Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 21h20

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CRA
  • frontière
  • hébergement
  • immigration
  • intégration
  • réfugiés
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  France Insoumise    En Marche    MoDem    Agir & ex-LREM    Les Républicains  

La réunion

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La réunion débute à 21 heures 20.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission auditionne Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Elodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

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Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la citoyenneté

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont au service d'une politique migratoire que nous souhaitons équilibrée. Cet équilibre, dans la droite ligne de la volonté du Président de la République et de l'action conduite depuis 2017, allie l'humanité dans l'accueil et l'intégration des réfugiés et des étrangers admis à séjourner en France – la Semaine de l'intégration a commencé hier, nous pourrons y revenir – à la clarté vis‑à-vis de celles et ceux qui entrent irrégulièrement sur le territoire national ou s'y maintiennent sans droit ni titre et à la fermeté envers celles et ceux qui se montrent indignes de la confiance de la République, par exemple les personnes condamnées pour violences conjugales, qui ont vocation à être reconduites à la frontière.

Parce que les questions d'immigration, d'asile et d'intégration sont l'une des grandes priorités du ministère de l'Intérieur, le projet de loi de finances pour 2022 autorise une hausse de 58,4 millions d'euros des crédits qui leur sont consacrés, soit une augmentation de 3,2 % par rapport à 2021. Si l'on y ajoute les 16 millions de crédits de paiement alloués dans le cadre du plan de relance, cela porte les crédits de la mission à 1,92 milliard d'euros, en hausse de 3,9 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021. Cet effort budgétaire important vise à nous donner les moyens d'agir plus et mieux par le biais des programmes 303, « Immigration et asile », et 104, « Intégration et accès à la nationalité française ».

Le programme 303 illustre la volonté résolue du Gouvernement de mieux accueillir, mais aussi de lutter contre l'immigration irrégulière.

Sur le premier point, les principales dépenses portent sur l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile. Concrètement, l'allocation pour demandeur d'asile, l'ADA, bénéficie d'une hausse significative de 18,2 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2021, ce qui porte son budget à 473 millions. Cette augmentation témoigne de l'effort de la nation pour accueillir les demandeurs d'asile et de la sincérité de notre construction budgétaire – nous pourrons y revenir.

En 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, a reçu plus de 132 800 demandes, ce qui fait de la France le deuxième pays d'accueil en Europe, juste après l'Allemagne. La réduction conjoncturelle du nombre de demandes d'asile en 2020, de 27 %, qui a porté ce nombre à près de 96 500 demandes, ne remet pas en cause cette dynamique, a fortiori compte tenu de l'évolution géopolitique en Afghanistan et des effets économiques de la crise sanitaire, notamment dans les pays de l'hémisphère Sud.

L'effort budgétaire se traduit également par l'extension du parc d'hébergement, qui pourrait être de plus de 5 700 places en 2022 si l'évolution des dépenses concernant l'ADA, dont le niveau est toujours soumis à des aléas, n'excède pas les prévisions. Le parc d'hébergement pour les demandeurs d'asile et les réfugiés serait ainsi de 118 087 places, dont 6 341 en centre d'accueil et d'examen des situations (CAES) – ce sont 1 500 places de plus –, 50 032 en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) – plus 3 400 places –, 51 796 places d'hébergement d'urgence – le chiffre est stable – et 9 968 en centre provisoire d'hébergement (CPH) – plus 800 places.

Concernant l'amélioration des délais de traitement de la demande d'asile, une grande priorité de l'action du ministère, nous observons une tendance encourageante eu égard aux objectifs que le Parlement a souhaité nous fixer en la matière. S'agissant de l'enregistrement des dossiers en préfecture, auprès des guichets uniques de demande d'asile (GUDA), le délai actuel est en deçà de l'objectif cible de 3 jours : il est de 2,4 jours. S'agissant de l'instruction de la demande par l'OFPRA, les mesures prises commencent à porter leurs fruits, en particulier le recrutement et la formation de 150 officiers de protection, désormais tous opérationnels, ainsi que la dématérialisation d'une grande partie des procédures. L'OFPRA a ainsi ramené le nombre de dossiers en cours d'instruction de 88 000 en octobre 2020 à 53 000 en septembre 2021.

L'amélioration des délais de traitement de la demande d'asile permet d'accueillir dignement celles et ceux qui ont droit à la protection en France et d'apporter une réponse rapide aux personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire. Cette évolution aura un effet sur le montant de l'ADA, mais aussi, mécaniquement, sur la fluidité du parc d'hébergement. Cela passe par un effort en matière de moyens, notamment vis-à-vis de l'OFPRA : la subvention qui lui est accordée pour 2022 s'élève à 93,2 millions, en hausse de 0,4 million, et nous maintenons le plafond d'emploi à 1 003 ETPT (équivalents temps plein travaillé).

Nous souhaitons également mieux lutter contre l'immigration irrégulière. L'investissement immobilier dans les centres de rétention administrative (CRA) témoigne de la volonté du Gouvernement d'éloigner les personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire national : trop souvent, le manque de places en CRA fait obstacle à l'éloignement dans des conditions acceptables. Ce sont 143,9 millions d'euros, soit une hausse de 12,5 %, qui vont à la lutte contre l'immigration irrégulière, principalement pour financer les investissements dans les CRA et les coûts de fonctionnement liés à l'ouverture de nouvelles places en leur sein.

L'armement des CRA existants et futurs pourra en outre être réduit grâce à l'externalisation des fonctions dites non régaliennes exercées par les fonctionnaires actifs dans les CRA. Cette externalisation est prévue pour cinq missions : la conduite de véhicules pour les escortes et transferts ; la gestion des visiteurs, en dehors des palpations ; le gardiennage des abords, y compris extérieurs, dans le cadre d'arrêtés préfectoraux ; la sécurité incendie, dont l'externalisation ne libérerait pas d'agents mais allégerait la charge de travail des policiers ; la bagagerie. Le coût des marchés d'externalisation pour les CRA actuels et futurs peut être évalué à 12,2 millions en année pleine, alors que la masse salariale correspondant aux policiers exerçant ces missions est estimée à 10,7 millions : le coût net annuel serait d'environ 1,5 million. Toutefois, l'externalisation de ces cinq missions permettra à terme, après 2023, un gain d'effectifs de l'ordre de 140 policiers. En 2022, grâce au déploiement de l'externalisation dans les CRA de Marseille, Nîmes, Toulouse et Lyon – y compris dans le nouveau CRA livrable mi-janvier –, 39 policiers seront libérés de ces tâches.

Concernant le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », depuis 2018, à la demande du Président de la République, le Gouvernement a engagé une véritable refonte de notre politique d'intégration. L'État se donne désormais les moyens de mener une politique ambitieuse par les différentes mesures du comité interministériel à l'intégration de 2018 et du comité interministériel sur l'immigration et l'intégration de 2019, grâce à un budget spécifique qui reste à un niveau élevé, progressant même de 1,8 %.

Parmi les actions prioritaires, je veux d'abord citer celle qui concerne la maîtrise de la langue française, qui tient à cœur à l'ensemble des députés, puis la formation civique pour le partage des valeurs de la République, et enfin l'accès à l'emploi et la prise en charge de certaines situations particulières comme celle des réfugiés. Ces actions sont essentiellement menées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'OFII, mais aussi par des porteurs de projet et des opérateurs dont je salue le travail fondamental, notamment depuis la chute de Kaboul, en août dernier, lors de laquelle ils ont fait preuve d'une réactivité exceptionnelle.

Les effectifs de l'OFII vont augmenter de 19 ETPT par rapport à la LFI pour 2021, ce qui les portera à 1 187 ETPT. En outre, ses subventions pour charges de service public vont connaître une hausse considérable. Compte tenu des 11 millions d'euros de crédits d'intervention, soit le même montant qu'en 2021, les crédits de l'OFII s'élèvent à 256,8 millions pour 2022.

S'agissant des actions d'intégration des étrangers en situation régulière, la hausse de 37 % des crédits résulte d'un transfert de l'activité d'intégration des réfugiés de l'action 15 vers l'action 12, qui ne regroupait l'an dernier que les actions d'intégration des primo-arrivants. Cela explique la baisse apparente de 19 % des crédits alloués à l'accompagnement des réfugiés par rapport à la LFI pour 2021.

L'une des meilleures illustrations de notre action pour l'intégration des réfugiés est le programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR) que nous lançons à l'occasion de la Semaine de l'intégration. Fondé sur l'observation des programmes d'accompagnement global existants, comme HOPE (hébergement orientation parcours vers l'emploi), AGIR a pour ambition d'offrir à environ 8 000 réfugiés dans 27 départements, à partir de 2022, la possibilité de bénéficier auprès d'un guichet unique départemental, mandaté par l'État, d'un accompagnement global et individualisé vers le logement et l'emploi, articulé au contrat d'intégration républicaine (CIR). AGIR reposera sur trois piliers : l'accompagnement global des réfugiés grâce à un binôme de référents sociaux pour l'emploi et la formation d'une part, l'accès aux droits et le logement d'autre part ; la coordination de tous les acteurs locaux de l'intégration ; les partenariats locaux, pour garantir l'accès effectif et concret aux droits dans tout le territoire. Déployé au niveau interministériel pour mieux tenir compte des différents volets de l'intégration, AGIR sera financé par les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » par redéploiements et ajouts.

Je terminerai en réaffirmant la volonté qui nous anime, Gérald Darmanin et moi-même, d'être justes dans notre action en faveur de celles et ceux qui rejoignent notre pays. Je ne peux conclure sans mentionner la récente naturalisation de plus de 12 000 travailleurs de nationalité étrangère en première ligne pendant la crise du covid. La République a voulu tendre la main à ces personnes qui ont tenu le pays pendant le confinement en exerçant des métiers difficiles – soins médicaux ou paramédicaux, nettoyage, sécurité, garde d'enfants. Il était fondamental de leur reconnaître la qualité de citoyens français ; je me réjouis que nous l'ayons fait.

Le présent projet de loi de finances consacre la refonte de nos politiques d'immigration et d'intégration au cours du quinquennat, qui trouvent une traduction budgétaire concrète. Les crédits de la mission sont passés de 1,056 milliard en 2017 à 1,92 milliard en 2022 : cela permet la mise en œuvre ambitieuse des différentes réformes que je viens de vous présenter.

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L'année 2022 sera la cinquième année consécutive d'augmentation des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui s'élèveront à 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement, contre 1,84 milliard en 2021 et 1 milliard il y a quatre ans. Cet effort budgétaire très important est cohérent avec le plan du Gouvernement pour garantir le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires, présenté en 2017, et avec l'adoption, en 2018, du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

Le programme 303, « Immigration et asile », comprend l'essentiel des crédits de la mission.

En ce qui concerne la garantie de l'exercice du droit d'asile, la dotation inscrite pour l'ADA s'élève à 467 millions d'euros, soit une progression de 4 % par rapport à la dernière loi de finances. Ce montant est destiné à couvrir une hausse de 10 % par rapport à 2019 des demandes d'asile déposées auprès de l'OFPRA en 2022, ce qui représenterait 145 700 demandes au total.

S'agissant de l'hébergement des demandeurs d'asile, sous réserve que l'enveloppe budgétaire prévue pour l'ADA soit suffisante, 20 millions d'euros pourraient venir financer 4 900 places d'hébergement supplémentaires, qui s'ajouteraient aux 103 000 places actuelles. Pouvez-vous, madame la ministre déléguée, expliquer le choix qui a été fait de lier l'ouverture de ces nouvelles places d'hébergement au niveau d'utilisation des moyens prévus pour l'ADA ?

Les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière seront encore en forte hausse l'année prochaine, de près de 19 % en autorisations d'engagement et de 12,5 % en crédits de paiement. Ils permettront notamment de financer la poursuite de l'augmentation des capacités d'accueil des centres de rétention administrative.

Quant au programme 104 relatif à l'intégration et à l'accès à la nationalité française, ses crédits sont en hausse de 1,86 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Ils permettront notamment de financer le lancement du programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés.

Cet automne est celui de notre dernier avis budgétaire de la XVe législature. Lors des précédents exercices, j'avais choisi de développer différents thèmes : pour le projet de loi de finances pour 2018, l'accueil des demandeurs d'asile, l'année suivante le règlement Dublin, puis la situation des étrangers sans titre de séjour et enfin l'an dernier la santé en rétention. Il est indispensable, madame la ministre déléguée, de tenir compte de ces exercices d'évaluation auxquels nous nous livrons. Par exemple, je soulignais l'an dernier que l'organisation des unités médicales des CRA était fondée sur une circulaire de 1999 qui n'était plus du tout adaptée – une circulaire abrogée en 2017 mais qui servait encore de référence puisque le texte appelé à lui succéder n'avait toujours pas été publié. Où en sommes-nous sur ce sujet ?

Cette année, mon évaluation porte sur le contrat d'intégration républicaine, le CIR.

Chaque année, environ 100 000 étrangers issus de pays tiers à l'Union européenne arrivent en France et signent un CIR. Instauré par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, ce contrat a pour objet l'appropriation des valeurs de la République, la maîtrise de la langue française et l'insertion professionnelle de l'étranger primo-arrivant. Le CIR matérialise l'engagement de la personne qui veut s'installer en France. Sa dimension synallagmatique est précieuse et doit être préservée : elle est garante de l'autonomie et de la responsabilité des individus.

Plusieurs évaluations ont déjà été conduites sur l'une ou l'autre des dimensions du CIR, y compris par notre Assemblée, mais il est important, alors que nous fêtons les cinq ans du dispositif, d'en dresser un bilan d'ensemble.

J'ai pu constater qu'il s'agit d'un outil particulièrement souple et adaptable. Il a d'ores et déjà considérablement évolué à la suite des recommandations du comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018, mises en application le 1er mars 2019.

Le bilan de cette modernisation est globalement positif, mais nous pouvons aller encore plus loin.

Ainsi, l'individualisation des parcours pourrait encore être renforcée. Face aux difficultés que certains éprouvent, en particulier ceux qui n'ont jamais été scolarisés, à s'adapter à la situation d'« apprenant », il serait utile de proposer un module pour « apprendre à apprendre », en amont des formations ou en adaptant la pédagogie proposée.

S'agissant de la composante civique du contrat, vous envisagez pour 2022 deux évolutions qui me semblent appropriées. La première consiste à ramener le délai entre les blocs de formation, qui sont de quatre ou cinq mois, à trois mois, afin de réduire la déperdition du public entre la première journée et la dernière. La seconde évolution consiste à former les prestataires de formation civique afin qu'ils connaissent mieux l'offre du service public de l'emploi. Cela implique une meilleure interconnexion entre la composante civique et celle de l'accès à l'emploi. À plus long terme, le ministère de l'Intérieur envisage de faire signer au primo-arrivant, au terme du CIR, un document par lequel il s'engagerait à respecter les valeurs françaises. J'y suis favorable.

Je suggère par ailleurs d'approfondir le lien entre la composante linguistique du CIR et son volet concernant l'intégration professionnelle. Ainsi pourrait-on prévoir l'enseignement d'un vocabulaire spécifique à certaines filières professionnelles, comme l'hôtellerie, l'aide à la personne et le bâtiment. À plus long terme, une réflexion structurelle pourrait utilement être conduite sur l'esprit du CIR en matière d'apprentissage de la langue : on pourrait passer d'une logique de moyens, dans laquelle seule l'assiduité est véritablement prise en compte, à une logique de résultat, dans laquelle les objectifs du contrat seraient considérés comme remplis au moment de l'atteinte effective du niveau A1.

S'agissant enfin du volet relatif à l'intégration sociale et professionnelle, il conviendrait de regrouper les programmes d'insertion professionnelle les plus adaptés à ce public et aux besoins du territoire dans un système d'information accessible aux prestataires spécialisés en insertion professionnelle intervenant à l'OFII. Pôle emploi devrait également disposer de conseillers référents pour les primo-arrivants.

L'intégration de ces personnes est à la fois une promesse que la République formule à leur endroit et un devoir pour elles. J'exprime le souhait que ces pistes de réflexion permettent au CIR, qui est au cœur de cette politique d'intégration, de poursuivre sa modernisation.

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Je salue les augmentations importantes de crédits et d'effectifs consenties depuis plusieurs années pour cette mission, qui est structurée autour de trois grands axes d'action : la maîtrise des flux migratoires, l'intégration des personnes immigrées en situation régulière et la garantie du droit d'asile.

Les objectifs visés sont en ligne avec la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, du 10 septembre 2018, et avec le plan d'action pour garantir le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires. Il s'agit de réduire les délais d'instruction des demandes d'asile, de créer des places d'hébergement et de renforcer la fluidité des parcs d'hébergement.

Pour ce qui est des délais d'instruction des dossiers, la loi « asile et immigration » avait prévu de les ramener en dessous de six mois. Cet objectif avait été en partie atteint avant la crise du covid et les chiffres étaient restés stables pendant l'épidémie, mais les délais ont de nouveau légèrement augmenté. Des difficultés perdurent donc, malgré les crédits et les effectifs supplémentaires affectés à l'OFPRA.

S'agissant du nombre de places d'hébergement, l'augmentation a été constante en 2021 et 2022, tous secteurs confondus, pour arriver à 118 169 places. Les centres de rétention administrative ont également connu une augmentation du nombre de places, ainsi qu'une amélioration des conditions de vie en leur sein.

Les moyens nouveaux concernant l'intégration ont fait l'objet d'une augmentation de 1,8 %, dans le cadre d'une stratégie sur quatre ans. Nous avons travaillé à l'augmentation du nombre d'heures d'apprentissage du français, puisque c'est la condition première de l'intégration. La difficulté était d'assurer dans un temps relativement réduit, grâce à des personnes compétentes, un apprentissage de la langue suffisant pour se débrouiller. La formation civique est aussi importante, puisque l'arrivée dans un pays doit s'accompagner de la connaissance de ses valeurs. L'aide à l'installation, en matière d'activité professionnelle et de logement, vient ensuite.

Une des questions qui restent à régler est celle de l'accès, qui doit être plus rapide, aux documents permettant de savoir si les personnes peuvent ou non rester en France. Pendant la période du covid, un nombre d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) pratiquement équivalent aux années précédentes a été prononcé alors que le retour dans les pays d'origine était impossible. Il en est résulté une réduction du taux d'exécution de ces mesures, lequel est par ailleurs relativement bas par rapport aux autres pays d'Europe. Les difficultés se sont renforcées, et la décision a été prise de réduire le nombre de visas accordés aux ressortissants de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc, pays qui ne délivrent pas suffisamment de laissez-passer consulaires.

Madame la ministre déléguée, l'immigration est un sujet national, mais aussi européen. À l'aube de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, quelles actions souhaitez-vous mener pour améliorer l'accueil et l'intégration des personnes qui arrivent sur notre territoire ? Quels sont les moyens déployés dans le cadre du budget pour 2022 ?

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Je considère pour ma part que ce débat doit sortir de la salle de la commission et avoir lieu en séance publique.

À vous écouter les uns et les autres, à commencer par vous, madame la ministre déléguée, on a le sentiment que vous vous satisfaites de la situation. Nous, nous sommes inquiets. À la veille d'échéances nationales importantes, on voit naître dans le débat public des discussions sorties de nulle part qui inquiètent les Français.

Le budget de cette mission est en hausse, mais c'est un signe d'échec. Il augmente parce que nous n'avons pas la capacité de contrôler nos frontières, que nous ne nous sommes pas dotés de politiques permettant de reconduire hors du territoire ceux qui doivent l'être. Cette situation nous a conduits à des incidents diplomatiques majeurs avec des pays partenaires et amis. Nous n'avions jamais connu une crise aussi grave avec eux que celle qui vient de se traduire par le rappel par l'Algérie de son ambassadeur dans notre pays et sa décision d'interdire aux avions militaires français le survol de son territoire.

On voit bien que nous sommes dans une situation d'échec. L'augmentation du budget et la volonté marquée de lutter contre les phénomènes migratoires cachent l'état des choses, qui est que pendant ces cinq ans vous avez ignoré les réalités : le fait est que la France ne peut pas, quelle que soit la grandeur de son cœur, accueillir sur son sol l'ensemble de la misère du monde.

Il était question tout à l'heure du nombre d'OQTF qui n'ont jamais été exécutées en raison de la situation sanitaire – on le comprend. Mais dans le même temps, les chiffres de l'immigration ont baissé. Cela veut dire qu'il est possible de maîtriser les entrées sur notre territoire : les gens ne viennent que si nous ne sommes pas capables d'assurer un contrôle efficace de nos frontières.

Madame la ministre déléguée, vous avez parlé de l'amélioration de l'hébergement, notamment pour les demandeurs d'asile. C'est une excellente chose et je m'en réjouis, mais poursuivre cette amélioration à l'infini n'est pas une solution.

Il faut s'assurer que les demandeurs d'asile sont bel et bien des demandeurs d'asile. Nous souhaitons que les primo-demandeurs d'asile déposent leur demande auprès de nos postes consulaires situés dans les pays de transit. Souvent, ces personnes n'arrivent pas directement en France, mais traversent d'autres pays. Un individu arrivé en Allemagne par l'Est et désireux de se rendre en France peut très bien se présenter à l'un de nos postes consulaires pour y déposer sa demande d'asile. Cela nous semble une bonne solution. Si nous laissons venir tout le monde, même des ressortissants de pays que la France considère comme sûrs, nous n'arriverons jamais à canaliser ces phénomènes. C'est ainsi que nous créons de toutes pièces des monstres politiques qui affolent tout le monde.

Quant au nombre de reconduites à la frontière, heureusement qu'il y a Mayotte, dont sont expulsées chaque année quelque 30 000 personnes ! En les intégrant aux chiffres nationaux, on obtient un volume satisfaisant de reconduites à la frontière. En réalité, on procède à davantage de reconduites à la frontière à Mayotte que dans le reste du territoire national. Cela ne marche pas ! Je suis désolé de devoir le dire : nos compatriotes supportent de moins en moins le poids de l'immigration. Outre le nombre de reconduites à la frontière, nous pourrions évoquer les moyens consacrés à l'hébergement, à l'éducation ou aux soins.

Je souhaite que nous approfondissions ce débat, afin de mieux sensibiliser tout le monde à la nécessité de maîtriser les flux migratoires.

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Une fois de plus, nous examinons les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » dans un contexte particulier. L'an dernier, il s'agissait de la crise sanitaire ; cette année, ce sont les crises internationales qui pèsent sur notre politique migratoire, aux échelles nationale et européenne.

Les défis résultant des mouvements de personnes sont nombreux et nous concernent tous. Je veux croire que la prochaine présidence française de l'Union européenne permettra de soulever la question du renforcement de la coopération entre États membres. Madame la ministre déléguée, la récente intervention auprès de notre voisin britannique va dans ce sens, et notre groupe la salue.

S'agissant des crédits que nous examinons, il nous semble que le Gouvernement a pris la mesure du constat que nous avions eu l'occasion de dresser précédemment dans nos territoires, à savoir la saturation des structures d'accueil que sont les centres provisoires d'hébergement (CPH), les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) et les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA). La création de 800 nouvelles places, certes temporaires, en CPH, ainsi que la possible ouverture de, respectivement, 1 500 et 3 400 places en CAES et en CADA, sont bienvenues.

Toutefois, je m'interroge, s'agissant du dernier point, sur le caractère conditionnel des places. Madame la ministre déléguée, pouvez-vous expliquer les raisons de votre choix ? Quoi qu'il en soit, les ouvertures de places sont une bonne nouvelle. L'hébergement est déterminant pour la suite du parcours des personnes concernées, qui sont en attente d'une décision. Je rappelle un chiffre édifiant : elles demeurent dans ces structures près de 550 jours en moyenne avant d'accéder à un logement.

Nous saluons également la poursuite du programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés. Ce programme, mis en œuvre depuis 2018, est absolument nécessaire à l'amélioration de l'intégration des réfugiés.

Enfin, nous saluons l'augmentation des crédits consacrés à l'aide médicale de l'État, l'AME, qui atteindront un milliard d'euros en 2022. Cette évolution va dans le sens d'une politique migratoire équilibrée, à la fois humaniste et réaliste, suivant une ligne de crête que notre majorité a su tenir tout au long de la législature.

Depuis 2017, les chiffres du budget de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en hausse constante, et les résultats aussi. Notre groupe en est satisfait et espère que les efforts se poursuivront, afin d'accueillir dans la dignité ceux qui ont souvent connu l'enfer avant d'arriver sur notre territoire.

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Madame la ministre déléguée, madame la rapporteure pour avis, je vous remercie pour votre présentation liminaire de ce sujet sensible et éminemment complexe. Pour ma part, je n'ai entendu aucun autosatisfecit dans les propos de madame la ministre déléguée. Il n'y a pas non plus lieu de se livrer à un nostra culpa. Si l'on considère qu'une augmentation du budget de la mission est un signe d'échec, que dirions-nous s'il diminuait ? Dans ces situations inextricables, chacun gagnerait à avoir les idées claires.

Le groupe Agir ensemble est très favorable à l'augmentation globale des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », dont relève notamment l'accès à la nationalité française. Sur ce sujet complexe et délicat, nous menons une politique équilibrée et juste.

Elle consiste d'abord à maîtriser les flux. Nous nous réjouissons de la quête incessante d'une maîtrise accrue de l'immigration irrégulière et de l'effort consenti au profit des CRA. Cette politique vise également à garantir le droit d'asile. La dématérialisation des procédures porte d'ores et déjà ses fruits, notamment en matière de délai de traitement des demandes par l'OFPRA, qui devrait encore s'améliorer à l'avenir. Par ailleurs, cette politique vise à assurer l'intégration des immigrés en situation régulière, en optimisant leurs conditions d'accueil, et à renforcer l'intégration des réfugiés, notamment en consentant un effort en matière d'apprentissage du français.

Nous sommes très favorables aux efforts réalisés pour lutter contre l'immigration irrégulière et renforcer les moyens consacrés à l'asile et à l'accueil des immigrés en situation régulière.

Je m'interroge sur un point. Les documents budgétaires prévoient une provision de 20 millions d'euros concernant l'ADA. Ces crédits doivent permettre, s'ils ne sont pas utilisés avant le milieu de l'année, de créer 4 900 places en CAES et en CADA, ce que l'on comprend aisément. Mais qu'en sera-t-il s'ils sont utilisés ? N'aurait-on pas justement besoin de davantage de places dans cette situation ? N'est-ce pas un peu paradoxal ?

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Mes propos trancheront sans doute avec les précédents. Je m'interroge en effet sur plusieurs points.

L'augmentation du budget consacré à l'asile est très en deçà des besoins. Il faudrait doubler le nombre de places d'accueil disponibles car seule une demande sur deux est satisfaite. Des places supplémentaires sont prévues çà et là, ce qui est très bien, et nous ne nous y opposerons pas, mais les chiffres ne sont vraiment pas à la hauteur des besoins, et le retard n'est pas rattrapé.

En revanche, des moyens importants sont prévus pour l'ouverture de CRA, dans lesquels vous avez laissé des gens pendant quatre-vingt-dix jours en sachant que vous ne pouviez pas les expulser, madame la ministre déléguée. J'ignore quel est le but profond de ce genre de pratiques, qui conduisent vraiment à se poser des questions. Les avocats, la CIMADE et les associations nous disent que des Afghans sont placés en CRA et qu'il faut se battre au contentieux pour les faire sortir, quand ils ne sont pas expulsés vers le pays où ils ont déposé leur première demande d'asile, en bonne application du système de Dublin. On a même vu des parquets déposer des appels suspensifs après que des personnes ont obtenu gain de cause devant le juge des libertés et de la détention. Que d'hypocrisie !

Par ailleurs, les effectifs de la police aux frontières (PAF), qui relèvent du programme 176, augmentent. Lors de la conclusion du Beauvau de la sécurité, à Roubaix, le Président de la République s'est dit satisfait que le nombre de policiers de la PAF n'ait jamais été aussi élevé. Je ne sais pas s'il y a vraiment lieu de s'en satisfaire : ce n'est pas l'enjeu le plus fondamental. Surtout, les crédits consacrés à la politique d'asile et d'immigration sont répartis sur plusieurs programmes budgétaires, et excèdent ceux prévus par le programme 303.

S'agissant par exemple des mesures d'éloignement, le coût s'élève à environ 480 millions d'euros, d'après un rapport de 2018 – nous n'avons pas le bonheur de disposer de chiffres actualisés. Nous dépensons presque un demi-milliard d'euros pour expulser des gens. Compte tenu des besoins pour assurer un accueil digne dans ce pays, nous pourrions peut-être mieux employer tout cet argent. En outre, je ne suis pas sûr que le travail des policiers dans les CRA soit très valorisant pour eux. Dans bien des cas, d'ailleurs, les demandes de mutation au sein de la PAF sont liées à une recherche de rapprochement géographique.

Je fais mienne la question posée par notre collègue Euzet, qui a raison de se demander pourquoi la création de places supplémentaires en CAES et en CADA dépend de la consommation des 20 millions d'euros prévus pour faire face à un éventuel dépassement des dépenses concernant l'ADA. Il faudrait savoir : ou bien la création de places est nécessaire et on y consacre ces 20 millions d'euros, que je suis prêt à voter, ou bien elle ne l'est pas, et on ne prévoit pas 20 millions d'euros ! Que signifie cette politique consistant à faire du recours à l'ADA, qui est un droit, une variable d'ajustement pour la création de places d'accueil supplémentaires ? Cela n'a aucun sens !

Il en est de même des sorties démagogiques – comme si Éric Zemmour était déjà membre du Gouvernement – annonçant une réduction de 50 % du nombre de visas délivrés aux ressortissants algériens, ce qui revient à faire des droits des uns une variable d'ajustement pour discuter d'un autre problème, votre incapacité à obtenir des laissez-passer consulaires pour reconduire des gens. C'est extraordinaire ! L'accès à un visa résulte de la constatation d'un droit. Il n'y a pas encore, heureusement, de quotas dans ce pays, mais vous les inventez par démagogie !

Vous rendez plus difficile l'obtention d'un titre de séjour. Nous recevons tous dans nos permanences des gens dont la demande est dans les clous et qui ont pourtant un mal fou à obtenir un rendez-vous ou une réponse favorable. Nous en accompagnons certains devant le tribunal administratif et nous obtenons gain de cause. Tout cela est fondamentalement triste et malheureux. Nous causons des difficultés juridiques à des êtres humains en espérant qu'ils quitteront notre pays, ce qui ne se produit pas. Il en résulte des difficultés pour leur accueil et pour les gens qui habitent alentour. Je me suis régulièrement rendu à Calais, je sais de quoi il retourne.

Je ne soutiendrai pas cette politique, qui est une politique répressive avant d'être une politique d'accueil. J'espère que nous prendrons votre place en 2022 pour accueillir dignement les gens.

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Madame la ministre déléguée, je vous remercie d'avoir réaffirmé que nous menons une politique équilibrée, ferme et humaine à la fois, visant à apporter une réponse rapide, soit positive et permettant une intégration dans laquelle les pouvoirs publics prennent toute leur place, investissent et accompagnent les intéressés, soit négative et permettant une reconduite à la frontière dans la dignité et dans un délai court. Il ne faut pas que les situations s'enkystent, ce qui n'est bon ni pour la personne concernée et sa famille, ni pour les pouvoirs publics et la gestion du quotidien dans les communes.

L'état de certains centres de rétention administrative ne répond pas à l'exigence de dignité. Ainsi, le centre de Satolas, à côté de l'aéroport de Lyon, est un ancien hôtel transformé en CRA mais ni son fonctionnement ni les quelques investissements qui y sont réalisés ne sont à la hauteur des besoins. Où en est la politique d'investissement dans les CRA, en particulier celui de Lyon, dont la situation est sans doute l'une des plus défavorables au plan national ?

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Nous avons tous constaté, en effectuant des visites de CRA, que certains centres étaient dans un état assez dégradé. Monsieur Gérard Collomb, alors ministre de l'Intérieur, s'était engagé dans l'hémicycle à rénover les centres qui ne pouvaient recevoir dignement les étrangers. J'ai essayé de vérifier si la rénovation avait bien été engagée mais il a été impossible d'identifier ces investissements dans les lignes budgétaires car il est difficile de faire le tri entre la création de places et la rénovation. J'aimerais donc savoir où en est le programme de rénovation des centres de rétention. Retenir les personnes en situation irrégulière est une nécessité mais cela nous oblige à les recevoir dans des conditions respectables.

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La politique d'immigration, d'asile et d'intégration doit être globale : il ne suffit pas de contrôler les frontières pour traiter le sujet de façon pleine et entière. Cela passe par l'aide au développement, la coopération, la diplomatie internationale, une coordination forte à l'échelle de l'Union européenne. Les désordres du monde et les bouleversements climatiques sont notre actualité mais aussi notre futur : c'est maintenant qu'il faut se mettre d'accord à l'échelle internationale sur ce sujet complexe et douloureux.

À ce jour, le nombre de titres de séjour délivrés en France s'élève à 3 millions, soit environ 4 % de la population. Cela permet de relativiser l'hystérie alimentée par certains dans les médias.

Je salue la manière dont le budget a été construit, notamment le programme 303 : les chiffres nous semblent plausibles, ce qui n'a pas toujours été le cas. C'est synonyme de bonne gestion pour notre politique d'asile.

Concernant les CRA, il est complexe de déterminer dans les lignes budgétaires ce qui relève de l'investissement nouveau ou de l'investissement dans l'existant. Visitant régulièrement de nombreux CRA, je vois l'évolution entre 2017 et aujourd'hui. L'investissement est concret, comme on peut le constater lorsque l'on retourne sur place.

S'il est nécessaire de maintenir une politique rigoureuse en matière de reconduite à la frontière, il convient cependant de veiller à placer en CRA des personnes susceptibles d'être réellement reconduites. À cet égard, la fermeture des frontières pendant la crise du covid a posé problème. La question des visas est aussi au cœur du sujet, même si elle relève d'abord de la diplomatie. Empêcher un étranger de venir sur notre territoire pose toujours question dans un pays d'ouverture tel que le nôtre.

Nous avons beaucoup travaillé sur les moyens des préfectures pour mener sur le terrain notre politique en matière d'accueil des étrangers. Nous avons constaté de réelles difficultés d'accès aux préfectures, des retards importants dans l'instruction des dossiers, une charge très lourde ainsi qu'un important turnover dans les bureaux. Nous avons donc préconisé de consacrer des moyens importants pour rattraper ce retard, lié essentiellement à la crise sanitaire. Des redéploiements sont prévus pour 2022 mais les moyens des préfectures ne diminueront pas globalement cette année. Dans quelle proportion et de quelle manière les services des étrangers seront-ils renforcés ? À quelle échelle – préfectures de département ou de région – cela sera-t-il fait ? C'est un sujet essentiel, tant pour l'instruction des dossiers que pour les personnels des préfectures.

Enfin, l'accès au travail est vecteur d'intégration. Il est facilité, d'un point de vue administratif, pour une personne réfugiée. S'agissant des personnes en situation irrégulière, la circulaire « Valls » permet l'admission exceptionnelle au séjour pour des motifs liés au travail. De nombreuses entreprises nous sollicitent parce qu'elles ont besoin de main-d'œuvre dans tous les secteurs économiques et dans toutes les régions de France. Quelle est votre politique concernant ces étrangers intégrés, présents depuis longtemps sur notre territoire et qui répondent aux critères de la circulaire « Valls » ?

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Le nombre de nouvelles places sera de 1 500 en CAES et de 3 400 en CADA. Cette autorisation d'ouverture, dont le financement est assuré par 20 millions gagnés sur le tendanciel de l'ADA, ne vaut qu'à partir du 1er juillet 2022. Toutefois, en gestion, le responsable du programme dispose d'une vraie souplesse et peut mobiliser pour leur financement toutes les ressources disponibles du programme 303.

Nous avons réactualisé la circulaire, qui est en cours de signature entre le ministère de la Santé et le ministère de l'Intérieur.

Concernant le CIR, nous avons mené avec les parlementaires un travail d'évolution législative sur les questions de dignité humaine et d'intégration dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes de la République.

Je souscris pleinement à votre analyse, madame la rapporteure pour avis, sur la question de la langue française. Nous avons fait un effort considérable en portant le volume horaire à 600 heures, et c'est une bonne chose, mais nous sommes en train de travailler à une réforme structurelle. Pour l'instant, ce ne sont que des pistes de réflexion : nous ne sommes pas encore prêts pour présenter quoi que ce soit à l'Assemblée nationale mais nous sommes à votre disposition pour entendre vos observations sur ce sujet. La langue française est vraiment le premier vecteur d'intégration ; nous avons une obligation de résultat à cet égard.

La question de la délivrance des OQTF doit être replacée dans le contexte global de notre politique. En 2020, 116 488 OQTF ont été délivrées contre 122 839 en 2019, soit une baisse de 12,5 %. La catégorie qui enregistre la plus forte diminution – de 23,5 % – est celle des déboutés du droit d'asile. Le nombre de laissez-passer consulaires délivrés en 2020 a diminué de 53,5 %, tous pays confondus. Ce n'est pas sans conséquence sur le nombre d'éloignements réalisés, qui s'est élevé à 19 957 en 2020, en diminution de 36,6 % par rapport à 2019.

Monsieur Kamardine, le jugement que vous portez sur l'action menée par le Gouvernement me paraît un peu sévère – et je suis d'autant plus à l'aise pour le dire qu'entre 2017 et le début de l'année 2020, je n'étais pas chargée de ces questions au Gouvernement. Nous nous inscrivons dans la droite ligne des annonces du Président de la République, qui, dès 2017, a été très clair sur ces questions. Du reste, l'année suivante, la majorité votait la loi « asile et immigration », qui est l'une des premières grandes lois du quinquennat. Je ne peux donc pas vous laisser dire que nous avons sous-estimé ces questions.

Par ailleurs, dès 2018, le Président de la République a annoncé un renforcement des contrôles aux frontières en 2019 et 2020. Les effectifs mobilisés aux frontières ont ainsi été multipliés par deux, avec notamment pour résultat une augmentation de 106 % du nombre de passeurs interpellés, passeurs dont je rappelle qu'ils font commerce de la misère humaine et se livrent à la traite d'êtres humains. Le renforcement de Frontex est pour nous fondamental : l'objectif, que nous défendons au niveau européen, est de parvenir à un effectif de 10 000 agents en 2017.

Quant à Mayotte, comparaison n'est pas raison : sur le plan géographique, voire géopolitique, son territoire n'est pas analogue à celui de la métropole. Mais ce qui s'y fait est important. L'application du CIR à Mayotte fera l'objet d'un décret en Conseil d'État qui doit paraître à la fin de l'année. Il y a été lancé, je le rappelle, dès 2020, par la direction générale des étrangers en France (DGEF). Le montant des crédits qui lui seront alloués en 2022 est de 5,6 millions.

Madame Florennes, nous partageons votre volonté d'une meilleure coordination entre les États européens. Cette coordination est précisément l'objet du pacte européen pour l'asile et l'immigration, que nous défendons avec Clément Beaune notamment et dont l'un des piliers est le renforcement de Frontex, que j'évoquais à l'instant. Nous avons longuement débattu de cette question avec les sénateurs, et je suis à votre disposition pour discuter avec vous des grands objectifs que la France s'est fixés en la matière sur le plan européen.

Monsieur Euzet, je crois, comme vous, que l'intégration est un enjeu fondamental. Dans le cadre de la Semaine de l'intégration, j'étais hier avec Édouard Philippe au Havre, où nous avons lancé le treizième contrat territorial d'accueil et d'intégration (CTAI), qui repose sur un partenariat entre l'État et les collectivités et permet à chacun, dans son rôle et dans le respect de ses compétences propres, d'agir pour l'intégration. Inclure, ce n'est pas simplement ne pas exclure : une véritable démarche d'intégration consiste à aller chercher la personne et à lui proposer de s'asseoir à notre table. C'est pourquoi, s'agissant des réfugiés et des étrangers primo-arrivants, l'État s'engage, dans le cadre des CTAI, à allouer des financements – 150 000 euros pour Le Havre, par exemple –, les collectivités prenant des engagements, notamment en matière d'accès aux crèches et d'enseignement du français. À ce propos, madame la rapporteure spéciale, elles permettent notamment aux réfugiés de participer à des activités ; ils apprennent ainsi le français autrement qu'en écoutant un enseignant durant 600 heures, assis à une table.

Monsieur Bernalicis, puisque vous avez formé le vœu d'occuper bientôt ma place, je vous souhaite du courage ; je ne manquerai pas de vous féliciter, car vous serez ministre d'Emmanuel Macron ! Peut-être constaterez-vous à cette occasion que les choses ne sont pas manichéennes.

Plus sérieusement, nous n'éloignons aucun Afghan du territoire, ni vers Kaboul ni vers une autre destination. Trois mille six cents Afghans ont été récemment accueillis en France. Ils bénéficient d'un plan d'intégration très concret, piloté par le délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés, dont je veux saluer le travail car c'est cette délégation qui, avec les ONG et les associations, était présente à l'aéroport pour accueillir les Afghans exfiltrés par les services diplomatiques français.

Toutefois, il est vrai que lorsqu'une personne s'est rendue d'Afghanistan en France en passant par un autre pays, l'Italie par exemple, et qu'elle a déposé une demande d'asile dans ce pays, elle doit, en vertu du règlement Dublin, rester sur son territoire. Mais, je suis formelle, aucun des 3 600 Afghans que nous avons fait venir de Kaboul n'a été éloigné. Si vous avez connaissance de personnes qui se trouvent dans cette situation, je vous invite à me transmettre leurs dossiers car elles seraient victimes d'un grave dysfonctionnement.

Entre le 15 et le 28 août, 2 618 Afghans, dont 957 enfants, ont été accueillis en France, en sus des 630 personnes rapatriées depuis le mois de mai. Nous travaillons avec les associations pour que ces réfugiés, lorsqu'ils souhaitent rester dans notre pays, puissent y trouver toute leur place. L'OFPRA a ainsi pour consigne de traiter leurs demandes le plus rapidement possible. Je n'ai pas connaissance, à ce stade, d'Afghans dont la demande d'asile aurait été refusée.

Monsieur Rebeyrotte, la construction du deuxième CRA de Lyon est en cours.

Madame la présidente, vous avez raison, il existe un programme spécifique de création de locaux de rétention administrative (LRA), dont je ne citerai que quelques éléments – mais je pourrai vous adresser, ainsi qu'à chaque député qui le souhaite, l'ensemble des documents d'ici à la séance publique. Le parc comprend actuellement 19 LRA, soit 97 places, en métropole ; neuf projets sont en cours, dont sept ont été retenus dans le cadre d'un appel à projets lancé fin 2020, les deux autres, ceux de Bobigny et de Nanterre, ayant été présentés au préalable. La capacité sera portée à 124 places fin 2021, grâce à l'ouverture du LRA de Bobigny – douze places supplémentaires au sein de l'hôtel de police –, du LRA de Cenon – douze places dans un bâtiment modulaire – et du LRA de La Rochelle – trois places dans un bâtiment modulaire. Notre objectif est qu'en 2022, la capacité soit portée à 158 places, dont douze à Nanterre, deux à Vesoul et une dans l'Orne ; les autres LRA seront installés dans des bâtiments dits modulaires, à Montbéliard, Charleville-Mézières, Reims et dans le futur commissariat de Sedan. Par ailleurs, un projet de LRA est à l'étude à Mayotte afin de compléter les capacités sur place, compte tenu de la pression migratoire particulière qui s'exerce sur ce territoire.

Madame la rapporteure spéciale, je veux tout d'abord saluer votre engagement, car je sais combien vous êtes mobilisée sur ces questions. En ce qui concerne les moyens des préfectures, des redéploiements doivent permettre aux services des étrangers en France d'être dotés autant que possible en personnels. S'agissant de l'accès au travail, j'ai moi-même lancé un appel auprès de plusieurs grandes entreprises françaises afin qu'elles recrutent des réfugiés ; je dois dire que ma demande a été très bien accueillie. Ces entreprises sont prêtes à transmettre directement leurs offres d'emploi pour permettre, notamment aux réfugiés en provenance d'Afghanistan, de mieux s'intégrer.

Enfin, nous allons lancer, dans le cadre de la Semaine de l'intégration, la plateforme de parrainage citoyen des réfugiés, dont vous êtes, avec madame Annie Chapelier, à l'origine. La version définitive de cette plateforme sera disponible mi-novembre.

La Commission en vient à l'examen pour avis des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

Article 20 et état B

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la Commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2022.

La réunion se termine à 22 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Mansour Kamardine, M. Rémy Rebeyrotte

Excusés. - M. Éric Ciotti, Mme Lamia El Aaraje, Mme Paula Forteza, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Matras, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Sylvain Waserman

Assistait également à la réunion. - Mme Stella Dupont