de la filière… Il faut un ministre qui s'y attelle et je salue le plaidoyer du ministre sur la forêt, car nous n'en avions pas entendu depuis longtemps !

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Monsieur le ministre, vous affirmez que vous ne laisserez jamais dire que, contrairement à vous, nous protégeons les agents. Il reste que, si cet article est adopté – et ce sera sans doute le cas en raison du fait majoritaire –, ce sera contre l'avis de l'ensemble des syndicats de l'Office national des forêts.

Or que font les agents de l'ONF ? Dans les années 2000, ils ont réalisé un travail remarquable sur le dépérissement. La forêt représente un enjeu majeur sur le long terme : c'est la meilleure façon de capter du carbone. Une coupe rase, ce n'est pas seulement des arbres coupés et une moindre captation de carbone, c'est aussi une modification des sols : un champ d'arbres n'est pas une forêt malgré vos affirmations ! Beaucoup de sylviculteurs en sylviculture douce soulignent que leur pratique est économiquement aussi intéressante qu'une sylviculture industrielle. Elle est surtout beaucoup plus intéressante sur le long terme, puisqu'elle ne détruit pas les sols, préserve la filtration d'eau et conserve plus longtemps le carbone.

Nous devons réussir à faire vieillir nos forêts. Mme Cattelot soulignait qu'il n'y a pas de déchets dans un arbre. À Cosne-sur-Loire, une usine fait des granulés avec des chênes centenaires : c'est une aberration quand on devrait les utiliser pour fabriquer du bois d'œuvre et investir pour que les première et deuxième transformations aient lieu en France ! En 1960, la France comptait 15 000 scieries, en 1980, il n'y en avait plus que 5 000 et aujourd'hui, on en dénombre seulement 1 500. C'est le résultat de cette absence d'investissements !

Nous avons impérativement besoin de personnes qui connaissent la forêt, qui l'observent tous les jours, afin de faire face au dépérissement, aux maladies, etc., car il n'existe pas de solution magique. Les forestiers le disent souvent : lorsqu'on plante, on s'est planté !

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Même si les jeux sont quasiment faits, je tenais à apporter une précision, à exprimer un regret et à formuler un vœu.

J'ai pris ma calculatrice et me suis amusé à comparer les équivalents temps plein (ETP) affectés respectivement à la forêt hexagonale française et à la forêt guyanaise : le ratio est de 840 ETP par million d'hectares pour l'Hexagone et de 16,6 ETP par million d'hectares en Guyane. Alors que la forêt guyanaise est deux fois plus importante que celle de France hexagonale, en termes d'ETP, le rapport est de 1 à 50 ! Cela vous permet de mieux comprendre pourquoi je vous invite à la prudence et plaide pour que la Guyane soit dotée des moyens dont elle a besoin !

Ensuite, monsieur le ministre, compte tenu de l'actualité, je regrette votre référence à Colbert. Lors de la rédaction du code noir, il avait indiqué que pas un clou ne devrait sortir des colonies… C'est un assemblage malheureux et que j'espère fortuit.

Enfin, pourriez-vous vous engager à renforcer les effectifs de l'ONF en Guyane ? C'est une nécessité absolue pour préserver la forêt guyanaise. J'espère que vous entendrez ce cri du cœur : le Gouvernement doit accorder à ce territoire les moyens dont il a besoin pour avancer.

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Julien Denormandie, ministre

Si je cite Colbert, c'est parce que beaucoup de forêts ont été plantées à cette époque, dans une logique industrielle et militaire. Après-guerre, on a semé de nouveaux types d'arbres – douglas, épicéas – pour faire face à la reconstruction car il fallait une essence qui pousse vite.

La beauté de la forêt, c'est d'imaginer à quoi vont servir les arbres que l'on va planter dans trente, cinquante ou quatre-vingts ans – en fonction de l'essence. Il nous faut trouver des essences qui répondent à deux objectifs : elles devront fournir la construction et résister à la sécheresse.

Madame Panot, les seuls chênes qui servent à fabriquer des pellets ou des granulés sont ceux qui n'ont pas été cultivés ! En effet, la grume ne peut être utilisée en construction ou en ameublement quand elle contient des nœuds. Comment les éviter ? En élaguant pendant toute la période où l'arbre grandit ! La grume n'est pas non plus utilisable lorsque l'arbre n'a pas poussé droit et cela arrive quand la forêt est trop dense, l'arbre ne pouvant alors monter vers la lumière. C'est donc bien l'intervention des ingénieurs et des techniciens forestiers qui permet de l'éviter et c'est précisément pour cela que la forêt se cultive !

Vous faites de beaux bilans écologiques et vous nous expliquez que celui d'un « champ d'arbres » serait inférieur à celui d'une forêt. Mais, dans ce bilan, prenez-vous en compte la moindre utilisation de béton dans la construction ou la rénovation grâce à ce champ d'arbres ? Si votre raisonnement s'arrête aux bornes de la parcelle, il n'est pas valide !

La commission rejette ces amendements.

Elle passe à l'amendement n° 570 de Mme Émilie Cariou.

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Je suis désolée, je vais ajouter ma pierre au débat sur la forêt et l'ONF. Je suis élue d'une des circonscriptions les plus forestières de France, circonscription qui porte également tous les stigmates des errements du siècle précédent : la pollution post-industrielle, à laquelle j'ai tenté de sensibiliser Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher, en soulignant l'importance de conserver des autorisations préalables – mais, visiblement, cela n'a eu aucun effet –, ainsi que les stigmates de la première guerre mondiale. En effet, à l'issue de cette dernière, dans la zone rouge qui a connu plusieurs centaines de milliers de morts durant la bataille de Verdun, on a planté une forêt de résineux, désormais centenaire, qui a également servi de dédommagement de guerre.

Enfin, cette circonscription subit les effets du réchauffement climatique. D'ailleurs, monsieur le ministre, je vous ai invité il y a peu car on ne s'attendait pas à subir la sécheresse et ses conséquences en Meuse…

Pourquoi Mme Anne-Laure Cattelot est-elle venue dans ma circonscription ? C'était notre dernière sortie avant le confinement et elle a été impressionnée par les travaux menés par l'ONF et par le professionnalisme de ses agents. Nous avons également rencontré tous les propriétaires privés de la forêt meusienne. Depuis le début de mon mandat, je suis très investie sur la forêt et la filière bois qui doit faire vivre la forêt, dans une optique d'exploitation durable. L'année dernière, à la commission des finances, au titre de l'article 58‑2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), j'ai demandé une enquête de la Cour des comptes visant à rénover l'ensemble des dispositifs publics de soutien à la forêt et à la filière bois. L'étude constitue un important travail de fond et, pour une fois, la Cour des comptes conclut qu'il faut mettre de l'argent dans le traitement, le reboisement et le repeuplement de la forêt.

C'est un enjeu fondamental pour nos territoires et pour la planète, mais aussi pour la filière, qui devrait mieux vivre. Actuellement, la forêt est exploitée et coupée à foison avant de partir aux Pays-Bas, puis en grumes vers la Chine avant de revenir en meubles. Le fonctionnement de la filière est donc défectueux. Le sujet, global, est néanmoins trop vaste pour être abordé lors de nos débats de ce soir. Cela étant, commencer à le traiter par une réforme par ordonnance de l'ONF ne me paraît ni raisonnable, ni à la hauteur des enjeux.

Mon amendement est plus ciblé que les précédents. Nous ne souhaitons pas de réforme de l'ONF par ordonnance. Laissons-nous le temps de la réflexion. Il faut présenter un projet de loi et en discuter avec les parlementaires.

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Je ne vais pas rouvrir le débat que nous avons tenu pendant plus d'une heure. J'y suis défavorable.

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Julien Denormandie, ministre

Même avis.

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Il est dommage que Mme Cariou, qui a défendu un amendement, ne bénéficie d'aucune réponse…

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Monsieur Bernalicis, les amendements de suppression nous ont permis de débattre pendant une heure, comme dans le cadre d'une discussion générale. Toutes les questions posées ont fait l'objet de réponses.

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Il ne s'agit pas de questions au Gouvernement ! J'émets une opinion et j'apporte des arguments. Je vais le refaire puisque, visiblement, je n'ai pas été bien compris par le ministre : il pense que nous ne voulons pas d'agents dans les forêts, que nous plaidons pour que ces dernières poussent librement, sans que personne ne prélève de bois et que nous souhaitons la destruction de notre filière bois.

Il a tout faux ! Je suis pour qu'il y ait des agents publics de l'ONF, plus nombreux qu'aujourd'hui, en forêt. Je souhaite qu'ils accompagnent aussi la forêt privée car cela fait partie de leurs missions, qu'ils ne peuvent accomplir faute d'effectifs. Je suis pour davantage d'interventions humaines en forêt, avec tout ce que cela implique d'intelligence collective et d'intelligence individuelle. Ceux qui ont les compétences savent quelles jeunes pousses il faudra couper et lesquelles il faudra laisser progresser en fonction de ce qu'on envisage de récolter pour alimenter les scieries et la filière en bois de construction.

Le problème ne vient pas du fait que l'on plante des douglas sur le plateau de Millevaches, mais du fait qu'on les coupe trop jeunes ! Il faudrait les laisser vieillir plus longtemps pour qu'ils emmagasinent plus de carbone avant de devenir du bois de construction. Ainsi, le carbone serait définitivement stocké. À force de planter et de couper, vous vous plantez – Mme Panot l'a souligné – mais surtout, le bilan écologique est moins bon que lorsque les arbres sont récoltés à maturité.

Même la forêt privée est capable de passer à la sylviculture douce. Nous avons visité une exploitation en futaie irrégulière dans une forêt à couvert continu, qui récoltait différentes essences en fonction des besoins et des commandes. Ses propriétaires savaient donc faire et cette forêt est rentable, plus rentable que celle d'un propriétaire qui fait une coupe rase, prend le pognon et n'aura plus une seule rentrée d'argent tant que les arbres n'auront pas repoussé ! Le modèle économique dominant est surprenant : beaucoup de propriétaires privés héritent d'une forêt, coupent tout et revendent leur terrain car ils ne savent plus quoi faire de cette forêt. Vous passez à côté de la forêt !

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Monsieur Bernalicis, depuis le début de nos débats, je donne la parole à tout le monde, sans limitation de temps. Jusqu'à présent, nos débats étaient apaisés, argumentés et chacun a pu s'exprimer. Si vous commencez à parler longuement sans développer de nouveaux arguments, je vais devoir limiter le temps de parole. Ce serait dommage.

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Je n'ai que peu participé au débat, j'aurais donc aimé que le ministre me réponde sur la nécessité de procéder à cette réforme par ordonnance.

Avec la sécheresse, les scolytes et toutes les espèces invasives ont proliféré. En outre, les coupes rases posent des problèmes environnementaux. Ce projet de loi va encore déréguler le secteur mais, selon l'exécutif, tout va bien ! Quelle urgence y a-t-il à réformer l'ONF par ordonnance ? Pourquoi se priver d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État ? Chers collègues, pourquoi vous dessaisir de votre pouvoir de débattre d'un projet de loi, de permettre le dialogue social avec les syndicats, mais aussi tous les partenaires de la forêt, y compris privés, qui peuvent interagir avec l'ONF, et les collectivités locales, l'ONF étant un acteur essentiel de gestion des forêts communales ?

Monsieur le ministre, je suis déçue par votre réponse. Je parle respectueusement et n'agresse personne, mais je souhaite des explications.

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Nous parlons de la forêt depuis une heure et quart et c'est très bien. Nous sommes donc parfaitement éclairés et conscients de l'urgence à agir. Cette dernière nous impose précisément de ne pas prendre davantage de temps pour proposer un projet de loi que nous ne pourrons pas forcément examiner avant la fin de la mandature. C'est pourquoi nous voterons contre votre amendement, l'ordonnance nous semblant le meilleur moyen d'atteindre l'objectif que nous poursuivons manifestement tous.

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Julien Denormandie, ministre

Je ne voudrais surtout pas que Mme Cariou prenne ombrage de ma réponse. Nous nous connaissons : elle sait que je prends toujours soin de répondre – j'ai d'ailleurs parfois été critiqué pour la longueur de mes réponses ! – et que j'attache une immense importance au débat parlementaire. Mais nous devons agir rapidement. Bien sûr, nous pourrions réfléchir à une grande loi forestière et débattre dans l'hémicycle pendant des heures et des heures de la forêt. J'en serai ravi, mais il n'a échappé à personne que l'agenda législatif est un peu dense…

Vous avez raison, madame la députée, nos forêts pâtissent d'une importante sécheresse et le sujet est peu connu. Vous avez parlé des scolytes ; j'évoquerai les frênes qui nécessitent beaucoup d'eau et subissent actuellement un véritable cataclysme, manifestation concrète de la sécheresse. Les 150 millions d'euros du plan de reboisement visent justement à permettre à la forêt de lutter contre les effets du changement climatique, en replantant des espèces plus résistantes au manque d'eau.

La commission rejette l'amendement.

Elle passe à l'amendement n° 474 de M. Gabriel Serville.

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Il s'agit de supprimer l'alinéa 7 qui prévoit de confier à des salariés de droit privé toutes les missions de l'Office national des forêts, y compris celles de police judiciaire et du service public administratif.

Il ne s'agit pas de remettre en cause la possibilité pour l'ONF d'employer des salariés contractuels, ni d'entraver les possibilités de déroulement de carrière pour ces derniers. Les députés de la Gauche démocrate et républicaine ne sont pas opposés au recrutement de salariés sur des postes jusque-là occupés par des fonctionnaires, mais ils doivent pouvoir continuer à se voir proposer la titularisation et l'attribution du statut de fonctionnaire qui, seul, garantit la protection des personnels et l'application des textes visant à protéger les forêts en toute impartialité et en toute indépendance.

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Je l'ai déjà évoqué, l'ONF est chargé de faire appliquer la loi dans les forêts publiques. Il faut que les agents, publics comme privés, puissent constater les infractions, sans quoi les forêts seront exposées à l'impunité des contrevenants. L'ONF recrute déjà des personnels sous statut privé. Ils doivent disposer des mêmes pouvoirs que les fonctionnaires en place. Sur le terrain, il serait dommageable qu'ils ne puissent pas constater les infractions dont ils auraient été témoins.

Outre les infractions au code forestier, les agents doivent aussi pouvoir sanctionner les atteintes au code de l'environnement et de l'urbanisme. Or nombre d'infractions sont de nature pénale.

Votre objection a également été soulevée lors de l'audition de l'intersyndicale. Je le répète, des missions de police sont d'ores et déjà confiées à des agents sous statut privé dans d'autres secteurs, comme à la SNCF ou la RATP. Je suis donc défavorable à votre amendement.

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Julien Denormandie, ministre

Même avis, pour les mêmes raisons.

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Personne n'est opposé au recrutement de contractuels pour des besoins spécifiques ou des missions ponctuelles – le statut de la fonction publique le prévoit depuis l'origine. Mais le statut de la fonction publique, comme notre bloc de constitutionnalité, disposent qu'un besoin d'intérêt général permanent doit être pourvu par des personnes disposant du statut de fonctionnaire, qui les protège des intérêts privés ou d'un changement inopiné de situation. Je ne dis pas qu'un salarié du secteur privé ne peut pas défendre l'intérêt général – ce dernier peut se confondre avec l'intérêt particulier – mais, quand vous êtes fonctionnaire, c'est votre façon de voir les choses. En conséquence, je suis opposé au fait que les agents de sûreté de la RATP et de la SNCF soient des contractuels. Cela doit revenir dans le giron du service public !

Vous démantibulez tout, vous détricotez tout et, ensuite, vous organisez des colloques et des missions d'information sur le continuum de sécurité, plaidez pour plus de cohérence, pour une reprise en main et vous vous interrogez sur la déontologie ! Mais il y a une force dans le statut de la fonction publique que, quelle que soit la bonté, la générosité, les compétences des personnes sous statut privé, vous ne retrouverez jamais.

Quel dogmatisme éclairé ! Allez-y, si les salariés de droit privé sont si exceptionnels, proposez le changement de statut ! Dites aux fonctionnaires de l'Assemblée nationale de devenir contractuels de droit privé. Dites-le à tous les agents des ministères. Souplesse, agilité, flexibilité, on connaît vos recettes ! Mais seul le statut de la fonction publique permet de préserver l'intérêt général et d'envisager le temps long, et c'est encore plus vrai en forêt.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements n° 142 et n° 141 de Mme Cécile Untermaier ainsi que l'amendement n° 686 du rapporteur.

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L'amendement n° 142 des députés socialistes et apparentés vise à restreindre l'habilitation du Gouvernement à étendre par ordonnance les possibilités de recrutement d'agents de droit privé au sein de l'ONF, pour en exclure les missions de police. En effet, il ne nous paraît pas souhaitable que des agents de droit privé puissent exercer des missions de constatation d'infractions, même dans le cadre plus strict prévu par nos collègues sénateurs. Cette analyse s'inscrit dans une réflexion plus large sur l'importance de conserver un service public de la forêt, et donc des personnels fonctionnaires formés pour remplir l'ensemble des missions déléguées à l'ONF.

Au-delà d'une question de coût des recrutements, le fait de favoriser les contrats de droit privé a un impact sur la façon dont l'ONF peut répondre à ses missions économiques, sociales et environnementales. De par leur statut, les fonctionnaires sont moins perméables aux pressions auxquelles ils font face de façon accrue ces dernières années. Ces pressions réorientent majoritairement l'action des agents de l'ONF vers la dimension économique. Afin de remplir convenablement les différentes missions qui leur incombent et pour s'opposer à une logique de rentabilité de nos forêts, l'ONF doit demeurer un service public. Le recrutement de personnels est indispensable et le statut des agents fonctionnaires est davantage en adéquation avec les missions attendues, notamment lorsqu'il s'agit de remplir des missions de police.

L'amendement n° 141 est de repli. Il vise à restreindre l'habilitation du Gouvernement à étendre par ordonnance les possibilités de recrutement d'agents de droit privé au sein de l'ONF, pour en exclure les missions de police visant à constater des infractions relevant d'un délit ou un crime.

Il ne nous paraît pas souhaitable que des agents de droit privé exercent des missions de constatation d'infraction, même dans le cadre plus strict prévu par nos collègues sénateurs, d'autant que soixante-dix-huit de ces infractions pour lesquelles les agents de l'ONF sont aujourd'hui assermentés sont des délits et une, l'incendie volontaire, est un crime.

Si l'amendement n° 142 venait à être rejeté, il nous paraît essentiel que les infractions relevant d'un délit ou d'un crime ne puissent être constatées par un agent de droit privé.

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L'amendement n° 686 vise à supprimer le mot « forestières » à l'alinéa 3. Le champ de cet article a été limité au Sénat afin que les agents contractuels de droit privé ne puissent constater que les infractions forestières. Ils n'auront donc pas la possibilité de constater celles relatives au code de l'environnement, au code pénal, au code général des collectivités territoriales, au code de l'urbanisme, au code de la santé publique ou au code de la route. Cette limitation est dommageable pour la répression de certaines infractions portant atteinte aux milieux forestiers et à la biodiversité, mais aussi peu rationnelle en termes de coût pour l'ONF. Voilà pourquoi je souhaite que toutes les infractions puissent être sanctionnées.

Madame Jourdan, s'agissant de l'amendement n° 142, il faut que les agents puissent sanctionner les infractions en forêt en application de tous les codes – c'est le sens de mon amendement. S'agissant de l'amendement n° 141, il serait curieux que les agents sous statut privé soient empêchés de constater des délits ou des crimes : ils pourraient alors être témoins de coupes illégales, de dégradation des forêts, de la circulation illégale de véhicules ou d'un incendie volontaire – un crime –, sans rien pouvoir faire !

Mon avis sera donc défavorable sur les deux amendements.

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Julien Denormandie, ministre

Je suis favorable à l'amendement n° 686 du rapporteur, et défavorable aux amendements n° 142 et n° 141, pour les mêmes raisons que le rapporteur.

La commission rejette les amendements n° 142 et n° 141, puis elle adopte l'amendement n° 686.

Elle en vient à l'amendement n° 631 du Gouvernement.

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Julien Denormandie, ministre

Il s'agit de supprimer les alinéas 4 et 9 qui habilitaient le Gouvernement à modifier la composition du conseil d'administration de l'ONF par ordonnance afin d'y faciliter la prise de décision.

Les débats au Sénat ont fait apparaître beaucoup d'interrogations concernant la représentation des collectivités locales au sein de l'ONF, représentation à laquelle je suis particulièrement attaché. En effet, l'ONF gère des surfaces considérables pour le compte des collectivités – notamment des communes forestières.

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C'est un peu regrettable, compte tenu des recommandations du rapport des inspections qui relevait les problèmes de dialogue au sein du conseil d'administration qui réunit aujourd'hui de très nombreux acteurs. Leur proposition de nommer des administrateurs indépendants, dotés d'une expérience de direction d'entreprises ou d'administration de sociétés, aurait été intéressante. Mais ce renoncement à réformer le conseil d'administration est parfaitement compréhensible au vu des réactions suscitées au Sénat et à l'Assemblée, comme en témoignent les amendements déposés sur cet alinéa. J'émets donc un avis favorable.

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Je suis favorable à l'amendement, mais nous aurions pu aller au-delà : vos arguments s'appliquent à toute l'habilitation à légiférer par ordonnances qui crée beaucoup d'incompréhension, monsieur le ministre.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, les amendements n° 206 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier, n° 377 de M. Dimitri Houbron et n° 476 de M. Gabriel Serville tombent.

La commission examine ensuite l'amendement n° 571 de Mme Émilie Cariou.

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Le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi une habilitation à réformer par ordonnances le réseau consulaire des chambres d'agriculture.

L'année dernière, elles ont fait l'objet de nombreuses discussions en projet de loi de finances. À l'issue de ces discussions, une mission d'information a été créée. Il est regrettable de les réformer par ordonnances, alors que les dernières réformes des chambres consulaires ont été réalisées par voie législative.

Il s'agit de sujets extrêmement sensibles, dans le droit fil de nos débats sur la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM. Dans l'accompagnement de notre agriculture vers des modèles plus respectueux de l'environnement, l'apport parlementaire est essentiel, y compris s'agissant de la réforme des missions des chambres d'agriculture. Si elle doit être mise en œuvre, qu'elle le soit après un débat parlementaire en bonne et due forme !

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. Je ne partage pas votre opposition de principe : les chambres d'agriculture elles-mêmes souhaitent être associées à la rédaction des ordonnances qui les concernent. Elles les attendent. Je trouve dommage que vous n'ayez pas assisté à notre audition des chambres d'agriculture, il y a deux semaines. Les auditions étaient ouvertes à tous les membres de la commission spéciale.

Au fil des lois, on ne cesse de leur confier de nouvelles missions, notamment en matière de transformation écologique. Donnons-leur les moyens organisationnels d'assurer au mieux ces missions, avec le souci de la rationalisation des moyens et de la mise à jour des statuts.

Enfin, la ratification des ordonnances fait l'objet d'un examen au Parlement : c'est alors l'occasion de déposer des amendements pour modifier directement dans le code rural le résultat des choix gouvernementaux.

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Julien Denormandie, ministre

Ces propositions de légiférer ont été longuement discutées avec le réseau des chambres, sur la base de nombreux travaux. J'ai de l'ambition pour les chambres d'agriculture. Grâce à elles, nous disposons d'un maillage territorial très puissant sur lequel nous allons pouvoir nous appuyer pour décliner le volet agricole du plan de relance. Elles ont aussi un rôle très important pour accompagner les transitions.

Cela passe par deux outils : l'organisation – objet de deux amendements à venir – et les moyens financiers. J'ai connaissance des débats de l'an passé sur le budget des chambres. Nous en avons longuement discuté ensemble et le ministre du budget l'a confirmé il y a quelques heures, les chambres ne connaîtront pas de baisse de leur budget. Nous leur donnons ainsi les moyens d'accompagner ces transitions et le déploiement du plan de relance.

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Peut-être ai-je mal compris mais je crains qu'une telle approche ne fasse jurisprudence. Cela signifierait que d'autres corps constitués, ou d'autres organisations, pourraient insister pour que les modifications les concernant passent par voie d'ordonnance. Ainsi, nous, parlementaires, accepterions-nous de nous décharger de vos obligations et de notre fonction de législateur pour laisser les autres faire le travail à notre place ? Si j'ai bien compris vos propos, je suis perplexe !

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Monsieur le rapporteur, vous avez auditionné les chambres, c'est très bien. Mais nous les avons tous auditionnées ! Bien sûr, les syndicats professionnels, les réseaux consulaires, les lobbies influent sur la rédaction des ordonnances – je le sais pour avoir rédigé des ordonnances quand je travaillais avec M. Julien Denormandie au sein de cabinets ministériels. Mais il ne s'agit pas là de débats démocratiques, ni du débat transparent que nous souhaitons devant la représentation nationale. Tous ces dispositifs concourent à affaiblir le Parlement, la représentation nationale issue du scrutin et du vote républicain. On nous sert « la République » à longueur de temps mais, là, on l'affaiblit !

Quand on rencontre des représentants des chambres d'agriculture, on rencontre aussi tous les syndicats agricoles, y compris ceux qui sont minoritaires ; on rencontre également les associations environnementales et tous ceux qui ont un mot à dire sur la transition écologique et la transition de notre modèle agricole. On le fait au Parlement, lors d'auditions publiques, et un compte rendu permet de consigner les propos tenus durant l'audition.

Nous demandons des réformes par voie législative. Quand des ordonnances visent à transposer rapidement des dispositions déjà négociées pendant dix ans, on peut éventuellement le concevoir, même si la façon dont se négocient nos traités internationaux ou nos directives n'est pas très démocratique. En revanche, vous affaiblissez la démocratie et la République en faisant de la création législative par ordonnance. Ce n'est pas raisonnable ! En réformant les chambres d'agriculture aux forceps par ordonnance, vous aurez beaucoup de problèmes…

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Madame Cariou, les auditions étaient ouvertes à tous et publiques, et je ne vous ai pas vue à une seule de ces réunions, pas plus que M. Bernalicis. Je vais le dire calmement mais, ici, des collègues ont travaillé du lundi au vendredi, pour entendre tous les acteurs. Pas une seule fois vous n'étiez présente !

Et vous arrivez, ce soir, avec vos certitudes et votre science alors que vous n'avez pas participé à une seule audition ! Un peu d'humilité ! Vous aviez l'occasion de poser les questions que vous souhaitiez à tout le monde, puisque tout le monde a été auditionné et a pu s'exprimer, transmettre des contributions écrites et répondre à toutes les questions des parlementaires – et il n'y avait pas que des parlementaires de la majorité.

(Protestations parmi les députés de La France insoumise.)

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Monsieur Bernalicis, je refuse de répondre à vos provocations. C'est votre technique pour endiabler la séance, mais cela ne marchera pas ! (Protestations) Continuez, interrompez‑moi à chaque mot, hurlez, monopolisez la parole, cela ne me perturbe absolument pas et je continuerai à dérouler mes arguments. Vous en ferez ce que vous voulez ; je suis là pour essayer de vous éclairer. Vous ne m'entraînerez pas dans un débat de mauvaise qualité. J'ai auditionné, rédigé un rapport, fait mon boulot, en y ajoutant ce que je savais du fait de mon expérience de terrain, qui n'est pas celle d'un technocrate. J'ai travaillé dans le secteur privé pendant huit ans avant d'être député. J'ai été salarié, j'ai gagné ma vie à la sueur de mon front et je n'ai aucune leçon à recevoir sur la vraie vie !

Madame Cariou, quand vous étiez en cabinet ministériel, aucune ordonnance n'a-t-elle été adoptée ? C'est un outil constitutionnel, dont la procédure est claire. Soyez cohérente ! Vous affirmez que ce n'est pas démocratique et que cela ne respecte pas la République et la démocratie. Il faut faire attention aux mots qu'on emploie : nous sommes dans un cadre parfaitement démocratique et la procédure est encadrée par la Constitution. La position de principe consistant à s'opposer aux ordonnances parce que c'est une atteinte aux droits du Parlement est un peu facile.

Enfin, j'ai donné des avis favorables – parfois contre l'avis du Gouvernement – aux amendements de collègues visant à développer le contrôle parlementaire. Je fais donc mon travail. Mais une heure et demie de propos choquants, d'attaques et de leçons de morale, ça commence à bien faire !

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Monsieur le rapporteur, vous reprochez à une élue de la nation de « ramener sa science ». Vous pouvez tenir toutes les auditions que vous voulez – il est d'ailleurs important de le faire –, il n'en reste pas moins que l'ordonnance est un moyen de saborder notre pouvoir de parlementaire. Je ne dis pas que vous ne faites pas votre travail, mais il faut engager un vrai débat sur l'ONF et non pas se contenter d'un article noyé dans la masse du texte, qui plus est pour habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances. La discussion doit avoir lieu de manière transparente en notre sein. Chaque élu a son mot à dire, qu'il ait ou non participé aux auditions. Aucun élu de la Nation n'étale sa science. Ce n'est pas manquer d'humilité : nous accomplissons notre travail de parlementaire. Un parlementaire a le droit de dire ce qu'il veut ; pour ma part, j'affirme que le recours aux ordonnances, sur l'ONF comme sur les chambres d'agriculture, entraîne un dessaisissement du pouvoir parlementaire.

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Je vais devoir établir des règles : nous allons limiter le débat à une intervention par groupe, qui ne pourra excéder une minute.

La commission rejette l'amendement.

Elle en vient aux amendements n° 633 et n° 632 deuxième rectification du Gouvernement.

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Julien Denormandie, ministre

Ces amendements ont pour objet de compléter le champ de l'habilitation. L'amendement n° 633 vise à rétablir la rédaction originelle du deuxième alinéa du I, qui a été modifiée par le Sénat. Il s'agit de préciser que le rapprochement entre les règles applicables aux agents des chambres d'agriculture et celles du code du travail n'est pas laissé à l'initiative du réseau et vaut aussi pour les agents des organisations interétablissements du réseau – autrement dit, des agents des établissements publics créés entre plusieurs chambres d'agriculture. Il convient également de supprimer les mentions à l'organisation et aux missions des autres établissements du réseau, qui peuvent faire obstacle à une harmonisation des conditions d'emploi et de travail. In fine, cet amendement vise à harmoniser la gestion du personnel des établissements, comme le souhaite l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, par cohérence avec les orientations déjà adoptées pour les autres réseaux consulaires.

L'amendement n° 632 deuxième rectification élargit le champ de l'habilitation pour autoriser les chambres régionales d'agriculture à mettre en place de nouveaux schémas d'organisation au sein du réseau des chambres d'agriculture, par la création de chambres de région, auxquelles seraient rattachées des chambres dites « territoriales », dépourvues de personnalité juridique. Alors qu'il existe à l'heure actuelle plusieurs types d'organisation, ces besoins ont été identifiés au sein du réseau des chambres d'agriculture afin de mutualiser des missions. C'est une possibilité donnée au réseau des chambres, à charge pour elles, si elles le souhaitent, de faire vivre ces structures. Je suis très attaché à une approche territoriale, notamment départementale, mais ces schémas dépendent de l'intelligence collective au niveau local. C'est au réseau des chambres de le décider.

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La disposition que tend à rétablir l'amendement n° 633 vise à préciser que le rapprochement des règles applicables aux agents et des dispositions du droit du travail ne se fait pas à l'initiative du réseau. En effet, l'expérience nous a montré l'inefficacité de ce système. La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a créé la Commission nationale de concertation et de proposition (CNCP), qui « examine toutes questions relatives aux conditions d'emploi, de travail et de garanties sociales des personnels des chambres d'agriculture ». Cette instance est chargée de transposer dans le statut du personnel les dispositions du code du travail, lorsqu'elles peuvent l'être. Or le statut n'a quasiment pas évolué. Avis favorable sur l'amendement n° 633. J'en profite pour poser une question au Gouvernement : que deviendrait la CNCP ?

S'agissant de l'amendement n° 632 deuxième rectification, la création de chambres territoriales d'agriculture est une demande des chambres d'agriculture, qui souhaitent disposer d'une structure intermédiaire entre la chambre départementale et la chambre régionale, exerçant des missions spécifiques et dépourvue de la personnalité juridique. Il s'agit de mettre à disposition des employés pour accomplir une ou plusieurs missions en mettant en commun des moyens. L'action des chambres d'agriculture gagnerait en efficacité et le maillage territorial, auquel nous sommes tous attachés, serait préservé. Cela irait dans le sens d'une meilleure efficacité de l'action publique. Avis favorable sur l'amendement n° 632 deuxième rectification.

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S'agissant de l'amendement n° 632 deuxième rectification, il me semble que, dans la rédaction du a), il faudrait adopter l'ordre inverse. Ce ne sont pas les chambres régionales d'agriculture qui devraient faire des propositions aux chambres départementales, puisque l'échelon issu du scrutin démocratique professionnel est l'échelon départemental. C'est à mes yeux une erreur rédactionnelle majeure qui suscitera, à coup sûr, la bronca des chambres départementales – à moins qu'il n'y ait un dessein caché.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu affirmer votre attachement à l'échelon territorial, mais celui-ci n'existe que s'il est incarné politiquement et techniquement. Or, on crée une entité territoriale dépourvue de personnalité juridique, ce qui constitue, à mes yeux, un problème.

On peut procéder par ordonnance – je ne m'y opposerai pas. Toutefois, il aurait été adroit de procéder à cette différenciation territoriale dans le projet de loi relatif à la décentralisation, à la déconcentration et à la différenciation (3D), ce qui nous aurait laissé le temps d'attendre le rapport et de légiférer dans de meilleures conditions sur les missions du réseau des chambres, qui ont une importance majeure pour la transition écologique.

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Il n'y en avait pas assez dans le projet de loi, il vous faut ajouter de nouveaux paragraphes habilitant le Gouvernement à aller encore plus loin. C'est déplorable. Par ailleurs, notre collègue vient de relever que la rédaction proposée laissait à désirer. Les chambres d'agriculture ont-elles véritablement appelé cette mesure de leurs vœux lors des auditions ? S'agit-il uniquement des chambres régionales ? Je ne sais pas qui vous avez auditionné mais, manifestement, ce n'est pas encore clair pour tout le monde.

Monsieur le président, je veux bien qu'on s'emballe – je suis moi-même très souvent insupportable, comme beaucoup le font remarquer –, mais, contrairement à Mme Sophie Beaudoin-Hubière, je ne traite pas mes collègues de « connard ». Il serait bon de faire un rappel à l'ordre, afin d'éviter qu'on puisse s'insulter à notre guise.

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Les dispositions proposées concernant le statut des salariés des chambres d'agriculture répondent à une véritable attente. Il y a en effet autant de statuts que d'organismes. Il me paraît bienvenu d'établir des rapprochements, de moderniser le statut pour permettre des avancées – par exemple, l'institution de la mobilité entre les chambres, ce qui renforcerait l'esprit de corps.

Je suis plus dubitatif sur la réorganisation territoriale. Les agriculteurs, contrairement aux membres des autres chambres consulaires, sont très attachés à leurs représentants locaux, à l'échelon départemental. Si on peut concevoir des réorganisations régionales, et plus encore une harmonisation nationale pour des services support, des formations ou les systèmes informatiques, je suis perplexe s'agissant de rapprochements régionaux. Prenons l'exemple de la Nouvelle-Aquitaine : la diversité des cultures des Pyrénées-Atlantiques et de la Vienne, distantes de 500 kilomètres, me conduit à m'interroger sur la perspective proposée.

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Monsieur le rapporteur, je suis désolée que vous ayez pris ombrage de mes propos, mais je ne parlais ni de vous ni des auditions que vous avez menées : j'évoquais le problème institutionnel de la législation par ordonnance. J'ai présenté ce matin un rapport d'information sur l'application de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, qui a nécessité de nombreuses auditions. Quand vous avez effectué vos auditions, j'en tenais d'autres de mon côté – je ne suis pas la seule dans ce cas. Il n'y a aucune raison de me dire que je ramène ma science, alors que, en ma qualité de rapporteure spéciale sur le budget de l'agriculture, j'ai mené des auditions, pendant plusieurs dizaines d'heures, avec M. Hervé Pellois, député de la majorité, qui peut l'attester. J'ai beaucoup travaillé sur les chambres d'agriculture, par exemple l'année dernière avec Mme Verdier-Jouclas. Il me paraît inutile de porter ce genre d'attaques. Je dis au Gouvernement – et non à vous, monsieur le rapporteur – que le recours aux ordonnances pose problème. En votre qualité de parlementaire, vous devriez prendre un peu de distance vis-à-vis du Gouvernement. Le parlementaire a un rôle qui lui est propre, distinct de celui de l'exécutif. Que ce dernier veuille faire passer ses ordonnances, c'est une chose, mais le Parlement doit défendre ses prérogatives.

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Je ne crois pas vous avoir manqué de considération. En tout état de cause, je respecte vos travaux, votre expérience, vos connaissances, tout comme votre indépendance d'esprit et votre liberté de jugement et de vote. Je souhaite qu'on ait une discussion apaisée. C'était le cas jusqu'à présent.

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Julien Denormandie, ministre

Je voudrais répondre aux interrogations qui ont été formulées sur la rédaction de l'amendement n° 632 deuxième rectification. Je suis très attaché à l'échelon territorial, notamment départemental. Je voudrais lever toute ambiguïté en vous répondant de manière très précise, monsieur Venteau. Cela n'apparaît pas dans le texte, mais le a) du 5° décrit les conditions dans lesquelles les chambres régionales d'agriculture peuvent proposer à des chambres départementales et à des chambres interdépartementales la création d'une chambre d'agriculture de région. L'article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que le réseau des chambres d'agriculture « comprend également des chambres interdépartementales […] et des chambres d'agriculture de région créées, après avis concordants des chambres d'agriculture concernées […] ». Je m'engage, messieurs les députés – vous avez été deux à soulever cette question – à travailler avec vous à la rédaction d'un amendement qui préciserait cela et que vous pourriez éventuellement présenter. Nous entendons conférer la possibilité aux territoires qui le souhaitent de créer des chambres de région, mais en aucun cas imposer à des territoires ou à des chambres départementales de suivre cette voie s'ils y étaient opposés.

La commission adopte successivement les amendements.

Elle examine les amendements identiques n° 155 de M. Jean-Marie Fiévet, n° 200 de Mme Delphine Bagarry et n° 434 de M. Pierre Venteau.

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L'article 33 accordant une habilitation au Gouvernement pour modifier l'organisation de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, il est essentiel que les parties prenantes, notamment les organisations syndicales des salariés et des employeurs, soient consultées dans le cadre de l'élaboration de la future ordonnance

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L'article 33 accorde une habilitation au Gouvernement pour modifier par voie d'ordonnance « la dénomination de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, compléter ses missions et compétences relatives à l'animation du réseau des chambres d'agriculture et des organismes interétablissements du réseau […], y compris en matière de gestion des personnels, et modifier en conséquence les missions des autres établissements ». Cette ordonnance ouvre la porte à des modifications profondes dans le fonctionnement, l'organisation, les relations entre les établissements du réseau, mais aussi dans les missions et les activités de chaque établissement. Cette évolution affectera vraisemblablement l'organisation du travail et les conditions de travail des salariés, d'autant plus que l'habilitation vise spécifiquement la gestion des personnels. Au regard des enjeux et des changements majeurs que cela induira concernant le fonctionnement du réseau, l'organisation du travail, les conditions d'emploi et de travail ainsi que le dialogue social, il est indispensable que les parties prenantes, organisations syndicales de salariés et d'employeurs, soient associées à l'élaboration de l'ordonnance. Tel est l'objet de cet amendement, qui a été travaillé en collaboration avec la Fédération générale agroalimentaire (FGA) de la CFDT.

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Julien Denormandie, ministre

Avis de sagesse.

La commission adopte ces amendements.

Elle en vient à l'amendement n° 432 de M. Pierre Venteau.

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Le réseau des chambres d'agriculture est constitué d'un maillage d'établissements départementaux qui jouent un rôle majeur dans la mise en œuvre des politiques publiques. À ce titre, et en tant qu'organismes de conseil et de développement agricole, les chambres départementales d'agriculture sont en première ligne pour accompagner la transition écologique des exploitations agricoles. Diminution de l'usage des produits phytosanitaires, certification environnementale, conversion à l'agriculture biologique, adaptation au changement climatique, biosécurité et bientraitance animale, souveraineté alimentaire sont autant de sujets qui nécessitent une organisation efficace du réseau des chambres d'agriculture et qui justifient pleinement la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) – dont M. le ministre Olivier Dussopt vient d'annoncer le maintien pour l'année 2021. L'ordonnance pourrait affecter notablement les missions des différents échelons du réseau et la répartition de leur financement au travers de la TATFNB. Il est donc nécessaire que la représentation nationale, qui décide annuellement du montant de cette taxe, soit associée à l'élaboration du texte. Tel est l'objet de l'amendement.

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Cette association est souvent d'usage. J'émets un avis de sagesse.

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Julien Denormandie, ministre

Même avis.

La commission adopte l'amendement.

La commission est saisie de l'amendement n° 634 du Gouvernement.

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Julien Denormandie, ministre

Nous proposons de supprimer la disposition demandant au Gouvernement de remettre un rapport sur l'association des parties prenantes à l'élaboration des ordonnances prévues. Cela paraît d'autant plus justifié que les deux amendements que vous venez d'adopter impliqueront encore davantage les parties prenantes à leur conception.

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Les projets de loi de ratification sont accompagnés d'une étude d'impact qui pourrait comprendre ces éléments. Dès lors que la loi le prévoit, le Gouvernement sera tenu d'associer les personnes mentionnées aux alinéas précédents. Si, toutefois, l'association se heurtait à des difficultés, il serait toujours temps de discuter du fond des dispositifs faisant l'objet des ordonnances lors de la discussion au Parlement du projet de loi de ratification. Dans la mesure où nous venons d'adopter le principe de l'association des députés et des sénateurs à l'élaboration des ordonnances, nous pourrions supprimer la demande de rapport. Avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, les amendements identiques n° 664 de Mme Valérie Bazin-Malgras et n° 665 de Mme Emmanuelle Anthoine ainsi que l'amendement n° 16 de Mme Valérie Bazin-Malgras tombent.

La commission adopte l'article 33 ainsi modifié.

Article 33 bis AA (nouveau) (article L. 166 G du livre des procédures fiscales) : Communication de la matrice cadastrale aux experts forestiers

La commission examine, en discussion commune, l'amendement n° 513 de M. Nicolas Turquois, qui fait l'objet du sous-amendement n° 702 du Gouvernement, ainsi que les amendements n° 514, n° 511 et n° 512 de M. Nicolas Turquois.

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La forêt privée se caractérise, en France, par un extrême morcellement qui est souvent présenté comme une des raisons de son mauvais entretien, de son exploitation médiocre et du désintérêt des propriétaires pour la valorisation de leurs bois et de leurs forêts. Des opérations telles que le remembrement sont très longues et très coûteuses et ont parfois des effets contreproductifs. Une expérimentation a été menée à destination des professionnels forestiers, notamment des coopératives et des experts, pour identifier facilement les propriétaires riverains, lors de l'intervention sur une parcelle, et leur proposer d'être associés à une coupe de bois. L'objectif est de gérer en commun un territoire composé de multiples parcelles. Ces amendements, qui ont été élaborés avec le concours du Conseil national de l'expertise foncière agricole et forestière, visent à ce que les experts fonciers puissent se voir communiquer informatiquement par les matrices cadastrales, les noms et les coordonnées des propriétaires des parcelles entourant les parcelles exploitées, ainsi que la nature de ces terrains. Cette évolution mériterait d'être étendue à d'autres professions réglementées.

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Julien Denormandie, ministre

Je donne un avis favorable à l'amendement n° 513, sous réserve de l'adoption du sous-amendement du Gouvernement qui vise à supprimer la référence à l'article L. 107 À du livre des procédures fiscales, afin de pouvoir étendre par décret la liste des données communicables aux experts forestiers. Si on ne le faisait pas, le texte proposé ne répondrait pas à l'ensemble des besoins, notamment à la nécessité de communiquer des données sur la nature des bois et des forêts. C'est pourquoi il est proposé de renvoyer à un décret le soin de préciser les données qui seront communiquées aux experts forestiers. Je demande le retrait des amendements n° 514, n° 511 et n° 512 au profit de l'amendement n° 513 sous-amendé.

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Je donne un avis favorable au sous-amendement n° 702 et à l'amendement n° 513 sous-amendé et demande le retrait des amendements n° 514, n° 511 et n° 512.

Les amendements n° 514, n° 511 et n° 512 sont retirés.

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Les coopératives forestières ont déjà la possibilité, à titre transitoire, d'accéder aux données cadastrales. La mesure proposée les concernera-t-elle également ou ne visera-t-elle que les experts forestiers ?

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J'avais proposé un amendement – sans succès – à la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) au sujet des coopératives forestières. D'ici à la séance publique, il faudrait élargir l'amendement n° 513 à certaines professions réglementées, telles que les coopératives.

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S'il me paraît souhaitable de rétablir l'équilibre entre les coopératives et les experts forestiers, en étendant aux seconds les règles applicables aux premières, il n'en est pas moins nécessaire de faire apparaître les deux professions dans le texte.

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Julien Denormandie, ministre

L'amendement n° 513 de M. Turquois s'applique notamment aux « experts forestiers figurant sur la liste mentionnée à l'article L. 171-1 du code rural et de la pêche maritime » et aux « organisations de producteurs du secteur forestier reconnues par l'autorité administrative dans les conditions prévues à l'article L. 551-1 du même code ». Nous allons nous assurer que cette mesure s'appliquera aux coopératives.

La commission adopte le sous-amendement n° 702.

Puis elle adopte l'amendement n° 513 sous-amendé.

Article 33 bis AB (nouveau) : Prolongation de trois ans de l'expérimentation sur l'exercice et le transfert de certaines missions dans le réseau des chambres d'agriculture

La commission en vient à l'amendement n° 635 du Gouvernement.

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Julien Denormandie, ministre

Cet amendement vise à prolonger de trois ans l'expérimentation prévue par l'article 38 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (dite « ESSOC ») et par son ordonnance d'application. L'expérimentation, qui est réalisée au bénéfice du réseau des chambres d'agriculture, consiste à attribuer de nouvelles missions aux établissements du réseau et ouvre la possibilité d'envisager de nouvelles formes d'organisation. Elle doit prendre fin en janvier 2022 ; son évaluation devra être réalisée à l'été 2021. Or, sa mise en œuvre a été profondément perturbée par la situation que nous connaissons actuellement.

Afin de clarifier la rédaction, il conviendrait de préciser que l'expérimentation issue de l'article 38 de la loi ESSOC est prolongée pour une durée de trois ans « à compter de la date de promulgation de la présente loi ». Si vous en êtes tous d'accord, je vous propose de rectifier l'amendement en ce sens.

Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte l'amendement n° 635 ainsi rectifié.

Article 33 bis A (articles L. 124-2, L. 142-6 et L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime) : Toilettage du code rural et de la pêche maritime (précédemment réservé)

La commission adopte l'amendement rédactionnel n° 183 du rapporteur.

Puis elle adopte l'article 33 bis A ainsi modifié.

Après l'article 33 bis A (précédemment réservé)

La commission est saisie des amendements n° 378 et n° 379 de M. Dimitri Houbron.

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Ces amendements d'appel visent à simplifier les procédures d'identification des chiens et des chats. Ils imposent aux vétérinaires de faire appliquer, lors d'une consultation, l'obligation d'identification. Leur rédaction doit sans doute être revue, mais nous souhaitions entendre le ministre à ce sujet.

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S'agissant de l'amendement n° 378, l'obligation d'identification existe déjà. Vous proposez de définir les conditions de cette obligation afin de la rendre effective, en l'occurrence chez le vétérinaire. Ce dispositif relève du domaine réglementaire et fait l'objet des articles D. 212-63 et suivants du code rural et de la pêche maritime, qui sont déjà très complets.

Concernant l'amendement n° 379, mon avis est défavorable sur le fond. Nous avons évoqué précédemment la possibilité de contraindre les nouveaux habitants à se déclarer en mairie et notre débat a fait ressortir la difficulté d'accomplir cette formalité. Or, vous proposez de demander aux propriétaires de déclarer leurs nouveaux animaux de compagnie en mairie. Nous ne l'avons pas fait tout à l'heure pour les femmes et les hommes ; il ne me paraît pas opportun de le décider, à présent, pour les animaux de compagnie. Ce serait source de complexité administrative et contredirait l'objectif du texte qui vise à accélérer et à simplifier les procédures. Bien que je sois très sensible à la condition animale et que je comprenne l'objectif que vous poursuivez, je ne peux qu'émettre un avis défavorable.

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Julien Denormandie, ministre

S'agissant de l'amendement n° 379, la procédure proposée implique que les communes aient connaissance des numéros d'identification des animaux, ce qui, comme l'a expliqué le rapporteur, serait une source de complexité. Concernant l'amendement n° 378, il faut que nous rediscutions de votre proposition, car vous entendez transférer l'obligation d'identification du cédant au professionnel. Cela n'est pas anodin. Si je comprends votre objectif, je crois nécessaire de continuer à travailler sur cette question. Avis défavorable.

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Je les retire, compte tenu des explications qui m'ont été apportées.

Les amendements sont retirés.

Article 33 bis B (nouveau) (articles L. 256-2 et L. 256-2-1 du code rural et de la pêche maritime) : Rattachement des missions du groupement d'intérêt public « GIP Pulvés » à un autre organisme et modification de ses missions

La commission examine l'amendement n° 683 du rapporteur.

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Le GIP Pulvés est un groupement d'intérêt public réunissant l'État et des organismes publics de recherche et de représentation des chambres d'agriculture. Il apporte son appui technique dans la définition et la mise en œuvre des procédures de contrôle et d'agrément des pulvérisateurs, ainsi que son expertise pour la recherche et la constatation des infractions aux prescriptions relatives aux pulvérisateurs. Il organise et assure la mise en œuvre de l'inspection périodique obligatoire des pulvérisateurs agricoles. Il instruit en outre les demandes d'agrément des organismes d'inspection en charge du contrôle des pulvérisateurs et les demandes d'agrément des centres de formation des inspecteurs. La convention constitutive du GIP prévoit que son activité doit cesser au plus tard en avril 2021. Il est proposé de simplifier et de fiabiliser le dispositif de contrôle des pulvérisateurs par une accréditation pour l'agrément des organismes d'inspection des pulvérisateurs et le rattachement des missions résiduelles de cette entité administrative à une structure préexistante, de taille plus significative. Cette modification importante conduit à une simplification du suivi du système de contrôle des pulvérisateurs.

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Julien Denormandie, ministre

Avis favorable. Ce GIP est un outil extrêmement utile qui a permis d'engager et de développer le contrôle des pulvérisateurs en France en réponse aux obligations, notamment européennes, définies il y a un peu plus d'une dizaine d'années. Ces propositions d'évolution et de simplification vont dans le bon sens.

La commission adopte l'amendement.

Article 33 bis (article L. 222-2 du code forestier) : Création d'un comité d'audit au sein de l'Office national des forêts ( précédemment réservé )

La commission adopte l'article 33 bis sans modification.

Article 33 ter (nouveau) (article L. 211-3 du code de l'environnement) : Détermination par décret des volumes d'eaux prélevables dans certains bassins en déséquilibre significatif

La commission examine l'amendement n° 716 du Gouvernement.

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Julien Denormandie, ministre

Cet article a trait à la gestion de l'eau, qui fait l'objet d'un débat essentiel. Le conflit relatif à l'usage de l'eau est vieux comme le monde. Cette question complexe nécessite la concertation la plus approfondie possible et des mesures de simplification. Si une concertation trop longue peut entraîner un risque de blocage, elle n'en reste pas moins indispensable. C'est la ligne que nous défendons au sein du Gouvernement, notamment en lien avec la ministre Mme Barbara Pompili. La concertation a été permise notamment à la suite des nombreux travaux auxquels vous avez participé dans le cadre des Assises de l'eau, pour donner encore plus de poids aux projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Plusieurs dizaines de projets sont aujourd'hui en cours, dont une vingtaine ont atteint un stade avancé. Les modalités de la répartition des volumes prélevables dans les eaux de surface ou souterraines constituent toujours une pierre d'achoppement. Leur cadre juridique n'a jamais été précisé. Par cet amendement, le Gouvernement s'engage à ce que le décret déterminant ces modalités soit finalisé le plus rapidement possible, afin de faciliter les concertations.

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C'est un sujet essentiel pour les agriculteurs. On connaît tous des agriculteurs qui se sont lancés dans des projets de retenue d'eau, d'irrigation, qui essaient de diversifier leurs cultures, mais qui s'embourbent dans les procédures administratives. Parfois, leurs démarches ne peuvent aboutir. On les empêche de procéder à la diversification de leurs cultures. Nous avons connaissance de blocages un peu partout. On m'a fait part aujourd'hui d'un cas édifiant. Un projet de création de vingt et une réserves de substitution à La Boutonne, en Charente-Maritime, a obtenu en 2018 une autorisation préfectorale, laquelle a fait l'objet d'un recours en février 2019. Un mémoire en réponse a été déposé en mai 2019, un mémoire de défense de la préfecture a été produit le 17 octobre, puis une communication a été faite au syndicat mixte des réserves de substitution (SYRES) de Charente-Maritime en décembre. Depuis, les intéressés n'ont reçu aucune nouvelle, alors que la sécheresse s'accentue. Tout laisse à penser que les agriculteurs ne pourront mener à bien leur projet. On recueille de nombreux témoignages similaires.

L'amendement du Gouvernement apporte, me semble-t-il, une première brique en traitant de la volumétrie, qui est l'un des deux sujets de préoccupation. J'ai toutefois le sentiment que ce n'est pas suffisant. Je connais, monsieur le ministre, votre engagement sur cette question. Devant la commission des affaires économiques, il y a quelques semaines, vous nous aviez fait part de votre préoccupation et de votre volonté d'avancer sur le dossier avec les agriculteurs. Une deuxième réponse, beaucoup plus large, est proposée par les députés de La République en marche, dont nous examinerons les amendements. Je recommande d'accepter la proposition du Gouvernement. Nous nous pencherons ensuite sur l'amendement de nos collègues. J'apporterai également une proposition pour tenter de remédier à ce problème. Cette question fera, en tout état de cause, l'objet de discussions et de travaux jusqu'à la séance publique ; on ne résoudra pas tout ce soir. Cela étant, on ne peut pas élaborer un projet de loi sur l'accélération et la simplification des procédures administratives en mettant de côté ces projets agricoles, qui sont souvent au point mort ; les agriculteurs ne le comprendraient pas. Avis favorable.

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La sécheresse est en effet un problème majeur. Nous devons trouver les moyens d'irriguer les parcelles et de créer des réserves d'eau. Toutefois, nous n'avons absolument pas eu le temps d'examiner cet amendement qui paraît beaucoup trop large. En effet, il est proposé qu'« un décret détermine les modalités dans lesquelles les volumes prélevables dans les eaux de surface ou souterraines sont évalués dans certains bassins en déséquilibre quantitatif ». Des contentieux sont en cours. Il me semble qu'en adoptant l'amendement, on donnerait, encore une fois, un blanc-seing au Gouvernement sans avoir aucune vision des incidences de la mesure.

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On doit tenir compte, dans le calcul des volumes prélevables, de références hydrographiques qui sont construites sur la base de données statistiques provenant de séries anciennes, dont on sait aujourd'hui qu'elles sont perturbées par le changement climatique. Monsieur le ministre, ces séries seront-elles adaptées à l'évolution du climat ? Parfois, la capacité à prélever un volume d'eau dépend de la capacité de stockage. Est-il possible que les règles de calcul tiennent compte de la capacité de stockage ? On déplore, à l'heure actuelle, des étiages très sévères. L'agriculture doit pouvoir contribuer à alimenter les débits, actuellement très faibles, et à rehausser les étiages, en évitant notamment les assecs.

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Je suis favorable à cet amendement qui permettra de définir des règles sur les débits prélevables. Toutefois, on constate sur le terrain que la principale difficulté, lors de la recherche d'un accord entre agriculteurs, consommateurs et associations de protection de l'environnement, réside dans le nombre excessif d'acteurs intervenant dans ce domaine : on a cité les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), il y a aussi les agences de l'eau, les syndicats de rivière, la direction départementale des territoires (DDT) ; il existe parfois un schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE), et il peut arriver qu'on soit aux limites de deux départements ou de deux régions. On se retrouve souvent à quarante autour de la table pour parler d'une petite rivière. Si on pouvait diminuer le nombre de structures intervenant en la matière, cela simplifierait la gestion de l'eau dans notre pays. Il y a des enjeux de protection majeurs. Mme Cariou a soulevé une question légitime. La complexité empêche de prendre des décisions opérationnelles pour l'environnement, les agriculteurs et les consommateurs d'eau potable.

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Julien Denormandie, ministre

Je voudrais revenir sur le problème de la temporalité. Pour la détermination des références hydrographiques, on consulte habituellement des données statistiques portant sur les dix dernières années, alors que la sécheresse s'est récemment aggravée. Il me semble – mais je le vérifierai d'ici au débat en séance – que, dans le cadre des Assises de l'eau, un travail avait été engagé pour établir des séries statistiques sur quatre ans, au lieu d'une dizaine d'années, afin de mieux tenir compte des épisodes de sécheresse.

La gestion de la retenue d'eau de fleuve ou de rivière – qui est à distinguer de la petite retenue d'eau de pluie – doit tenir compte de l'étiage, ce qui renvoie aux projets de territoire pour la gestion de l'eau. Ma conviction est qu'il faut prendre en considération l'étiage et recourir à la concertation. L'eau est évidemment indispensable à nos agriculteurs. Cela étant, je le dis clairement, lorsqu'on effectue un prélèvement, cela a un impact à l'échelle du bassin versant, même si le cycle de l'eau est continu. Une partie de l'eau qu'on prélève dans le fleuve ou dans la rivière finit toujours dans la mer ou l'océan. C'est l'enjeu principal de la concertation, qui achoppe lors de la discussion sur le débit d'eau. Les modalités des retenues ne sont en effet pas suffisamment précisées. C'est pourquoi le Gouvernement propose de prendre ce décret. Si on arrive à le rédiger avant l'examen du projet de loi dans l'hémicycle, cela permettrait d'éclairer le débat et nous conduirait – dans l'hypothèse où vous l'adopteriez ce soir – à revenir sur le dispositif proposé.

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Nous reconnaissons tous que la question de l'accès à l'eau est fondamentale. Je ne puis que me réjouir des dispositions de l'amendement même si, comme l'a dit Mme Cariou, il arrive tardivement, au dernier moment. C'est une mesure qui me paraît essentielle. Cela étant, je voudrais rappeler la nécessité de penser à une autre région française, la Guyane, qui occupe la troisième ou la quatrième place dans le classement mondial du volume d'eau renouvelable disponible par habitant. Si la ressource en eau est largement disponible – nous sommes loin de la pénurie et du stress hydrique –, elle n'est absolument pas préservée. Je lance un nouvel appel en faveur de l'accélération de l'action publique dans le domaine de la protection des eaux de la Guyane. Je présenterai certainement un amendement en ce sens en séance publique, qui n'irait pas dans le sens de la simplification, mais concourrait à l'objectif d'accélération de l'action publique.

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J'ai l'impression que l'amendement vise à purger des contentieux en cours. Notre groupe considère que la définition des méthodes de calcul des volumes d'eau relève de la loi et non du décret. Nous ne pouvons donc être favorables à l'amendement. Par ailleurs, la fin de l'exposé des motifs est assez éclairante : « En sécurisant à l'amont les autorisations de prélèvement, cet amendement est une alternative à l'amendement relatif à la restriction du droit de recours, qui ne respecte pas les obligations imposées par le droit européen ». Il y a là un problème juridique qui doit être expertisé. On ne peut pas donner un blanc-seing au Gouvernement comme cela. Légiférons de manière plus propre, éventuellement en vue de la séance.

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Julien Denormandie, ministre

Les projets déposés en ce domaine font l'objet de nombreux recours contentieux – les amendements n° 410 et n° 717 ont d'ailleurs trait à ce sujet. Plus on précisera le cadre de la concertation au moyen de règles clairement définies, plus on évitera le risque de contentieux. L'objectif est de faciliter la conclusion d'un accord dans le cadre de la concertation. Le contentieux relatif aux retenues d'eau est particulièrement prononcé – et peut parfois conduire à des drames humains – au moment de la définition du projet ; il y a beaucoup moins de contestations dans le cadre de la gestion de la retenue. La concertation en amont est donc essentielle. Nous voulons favoriser la concertation plutôt que restreindre les recours. Je pense que cela rejoint votre point de vue, madame la députée.

La commission adopte l'amendement.

Article 33 quater (nouveau) (article L. 214-10 du code de l'environnement) : Modification des conditions de recours contre les décisions relatives aux projets d'ouvrages de prélèvement d'eau à usage d'irrigation

La commission en vient à la discussion commune des amendements n° 410 de Mme Danielle Brulebois et n° 717 du rapporteur.

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On vient d'évoquer la répartition des volumes, qui constitue la première brique. Une deuxième brique est la limitation des recours contentieux engagés contre des travaux et des ouvrages dès lors qu'ils sont issus d'une concertation ou qu'ils apportent toutes les garanties sur le plan environnemental. L'objet de l'amendement est de faire évoluer le code de l'environnement sur ce sujet.

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Vous êtes nombreux à soutenir l'amendement n° 410. Je partage totalement cette préoccupation pour le monde agricole. Vous abordez ici les conditions de mise en œuvre des recours contentieux. Je remercie le ministre d'avoir proposé de présenter le projet de décret d'ici à la séance publique, ce qui nous rassurerait. S'agissant de l'encadrement des recours, pour lequel le Gouvernement n'a pas fait de propositions, je vous soumets une autre rédaction. Je vous propose de voter l'amendement n° 717, même s'il faudra continuer à y travailler d'ici à la séance. Cela nous permettra d'écouter les différents acteurs, d'engager une concertation et d'améliorer la rédaction en séance publique. Il s'agit d'apporter des solutions aux deux difficultés évoquées, pour avancer sur la question de l'irrigation ; ces progrès sont très attendus sur le terrain. Je vous demande de retirer l'amendement n° 410 au profit de l'amendement n° 717.

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Julien Denormandie, ministre

Je ne suis pas du tout favorable à l'amendement n° 410 car il limiterait considérablement le droit de recours. Si on veut avancer sur le sujet, il faut le faire dans le cadre de la concertation. Le recours demeure une possibilité lorsque la concertation n'a pas débouché sur un accord. Aux termes de l'amendement n° 410, « Les tiers, personnes physiques ou morales, les communes ou leurs groupements ne sont recevables à former un recours pour excès de pouvoir contre les décisions prises en application des articles L. 214‑1 à L. 214‑6 et L. 214‑8 que si les installations, ouvrages, travaux ou activités sont de nature à affecter de manière grave et irréversible les intérêts mentionnés à l'article L. 211‑1 du code de l'environnement. » Autrement dit, la possibilité d'introduire un recours est liée à la qualification de l'impact environnemental du projet. Cela constituerait, à mes yeux, une entrave au droit de recours et ne répondrait pas à la nécessité d'améliorer la concertation et d'accroître la confiance, notamment par une plus grande rapidité.

Le rapporteur s'efforce de trouver une autre solution, en privilégiant la rapidité du recours. Son amendement vise à ce que le Conseil d'État soit compétent en premier et dernier ressort. J'ai un avis de sagesse sur sa proposition, à la condition qu'on s'engage à y retravailler d'ici à la séance. En tant que ministre de l'agriculture, je ne peux qu'être favorable à l'accélération des procédures, mais je dois en parler avec mes collègues du Gouvernement.

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Dès lors que la solution proposée par l'amendement n° 717 conduit à renforcer la sécurisation des parcours et à les encadrer dans le temps, en offrant ainsi une parfaite visibilité aux porteurs de projets, je retire l'amendement n° 410.

L'amendement n° 410 est retiré.

La commission adopte l'amendement n° 717.

Article 33 quinquies (nouveau) (article L. 434-5 du code de l'environnement) : Dématérialisation et centralisation des cotisations de pêche des pêcheurs de loisir

La commission est saisie de l'amendement n° 556 de Mme Annaïg Le Meur.

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Cet amendement concerne les cotisations perçues par la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique. En 2006, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques permettait de garantir qu'une partie des adhésions des pêcheurs perçues au niveau départemental remonte au niveau national. Aujourd'hui, l'adhésion en ligne et le paiement direct des cotisations dues par les pêcheurs sur le compte cartedepeche.fr, géré par la fédération nationale, se généralisent.

Dans ce cas, le versement d'une cotisation par les fédérations départementales à la fédération nationale est remplacé par une ponction par cette dernière de la part correspondante, avant reversement aux fédérations du reste des cotisations. Il est donc nécessaire d'adapter la loi, afin de généraliser la simplification que représentent l'adhésion et le paiement direct en ligne pour les pratiquants de la pêche de loisir.

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Je vous remercie, madame Le Meur, pour cette mesure de simplification qui sera utile à de nombreuses personnes. Je suis entièrement favorable à l'adhésion en ligne et au paiement direct des cotisations dues par les pêcheurs.

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Julien Denormandie, ministre

Avis favorable, pour les mêmes raisons. L'amendement conduit à une vraie simplification pour les pêcheurs.

La commission adopte l'amendement.

Article 33 sexies (nouveau) (article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Suppression de la limite de superficie des cessions foncières gratuites de l'État aux collectivités territoriales et à leurs groupements en Guyane

La commission est saisie de l'amendement n° 176 de M. Lénaïck Adam.

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En Guyane, plus de 95 % du foncier appartient à l'État et le reste aux personnes privées et aux collectivités, de loin les plus démunies, qui peinent à implanter des infrastructures publiques et à établir toute planification urbanistique sur leur territoire. Pour le moindre projet, il faut quémander une autorisation aux autorités déconcentrées.

Quant au développement agraire de la Guyane, il est ramené à la portion congrue compte tenu des difficultés d'accès au foncier que rencontrent les agriculteurs. Cette situation, dénoncée comme un fait colonial, n'a que trop duré.

L'État s'était engagé dans le cadre des accords du 21 avril 2017 à rétrocéder aux collectivités 250 000 hectares de foncier à titre gratuit. La rétrocession foncière est une revendication unanime des Guyanais. Il faut travailler à poursuivre ce type d'opérations.

Un obstacle d'ordre législatif demeure cependant : le code général de la propriété des personnes publiques fixe une limite de surface à ces cessions à titre gratuit. Le présent amendement le supprime pour rendre les cessions possibles. Son adoption permettra au Gouvernement d'honorer une promesse chère aux Guyanais. En ce sens, chers collègues, je vous demande de bien vouloir voter l'amendement.

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Je comprends l'intention de votre amendement et j'y suis entièrement favorable. Je connais votre attachement et votre engagement sur l'accord de Guyane, sujet sur lequel je laisse le Gouvernement s'exprimer.

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Julien Denormandie, ministre

L'amendement est très important pour la Guyane. En tant que ministre du logement, j'ai eu l'occasion de participer à ces cessions à titre gratuit, notamment dans le cadre des établissements publics fonciers que vous connaissez bien. Une limite quantitative s'applique aujourd'hui. Je souscris pleinement à sa suppression, afin que l'État puisse mener à bien les cessions à titre gratuit de terrains au profit des collectivités locales. C'est pourquoi je lève le gage et j'émets un avis favorable à l'amendement.

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Je vous remercie d'avoir levé le gage sur une question aussi importante pour le territoire guyanais. J'ai cosigné l'amendement de M. Lénaïck Adam, montrant que, par-delà nos divergences politiques, nous sommes capables, lorsque l'intérêt supérieur du territoire est en jeu, de nous mettre d'accord pour trouver des solutions acceptées par le plus grand nombre.

La Guyane est la seule région de France à être entièrement dépossédée de son foncier car, après les lois de décentralisation, celui-ci n'a pas été rétrocédé aux communes, avec de tels micmacs juridiques que l'on ne sait même plus si l'État est réellement possesseur du foncier.

Il serait temps d'aller au-delà de la décision qui sera prise ce soir pour poser la question du foncier et de sa gestion sur le sol guyanais, et ne pas attendre d'autres manifestations de rue pour contraindre le Gouvernement à prendre des dispositions de bon sens. Monsieur le ministre, j'espère que nous aurons l'occasion de nous retrouver pour approfondir cette question et voir comment la raison et l'intelligence pourraient prévaloir dans une telle circonstance. Je vous en remercie par avance.

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Je soutiens les propos de nos deux collègues de Guyane, un département auquel je suis très attaché et où beaucoup reste à faire. Ce territoire le mérite.

La commission adopte l'amendement.

Après l'article 33 bis

La commission examine l'amendement n° 522 de M. Philippe Bolo.

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Le label Alim'Confiance attribue à des établissements de commerce alimentaire un smiley plus ou moins souriant selon le respect des normes sanitaires. Les contrôles sanitaires sont aujourd'hui réalisés par les services vétérinaires alors que nous disposons d'un ensemble de laboratoires agréés par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation qui peuvent effectuer des contrôles auprès d'industries agroalimentaires.

L'amendement vise à confier la réalisation des contrôles pour accéder au label Alim'Confiance à ces laboratoires agréés, ce qui permettrait aux vétérinaires de se concentrer sur d'autres tâches. Il s'agira donc bien d'une simplification et d'une accélération pour cette profession.

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La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, du 30 octobre 2018 a réformé le label Alim'Confiance. L'ordonnance a été publiée un an plus tard.

Le dispositif est donc récent. Je souhaiterais que le Gouvernement transmette des éléments sur l'étendue des contrôles réalisés. Avant de confier au privé des responsabilités suppléant l'action publique, il faut des éléments chiffrés.

Ces dispositions semblant un peu prématurées au vu du caractère récent des nouvelles modalités de contrôle, je vous invite à retirer votre amendement pour en apprendre davantage d'ici à la séance. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

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Julien Denormandie, ministre

Je comprends l\'objectif de cet amendement qui vise à accroître le champ des personnes habilitées à réaliser les contrôles, en y intégrant les laboratoires agréés. Les conditions de la délégation des contrôles à des tiers sont toutefois encadrées par la réglementation européenne. À ce titre, l'article L. 231-2 du code rural et de la pêche maritime prévoit la liste des personnes habilitées à les réaliser. Or l'habilitation ne peut pas être accordée à une structure.

Je vous propose donc, monsieur le député, de retirer l'amendement afin de confirmer l'analyse juridique, quitte à en reparler dans l'hémicycle.

L'amendement est retiré.

La séance est levée à 0 heures 30.

Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 21 h 35

Présents. - M. Damien Adam, M. Stéphane Baudu, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Ugo Bernalicis, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Pascale Boyer, Mme Émilie Cariou, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Rémi Delatte, M. Bruno Duvergé, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Séverine Gipson, Mme Christine Hennion, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Kasbarian, Mme Laure de La Raudière, Mme Annaïg Le Meur, Mme Patricia Lemoine, Mme Sereine Mauborgne, Mme Monica Michel, Mme Mathilde Panot, Mme Isabelle Rauch, M. Rémy Rebeyrotte, M. Gabriel Serville, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois, M. Pierre Venteau

Excusés. - Mme Bérangère Couillard, Mme Paula Forteza

Assistaient également à la réunion. - M. Lénaïck Adam, M. Éric Alauzet, M. Cyrille Isaac‑Sibille, Mme Chantal Jourdan, M. Jean-Marc Zulesi