Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 10h00

Résumé de la réunion

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  • RSI
  • URSSAF
  • assiette

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 22 septembre 2021

La séance est ouverte à dix heures.

La commission réunit une table ronde sur les difficultés du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants dans l'Hexagone et les outre-mer avec Mme Sophie Duprez, présidente du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI), M. Yann-Gaël Amghar, directeur général de l'URSSAF Caisse nationale, et M. Éric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

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Plusieurs élus ultramarins ont attiré l'attention du Président de l'Assemblée nationale et de notre commission des affaires sociales sur les difficultés que rencontreraient des travailleurs indépendants ou petites entreprises dans le cadre du recouvrement des cotisations et contributions sociales, une situation qui mènerait parfois jusqu'à la cessation de l'activité de ces travailleurs ou entreprises.

Dans le cadre du Printemps social de l'évaluation 2020, Gilles Lurton et Stéphane Viry avaient jugé satisfaisant l'adossement opéré par la loi de financement pour 2019 du Régime social des indépendants (RSI) au régime général. Néanmoins, au cours de la réunion de bureau de notre commission, certains de nos collègues ont indiqué que des difficultés telles que celles rapportées par nos collègues ultramarins pouvaient encore être constatées dans l'Hexagone.

Il a donc été décidé de faire le point sur cette question sous la forme d'une table ronde réunissant les principaux acteurs concernés. Il est important de préciser que l'Union des entreprises de proximité (U2P) était également invitée à cette table et avait prévu d'y être représentée par son secrétaire général, M. Pierre Burban. Nous avons malheureusement été informés qu'il serait finalement impossible à l'U2P de prendre part à nos travaux en raison d'un bouleversement d'agenda. Elle nous a toutefois indiqué qu'elle travaillerait à une contribution écrite dans les meilleurs délais.

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éric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) en charge des affaires sociales

Nous souhaitons vous présenter en introduction la philosophie générale de notre organisation, notamment dans ces derniers temps perturbés par la crise sanitaire.

La CPME s'était fixé trois axes au cours de la crise sanitaire. Le premier était de protéger les salariés dans les entreprises et c'est plutôt un succès puisque le pouvoir d'achat a été globalement maintenu ces derniers temps, ce qui constitue pour nous une satisfaction.

Le deuxième axe était de protéger l'entreprise et nous constatons que le mur des faillites n'a pas lieu. Fort heureusement, les dispositions prises, que nous avons accompagnées par nos recommandations, ont donné des résultats tels que les entreprises sont présentes pour la reprise qui s'annonce très forte, qui est réellement très forte.

Le troisième axe était de protéger le chef d'entreprise. C'est un axe très spécifique à la CPME, dans lequel la question des travailleurs indépendants est évidemment prégnante mais il faut démythifier l'image des travailleurs indépendants.

François Asselin, le président de la CPME, dirige une menuiserie industrielle de 130 personnes ; c'est un travailleur indépendant. Je suis moi-même un travailleur indépendant, commerçant à Chartres. Voir uniquement les travailleurs indépendants comme des micro-entrepreneurs venant d'arriver sur le marché n'est donc pas du tout réaliste. Parmi les plus de trois millions d'indépendants en France, les créations se font effectivement essentiellement par l'intermédiaire du statut de micro-entrepreneur mais les indépendants sont aussi des professions libérales, des commerçants ou des artisans qui sont massivement des employeurs. Je pense qu'il est important de garder ce point à l'esprit pour la suite de nos réflexions.

La protection du chef d'entreprise, notamment de l'indépendant, porte essentiellement sur la défaillance éventuelle de son activité économique. Le problème des indépendants est que la défaillance de l'activité économique peut être traitée par les tribunaux de commerce mais n'entraîne pas systématiquement l'annulation de l'ensemble des dettes ; les dettes personnelles demeurent une dette de la personne et ne sont pas annulées ou éteintes par le tribunal de commerce.

La mesure 18 du projet de loi sur les travailleurs indépendants apportera des solutions mais de multiples luttes d'influences ont lieu sur la question des cautions engagées, sur la protection du patrimoine personnel... Dans le cadre du projet de loi sur les travailleurs indépendants, vous aurez donc à étudier prochainement des avancées sur ce sujet. En particulier, la possibilité de traiter ces questions dans le cadre du règlement personnel des dettes, par la commission de surendettement je crois, est une avancée que nous soulignons.

Au-delà de ce cadre général, le cadre spécifique que vous avez abordé dans vos propos introductifs, madame la présidente, est celui de l'outre-mer mais il est retrouvé aussi, dans une moindre mesure, en métropole. L'essentiel du problème provient finalement de la complexité des statuts, des taxations d'office, de radiations qui ne sont pas faites correctement et entraînent donc une dette sociale des indépendants, alors même qu'ils n'ont pas forcément maintenu leur activité mais n'ont pas suivi les procédures qu'il fallait pour se radier et se retirer du dispositif.

Je ne donne pas de chiffres car il s'agira d'un débat de spécialistes mais vous verrez que la question ne relève pas vraiment de la crise mais plus généralement des statuts, de la complexité administrative, sociale et fiscale et peut-être aussi du niveau d'information d'un certain nombre de travailleurs indépendants accédant au statut comme autoentrepreneurs. Cela conduit à une masse de dettes qui ne sont pas traitées correctement et mettent en difficulté certains de nos concitoyens pour rester dans le cadre de la communauté administrative, fiscale et sociale. Cela constitue une vraie difficulté que mes voisins pourront développer.

En conclusion, nous aurons des débuts de solutions dans les lois de financement de la sécurité sociale et peut-être dans le projet de loi sur les travailleurs indépendants. Toutefois, la CPME ne voit pas aujourd'hui ce grand processus de simplification juridique, sociale et fiscale arriver sur le champ des indépendants. Je pense que, sans prise de conscience sur ce sujet, les difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui perdureront. Ce n'est efficace ni pour notre collectivité nationale ni pour nos comptes sociaux et nous devons donc revoir ces questions.

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Sophie Duprez, présidente du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI)

Les premiers propos de M. Chevée sont tout à fait juste et je les compléterai par des exemples concrets.

Dans les départements et territoires d'outre‑mer se trouve une population qui n'a parfois pas fait beaucoup d'études. Beaucoup n'ont pas le baccalauréat, c'est un fait. Ce sont des gens compétents, travailleurs, qui passent beaucoup de temps dans leur entreprise et délaissent le plus souvent les formalités administratives. Elles ne les intéressent pas ; ils ne se sentent pas concernés par cette « tambouille » qu'ils confient, au mieux, à leur expert-comptable. Toutefois, les experts-comptables se cantonnent aux formalités et n'indiquent pas à leur client le montant des cotisations qu'il aura à payer. Ils ont d'ailleurs eux-mêmes tellement de difficultés à les appréhender qu'ils préfèrent ne pas lancer dans une expertise de ces montants qui peuvent varier à la demande du chef d'entreprise, celui-ci pouvant modifier leur assiette.

La difficulté à laquelle toutes les branches du régime général sont confrontées avec la suppression du RSI est que, lorsqu'un travailleur indépendant se présente à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ou à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), la secrétaire qui le reçoit a parfois une vraie formation et peut demander au chef d'entreprise son statut mais, parfois, elle n'a pas cette formation et c'est alors un dialogue de sourds. Elle lui demande parfois son chiffre d'affaires, parfois son bénéfice et, rarement, sa rémunération de gérant. Un gérant de société peut vous répondre lorsque vous lui demandez son bénéfice mais il ne s'agit pas d'une assiette sociale.

Ainsi, prenez le cas de trois restaurants ayant le même chiffre d'affaires et la même activité mais des statuts différents. Le bénéfice du premier, en entreprise individuelle, ne sera connu que lorsque son expert-comptable l'aura déterminé après un calcul compliqué et son assiette sociale sera constituée de la totalité des bénéfices calculés, ce qui est complètement décalé par rapport aux capacités de trésorerie de l'entreprise. Si le gérant du deuxième restaurant a choisi le statut de société à responsabilité limitée (SARL), il se votera en assemblée générale sa propre rémunération qui servira d'assiette de ses cotisations. Il aura alors la chance de pouvoir choisir cette assiette en fonction des capacités de trésorerie de son entreprise, tant pour le paiement de sa propre rémunération que pour le paiement de ses charges sociales. Enfin, le troisième qui aura choisi la forme microsociale aura une assiette calculée en fonction de son chiffre d'affaires par un abattement fixé par le législateur – trois sont possibles – et n'est pas au courant du montant de sa rémunération. Il connaît son chiffre d'affaires et la « tambouille » de la détermination de l'assiette se fait dans les branches. Pour un artisan par exemple, 50 % du chiffre d'affaires serviront d'assiette pour calculer ses droits à retraite et ses droits maladie. Bien entendu, le gérant majoritaire verra, en fonction de son capital social, une partie de ses bénéfices retraités en rémunération. Je ne parle pas du gérant de société par actions simplifiée puisque ce n'est pas un indépendant, même s'il pourrait y être assimilé.

Le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants propose donc de revoir les assiettes des indépendants de façon à ce qu'elles soient identiques et se calquent sur celle des gérants majoritaires de SARL par vote en assemblée. L'idée serait qu'il puisse exister dans les entreprises individuelles une assiette sociale et une assiette fiscale de l'entreprise. Passer en option les entreprises individuelles à l'impôt sur les sociétés permettrait à l'indépendant d'avoir une assiette plus proche de ses capacités de trésorerie.

Se pose ensuite la difficulté que peuvent rencontrer les chefs d'entreprise dans la déclaration de leurs revenus puisqu'elle se fait habituellement une fois par an, sauf en microentreprise. La grande révolution que M. Le Bont a mise en œuvre avec M. Amghar au sein des services de l'URSSAF est la possibilité de télédéclarer mensuellement ou trimestriellement les revenus d'un indépendant. C'est formidable et c'est ce que la CPME a toujours demandé mais le problème est que la personne en entreprise individuelle ne peut pas connaître son bénéfice mensuel ou trimestriel. Nous voyons que les restaurateurs tentent de le faire calculer par leurs comptables mais les experts-comptables refusent d'effectuer ce travail trop compliqué, trop long et trop coûteux. La mesure qui vous sera donc probablement proposée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est de permettre l'auto-modulation des cotisations mais ce ne sera permis que pour les gérants de SARL, soit 30 % des indépendants.

Une autre difficulté est liée à la générosité de Pôle emploi qui continuera à verser les indemnités chômage des indépendants démarrant à leur compte. En fonction du statut choisi par l'indépendant, il percevra 100 % ou 0 % de ces indemnités chômage car Pôle emploi déduit des montants qu'il verse la rémunération de l'indépendant. Si celui-ci est micro-entrepreneur, la totalité de sa rémunération déclarée mensuellement sera donc déduite par Pôle emploi et la tentation serait donc de ne pas déclarer la totalité du bénéfice puisqu'elle est perdue après la déclaration. En revanche, si l'indépendant est en société, il peut se voter une faible rémunération, laisser le bénéfice dans les réserves de l'entreprise et percevoir la totalité des indemnités Pôle emploi. Le dispositif conduit donc à ce que des chefs d'entreprise ayant la même activité soient dans des situations totalement différentes.

Je ne parle pas des personnes des services administratifs qui se trouvent face à un indépendant et essaient de connaître sa rémunération pour lui donner un revenu de solidarité active (RSA) ou sa prime d'activité... Il faut que la personne soit à mon niveau de qualification pour essayer d'expliquer à l'indépendant quelle prestation il touchera puisqu'il faut d'abord savoir ce qu'il gagne.

Pour arrêter d'appuyer sur la tête d'indépendants qui n'ont rien compris, qui ne savaient pas ce qu'ils auront comme factures, qui n'ont pas pu les anticiper, il faut vraiment que nous revoyions les mécanismes de fond. Je félicite et remercie l'URSSAF pour toutes les mesures prises pendant la période covid. Elle a vraiment aidé les indépendants à ne pas être écrasés par la dette mais, par contre, la dette est là. Il faudra la recouvrer avec des temps d'apurement. Tout le monde a-t-il conscience du montant de la facture qui est présentée ?

Reprenons l'exemple des restaurateurs. Celui en entreprise individuelle qui a touché 100 000 euros du fonds de solidarité aura gagné 100 000 euros de bénéfices non imposables socialement et fiscalement donc aura mis 100 000 euros dans sa poche. Grâce au plan des indépendants, il bénéficiera de plus de quatre trimestres de retraite, si vous allez dans ce sens en accordant des trimestres aux personnes qui n'ont pas eu de rémunération puisque cette somme sort de l'assiette. En revanche, dans le cas du restaurateur en société, le restaurant aura perçu 100 000 euros, sans impôt sur les sociétés sur ces 100 000 euros mais, si le gestionnaire prend 100 000 euros en rémunération ou les a déjà pris en pensant que cette somme était exonérée, l'URSSAF lui demandera 47 000 euros cette année. Les deux restaurants sont donc traités très différemment et c'est injuste, tout simplement.

Je vous invite à lire le rapport de M. Libault, qui signale que les 47 % de cotisations payés par un travailleur indépendant représentent une somme énorme. Pour la même rémunération, l'employeur paie au total 15 % pour un salarié et le salarié bénéficie de plus du chômage et des accidents du travail, donc d'une protection complète dont ne bénéficie pas l'indépendant.

Si un indépendant gagne 6 000 euros, il paiera l'année suivante 3 000 euros. Trouvez-vous surprenant qu'il n'y arrive pas ? De plus, ces cotisations minimales ne servent pas à le couvrir dans sa protection sociale puisque, s'il a par ailleurs une activité salariée et est indépendant en activité secondaire, il lui sera tout de même demandé de payer une cotisation minimale de façon à être couvert alors que cette cotisation minimale ne porte pas d'effet social.

Ces sujets sont donc compliqués et le CPSTI est à votre disposition. Nous produisons beaucoup d'écrits, nous faisons beaucoup de propositions. Cette instance a pour objectif de juger de la qualité du service rendu, de faire des propositions et gérer le fonds de retraite. Elle est composée des quatre organisations représentatives des travailleurs indépendants et je pense qu'elle répond à un besoin.

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Yann-Gaël Amghar, directeur général de l'URSSAF Caisse nationale

Au moment du bilan de l'intégration du RSI au régime général, il faut tout de même se rappeler que nous revenons d'extrêmement loin. Je pense que celles et ceux qui ont connu, à titre personnel ou au titre de leur entourage ou dans leur institution, les difficultés considérables rencontrées principalement entre 2008 et 2013, avec des calculs de cotisations faux et des droits à retraite non alimentés, peuvent mesurer combien nous étions revenus à une situation tout à fait satisfaisante en 2019, juste avant que la crise sanitaire éclate. Satisfaisante ne signifie pas qu'il n'existait pas des points d'amélioration, bien entendu, mais tous les indicateurs étaient orientés favorablement.

Les restes à recouvrer sont bien entendu tributaires de la situation économique mais, dans la situation de crise du RSI durant les années 2008 et suivantes, ce montant de non‑recouvrement avait augmenté du fait d'une véritable crise de confiance de la part des indépendants face aux échéanciers qui leur étaient envoyés. Le fait que nous soyons revenus à des niveaux tout à fait satisfaisants avant la crise montre que la confiance était revenue. Nous étions également revenus à de niveaux de réclamations historiquement bas, à des délais de traitement historiquement bas également. Cela ne signifie pas qu'il n'existait pas de difficultés, notamment dans les départements d'outre-mer, où nous rencontrions des difficultés multifactorielles, avant la crise et encore aujourd'hui. Elles sont liées aux fragilités économiques et sociales que connaissent ces territoires, qui se traduisent particulièrement chez les travailleurs indépendants, ainsi qu'au cumul des difficultés de fonctionnement – que je reconnais – des caisses générales de sécurité sociale (CGSS).

Il faut toutefois se garder d'un propos globalisant s'agissant des départements d'outre-mer car il existe autant de situations que de départements d'outre-mer. Les situations économiques, les situations de recouvrement et de fonctionnement des organismes n'ont rien à voir d'un département à l'autre. Dans certains de ces territoires, les organismes de sécurité sociale rencontrent des difficultés de fonctionnement qui peuvent se traduire dans la qualité du service rendu, dans les réponses apportées aux indépendants et donc dans le niveau de recouvrement mais, au-delà des seuls travailleurs indépendants, nous constatons des difficultés de consentement à payer le prélèvement obligatoire.

Cela ne concerne pas uniquement les travailleurs indépendants mais aussi les employeurs, voire les employeurs publics qui ne font pour certains pas preuve de bonne volonté pour payer les cotisations dans ces territoires. Je dois le reconnaître et ce n'est pas réjouissant. Je mets de côté le cas de Mayotte, qui pose des difficultés particulières en termes de cotisations sociales.

En dehors de cette situation propre aux départements d'outre-mer et par ailleurs des points structurels sur lesquels je reviendrai ultérieurement, la situation était vraiment revenue à des niveaux de service satisfaisants. Cela se traduisait également dans les enquêtes de satisfaction réalisées auprès des indépendants.

Je pense qu'il faut maintenant parler des mesures tout à fait exceptionnelles mises en œuvre pendant la crise. Les premières mesures, massives, ont visé à éviter d'attaquer la trésorerie des travailleurs indépendants dans le contexte de crise sanitaire, avec la suspension de tous les paiements de cotisations entre mars et août 2020. En septembre et octobre 2020, les prélèvements de cotisations ont repris mais sur la base d'échéanciers divisés par deux pour éviter de créer un ressaut trop fort sur les paiements des indépendants. En novembre et décembre, nous avons de nouveau tout suspendu. Nous avons repris les prélèvements en janvier 2021, toujours sur une base divisée par deux et à l'exclusion des indépendants relevant des secteurs touchés par la crise, c'est-à-dire les secteurs dits S1 et S1 bis. Nous avons donc suspendu les prélèvements jusqu'en août dernier pour plus de 30 % des travailleurs indépendants. Depuis ce mois, nous sommes entrés dans une phase de normalisation des prélèvements : nous avons repris les prélèvements sur l'ensemble des indépendants, sans constater d'impayés anormaux par rapport à ce que nous avions avant la crise, ce qui est plutôt rassurant sur la capacité des indépendants à honorer leurs échéances courantes. Nous n'en sommes pas encore à une normalisation du recouvrement puisque les impayés actuels continuent à ne pas donner lieu à majoration de retard ou pénalités. C'est tout à fait normal, assumé et nous effectuons un retour progressif à la normale.

Je souhaite insister sur deux points de l'accompagnement de la crise. D'une part, au moment de l'urgence, comme cela a été mentionné par Mme Duprez – et je tiens à rendre hommage à l'action du CPSTI –, des aides financières exceptionnelles à destination des chefs d'entreprise ont été mises en place. Il faut bien avoir en tête que les aides telles que le fonds de solidarité étaient destinées à maintenir la viabilité de l'entreprise mais ne garantissaient pas le maintien d'un revenu pour le chef d'entreprise lui-même. Du fait de l'organisation de la protection sociale des indépendants, notamment de l'absence de couverture sociale contre la perte d'activité, des indépendants se sont trouvés dès le mois de mars sans aucun revenu.

Le CPSTI a décidé de verser des aides financières exceptionnelles aux indépendants en difficulté, en deux vagues correspondant aux deux vagues épidémiques que nous avons connues. Lors de la première vague, des aides ont été versées à près de 48 000 travailleurs indépendants pour un montant de 38 millions d'euros. Lors de la deuxième vague, à l'automne 2020, des aides ont été versées à près de 196 000 travailleurs indépendants – ceux qui œuvraient dans les secteurs les plus touchés par les restrictions – pour un montant de plus de 171 millions d'euros. Il faut le mentionner car cela a permis de faire bénéficier d'une aide financière immédiate des indépendants pour lesquels la couverture sociale était déficiente.

Le point important aujourd'hui est de savoir comment accompagner les indépendants vers la sortie de crise. 11,7 milliards d'euros de dettes vis-à-vis des URSSAF ont été accumulés par les travailleurs indépendants. Nous prévoyons donc un accompagnement dans la durée et nous mettons en place des propositions de plan d'apurement long – jusqu'à trois ans – avec possibilité de négociation entre le travailleur indépendant et l'URSSAF sur l'échelonnement de ce plan, sur sa date de départ.

J'en parle au présent car nous avons commencé cette opération mais elle est encore largement devant nous. Nous avons ce mois-ci envoyé près de 300 000 plans. Nous progressons bien sûr de manière graduelle, c'est-à-dire que nous attendons plutôt la fin de l'année pour les indépendants relevant des secteurs les plus fragilisés de façon qu'ils aient autant que possible pu reconstituer quelques mois d'activité normale avant de recevoir ces plans d'apurement et de voir quand le paiement peut commencer.

S'agissant des éléments plus structurels et prospectifs, certains relèvent de simplifications. Dès avant la crise, malgré les progrès de l'intégration du RSI au régime général, nous connaissions – et nous connaissons encore – des difficultés relevant de complexités administratives. Je peux par exemple mentionner l'accès des travailleurs indépendants à la formation professionnelle, qui est rendu assez difficile du fait des frontières pas toujours simples entre les fonds de formation. Je mentionne aussi le fait que, comme le disait la présidente Duprez, la notion de revenu d'un travailleur indépendant peut paraître simple vue de loin mais devient très compliquée dès que l'on entre dans ce que sont les différents statuts des travailleurs indépendants et dans la prise en compte du revenu pour les prestations sociales, les prestations des caisses d'allocations familiales (CAF) ou la prime d'activité par exemple. Quiconque a fait l'exercice d'aider un travailleur indépendant à remplir une demande de prime d'activité voit que ce n'est pas intuitif de savoir précisément ce qui lui est demandé.

C'est pourquoi l'URSSAF s'est organisée en lignes de services dédiés aux travailleurs indépendants dès l'intégration du RSI au régime général, considérant que prendre en charge un travailleur indépendant consiste à prendre en charge des complexités différentes de celles de nos autres usagers tels que les entreprises employeurs. Nous avons aussi mis en place des accueils communs qui permettent d'aider les travailleurs indépendants à avoir un premier niveau d'information sur l'accès aux prestations maladie, retraite, CAF et Pôle emploi, avec également un lien vers la sphère fiscale. Nous travaillons beaucoup avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) car une part importante des indépendants sont des publics précaires qui peuvent être éligibles, sans d'ailleurs forcément y recourir, aux prestations CAF. Nous avons donc mené un travail avec la CNAF pour faciliter cet accès aux droits.

Au-delà de ces éléments, il reste deux difficultés structurelles. L'indépendant doit faire lui-même des démarches qui sont accomplies par l'employeur pour un salarié, c'est‑à‑dire qu'il doit calculer ses revenus puis les déclarer, et je pense impossible de surmonter cette difficulté structurelle. L'autre difficulté est que tout indépendant dont le revenu s'apprécie sur un bilan annuel se heurte à un décalage entre la perception des revenus et le paiement des cotisations. La seule exception concerne les autoentrepreneurs qui déclarent et paient au fil de l'eau mais parce que l'assiette est très simplifiée, très sommaire même. Nous essayons d'y répondre par la modulation des cotisations en temps réel, promue par le plan du ministre Griset. Ce système peut apporter une vraie facilité à ces indépendants pour affronter les variations de revenus en modulant de manière plus intuitive leurs échéances. Même si cela ne résout pas toutes les difficultés, je pense que cela s'inscrit dans cette démarche de prise en compte des difficultés.

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Je me suis interrogé pour cette table ronde sur la situation et les problématiques des territoires ultramarins. Vos propos liminaires nous ont éclairés sur le sujet. La simplification administrative, fiscale et sociale est évidemment très importante mais c'est un sujet au long cours. La situation de sortie de crise est une véritable interrogation ; les Français ont massivement reconnu que l'aide de l'État les a accompagnés durant cette crise mais il reste à en sortir.

Il ne faut pas, pour autant, ne pas évoquer la responsabilité d'un chef d'entreprise qui doit assumer certaines obligations. Le recouvrement des cotisations sociales des indépendants a fait l'objet d'une profonde réforme en 2018 avec pour ambition d'améliorer la qualité de service et de faire disparaître les erreurs de gestion. Plus d'un an après la reprise du RSI par le régime général, près de 80 % des indépendants se déclarent satisfaits de leur service URSSAF.

J'en profite pour rappeler que le plan pour les indépendants récemment dévoilé par le Président de la République va encore plus loin pour accompagner nos trois millions d'indépendants. Au cœur de celui-ci se trouve la modulation des cotisations et contributions sociales en temps réel : les indépendants pourront déclarer au fil de l'eau leurs revenus estimés et payer leurs cotisations sur l'état de leur activité, sans pénalité en cas de sous‑estimation.

Toujours dans une logique d'accompagnement durant cette crise, le Gouvernement a encore récemment accordé une réduction de cotisations sociales aux indépendants exerçant dans les secteurs les plus impactés et le fonds de solidarité continuera en outre-mer après le 30 septembre car la situation y est encore délicate.

Les indépendants sont au cœur de l'action de Gouvernement. Notre majorité a mené des réformes attendues. Nous savons qu'ils sont la richesse de notre pays.

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La question qui sous-tend l'ordre du jour et la discussion de ce matin sur le recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants est celle de la relation avec l'organisme social. Cela reste opaque et compliqué pour un certain nombre de personnes.

Madame, vous avez fait état de l'argument de la sous-formation ainsi que d'une difficulté à comprendre les mécanismes d'assiette de cotisation et les mécanismes de cotisation. Tout ce qui peut renforcer la pédagogie doit être favorisé mais il n'en reste pas que moins que, dans le cadre d'un travail parlementaire antérieur avec mon collègue Gilles Lurton, nous avions émis un avis favorable à ce mécanisme d'adossement du RSI au régime général tout en expliquant qu'il demeurait des interrogations et des difficultés. Nous n'avions pas donné un blanc-seing à cette réforme. Tout n'était pas encore totalement lisible pour certains assujettis et il demeurait des difficultés de compréhension. Tout n'était pas clair par rapport aux mécanismes de cotisation, je tiens à le rappeler.

Comme chacun d'entre nous le voit dans les circonscriptions, nous continuons à recevoir des lettres, nous continuons à recevoir des travailleurs indépendants qui viennent émettre des griefs à l'égard du fonctionnement de ce système. Il perdure encore dans certains départements, me semble-t-il, des pratiques de l'URSSAF qui me paraissent un peu cavalières avec des procédures d'action précontentieuse, des mises en demeure, parfois même des procédures judiciaires totalement erronées puisque, par la suite, devant le juge, il y a radiation de l'URSSAF de la procédure. Pourtant, mettez-vous à la place du travailleur indépendant qui ne comprend pas pourquoi il est ainsi agressé judiciairement, qui est obligé de prendre un avocat et de préparer une défense ! Tout cela continue à faire des dégâts et c'est le contenu de la discussion que nous avons aujourd'hui.

Je voulais donc dire que, certes, la situation s'améliore globalement et des efforts ont été faits, notamment durant cette crise sanitaire, mais tout n'est pas apaisé sinon nous n'aurions pas cette table ronde aujourd'hui.

Enfin, que penser de la tendance déplorée ailleurs à une forme de déshumanisation de la relation avec l'assujetti ? Les plateformes et le numérique sont utiles mais, notamment pour des profils qui ne maîtrisent pas totalement le fond de la question et peut-être l'outil informatique pour certains, je déplore le recours un peu trop facile à des discussions numériques.

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Je suis agriculteur, ce qui est une forme de travail indépendant, et j'ai été conseiller auprès d'agriculteurs. Madame la présidente a présenté la question sous l'angle des territoires d'outre-mer mais nous retrouvons ces problématiques partout en France, notamment en milieu rural, chez les agriculteurs. La complexité du système est réelle mais est aussi le résultat d'un certain nombre de demandes que vous avez-vous‑mêmes exprimées à l'occasion de projets de loi de finances antérieurs ou que les syndicats agricoles ont exprimées. La multiplication des statuts a donc son histoire. Nous les faisons évoluer à chaque fois et il faut garder ce point à l'esprit.

Je crois qu'un des premiers éléments est la notion de formation des différents indépendants. M. Chevée a parlé d'un indépendant avec 130 salariés mais je pense qu'un tel indépendant a les moyens intellectuels d'appréhender la complexité. La question concerne plus les indépendants unipersonnels ou ayant quelques salariés, qui se consacrent d'abord à leur activité de production et qui ont parfois du mal avec la complexité administrative.

Je pense que cette complexité est pourtant nécessaire et qu'il ne faut pas résumer l'échange à la question de plus ou moins d'impôts, plus ou moins de cotisations sociales. Les cotisations constituent aussi du salaire différé et de faibles cotisations retraite maintenant signifient des retraites plus faibles ultérieurement.

Je crois qu'il faut travailler sur la formation et je vous invite à regarder les demandes de fonds de soutien. Elles étaient extrêmement simples et, pourtant, dans ma circonscription, j'ai accompagné un certain nombre de chefs d'entreprise en difficulté pour les remplir. Ils étaient parfois mal conseillés par certains cabinets comptables qui, il faut le dire, n'ont parfois pas été à la hauteur. Il faut aussi former à la gestion de trésorerie : combien de chefs d'entreprise investissent parce qu'ils ont de la trésorerie mais, l'année d'après, doivent régler d'importantes cotisations et se trouvent en difficulté ?

Pour finir, la déshumanisation citée par notre collègue Viry est le principal élément. Quand ces chefs d'entreprise viennent nous voir, nous savons vous contacter et nous arrivons à trouver une solution parce que le directeur ou la directrice de l'URSSAF y portera une attention particulière. Il faut arriver à remettre ce côté humain. L'informatisation est utile mais il faut une soupape pour faciliter le règlement des problèmes.

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Je souscris aux propos de mes collègues. Nous avons le même attachement aux travailleurs indépendants et nous avons voulu le marquer, durant cette crise, par ce nécessaire accompagnement auprès d'indépendants qui sont souvent isolés, terme que je préfère à celui d'indépendants. Ils se trouvent vite seuls. C'est par définition lié à l'exercice de leur activité et ils sont moins bien accompagnés que de grandes entreprises pour les procédures comptables, fiscales ou les procédures de déclaration. Il ne faudrait pas que le soutien apporté durant la crise se traduise demain par une asphyxie de leur activité du fait de réajustements ou de régularisations de situation tels que ceux que vous avez cités et qui auront une incidence sur leur trésorerie.

En complément des points déjà cités, je voudrais aborder la question du conjoint collaborateur et savoir comment vous avez appréhendé la situation de ces collaborateurs, souvent des femmes plus que des hommes, qui viennent en soutien de l'activité économique proposée par l'autre partenaire du couple. Ils ne sont en règle générale pas rémunérés mais sont soumis à déclaration et à cotisations pour éviter une accusation de travail dissimulé. Comment avez-vous appréhendé cette question du conjoint collaborateur durant la crise ? Quelles sont les pistes d'amélioration pour ne pas fragiliser encore plus leur situation, notamment au regard des cotisations retraite qui n'ont pas forcément été intégrées dans les dispositifs ?

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Le 16 septembre dernier, le Président de la République présentait son plan en faveur des indépendants à l'occasion de son déplacement au congrès annuel de l'U2P. Outre le dépôt d'un projet de loi idoine, des mesures devraient être intégrées dans le PLFSS 2022. Nous devrions y retrouver des mesures permettant aux indépendants de calculer et de verser leurs cotisations en fonction de l'état réel de leur activité afin de bénéficier de modulations de cotisations. Cette mesure, participant à la simplification des démarches administratives des indépendants, nous paraît bien sûr séduisante.

Toutefois, ces annonces se confrontent à la réalité du terrain puisque, à compter de la déclaration de revenus 2020, les indépendants n'ont plus qu'une déclaration unique à réaliser pour le calcul de leurs cotisations sociales personnelles et de leur impôt sur le revenu grâce à la suppression de la déclaration sociale des indépendants. L'unification des déclarations sociales et fiscales de revenus devrait permettre une simplification des démarches administratives. Or, nous remarquons que de retards substantiels dans le traitement des déclarations de revenus pénalisent les travailleurs indépendants. Quels sont les retours de terrain que vous avez relevés concernant ces retards ? Avez-vous eu des échanges avec l'administration sur ce sujet ?

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Cette table ronde porte sur les difficultés de recouvrement des cotisations. L'adossement progressif entre 2018 et 2020 de la sécurité sociale des indépendants au régime général a-t-il apporté une amélioration ? La modulation des cotisations et des contributions sociales en temps réel a été expérimentée en Occitanie et en Île-de-France ; quel retour en avez-vous ? La généralisation prévue dans le PLFSS 2022 n'apportera-t-elle pas une réponse à bien des soucis puisque les problèmes de recouvrement sont surtout des problèmes d'indus, de recours, en particulier lorsque l'indépendant cesse son activité et que l'entreprise est défaillante ? Lorsque l'entreprise n'a plus d'activité, venir lui réclamer des arriérés pose tout de même un vrai sujet.

Plus largement, le Gouvernement a, au travers du ministre Griset, présenté son plan pour les indépendants en septembre 2021. Je voudrais interroger la CPME et l'U2P pour connaître le regard que vous portez sur ce plan. Répond-il à vos attentes ? Améliorera-t-il la situation, en particulier par la création d'un statut unique ?

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Nous sommes attentifs aux trois millions de travailleurs indépendants dont nous connaissons la diversité et la force de l'engagement. Vous avez évoqué leurs attentes en termes de simplification juridique, sociale, fiscale mais parler de bilan, de bénéfices, de trésorerie, de cotisations ne doit pas nous faire oublier l'essentiel, c'est-à-dire la rémunération de l'indépendant. À la fin du mois, il faut pouvoir faire face et avoir des perspectives ; trop d'inégalités demeurent.

Je voudrais évoquer l'allocation chômage spécifique pour les travailleurs indépendants (ATI). Cette disposition a manqué sa cible et des annonces ont été faites ces derniers jours concernant l'assouplissement des critères de l'ATI. Êtes-vous satisfaits de ces annonces ? Vous paraissent-elles à la hauteur ?

S'agissant de la fin de la crise sanitaire, vous avez bénéficié depuis le premier confinement de mesures exceptionnelles destinées à alléger le poids des cotisations sociales amis le retour à la normale est maintenant en cours. Comment y faites-vous face ? Ce fonds de solidarité qui a permis à nombre d'indépendants de survivre à la crise ne manquera-t-il pas dans les jours et les semaines qui viennent ?

Enfin, j'insiste sur les points que nous défendons au profit des travailleurs indépendants. Il faut protéger leur patrimoine personnel, élargir l'assiette de l'assurance chômage, simplifier la protection sociale de cette catégorie importante de la population, baisser le coût des assurances facultatives contre les maladies professionnelles et les accidents de travail, moduler les cotisations en temps réel et, bien sûr, assouplir les conditions pour bénéficier de l'allocation chômage spécifique pour les travailleurs indépendants.

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Éric Chevée disait qu'un plan pour les indépendants arrive mais ne comporte pas de grande mesure de simplification administrative, fiscale ou sociale. Je vous le demande : que devons-nous faire ? Nous sommes là pour légiférer, aussi faites-nous passer vos propositions en vue des prochaines étapes de la préparation budgétaire.

Je souhaite par ailleurs relayer un message sur lequel Stéphane Viry a insisté fortement. Il s'agit de cette rupture totale entre les indépendants et plus largement l'ensemble de nos concitoyens, d'une part, et l'administration, d'autre part. À force de dématérialiser tout, il ne reste plus du tout d'humain. Nous condamnons souvent l'illectronisme mais nous vivons dans tant d'« électronisme » qu'un mur terrible est en train de se créer. Auriez-vous des propositions pour faire en sorte que ce mur disparaisse ?

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Le grand plan annoncé apporte effectivement une mesure importante : le prélèvement en temps réel des cotisations et la possibilité d'une modulation étaient des nécessités. Il faut reconnaître ce progrès mais la simplification demeure un enjeu important. S'il fallait prendre une mesure, quelle serait-elle pour éviter la « tambouille » dont vous avez parlé, pour éviter ces situations et l'emploi de tels mots ? Il n'est pas normal que la permanence du député soit plus facile à trouver pour en parler que les services compétents. Quelles mesures prendre pour que l'humain retrouve la place nécessaire ?

Notre collègue a également parlé de la formation des personnes qui s'engagent dans ce statut d'indépendant ; elle est nécessaire. Comment parvenir au moins à informer sur les mesures à prendre pour « être dans les clous » et ne plus avoir à parler de tambouille ?

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Je vous remercie d'abord pour cette table ronde demandée par l'ensemble des parlementaires des outre-mer.

J'ai retrouvé les courriers de différents travailleurs indépendants qui me disaient : « Pendant douze ans, le RSI a traumatisé les très petites entreprises (TPE) et les travailleurs indépendants, créant des situations inextricables à cause de son logiciel SNV2 contaminé, qui a créé des créances douteuses, injustifiées et insincères. » Ces mêmes personnes nous disaient aussi dans un courrier du 27 février 2021 qu'il fallait absolument revoir tous les dispositifs concernant les charges sociales et fiscales des travailleurs indépendants, des petites entreprises, d'autant plus que la covid-19 n'avait pas arrangé la situation.

La question de la relation avec l'organisme social se pose ainsi que la question des différents mécanismes de notre caisse. Nous avions même envoyé un courrier à l'Acoss parce que des dispositifs votés au niveau de l'Hexagone prennent du temps à se mettre en place dans les territoires des outre-mer. Les indépendants se sentent très souvent oubliés.

Entre problèmes de RSI, problèmes de confiance, problèmes de défiance, malgré certes un accompagnement durant la crise avec la mise en place d'aides exceptionnelles pour la viabilité de l'entreprise, il est vrai que nous rencontrons des difficultés en termes structurels et je pense que les différents intervenants l'ont bien expliqué. Nous avons rencontré à plusieurs reprises le ministre Griset mais l'accompagnement dans la durée doit se faire par la mise en place d'un véritable plan d'apurement.

Je rappelle que les travailleurs indépendants ultramarins et les très petites entreprises ultramarines demandaient l'effacement de la dette. Le non-effacement de la dette est compréhensible mais il faut absolument les accompagner, d'autant plus que nous avons un problème avec nos CGSS. Cela crée des difficultés pour nos chefs d'entreprise et la numérisation n'est pas un progrès pour eux.

La situation n'est pas apaisée. Comment revenir à des situations normales sans pour autant provoquer des tensions avec nos travailleurs indépendants et nos chefs d'entreprise ?

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de la CPME en charge des affaires sociales, vice-président

Vos interventions font bien sentir que vous avez probablement été assaillis de ces questions dans vos permanences. Cela ne nous étonne pas car nous avons également eu beaucoup de remontées et de questions à traiter dans nos organisations sur le territoire et dans nos fédérations professionnelles. Il faut dire que nous avons traversé récemment, en dehors de l'intégration du RSI au régime général, un événement assez exceptionnel.

Sur le fond, malgré la diversité des statuts et des situations des indépendants, il faut que l'indépendant puisse non seulement dégager une rémunération mais aussi la protection sociale qui va avec. Il faut donc garder à l'esprit que cette activité doit dégager le moyen de se protéger socialement et, au-delà du cash, il faut aussi prévoir ce qui permet de se soigner, d'assurer une retraite. Les dispositifs aujourd'hui à l'œuvre chez les indépendants ne permettent pas forcément de l'appréhender directement pour l'indépendant qui exerce son travail.

Comme nous sommes confrontés à cette difficulté, j'approuve tout à fait la nécessité d'un contact humain pour expliquer ces points et prendre en compte la diversité des situations. Un gros travail sur ce contact humain est réalisé entre le CPSTI et les URSSAF sur le territoire pour que des guichets uniques puissent répondre. Il est très important d'intégrer ce point, de bien voir que la rémunération ne consiste pas seulement en cash pour vivre au quotidien mais aussi en la protection sociale associée.

Vous nous demandez très directement – et vous avez raison – ce qu'il faut faire en premier. Je souhaite vous donner deux pistes essentielles sur lesquelles nous pourrons vous préciser nos plans ultérieurement. La première est l'harmonisation des bases fiscale et sociale qui n'est pas réalisée mais est absolument indispensable. Il faudra en discuter avec Bercy mais il me semble que c'est fondamental pour terminer le processus de simplification.

Ma seconde proposition est la simplification de statuts, en tenant compte de la diversité existante, de l'autoentrepreneur à la moyenne entreprise sous statut d'indépendant. La position de la CPME est que le statut d'autoentrepreneur devrait être soit un statut de revenus complémentaires pour des situations particulières, soit un statut de démarrage d'une activité qui bascule au terme d'un certain temps sur un statut éventuellement différent. Nous avons travaillé à des solutions et nous pourrons vous indiquer nos préconisations en la matière.

Vous nous avez aussi interpellés sur le plan pour les indépendants en discussion actuellement. Il est utile de souligner un certain nombre d'avancées, par exemple sur le conjoint collaborateur avec la possibilité au bout de cinq ans de basculer dans un statut plus protecteur.

La question des pénalités liées à une sous-estimation constitue un point très important même s'il paraît assez technique. Environ 10 000 indépendants modulent leurs cotisations, c'est-à-dire très peu sur les trois millions d'indépendants, la principale raison en étant la peur de se tromper. En effet, ils peuvent actuellement être pénalisés en cas d'erreur et la future loi, sous réserve que vous la votiez, prévoit de supprimer les pénalités pour des erreurs d'appréciation, en dehors d'erreurs manifestes bien sûr.

S'agissant de la préservation des droits des indépendants impactés par la crise sanitaire, la présidente Duprez a fait remarquer que, au niveau de 1 à 1,6 fois le SMIC, les cotisations sociales ont quasiment disparu, y compris pour les autoentrepreneurs sur lesquels est effectué un prélèvement immédiat de 22 %, alors que, au même niveau de rémunération, les indépendants cotisent. Cette question est intéressante : comment intégrer tout ceci à terme dans le modèle de financement de notre protection sociale ?

Enfin, le plan comporte des mesures d'accompagnement pour les gérants majoritaires de SARL dans le cas de surendettement, comme je l'ai évoqué précédemment.

Nous pensons toutefois que le plan ne va pas assez loin sur le plan du statut unique et protecteur pour l'entrepreneur individuel, notamment sur les bases fiscale et sociale. Nous sommes également assez dubitatifs sur deux autres questions abordées par le plan sur les indépendants.

La première est la question des risques accidents du travail et maladies professionnelles pour laquelle nous ne voyons pas pourquoi il faudrait demander aux indépendants de surcotiser alors que, sur les salaires les moins élevés, ce type de surcotisation n'existe pas et que, dans le système antérieur du RSI, la maladie professionnelle et l'accident étaient inclus dans la cotisation. La surcotisation, même par l'intermédiaire de la possibilité d'une ristourne sur la cotisation volontaire, nous paraît franchement hors de propos. De plus, vous connaissez les excédents régulièrement dégagés par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT–MP) grâce aux cotisations des entreprises et à la bonne gestion de la branch AT/MP.

Le second point concerne l'assurance chômage pour les indépendants, qui nous a de tout temps interpellés. En effet, nous sommes a priori dans un processus d'assurance et, si nous sommes en fait dans un processus de solidarité, il faut dire son nom et ne pas le mettre dans l'Unédic et l'assurance chômage. Pour nous, un dispositif d'assurance est constitué d'une cotisation qui vous prémunit d'une perte de situation, d'une perte de niveau de vie en cas de réalisation du risque. Nos indépendants ne sont pas demandeurs d'une assurance chômage sur les indépendants. Il nous paraît effectivement essentiel qu'il existe des processus de traitement des dossiers en termes de solidarité, notamment l'accès au RSA car il est parfois compliqué de compléter un dossier de RSA compte tenu de décalages de déclarations. Toutefois, dès lors qu'il n'existe pas de cotisation, l'assurance chômage pour les indépendants nous pose problème car il ne s'agit pas d'un dispositif d'assurance mais d'un dispositif de solidarité. Il devient difficile de s'y retrouver si nous confondons assurance et solidarité. Nous préférons très clairement que l'assurance soit adossée à cotisation et soit gérée par les partenaires sociaux, voire dans des modèles plus élargis comme pour d'autres situations.

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du CPSTI, présidente

Je vais vous apporter quelques éléments de réponse sur la qualité de service. Le CPSTI est très attaché à la qualité de service et à la proximité avec les travailleurs indépendants. Le RSI était un lieu où 70 % des questions étaient plutôt du ressort de la CAF et nos agents d'accueil pouvaient répondre tant sur les problèmes de maladie et de retraite que de cotisations. Ils orientaient souvent les indépendants vers des complémentaires.

Depuis la suppression du RSI, ces personnes n'ont plus d'interlocuteur, ne savent même plus quelle est leur caisse de retraite et rencontrent des difficultés à communiquer avec les agents des CPAM pour comprendre leur situation. Il est cruellement nécessaire de revenir à ce contact humain, à ce conseil complet et général.

Nous remercions donc le législateur et les services de l'URSSAF d'avoir mis en place des accueils communs dans les URSSAF, ouverts aux travailleurs indépendants sans rendez-vous. Dans ces accueils communs, les agents ont un niveau de réponse permettant d'informer tant sur Pôle emploi que la CAF, l'URSSAF ou la maladie. Des ordinateurs sont également à disposition des travailleurs indépendants ; la personne de l'accueil accompagne les indépendants pour les formalités les plus simples sur l'ordinateur, avec de plus l'accès à un scanner et une imprimante. Des rendez-vous personnalisés sont aussi proposés sur tous les champs de l'administration. Des formations sont organisées pour tous les moments sensibles de la vie de l'indépendant. La communication n'a pas été complète du fait de la période covid mais ces éléments sont en place à l'intérieur des URSSAF. Il n'existe malheureusement en général qu'un seul accueil par région, parfois deux.

En outre-mer, le CPSTI n'est pas du tout satisfait de la situation. Nous avons adopté une motion qui n'a pas été entendue par le législateur. En effet, il existe des interlocuteurs politiques pour chacun de ces territoires d'outre-mer et, pour le CPSTI, il a été décidé de n'en nommer qu'un qui couvre la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe. Les travailleurs indépendants doivent donc se déplacer par avion pour siéger dans ces instances et, bien entendu, la proximité entre les indépendants de chaque territoire est à notre sens insuffisante pour aller trouver un de leurs pairs afin d'être accompagnés. De plus, nous n'avons pas les moyens d'estimer la qualité de service de chacune des CGSS locales puisque l'instance est basée en Martinique.

Nous avons demandé que l'instance de conseil de la protection sociale soit présente en propre sur chacun des territoires, ce qui ne coûte rien du tout à l'État mais au contraire diminue les frais de transport. Nous demandons qu'il existe une instance en Guyane, une en Guadeloupe, une en Martinique, avec un espace collectif, avec une obligation de rencontre tant des directeurs que des membres des CGSS, en incluant La Réunion pour aborder la difficulté de recouvrement et de cotisation dans ces territoires.

Nous avons également besoin de vous, messieurs et mesdames les législateurs. Je suis atterrée par mesure 20 du plan indépendants. Le CPSTI travaille à maintenir une réponse collective aux travailleurs indépendants et cela a été matérialisé par des accueils physiques. Aujourd'hui, même si beaucoup sont éloignés de l'informatique, un lieu unique de recueil de l'informatique, de conseil, d'accompagnement des travailleurs indépendants nous semble quand même évident.

Nous constatons que la maladie, la retraite et le recouvrement font des communications sur leurs champs de compétences et parfois se permettent d'orienter vers un site ou de parler un peu de fiscal mais l'information n'est pas complète. Un site nommé secu‑independants était prévu dans le schéma de transformation et devait être le point d'entrée unique de tout ce qui créait la protection sociale du travailleur indépendant. Il s'agissait en fait de l'ancien site du RSI que les branches du régime général devaient abonder pour continuer à le maintenir. Or, malgré nos cris d'orfraie, chacun a tiré la couverture à lui. Chaque directeur des branches du régime général s'est emparé de la problématique sociale, a communiqué plus ou moins bien sur ses sites.

Nous avons passé notre temps à expliquer qu'il ne fallait pas procéder ainsi. Tandis que nous désespérons, on nous indique que le portail commun du recouvrement pour les entreprises et les travailleurs indépendants prévu par M. Gardette, demandé par Mme Buzyn et M. Darmanin, sera actif en fin d'année. J'ai participé au panel, je sais comment il fonctionnera et il n'est pas si mal mais, avant-hier, nous apprenons la création d'un nouveau site, peut-être sur service-public/pros, qui deviendrait le site unique. Trop de portails tuent le portail.

Comme les indépendants ne comprennent déjà rien, il faudrait, messieurs et mesdames, que vous demandiez dans les conventions d'objectifs et de gestion que les branches cessent de communiquer sur les indépendants sur leurs propres sites et aillent communiquer sur le site commun, quel que soit ce site. Vous appelez ce site comme vous voulez mais il faut arrêter. Nous avons besoin que tous se parlent et que ce soit transverse. S'il vous plaît, aidez-nous car l'indépendant ne s'en sort plus. C'est déjà compliqué et, si l'informatique devient de plus illisible, ce n'est plus possible.

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Yann-Gaël Amghar, directeur général de l'URSSAF Caisse nationale

Sur la modulation en temps réel des cotisations, il me semble d'abord utile de bien expliquer comment cela fonctionnera, notamment de bien rappeler que cela ne dispense pas d'une déclaration annuelle de revenus in fine et donc d'une régularisation.

Il faut avoir en tête que nous parlons de travailleurs indépendants qui sont sur une assiette annuelle ; comme pour l'impôt sur le revenu, vous avez d'abord des acomptes mensuels ou trimestriels puis, l'année N + 1, une déclaration annuelle de vos revenus de l'année précédente et une régularisation en faveur ou en défaveur. La modulation des cotisations en temps réel ne change pas ce principe. Ce qui change est la possibilité de moduler les acomptes. Il demeurera, l'année suivante, une déclaration annuelle et une régularisation.

Cette modulation peut se faire en temps réel, ce qui signifie que, mois par mois, l'indépendant pourra déclarer ce qu'il estime être son revenu du mois précédent et, immédiatement, son échéancier pour le reste de l'année sera réajusté. L'indépendant peut d'ailleurs voir immédiatement ce nouvel échéancier et il peut l'ajuster plusieurs fois s'il le pense nécessaire. Le fait que cet ajustement peut se faire mois par mois, de manière très intuitive et rapide, est vraiment un changement de paradigme. C'est plus intuitif que la situation actuelle avec la procédure dite « de revenu estimé » qui suppose que vous évaluiez, au lieu de votre revenu du dernier mois, votre revenu de l'année ce qui est intellectuellement plus compliqué à appréhender. De plus, l'indépendant n'a actuellement pas la visibilité immédiatement de son nouvel échéancier mais le reçoit quelques jours plus tard. La procédure est donc beaucoup moins intuitive ce qui explique le faible taux d'adhésion à ce dispositif.

Les pénalités en cas de sous-estimation du revenu constituent l'autre frein important que lève une mesure du plan du ministre Griset. Nous n'appliquions en pratique pas ces pénalités mais il existait une forme de peur de la part du travailleur indépendant ou de son expert-comptable, ce qui dissuadait énormément les indépendants de recourir à ce dispositif. Nous passons dans un principe de confiance, en considérant que l'indépendant sait évaluer son revenu mois par mois et qu'il sait ce qui est bon pour lui.

Le corollaire de ce principe de confiance est la responsabilité. Si un travailleur joue avec ce système en sous-estimant trop son revenu, il en subira le contrecoup l'année suivante lors de la régularisation. Nous ne pouvons pas avoir un système qui fait confiance sans qu'il existe, d'autre part, une forme de responsabilité. Le pari de ce système est bien la confiance dans le travailleur indépendant, en considérant qu'il connaît ses revenus, ses besoins et que, dans la grande majorité des cas, il ne fera pas de démarche à risques pour l'année suivante. Cela ne signifie pas que ce phénomène n'arrivera pas mais nous faisons le pari qu'il sera minoritaire.

Ce dispositif a été testé pendant plusieurs années en région pour bien le rôder. Le bilan de l'expérimentation est qu'il faut tout de même que l'indépendant aille régulièrement ajuster son revenu. Nous avons constaté que certains l'utilisent très régulièrement et vont tous les mois moduler leur revenu tandis que d'autres s'y abonnent et ne l'utilisent pas. Cela ne signifie pas que le service ne fonctionne pas car les retours qualitatifs que nous avons de ceux qui l'utilisent sont bons ; ils disent que c'est simple et intuitif. Toutefois, le dispositif suppose de faire une démarche régulière et c'est donc un arbitrage en fonction de ce que sont les indépendants, de leur variabilité de revenu et leur appétence à faire une démarche. Fondamentalement, chaque indépendant arbitre entre la variabilité élevée des revenus, qui le conduit à vouloir ajuster mois après mois, ou une variabilité faible, qui ne le pousse pas à ajuster chaque mois. La situation n'est de plus pas binaire puisque la possibilité d'ajustement est mensuelle mais, si vous avez ajusté votre estimation en février par exemple et que vous considérez ne pas en avoir besoin le mois suivant, le système restera sur l'estimation du dernier mois.

Mme la députée Valérie Six m'a interrogé sur le bilan de la déclaration unifiée, fiscale et sociale. Elle porte sur la déclaration annuelle de revenu faite l'année suivante donc n'interfère pas sur la possibilité de moduler les cotisations.

Nous avons effectivement, madame la députée, connu un certain nombre de difficultés lors de cette première année de mise en œuvre de la réforme. Les difficultés proviennent essentiellement de la transmission des revenus de la direction générale des finances publiques (DGFiP) vers nous, avec un ensemble de difficultés techniques que je ne détaillerai pas mais qui ont conduit à décaler le calendrier prévu. Chaque année en effet, en temps normal, nous intégrons les revenus à mesure que les indépendants les déclarent et nous réajustons donc les échéanciers au fur et à mesure. Nous avons ainsi fini au moment où la campagne de déclaration des revenus s'achève, c'est-à-dire vers la seconde quinzaine de juin sauf pour les déclarations tardives. Cette année, du fait de ces difficultés, nous avons intégré l'essentiel des revenus en juillet, donc fini de réajuster les échéanciers à la fin du mois de juillet et nous avons même dû faire des rattrapages en août et début septembre pour un petit volant de déclarations de revenu.

La suppression d'une déclaration induit une simplification mais le fait que nous ayons décalé les opérations est effectivement une régression en termes de qualité de service. Nous travaillons actuellement avec la DGFiP pour analyser les différents facteurs ayant conduit à ces retards de façon que cela ne se reproduise pas l'année prochaine, d'autant plus qu'il est prévu d'intégrer de nouvelles populations dans ce dispositif de déclaration unifiée.

Mme la députée Jeanine Dubié posait une question sur le bilan de l'intégration du RSI au régime général. Je pense que l'accompagnement des indépendants par l'URSSAF pendant la crise n'aurait pas été possible sans cette intégration du RSI au régime général. Par exemple, toute la mécanique de report de cotisations, de plans d'apurement et d'ajustement des échéanciers supposait une unicité dans le commandement des opérations qui n'aurait pas été possible dans le système antérieur, avec un partage des tâches entre RSI et URSSAF.

Une autre illustration de ce bilan, très forte durant la crise et encore aujourd'hui, est la mobilisation de l'action sociale pour venir en aide aux indépendants en difficulté. L'action sociale est également mobilisée aujourd'hui dans le cadre des plans d'apurement pour prendre en charge les dettes de certains travailleurs indépendants. Ce n'est possible que parce que nous avons regroupé dans le même service ceux qui gèrent le recouvrement et l'action sociale vis-à-vis des indépendants en difficulté. Cette réforme n'a pas été conçue en vue de la pandémie covid mais la pandémie et la manière dont la crise sanitaire a été gérée montrent que nous avons pu agir d'une façon qui aurait été impossible dans cette intégration.

Plusieurs questions ont été posées sur l'humanisation de la relation avec les travailleurs indépendants. Je partage tout à fait beaucoup de propos de Mme Duprez sur l'intérêt de la démarche des accueils communs. Ce sont des lieux où nous pouvons prendre en charge les besoins des travailleurs indépendants au-delà des sujets qui concernent l'URSSAF, avec un accueil et un accompagnement de premier niveau sur les sujets maladie et retraite ainsi que les sujets fiscaux, CAF et Pôle emploi, ce qui est un vrai plus car ces derniers sujets n'étaient pas pris en charge du temps du RSI.

Effectivement, il n'existe qu'un accueil par région, plutôt au sens des anciennes régions que des nouvelles régions puisque nous avons un peu plus de vingt‑cinq accueils communs de ce type. Cela ne signifie pas qu'il n'existe rien dans les autres départements puisque l'URSSAF possède un site d'accueil par département.

L'intérêt de cette démarche d'accueil commun est que, sur un certain nombre de sites, elle nous a conduit à rouvrir l'accueil spontané alors que nous étions passés à du 100 % rendez-vous. Je pense que c'est une facilité pour les travailleurs indépendants.

Deux autres démarches permettent de réhumaniser la relation avec les travailleurs indépendants. La première est la médiation, qui a été généralisée dans le réseau URSSAF avec une médiation dédiée aux travailleurs indépendants. Cette médiation est globale pour les sujets de cotisation, maladie et retraite. Vous parliez des indépendants qui viennent vous voir dans vos permanences ; je pense que vous pouvez les renvoyer vers les médiateurs dont le rôle est vraiment de prendre en charge ces situations complexes, souvent assez emberlificotées, qui supposent un regard global, avec une prise de hauteur, pour traiter des cas particulièrement difficiles.

Je souhaite également souligner que, dans le cadre de l'intégration du RSI au régime général, l'URSSAF a mis en place une offre dédiée aux créateurs, c'est-à-dire aux indépendants durant leur première ou leurs deux premières années d'activité. Ce sont par définition en général les plus novices face aux démarches administratives, ceux qui ont le plus de difficultés et le plus tendance à commettre des erreurs. Très concrètement, nous contactons désormais tous les créateurs indépendants en leur proposant différentes formes d'accompagnement, avec la possibilité d'un rendez-vous, en physique ou au téléphone, en leur donnant des contacts avec des interlocuteurs dédiés, des conseillers dédiés connus par leurs nom et prénom, avec un numéro de téléphone dédié. Tout ceci permet de réhumaniser la relation et nous avons de très bons retours qualitatifs et quantitatifs, c'est-à-dire que nous avons un bon taux d'adhésion des indépendants à qui nous proposons cette offre. Nous constatons que ce dispositif permet d'éviter un certain nombre de difficultés et que les indépendants que nous avons ainsi accompagnés ont tendance à faire moins d'erreurs. Nous avons d'ailleurs souvent des demandes allant bien au-delà du sujet des cotisations ; nous informons aussi sur les droits sociaux, sur la maladie, la retraite et la CAF. Cet élément est donc très positif.

Il suppose de maintenir une présence territoriale suffisante. Côté URSSAF, nous avons un maillage départemental au minimum et, dans certains départements, nous avons un ou deux sites infradépartementaux. Lorsque j'ai pris mes fonctions voici quatre ou cinq ans, on m'a dit qu'il fallait supprimer quelques sites dans certains départements et j'ai fait le choix inverse. Régulièrement, des corps de contrôle de l'État viennent questionner ces choix. Je conteste que cela ait un sens économiquement de remettre en cause cette présence au niveau départemental et je considère que c'est à moi, en tant que gestionnaire, de m'organiser pour rentrer dans l'enveloppe allouée et assurer le service rendu. Je pense qu'il faut maintenir une vigilance vis-à-vis de tentations de remettre en cause cette présence sur les territoires.

En ce qui concerne les conjoints collaborateurs, il s'agit d'un sujet identifié, pour lequel le plan présenté par le ministre apporte un certain nombre de simplifications sur les différentes options, la gestion de ces conjoints collaborateurs et leurs droits à retraite. Je crois que cela va dans le bon sens même si cette population est réduite et plutôt en diminution.

Sur les départements d'outre-mer, je rappelle d'abord que nous continuons aujourd'hui à y appliquer des mesures d'accompagnement exceptionnelles, du fait des restrictions sanitaires qui se prolongent dans ces départements. Nous continuons à ne pas prélever les cotisations sur les secteurs les plus touchés, nous reportons le moment où nous enverrons le plan d'apurement. L'accompagnement se prolonge donc dans ces départements.

Madame la députée Justine Benin a mentionné certaines difficultés de fonctionnement administratif liés à ce que sont les CGSS. L'URSSAF n'a pas la main sur ces caisses dont nous ne sommes qu'un actionnaire minoritaire.

Il faut effectivement améliorer le service rendu dans ces départements et nous avons, au sein de l'URSSAF, restructuré la manière dont nous pilotons l'activité recouvrement dans ces départements d'outre-mer, de façon à faciliter la relation entre le national et les CGSS, à renforcer l'appui que nous pouvons leur apporter. Il s'agit d'un appui technique, en termes de compétences et de formation. Nous leur envoyons des experts lorsque c'est nécessaire pour les aider dans leur montée en compétences. Nous essayons ainsi de faire bénéficier ces territoires des offres de services que j'ai évoquées tout à l'heure, qui sont déployées dans l'Hexagone mais ne sont pas forcément déployées au même niveau dans ces départements, ce que je regrette.

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Les indépendants ont tellement de statuts différents que même les personnes de l'accueil commun que vous évoquez rencontrent des difficultés à répondre. Je vous ai contactée, Mme Duprez, pour une dame qui avait perdu son mari. Celui-ci avait été un petit peu indépendant et devait avoir une partie de complémentaire ; il s'agissait donc d'une question de retraite et de réversion. Lors des accueils qui avaient été faits dans un premier temps, les gens étaient hors compétences parce que c'est trop complexe. Je vous invite donc aussi à nous faire travailler sur la fusion d'un certain nombre de vos particularismes. Les meilleurs de vos collaborateurs n'arriveront pas à résoudre le champ des questions du domaine social.

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Je vous remercie pour vos interventions. Je suis certaines qu'elles auront, au moins en partie, répondu aux questions des députés.

L'audition s'achève à onze heures trente-cinq.

Information relative à la commission

Mme Valérie Bazin-Malgras a été nommée rapporteure sur la proposition de loi visant à permettre le transfert des droits inscrits sur le compte personnel de formation entre titulaires de comptes (n° 2678).

Présences en réunion

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 10 heures

Présents. – Mme Stéphanie Atger, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, M. Julien Borowczyk, Mme Marine Brenier, M. Philippe Chalumeau, M. Sébastien Chenu, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Carole Grandjean, Mme Véronique Hammerer, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Bernard Perrut, Mme Valérie Six, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

Excusés. – Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Jean-Carles Grelier, Mme Myriane Houplain, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, M. Jean-Louis Touraine, Mme Hélène Vainqueur-Christophe