Séance en hémicycle du mercredi 10 mars 2021 à 21h00

La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures.

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L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement (nos 3787, 3894, 3902).

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Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi constitutionnelle, s'arrêtant à l'amendement no 208 à l'article unique.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 208 .

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Il vise à inscrire dans la Constitution que la République « oblige à garantir la sécurité environnementale et sanitaire des citoyens. »

Au printemps dernier, quand le covid-19 et le confinement ont surgi dans mon coin d'Abbeville, nous nous sommes retrouvés dans une complète pénurie de surblouses, au point que les soignants et la directrice de l'hôpital ont dû aller acheter de la toile à Jardiland et fabriquer eux-mêmes des surblouses temporaires, sur de petites machines à coudre, avec l'aide de bénévoles des alentours.

Cela s'est passé dans la Somme, une région qui a bâti ses cathédrales et sa prospérité sur l'industrie textile. Après la signature des accords multifibres dans les années 1970, cette industrie a été cassée en une dizaine d'années, sa liquidation se traduisant par des importations massives.

La pénurie n'a pas été seulement locale : les panneaux d'affichage de Saint-Romain indiquaient que le centre hospitalier de la ville était à la recherche de sacs-poubelle de grand gabarit – 120 litres minimum – et de préférence avec lien, afin de fabriquer des surblouses pour protéger les soignants.

Cet amendement, qui tend à ce que cette situation ne se reproduise plus, me donne l'occasion de vous poser cette question : qu'a-t-il été fait depuis un an pour que nous ne dépendions plus d'importations qui n'arrivent pas et pour que nous ne nous retrouvions pas à poil, pratiquement au sens propre, étant incapables de produire des surblouses pour protéger nos soignants ?

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La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

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Avec cet amendement, qui propose d'obliger la France à garantir la sécurité environnementale et sanitaire, vous semblez vouloir rouvrir le débat sur la gestion par l'État et par les hôpitaux du matériel pendant la crise sanitaire. Ce n'est pas l'objet de la réforme constitutionnelle.

Par ailleurs, qu'entendez-vous par « oblige à garantir » ? La formulation serait un peu curieuse dans un texte constitutionnel, convenez-en.

Que faisons-nous depuis un an pour répondre à la situation de vulnérabilité dans laquelle nous avons pu nous trouver ? Le plan France Relance va consacrer 40 milliards d'euros à la réindustrialisation du pays, c'est-à-dire à réancrer l'industrie sur notre territoire ; sur ces 40 milliards, 30 seront dévolus à la transition écologique – ce qui est peut-être davantage en lien avec le débat de ce soir. J'émets un avis défavorable à votre amendement.

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis que le rapporteur.

L'amendement no 208 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 199 .

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France Relance ne cible absolument pas les secteurs qui pourraient être considérés comme stratégiques. En l'occurrence, rien n'est prévu pour recréer une base minimale dans le textile.

Venons-en à l'amendement no 199 , qui propose de préciser que la République « agit pour maintenir sur son territoire une industrie, de sorte à ne pas polluer l'atmosphère en important des produits que l'on peut fabriquer en France. »

Cela m'incite à vous raconter une anecdote. Je me trouvais un jour à Megève, au pied du Mont-Blanc, avec un guide nommé Fernand, qui remarquait des changements très nets depuis trois ans. « Des arbres sèchent, surtout des épicéas, et je pense que c'est dû au réchauffement qui joue sur toute la nature », me disait-il. Et de me décrire des chênes et des bouleaux aux branches dépouillées ou avec des feuilles de couleur rouille en fin de printemps. « On croirait une végétation d'automne », remarquait-il. Pour lui, le plus étonnant était que les glaciers ne regagnaient plus du terrain pendant l'hiver, comme auparavant, mais qu'ils continuaient à en perdre.

Au bout de son jardin, des camions passaient à la queue leu leu sur l'autoroute, vers l'Italie. Fernand m'a expliqué qu'il n'y avait pas de tunnel quand il avait construit sa maison en 1959 – c'était un homme âgé, aux cheveux blancs. « Les premiers camions, on n'y fait pas attention », m'a-t-il dit. Et puis la route s'est élargie.

Ces importations et ces exportations de marchandises tous azimuts, en l'occurrence depuis et vers l'Italie, j'ai pu les vérifier un peu plus loin sur l'aire de Passy Mont-Blanc, où les camions bouchonnaient. Les routiers me disaient ne plus comprendre cette situation voulue par l'Europe. Ils se retrouvaient avec leurs camions cul à cul, preuve que le rail-route était loin d'être acquis. Alors que je m'attendais à ce qu'ils défendent leur métier, l'un se décrivait livrant du jambon à l'aller comme au retour, l'autre chargeant des bobines de papier de grammage et de poids identiques dans les deux sens, un troisième faisant la même chose avec du bois. Tous avouaient ne pas comprendre.

Il me semble que tout doit être fait pour rompre avec cette anomalie, parce que c'est le transport routier qui, depuis les années 1990, fait croître nos émissions de gaz à effet de serre.

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Votre amendement est bien éloigné du sujet dont nous débattons ce soir, et sa rédaction me paraît très problématique : vous demandez en quelque sorte la fermeture quasi intégrale des frontières aux échanges commerciaux. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Soyons sérieux : on ne peut pas dégrader la Constitution car ce n'est pas un tract que l'on balance sur le marché. Pour amener à ces modifications que vous appelez de vos voeux ou de vos fantasmes, vous nous parlez de Fernand ou du routier qui se trouve je ne sais où. Moi, je vais vous parler de Gilbert pendant une heure et demie, vous allez voir ! Ne pourrait-on pas essayer d'élever un peu le niveau ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Voulez-vous vraiment que la Constitution ressemble au texte que vous proposez ? En réalité, vous n'en voulez même plus de la Constitution, et c'est bien là le problème !

Vous avez le droit de dire ce que vous voulez mais, quant à moi, j'ai le droit d'être exaspéré et de le dire. La Constitution de notre pays mérite autre chose que ces approximations. Le débat parlementaire, me semble-t-il, c'est aussi autre chose que vos histoires de Fernand qui nous parle de son jardin, des feuilles qui tombent et se ramassent à la pelle. Au fond, je trouve cela assez terrifiant. C'est peut-être la fatigue, monsieur Ruffin, pardonnez-moi.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Monsieur le ministre, nous parlons du climat. Vous montrez un certain mépris à l'égard de Fernand…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais non !

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… ou des routiers qui, selon moi, ont toute leur place dans cet hémicycle. N'étant pas élus, ils ne peuvent y faire part directement de leur expérience personnelle, mais celle-ci doit être évoquée dans le cadre de ce texte. Si la Constitution prétend préserver la biodiversité et lutter contre le réchauffement climatique, les conséquences seront très concrètes.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ils ne sont même pas écrits en français, vos amendements !

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Nous ne pouvons pas nous contenter d'inscrire de grandes généralités dans le texte, sans nous demander ce que cela va changer précisément pour les camions qui font la queue au tunnel du Mont-Blanc pour aller en Italie.

Certes, le ministre de la justice se trouve au banc du Gouvernement parce que la ministre de la transition écologique est occupée à un autre débat devant la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Climat et résilience ».

En temps normal, les amendements devraient donner lieu à double réponse, l'une sur la forme et l'autre sur le fond. C'est bien une question de fond qui est posée là : comment allons-nous combattre le réchauffement climatique dans le domaine du transport routier ? Pouvez-vous me garantir que ce que vous proposez d'inscrire dans la Constitution va faire baisser les émissions de gaz à effet de serre par le transport routier au cours des prochaines années ?

L'amendement no 199 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 211 .

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Il est proposé d'inscrire que la République « poursuit l'objectif de relocaliser toute son industrie stratégique pour réduire les importations de gaz à effet de serre ».

Que s'est-il passé l'an dernier, notamment en ce qui concerne les médicaments hypnotiques ou sédatifs ? Les médecins n'avaient plus les doses suffisantes de ces médicaments pour soulager la douleur de leurs patients en grande souffrance ou en train de mourir.

Interrogé, le lobbyiste du LEEM – Les Entreprises du médicament, autrement dit Big Pharma – a indiqué que les pourcentages se sont inversés : 60 à 80 % des matières premières sont désormais d'origine extra-européennes, importées d'Inde ou de Chine, alors qu'elles étaient à 80 % produites en France ou en Europe il y a trente ans. Ce changement est dû notamment à l'élaboration de politiques environnementales, a-t-il expliqué, les entreprises choisissant des pays où les normes sont moins exigeantes.

Sur le plan de l'environnement, l'effet négatif est double : dans les pays aux normes et contrôles moindres, les émissions directes de gaz à effet de serre augmentent ; des porte-conteneurs et des camions circulent à travers le monde pour livrer les médicaments ici.

Ce porte-parole du LEEM a aussi mis en avant les coûts de production de ces principes actifs, nettement moins élevés dans certains autres pays. Le libre-échange permet donc un dumping environnemental et salarial.

Nous devons avoir l'ambition de relocaliser nomment l'industrie du médicament pour des raisons de souveraineté nationale – afin de ne plus connaître une telle galère à l'occasion d'une prochaine crise – et pour des raisons environnementales et sociales. Or nous n'en prenons pas le chemin, bien au contraire : Sanofi s'oriente plus que jamais vers l'externalisation et la délocalisation de ses usines.

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Dans le plan France Relance, il est prévu d'investir 40 milliards d'euros pour réindustrialiser le pays, dont 1 milliard d'euros qui seront consacrés au financement d'appels à projets pour les industriels qui souhaiteraient relocaliser en France.

La notion d'industrie stratégique, dont vous parlez dans votre amendement, est assez facile à comprendre et nous en avons tous une définition plus ou moins commune. Elle reste néanmoins assez vague sur le plan juridique, tout comme les implications d'une relocalisation. Votre amendement n'a donc pas sa place dans la Constitution. Pour cette raison, j'émets un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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M. Ruffin soulève un problème intéressant mais, à mon avis, il ne le fait pas de la bonne manière. S'il faut relocaliser nos industries stratégiques, ce n'est pas en premier lieu pour des raisons environnementales mais par souci de notre souveraineté industrielle, pour ne pas être vulnérables dans la mondialisation. L'aborder sous l'angle environnemental, c'est le faire par le petit bout de la lorgnette.

Cet amendement remet sur la table la question de la réduction des gaz à effet de serre. Avant la suspension de nos travaux, monsieur le ministre, vous avez expliqué, un peu agacé, que vous aviez tout de même été très clair.

Vous avez dit qu'on n'allait quand même pas mettre des indicateurs chiffrés – sous-entendu d'émissions de CO2 – dans la Constitution. Mais je suis au regret de vous informer que la France a signé les accords de Paris, aux ambitions chiffrées importantes, et que, les traités étant supérieurs aux lois, vous devez de facto respecter ces indicateurs. J'espère que le fait de ne pas les inscrire dans la Constitution ne veut pas dire que vous ne croyez pas à l'ambition écologique du Gouvernement – ce serait inimaginable !

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En réalité, l'affaire est simple. Vous garantissez la préservation de l'environnement, vous luttez contre le réchauffement climatique. Pourquoi ne pas garantir la baisse des émissions de CO2 ? Vous répondez que cela induirait une quasi-obligation de résultat. J'ai enfin compris : depuis le début de la discussion, nous nous focalisons sur les verbes : garantir, préserver… Mais c'est l'adverbe qui est important : vous l'avez dit, nous avons une quasi-obligation de résultat. Imaginez un assureur qui vous vendrez un contrat garantissant une quasi-indemnisation : Il va bien falloir regarder les petits caractères !

Sourires sur divers bancs.

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Les petits caractères derrière votre « quasi », c'est que vous luttez « quasiment » contre le réchauffement climatique ! Vous luttez, mais vous ne voulez pas vous engager sur une baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous savez qu'il existe des quasi-contrats !

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Monsieur Aubert, en défendant l'amendement, j'ai bien mentionné les trois raisons qui nous motivent : la souveraineté nationale, la réduction des gaz à effet de serre et la lutte contre le dumping salarial. La conjonction de ces trois enjeux justifie une stratégie de relocalisation.

Monsieur le rapporteur, vous dites que France Relance représente 40 milliards d'euros. Mais, comme pour le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, transformé en baisse de charges pérenne, vous faites du saupoudrage alors que je souhaiterais du ciblage. Quels sont les secteurs que vous définissez comme déterminants, sur lesquels notre souveraineté doit être garantie ? Que faut-il relocaliser de manière urgente ? Dans un coin comme la Picardie, cela fait dix ans qu'on entend le leitmotiv de la relocalisation, sans rien voir venir. Allouer 1 milliard d'euros à la relocalisation sans rompre avec les accords de libre-échange, qui conduisent fatalement à une délocalisation de l'industrie, puisque d'autres pays offrent des normes environnementales et salariales moins strictes, ne permet pas de lutter contre la cause du mal.

S'agissant des médicaments, nous souhaitons un pôle public. Si Sanofi ne fait pas le boulot, nous devons le faire à sa place. S'il n'est pas capable de produire un vaccin et d'en faire un bien public mondial, comme s'y était engagé le Président de la République, c'est nous qui allons le faire !

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Vous n'apportez pas de réponse aux difficultés profondes affectant aujourd'hui le marché du médicament, qui ne se réduisent pas au seul vaccin.

L'amendement no 211 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 200 .

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Il exige de compléter l'article par la phrase suivante : « [La République] interdit la commercialisation sur son territoire de produits déjà fabriqués en quantité suffisante par l'industrie implantée en France, dans un objectif de réduction des importations. »

M. le ministre ne va pas aimer, mais je voudrais évoquer le cas d'un ouvrier de l'usine de Bridgestone, que j'ai rencontré sur le site de Béthune, désormais fermé et délocalisé. Il m'a dit avoir eu, à Noël, un bon d'achat pour des pneus, s'être rendu chez Norauto et acheté des pneus Bridgestone ; à sa grande surprise, il a lu sur l'étiquette que ceux-ci venaient du Vietnam – avec lequel nous venons d'ailleurs de signer un nouveau traité de libre-échange.

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Je me sens concerné par cette crise industrielle : dans ma région, il y avait Continental, parti en Roumanie ; Goodyear, parti en Pologne ; Bridgestone, désormais également parti à l'Est ; il nous reste Dunlop. Quand on interroge votre collègue Agnès Pannier-Runacher sur le sujet, elle répond : que voulez-vous, il y a le pneu asiatique. Elle en parle comme d'un phénomène naturel, tel le frelon asiatique, …

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… et non comme d'une chose socialement, économiquement et politiquement construite par des accords de libre-échange qui permettent la concurrence déloyale, ces accords qui ont tué Continental et Goodyear, et qui, j'espère, ne tueront pas Dunlop.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pardon de vous le dire, monsieur Ruffin, mais la phrase que vous proposez d'introduire n'a strictement aucune signification.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est même pas écrit en français ! Et c'est cela que vous voulez graver dans le marbre de la Constitution ? « Elle interdit la commercialisation sur son territoire de produits déjà fabriqués en quantité suffisante par l'industrie implantée en France, dans un objectif de réduction des importations. » On interdit donc la commercialisation de produits fabriqués par l'industrie implantée en France : on les produit dans notre pays, mais on ne peut ni les vendre ni les acheter. Ce n'est même pas français, votre truc ! Et puis, c'est « dans un objectif de réduction des importations ». Alors là, si vous comprenez ce machin-là… Franchement, la Constitution mérite mieux que vos élucubrations !

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est même pas français, monsieur Ruffin !

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Monsieur le ministre, vous ne devriez pas vous laisser griser par la claque qui sera automatique, ce soir, autour de vous : dehors, vous n'aurez pas la même !

Ce n'est pas français ? Je vais relire la phrase. Vous avez le même mépris pour ces deux lignes que celui que vous avez exprimé tout à l'heure.

Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Je vais la relire calmement, car elle se comprend très bien.

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« Elle interdit la commercialisation sur son territoire de produits déjà fabriqués en quantité suffisante par l'industrie implantée en France » : quand des produits sont fabriqués en quantité suffisante en France, il n'est pas besoin d'en importer. Toute personne qui lit cette phrase la comprend très bien. C'est très clair pour tout le monde, sauf pour vous !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah non, ce n'est pas français !

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C'est tout à fait français, monsieur le ministre ! Je ferai analyser la phrase du point de vue grammatical par des professeurs de français, qui me diront s'ils l'estiment compréhensible ou non. Je vous assure qu'elle l'est nettement plus qu'un certain nombre d'amendements de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, qui ont été défendus dans cet hémicycle. Donc les cours de français, monsieur le ministre, j'irai les prendre ailleurs !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas un cours de français, ce n'est pas une question de grammaire. Vous écrivez : « Elle interdit la commercialisation sur son territoire de produits déjà fabriqués en quantité suffisante par l'industrie implantée en France ». La commercialisation, c'est l'achat et la vente. Ce sera interdit. Pourquoi ? On ne sait pas. Ensuite, vous parlez d'importations. Vous confondez commercialisation et importations ! Mais c'est moi qui raconterais n'importe quoi…

Ce n'est pas digne d'un travail sérieux, surtout quand on touche à la Constitution. On ne peut pas écrire n'importe quoi. Ce n'est pas un tract qu'on distribue sur le marché, monsieur Ruffin. Faites attention, vous étiez journaliste, vous maniez parfaitement la plume, j'en ai le souvenir.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

L'amendement no 200 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 197 .

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J'espère que M. le ministre va le comprendre !

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas sûr !

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Il s'agit de compléter l'article par la phrase suivante : « Cela implique d'éviter l'importation des denrées que l'on produit sur le territoire dans de meilleures conditions. »

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est incompréhensible !

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Pour appuyer mon amendement, je citerai le rapport que Stefan Ambec a rendu au Premier ministre sur l'accord d'association entre l'Union européenne et le MERCOSUR en matière de développement durable. On y lit, page 5, que cet accord va conduire à « une accélération de la déforestation annuelle de l'ordre de 5 % pendant la période de six ans prévue par l'Accord ». Cela veut dire que la déforestation ne va pas seulement continuer dans les pays avec lesquels nous aurons un accord, mais va augmenter de 5 % par an. Ce ne sera pas un effet du méchant Bolsonaro, mais un effet mécanique du traité de libre-échange : après l'usine du monde en Chine, on aura la ferme-usine du monde au Brésil, où seront produits massivement les boeufs. Le rapport Ambec poursuit, page 141, de façon plus claire encore : « La viande de boeuf émet 413 kg éq CO2 par kg de protéine en Amérique Latine contre 128 kg [… ] en Europe de l'Ouest. » Il y a quatre fois plus d'émissions de gaz à effet de serre pour 1 kilo de boeuf produit au Brésil que pour 1 kilo de boeuf produit en Europe. Pourtant, la France n'a pas dit non de manière ferme à cet accord. On produit assez de boeuf sur notre territoire, alors quelle est l'utilité d'en importer du Brésil ? De même, on produit suffisamment de pneus sur notre territoire, pourquoi en importer de Chine ou d'ailleurs ? Cela, l'ouvrier de Bridgestone comme l'éleveur du Cantal le comprennent parfaitement.

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Défavorable. Je vous ai déjà expliqué tout à l'heure, monsieur Ruffin, que le Président de la République avait été le premier chef d'État européen à dénoncer l'accord avec le MERCOSUR, qui ne respecte pas nos standards environnementaux.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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Aujourd'hui, un seul pays a clairement dit non à l'accord avec le MERCOSUR : l'Autriche. C'est le seul pays à avoir envoyé un message à la Commission européenne pour dire qu'il ne veut pas qu'on organise en douce un accord qui n'ait pas à être signé à l'unanimité par tous les membres et qui ne passe pas par les parlements nationaux. Les Autrichiens veulent cette double garantie : unanimité à Bruxelles et examen devant les parlements nationaux. Ils sont les seuls à avoir émis ce message avec clarté. Si vous me dites ce soir, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre – c'est un dossier que vous devez connaître ! – ,…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Par coeur !

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… que le Président de la République s'engage à dire non à ce procédé, à l'instar de l'Autriche, cela constituera un engagement fort en matière environnementale, sans doute plus fort que la seule modification de la Constitution.

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Je ne sais pas si c'est dans la Constitution qu'il faut l'inscrire, mais sur le fond, M. Ruffin a raison : on ne peut pas créer des normes et des règles qui s'imposent à nos éleveurs et à nos producteurs, et accepter parallèlement l'importation de produits que nous n'accepterions pas dans nos propres exploitations. M. le rapporteur affirme que le Président de la République s'est opposé à l'accord avec le MERCOSUR ; la belle affaire ! Les paroles, en amour, valent moins que les actes.

Prenons l'exemple du CETA, l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, aujourd'hui appliqué. Accepté par l'Assemblée nationale – les Républicains s'y étaient opposés – , il devrait être soumis au Sénat, mais celui-ci n'a même pas encore eu la possibilité de s'exprimer que l'accord est déjà appliqué tel qu'il est prévu. C'est un écart par rapport à ce qui devrait se faire. Sur des questions comme celle-ci, il devrait y avoir un réel consensus. On devrait aller au bout du processus pour éviter de se retrouver avec des importations indésirables – le CETA permet ainsi d'importer des viandes d'animaux alimentés avec des farines animales.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Est-ce le sujet dont on parle ce soir ?

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Cela ne devrait sans doute pas figurer dans la Constitution – vous avez raison sur ce point, monsieur le garde des sceaux – , mais il n'empêche que sur le fond, M. Ruffin n'a pas tort.

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Ce débat est surréaliste. Il est vrai qu'il y a un décalage entre les amendements de M. Ruffin et l'objet que M. le ministre entend donner à la loi constitutionnelle.

On comprend sa position. Pourtant, quand certains d'entre nous ont proposé d'inscrire dans la Constitution la possibilité d'opposer la notion de bien commun au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre, cela n'a pas éveillé d'hostilité particulière de votre part. Cette différence idéologique semblait pouvoir faire l'objet d'un débat contradictoire dans le cadre de l'examen de la proposition de loi constitutionnelle.

J'illustrerai mon propos en mentionnant le courrier que le Président de la République recevra ce soir ou demain matin à propos d'un dossier qui irrite légitimement les élus que nous sommes, mais aussi les élus locaux et les Français qui nous écoutent. Dans cette lettre, le président de la métropole Rouen Normandie, les présidentes de Nantes métropole et de Rennes métropole, ainsi que plusieurs élus régionaux exerçant des responsabilités en matière économique, demandent au président Macron de faire en sorte que l'État s'engage massivement et immédiatement pour sauver l'usine UPM Chapelle Darblay – qui représente 220 emplois et 800 emplois induits – et permettre à cette pépite de l'économie circulaire, seule entreprise française à produire 100 % de papier recyclé, de survivre. Alors que ce site est appelé à fermer dans les semaines à venir, ils demandent à l'État de le soutenir et de l'intégrer dans le plan de relance.

M. François Ruffin applaudit.

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Voilà ce que les élus de terrain et les responsables politiques territoriaux qui nous écoutent vous demandent de comprendre !

L'amendement no 197 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 212 .

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Il vise à inscrire dans la Constitution que la République « condamne les délocalisations industrielles qui continuent à polluer sans restriction. »

Pourquoi ? Parce qu'en dépit des efforts fournis en France, on constate que si, depuis trente ans, les émissions directes de gaz à effet de serre liées à la demande intérieure ont baissé d'environ 30 %, les émissions importées ont dans le même temps augmenté de 78 %. En vérité, nous ne nous améliorons pas du tout en matière d'émissions de gaz à effet de serre : nous les faisons simplement produire ailleurs. Le récent rapport du Commissariat général au développement durable – un rapport officiel, donc – confirme d'ailleurs que « les émissions importées représentent plus de la moitié de l'empreinte carbone de la France (57 % en 2018) ».

Si l'on réduit l'empreinte carbone en France sans réduire l'importation de CO2, nos efforts ne servent à rien. Vous pouvez m'opposer que la rédaction de l'amendement ne vous convient pas ou que le verbe n'est pas bien positionné dans la phrase, mais que comptez-vous faire pour lutter contre cette réalité macro-économique qui mine, au fond, toute ambition environnementale ? Nicolas Hulot l'expliquait déjà quand il soulignait que nous ne nous en sortirions pas en construisant des éoliennes, si nous ne remettions pas en cause le libre-échange, car ce dernier annihile tous nos efforts. C'est sur ce point que je vous demande de répondre.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La formulation proposée nous semble imparfaite : qu'entendez-vous exactement par « condamner les délocalisations » ? Vous placez-vous sur un plan moral – ce qui aurait bien peu d'effet – ou souhaitez-vous sanctionner pénalement les personnes physiques ou morales qui participeraient à de telles opérations ? J'avoue être resté quelque peu interloqué par votre amendement. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous évoquez la longue dégradation de la situation depuis trente ans. M. Mélenchon n'a-t-il pas été ministre durant cette période ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Que n'a-t-il agi pour endiguer ce processus délétère que vous dénonciez il y a quelques secondes ? Je profite de l'occasion qui m'est faite pour dire une fois pour toutes que la position française sur le MERCOSUR n'a pas changé : nous sommes contre le projet d'accord en l'état. Nous avons expliqué pourquoi et avons formulé en septembre, dans un communiqué du Premier ministre, une liste d'objectifs dont l'atteinte conditionne toute reprise d'un quelconque processus concernant le projet d'accord commercial. À bon entendeur, salut.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre collègue Ruffin soulève un problème réel : il est effectivement facile d'afficher un bilan carbone positif quand on est largement désindustrialisé et toujours plus dépendant de l'étranger. Rappelons, par exemple, que la France, en 2020, s'est particulièrement illustrée en matière de déficit commercial, puisque ce dernier a atteint 80 milliards d'euros – c'est, me semble-t-il, du jamais vu depuis 1945. Lorsque les centres de production sont répartis partout ailleurs sur la planète, il est facile de pointer du doigt les autres pays en remarquant que, contrairement à nous, ils émettent du carbone.

Sans doute faudrait-il donc, de la même manière qu'on distingue, en économie, le PIB – produit intérieur brut – du PNB – produit national brut – , calculer l'intensité carbone du PIB et celle du PNB pour reconstituer la véritable empreinte carbone de la consommation et de la production françaises.

Je suis néanmoins en désaccord avec vous sur un point, monsieur Ruffin : vous qualifiez, comme d'autres que vous sont tentés de le faire, le CO2 de « pollution ». Or le dioxyde de carbone n'est pas une pollution : je rappelle que ce gaz fait partie de l'atmosphère terrestre, où on ne le trouve que de façon très minoritaire, et que, lorsqu'on émet du CO2, on ne pollue pas. Le dioxyde de carbone fait certes partie des gaz à effet de serre, mais il ne doit pas être mis sur le même plan que d'autres pollutions, comme la pollution de l'air, les émissions de particules fines, et d'autres.

J'insiste sur ce point, car nous débattrons un jour de l'écocide. Si l'on considère qu'une entreprise qui émet trop de CO2 pollue, la nature de l'écocide s'en trouvera totalement modifiée et englobera beaucoup plus d'entreprises que ce que nous souhaitions originellement. Je rappelle que nous avons tous assisté à des cours de biologie entre le CM1 et la cinquième, et que nous y avons tous appris que les plantes absorbent du CO2 et rejettent de l'oxygène : il existait donc bien du CO2 sur terre avant l'arrivée de l'homme.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Peut-être êtes-vous fatigué, monsieur le garde des sceaux, mais je dois dire que vous me décevez.

« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Jean-Luc Mélenchon fut, vous le savez, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LaREM

Tout le monde s'en souvient !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous ai remis, juste avant d'entrer dans l'hémicycle, un petit manuel portant sur la question écologique. Vous m'avez répondu que vous trouveriez un meuble qu'il puisse servir à caler, tant la question vous passionne. Peut-être les débats vous lassent-ils, mais je vais vous faire une confidence : moi aussi, je suis las de constater que nous nous livrons ici à une véritable mascarade, à une opération purement politicienne, parce que M. Macron a décidé de mettre à la poubelle l'essentiel de ses engagements vis-à-vis de la Convention citoyenne et que vous n'êtes là que pour accomplir la basse besogne consistant à apposer un petit autocollant vert sur la Constitution. Voilà pourquoi nous sommes réunis ici !

Que fait notre collègue Ruffin à travers ses amendements successifs ?

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LaREM

De la communication !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il dénonce le grand déménagement du monde, dans tous les secteurs de la société. Quand il évoque la crise sanitaire, vous lui répondez qu'elle n'a rien à voir avec le débat qui nous occupe. Mais pourquoi avons-nous manqué de masques ? Parce que nous avions décidé que la production chinoise répondrait à tous nos besoins. C'est ce grand déménagement du monde et ses effets sur la question climatique – je songe par exemple à ces crevettes pêchées quelque part, pour être ensuite dépiautées à l'autre bout du monde, puis reconditionnées ailleurs encore – que nous nous évertuons à dénoncer depuis tout à l'heure.

Quand nous pointons la nécessité de relocaliser l'industrie et de réindustrialiser la France – termes d'ailleurs employés par le Président de la République lui-même – de quoi parle-t-on ? Sur quoi la compétitivité promue dans le marché européen se fonde-t-elle ? Sur le mieux-disant écologique et social ? Assurément non ! Être compétitif, en Europe, c'est produire moins cher. À ce jeu, c'est toujours le moins-disant social et environnemental qui l'emporte. Il nous faut donc nous protéger.

Nous ne prônons pas un protectionnisme chauvin, mais un protectionnisme qui mette en avant des objectifs climatiques et sociaux – objectifs que nous devons atteindre, sans quoi, je l'ai dit, nous serons en grand péril. Vous ne l'ignorez d'ailleurs pas, monsieur le ministre, car vous êtes assez érudit pour lire les publications scientifiques : vous savez que le seul écosystème compatible avec la vie humaine est menacé. C'est donc à ce niveau-là, fort logiquement, que nous plaçons le débat aujourd'hui.

L'amendement no 212 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 205 .

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Il vise à préciser que la République « privilégie la production française dans son achat de matériel sanitaire public afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre liés aux transports ». Le but est d'encourager les acheteurs publics à privilégier les achats locaux.

Je vous livre, à ce sujet, une petite anecdote révélatrice de notre quotidien à l'Assemblée nationale : depuis le début la crise sanitaire, ont été installées dans les couloirs des machines où nous pouvons, sur présentation de notre badge, récupérer un paquet de masques. Initialement, ces masques étaient fournis dans des emballages en plastique portant la mention « made in China » ainsi que la marque, Eyoung, et l'adresse de production, « no 1, Dongtang Road, Zhenglu Town, Changzhou, Jiangsu, China ». Voilà où sont produits les masques fournis par l'Assemblée nationale !

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Depuis quelques semaines, ils nous sont présentés différemment : afin qu'on ne voie plus que les masques sont fabriqués en Chine, de petites mains sont chargées de les sortir des emballages plastiques qui faisaient mauvais genre pour les placer dans des enveloppes en papier. Cela montre bien que le fait de devoir faire venir de l'autre bout du monde des produits que nous portons tous sur nos visages et que nous consommons quotidiennement, suscite une certaine honte.

Ma question est donc la suivante : qu'allez-vous faire pour que, à l'avenir, de tels objets ne soient plus fabriqués à l'autre bout du monde puis acheminés par porte-conteneurs et par camion ? Plutôt que de dissimuler leur provenance, il conviendrait d'admettre publiquement le problème et de lutter réellement contre ce grand déménagement du monde.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je précise que j'ai alerté le premier questeur sur cette question qui touche au fonctionnement de l'Assemblée. Des dispositions seront prises pour que nous ayons recours à des fournisseurs plus locaux.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Votre remarque est d'autant plus pertinente, monsieur le président, qu'on fabrique des masques dans les prisons françaises – je le précise puisque nous évoquerons, le moment venu, le statut du détenu travailleur.

Pour le reste, je suis évidemment défavorable à l'amendement. Là encore, comment voulez-vous inscrire une telle phrase – un machin pareil, oserais-je dire si j'étais désobligeant – dans notre constitution ? Je n'ajouterai rien de crainte de devenir très désagréable mais, tout de même, Michel Debré doit se retourner dans sa tombe !

Je sais que vous voulez démolir la Constitution et que vous en préparez une nouvelle, comme on prépare des contre-référendums. Quel beau texte ce sera, si vous la rédigez comme vous écrivez vos amendements…

Sourires sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet amendement aurait pu être l'occasion d'engager un débat sur le recyclage des masques portés quotidiennement par des milliards d'individus qui en changent deux à trois fois par jour. La création de filières de recyclage, le fait de savoir si les masques sont intégralement recyclés ou s'ils sont en partie composés de matières plastiques non recyclables : voilà des questions très importantes pour qui prétend parler d'environnement. Il me semble que le Gouvernement devrait s'en saisir – s'il ne l'a pas déjà fait : je ne prétends pas suivre toute l'actualité du Gouvernement, lequel est, comme vous le savez, particulièrement créatif.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous avez raison, bien sûr, il faut l'inscrire dans la Constitution…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous noterez, monsieur le garde des sceaux, que, tout au long des débats de ce soir, je n'ai, malgré le mépris qui transparaît dans vos réponses, pas prononcé une seule attaque ad hominem – et je ne le ferai pas. Sans doute êtes-vous un poète, un auteur dont nous saurons mettre les talents à contribution pour rédiger nos amendements, nos articles ou la prochaine constitution. Je n'ai, pour ma part, nullement l'intention de démolir la Constitution.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah si !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Peu importe.

Il y a des tas de gens dans ce pays qui attendent autre chose que de grandes déclarations de principe.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Allez-y ! Recommencez encore et encore !

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« Elle privilégie la production française dans son achat de matériel sanitaire public afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre liés aux transports » est une phrase tout à fait compréhensible et très claire. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et c'est bien le cas de cette phrase, monsieur le ministre.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, cette proposition de compléter ainsi l'article a sa pleine place dans le débat de ce soir…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

… car ce grand déménagement du monde, des pneus, des médicaments, d'à peu près tout, à l'autre bout de la planète, ces porte-conteneurs qui polluent et ces camions qui apportent le matériel sanitaire jusqu'aux portes de l'Assemblée nationale sont bien liés à la question environnementale. On aimerait une réponse sur ce que le Gouvernement compte faire pour relocaliser ces productions, à la fois pour des raisons de souveraineté nationale, de crise environnementale et de lutte contre le chômage.

L'amendement no 205 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 207 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans le même esprit que le précédent, cet amendement propose que la République « s'engage à montrer l'exemple en matière d'achats pour son service public ». Puisque la précédente formulation ne vous convenait pas, je vous soumets ici une autre solution, étant entendu que vous avez toute latitude de m'en proposer une autre. Vous formuleriez la moindre proposition à mettre dans la Constitution pour nous garantir – puisque vous aimez ce verbe – que cessera cette délocalisation, responsable en large part, comme le dit Nicolas Hulot, de la crise environnementale, que je voterais sans hésiter l'amendement, croyez-moi.

En ce qui concerne les masques de l'Assemblée, nous pourrions ainsi nous tourner vers la coopérative qui s'est lancée en Bretagne – n'est-ce pas, monsieur le président ? – , la Coop des Masques, à Grâces près de Guingamp, dans les Côtes-d'Armor, et qui produit aujourd'hui des milliers de masques chaque jour, espérant atteindre le chiffre de trente à quarante millions par an. Je suggère très concrètement un achat public auprès de cette société qui oeuvre, elle, à une relocalisation d'un produit que nous avons tous les jours sur le nez.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Ruffin, dans le même esprit que le précédent, il est défavorable. Je vous renvoie à l'article 15 du projet de loi « Climat et résilience » que nous examinerons bientôt en séance, lequel propose d'imposer la prise en compte dans les marchés publics des aspects environnementaux liés aux travaux, aux fournitures et aux services achetés. Le débat que vous essayez d'engager aujourd'hui y aurait plus sa place. Avis défavorable.

L'amendement no 207 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 209 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suggère encore une autre formulation… Vous voyez qu'on aura vraiment tout essayé. En effet, pour convenir à notre ministre de la justice, arbitre des élégances dans les belles-lettres, il est proposé de compléter l'article en précisant que la République « s'engage à faire de sa politique d'achat public un exemple pour la lutte climatique ».

À titre d'exemple, l'entreprise Comatelec, qui se trouvait du côté de Vierzon – car je dois malheureusement en parler au passé – , produisait des luminaires destiné à l'éclairage public, notamment dans les villes. Or décision a été prise par l'actionnaire de délocaliser en Espagne. Les salariés ont tenté d'interpeller le ministère de l'industrie en suggérant, dans l'esprit d'un Buy French Act, qu'il soit mis un veto aux achats publics auprès de Comatelec si l'entreprise produisait désormais en Espagne ou en Turquie. Il n'y a eu aucune réponse du ministère, et sont 150 emplois qui sont partis et autant de chômeurs qui se retrouvent à Pôle emploi, avec, évidemment, encore plus de camions qui vont circuler à travers l'Europe. Je pense que sur un dossier comme celui-ci, l'État devrait avoir un positionnement beaucoup plus fort. Il ne s'agit même pas, ici, de soutenir la relocalisation, mais seulement d'éviter une délocalisation, pour que les luminaires qui éclairent l'espace public ne soit pas produits en dehors de notre territoire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable car, comme pour l'amendement précédent, cette proposition est déjà satisfaite par le projet de loi « Climat et résilience ».

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les sujets évoqués sont de vrais sujets, qu'il ne faut pas traiter à la légère même s'ils apparaissent en effet périphériques à notre discussion constitutionnelle. Ils posent plusieurs questions aux consommateurs que nous sommes. Ils ont vocation à être abordés dans le cadre du projet de loi « Climat et résilience », mais ils mettent également en jeu les comportements individuels. C'est aussi à chaque acteur de s'assurer que les produits achetés proviennent bien d'une entité globalement locale, et j'appelle M. Aubert à relire à ce propos le petit rapport que Mme Brulebois et moi-même avons rendu au terme de la mission flash sur la gestion des masques, ce qui inclut non seulement les achats, mais également le recyclage.

Ce qui m'amène à la lettre qu'évoquait notre collègue Wulfranc, que j'ai cosignée avec de nombreux parlementaires et élus, concernant la papeterie Chapelle Darblay. C'est un de nos bijoux industriels qui aujourd'hui souffrent, ce qui pose fondamentalement la question de l'intervention de la puissance publique. Les collectivités locales sont certes de plus en plus mobilisées, mais il faut aussi des interventions de la part de l'État, notamment au travers d'outils comme la Banque des Territoires ou la Caisse des dépôts. Nous attendons beaucoup de leur aide pour maintenir la localisation de la production et pour développer le recyclage.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je rappelle à M. Leseul que la question de la Chapelle Darblay a été traitée principalement entre 2012 et 2017… Je ne voudrais pas citer de noms parmi les personnes responsables à l'époque.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes tous deux élus dans l'ancienne Haute-Normandie, tout comme notre collègue Wulfranc qui sait très bien comment tout cela s'est passé. Mais un débat constitutionnel n'est pas le lieu où soulever cette question, si l'on veut être rationnel, efficace et un peu honnête intellectuellement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Gérard Leseul en réponse, puis nous sortirons de ce débat pour le moins local.

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On va sortir de ce débat, monsieur le président, mais je tenais à dire que je n'avais accusé personne ; j'ai simplement expliqué qu'il fallait que les institutions publiques, notamment financières, aident aujourd'hui l'industrie.

L'amendement no 209 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement no 210 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il s'agit de demander la mise en conformité des achats publics de l'État avec ses engagements pour le climat. On sait que le projet de loi « Climat et résilience » poursuit l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990 ; mais, outre le fait que vous avez fichu les trois quarts des propositions de la Convention citoyenne pour le climat à la poubelle ou que vous les avez reléguées à plus tard, l'Union européenne a rehaussé l'objectif à 55 % de réduction de gaz à effet de serre. Cela veut dire que, même si vous aviez retenu les propositions de la Convention, notre pays serait bien en deçà de l'objectif que l'Union européenne elle-même fixe désormais.

Par conséquent, notre amendement propose de constituer un cercle vertueux. L'État doit mettre ses actes en conformité avec les objectifs qu'il dit poursuivre en matière climatique : par exemple, si les sociétés qui produisent des masques en France se mettent en ordre de bataille lorsque le Président de la République le leur demande, les commandes publiques devraient en tenir compte et assurer leur maintien en France voire leur relocalisation. De même, dans la mesure où, il y a vingt ans, la France produisait 80 % de ses médicaments sur son propre sol tandis qu'elle dépend aujourd'hui à 80 % de l'import, proposer la création d'un pôle public du médicament est un moyen de défendre notre souveraineté sanitaire, notamment en cas de crise comme celle que nous vivons, mais aussi d'éviter ce grand déménagement du monde que nous dénonçons.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable, puisque cet amendement est satisfait à l'article 15 du projet de loi « Climat et résilience ». Je note, monsieur Quatennens, que vous présentez nos propositions comme n'étant pas alignées sur celles de l'Union européenne, mais celles-ci ne seront formalisées que dans la loi européenne sur le climat présentée par la Commission au mois de juin ; on ne peut donc s'y référer pour notre propre texte. La France prendra alors les engagements qu'il convient, mais le moment n'est pas encore venu.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce que dit notre collègue Quatennens est très intéressant : l'environnement et la souveraineté sont deux enjeux tout à fait compatibles, et certaines mesures peuvent à la fois contribuer à réduire nos émissions de gaz à effet de serre et à renforcer notre souveraineté. Cela pourrait faire l'objet d'un débat sur l'ouverture, notamment commerciale, et le néo-protectionnisme. Je considère, pour ma part, que le mot « protectionnisme » n'est pas en soi un mauvais terme. On le confond souvent avec l'autarcie, mais vouloir de la protection pour nos éleveurs et pour nos agriculteurs, ce n'est pas être diabolique.

En revanche, il faut faire attention quand on passe des principes aux objectifs. Je sais bien qu'il y a des valeurs sacrées, j'ai bien compris que la Convention citoyenne était pour certains l'équivalent du Sacré Collège du Vatican et que les objectifs de l'Union européenne étaient indiscutables, qu'on devait les appliquer… J'ai parfois l'impression que l'on a copié la méthode brejnévienne consistant à fixer des objectifs quinquennaux extrêmement ambitieux, sans se demander si l'intendance suivra.

Tout le monde se gargarise de neutralité carbone, mais je voudrais tout de même rappeler que cela signifie diviser par sept ou par huit nos émissions de CO2, et qu'il faudra alors expliquer à nos concitoyens que, très concrètement, une fois chauffé au gaz leur appartement de quatre-vingts mètres carrés, leur budget carbone sera consommé pour l'année, et qu'ils auront donc le droit soit de se chauffer soit de faire un aller-retour Paris-New York une fois par an. Voilà ce que signifie la neutralité carbone au vu des objectifs affichés. Je ne dis pas que c'est impossible mais, compte tenu de ce que sont nos modes de vie, il paraît extrêmement compliqué d'y parvenir rapidement – d'où la pente fixée par l'Union européenne. Au lieu de se fixer des objectifs très ambitieux, on devrait se fixer des moyens très ambitieux car ce serait la meilleure manière d'avoir une obligation de résultat… pardon, une « quasi-obligation » de résultat.

L'amendement no 210 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement no 206 .

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Dans le même esprit que nos amendements précédents, il est proposé ici de favoriser les critères environnementaux dans toutes les commandes publiques.

Pour poursuivre le débat sur le protectionnisme qu'a relancé notre collègue Aubert, ce n'est pas par chauvinisme que nous défendons une forme de protectionnisme – nous, nous parlons d'ailleurs de protectionnisme solidaire – mais pour mettre au sommet de la hiérarchie des normes des objectifs sociaux et environnementaux.

On peut vouloir se protéger, mais encore faut-il savoir de quoi. Là est le coeur de la question. Que se passe-t-il au sein même de l'Union européenne ? L'exemple de Bridgestone est significatif : c'est une délocalisation en Hongrie et en Pologne, financée par les aides de l'Union européenne pendant que l'État, qui verse des larmes de crocodile sur les délocalisations, a, dans le même temps, subventionner le démantèlement des sites. Nous sommes régulièrement les dindons de la farce dans ce genre d'affaire.

C'est une catastrophe industrielle, une catastrophe sociale en raison de son impact sur les emplois et sur les familles que cela détruit, et une catastrophe environnementale, car la délocalisation augmente les émissions de gaz à effet de serre. Voilà pourquoi le protectionnisme n'est pas un gros mot : au contraire, il est l'une des solutions dans l'arsenal de la lutte contre le changement climatique.

L'amendement no 206 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 193 .

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J'abandonnerais la défense de cette longue série d'amendements s'il y avait ce soir dans vos propos, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, une réminiscence claire des déclarations du Président de la République, l'année dernière, quand il disait que déléguer notre alimentation et notre protection à d'autres était une folie, et qu'il allait dans les prochains mois prendre des décisions de rupture.

Si vous nous annonciez ce soir, avec clarté, les décisions de rupture qui seront prises dans les prochains mois – puisqu'elles ne l'ont pas été l'année dernière – et comment la promesse du Président de la République va être tenue, je serais prêt à abandonner tous mes amendements. Répondez-moi, parce que je ne crois pas que le fait d'ajouter des mots dans la Constitution puisse changer la réalité comme par magie.

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Pour l'instant, ni le garde des sceaux, ni le rapporteur, ni personne sur les bancs de la majorité ne s'exprime pour expliquer ce que vont être ces décisions de rupture.

J'en viens à mon amendement, qui vise à préciser que la République « s'engage à ne pas placer en concurrence déloyale les éleveurs français via un dumping économique et environnemental ». Ils y sont confrontés, notamment du fait des accords de libre-échange qui ont été signés avec le Canada. Rappelons que quarante-six molécules, interdites en Europe, y sont autorisées, que les farines animales y sont également autorisées, alors qu'elles sont interdites ici et qu'on y trouve des giga-fermes, tout comme au Brésil.

Concernant les agriculteurs, les faits sont là : malgré les états généraux de l'alimentation et l'augmentation des prix en supermarché, par exemple, son prix d'achat aux éleveurs a, lui, baissé de 5 %. Pour deux mille éleveurs, cela représente un plan social tous les ans. Comment garantir les prix, alors que, quasi logiquement, un régime de libre-échange conduit structurellement à une diminution des normes environnementales et sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Ruffin, vous proposez d'inscrire le mot dumping à l'article 1er de notre constitution : je ne peux que vous donner un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En plus, c'est contraire à l'ordonnance de Villers-Cotterêts ! Entre l'écriture inclusive et l'anglais, il ne va plus rester grand-chose de notre langue !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

L'ordonnance de Villers-Cotterêts interdit que l'on s'exprime en chinois, d'ailleurs. Monsieur Ruffin, je ne vous réponds qu'une fois tous les cinq amendements ; ce n'est en rien désobligeant à votre égard mais, voyez-vous, on connaît tous le jeu du bonneteau : sous le gobelet, vous mettez un mot et vous le bougez un peu. Dans un amendement, « garantit » fait partie des trois premiers mots, tandis que, dans un autre, il se place en cinquième position, mais c'est exactement le même sujet.

Arrêtons-nous un instant : tout le monde envie notre constitution, son préambule et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ces textes portent une forme d'universalité dont nous devons être fiers. Si nous décidions de vous suivre, figurez-vous que l'article 1er de la Constitution aborderait une histoire de concurrence déloyale pour les éleveurs français.

Sourires sur divers bancs.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Franchement, monsieur Ruffin, vous imaginez un peu ? Notre constitution, tout le monde la regarde ; il n'y a que vous qui ne l'aimez pas, je le comprends bien. Elle a assuré la stabilité politique, elle réaffirme la prééminence des droits de l'homme. C'est un grand texte. Et voilà que ceux qui étudieraient notre constitution – je pense aux étudiants ou aux étrangers – , découvriraient un article 1er traitant de je ne sais quel aspect de la situation des éleveurs. Franchement, on est sur Mars !

Mêmes mouvements. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il faut arrêter. Je ne sais pas quel est l'intérêt de tout cela. Je comprends que vous puissiez nous soumettre des tas de sujets – nous sommes ainsi passés des crevettes à la viande argentine. Si nous nous arrêtons sur chaque problème environnemental, nous en avons pour des heures. Certes, nous sommes ici pour débattre et, étant au service de la République, je resterai au banc.

L'article dont nous discutons comporte dix-sept mots – dix-huit si l'on considère que le « l » suivi de l'apostrophe est un mot, même si pour moi c'est une lettre ; nous avons discuté des termes et nous les assumons. Maintenant, pour chaque problème environnemental qui vous vient à l'esprit ou qui vous passe par la tête, vous nous proposez une petite modification. À vous suivre, l'article 1er évoquera bientôt les pêcheurs, puis les conducteurs de véhicules. Il s'agit de la Constitution, et vous voulez la piétiner !

Vous dites que vous ne vous livrez pas à des attaques ad hominem contre moi ; moi non plus d'ailleurs, je n'ai rien dit contre vous. Certains amendements sont tellement mal rédigés qu'ils ne sont pas vraiment écrits en français. À plusieurs reprises, vous avez parlé de mépris : moi, je dis que vous méprisez la Constitution.

On ne peut pas imaginer y ajouter tout ce que vous souhaitez y inscrire, même si vous vous dîtes prêt à retirer tous vos amendements si je vous donne satisfaction, ce qui démontre au passage que vous n'y tenez pas tant que cela. Vous avez déposé une trentaine d'amendements que nous allons tous examiner, mais je ne pense pas que je pourrai en accepter un seul. Nous souhaitons conserver les mots qui sont ceux du projet de loi, et nous vous avons précisé le sens que nous donnions à notre démarche. Alors, pour ce qui est des éleveurs, des pêcheurs de crevettes ou de tous les autres, nous aborderons ces sujets dans les lois à venir ou dans les textes réglementaires, voire dans les accords internationaux, mais ce n'est pas le moment. Vraiment, avec un article 1er mentionnant les problèmes des éleveurs, notre constitution aurait une allure folle…

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez indiqué que nous étions sur Mars, j'en déduis donc que vous avez trouvé une planète de rechange pour la journée du dépassement. Concernant les amendements de M. Ruffin, vous avez en partie raison – c'est un peu un concours Lépine – , mais vous avez tort de nier le problème de fond qui est soulevé. Certes, j'ai critiqué certaines formulations, mais les amendements abordent un sujet de fond, celui de la protection environnementale dans un monde ouvert. Nous devrions nous interroger sur la compatibilité entre une très grande dépendance vis-à-vis de l'extérieur, avec des importations massives, et le souhait de ne pas émettre de CO2.

Vous avez aussi une part de responsabilité : une Constitution sert normalement à organiser les pouvoirs publics et à décrire le fonctionnement de l'État. Elle n'est pas là pour mettre en oeuvre des politiques ou les graver dans le marbre. La seule organisation qui a procédé ainsi, c'est l'Union européenne, qui n'a rien trouvé de mieux que d'inscrire dans les traités qu'elle mènerait toujours, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, une politique de libre concurrence. Même quand l'économie est ouverte et que ce sont les Chinois qui rachètent des entreprises, il faut faire de la libre concurrence. Il n'y a qu'une seule politique économique européenne. C'est pourquoi l'obsession de la Commission c'est de démanteler EDF ; c'est le sujet numéro un, qui éclipse le fait que des acteurs étrangers viennent picorer nos petites entreprises.

À l'origine, vous avez donc voulu inscrire, avec ce projet de loi, une politique dans la Constitution. Il se trouve que nous en partageons l'objectif et que nous ne voudrions pas mener une politique inverse. Mais les Français pourraient un jour élire une majorité qui, si elle est en désaccord avec cette politique, devra modifier la Constitution. Je ne le souhaite pas, mais ce serait le jeu de la démocratie.

Une fois que vous avez montré la voie, tout le monde peut estimer que telle politique mériterait également d'y figurer. On aurait pu avoir bien d'autres exemples…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Et il y en aura d'autres !

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C'est le problème de la créativité : une fois que les bornes sont franchies, il n'y a plus de limites.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est du Pierre Dac !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour les économistes libéraux, le libre commerce trouve sa justification dans l'égalisation des profits marginaux : le fait d'avoir un marché parfaitement fluide permet une optimisation et donc des prix minimums. C'est la théorie, mais cela suppose un marché libre et, pour que le système soit juste, que les normes environnementales soient les mêmes dans tous les pays, ce qui est loin d'être le cas.

Nous devons analyser les traités internationaux que nous avons à connaître, à l'aune des règles environnementales. On sait très bien qu'un certain nombre de pays saccagent l'environnement, ce qui leur permet de proposer des prix inférieurs. Nous devons faire preuve de prudence, en intégrant évidemment les réalités économiques et sociales de nos territoires mais également les normes environnementales.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Évidemment, cette avalanche d'amendements a surtout pour objectif de traiter de tous les aspects de ce grand déménagement du monde que nous dénonçons, et qui est contraire à l'objectif – que vous semblez vouloir atteindre – de bâtir une loi pour le climat.

De la même manière que vous semblez exaspéré par ces amendements, comprenez que nous puissions l'être, nous aussi, par ce qui constitue une véritable manipulation. Vous savez pertinemment que ce débat pour quelques mots dans la Constitution vise surtout à masquer un forfait : vous piétinez les engagements qui avaient été pris par le Président de la République.

Venons-en d'ailleurs au fond du sujet. Non, monsieur ministre, nous ne détestons pas, ni ne piétinons, la Constitution. Nous voulons permettre au peuple de la changer par lui-même, parce que, vous en conviendrez, à l'époque où celle qui s'applique actuellement a été élaborée, je crois que 70 % des gens qui vivent aujourd'hui n'étaient pas nés. Notre peuple a changé et, par conséquent, nous devrions pouvoir la refonder. Voilà ce que nous pensons, sans qu'il soit, en aucune manière, question de mépris ou de piétinement.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Un peu quand même !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous, en revanche, vous êtes en train de la tripatouiller et de la manipuler, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non, c'est le peuple !

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… car les objectifs du projet de loi sont déjà présents, et vous le savez, dans la Charte de l'environnement, qui fait partie du bloc de constitutionnalité. Vous mettez en place une obligation de moyens, et non de résultats. La rédaction qui différencie biodiversité, environnement et climat n'est pas assez ambitieuse, et le principe de non-régression, qui est sous-entendu dans la Charte de l'environnement, est absent de votre proposition de rédaction. Une véritable amélioration de la Constitution passerait par l'inscription claire du principe de non-régression dans cette dernière.

Vous pouvez toujours prendre votre air exaspéré concernant les amendements sur lesquels mon collègue Ruffin s'appuie pour faire un certain nombre de démonstrations, mais supportez que nous puissions avoir les mêmes comportements que vous en réaction à la manipulation à laquelle vous vous livrez aujourd'hui. Non, vous n'êtes pas en train de bâtir une grande loi écologiste : vous aussi, à votre manière, vous faites de l'affichage politique, ni plus ni moins.

L'amendement no 193 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 187 .

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Depuis maintenant vingt ans, je vis en première ligne, en Picardie, le grand déménagement du monde. J'ai vu partir toutes les productions : les papiers peints, les pneumatiques, les climatiseurs. J'ai vu partir jusqu'à la production de chips.

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Comme le Président de la République, j'ai vu partir les lave-linge Whirlpool et les sèche-linge.

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Les dix-sept mots que vous souhaitez introduire dans la Constitution vont-ils changer quelque chose à ce grand bazar qui permet aux multinationales d'aller chercher, à l'autre bout du monde, les plus bas salaires, les plus faibles normes environnementales ou encore l'impôt zéro ?

Moi, je suis reporter, …

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… je pars du petit fait et des histoires entendues en croisant les gens. Vous dites que je méprise la Constitution parce que j'y introduis des choses très concrètes, et donc sans doute dégradantes ; mais les grands principes vont-ils changer quoi que ce soit à la réalité ? Voilà la question que je vous pose : que vont changer vos dix-sept mots par rapport à ce grand déménagement du monde ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis défavorable, monsieur le président.

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Sur cet ajout que le Gouvernement souhaite introduire, regardons ce que disent un certain nombre de constitutionnalistes. J'en citerai un qui est une référence en la matière, Dominique Rousseau ; il assure que la révision de l'article 1er de la Constitution est juridiquement inutile. La position du Gouvernement est donc d'une grande faiblesse – c'est en tout cas l'avis d'une majorité d'experts en matière de réforme constitutionnelle – , car les choses ont déjà été définies en amont. Tout cela est superfétatoire dans la mesure où la protection de l'environnement est déjà un objectif de valeur constitutionnelle qui découle expressément de la Charte de l'environnement, constitutionnalisée depuis 2005.

La question est donc très simple : en quoi cet ajout que vous proposez est-il autre chose que de la communication gouvernementale ? Les constitutionnalistes affirment que vous avez déjà tous les moyens pour agir. Pour le moment, vous n'êtes pas parvenu à nous convaincre.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'aurais eu du mal à vous convaincre, car vous n'étiez pas là.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.

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Je vous ai écouté ! Ce n'est pas parce que je n'étais pas présent dans l'hémicycle que je ne vous ai pas écouté ! Ne faites pas ce genre de procès !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous aviez sans doute d'excellentes raisons mais, si vous aviez demandé à vos collègues un résumé de ce qui s'est passé, vous sauriez que nous avons très longuement discuté du pourquoi de cet ajout.

De toute façon, nous sommes partis pour un dialogue de sourds. Mon intervention sera brève. Dans mon discours, j'ai expliqué pourquoi nous présentions ce projet, ce qu'il ajoutait par rapport à la charte, ce en quoi il la complétait. Tout cela, je l'ai expliqué longuement et nous en avons parlé tout aussi longuement.

Tout l'après-midi, on nous a dit que cela avait beaucoup trop de conséquences, et vous nous dites maintenant que c'est inutile : accordez vos violons !

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On sait que c'est électoraliste, c'est pour ramener du monde !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Sur vos bancs, certains nous ont également dit que la garantie allait susciter des contentieux… Mais je voudrais répondre à M. Ruffin : l'objectif de ce texte n'est pas de changer le monde, mais de changer l'article 1er de notre constitution. Quand on est aux responsabilités et qu'on veut faire les choses sérieusement, on voit très vite qu'il n'y a pas de baguette magique. C'est une lutte quotidienne.

Je sais pourquoi je me lève chaque matin : je veux améliorer la justice de mon pays, restaurer la confiance entre les citoyens et leur justice. Mais je n'ai pas vocation, avec dix-sept mots, à changer le cours du monde, et on ne peut changer le cours du monde que quand on est à la place qui est la vôtre, parce que vous avez le droit de rêver, au fond c'est beau ces rêves qui nous portent, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… mais vous n'êtes pas aux responsabilités. Vous faites croire à ceux qui nous écoutent que vous avez toutes les solutions, qu'on n'attend que vous. Si vous étiez au pouvoir, le monde serait meilleur, les éleveurs seraient rassurés, les pêcheurs de crevettes aussi, il n'y aurait plus d'injustice, les entreprises ne seraient plus néocapitalistes, vous feriez tout ce que vous rêvez de faire…

M. Quatennens, je crois, a parlé tout à l'heure d'« autocollant vert ». Je redis quant à moi que, personne n'a fait en matière d'écologie ce que ce pouvoir a fait depuis que le Président de la République a été élu.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

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C'est faux, il n'a rien fait ! C'est pourquoi il essaie maintenant de faire quelque chose !

Rappel au règlement

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La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

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Monsieur le garde des sceaux, pour le bon déroulement de nos travaux, deux remarques me paraissent absolument essentielles. Il faut que ces choses soient dites une fois pour toutes au Gouvernement.

Chacun d'entre nous, en tant que député, est libre de ses propos. Que l'un de nous ait un point de vue différent de celui d'autres membres de son groupe est parfaitement légitime. Nous n'avons pas à accorder nos violons. Nous n'avons pas à nous mettre sous la coupe du Gouvernement pour définir notre pensée. La pensée politique du Gouvernement, cela vous regarde. Il fallait que cela soit dit.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous n'êtes pas mon instituteur !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous me dites ensuite que je n'étais pas là et que je n'ai pas suivi les choses. C'est un problème de ce Gouvernement, où la plupart des ministres n'ont jamais été parlementaires, …

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Ça va bien ! Il y a aussi des parlementaires qui n'ont jamais été ministres !

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… et qui ne savent pas que nous pouvons être dans notre bureau et suivre les explications des ministres. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas dans l'hémicycle que nous ne vous écoutons pas.

Nous faire ce genre de procès est parfaitement scandaleux. On ne peut pas traiter les parlementaires de cette manière. C'est indigne du Gouvernement.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le député, ne prenez pas ce ton docte et professoral.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je n'ai pas été élu, c'est une réalité, mais si vous aviez suivi les débats, vous n'auriez pas posé la question que vous avez posée.

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C'est justement parce qu'il les a suivis qu'il l'a posée !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Souffrez que je vous dise, monsieur le député, que nous avons longuement, très longuement expliqué, dès le début de ces débats, en quoi la modification de l'article 1er de la Constitution n'était pas antinomique, au contraire, avec la charte préexistante.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous ne l'avez pas entendu, ne voulez pas l'entendre, et vous venez ici en posant des questions auxquelles j'ai déjà répondu complètement.

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Chers collègues, je vous invite les uns et les autres à reprendre votre sang-froid. Les questions peuvent être posées plusieurs fois, et le Gouvernement doit y répondre plusieurs fois. C'est la logique du débat parlementaire et ce n'est pas nouveau.

Article unique

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Je me rends compte que le garde des sceaux fatigue. Puisque certains pourraient ne pas avoir tout suivi, je me suis permis de produire un petit résumé de ce que le ministre a dit.

Le Gouvernement estime qu'il faut lutter contre le dérèglement climatique parce que ce n'est pas dans la charte de l'environnement annexée, mais il a appelé la majorité à refuser la modification de la charte pour y inclure la lutte contre le dérèglement climatique. Ça, c'était pour la cohérence.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est une caricature !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Gouvernement assume – c'est d'ailleurs le verbe du jour – , mais il n'a toujours pas répondu à la question de savoir dans quelle mesure cela engage sa responsabilité. On ne sait pas, au cas où, par hasard, vous ne respectiez pas les objectifs, si Emmanuel Macron démissionnera.

Nous avons bien compris que le garde des sceaux n'avait strictement aucune marge de manoeuvre par rapport au Sacré Collège des Conventionnels, dont nous avons appris au cours des débats qu'ils ont été encadrés par des experts venus du parti socialiste, de la France insoumise, bref uniquement de la gauche.

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Nous avons également appris que le Gouvernement n'avait pas d'abonnement au JDD et n'était donc pas au courant de la position de Gérard Larcher sur son texte.

Sourires sur divers bancs.

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Nous avons compris qu'il ne voulait absolument pas changer le mot « garantir », mais nous ne savons toujours pas si, quand il se retrouvera au Sénat face à la position du « c'est ça ou rien », il ira au bout. En d'autres termes, il veut une obligation de résultat mais visiblement pas en ce qui concerne sa réforme : il est prêt à mourir avec « garantir » plutôt que de réformer la Constitution.

Enfin, nous avons compris que le problème n'était pas dans le verbe mais dans l'adverbe, c'est-à-dire que M. le garde des sceaux se fixe un quasi-résultat.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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Le quasi-résultat, c'est que la lutte contre le réchauffement climatique n'a pas de garantie. Visiblement, vous êtes plus fort au Scrabble qu'au jeu des Chiffres et des Lettres, monsieur le garde des sceaux, puisque vous refusez de prendre des engagements chiffrés en matière de lutte contre les émissions de CO2.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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Monsieur le garde des sceaux, vous avez loué le bilan climatique du Président de la République, au service duquel vous vous êtes mis. Il y a quelques semaines, Emmanuel Macron s'était réjoui d'avoir atteint les objectifs de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Il est d'autant plus facile d'atteindre ces objectifs qu'on les a soi-même, quelques mois auparavant, en avril, revus à la baisse par décret ; cela simplifie tout de suite la tâche.

Le bilan que vous défendez, c'est la casse du service public du rail, la réintroduction des néonicotinoïdes, le refus de l'interdiction du glyphosate, …

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… le renoncement à des objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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Vous dites : « C'est trop facile, vous voulez changer le monde. » Je vous rappelle qu'après-guerre, dans un pays ruiné par le conflit et l'Occupation, en seulement un an, un ministre ouvrier appelé Ambroise Croizat a créé le régime général de la sécurité sociale et les comités d'entreprise, nationalisé des entreprises comme EDF et la Banque de France, créé le statut de la fonction publique. Il a en quelque sorte contribué à changer le monde. Le Président de la République, aussi, change le monde, à sa manière. Lui, ce n'est pas un ministre ouvrier, c'est un président banquier. Il change le monde en diminuant les cotisations sociales, en supprimant des lits à l'hôpital, en supprimant les CHSCT, …

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Il a augmenté les salaires, il a fait un plan de relance…

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… en détruisant le code du travail, en privatisant la SNCF, en promulguant le secret des affaires, en supprimant l'impôt de solidarité sur la fortune, en voulant supprimer 120 000 fonctionnaires, etc. Oui, le Président de la République a le pouvoir de contribuer à changer le monde. Simplement, lui et nous ne souhaitons pas aller dans la même direction, tout le monde l'aura compris.

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Demandez à votre président ce qu'il a fait pendant des années !

L'amendement no 187 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 195 .

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM

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« La République garantit qu'il ne peut y avoir de décisions sur les traités de libre-échange potentiellement néfastes pour l'environnement sans débat démocratique. »

Comment penser que des traités qui peuvent bouleverser la vie des gens, sur l'agriculture, l'industrie, la santé, l'éducation, entrent en vigueur sans débat démocratique ? C'est pourtant ce qui se passe. Sur les accords multifibres, dans les années soixante-dix, qui ont produit la délocalisation du textile : pas de débat. Sur l'Uruguay Round et la délocalisation de l'agriculture : pas de débat. Et le CETA avec le Canada s'applique sans que le Sénat ne se soit prononcé. Comment considérer cela comme normal ?

Pouvez-vous nous garantir, pour le traité avec le MERCOSUR – parce que des manoeuvres sont menées en ce moment à Bruxelles et que, quoi que vous en disiez, monsieur le rapporteur, la position française manque de clarté – qu'il y aura un débat et un vote dans les différents Parlements nationaux avant sa validation ?

Citons Nicolas Hulot : « Le libre-échange est à l'origine de toutes les problématiques écologiques. » Quand je parle du libre-échange, je suis donc au coeur du sujet si le sujet est l'environnement. Pourtant, vous ne m'avez pas répondu sur ce que changeraient ces dix-sept mots.

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Monsieur Ruffin, je suis très étonné que vous puissiez dire qu'il n'y ait pas de débat démocratique sur les accords de libre-échange, parce que vous êtes le représentant d'un parti politique, La France insoumise, qui a une délégation au Parlement européen. Vous êtes d'ailleurs un de ceux qui ont soutenu très activement la candidature de Manon Aubry à la tête de liste. Pendant la campagne des élections européennes, la question des accords de libre-échange a tenu une place majeure dans le débat politique, et vous venez nous expliquer qu'il n'y a pas de débat démocratique ? Vous avez un drôle de respect pour votre délégation au Parlement européen et une drôle de conception de la démocratie européenne. Avis défavorable.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable. Encore une fois, le dispositif de votre amendement n'a rien à faire dans l'article 1er de la Constitution. Je n'ai jamais aimé le mépris de classe ; je ne l'aime pas davantage à rebours. Vous avez le droit de critiquer l'action du Président de la République, mais vous ne pouvez pas parler de lui en ces termes. Je rappelle que M. Mélenchon est le pur produit de ce que vous dénoncez. Ça suffit, vous feriez mieux de vous taire.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

De quoi je parle ? Quand vous parlez du « président banquier », par exemple, vous exprimez du mépris. Or, votre président de groupe est un président apparatchik qui a été sénateur je ne sais combien de temps, et ministre, mais qui n'est pas parvenu où il souhaite aller aujourd'hui. Le mépris de classe est insupportable, comme le mépris de classe à rebours.

M. Bruno Questel applaudit.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je n'aime pas qu'on insulte les gens, en raison de ce qu'ils ont été ou de leur profession, par exemple. Ça vous dérange, ça !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Aubert, j'ai apprécié votre petit résumé un peu caricatural et je suis persuadé qu'il donnera lieu à une dépêche de l'AFP – Agence France-Presse. C'est bien joué !

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous êtes abonné au JLD.

Exclamations.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je voulais dire au JDD – Journal du dimanche –, ce lapsus n'est révélateur de rien. Vous savez déjà ce que le président Larcher fera – comme je vous l'ai dit, je n'ai pas lu l'article, j'ignore donc s'il y expose ses intentions – , mais vous savez également ce que les sénateurs feront : c'est fabuleux. Ce n'est même pas la peine que nous allions au Sénat !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Votre vision de la démocratie est magnifique ! Je le répète, si je tenais de semblables propos, vous m'accuseriez, avec des cris d'orfraie, de ne pas respecter le Parlement.

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Ce n'est pas pareil : vous êtes le Gouvernement !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Moi, je crois en ce texte, et je le défendrai devant le Sénat, parce que je me dis qu'il sera peut-être convaincu de l'adopter.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est cela qui me fera aller au Sénat !

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Il faudra changer la décision du Conseil d'État : on n'a jamais vu le Sénat ne pas respecter une décision du Conseil d'État !

Rappel au règlement

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La parole est à M. François Ruffin, pour un rappel au règlement.

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Il est fondé sur le premier alinéa de l'article 58. À quel moment, disons aujourd'hui, ai-je parlé de « président banquier » ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe LaREM

Il y a un instant !

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Pas du tout ! Vous lirez le compte rendu de la séance : à aucun moment je n'ai employé ces termes !

Il s'agit d'une pure attaque ad hominem,

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM

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qui ne me vise pas seul, mais cherche à atteindre l'« apparatchik » Mélenchon et j'en passe. Répondez plutôt aux questions qui portent sur le texte et aux amendements : le Gouvernement n'a pas encore dit un mot des traités de libre-échange. Pas un seul mot !

Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

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Vous n'avez pas la délégation de votre président de groupe, mon cher collègue.

Rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

Article unique

Sourires.

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M. Ruffin a raison : le ministre n'a pas répondu sur le fond. J'ai l'impression que l'amendement recopie l'article 53 de la Constitution, selon lequel tout traité de commerce ne peut être ratifié qu'en vertu d'une loi, ce qui suppose un débat démocratique. Le Parlement européen a été cité, mais le débat a également lieu en France, que le traité ait ou non des conséquences néfastes pour l'environnement.

Monsieur le ministre, l'adoption du projet de loi constitutionnelle requiert un avis conforme des deux chambres. Or, vous avez la majorité dans l'une, mais pas dans l'autre. Il eût donc été plus « sioux » de faire examiner le texte en premier lieu au Sénat : vous auriez eu la réponse tout de suite, et donc gagné beaucoup de temps. Je dis cela pour vous.

Sourires sur les bancs du groupe LR.

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Fort modestement, je me permets de vous adresser un petit conseil : sachant que vous partez avec un avis du Conseil d'État qui ne vous aide pas beaucoup – …

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… il vous soutient comme la corde soutient le pendu – , vous devriez faire preuve de plus de souplesse à l'égard des parlementaires et de leur créativité. Si vous balayez les amendements en prenant de haut les sénateurs, comme vous l'avez fait avec mon collègue, je ne suis pas certain que le débat se passe mieux. Je dis cela, je ne dis rien, mais je préférerais que vous fassiez davantage preuve de respect, au moins, demain, pour les sénateurs.

J'ajoute, monsieur le ministre, qu'il y a entre nous une petite différence ontologique : vous êtes membre du Gouvernement. Si demain vous m'annoncez que Jean Castex pense quelque chose, je vous croirai. Nous sommes des députés de droite : il nous arrive parfois de croiser des sénateurs de droite.

Sourires sur les bancs du groupe LR.

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Or, leurs propos convergent avec l'article du JDD. Faites attention : à force de ne pas lire le JDD, vous risquez une grave déconvenue au JO !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ça s'appelle un faisceau d'indices, mais ce n'est pas une preuve !

L'amendement no 195 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 196 .

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Dans le même esprit, il vise à inscrire à l'article 1er que la République « oblige le recours au référendum pour signer un traité de libre-échange pouvant affecter l'environnement ».

Tout à l'heure, monsieur le rapporteur, vous nous disiez en quelque sorte : à quoi bon des débats dans les parlements nationaux sur le CETA, et peut-être demain sur le MERCOSUR, puisque le débat a lieu au Parlement européen ? Avons-nous renoncé à la souveraineté nationale concernant les accords de libre-échange ? Ils déterminent la vie de notre industrie, notre santé, notre protection et notre alimentation, dont le Président de la République a expliqué que les avoir déléguées depuis trente ans « est une folie ». Ces traités sont-ils désormais décidés à Bruxelles, de sorte qu'il n'y ait plus rien à voir ici ? Nous dit-on « circulez ! » dès que l'on en vient à l'essentiel, car ces textes déterminent des aspects essentiels de l'existence des gens ?

Monsieur le ministre, je vous concède que je n'ai pas renoncé à changer le monde, au moins un peu. Si vous ne me dites pas comment ces dix-sept mots vont changer un peu le monde, améliorer le réel et éviter à nos enfants des crises majeures, je ne vois pas l'intérêt de modifier le texte en vigueur. Nous ne sommes pas poètes, à l'Assemblée : nous ne vivons pas pour les mots, mais pour qu'ils transforment les choses. Or, je ne perçois pas quelles transformations votre modification peut provoquer. Vous refusez de vous exprimer sur le libre-échange, sur le grand déménagement du monde : j'en conclus que ces dix-sept mots ne l'entraveront pas. Mais alors que vont-ils alors changer ?

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Ça va alourdir l'administration et encombrer les prétoires !

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Monsieur Ruffin, il n'y a pas de débat démocratique sur les traités de libre-échange, dites-vous : c'est un mensonge. C'est à cet argument que je répondais. Les parlementaires européens consacrent des années de débat à trouver un accord – votre mouvement politique est d'ailleurs bien représenté au Parlement européen. Ce soir, le débat démocratique est suffisamment riche sur ce que ces accords doivent ou ne doivent pas être, alors même que nous examinons un projet de loi constitutionnelle. Ensuite, vous n'aimez pas l'Europe : cela vous regarde.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il n'aime rien !

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Quant à moi, je considère qu'il y a une souveraineté nationale et une souveraineté européenne. La seconde ne se substitue pas à la première ; elle la complète et la renforce ; elle nous donne les moyens de traiter efficacement les grands sujets économiques, industriels et environnementaux : les deux vont ensemble.

Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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J'ai l'impression de ne pas m'exprimer assez ce soir. Monsieur le rapporteur, je parle d'un traité, le CETA, qui n'a pas été examiné par le Parlement. Il est cependant appliqué. Vous pouvez vous retourner vivement et remettre votre masque…

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Excusez-moi.

Le projet de loi de ratification a été examiné à l'Assemblée, mais pas au Sénat : il n'a pas été ratifié par le Parlement. Cependant, il est appliqué. Des rapports montrent que du boeuf en provenance du Canada contient des antibiotiques. Un rapport critique sur ce sujet a été remis au Premier ministre, et aucun débat n'a lieu, ne serait-ce que dans les assemblées parlementaires. Elles ne sont pas à mes yeux la panacée de la démocratie, mais elles ne sont même pas saisies des accords en question avant leur entrée en vigueur.

Ces traités de libre-échange sont une manière de miner la démocratie. Bernard Arnault, la première fortune française, en est très conscient. Il s'en félicitait dans son livre intitulé La Passion créative : « Les entreprises, surtout internationales, ont des moyens de plus en plus vastes et elles ont acquis, en Europe, la capacité de jouer la concurrence entre les États. [… ] L'impact réel des hommes politiques sur la vie économique d'un pays est de plus en plus limité. » Les dirigeants économiques ont pleinement conscience qu'avec de tels traités internationaux, ils limitent la puissance politique sur les normes environnementales, fiscales et sociales. Ces dernières sont minées par le libre-échange et par l'obligation de concurrence. Bernard Arnault ajoutait : « Nous évoluons dans un système beaucoup plus mobile qu'il y a une quinzaine d'années. Face à cela, que peuvent faire les États ? Il leur est pratiquement impossible de s'opposer à une mobilité des entreprises à travers l'Europe. »

L'amendement no 196 n'est pas adopté.

L'amendement no 198 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 190 .

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L'économiste américain ultralibéral Gary Becker s'exprimait ainsi le 9 août 1993, dans le journal Business Week : « Le droit du travail et la protection de l'environnement sont devenus excessifs dans la plupart des pays développés. Le libre-échange va réprimer certains de ces excès, en obligeant chacun à rester concurrentiel face aux importations des pays en voie de développement. »

On était alors à l'aube du grand déménagement du monde, qui commençait seulement, avant une plus forte poussée. Côté américain, les accords de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique allaient être appliqués ; côté européen, c'était le traité de Maastricht ; au niveau mondial, l'Uruguay Round allait faire entrer l'agriculture, notamment, dans la grande lessiveuse de la mondialisation. Gary Becker, les élites en général, avaient conscience de l'intérêt qu'ils allaient y trouver en matière de dumping environnemental et social. Aujourd'hui, il est donc nécessaire d'entraver cette machine. Nous proposons un amendement qui vise à inscrire dans la Constitution que la République « sort des accords de libre-échange si elle n'est pas en mesure de veiller sur l'impact négatif qu'ils pourraient avoir sur le climat et la santé ».

Vous pouvez vous prendre la tête entre les mains et contester mes propos, monsieur le ministre : je vous demande à nouveau ce que les dix-sept mots que vous voulez ajouter à la Constitution changeront concrètement pour notre pays. Le grand déménagement et le dumping environnemental mentionné par Gary Becker se poursuivront-ils ?

L'amendement no 190 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 191 .

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Il vise à préciser que la République « s'engage à ne jamais signer de traités qui peuvent nuire inutilement à la planète et au poumon de la Terre. » L'an dernier, le chef Almir Narayamoga Surui a été reçu à côté de l'Assemblée. Indien d'Amazonie, il venait à la fois critiquer la politique brésilienne et l'accord du MERCOSUR. Il expliquait que l'objectif au Brésil était de fabriquer les produits agricoles les moins chers possible ; que c'était mauvais pour l'Amazonie, mauvais pour les peuples à cause des terres accaparées, mauvais pour les agricultures locales.

Selon un article paru aujourd'hui dans le magazine Reporterre, 17 % des forêts tropicales ont disparu depuis 1990, soit l'équivalent de la surface de l'Irlande chaque année. Le chercheur à l'origine de ces évaluations, qui a travaillé notamment avec des satellites, explique que tout cela est lié à notre consommation.

Je ne peux évidemment m'empêcher de faire le lien avec les traités de libre-échange que nous signons. Il faudrait s'assurer à l'avenir de ne pas signer de traité aux conséquences nuisibles – peut-être même pourrions-nous rendre la mesure rétroactive, et dénoncer tous les traités signés par le passé qui nuisent inutilement à la planète et au poumon de la terre.

L'amendement no 191 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 189 .

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Il vise à affirmer, à l'article 1er de la Constitution, que la République « s'engage à ne pas polluer les autres continents ». Il s'agit, au-delà du sol national, de ne pas faire à autrui ce que l'on n'aimerait pas que l'on nous fasse.

Par exemple, le groupe Total, dont l'État est actionnaire, a un projet de construction d'un pipeline à l'intérieur d'un parc national en Ouganda. La nouvelle rédaction de la Constitution empêchera-t-elle ce groupe, dont le siège social se trouve sur le territoire français et dont l'État détient une part du capital, de détruire un parc naturel en Ouganda ?

Monsieur le ministre, si l'on modifie la Constitution, c'est pour obtenir des effets concrets. Pouvez-vous prendre en compte l'aspect positif de notre amendement, susceptible de convaincre les députés de tous les bancs, et le soutenir ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

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Je suis surpris de votre réaction sur cet amendement qui formule une demande précise et concrète. Nous engageons-nous seulement à ne pas polluer sur le territoire français en continuant à polluer à l'étranger ? C'était un projet des libéraux, notamment celui de Lawrence Summers, ancien économiste en chef à la Banque mondiale, qui écrivait alors dans une note confidentielle : juste entre vous et moi, la Banque mondiale ne devrait-elle pas encourager davantage la migration des industries sales vers les pays moins développés ? Il répondait, dans le même texte, que la logique économique derrière le déchargement de déchets toxiques dans les pays à bas salaires était irréprochable.

Voulons-nous continuer d'encourager le déversement des déchets toxiques vers les pays à bas salaires ou souhaitons-nous nous engager dans la Constitution, que nous modifions afin de préserver l'environnement, à changer de logique ?

L'amendement no 189 n'est pas adopté.

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La parole est à M. François Ruffin pour défendre l'amendement no 213 .

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Je veux bien défendre aussi les trois amendements suivants. J'imagine que ce sera, une fois n'est pas coutume, à la satisfaction générale

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe LaREM

Oui !

Vous avez donc la parole, monsieur Ruffin, pour soutenir les amendements nos 213 , 214 , 215 et 216 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Je dépasserai de ce fait peut-être légèrement les deux minutes de temps de parole, si vous me le permettez, monsieur le président.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non !

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Je n'ai obtenu aucune réponse sur les traités de libre-échange, dont les conséquences sont pourtant connues. Pour notre part, nous préférerions le juste échange. Tout cela, c'est un peu comme pour les masques que nous distribue l'Assemblée nationale : ils viennent de l'autre bout du monde, avec des cochonneries à l'intérieur, mais on préfère les mettre dans des enveloppes et qu'il n'y ait plus d'étiquette, pour que cela ne se voie pas. Moi, comme avec le projet de loi constitutionnelle, je préfère que ça se voie !

Disons les choses, et écrivons dans la Constitution que « la France pourra néanmoins signer des traités internationaux qui contribuent à raser la forêt amazonienne pour faire un peu de place, le commerce d'abord ! », que « la France pourra néanmoins signer des traités internationaux qui font fabriquer des produits à l'autre bout de la planète, transportés en porte-conteneurs à travers les océans puis en camions à travers les continents », que « la France pourra néanmoins signer des traités internationaux qui délocalisent nos pollutions », et que « la France pourra néanmoins signer des traités internationaux qui détruisent les fermes familiales, au profit d'une agriculture industrielle ». S'il s'agit de continuer dans la voie du libre-échange comme c'est le cas depuis trente ans, qu'on le dise et qu'on l'écrive !

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Quel est l'avis de la commission sur les quatre amendements ?

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Avis défavorable, comme pour l'ensemble des amendements de M. Ruffin. Je vous invite, chers collègues, à lire les amendements nos 213 et 214 , qui disent tout le mépris de M. Ruffin pour notre travail.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

La grande difficulté, c'est que nous ne sommes pas dans un dialogue : vous faites un monologue…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… que vous adressez à votre public, à vos militants, à vos adhérents, à ceux qui vous suivent. Dès lors, il est compliqué de vous répondre.

Par exemple, nous vous avons dit que le problème des éleveurs n'a rien à voir avec l'article 1er de la Constitution, mais vous ne l'entendez pas.

Vous avez également évoqué un très grand patron français, qui est l'une de vos cibles favorites : quel rapport avec notre discussion ? Vous déroulez pour votre public et ne vous adressez pas à nous, ni aux parlementaires…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… ni aux membres du Gouvernement. Ne vous étonnez donc pas. Comme le disait Audiard, si l'on traite les gens comme des chaises, un jour, on risque de s'asseoir à côté, monsieur Ruffin. Avis défavorable.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Toute la soirée, je n'ai posé qu'une question. Il y a quasiment un an, le Président de la République nous a dit que c'était une folie de déléguer notre alimentation, notre production et notre protection à d'autres, et qu'il s'engageait à prendre, dans les semaines et les mois à suivants, « des décisions de rupture » avec ce modèle de développement, en ajoutant : « Je les assumerai. »

Pourtant, monsieur le ministre, je n'ai pas obtenu une seule fois une réponse de votre part sur le libre-échange, question centrale pour l'environnement.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas vrai !

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Si, c'est vrai ! Vous ne vous êtes pas exprimé une seule fois sur le fond, ni sur les conséquences du dumping qui perdure depuis trente ans, ni sur la manière envisagée pour résoudre ce souci majeur. Soit l'ajout de dix-sept mots dans la Constitution permet de faire évoluer les choses, soit cette modification ne le permet pas, mais il faut le dire.

Les amendements nos 213 , 214 , 215 et 216 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l'amendement no 366 .

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Cet amendement est particulièrement important, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah oui !

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… parce qu'il concerne la judiciarisation. Les termes que vous souhaitez introduire dans la Constitution sont une porte ouverte à des condamnations sans fin de la France, en raison de la volonté de certaines organisations de faire de la justice spectacle, ou parce que d'autres voudront simplement obtenir réparation par rapport à un préjudice qu'elles estiment commun mais dont elles pourront s'approprier une partie du bénéfice.

Cet amendement de notre collègue Philippe Benassaya vise donc à empêcher la condamnation de la France « pour inaction ou action en défaveur de l'environnement ». La responsabilité qui découle de la révision constitutionnelle est une responsabilité politique ; ce n'est pas une responsabilité judiciaire. La garantie dont il est question est apportée aux représentants du peuple et aux Français, et non aux juges. L'amendement pourrait apaiser notre crainte que le terme « garantit » soit instrumentalisé pour ouvrir des contentieux.

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L'exposé sommaire évoque la portée « incantatoire » de l'article unique. Or, tel n'est pas le cas, comme vous l'avez rappelé lors de nos longs débats cet après-midi. Ce texte consacre comme principes constitutionnels pleins et entiers la préservation de l'environnement, la protection de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique, ce qui aura nécessairement des conséquences sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous n'allons pas refaire le débat sur les effets attendus de la formulation retenue : nous l'avons déjà eu cet après-midi, en long, en large et en travers, si vous me pardonnez cette familiarité. Ce sera donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Quel message va-t-on envoyer à nos concitoyens, monsieur Aubert, si l'on établit, comme vous le souhaitez, le principe d'irresponsabilité de l'État en matière environnementale ? Je ne peux évidemment qu'être totalement opposé à votre amendement.

Nous voulons nous engager de façon claire, en choisissant des verbes clairs – c'est tout le débat de ce matin. Nous avons parlé de quasi-responsabilité, mot que vous avez moqué – mais vous savez sans aucun doute qu'on distingue en droit les contrats des quasi-contrats. Le Conseil d'État nous a invités à réfléchir à ce sujet, mais un choix a été fait, il est assumé, je n'y reviens pas.

Vous ne partagez pas notre position, nous l'avons compris. L'Assemblée nationale dira ce qu'elle a à dire ; le Sénat dira ce qu'il a à dire le moment venu, et, je l'espère, le peuple français dira bien sûr lui aussi ce qu'il a à dire au moment du référendum.

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J'informe l'Assemblée que, sur l'article unique, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

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Je ne voudrais pas que tous ceux qui n'ont pas fait d'études de droit aient l'esprit embrouillé et pensent que le quasi-contrat a quelque chose à voir avec la quasi-obligation de résultat. Le quasi-contrat désigne des engagements qui sont pris sans forme contractuelle, du fait de la loi, tandis qu'une quasi-obligation de résultat est une presque obligation de résultat, c'est-à-dire que l'on a une obligation, sans l'avoir vraiment.

Prenons un autre exemple, pour que vous compreniez le sens de la portée de cet amendement, monsieur le garde des sceaux. Si vous me le permettez, vous avez tort…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vous en prie, nous ne sommes plus à cela près.

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… de dire que si nous le votions, il n'y aurait pas de responsabilité. Regardez ce qui se passe avec la crise sanitaire : le ministre des solidarités et de la santé est venu répondre, devant le Parlement, des déficiences en matière de stocks de masques et de vaccins – je ne veux pas ouvrir un deuxième procès – , mais en même temps, le débat est aussi judiciaire. Des personnes ont déposé plainte devant les tribunaux, intuitu personae, sur la manière dont la crise sanitaire est gérée. Il y a donc deux types de responsabilité.

Le risque provient du fait que les parlements sont justement nés de la volonté de civiliser la responsabilité. Sous l'Ancien Régime, lorsque votre responsabilité était engagée par le roi, vous alliez à la Bastille et il n'y avait pas de responsabilité politique. La responsabilité politique est née de la volonté de civiliser les relations humaines. C'est parce que le Parlement s'affaisse, parce que l'imbrication de la majorité parlementaire avec le Gouvernement tend à effacer la responsabilité de ce dernier devant le Parlement, que les Français cherchent à atteindre leurs dirigeants par d'autres moyens, d'où les procès intentés contre des individus. Je ne pense pas que ce soit sain. Bien sûr, je parle à un avocat.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

À un ex-avocat !

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LaREM

Vous parlez à un ministre !

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Oui, un ancien avocat, mais on peut être ministre et avocat.

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On peut d'ailleurs même être ministre et procureur, comme on vient de le voir, puisque vous étiez ministre et procureur.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

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Vous êtes toujours au barreau : vous avez peut-être une autre manière de considérer l'intérêt d'avoir des procès. Je suis plutôt magistrat et député, et j'ai une vision différente de la vôtre. Nous ferions mieux de débattre de la responsabilité environnementale dans cet hémicycle, plutôt que dans les prétoires.

Je suis d'accord avec vous sur un point : si nous adoptions notre amendement, il n'y aurait pas de responsabilité judiciaire de l'État. Je suis en revanche en profond désaccord quand vous dites qu'il n'y aurait plus aucune responsabilité : il resterait une responsabilité politique.

En l'état, si demain, il y a des contentieux sans fin, assumez le fait que c'est ce que vous vouliez. C'est important parce que les Français et nous-mêmes en tirerons les conséquences.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'était moins bien que votre petit résumé de tout à l'heure !

L'amendement no 366 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 282 .

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Il vise à faire figurer la phrase suivante à l'article 1er de la Constitution : « L'État, les régions, les villes métropolitaines et les communes encouragent l'initiative autonome des citoyens, agissant individuellement ou en tant que membres d'une association, pour l'exercice de toute activité d'intérêt général liée à la préservation de l'environnement et de la biodiversité, sur la base du principe de subsidiarité. »

L'amendement no 282 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est de nouveau à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 370 .

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La lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de l'environnement, qui est le sujet du jour, la biodiversité concernent tous les acteurs publics, parmi lesquels les collectivités territoriales.

L'ambition écologique doit faire l'objet d'une approche mondiale, mais également locale. C'est bien connu : penser global, agir local. Des dispositions prises au niveau national pourraient être plus efficaces si elles étaient adaptées aux spécificités et aux problématiques des territoires : les objectifs fixés en matière écologique seraient plus rapidement atteints.

Mon amendement vise à permettre aux collectivités compétentes d'adapter des dispositions législatives au regard des enjeux territoriaux selon le principe de subsidiarité et sur habilitation législative du Gouvernement, à la demande des collectivités concernées.

Nous avons la volonté tenace de donner aux différents territoires, en ce qui me concerne, à la collectivité de Corse, les moyens législatifs et réglementaires de mordre sur les réalités, en l'occurrence en matière environnementale, pour les améliorer. Mais ce qui est valable dans le domaine de l'environnement, vaudrait également en matière économique, sociale et culturelle.

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Étant donné que l'objet du projet de loi constitutionnelle n'est pas de régler la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales, l'avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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J'avais bien entendu anticipé à la fois la réponse de M. le ministre et celle de M. le rapporteur. Je vous fais quand même remarquer que, lors du dernier débat avorté sur la réforme constitutionnelle, nous n'avions rien obtenu non plus en Corse. Il faudra sans doute réfléchir à faire évoluer les choses, non pas pour le plaisir de faire de l'escalade institutionnelle, mais pour celui justement de mieux gérer les réalités. Alors que nous débattons aujourd'hui de la réalité environnementale, je parle de l'évolution de la société en général, de celle de nos territoires et, en ce qui me concerne, de la Corse, qui aurait bien besoin d'évoluer dans le bon sens.

L'amendement no 370 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 78

Nombre de suffrages exprimés 72

Majorité absolue 37

Pour l'adoption 68

Contre 4

L'article unique est adopté.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. — M. Sylvain Waserman applaudit également.

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Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l'article unique.

La parole est à M. François Ruffin, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe LaREM

Ah !

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Il s'agit bien évidemment d'un amendement d'appel et d'alerte, afin de mettre en garde mes collègues et le Gouvernement contre la manoeuvre en cours dans l'accord avec le MERCOSUR qui se négocie actuellement.

On nous explique qu'il va y avoir un rehaussement des normes environnementales pour s'assurer qu'il n'y aura pas de déforestation, notamment. Mais d'emblée, précisons que tous les chapitres dits TSD – trade and sustainable development – , c'est-à-dire tous les chapitres sur le développement durable, sont exclus du mécanisme de règlement des différends de l'accord. Cela signifie que, dans cette partie du texte, on pourra relever les normes indéfiniment, autant qu'on le voudra, mais qu'il n'y aura pas de sanctions commerciales si elles ne sont pas respectées. Le rehaussement des normes ne conduira qu'à engager le dialogue entre les pays du MERCOSUR et les pays européens, ainsi que l'accord le stipule.

Sourires sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Ruffin, nous allons nous arrêter une seconde sur cet amendement. Vous voulez que la Constitution précise que la France respecte les directives européennes. Je ne sais pas si nous mesurons où nous sommes là : nous avons franchi quelques frontières voire quelques bornes.

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On était déjà sur Mars ! Je ne sais pas où on est maintenant !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

La représentation nationale dans son ensemble appréciera cet amendement – il fallait oser, mais l'avenir sourit parfois aux audacieux – qui vise à préciser que la France respectera les directives européennes parce que l'article 1er de la Constitution l'aura prévu. C'est vrai qu'auparavant, aucune disposition ne le prévoyait.

Sourires.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est extraordinaire. J'émets un avis défavorable sur cet amendement… particulier.

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Monsieur le ministre, peut-être voudriez-vous lire l'amendement en entier, il n'est pas si long ? « Elle s'engage à respecter les directives sanitaires et phytosanitaires européennes en matière d'importation de viande. »

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est déjà le cas !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non, ce n'est pas le cas, monsieur le ministre de l'agriculture. Cela signifie que nous souhaiterions des clauses miroirs : si les antibiotiques destinés à augmenter la productivité sont interdits en France, qu'ils le soient également à l'importation ; si les farines animales étaient interdites ici, qu'elles le soient aussi à l'importation ; si les hormones étaient interdites ici, qu'elles le soient à l'importation ; si l'atrazine était interdite ici, qu'elle le soit à l'importation. Ce serait passer du libre-échange au juste échange ce qui, pour l'instant, n'est absolument pas garanti. Chaque jour, en la matière, il se produit autre chose.

L'amendement no 192 n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 201 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il prévoit que la République « associe la nation aux choix technologiques majeurs de notre société. » Il fait écho à une demande simple de la convention citoyenne pour le climat qui réclamait un moratoire sur la 5G, tant qu'on ne connaîtrait pas le résultat d'un certain nombre d'études sur l'impact sanitaire et environnemental de cette technologie.

Alors que ce moratoire ne faisait pas partie des trois « jokers » que le Président de la République a opposés aux 149 propositions de la convention citoyenne, il n'aura pas lieu. À vrai dire, toutes les technologies s'imposent, en général, dans le pays sans véritable débat. Du reste, un débat sur la 5G n'aurait pas forcément conduit à son refus, mais plutôt à s'interroger sur ses usages, notamment sur les progrès qui pourraient être accomplis : est-ce que ça profitera à la médecine, à la voiture autonome ? Voulons-nous recourir à la télémédecine ? Voulons-nous passer à la voiture autonome ?

Alors que les grands choix technologiques organisent notre société dans une large mesure, ils ne font pourtant pas l'objet de débats ni dans cette assemblée ni en dehors.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable. D'une part, la rédaction de l'amendement me paraît curieuse : il faudrait que la France associe la nation aux choix technologiques majeurs de notre société. D'autre part, sur le fond, je rappelle que la 5G a souvent fait l'objet de débats dans notre assemblée, et que la loi du 1er août 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles a été discutée au Parlement.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je consacrerai dix secondes à la lecture lente de cet amendement qui inscrirait ceci dans notre Constitution : la France associe la nation aux choix technologiques… Cela pose déjà un souci, je ne comprends pas que vous ne l'ayez pas vu. Serait-ce un amendement d'inadvertance ?

Monsieur Ruffin, vous dites que j'exagère et je vous concède le droit de le penser, mais enfin, nous écrivons la Constitution ; ce n'est pas un tract que l'on distribue aux électeurs. Avis défavorable.

Sourires sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, je ne comprends toujours pas en quoi le fait d'associer la nation, qu'il s'agisse de ses représentants, ici, ou, de façon directe, du peuple, dehors, aux grands choix technologiques, ne pourrait pas être inscrit dans une constitution et devrait susciter de moues de votre part. Pour quelles raisons cela ne pourrait-il pas faire l'objet d'un débat démocratique et d'un vote sur des choix, des directions ? Je ne comprends vraiment pas.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est ça qui est inquiétant !

L'amendement no 201 n'est pas adopté.

L'amendement no 202 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement no 220 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Puisque l'article unique a été adopté, avec les fameux dix-sept mots chers à notre ministre, je vais me permettre d'aller un peu au-delà. Par ailleurs, je déplore, nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, que nous n'ayons eu aucune possibilité d'amender le texte concrètement. Aucun mot changé, aucun mot ajouté : je le regrette et le regretterai jusqu'à mardi prochain.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LR

C'est un vote bloqué !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La Constitution doit être protectrice. La lutte contre le changement climatique et la protection de l'environnement doivent être compatibles avec l'ambition sociale de notre pays, rappelée fort justement à l'article 1er de notre texte fondamental. Or nous avons lu – vous le savez encore mieux que moi, monsieur le ministre – que le Gouvernement semble toujours envisager de mener sa réforme des retraites.

Il nous apparaît donc nécessaire, puisque nous sommes partisans d'une écologie responsable et sociale, de réaffirmer avec force les garanties constitutionnelles préservant les droits à la retraite. C'est pourquoi nous proposons d'inscrire dans la Constitution que la France garantit – cela fera plaisir à M. Aubert – que « les réformes relatives aux retraites ne conduisent pas à une régression du droit des salariés ». Nous affirmons ainsi le principe de non-régression qui ne figure malheureusement pas du tout dans le texte.

Je rappelle enfin que ce principe figure déjà dans le Préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs », et que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

Ainsi la proposition qui vous est faite est-elle cohérente avec l'esprit de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je répondrai à cet amendement ainsi, par anticipation, qu'au suivant, l'amendement no 221 . Ils visent à ce que la République garantisse que les réformes relatives aux retraites et à l'assurance chômage ne conduisent pas à une régression des droits des assurés. Nous avons eu un long débat sur le principe de non-régression, mais je ne m'attendais pas à le reprendre, s'agissant des retraites, à ce stade de l'examen du texte. L'avis sera évidemment défavorable sur ces deux amendements, car qu'entendez précisément par « régression des droits des assurés » ? Où une telle régression commencerait-elle ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il est impossible de formuler ce qui serait une pétition de principe avant d'examiner des amendements, mais pour connaître celui-ci et tous ceux à suivre, s'il ne s'agit pas exactement d'un inventaire à la Prévert, il s'y trouve néanmoins beaucoup de choses différentes. Ici, tout est possible et il n'y a évidemment pas d'irrecevabilité. Chacun exprime ses priorités au travers des amendements qu'il a choisis. Je l'entends parfaitement, mais la position du Gouvernement, aussi bien pour cet amendement que pour d'autres à venir, sera de ne pas s'écarter des questions environnementales. Je suis donc défavorable à l'amendement que vous venez de présenter.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je rappelle que le groupe Socialistes et apparentés a fait preuve d'une grande responsabilité dans la rédaction de ses vingt-deux amendements au projet de loi constitutionnelle. Jusqu'à présent, je suis resté strictement dans l'esprit de la Constitution et de la discussion. Malheureusement, comme je le craignais – je l'avais dit lors de la discussion générale – vous n'avez pas bougé d'un iota. Vu que nous sommes, pour ainsi dire, dans une discussion de salon, sans effet sur le texte qui nous est soumis, je me permets d'aborder – comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre – les points essentiels qui nous apparaissent criants dans notre société.

L'amendement no 220 n'est pas adopté.

L'amendement no 221 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir les amendements nos 255 et 254 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ils abordent tous deux la préservation, ou la garantie de la préservation, de la santé. Les utopies du printemps et de l'été de l'année 2020 ont mal passé l'hiver, mais quelques idées pourraient continuer leur chemin et infuser dans notre société. Je pense en particulier à l'approche « une seule santé » – ou « une même santé », selon la traduction que l'on choisit du programme One Health.

Cette idée a inspiré ces amendements qui visent à rappeler le lien indéfectible, dont la fragilité a été révélée par la crise épidémique, qui existe entre la santé de notre écosystème et la santé des hommes. Il serait heureux d'inscrire dans la Constitution que la garantie de la préservation de l'un et de l'autre relève d'un seul et même combat. Il existe un lien indéfectible entre la dignité et la santé humaines et la santé de notre planète.

La maison commune et la dignité de la personne humaine sont des boussoles anthropologiques qui peuvent inspirer de façon moderne le discours des fondateurs de notre Constitution. Je propose qu'on les y inscrive en tant que tels.

Cette idée vient de la science et a été travaillée par tous ceux qui ont contribué à la lutte contre les zoonoses et les grandes maladies. Elle a suscité des coopérations inédites, comme celle entre la FAO – Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture – , l'OMS – Organisation mondiale de la santé – et l'OIE – Organisation mondiale de la santé animale – , lesquelles disent peut-être le monde du futur et invitent à une reconception de la santé prenant en compte les écosystèmes et les interactions entre les hommes – nos interdépendances internationales – , mais aussi les liens avec la nature.

Il me semble que l'inscription de cette idée dans la Constitution enrichirait un récit de la nature qui ne soit pas panthéiste, mais profondément humaniste. C'est dans ce récit humaniste que j'espère inscrire ces amendements relatifs à l'idée d'« une seule santé », et je suis sûr qu'ils ne seront pas seulement indicatifs ou culturels, contrairement à ce que vous avez indiqué monsieur le ministre, mais inspirants pour les législateurs du futur.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, monsieur Potier, pour vos amendements qui sont effectivement inspirants. « Pas de santé humaine sans santé de la Terre » écrivez-vous dans les exposés sommaires : c'est un concept philosophiquement intéressant. Cependant, je crains que vos amendements ne soient sources de confusion. D'abord avec le Préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ». Ensuite avec l'article 1er de la charte de l'environnement, qui dispose que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Je rendrai donc un avis défavorable sur les deux amendements.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le député, une prise de position humaniste comme celle que vous avez exprimée mérite évidemment notre attention et notre respect, mais pour les raisons qui viennent d'être évoquées et compte tenu du risque de confusion entre le Préambule de 1946 et la Constitution elle-même, je donne un avis défavorable sur ces amendements.

Les amendements nos 255 et 254 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir les amendements nos 285 , 262 et 261 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces trois amendements visent, pour ce qui concerne le no 285 de Pierre Cordier, à protéger et à valoriser les traditions locales, et, s'agissant des nos 262 et 261 de Dino Cinieri, à protéger et valoriser respectivement le patrimoine culturel, matériel et immatériel, et les traditions ancestrales.

Ces questions peuvent sembler déconnectées du sujet environnemental, or elles ne le sont pas. Observez par exemple, s'agissant d'un cas particulier, combien les écologistes les plus farouches, parce qu'ils sont abolitionnistes et antispécistes, s'attaquent à certaines traditions qui ont un lien avec les animaux. Voilà comment des traditions séculaires sont mises en danger. Notre collègue Cordier mentionne les chasses traditionnelles pratiquées dans les Ardennes, nous pourrions aussi évoquer la pêche et, pour ma part, j'aurais parlé de la chasse à la glu dans le Vaucluse qui n'est d'ailleurs pas une chasse, mais une capture puisqu'on ne tue aucun animal – pourtant, des gens du lointain, de Paris, nous ont expliqué qu'il ne fallait plus la pratiquer alors que cette tradition ne gênait personne.

Nous avons besoin de trouver un équilibre, parce que quand, sur décision d'une majorité ou dans le but d'afficher une petite pastille écologiste sur un programme, on raye d'un trait de plume des centaines d'années de traditions, celles-ci meurent et il est impossible de les faire renaître. Tous ceux qui s'intéressent au développement demandent de faire attention à la réversibilité, or, en la matière, il n'y en a pas. Si demain on interdit la chasse à la glu, ce sera fini ; il n'y aura plus de transmission. Certains s'en féliciteront, mais il peut arriver que des majorités fassent des erreurs, la vôtre en est un bon exemple.

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous savez, chère collègue, je n'ai jamais été que dans l'opposition ! Même si ce n'est pas faute d'essayer d'être dans la majorité.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ne vous inquiétez pas, nous y travaillons !

Bref, pour toutes ces raisons, je vous propose d'adopter l'un ou l'autre de ces amendements. Monsieur le ministre, je sais que vous aimez les mots et je vous propose donc d'en ajouter aux dix-sept que contient le projet de loi constitutionnelle, ce qui nous permettrait de converger. Je vous laisse évidemment le loisir de décider lequel ou lesquels de ces amendements sont en accord avec vos préférences.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Merci !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je sais que vous aimez les traditions ancestrales telles que la corrida ou la chasse, aussi je vous invite à nous rejoindre dans ce combat et à montrer, après le fiasco de l'article unique, que nous pouvons nous retrouver sur d'autres points, comme la protection du patrimoine matériel et immatériel.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, cher collègue, pour ces amendements. Il va sans dire que nous sommes toutes et tous très attachés à nos traditions locales, à notre patrimoine culturel, matériel et immatériel. Cela étant, comme vous le savez, les traditions évoluent, se créent, se renforcent ou s'affaiblissent au choix de la population. Aussi j'estime qu'il n'est pas de bon aloi d'inscrire ces principes dans la Constitution, alors que, pour ce qui la concerne, vous en conviendrez, le principe de clarté doit s'imposer.

J'ajoute que, s'agissant de l'amendement no 285 , la pêche et la chasse ne sont pas considérées par toutes et tous dans notre pays comme des traditions.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe LR

Ah bon ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Aubert, qui êtes venu me titiller aimablement, je ne me suis jamais caché d'avoir des affinités personnelles pour certaines traditions ancestrales, par ailleurs vouées aux gémonies par certains. C'est la réalité et je ne me cache pas derrière mon petit doigt.

Pour autant, je ne vois pas ce que ces éléments viendraient faire dans une modification de la Constitution…

Attendez une seconde, monsieur Lambert, ne vous excitez pas !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je demande simplement la parole au président, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pardonnez-moi, mais vous me perturbez alors que je réponds à M. Aubert.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous entendez définir de nouvelles règles de fonctionnement dans cette assemblée, monsieur le ministre ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne doute pas que, comme toujours quand vous prenez la parole, le débat deviendra limpide.

Sourires sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vous disais, monsieur Aubert, qu'il est ici question de modifier l'article 1er de la Constitution. Imaginez-vous sérieusement qu'on puisse y intégrer la chasse à la glu ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je comprends que vous puissiez dire à vos électeurs…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Garantir la préservation de l'environnement, cela peut poser des problèmes aux traditions !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je n'ai pas vu qui vient de parler, mais peu importe, c'est à M. Aubert que je réponds. Votre volonté d'inscrire la chasse ou, pourquoi pas, la corrida, à l'article 1er de la Constitution est-elle sérieuse ? Est-ce l'endroit pour le faire ?

Sans doute beaucoup de vos électeurs vous regardent-ils. Je comprends que vous fassiez ce type de discours et tout peut être dit, mais, franchement, compte tenu de ce qui nous occupe, vous me concéderez que ça n'a pas sa place.

Permettez-moi de vous dire comment j'envisage les choses. Je conçois que certains n'aiment pas ces traditions ancestrales. Ce sentiment s'exprime notamment ici, avec des sensibilités différentes. Pour ma part, j'ai toujours pensé que nous devrions considérer ces choses avec beaucoup de tolérance. Je comprends que la question du bien-fondé de ces traditions soit posée et qu'elle puisse préoccuper, tout comme j'estime que les uns n'ont pas à stigmatiser les autres. À cet égard, ce n'est pas aussi simple que vous l'avez dit : les choses sont beaucoup plus complexes qu'un simple parisianisme qui regarderait de loin le reste de la France.

Bref, je suis ravi d'échanger avec vous sur ces questions, mais, franchement, elles n'ont rien à voir et rien à faire dans l'article 1er de la Constitution – même si vous ne serez pas d'accord avec moi, je le vois immédiatement. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je me contenterai de répondre sur le plan juridique, puisque nous sommes ici au Parlement. Tout d'abord, monsieur le rapporteur, les traditions sont des coutumes. Par exemple, en droit international, la coutume dispose exactement du même statut juridique que les traités. Si la coutume est postérieure, elle aura plus de poids. Je vous vois agiter la tête, monsieur le ministre, mais je vous assure que c'est le cas. Lisez la charte des Nations unies et vous verrez que l'URSS siège toujours au Conseil de sécurité. La charte n'a jamais été modifiée et la coutume a fait que c'est la Russie qui occupe désormais ce siège. De la même manière, la charte de San Francisco ne prévoit pas de droit de veto. Vous pouvez faire la recherche, il s'agit d'une coutume, mais normalement les choses ne fonctionnent pas de la sorte. Il est seulement prévu un vote des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et il n'existe pas de droit de veto, qui constitue une capacité de blocage.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Merci pour ce cours de droit, mais il est incomplet.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si vous souhaitez parler de droit international, je vous attends. Je vous vois agiter la tête, mais sachez que je suis absolument certain de ce que je viens de vous dire.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne dis pas le contraire ; je dis que c'est incomplet !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous m'expliquez ensuite que les traditions n'ont pas leur place dans le texte. Mais nous parlons de la place de la coutume locale par rapport à celle de la loi, et c'est un sujet important : on ne peut pas dire, d'un côté, que les chasseurs et les pêcheurs sont les premiers acteurs de la protection de l'environnement et de la biodiversité, et, d'un autre côté, voter des lois qui supprimeraient la chasse, qui est dans certains endroits une coutume, une tradition.

Monsieur le ministre, vous répliquez comme un avocat : pour disqualifier un argument, vous prenez un élément et vous en faites un tout. Je n'ai jamais dit qu'il fallait inscrire la chasse à la glu dans la Constitution ! Un visionnage vidéo montrerait que vous exagérez. En général, vous euphémisez, confer le « quasi »… Ici, vous hyperbolisez !

Ce que je vous propose, c'est d'inscrire dans la Constitution le respect de nos traditions, de notre patrimoine immatériel et matériel, charge ensuite au juge de trouver un équilibre avec les contraintes de la vie moderne et les modifications nécessaires.

Nous ne voulons pas d'une société aseptisée, qui écarte l'humain. Vous n'arriverez jamais à entraîner les Français dans la transition écologique si vous leur donnez l'impression qu'elle détruit ce qui fait l'identité de nos territoires.

Voilà ce que je voulais vous dire, et ce n'est pas en fronçant les sourcils que vous me ferez changer d'avis, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Lâchez-moi un peu, monsieur Aubert, j'ai tout de même le droit de bouger les sourcils ! Pour qui vous prenez-vous ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Que voulez-vous ? Que je sois béat d'admiration devant vos propos ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci de me donner la parole, monsieur le président, vous aurez remarqué que j'ai laissé le temps au ministre d'exposer ses sentiments… Je lui présente mes excuses, même si je ne devrais pas. Tout à l'heure, j'ai levé le bras pour demander la parole, et sans claquer des doigts : dans cet hémicycle, je ne vois pas d'autre moyen de le faire… S'il se trouve, monsieur le ministre, que mon bras ait été à ce moment dans votre champ de vision, n'y voyez aucune offense.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce geste ne vous était pas adressé, et ce n'était pas là une façon de critiquer vos propos. J'ai maintenant la parole pour cela.

J'ai bien noté votre approche des traditions ancestrales : certaines, comme celle que l'on appelle la chasse à la glu, alors qu'il s'agit d'une capture, ne seraient pas dignes de l'humanité d'aujourd'hui ; d'autres chasses, où l'on dresse un oiseau à tuer un autre oiseau, le seraient. Si nous entrons dans ces discussions, nous serons vite perdus !

Restons-en donc au fond, au droit, et aux éléments qu'a apportés au débat mon collègue Julien Aubert dont je ne soutiens pas les amendements. Au moment où nous réécrivons la Constitution, évitons les sujets de société qui hystérisent cette dernière comme le débat.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est ce que j'ai dit !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Merci, monsieur Lambert, pour ces précisions utiles dont le détail nous avait échappé, à l'évidence… J'avais compris que M. Aubert ne souhaitait pas inscrire la chasse à la glu dans l'article 1er de la Constitution.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne suis pas complètement idiot. Faites-moi le crédit de penser que j'ai encore quelques neurones connectés.

Monsieur Aubert, la chasse, la corrida ou d'autres traditions ont, me semble-t-il, peu de choses à voir avec notre discussion ; vous pouvez penser le contraire.

Votre espèce d'invitation virile – ce « je vous attends » – était curieuse. Vous êtes magistrat, donc vous êtes un grand juriste. Vous dites des choses, vous connaissez le droit ; j'essaye, moi, de circonscrire le débat à ces dix-huit mots – je compte « l'environnement » pour deux mots – que nous souhaitons ajouter à l'article 1er. Maintenant, la discussion va partir dans tous les sens, c'est bien normal, mais n'attendez pas de nous que nous soyons favorables à vos amendements.

Merci encore pour le cours sur la coutume, que je crois d'ailleurs incomplet. Mais vous nous proposerez, j'en suis sûr, un chapitre II ou une deuxième leçon.

Les amendements nos 285 , 262 et 261 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir les amendements identiques nos 86 et 315 .

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L'amendement no 315 a été déposé par M. Jean-Felix Acquaviva. La décentralisation est consubstantielle à la protection de l'environnement. Ainsi, la réduction de la consommation d'énergie ou le déploiement des énergies renouvelables, garantes de l'autonomie énergétique des territoires, ne peuvent se réaliser qu'avec une montée en puissance des collectivités locales, et notamment des régions.

Pour accompagner la progression d'une écologie des territoires, il convient de reconnaître dans la Constitution que l'organisation décentralisée de la République est régie par le principe de subsidiarité. C'est une condition essentielle au rééquilibrage des pouvoirs : la Ve République doit se réformer et mieux partager les pouvoirs et les décisions entre l'État et les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable. Le principe de subsidiarité figure déjà à l'article 72. L'inscrire, sans autre précision, à l'article 1er serait redondant et susciterait de légitimes interrogations sur la portée de cette insertion.

Les amendements identiques nos 86 et 315 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 319 .

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Cet amendement vise à intégrer à la Constitution le caractère pluriel de la France, sa « diversité géographique, culturelle et linguistique ». C'est là une richesse inégalable : notre pays s'enrichit de toutes ces diversités. Cette reconnaissance permettrait d'imaginer des politiques ciblées et spécifiques pour certains territoires.

Vous me reprocherez certainement d'être hors sujet. En tant qu'enseignant, je vous le dis : des hors sujet, il y en a eu dans cet hémicycle depuis quelques heures ! Et celui-ci n'en est pas forcément un : l'intégration des valeurs culturelles comme valeurs environnementales est un sujet dont on pourrait débattre.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est quand même vrai, que c'est un peu hors sujet… Mais c'est vrai aussi que c'est un sujet, et je comprends que vous le défendiez. Chacun défend ici des sujets importants et très divers, c'est ce qui fait la richesse du Parlement. Vous comprendrez toutefois que je ne peux pas être favorable à cet amendement.

L'amendement no 319 n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Joachim Son-Forget, pour soutenir l'amendement no 410 .

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Cet amendement vise à constitutionnaliser la légitime défense. Il s'agit d'ouvrir une porte en donnant à la protection de la vie humaine autant d'importance que l'on en donne aujourd'hui aux finances, aux oeuvres ou aux locaux.

Le respect de l'existence du réel, c'est-à-dire de la fragilité de nos existences physiques, serait ainsi matérialisé par l'aspect dissuasif d'une menace justifiée en cas d'agression injustifiée. Cette distribution responsable de la violence légitime, si elle est ajustée correctement, ouvre paradoxalement la voie à une relation à l'autre pacifiée et libérée d'agressions prenant parfois des formes disparates et dissimulées, passant aussi par l'instrumentalisation de la justice ou de l'administration pour augmenter la charge morale sur un individu menacé.

La rhétorique « macro » de la dissuasion nucléaire, largement acceptée par les États dotés, est finalement similaire à celle que je propose ici, qui serait une dissuasion en circuit court, en quelque sorte.

Je me permets une digression finale dans la présentation de cet amendement qui paraît un peu distant de la question principale qui nous occupe. L'article unique du projet de loi a été adopté – je ne l'ai pas voté, évidemment. Je viens de vous parler de dissuasion nucléaire. Savez-vous ce qui est le plus destructeur de notre environnement et de la biodiversité sur le long terme ? La bombe nucléaire. Ne venez-vous pas, par votre vote, de priver la France, État doté, membre permanent du Conseil de sécurité, de sa dissuasion nucléaire ? N'avez-vous pas balayé l'alinéa 2 de l'article 5 de la Constitution, qui confère au Président de la République le rôle de « garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités » ? Vous portez aussi atteinte à l'article 13, ou encore à l'article 16, qui donne au Président de la République des prérogatives importantes en cas de crise.

Clairement, si nous devions préserver notre intégrité territoriale par une utilisation – qui serait bien sûr désastreuse – de l'arme nucléaire, nous serions hors la loi !

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Avis défavorable. L'objet de ce projet de loi constitutionnelle est d'affirmer une ambition forte en matière de préservation de l'environnement.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je voudrais rassurer tous ceux qui nous écoutent, et notamment les militaires : votre analyse, monsieur le député, est totalement erronée.

Par ailleurs, et vous l'avez vous-même reconnu, votre amendement est quelque peu éloigné de notre sujet principal. Nous sommes partis de la chasse pour aller vers la subsidiarité, et plus les débats avancent plus on perd de vue notre question initiale…

Avis défavorable.

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Mais nous ne sommes pas si éloignés ! Si on veut examiner jusqu'au bout votre démarche de révision constitutionnelle, il faut reconnaître qu'on ne peut pas tout à la fois énoncer des principes à l'article 1er et s'en laver les mains en cas de crise, en considérant qu'il existe des moments où l'on peut passer outre aux principes fondateurs de la République. Je pose une question qui mérite une réponse plus argumentée que celle que vous me faites !

La France a une position équilibrée en matière nucléaire ; nous sommes signataires du traité de non-prolifération, et la prolifération apparaît aujourd'hui maîtrisée. J'espère que nous ne serons jamais amenés à utiliser cette arme ; il n'en reste pas moins que ce serait une transgression complète, et tous les antinucléaires et les antimilitaristes de tous bords attaqueraient en se servant de la Constitution – en tout cas, venant de personnes qui militent contre les États dotés, ce ne me semblerait ni idiot ni déplacé.

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Pardon, mais si nous en arrivons à faire usage de l'arme nucléaire, nous aurons d'autres soucis que les procès que des militants antinucléaires pourraient faire parce que nous n'avons pas respecté la Constitution…

Sourires.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Elle est bonne, celle-là !

L'amendement no 410 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Joachim Son-Forget, pour soutenir l'amendement no 416 .

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Cet amendement va dans le sens d'amendements précédents, qui voulaient célébrer les particularismes français. Il vise à inscrire dans la Constitution que la France « préserve son patrimoine architectural et esthétique ».

Si l'intérieur des bâtiments appartient au propriétaire, la façade appartient à tout le monde. Il apparaît crucial de faire davantage d'efforts pour harmoniser les projets d'urbanisme, comme le demande déjà l'article 1er de la loi du 3 janvier 1977. Construire, c'est s'impliquer dans la durée, et intégrer le beau dans ce processus ne peut qu'améliorer la durée de vie d'un bâtiment.

En effet, les grands projets d'urbanisme doivent être cohérents avec leur environnement architectural et esthétique proche pour favoriser leur attractivité. L'état actuel de l'architecture moderne est largement conceptuel et son vieillissement implique des rénovations toujours plus coûteuses. Intégrer la dimension du beau, de l'esthétique et de l'harmonie dans les futurs aménagements urbanistiques pourrait grandement bénéficier à l'image d'un urbanisme français à échelle humaine, respectueux des traditions propres à chaque spécificité locale.

L'amendement no 416 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement no 171 .

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Je m'apprête à défendre une série d'amendements qui vont bien au-delà de la portée du projet de loi constitutionnelle. Quitte à faire une réforme sur un sujet important, j'en conviens, je propose qu'on l'élargisse à des enjeux majeurs qui, pour la plupart d'entre eux, relèvent de la sécurité et de la protection de nos concitoyens, mais aussi de la préservation d'un modèle social. Nous défendons un modèle environnemental ; je propose que l'on défende aussi un modèle social.

Par ce premier amendement, je voudrais introduire dans la Constitution la neutralité religieuse pour les usagers des services publics. La neutralité s'applique actuellement aux agents des services publics et elle sera peut-être étendue, par le projet de loi confortant le respect des principes de la République, aux personnels des établissements exerçant une délégation de service public. Je souhaite une évolution majeure, dont je mesure les conséquences, en proposant que la neutralité s'applique désormais aussi aux usagers, afin que, dans un service public, personne ne puisse utiliser de façon ostensible un signe religieux pour imposer son appartenance aux autres usagers du service public. Ce doit être le cas à l'hôpital, où l'on voit de plus en plus de personnes refuser de se faire soigner, pour des raisons religieuses, par exemple par un médecin de sexe opposé ; ce doit être le cas dans les services municipaux et ceux des collectivités territoriales…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous venons d'adopter un texte !

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… comme les piscines, où l'on rencontre l'expression d'une soumission – ou d'un asservissement, pour reprendre le mot pertinent que vous avez employé, monsieur le garde des sceaux, pendant le débat que j'évoquais, quand vous aviez dit que le port de signes religieux, en l'occurrence du voile, pouvait relever d'un asservissement…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

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… comme il pouvait relever d'un choix. Eh bien, je pense que le port du voile, imposé quelquefois par la violence et la coercition à des femmes, doit être proscrit. Un asservissement n'a pas sa place dans notre pays, ni dans notre Constitution.

C'est le moment de lever l'argument constitutionnel que l'on nous oppose en permanence, car j'ai soutenu des dizaines de fois, depuis plusieurs années, des amendements similaires à celui-là, lors de l'examen de nombreux textes. Chaque fois, on nous oppose, à juste titre, le fait que la Constitution ne nous autorise pas à voter cette disposition. Si nous sommes attachés aux principes républicains, c'est peut-être le moment de franchir ce pas…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non !

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En effet, vous avez essayé d'aborder le sujet lors du projet de loi contre le séparatisme et vous n'avez pas eu gain de cause ; il en sera de même à l'occasion du projet de loi constitutionnelle. L'amendement propose l'interdiction du port de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse aux usagers, mais les usagers du service public ne sont pas dans la même situation que les agents. Je considère donc que l'extension proposée est abusive. Avis défavorable.

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J'avais bien compris que les usagers et les agents n'étaient pas dans la même situation !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce soir, vous le savez, puisqu'il s'agit d'une révision constitutionnelle, il n'y a pas de cavaliers ; néanmoins, il y a des chevaux de bataille. Naturellement, vous êtes revenu sur l'un de vos thèmes favoris. Vous savez parfaitement que l'amendement ne peut pas être adopté ; vous savez parfaitement que ce n'est pas le moment ; vous savez parfaitement que ce n'est pas une question de courage, de lâcheté ou de volontarisme. Vous savez qu'en revanche, il faut que vous apparaissiez comme celui qui défend ce sujet. Cela s'appelle de la politique.

Sauf que, ce soir, nous parlons d'environnement. Nous ne parlons pas du voile, ni de la chasse, en tout cas pas comme vous souhaiteriez qu'on en parle ; nous ne parlons pas de tous ces sujets qui font dire aux uns et aux autres, quand ils se lèvent pour défendre leur amendement : « Il est très éloigné du texte, nous savons qu'il n'a rien à voir avec le projet de loi constitutionnelle dont nous sommes en train de parler. » C'est bien tenté, monsieur Ciotti, mais je vous sais trop intelligent ; ce que vous souhaitez, ce n'est pas tenter, c'est vous exprimer sur le sujet pour reprendre la main. Vous aviez déjà essayé lors de l'examen du projet de loi confortant le respect des valeurs de la République, et vous n'y êtes pas parvenu. Alors, vous redites ce que vous dites depuis… longtemps.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout le monde le sait : vous êtes identifié comme « M. Voile », si vous me permettez l'expression.

Sourires sur quelques bancs du groupe LaREM.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais, puisque nous parlons ici d'environnement, vous comprendrez que le Gouvernement ne peut pas être favorable à votre marotte, à votre sujet de coeur, et que je n'aie pas envie d'en discuter avec vous. Car, si tel était l'objet de la discussion, j'aurais un certain nombre de choses à vous dire, et je ne pense pas que nous serions d'accord sur le fond.

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M. Ciotti a déclaré qu'il voulait revenir une nouvelle fois, après des dizaines d'autres, sur le débat relatif à la laïcité. C'est pourtant un débat que nous avons eu longuement lors de l'examen d'un autre texte, et ce n'est pas l'argument constitutionnel que l'on vous a opposé, mais un argument de fond, à savoir que l'on distingue la neutralité de l'espace public de celle du service public. La neutralité du service public s'applique d'abord à ses agents, qui n'ont pas à exprimer leurs convictions ou leur appartenance religieuses lorsqu'ils exercent leurs fonctions.

Il s'agit entre nous d'une opposition de fond déjà exprimée lors de la révision constitutionnelle de 2018, exprimée ensuite dans la loi contre le séparatisme, et exprimée de nouveau aujourd'hui. Les choses sont claires : vous souhaitez inscrire cette disposition dans la Constitution ou dans la loi ; nous y sommes opposés. La cohérence, si je puis dire, est des deux côtés.

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Monsieur le garde des sceaux, vous me répondez sur la forme ; M. Houlié me répond sur le fond. J'y vois déjà, dans l'expression de la majorité, une petite nuance…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non, non !

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… révélatrice des fractures qui divisent le groupe La République en marche. Nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen du texte sur les principes républicains. Des députés très courageux de ce groupe – je pense à Aurore Bergé – avaient déposé des amendements qui allaient exactement dans le même sens que les miens. Je ne défends pas mon amendement parce qu'il s'agit d'une « marotte », monsieur le garde des sceaux, mais par constance. Vous refusez de le voir, c'est votre droit et je respecte votre position, mais qui peut nier que les atteintes à la laïcité sont de plus en plus manifestes, de plus en plus fréquentes, de plus en plus graves ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous avons pris des textes !

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Je réitère ces positions avec une constance qui est le reflet de la dégradation de la situation. Qui pourrait prétendre qu'elle ne se dégrade pas ? Vous avez fait une petite loi composée d'une addition de mesurettes qui ne changeront rien. L'essentiel se trouve dans les mesures que nous proposons ; vous refusez d'en débattre, et c'est votre droit le plus strict. Mais permettez-moi de vous dire que vous vous trompez lourdement et que cela traduit, de la part du Gouvernement, un manque de courage devant la dégradation de la situation.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Quand nous avons lancé l'application StopCovid, vous avez dit qu'elle était liberticide. Je me souviens même vous avoir entendu dire que c'était « orwellien ». Une semaine et demie plus tard, vous réclamiez l'instauration de l'état d'urgence.

Ce n'est pas une question de courage, vous n'avez pas le monopole du courage. Je vous reconnais un certain courage ; ne le déniez pas aux autres. Sur ces questions, nous ne sommes pas d'accord, c'est vrai. Mais ce qui est inquiétant, c'est que lorsque le Gouvernement propose de se cantonner à l'article 1er de la Constitution et de ne parler que d'environnement, vous arrivez, les uns et les autres, avec des sujets différents, en donnant l'impression que nous ne voulons pas en parler. Mais nous avons eu le débat lors de l'examen en première lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République, et ce débat n'est pas terminé. Vous parlez de « petite loi » parce que vous n'en êtes pas à l'initiative, mais ce n'est pas une petite loi.

Les problèmes, nous les regardons comme vous, nous essayons de les régler. Nous, nous sommes aux responsabilités ; vous, vous êtes à la critique. Mais, de grâce, ne donnez pas le sentiment, qui me chagrine un peu dans le débat de ce soir, qu'il y a des sujets dont vous auriez le monopole et qui n'intéresseraient pas le Gouvernement, alors que le Gouvernement, moi en l'occurrence, est présent pour défendre un texte relatif à l'environnement. Vous pouvez tout mélanger, vous pouvez feindre de tout confondre mais, au fond, personne n'est dupe.

L'amendement no 171 n'est pas adopté.

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J'informe l'Assemblée que, sur l'amendement no 371 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Joachim Son-Forget, pour soutenir l'amendement no 408 .

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Il vise, comme d'autres de mes amendements, à souligner l'importance de la vie humaine, en inscrivant à l'article 1er de la Constitution que la France « assure l'intégrité et la dignité de la personne ». Malgré la consécration prétorienne de cette protection par le Conseil constitutionnel dans sa décision « Bioéthique » du 27 juillet 1994, cette notion n'a jamais fait l'objet d'une mention explicite dans la Constitution.

Si les perspectives de traitement de maladies induites par des gènes déficients sont considérables, les dangers eugénistes d'un profil génétique idéal et d'une fabrication de bébés sur mesure doivent être combattus. L'intégrité de la membrane cellulaire d'une cellule assure sa survie comme entité vivante. L'intégrité d'un corps est régulée par les mécanismes d'homéostasie définissant un dedans et un dehors et une entité unique, l'individu humain, résultant d'une génétique héritée naturellement, fruit d'une lente évolution des espèces, d'une expérience de vie et d'apprentissage au cours de celle-ci. C'est à cette complexe combinaison respectant la nature de l'homme, sans en faire toutefois une fatalité, que doivent s'attacher les lois bioéthiques, et il est nécessaire de leur donner une assise.

Je me permets une dernière fois d'insister sur l'incohérence d'une prétendue évolution de la Constitution consacrant la préservation de l'environnement et la biodiversité mais acceptant néanmoins, dans nos sociétés occidentales post-Seconde Guerre mondiale, un degré de violence totale qui peut inclure la destruction de l'humanité et de tout le biotope. C'est ce chiffon rouge qu'agitent les nations du monde entier. Je suis évidemment pour, car je suis pour la protection de mon pays et je suis né dans cette époque post-Seconde Guerre mondiale, mais il y a une hypocrisie totale à accepter, dans des cas extrêmes de différends interhumains, la destruction totale de l'environnement – cela doit évoquer quelque chose à mon collègue de Polynésie, puisque des essais ont été conduits sur son territoire – tout en s'affichant comme fins défenseurs de l'environnement.

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Avis défavorable. S'il est vrai que la dignité de la personne humaine n'est pas expressément inscrite dans la Constitution, le Conseil constitutionnel, en 1994, a déduit du préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation était un principe à valeur constitutionnelle.

L'amendement no 408 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir l'amendement no 371 .

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Monsieur le garde des sceaux, ce soir, je vous plains, car vous êtes le ventriloque de la convention citoyenne pour le climat tout en étant celui du Président de la République, qui est lui-même l'instrument de la convention citoyenne. Plus exactement, la convention citoyenne est l'instrument du Président de la République dans un objectif électoraliste.

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Excusez-moi de vous avoir interpellé ainsi – c'était pour appeler votre attention. Grâce à cet amendement, je vous propose de vous libérer de vos chaînes et de respecter l'engagement que vous avez pris ici, devant la représentation nationale, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Merci de jouer le rôle de ma conscience !

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… celui de rendre possible la pénalisation de la négation des génocides reconnus par la loi française. Vous savez de quel génocide je veux parler : le génocide arménien. Nous en avons parlé et vous avez manifesté votre bonne volonté.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais ce n'est pas le moment !

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Nous savons tous que nous nous trouvons face à un problème constitutionnel : depuis des années, le peuple arménien et les Français d'origine arménienne souffrent parce que certaines personnes, notamment d'origine turque, nient ce génocide. Nier un génocide, c'est assassiner une deuxième fois les victimes.

Nous sommes le pays des droits de l'homme ; nous sommes la représentation nationale et nous avons tous à coeur de respecter ces victimes. Je vous propose donc de réparer une injustice, qui touche aux droits fondamentaux, en inscrivant dans la Constitution la possibilité de pénaliser la négation de crimes contre l'humanité et de génocides reconnus par la loi française.

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C'est un sujet extrêmement important, qui revient régulièrement dans les débats sur les réformes constitutionnelles. Cela étant, vous avez compris le sens des débats que nous poursuivons depuis hier soir : ce n'est pas le moment d'aborder, …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

En effet !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Ravier, vous m'avez effectivement déjà parlé de ce grave sujet et je vous ai dit l'intérêt que je portais à cette question. Ce sujet important mérite autre chose qu'un débat à minuit, introduit par voie d'amendement, dans le cadre de l'examen d'un texte relatif à l'environnement – je le répéterai jusqu'au bout.

Ne croyez pas que je balaie d'un revers de manche votre proposition. Je sais votre intérêt sincère, mais nous ne pouvons traiter aussi brièvement de la question du génocide, qui mérite en soi un débat. Vous pouvez, je pense, entendre ma réponse, comme j'ai entendu votre question.

Mme Patricia Mirallès, M. Pierre-Alain Raphan et Mme Souad Zitouni applaudissent.

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Durant cette matinée et cet après-midi, nous nous sommes livrés à quelques jeux théâtraux, chacun tenant parfois son rôle – vous, celui de maintenir coûte que coûte les dix-sept ou dix-huit mots du texte actuel. Mais il est des moments où, en tant que parlementaires, il faut savoir être à la hauteur des propositions qui nous sont soumises.

Notre collègue Julien Ravier sait pertinemment que nos positions politiques sont diamétralement opposées – nous sommes élus du même territoire, Marseille. Pourtant, je voterai en faveur de son amendement. Sachons dépasser les histoires locales, ne les introduisons pas dans cet hémicycle et évitons de nous affronter systématiquement.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous dites qu'il est minuit ; il ne faudrait pas introduire ce débat « au débotté », selon les mots du rapporteur. Mais, à un quart d'heure près, l'amendement aurait pu être examiné demain matin, à neuf heures ! La vraie question n'est pas celle des horaires, ou de l'organisation d'un débat spécifique ; c'est le fait que cela concerne des centaines de milliers de nos compatriotes. Je n'en citerai qu'un seul, un ami rencontré en politique – même si nous ne partagions pas du tout les mêmes positions – , un de nos anciens collègues, décédé du covid-19 : Patrick Devedjian. Il portait très haut le combat de la reconnaissance du génocide arménien.

Nous pourrions, par un vote en faveur de cet amendement, qui a une portée bien supérieure à un simple amendement, envoyer un message fort à l'extérieur de cet hémicycle. Beaucoup seraient soulagés d'une douleur qui dure depuis plus d'un siècle.

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Cette histoire dure depuis l'adoption de la loi relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, en 2001. C'était une véritable victoire dans l'histoire de tout un peuple et une victoire pour des Français d'origine arménienne qui sont un véritable modèle d'intégration.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

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Depuis, nous ne cessons, sur les bancs de cette assemblée, de demander la pénalisation de la négation de ce génocide. Moi-même, en tant que collaborateur de Valérie Boyer, quand elle était députée, j'ai travaillé sur le sujet et j'ai étudié ces problématiques, et je peux vous dire que jamais nous ne parviendrons à cette pénalisation sans une révision de la Constitution.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui, mais ce n'est pas le moment !

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Monsieur le garde des sceaux, il est minuit cinq, vous avez une chance historique de corriger une injustice et de replacer les valeurs de la République française au centre. Puisque vous savez que cette cause est juste et que vous partagez notre position, donnez au moins un avis de sagesse et laissez-nous adopter une bonne fois pour toutes la possibilité de pénaliser la négation des génocides reconnus par la loi française, grâce à la représentation nationale, comme l'a été le génocide arménien.

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Ça ne ferait de mal à personne de l'adopter !

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 47

Nombre de suffrages exprimés 46

Majorité absolue 24

Pour l'adoption 12

Contre 34

L'amendement no 371 n'est pas adopté.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance à neuf heures :

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement.

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 11 mars 2021 à zéro heure dix.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra