Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mardi 29 septembre 2020 à 17h25

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mardi 29 septembre 2020

La séance est ouverte à dix-sept heures vingt–cinq.

(Présidence de Mme Cathy Racon-Bouzon, vice-présidente)

La commission examine, en deuxième lecture, la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne (n° 3133) (M. Bruno Studer, rapporteur).

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Mes chers collègues, je suis heureuse d'assurer aujourd'hui la présidence de notre réunion de commission pour l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. Ce texte, déposé par le groupe La République en marche à l'initiative de notre président, Bruno Studer, a été adopté par le Sénat le 25 juin dernier. Il nous revient donc aujourd'hui de l'examiner en deuxième lecture afin de permettre son entrée en vigueur dans les meilleurs délais. La proposition de loi sera examinée en séance, dans le cadre d'une procédure d'examen simplifiée, mardi 6 octobre. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole pour nous exposer les modifications apportées par le Sénat et votre position sur le texte qu'il nous a transmis.

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Cette proposition de loi a fait l'objet d'un travail parlementaire approfondi, qui a commencé à l'Assemblée nationale, où la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité en février dernier après un premier examen en commission. Elle a été de nouveau adoptée en mars par notre commission, sous la forme d'un amendement au projet de loi audiovisuel, mais la crise sanitaire, comme vous le savez, a hélas interrompu l'examen de ce texte. Le Sénat a par conséquent décidé d'examiner à son tour la présente proposition de loi, qu'il a adoptée en juin après lui avoir apporté plusieurs modifications, qui n'ont changé en rien son esprit ni l'essentiel de son dispositif. Je tiens à remercier nos collègues sénateurs, en particulier Jean-Raymond Hugonet, rapporteur au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, et la présidente Catherine Morin-Desailly.

Je souhaiterais revenir sur les modifications qui ont été apportées. À l'article 1er, l'information des employeurs des enfants « stars » des plateformes de partage de vidéos a été renforcée. Dans le même temps, les peines prévues en cas de non-respect du nouveau cadre juridique ont été ajustées afin de mieux se conformer au principe de légalité des délits et des peines. Une simplification administrative a également été introduite au profit de l'ensemble des enfants dits « du spectacle », qui pourront, dès leur émancipation, accéder aux fonds déposés sur le compte ouvert à leur nom à la Caisse des dépôts.

À l'article 2, le Sénat a élargi le champ de la saisine judiciaire pouvant être opérée par l'autorité administrative. Cette saisine sera désormais possible non seulement à l'égard des producteurs professionnels, mais aussi dans un cadre semi-professionnel, s'il est constaté que les représentants légaux de l'enfant ont manqué à l'obligation de déclaration de leur activité vidéo. Cette mesure renforcera l'efficacité de l'ensemble du dispositif, en ne laissant aucune situation en dehors du champ de la loi et en améliorant la coopération avec les plateformes.

Je suis également favorable aux modifications apportées à l'article 3, qui permettront à l'autorité administrative de formuler des recommandations aux parents « semi‑professionnels » sur une assez large palette de sujets allant des conditions de réalisation des vidéos aux obligations financières prévues par la loi. Les dispositions du texte n'en seront que mieux appliquées. La responsabilité propre aux annonceurs, à laquelle je tiens, a également été clarifiée et renforcée, tandis que l'article 4, scindé avec la création d'un article 4 bis, a fait l'objet de modifications essentiellement rédactionnelles.

À l'article 5, les sénateurs ont procédé à une modification identique à celle que nous avions effectuée lors de l'examen en commission du projet de loi audiovisuel. Enfin, les articles 6 à 8 ont été adoptés conformes par le Sénat.

Je vous propose d'adopter sans modification la proposition de loi issue de la première lecture du Sénat, ce qui permettra de la faire entrer en vigueur le plus rapidement possible. Ses dispositions, désormais clarifiées et renforcées, ne pourront qu'être mieux appliquées par l'ensemble des parties prenantes, qu'il s'agisse des parents, des plateformes de partage de vidéos ou des annonceurs.

In fine, le texte que nous a transmis le Sénat assurera une meilleure protection des enfants dont l'image est commercialement exploitée sur les réseaux sociaux et les plateformes. Il permettra de fixer un cadre juridique clair aux activités de partage de vidéos mettant en scène des mineurs de moins de 16 ans. Il placera parents, plateformes et annonceurs devant leurs responsabilités. Enfin, il offrira la possibilité aux autorités publiques de mieux détecter les situations problématiques au regard des droits de l'enfant et de s'assurer du plein respect du droit en vigueur.

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Monsieur le rapporteur, encore toutes mes félicitations pour cette très belle initiative parlementaire, ainsi que pour le travail de fond effectué sur un sujet important pour la garantie des droits des enfants. Nous savons tous que le développement du numérique peut apporter de nouvelles possibilités mais aussi son lot de risques. La « toile » ne doit pas être un espace de non-droit pour nos enfants. En tant que législateurs, nous avons la responsabilité de combler les vides juridiques. Tel est l'objet de cette proposition de loi « visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne ». Elle offre un cadre juridique, jusque-là inexistant dans le droit français, aux enfants influenceurs. Ce texte pragmatique et de bon sens vise d'abord à protéger les intérêts de ces enfants. Je tiens également à souligner son caractère pionnier en matière de protection des droits de l'enfant sur internet, puisqu'aucun État au monde n'a encore légiféré sur ce phénomène d'ampleur mondiale. Je voudrais rappeler, enfin, qu'il n'a surtout pas vocation à autoriser le travail des mineurs, lequel demeurera strictement interdit.

Cette proposition de loi répond à des situations nouvelles. Nous constatons tous les jours, lorsque nous surfons sur les plateformes publiques ou sur les réseaux sociaux, la multiplication de vidéos mettant en scène de jeunes enfants. Face à la forte augmentation de ces contenus, qui peuvent procurer des revenus substantiels aux parents et aux plateformes, il était nécessaire d'apporter un cadre protecteur aux enfants des « youtubeurs ». En effet, un certain nombre de vidéos et de chaînes recueillent une audience considérable, pouvant atteindre plusieurs millions d'abonnés et totaliser des milliards de vues. Si les plateformes de partage de vidéos permettent souvent à nos jeunes de s'exprimer – elles sont des espaces de liberté dans lesquels ils peuvent donner libre cours à leur créativité – elles sont également devenues des sources de revenus pour les créateurs qui, pour certains, en ont fait leur revenu principal.

Un nombre croissant de parents exposent leurs enfants en train de jouer, de manger ou de cuisiner. Bien souvent, les vidéos montrent un moment de la vie quotidienne passé en famille, mais parfois, hélas, dans le but de divertir un large public au moyen de défis tels que le « cheese challenge », qui consiste à lancer des tranches de fromage au visage d'un jeune enfant, elles sont très dégradantes. Aux États-Unis, des situations ubuesques filmées et diffusées ont d'ailleurs permis d'identifier des cas de maltraitance infantile. Ces abus sont très inquiétants. La diffusion sur internet de ces actes soulève de nombreuses questions au regard de l'intérêt de l'enfant.

Les améliorations apportées par les sénateurs renforcent et précisent le cadre de cette future loi pionnière. Ce travail de coconstruction entre les parlementaires, d'une part, et avec les plateformes, d'autre part, permettra de protéger dorénavant les enfants dits « youtubeurs ». Je souhaite que cette proposition de loi, que nous avions adoptée, je le rappelle, à l'unanimité en commission et en séance en première lecture, recueille à nouveau un large consensus auprès des groupes de notre assemblée. Le groupe La République en marche la votera en l'état, avec beaucoup de conviction.

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La proposition de loi du groupe majoritaire vise à encadrer l'exploitation commerciale de l'image de mineurs de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. En effet, des vidéos mettant en scène des enfants lors de différents moments de leur vie sont publiées régulièrement sur des plateformes telles que YouTube. Les enfants sont souvent filmés dans le cadre d'activités de loisirs, de défis, de tutoriels ; ils testent parfois des produits. Or, il faut se rendre à l'évidence, ces vidéos, dont beaucoup de jeunes sont friands, ne font l'objet d'aucun encadrement légal. Elles constituent un enjeu économique et financier substantiel, que ce soit pour les familles, qui en retirent parfois des revenus élevés, pour les marques, qui y voient une nouvelle opportunité publicitaire, ou pour les plateformes elles‑mêmes.

Le texte a pour objet d'instituer un cadre juridique, inspiré du régime applicable aux enfants du spectacle – dans le théâtre ou le cinéma. Il définit les éléments tels que les horaires, la durée du tournage, les modalités de consignation des revenus. En effet, ces vidéos sont généralement le support de publicités, qu'il s'agisse de coupures publicitaires, d'encarts publicitaires superposés à l'image ou de placements de produits – cela peut concerner la vente de produits dérivés. Il est donc nécessaire de protéger les enfants sur le plan financier, car ces revenus ne font l'objet d'aucun autre encadrement que celui prévu par le droit social et fiscal général. Le législateur doit s'assurer que les enfants bénéficient d'un statut protecteur. L'article 1er subordonne ainsi le travail d'un mineur de moins de 16 ans, dans le cadre d'une production à but lucratif destinée aux plateformes de partage de vidéos, à une autorisation individuelle ou à un agrément préfectoral.

La loi doit aussi prendre en compte les conséquences d'une exposition médiatique des enfants sur leur développement psychique. Au-delà de l'impact que peut engendrer la célébrité sur le développement psychologique, les risques de survenue du cyber-harcèlement – phénomène courant sur les plateformes de partage de vidéos – sont naturellement accrus. Un travail de pédagogie est nécessaire auprès des parents – qui doivent prendre leurs responsabilités – et des personnes qui visionnent ces vidéos, parfois en toute crédulité et en méconnaissance des conséquences que peut engendrer l'exposition médiatique. Enfin, la proposition de loi vise à responsabiliser les plateformes et à créer un droit à l'oubli pour les enfants.

Notre famille politique a toujours été attachée à la protection de l'enfance. Je rappelle que la loi du 6 août 1963 modifiant et complétant les dispositions relatives à l'emploi des enfants dans le spectacle a structuré la législation dans ce domaine. Cette législation a été consolidée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, par le décret du 24 août 2007 relatif au suivi médical et au pécule des enfants employés dans les spectacles, la publicité et la mode.

Au-delà de la protection juridique et économique des enfants, il faut prendre la mesure des effets dévastateurs que peuvent produire l'omniprésence des écrans et la mise en scène de la vie des enfants. On peut regretter, à ce titre, que l'adoption d'amendements ait allégé les dispositifs prévus aux articles 3 et 4. En effet, si la proposition de loi est peut-être devenue plus souple, sa version initiale paraissait plus protectrice des droits des enfants sur deux points : le cas des enfants n'entrant pas dans le cadre de l'article 1er et la responsabilisation des plateformes.

Le Sénat a effectué un bon travail en renforçant la protection des enfants de moins de 16 ans, tout en clarifiant plusieurs dispositions du texte. L'essentiel du dispositif étant maintenu, le groupe Les Républicains maintiendra son vote favorable en séance.

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Devenir influenceur sur internet est devenu pour nos enfants un doux rêve, qu'il semble aisé de réaliser. En effet, tourner et diffuser des vidéos sur internet est aujourd'hui à la portée de tous et recèle la plupart du temps une dimension fortement récréative et ludique. Toutefois, derrière la caméra se jouent des intérêts divers, parfois inconciliables avec celui de l'enfant. Les frontières entre le travail et le divertissement, ou entre la vie privée et la vie publique se trouvent brouillées. Face à ces enjeux, la présente proposition de loi, qui vise à encadrer l'exploitation commerciale de l'image des enfants sur les plateformes en ligne, ne constitue pas la panacée mais pose un nouveau jalon dans la préservation des intérêts des mineurs vis-à-vis des risques liés aux nouveaux usages d'internet. Elle vise à régir une situation parfaitement injuste. En effet, certains enfants ne bénéficient pas des règles protectrices du droit du travail et sont privés des fruits de leur activité.

Cette proposition de loi a reçu l'adhésion de l'ensemble des parlementaires, députés comme sénateurs. Je tiens à nouveau à féliciter Bruno Studer, qui a entendu appliquer à un phénomène nouveau un cadre juridique protecteur déjà éprouvé dans le domaine du mannequinat. Le Sénat a apporté des modifications bienvenues. La distinction entre les vidéos professionnelles et semi-professionnelles permettra de prendre en compte le phénomène dans son ensemble. Des contraintes proportionnées sont prévues, qui vont de l'autorisation préalable ou de l'agrément de l'autorité administrative compétente à la simple obligation de déclaration a posteriori.

Nous partageons la volonté de ne pas entraver excessivement l'activité créatrice sur internet. Aussi la proposition de loi se veut-elle pédagogique et incitative. L'évolution rapide de la technologie doit nous forcer à l'humilité et commande, pour ce texte novateur et pionnier, le recours à un droit souple, l'encouragement des pratiques vertueuses plutôt que l'injonction. En ce sens, l'article 4, qui a été refondu, contraint les plateformes à adopter des chartes pour lutter contre l'exploitation illégale de l'image des enfants sur internet.

En février dernier, j'avais regretté, lors des débats en commission, que les enfants ne soient pas davantage sensibilisés, à l'instar des parents et des plateformes, aux risques de l'exposition médiatique. J'avais demandé que l'exercice du droit à l'effacement des données à caractère personnel soit facilité et que des chartes informent les mineurs des modalités de mise en œuvre de ce droit, en des termes simples et précis. Je me réjouis que mes collègues sénateurs membres du groupe socialiste et républicain, aient complété le contenu des chartes afin d'assurer l'information et la sensibilisation des mineurs sur les conséquences de la diffusion de leur image, singulièrement en matière de vie privée et de risques psychologiques. En effet, comme nous le constatons d'ores et déjà, la création de contenus vidéo ne suppose plus forcément l'accord – explicite ni même implicite – des parents. À cet égard, les nouvelles tendances de la création de contenus vidéos, par exemple sur TikTok, doivent nous interpeller : dans la mesure où elles ne font pas intervenir les parents en tant que producteurs, elles semblent remettre en cause l'effectivité de la présente proposition de loi. Du chemin reste donc à parcourir. En attendant, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur du texte.

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Nous examinons en seconde lecture la proposition de notre collègue Bruno Studer relative à l'encadrement de l'exploitation commerciale de l'image des enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. Soyons fiers d'être le premier Parlement au monde à proposer l'encadrement de ces pratiques déjà trop fréquentes ! Le travail de l'Assemblée en première lecture a permis d'enrichir un texte essentiel pour le respect et la protection des droits des mineurs. Le Sénat a donné plus de poids encore à ces dispositions. Le groupe MODEM se réjouit de cette volonté partagée.

Rappelons-le, en quelques heures, une simple vidéo peut devenir virale et exercer un effet puissant sur la vie de la personne exposée. De plus en plus de vidéos, à travers le monde, mettent en scène des adolescents, de jeunes enfants ou même des bébés, en les exposant dans des scènes du quotidien. Derrière une apparente légèreté, ces procédés risquent de faire de l'enfant un outil financier et publicitaire au détriment de son bien-être et de ses droits, sans que les parents ou les responsables légaux aient toujours conscience de la portée de ces actes. Le dispositif juridique de la proposition établit des règles précises en s'inspirant de l'encadrement du travail des enfants dans les domaines du spectacle et du mannequinat. En effet, ces pratiques s'apparentent à une activité professionnelle dès lors qu'elles engendrent des revenus.

L'article 3 encadre les horaires de travail du mineur et lui ouvre un droit à la rémunération. Il prévoit que, si le mineur y consent ou que l'autorisation individuelle prévue à l'article 1er a été fournie, l'argent perçu peut être déposé sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations, jusqu'à sa majorité.

Le Sénat a ajouté un point de vigilance supplémentaire important en fin d'article concernant « le placement de produit intervenant dans un programme audiovisuel diffusé sur une plateforme de partage de vidéos dont le sujet principal est un enfant de moins de 16 ans ».

En première lecture, notre groupe avait rappelé l'importance de l'implication des plateformes numériques dans ce processus ainsi que l'enjeu fondamental d'une sensibilisation aux risques liés à ces pratiques. La création de chartes les explicitant constitue une réelle avancée. Par voie d'amendement, nous avions également insisté sur de potentielles conséquences psychologiques durables. Ces chartes sont donc nécessaires car elles engagent les plateformes à assumer leurs responsabilités et les parents à s'informer sur la réalité et les risques de ces pratiques.

Par la création d'un article 4 bis, le travail des sénateurs a permis que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) promeuve « l'adoption par les services de plateforme de partage de vidéos des chartes prévues à l'article 4 ». C'est un outil supplémentaire pour la mise en valeur de ces chartes, qui doivent être connues du plus grand nombre. De plus, ce nouvel article instaure un « bilan périodique de l'application et de l'effectivité de ces chartes », proposition importante qui participera à la pérennisation et à la visibilité de ce dispositif.

Cette seconde lecture confirme l'ambition qui a présidé au dépôt de cette proposition de loi : protéger les mineurs des risques de la surexposition et de l'atteinte à leur image mais aussi sensibiliser les adultes qui les entourent afin qu'ils comprennent les enjeux du numérique, et responsabiliser les plateformes, sans qui rien ne pourra vraiment changer. La pédagogie et l'information sont les meilleurs outils pour prévenir les risques liés à ces pratiques émergentes. Nous soutiendrons les initiatives qui iront en ce sens.

Nous arrivons au terme d'un travail collectif rigoureux permettant de créer un cadre législatif pragmatique et fonctionnel parfaitement adapté à nos préoccupations. Le groupe MODEM et apparentés, qui tient à saluer l'engagement de tous les parlementaires, votera donc avec conviction en faveur de cette proposition de loi.

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La révolution numérique est un vecteur exceptionnel de croissance et de créativité qui nous offre chaque jour de nouvelles possibilités – nous l'avons encore constaté ces derniers mois – mais elle a également une face sombre en raison de l'insuffisance des règles qui régissent ce nouvel espace.

Nous ne pouvons pas attendre une autorégulation de la part des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft. Notre responsabilité de législateurs implique de nous saisir des nouveaux défis émergents avec l'évolution du monde et des usages, dont celui de la protection des mineurs.

Cette proposition de loi comble un vide juridique : l'exposition des mineurs de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. La question est d'autant plus urgente qu'elle se pose chaque jour avec plus d'acuité.

Depuis quelques années, les vidéos mettant en scène des mineurs se multiplient sur internet, qu'elles soient réalisées par ces derniers ou par leurs parents filmant leur vie de famille. Bien que leur qualité créative soit parfois discutable, certaines ont été vues des millions de fois. Les recettes publicitaires liées à la monétisation des vidéos comme au placement de produits sont par conséquent très significatives. Parmi les chaînes les plus populaires, certaines publient des contenus quotidiennement.

Si ces vidéos ont souvent un caractère ludique, en apparence bon enfant, on peut légitimement se demander si elles sont spontanées et naturelles lorsque l'on voit la cadence de publication et les revenus qu'elles peuvent générer. On ne peut pas exclure que certaines d'entre elles cachent des pratiques de travail illicite, voire une forme moderne d'exploitation. Par ailleurs, nous mesurons encore mal les conséquences psychologiques, pour les mineurs, d'une exposition aussi précoce et massive de leur vie privée.

Le travail des enfants est interdit depuis 1867. Quelques rares exceptions existent, d'ailleurs strictement encadrées : l'activité des enfants dits du spectacle ou des enfants mannequins se déroule ainsi dans un cadre et avec des règles visant à les protéger. Face aux abus manifestes et afin d'éviter au maximum les dérives, il relève de notre responsabilité de créer un cadre analogue pour les mineurs qui se retrouvent sur les plateformes en ligne. Tel est l'objet de cette proposition de loi, dont je tiens, au nom du groupe Agir ensemble, à saluer l'auteur, Bruno Studer, ainsi que les parlementaires qui l'ont enrichie en première lecture.

Notre groupe retient trois avancées importantes.

Ce texte protège les enfants en faisant entrer dans le droit commun cette forme de travail, salarié ou non, en l'alignant sur celui des mineurs travaillant dans le cinéma. Leur temps de travail sera désormais encadré et leurs revenus leur seront affectés.

Il garantit le droit à l'oubli. Les mineurs n'auront pas besoin de l'autorisation de leurs parents pour le faire valoir, ce qui constitue une avancée fondamentale.

Enfin, il responsabilise et associe les plateformes dans ce combat. Elles devront diffuser des chartes et contribuer à la lutte contre les abus.

La France est le premier pays au monde à s'emparer de ce sujet. Comme pour l'ensemble des défis liés à la régulation numérique, des solutions doivent être trouvées sur le plan européen mais, dans cette attente, ce texte constitue une avancée satisfaisante dont nous pouvons tous être fiers. Vous l'aurez compris, le groupe Agir ensemble votera en sa faveur.

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Il ne faudrait pas couvrir notre président de trop d'éloges ! (Sourires.) Je n'utiliserai pas les quatre minutes dont je dispose : M. le président les ajoutera au temps dont je disposerai pour questionner le ministre Blanquer !

(Sourires.)

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Plus sérieusement, il relève en effet de notre responsabilité d'intervenir dans un domaine où la distinction entre ce qui relève du loisir et ce qui relève du travail, ce que l'on appelle le playbour, est particulièrement floue. Parfois, les dérives sont assez conséquentes et l'on se demande en quoi ce type de pratiques relève encore des loisirs.

Cette proposition de loi est évidemment bienvenue. Nous avions déjà annoncé en première lecture que nous la voterions, et nous le ferons d'autant plus volontiers que les ajouts du Sénat nous paraissent importants, même si des insuffisances demeurent : un manque de clarté et de contraintes en matière de durée de tournage, de délais de retrait des vidéos en cas de non-respect de la législation, des lacunes s'agissant du contenu des chartes d'information des usagers. Grossièrement : beaucoup de recommandations et pas assez d'obligations ou de règles strictes.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire récemment à l'occasion d'une table ronde des rendez-vous du numérique éducatif, l'éducation au numérique, aux logiciels libres, à l'internet ouvert peut également permettre de sortir des logiques des plateformes, qui profitent en l'occurrence de la valeur créée par les enfants. J'espère que nous reviendrons sur ces questions dans le cadre des travaux de la commission.

Quoi qu'il en soit, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient cette proposition de loi.

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Comme l'ensemble de nos collègues, le groupe Écologie Démocratie Solidarité salue cette proposition de loi attendue et partage son double objectif : préserver la dignité des enfants et lutter contre l'exploitation commerciale de leur image.

Si le numérique offre des opportunités nouvelles, internet n'est pas toujours un espace de liberté et de sécurité. De ce point de vue, la période de confinement a été un révélateur : comment aurions-nous pu travailler, comment nous serions-nous distraits sans internet ? D'un autre côté, les faits de cyber-harcèlement se sont multipliés, notamment les comptes dits « fisha ».

Dans ce cadre, la protection des enfants comme spectateurs mais, aussi, comme acteurs doit être une priorité. Avec les nombreuses plateformes de partage de vidéos – YouTube, TikTok, Twitch – de jeunes enfants se transforment parfois en quelques heures en de véritables stars du Net. Rires, anecdotes, conseils, tutos beauté en direct de leur chambre d'ados… le rythme est parfois tel qu'il n'est plus question de loisir mais d'une activité à temps plein.

Pour autant, rien ne garantit que ces jeunes puissent bénéficier des revenus de leurs activités à leur majorité. En créant de nouvelles dispositions inspirées des régimes en vigueur pour les enfants qui travaillent dans le domaine du spectacle ou de la mode, cette proposition de loi répond en partie à cette problématique.

Autre disposition essentielle de ce texte : la garantie du droit à l'oubli pour les mineurs figurant sur des vidéos mises en ligne sur ces plateformes, et ce, sans le consentement de leurs représentants légaux, bien souvent leurs parents, dont on sait qu'ils sont parfois à l'initiative de l'activité.

C'est bien le seul « intérêt supérieur de l'enfant », principe fondamental garanti par l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, consacré par nos juridictions suprêmes, qui doit guider nos réflexions. La protection des mineurs sur le plan numérique, dans un contexte d'évolution rapide des usages, est un défi fondamental de notre siècle. Ce texte est une première pierre pour notre arsenal législatif en la matière et a le mérite de poser clairement le débat. Le groupe Écologie Démocratie Solidarité le votera donc.

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Je tenais à intervenir pour saluer votre engagement, monsieur le président-rapporteur, afin de faire vivre cette loi communément nommée « Jeunes youtubeurs ». Elle constitue un premier pas déterminant pour la protection de nos enfants dans l'environnement numérique.

Néanmoins, cette prise de conscience ne doit pas s'arrêter là. De nombreux parents ou proches des jeunes publient de façon régulière des photos ou des vidéos de ces derniers sur les réseaux sociaux, et si ce geste peut sembler anodin, dénué de toute volonté de monétiser les contenus, cela n'en est pas moins dangereux pour l'enfant.

Outre le risque d'exposition à des prédateurs, présents en nombre sur certains réseaux, la question du respect de l'intimité de l'enfant doit plus généralement alerter les parents. La parentalité à l'ère numérique doit intégrer cet enjeu du consentement à la diffusion d'images prises dans un cadre privé.

Comme nombre de mes collègues, je formule le vœu que l'adoption de cette proposition de loi ouvre la voie à des réflexions connexes pour assurer le respect des droits de l'enfant en ligne, et je ne doute pas que notre commission y participera activement.

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Je vous remercie tous pour vos propos mais, aussi, pour le travail accompli par tous les groupes, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Aller au Sénat pendant deux heures pour y être complimenté, je vous avoue que ce n'est pas désagréable ! (Sourires.) Ces moments sont assez rares dans la vie d'un parlementaire pour être relevés !

Il est vrai que les enfants mettent en scène ces vidéos le plus souvent en s'amusant, mais des adultes aussi travaillent en s'amusant ou s'amusent en travaillant et, pour autant, cela reste du travail. C'est ce que je me suis efforcé d'expliquer à certaines familles lorsque je les ai rencontrées : même si les enfants prennent du plaisir et s'amusent, en tout cas à ce que les parents me disent, il n'en reste pas moins qu'ils obéissent à des consignes, à une scénarisation, et qu'il s'agit là d'une relation de travail, ce qui suppose de pouvoir disposer d'un cadre très protecteur.

Vous avez dit, madame Tolmont, que ce texte était incitatif et pédagogique, mais lorsqu'une relation de travail est explicitement établie, si les démarches qui s'imposent ne sont pas effectuées, il s'agit de travail dissimulé. Le cadre que nous proposons, dès lors, n'est plus seulement incitatif et pédagogique : il est répressif.

Vous avez également dit que j'étais en quelque sorte un homme de jalons : c'est déjà pas mal ! Je vous remercie donc d'avoir contribué, avec moi, à poser ce jalon important alors que nous nous interrogeons beaucoup sur le cadre juridique actuel, hérité de la directive de 2000 dite « e-commerce ». En application de cette directive, ces plateformes restent aujourd'hui des hébergeurs et non des éditeurs ; nous attendons de la nouvelle Commission européenne des prises de position fortes sur la réforme de cette directive ou la parution d'un nouveau texte encadrant les services numériques, afin de faire progresser, je l'espère, la responsabilisation des différents acteurs – qui, en l'occurrence, se sont montrés très coopératifs.

Sans doute aurions-nous pu faire montre de plus de combativité en matière de sanctions à l'égard des plateformes mais il importait que la loi soit efficace, que les mesures prévues s'appliquent, ce que ce texte autorise.

Je vous remercie également pour vos propos, madame Petit. Je suis d'accord avec vous quant au rôle que peuvent jouer les chartes : il faut faire de la pédagogie. Cette proposition de loi est d'ailleurs assez bien reçue par les enfants, dans les classes, lorsque nous y allons pour expliquer le rôle du député. Ce que signifie « faire la loi » devient tout de suite plus concret pour eux ; ils comprennent que cela revient finalement à voter des règles pour protéger les plus faibles. Nous avons salué la qualité que présentent parfois les vidéos diffusées mais il faut être certain que lorsque des enfants y apparaissent, ils ne soient pas exploités.

Merci, monsieur Potterie, pour votre rappel historique. De nombreux jalons ont en effet été posés pour encadrer le travail des enfants, le principe général étant son interdiction, sauf dérogation pour les enfants du spectacle, établie au début des années soixante. M. Reiss a quant à lui rappelé le décret qui a été pris sous la présidence Sarkozy. La République sociale à laquelle nous sommes attachés, sous des formes différentes selon nos sensibilités, s'est construite autour de l'interdiction du travail des enfants et nous pouvons tous être fiers du travail accompli.

Nous avons à la fois fait preuve, ici, d'ambition et de modestie car, comme l'a dit Mme Faucillon, nous nous situons dans une zone grise : internet rebat toutes les cartes, y compris celles du droit du travail. Si des vidéos relèvent explicitement de la relation de travail – répétitions, consignes, etc. – d'autres ne s'y inscrivent plus tout à fait, notamment en raison de l'absence de consignes, mais elles ne relèvent pas non plus exactement du loisir car elles génèrent des revenus dont il convenait que l'enfant puisse bénéficier lors de son émancipation.

Le travail reste encore largement devant nous mais nous sommes en train de poser une première pierre pour réguler l'activité des enfants dans le domaine numérique.

Vous comme moi sommes souvent interpellés dans nos circonscriptions sur le nombre d'heures que nos enfants passent devant les écrans – quatre heures par jour en moyenne – et sur ce que cela signifie. Avec ce texte, nous sommes passés de l'autre côté, à ce qui se passe en amont des écrans, afin de s'assurer que ces enfants qui participent parfois à la vulgarisation de connaissances dans tous les domaines – et il ne nous appartient pas de juger des contenus qu'ils diffusent – ne soient pas exploités.

La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Extension du régime protecteur des enfants du spectacle aux enfants figurant dans des vidéos diffusées sur les services en ligne

La commission adopte l'article sans modification.

La commission adopte l'article sans modification.

La commission adopte l'article sans modification.

La commission adopte l'article sans modification.

Article 4 bis (nouveau) : Pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel en matière de lutte contre l'exploitation commerciale illégale de l'image d'enfants de moins de seize ans par les services de plateforme

La commission adopte l'article sans modification.

La commission adopte l'article sans modification.

Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

La séance est levée à dix-huit heures cinq.

Présences en réunion

Réunion du mardi 29 septembre 2020 à 17 h 15

Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Bertrand Bouyx, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Elsa Faucillon, M. Raphaël Gérard, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. Yannick Kerlogot, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Sophie Mette, Mme Sandrine Mörch, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Frédéric Reiss, M. Cédric Roussel, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory

Excusés. - Mme Annie Genevard, Mme Josette Manin

Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Bagarry, M. Dino Cinieri, M. Benoît Potterie