Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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  • diplomate
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La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures 30

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, Président.

Examen pour avis de la mission « Action extérieure de l'État »

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Nous poursuivons l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 avec l'examen de trois avis budgétaires.

Les deux premiers portent sur la mission Action extérieure de l'État : Christophe Di Pompeo est rapporteur des programmes Action de la France en Europe et dans le monde et Français à l'étranger et affaires consulaires, Frédéric Petit du programme Diplomatie culturelle et d'influence ainsi que des crédits inscrits au titre de la francophonie. Après la présentation de leur avis, Valérie Thomas présentera le sien qui porte sur les crédits de la mission Aide publique au développement sur lesquels Sébastien Nadot présentera au nom du groupe Libertés et Territoires une contribution écrite. Cet examen est ouvert à la presse.

Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l'étranger et affaires consulaires (M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis)

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Il faut se féliciter du coup d'arrêt donné à la réduction des crédits de la mission Action extérieure de l'État car elle finissait par remettre en question les fondements de l'action diplomatique et la présence même de la France à l'étranger. On avait atteint l'os et on le grattait.

Les moyens en personnel sont stabilisés, voire en légère augmentation, et il en va de même des moyens de fonctionnement de nos postes à l'étranger et de nos investissements immobiliers.

Je note également avec satisfaction que pour conforter son rang mondial, la France augmentera ses contributions volontaires à des organisations internationales géopolitiquement stratégiques pour la paix et la sécurité internationales – opérations de maintien de la paix des Nations unies (OMP), Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) – en réduisant le saupoudrage habituel.

J'invite nos collègues à lire avec la plus grande attention la partie thématique de l'avis de notre collègue Christophe Di Pompeo consacrée à la politique immobilière du ministère, question emblématique de l'ambition internationale de la France. Comme il le montre, la conduite purement financière de la gestion de nos immeubles a fini par aller à l'encontre de notre stratégie diplomatique et de la présence visible de la France dans le monde, sans permettre d'entretenir correctement nos biens.

Jean-Yves Le Drian a tenu à donner un coup d'arrêt à cette politique. Notre rapporteur formule des propositions simples et opérationnelles en vue de mettre notre gestion immobilière à la hauteur de nos ambitions internationales.

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Il me revient, pour la deuxième année consécutive, de vous présenter une partie du budget du Quai d'Orsay, à savoir le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde pour ce qui concerne sa composante diplomatique et le programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires pour sa composante consulaire.

La pandémie mondiale a mis à nu la situation du ministère des affaires étrangères, auquel trop d'efforts ont été demandés, avec aujourd'hui un risque de fragilisation durable. Dans ce contexte, le budget pour 2021 avait mis fin à l'hémorragie vieille de vingt ans dont souffrait le ministère.

Le budget pour 2022, tout en s'inscrivant dans la continuité du précédent, a une ambition plus structurante : il s'agit de remédier aux fragilités accumulées depuis des années. Il reflète le fait que le ministre a non seulement réfléchi au monde d'après mais également à ce que doit être le ministère après cette crise.

Les crédits de la mission Action extérieure de l'État, c'est-à-dire les crédits du Quai d'Orsay hors aide publique au développement (APD), sont restés stables sur toute la durée du quinquennat. En 2022, ils enregistrent une légère hausse de 50 millions d'euros pour atteindre 3 milliards d'euros.

Le programme 105 traduit notamment un effort de rattrapage important sur les soutiens de l'action diplomatique et consulaire qui ont été laissés en déshérence depuis des années.

C'est le cas sur le numérique, avec la poursuite d'une stratégie pluriannuelle dont j'avais souligné l'importance l'année dernière.

C'est le cas également sur la sécurité, avec la poursuite du plan de sécurisation de nos postes face à une menace grandissante.

Et c'est le cas sur l'immobilier, sur lequel je reviendrai plus longuement.

Le programme 151 continuera d'appuyer le soutien aux communautés françaises de l'étranger face aux conséquences de la crise.

Le plan de soutien exceptionnel que nous avions voté en juillet 2020 a pu connaître un retard à l'allumage, mais sa mise en œuvre est aujourd'hui bien engagée. Chaque mois, ce sont plus d'un million d'euros qui sont versés aux Français de l'étranger au titre des aides sociales. Ce plan s'est par ailleurs doublé d'un volet dédié à la vaccination : des dizaines de milliers de doses de vaccins ont ainsi été envoyées à travers le réseau.

Même si la situation s'améliore en France, la crise continue de produire ses effets dans le monde. Nous aurions donc tort de baisser la garde et de diminuer l'aide aux Français en difficulté à l'étranger : c'est pourquoi le budget reconduit les montants votés en 2021 au titre de l'aide à la scolarité et de l'aide sociale.

Je souhaite par ailleurs que les 10 millions de crédits d'aide sociale exceptionnelle qui n'auront pas été consommés fin 2021 puissent être reportés en 2022.

Après les crédits, j'en viens à la question des effectifs. La plus grande surprise de ce budget, c'est la réforme des ressources humaines (RH) annoncée par le ministre. La question des RH sera vraisemblablement la grande priorité des prochaines années.

Si la crise sanitaire n'a montré qu'une chose, c'est que les efforts demandés au ministère en la matière pendant toutes ces années étaient déraisonnables. Dans ce contexte, nous pouvons nous réjouir d'une bonne nouvelle : le programme Action publique 2022 est arrêté. Il faut maintenant envisager le rebond car bon nombre de personnels – je pense en particulier aux secrétaires généraux d'ambassade et aux agents consulaires – sont fatigués et usés par leur charge de travail.

Pour faire un premier pas dans la bonne direction, je propose de rattacher au Quai d'Orsay, de façon pérenne, les quatre-vingt-dix équivalents temps plein (ETP) affectés à la conduite de la présidence française de l'Union européenne une fois celle-ci terminée.

À côté de la question du volume des effectifs, il y a toutes les réflexions qui entourent la gestion des RH. Vous le savez, la réforme de la haute fonction publique a suscité des inquiétudes assez fortes au sein du corps des diplomates.

L'objectif de la réforme, qui consiste à renforcer la parité, la diversité et l'ouverture du ministère, me paraît assez peu contestable. Je crois cependant qu'il faut maintenir un corps de diplomates distinct du reste de la fonction publique de l'État. Être diplomate, ce n'est pas seulement exercer un métier, c'est accepter que ce métier, en raison de toutes les sujétions qu'il comporte, façonne une grande partie de votre vie. C'est d'ailleurs ainsi que tous nos partenaires l'ont considéré, y compris ceux qui, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, sont les plus allergiques à la notion de corps.

Mais cela ne doit pas nous empêcher d'avancer sur d'autres aspects : par exemple, la coexistence de deux corps de catégorie A au sein du ministère ne me paraît pas justifiée.

En parallèle, le Quai d'Orsay a lancé sa propre réforme des RH qui, si elle met de côté la question des corps, poursuit peu ou prou les mêmes objectifs. Ainsi, 30 millions d'euros sont prévus en 2022 pour harmoniser les rémunérations des personnels, renforcer la mobilité et créer une nouvelle école diplomatique et consulaire.

Ces mesures RH sont importantes et j'espère qu'elles marquent le début d'une réflexion que le ministère doit poursuivre au cours des prochaines années. Le Quai d'Orsay aura en effet à affronter plusieurs défis : la pérennisation du télétravail, la redéfinition de la politique de conversion des postes de titulaires en postes d'agents de droit local ou encore la mise en place d'une véritable politique d'évaluation des personnels.

Par ailleurs, je souhaite évoquer un autre sujet auquel je consacre ma partie thématique : l'immobilier. Si j'ai décidé de l'approfondir, c'est qu'il est pour nous une source de préoccupation partagée, tous bords politiques confondus. L'année dernière, Christian Hutin avait ainsi souhaité que soit dressé un panorama des besoins immobiliers, ambassade par ambassade – il est en cours. Michel Herbillon avait regretté la politique consistant à vendre les bijoux de famille. Monsieur le président, vous aviez vous-même appelé à la fin de cette hémorragie suicidaire et criminelle, pour reprendre vos mots.

Au préalable, il est important de souligner que le patrimoine immobilier du ministère a ceci de singulier qu'il se trouve pour l'essentiel à l'étranger : c'est tout à fait logique puisqu'il héberge nos 162 ambassades, nos 210 consulats et tout ce que nous comptons d'établissements culturels et scolaires.

Ce parc immobilier a plusieurs caractéristiques, avec une seule et même conséquence : sa gestion ne peut reposer uniquement sur des critères économiques, comme des ratios d'occupation de surface.

D'abord, ce patrimoine n'est pas seulement un outil de travail, c'est aussi un lieu de vie et un outil diplomatique majeur au service de notre influence.

Ensuite, la gestion du parc est entravée par des spécificités locales. On ne peut pas gérer nos biens à l'étranger comme on le ferait en France. Un exemple : le Palais de France à Istanbul, qui résulte d'une donation d'un sultan, a pour particularité d'être incessible. On pourrait vouloir le vendre : il serait automatiquement récupéré par la Turquie.

Enfin, c'est un patrimoine qui a besoin d'être sécurisé. Or, lorsque l'on construit des emprises capables de résister à des explosions, le coût n'est évidemment pas le même.

Malheureusement, le ministère a subi pendant des années une politique immobilière aussi inadaptée qu'insoutenable. Faute d'obtenir les crédits nécessaires, il a en effet dû vendre une partie de son patrimoine pour financer l'entretien et les évolutions d'un parc qui se réduisait comme peau de chagrin. Cette politique a évidemment eu des conséquences néfastes. L'état d'entretien du parc en a énormément souffert. La directrice de l'administration consulaire parle par exemple de délabrement pour évoquer l'état de certains consulats, qui sont souvent la première chose que les étrangers voient de notre pays.

C'est dans ce contexte assez déplorable que le ministre a engagé début 2020 un vaste plan de rattrapage sur l'immobilier. Le retard est estimé aujourd'hui à 400 millions d'euros.

Ce plan se décline en France, avec notamment un chantier de modernisation du site du Quai d'Orsay.

Des dizaines d'opérations sont par ailleurs en cours à l'étranger. Je suis notamment allé à Vienne où une opération évaluée à 4,8 millions d'euros a été lancée. L'idée, dans les grandes lignes, est de rassembler, sur un même site, différents services actuellement dispersés dans la ville afin de renforcer les synergies entre eux.

Le ministère a au final beaucoup de retard à rattraper. Mais pour y parvenir, il faudra consolider davantage la politique immobilière, ce qui implique d'améliorer la connaissance du parc à l'étranger : c'est un préalable à toute stratégie.

Il faudra aussi élaborer des schémas de stratégie immobilière pays par pays, qui sont d'autant plus intéressants et utiles que le ministère a récupéré récemment l'ensemble du patrimoine de l'État à l'étranger.

Il faudra également professionnaliser la fonction immobilière. Une opération aussi lourde que celle envisagée à Vienne ne peut se faire sans un accompagnement professionnel sur place qui fait la plupart du temps défaut aux ambassades.

Le nerf de la guerre, ce sera néanmoins la capacité à maintenir l'augmentation des moyens consacrés à l'immobilier. S'ils ont augmenté ces dernières années, ils n'atteignent pas encore le niveau des besoins identifiés par le ministère à 80 millions d'euros chaque année pendant cinq ans pour rattraper le retard.

De ce point de vue, le projet de budget pour 2022 est une source de satisfaction : les moyens consacrés à l'entretien lourd augmentent de 36 millions d'euros pour atteindre 77 millions d'euros. Nous ne sommes donc plus très loin des 80 millions d'euros nécessaires.

La seule déception, et je sais que celle-ci est partagée par le ministère lui-même, est que les autorisations d'engagement (AE) aient été fixées en équivalence avec les crédits de paiement (CP). C'est méconnaître le caractère intrinsèquement pluriannuel de la politique immobilière.

Or, ce n'est qu'en renouant avec une vision de long terme que le ministère pourra retrouver un immobilier à la fois digne pour les personnes qui y travaillent et fidèle à l'image que notre pays souhaite renvoyer à l'étranger.

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Ce rapport, très intéressant, donne le sentiment que l'on a mis un terme à de nombreux errements.

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Ce budget est un peu celui de la renaissance : le grand ministère des affaires étrangères va enfin disposer d'un peu plus de moyens !

S'agissant de l'aide sociale aux Français de l'étranger, il faut que nous soutenions tous la proposition de reporter sur 2022 les crédits non consommés en 2021. Un million d'euros y est consacré par mois, pour un budget initial de 50 millions d'euros au total : nous sommes donc loin de la somme disponible. Or certains de nos compatriotes se trouvent en très grande difficulté. Je pense notamment aux entrepreneurs, qui sont le dernier maillon d'une chaîne de valeur qui commence en France où certaines PME pourraient, par ricochet, se trouver fragilisées.

En matière de ressources humaines, le recours de plus en plus fréquent aux contrats locaux dans nos postes pourrait, à terme, mettre en danger la sécurité de ceux-ci. C'est un point de vulnérabilité. Faisons attention à la manière dont nous recrutons nos agents de droit local : sans faire comme les Américains qui emmènent tout leur personnel avec eux, il faut trouver un juste milieu.

S'agissant de nos personnels dans les postes diplomatiques, qui ont été durement affectés par la crise sanitaire, on arrive au bout d'une logique consistant à réduire toujours plus les effectifs, ce qui est une bonne chose.

S'agissant des programmes 105 et 151, un collectif de diplomates et de fonctionnaires du ministère a dénoncé anonymement au mois de mai dernier, dans Le Monde, leurs conditions d'exercice et défendu les postes des agents. Le Gouvernement a lancé au mois de juin dernier un grand questionnaire, et 7 300 d'entre eux sur 13 000 ont répondu. Monsieur le rapporteur, avez-vous eu des échos de cette consultation interne ? Comment expliquez-vous que nos diplomates n'aient pas saisi l'occasion d'exprimer leurs idées et leurs besoins ?

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Je trouve particulièrement pertinents les éléments relatifs aux réformes en cours au Quai d'Orsay en matière de ressources humaines, notamment en ce qui concerne la haute fonction publique. Cela me donne l'occasion, au nom de mon groupe, de rendre hommage à l'ensemble des agents du ministère des affaires étrangères, qui symbolise la présence de la France à l'étranger et qui assure la qualité de notre réseau diplomatique.

En cette fin de quinquennat, il était temps qu'on nous présente un budget de renaissance ! Nous aurions souhaité que cela se produise plus tôt. Alors que des efforts trop importants ont été demandés au ministère en matière de ressources humaines, nous nous réjouissons qu'il soit mis un coup d'arrêt à cette politique. De même, je suis heureux de voir évoluer la politique immobilière du Quai d'Orsay que je dénonce depuis 2017.

Un arbitrage est en cours à Matignon pour savoir si le Quai d'Orsay doit rembourser tout – soit 26 millions d'euros – ou partie du coût de l'opération Apagan au ministère des armées : comment se déroule-t-il et quand interviendra-t-il ?

Si le projet de loi de finances pour 2022 prévoit 77 millions d'euros pour la maintenance lourde des postes à l'étranger, cette enveloppe est cependant inférieure de 8 millions d'euros aux besoins estimés qui s'élèvent à 85 millions d'euros. Peut-on enfin évaluer le coût total de la remise à niveau du parc immobilier ? Il faut maintenir, entretenir, rénover et sécuriser notre patrimoine. Les 400 millions d'euros sur cinq ans seront-ils suffisants ?

La politique de conversion de titulaires en agents de droit local aura-t-elle des effets sur la sécurité, notamment sur celle des ambassades à l'étranger qui repose en large partie sur des sociétés de gardiennage qui même si elles sont le plus souvent supervisées par des policiers et par des gendarmes présentent des risques en la matière ?

Le coût de cette externalisation est passé de 2 millions d'euros en 2007 à 19 millions d'euros en 2021. Quels risques sécuritaires avez-vous pu identifier ? Ont-ils été suffisamment pris en compte ? Quelles économies a-t-elle permises ?

Appelez-vous à une simple correction du système ou à une remise en cause totale du recours aux agents de droit local ?

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Le projet de loi de finances pour 2022 affiche une hausse très significative, de plus de 45 millions d'euros, des moyens permettant de déployer l'action extérieure de l'État qui se trouve au cœur de notre stratégie européenne et internationale.

Notre groupe se réjouit de l'effort exceptionnel consenti en faveur du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde qui, avec plus de 1,8 milliard d'euros, voit ses crédits progresser de 1,7 % en 2022.

Alors que les crises se multiplient dans le monde, de nouveaux enjeux prioritaires émergent et nécessitent une mobilisation accrue du ministère et du réseau diplomatique. Lutte contre la menace terroriste, gestion des crises en Méditerranée, au Moyen-Orient et au Sahel, prolifération nucléaire, voilà autant de défis que nous devrons relever dans les prochaines années. Les crédits inscrits en 2022 permettront précisément de poursuivre nos actions en faveur du renforcement de la sécurité internationale, mais également de celle de nos concitoyens.

Face à la menace terroriste, une part importante des crédits sera consacrée aux actions de formation et de coopération, avec 36,3 millions d'euros, aux actions sécuritaires menées par le centre de crise et de soutien, avec 4,1 millions d'euros et à la sécurisation des implantations françaises, avec 68,2 millions d'euros.

Si nous souhaitons garantir l'efficacité de notre action à l'échelle européenne et mondiale, celle-ci doit également s'inscrire dans une logique multilatéraliste. C'est pourquoi les contributions européennes et internationales occupent une place centrale dans le budget 2022 : plus de 269 millions d'euros seront ainsi consacrés au profit des OMP, essentielles au renforcement de la sécurité internationale et à la promotion du multilatéralisme.

Afin d'assurer l'efficience et la qualité de notre service diplomatique, le budget 2022 prévoit de renforcer les moyens permettant de mettre fin au délitement des effectifs du ministère. Dans ce cadre, un ambitieux plan de modernisation de 30 millions d'euros sera mis en œuvre tandis que la montée en puissance des moyens alloués à l'entretien de l'immobilier à l'étranger se poursuivra.

Le groupe Dem tient également à saluer la trajectoire budgétaire fixée pour 2022 au titre du programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires, qui avec plus de 374 millions d'euros voit ses crédits augmenter de 0,5 %. Cette hausse permettra de poursuivre la politique que nous menons à l'international. Alors que les agents ont été fortement mobilisés aux côtés de nos concitoyens au cours de la pandémie, le budget 2022 assurera le maintien de nos engagements.

Par ailleurs, et alors que de nombreuses familles ont vu leurs revenus affectés par la crise, les crédits inscrits pour 2022 permettront de reconduire les moyens dédiés aux aides à la scolarité.

Enfin, alors que 2022 sera une année électorale chargée, pour la première fois les résidents à l'étranger pourront voter par internet aux élections législatives. Notre groupe salue cette initiative qui constitue une avancée majeure en termes d'amélioration de l'offre consulaire.

Il soutiendra donc ce budget qu'il juge équilibré et émettra un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

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Il conviendrait d'augmenter substantiellement les crédits de protection et d'action sociale pour faire face aux conséquences de la covid-19.

En effet, si le projet de loi de finances pour 2021 avait procédé à une augmentation de 2,9 millions d'euros des crédits de l'aide aux personnes au travers des conseils consulaires pour la protection et l'action sociale (CCPAS), qui atteignaient ainsi 16,2 millions d'euros, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit, quant à lui, une baisse de 1 million d'euros de la dotation aux CCPAS, qui passera à 15,1 millions d'euros. Or ces montants ne sont pas suffisants dans la mesure où ils ne permettent pas d'augmenter le nombre de destinataires de ces soutiens mais seulement le montant dévolu aux personnes annuellement soutenues – évaluées à 4 000.

Par ailleurs, pour éviter que la crise du coronavirus n'entraîne une contraction et une baisse de la présence des Français à l'étranger, il conviendrait d'adapter plus largement les soutiens financiers aux familles tels que les bourses pour frais de scolarité du programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires.

S'agissant de ces crédits, soulignons que la surbudgétisation constatée ces dernières années n'est pas due à une raréfaction des besoins ou à une baisse de la demande mais à une réforme et à des pratiques administratives qui conduisent à refuser les bourses ou à dissuader les demandeurs de déposer un dossier.

Peut-être faudrait-il demander à la Cour des comptes un audit sur la gestion de ces aides et des bourses de scolarité de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ?

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Avec ce projet de loi de finances, nous franchissons une étape importante pour la place de la France dans le monde : nous renforçons nos outils d'influence transfrontaliers entre autres par une augmentation de nos contributions volontaires au bénéfice des organisations internationales.

Ce grand dessein passera également par un soutien accru aux campus franco- étrangers ainsi qu'aux industries culturelles et créatives qui font chaque jour rayonner les sensibilités et les savoir-faire français.

Nous continuerons de soutenir les 3,5 millions de Français qui vivent à l'étranger comme nous l'avons fait aux heures les plus difficiles de la pandémie, notamment en maintenant le niveau des bourses accordées par l'AEFE, en développant l'accompagnement scolaire des enfants en situation de handicap et en prévoyant les crédits nécessaires à l'organisation des élections présidentielle et législatives de 2022. Les Françaises et les Français concernés pourront voter de manière électronique lors des élections législatives.

Nous remercions l'ensemble des agents consulaires et diplomatiques mais également les élus des Français de l'étranger, encore trop souvent oubliés, pour leur engagement auprès de nos compatriotes, dans un contexte sanitaire et sécuritaire très souvent difficile.

Enfin, nous maintiendrons un rythme rapide dans la transformation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères par la numérisation des services et par la remise à niveau du parc immobilier.

Nous nous engageons dans un effort constant pour la mobilité, la valorisation et la formation et l'action sociale en faveur de ceux qui défendent la France et ses valeurs dans le monde.

En conséquence, le groupe Agir ensemble soutiendra bien évidemment la répartition des crédits alloués à la mission Action extérieure de l'État.

S'agissant du service public consulaire en tant que tel, comment déployer encore davantage de proximité ? Sur le terrain, nos compatriotes résidant à l'étranger voient en effet les consulats comme des bunkers dans lesquels il est difficile d'entrer. Ne peut-on imaginer partout des permanences consulaires qui permettraient au personnel d'aller à leur contact afin de leur faciliter la vie ? Mon collègue Alexandre Holroyd avait par exemple relevé que des milliers de passeports étaient en attente : où en est ce contingent ?

Ne peut-on pas déployer davantage de moyens en faveur de nos consulats qui sont à l'os ?

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Nous assistons à une stabilisation budgétaire après une hausse en 2021 : le massacre du ministère des affaires étrangères est loin d'avoir été réparé !

La communication de Jean-Yves Le Drian repose depuis 2021 sur sa capacité à avoir mis fin à l'hémorragie. Or il ne faut pas laisser croire que cela serait suffisant alors que le problème est structurel et n'a pas été réglé depuis quatre ans.

Le ministère des affaires étrangères a subi la pire cure d'austérité de tous les ministères : il a perdu 53 % de ses effectifs en trente ans, dont 15 % depuis 2006, soit 2 400 postes. Les effectifs du réseau de la coopération culturelle ont le plus souffert. Géographiquement, c'est la zone Afrique-océan Indien qui a été la plus sévèrement touchée alors qu'elle devrait être considérée comme une priorité stratégique pour la France.

Après 2021, c'est la seconde fois depuis le début du quinquennat que les crédits alloués au Quai d'Orsay échappent au rabot. Le programme Action publique 2022, qui prévoyait une baisse de 10 % de la masse salariale des 20 000 personnels de l'administration en poste à l'étranger devant être assumée aux deux tiers par le Quai d'Orsay, est, de fait, abandonné, ce qui est plutôt une bonne chose. Si un coup d'arrêt a été également donné au bradage des biens immobiliers du réseau, il n'y pas de remise à niveau. Le processus permettant de réparer le massacre qui a été commis n'est pas enclenché.

Nous restons très en colère face à ce manque de volonté politique à l'égard de notre corps de diplomates. Or quand on affaiblit les capacités diplomatiques, c'est la politique qui recule. C'est par d'autres moyens que les relations internationales s'établiront. Il faut au contraire renforcer notre corps de diplomates et mettre fin à sa saignée.

Nous ne sommes donc pas d'accord avec le choix budgétaire qui a été fait.

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Nous avons bien noté que les hausses des crédits bénéficiaient principalement aux programmes 105 et 185, et de façon inédite, en bonne partie aux personnels du ministère, tandis que les moyens du programme 151 restaient plus ou moins stables.

Il apparaît également que la France est passée du sixième au dixième rang dans le classement des contributeurs internationaux, ce qui prouve bien que le niveau des contributions volontaires pour 2022 peut interroger. Il reste relativement faible par rapport au volume des contributions obligatoires. Pensez-vous qu'une réflexion soit engagée afin de faire en sorte que les organisations internationales soient moins dépendantes des contributions volontaires des États ?

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En effet, on ne revient pas dans ce budget sur les 53 % de baisse mentionnés par notre collègue Clémentine Autain : en l'occurrence, le « redressement » de l'emploi porte sur quarante-trois personnes, dont trois régularisations, les quarante autres résultant d'un effet d'aubaine sur les apprentis. Il s'agit donc davantage d'une stabilisation, la renaissance interviendra aux cours des cinq ans de plus auxquels nous aspirons tous…

(Sourires.)

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Dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, faut-il oui ou non maintenir le statut du corps des diplomates ? L'équilibre n'a pas encore été trouvé et les diplomates sont un peu en retrait par rapport à cette même réforme.

Selon moi, il faut aborder le sujet d'une manière un peu différente : chacun doit regarder devant sa porte. Le corps des diplomates, qui a été à la tête de la gestion du Quai d'Orsay au cours des vingt dernières années, a en effet réussi à préserver ses effectifs au détriment des métiers dits périphériques, qui, eux, ont été sacrifiés. D'où le massacre des coopérants dans le domaine culturel et les difficultés s'agissant des attachés innovation et des services scientifiques. Le dialogue qu'il faut engager aujourd'hui doit renforcer l'ouverture et les échanges. Faut-il ou non supprimer le corps ? C'est une vraie question. Je n'en suis pas certain. Ce serait une exception française, difficile à gérer sans doute dans la durée.

Il faut également donner au Quai d'Orsay la capacité de préserver et de développer ses différents métiers : si l'on cible tout sur celui de diplomate, et que l'on ne les structure pas notamment dans le domaine du développement ou de l'influence, on aura beaucoup perdu.

De ce point de vue, un meilleur travail collectif de coordination et de réflexion est nécessaire au sein du Gouvernement et de la majorité sur ce sujet sensible.

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Ce n'est pas du tout un budget de renaissance : c'est un coup d'arrêt à un massacre. Si je me réjouis d'un tel changement, ce n'est pas ainsi que l'on va redresser notre outil diplomatique. Regardez donc ce que font nos concurrents, les Britanniques, les Allemands, sans parler des Chinois ni des Américains.

On a, d'un côté, de grandes déclarations de politique étrangère et la vocation de mener une politique mondiale, et, de l'autre, un rétrécissement total de notre outil diplomatique, qui n'a pas les moyens de la mettre en œuvre. Ce budget traduit donc une stabilisation, et c'est mieux que rien, mais en aucun cas un rattrapage.

Par ailleurs, la politique d'externalisation des contrats locaux est une catastrophe en termes de sécurité, d'influence et d'espionnage – plusieurs ambassadeurs me l'ont expliqué à mots couverts. Ils ne maîtrisent absolument pas ces recrutements. Dans un pays d'Europe de l'Est, les contrats locaux étaient ainsi des agents d'influence de la Chine… Certes, cela permet au ministère de « gagner » des postes, mais c'est une politique à courte vue et dangereuse.

S'agissant de l'action sociale, avec la crise du Covid, les Français de l'étranger, et notamment les entrepreneurs, ont été confrontés à des difficultés beaucoup plus importantes que nos compatriotes de métropole. La proposition de notre collègue visant à reporter les crédits non consommés est bien sûr la bienvenue car ils se heurtent en outre, en matière de bourses scolaires, à une bureaucratie incroyable. C'est inadmissible !

Comment ne pas s'interroger alors qu'il ne s'agit que de 100 ou 200 millions d'euros de plus pour notre outil diplomatique, alors que sur d'autres budgets on est capable d'un trait de faire beaucoup plus. On va mettre ainsi 10 milliards d'euros sur la table pour l'Union européenne.

Je ne voterai pas ce budget.

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A-t-on déjà une idée du sort des futurs fonctionnaires et agents du Quai d'Orsay après la suppression de l'École nationale d'administration (ENA) et la création du futur Institut du service public (ISP) ?

Pour ce qui est de la stabilisation ou de la renaissance, je suis tenté de dire, paraphrasant un grand diplomate et écrivain, que c'est au mieux la promesse d'une aube.

(Sourires.)

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Ce qui a été dit révèle vraiment un problème d'équilibre entre agents locaux et agents nationaux issus de la fonction publique française : comment le percevez-vous, monsieur le rapporteur ?

Jacques Maire et Didier Quentin se sont interrogés sur l'avenir du corps des diplomates. Didier Quentin a notamment évoqué le remplacement de l'ENA par l'Institut national du service public. Mentionnons également l'ordonnance du 2 juin dernier portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique.

Selon moi, il convient de trouver un équilibre entre deux exigences très fortes : l'exigence de mobilité, qui évite aux diplomates de s'enfermer dans une fonction trop spécialisée, et l'exigence de spécialité, car la diplomatie, c'est un métier, comme le disait un ancien président de la République à propos de la politique.

Je ne suis pas sûr qu'un bouleversement complet était nécessaire pour améliorer les choses. J'ai l'impression que l'on cherche à tâtons, et certains d'entre vous ont fait allusion aux réactions des diplomates.

Vous avez fait une analyse très intéressante de certains aspects de la question aux pages 18 et suivantes de votre rapport, monsieur le rapporteur pour avis, mais vous l'avez peu abordée dans votre présentation orale. Quelles sont vos appréciations à ce sujet ?

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Au cours des nombreuses auditions que j'ai menées pour élaborer mon rapport pour avis, j'ai senti que les agents du ministère voulaient garder leur spécificité et tenaient à l'existence d'un corps de diplomates. On n'est pas diplomate comme on est agent d'un autre ministère. Être diplomate, c'est d'abord un choix de vie. Lorsqu'ils partent à l'étranger, les agents entraînent avec eux leur famille et s'exposent parfois à des situations difficiles, voire dangereuses. C'est davantage un sacerdoce qu'une mission de service public normale.

Le corps des diplomates n'est pas le seul à présenter une spécificité ; je fais souvent le parallèle, à tort ou à raison, avec le corps préfectoral. En tout cas, les agents du ministère veulent rester diplomates ; ils ne veulent pas être assimilés dans une grande fonction publique, qui gommerait dans une certaine mesure leur spécificité.

Il y a effectivement un problème de mobilité, monsieur le président : les diplomates quittent très peu le ministère des affaires étrangères car ils ont beaucoup de mal à y revenir une fois qu'ils l'ont quitté. Il conviendrait de travailler sur les passerelles entre les différents ministères, afin que les diplomates puissent travailler dans d'autres ministères, ce qui enrichirait leurs carrières.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué la question des agents de droit local (ADL). Il est exact qu'au cours des dernières années, un nombre croissant d'ADL ont été affectés sur divers postes dans les ambassades et les consulats. Cela pose des problèmes de sécurité, sachant qu'un ADL ne peut pas avoir accès à toutes les informations traitées dans une ambassade ou un consulat. L'année dernière, pendant la crise sanitaire, les ADL n'ont pas pu être mobilisés, tout simplement parce qu'ils n'avaient pas accès à certains outils informatiques. Selon moi, on est allé au bout de ce qu'on appelle l'ADLisation. Il faut de nouveau privilégier l'affectation de fonctionnaires ou d'agents de droit français dans les ambassades et les consulats.

Clémentine Autain, Nicolas Dupont-Aignan et, dans une moindre mesure, Jacques Maire ont contesté l'expression « budget de renaissance » employée par Anne Genetet. J'en conviens, c'est plutôt un budget de rebond qu'un budget de renaissance.

Vous l'avez dit, monsieur le président, le ministère a été pendant des années rongé jusqu'à l'os. Le programme Action publique 2022 a eu des effets terribles. Malheureusement, le ministère a été un bon élève : 80 % des réductions d'effectif ont eu lieu au cours des dernières années. C'est pour cette raison que je propose, en plus des 30 millions d'euros supplémentaires consacrés aux ressources humaines à l'initiative du ministre, de pérenniser les 90 ETP prévus pour la présidence française de l'Union européenne.

Ce budget amorce le rebond, ce qui est bien préférable à une application du programme Action publique 2022 jusqu'à son terme. Si on l'avait fait, on aurait atteint la moelle, car il n'y a plus rien sur l'os. L'exercice est allé trop loin, le constat est partagé.

Anne Genetet et Alain David ont évoqué l'action sociale exceptionnelle. Le budget dédié est important, puisqu'il atteint 50 millions d'euros, et je propose le report de 10 millions d'euros. Alain David a mentionné des difficultés pour obtenir les aides. Je me suis rendu plusieurs fois sur le terrain et je ne pense pas qu'il y ait de difficultés techniques : tous les dossiers déposés sont instruits correctement par les postes. Les agents établissent un rapport humain ; ils s'intéressent à nos ressortissants et s'attachent à ce qu'ils vivent mieux.

Anne Genetet s'est étonnée que les agents se taisent ou refusent de répondre à un questionnaire, alors qu'ils se plaignent souvent de ce qu'ils ont ou de ce qu'ils font lorsqu'on les auditionne ou qu'on les voit en tête à tête. À cela je répondrais que c'est un corps, avec ses règles. Même s'ils se plaignent, les agents sont conscients de leur mission et ont le sens du sacrifice.

Par ailleurs, de nombreux agents sont en souffrance lorsqu'ils sont en poste à Paris, les salaires versés par le ministère n'étant pas à la hauteur requise pour une vie parisienne. C'est un vrai problème, d'où les 30 millions d'euros annoncés par le ministre pour remettre à niveau le salaire de certaines catégories.

J'ai aussi rencontré des agents en poste à l'étranger qui avaient des difficultés financières. Certes, ils touchent alors une indemnité, mais celle-ci ne compense pas toujours la baisse de revenus consécutive à la perte d'emploi du conjoint. Surtout, il y a le problème des frais de scolarité. Nous devrions nous interroger sur la prise en charge des frais de scolarité pour les agents en poste à l'étranger, car c'est un facteur de paupérisation et un frein supplémentaire.

Monsieur Herbillon, l'opération d'évacuation d'Afghanistan a effectivement coûté 26 millions. La somme a été payée par le ministère des armées, qui en réclame le remboursement au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. On attend l'arbitrage du Premier ministre.

En matière d'immobilier, le ministère dispose désormais d'un service structuré, dont la directrice a l'expérience de la gestion du patrimoine du ministère des armées. Le travail de recensement et de programmation des besoins est en cours. L'investissement nécessaire pour remettre le parc immobilier à niveau est estimé à 400 millions d'euros, ce qui n'est pas rien.

Pendant des années, on a vendu les bijoux de famille, comme l'a dit l'un d'entre vous, sans que le ministère récupère le produit des ventes. Pour l'entretien lourd des bâtiments, un effort a été fait : les crédits dédiés s'élèvent désormais à 77 millions d'euros.

Le ministère doit tenir compte de contraintes spécifiques, notamment de sécurité. Dans certains pays, ne l'oublions pas, les conditions de vie et de travail sont difficiles. L'ambassade est alors au cœur de la vie des agents et des ressortissants français. Les ambassades doivent alors être non seulement de beaux outils de travail, mais aussi de beaux lieux de vie.

Le besoin de sécurité est constant, les postes étant exposés à divers risques : risque terroriste, risques d'espionnage, risque qu'une manifestation dégénère, ce qui s'est produit à certains endroits. Les postes font appel à des sociétés de gardiennage privées pour épauler les policiers et les gendarmes. Cela a un mérite : on peut ainsi adapter le niveau de sécurité au risque, par nature évolutif, qui est réévalué chaque année pour tous les postes par le Quai d'Orsay. Autrement dit, les sociétés privées sont des variables d'ajustement.

Au fil des ans, l'AEFE a constitué une soulte de 70 millions d'euros. Le ministère demande que cette somme soit remise dans le circuit pour être distribué sous forme de bourses.

S'agissant des contributions aux organisations internationales, évoquées par Michel Fanget et Jean-François Mbaye, il y a une volonté de remettre les choses à plat et de mettre fin au saupoudrage. La baisse des contributions obligatoires – leur montant ne dépend pas de nous, puisqu'il résulte de l'application de barèmes – a été compensée par une augmentation des contributions volontaires.

Monsieur Quentin, on ignore ce qu'il adviendra du corps des diplomates ; rien n'est arrêté à ce stade. On sent qu'il y a une volonté de réforme, mais aussi une volonté de garder la spécificité du corps des diplomates. Tant que rien n'est arrêté, les choses peuvent demeurer en l'état.

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Peut-être notre commission pourrait-elle peser sur cette question ? Il serait précieux de réaffirmer la nécessité absolue de maintenir un corps de diplomates. Je le dis non seulement pour défendre le métier, mais aussi pour que l'on préserve leur indépendance politique. Si ce corps perd sa spécificité et se fond dans un ensemble plus vaste d'agents mobiles, notre outil diplomatique risque de dériver, au fil des alternances, vers un système à l'américaine ; c'est un danger majeur. Or, quelles qu'aient été les alternances et malgré les préférences des uns ou des autres, les diplomates ont continué à faire entendre une voix de la France très digne et équilibrée.

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Bien évidemment, nous avons les uns et les autres une approche différente selon notre sensibilité politique : certains parlent d'une renaissance ; d'autres, d'un arrêt du massacre. Chacun constate en tout cas que ce budget interrompt un certain nombre d'errements qui ont marqué les dernières années. À cet égard, je tiens à souligner le rôle de notre commission, qui a fait valoir qu'on ne pouvait pas continuer de la sorte. Ce combat a été très solidement mené par Marielle de Sarnez ; je l'ai relayé et tous les groupes représentés au sein de la commission l'ont soutenu.

Nous avons le sentiment, souvent justifié, de ne pas avoir de pouvoir et d'être peu écoutés. Toutefois, en l'espèce, la pression exercée par notre commission et de celle du Sénat sous l'autorité de M. Cambon a eu selon moi une part très importante dans la détermination de M. Le Drian à en finir avec ces dérives, qui étaient devenues tout à fait insupportables. Il est bon de relever collectivement les motifs de satisfaction, lorsqu'ils existent.

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Je me félicite de l'attitude globale de la commission, qui a effectivement agi dans ce sens, sous l'autorité de Marielle de Sarnez puis sous la vôtre. Je rappelle néanmoins que le premier groupe d'opposition, auquel j'appartiens, n'a cessé de dénoncer la situation, y compris au cours du précédent quinquennat. Lorsque nous avons exprimé cette position au début de la présente législature, nous n'avons pas toujours été entendus ; nous avons même été fustigés par nos collègues de la majorité.

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Loin de moi l'idée de sous-estimer les différences de sensibilité et d'attitude des membres de la commission. Néanmoins, sur ce point précis, la commission a tenu ces dernières années un discours collectif, qui s'est révélé efficace. Si elle n'avait pas avec constance, au cours des derniers exercices budgétaires, marqué son exaspération devant les dérives observées, ce budget n'y aurait sans doute pas mis un terme. Cela ne signifie pas que nous avons tous eu le même degré de sévérité, d'enthousiasme ou de mobilisation. C'est l'affaire de chaque groupe, et je vous donne bien volontiers acte, monsieur Herbillon, de la vigueur du groupe auquel vous appartenez.

Diplomatie culturelle et d'influence - Francophonie (M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis)

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Nous en venons à l'examen des crédits relatifs à la diplomatie culturelle et d'influence et à la francophonie. Le budget qui nous est présenté est en hausse, essentiellement pour les établissements d'enseignement français à l'étranger – qui nous préoccupent beaucoup –, les bourses pour étudiants en mobilité internationale et les crédits d'intervention des postes.

Selon vous, monsieur le rapporteur pour avis, nous pouvons surtout nous réjouir que nos réseaux culturel et d'enseignement aient relativement bien résisté à la pandémie de covid-19. L'accueil du public a pu reprendre. La crise sanitaire s'est toutefois fait durement sentir sur le plan financier : de très nombreuses familles ne peuvent plus acquitter les frais de scolarité ou le paiement de cours de langue ; le mécénat s'est contracté. Cette crise a néanmoins permis de réorienter notre diplomatie culturelle vers le numérique. Vous ne cessez de le rappeler – c'est même votre dada –, plus que les crédits, c'est l'amélioration du pilotage et de l'animation de nos réseaux qui permettront de renforcer notre diplomatie d'influence.

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Je vous présente mon cinquième rapport pour avis à ce sujet. Pour montrer la logique de ces cinq années, je vous renvoie à deux diapositives que je vous avais projetées il y a trois ans. Mon idée, ou mon dada, comme l'a dit le président, est de passer d'une vision de la diplomatie dans laquelle les acteurs sont très regroupés, où certains sont dans la lumière mais de nombreux autres restent dans l'ombre, à une vision dans laquelle l'État est un animateur de réseaux, où l'on s'efforce de mettre en lumière toutes les actions et de les inscrire dans une logique. J'avais mis en évidence les points sur lesquels il convenait de travailler, notamment le réseau éducatif et le réseau de l'AFD.

On a beaucoup progressé, et je tiens à délivrer un satisfecit, comme je l'ai fait dans mon rapport. Je me rappelle notamment les remarques de Bérengère Poletti concernant les divergences, voire les frontières, qui pouvaient exister entre un ambassadeur et un responsable chargé de l'aide publique au développement. Nous constatons tous sur le terrain que ce problème a presque disparu, en tout cas que les choses s'améliorent.

Dans la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, magnifique texte, nous avons introduit un certain nombre d'acteurs, notamment dans le Conseil du développement – souvenez-vous des nombreux amendements portant sur sa composition. Le ministère a compris comme nous que l'influence se partage. D'ailleurs, à l'expression « diplomatie d'influence », je préfère celle de « diplomatie de métiers », étant entendu qu'il s'agit des métiers qui ne sont pas celui de diplomate.

Au niveau de l'État et de l'exécutif, il y a des signes importants d'évolution dans ce sens, qui ne sont pas seulement budgétaires. Je vous renvoie une nouvelle fois au discours prononcé par le Président de la République en 2019 devant la conférence des ambassadeurs, dans lequel il a évoqué le « généraliste » et les « spécialistes », le diplomate de métier étant en quelques sorte un chef d'orchestre en face de virtuoses. Comme nous l'avions relevé avec Jean François Mbaye lorsque nous avons évoqué la diplomatie de la forêt, cela n'aurait aucun sens d'affecter un diplomate de la forêt pour seulement trois ans dans un pays, car il faut avoir du métier, et les arbres mettent du temps à pousser.

Je me félicite des progrès de certains opérateurs. Conformément à nos vœux, l'Institut français a fait sa mue : il y a désormais une direction du réseau à l'Institut français à Paris. Il convient de le saluer. Quant aux alliances françaises, elles ont fait, depuis le début de la crise, un travail extraordinaire pour se restructurer ; il y a désormais des responsables élus pour chaque région du monde.

Dans le cadre de mon travail de rapporteur pour avis, je suis retourné cette année au Liban, où je m'étais rendu en 2017. J'y ai trouvé une diplomatie de métiers très cohérente, avec des agents qui s'appuient sur des réseaux. Le travail en réseau est désormais naturel pour eux.

Le conseiller de coopération et d'action culturelle adjoint a créé un site internet, qui recense sur une carte du Liban tous les réseaux éducatifs francophones : les écoles conventionnées, notamment les nombreux lycées français ; les écoles francophones ayant obtenu le label de certification des enseignants en langue française (CELF) ; les réseaux d'établissements chrétiens. On voit qu'il s'est posé le problème de manière assez intéressante.

L'ambassade et l'Institut français du Proche-Orient (IFPO), l'un de nos plus importants instituts de recherche à l'étranger, soutiennent un architecte libanais qui a fondé une association travaillant sur la reconstruction du quartier du port. Reconstruire ce quartier, ce n'est pas seulement refaire les maisons, c'est aussi préserver le patrimoine et, au-delà, faire en sorte que les habitants y reviennent. D'où l'importance d'une réflexion sociologique ; il ne faut pas faire des opérations immobilières. Voilà ce pour quoi cet architecte se bat, et l'un des directeurs de l'IFPO a pris l'initiative de travailler avec lui, car il a compris que la France se devait d'être présente sur cette question.

L'Institut français du Liban a lancé un programme intitulé Nafas – respiration, en arabe –, qui a permis à une centaine d'artistes libanais d'aller respirer en France. Il s'agit de bourses pour une résidence de trois mois auprès d'artistes français – qu'il a été assez facile de trouver, la solidarité s'est exprimée. Ce programme, qui n'a pas coûté très cher, a été imaginé par le terrain pour le terrain. D'après ce que m'a dit un galeriste libanais qui en a bénéficié, la France n'a jamais rien fait de mieux. Au passage, je vous invite à aller voir l'exposition « Lumières du Liban » à l'Institut du monde arabe.

Comme vous avez pu le lire dans mon rapport, une question importante va se poser à nous, celle de notre présence en Syrie. Elle sera soulevée plus rapidement par la diplomatie d'influence ou de métiers que par la diplomatie officielle. En effet, il y a encore en Syrie des salariés locaux de l'IFPO et un lycée français à Damas, qui a perdu son homologation.

Pour terminer, je reviens sur quelques recommandations que j'ai formulées dans mon rapport.

Nous devons faire un point d'étape sur le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Cet outil transversal, qui manquait au ministère, est plébiscité par les postes. Il convient désormais de le transformer de façon à mieux l'articuler avec les autres projets.

Nous avons besoin d'un outil de coordination pour la diplomatie universitaire et de recherche. Comme je l'ai dit dans l'hémicycle et dans ma contribution écrite à propos du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, il faut casser cette idée selon laquelle on soutient la recherche en France mais on saupoudre les crédits à l'étranger.

Nous devons nous pencher sur le volontariat international. Une centaine de jeunes français sont partis dans ce cadre au Liban pour quelques mois.

J'ajoute à ces recommandations deux propositions concernant le réseau de l'AEFE. Selon moi, l'agence devrait créer en son sein un comité de gestion des établissements en gestion directe (EGD). Ces établissements sont peu nombreux, mais leur mode de fonctionnement gâche un peu le paysage du travail de réseau. Par ailleurs, le directeur de l'AEFE devrait être recruté sur une vision ou un projet de développement à cinq ou dix ans, comme l'ont été d'autres responsables de nos opérateurs, notamment le directeur général d'Expertise France. Le poste ne devrait plus faire partie du mouvement des diplomates. Compte tenu des enjeux au sein du réseau de l'AEFE, il n'est guère possible, en trois ans, de développer une action efficace.

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Monsieur le rapporteur pour avis, le groupe La République en marche tient à saluer votre travail, en particulier votre développement très instructif sur le Liban. Le groupe est sensible à l'effort budgétaire consenti en faveur de l'action extérieure de l'État et se réjouit que le Gouvernement poursuive son engagement en faveur de la diplomatie culturelle et d'influence, ou la diplomatie de métiers, puisque vous préférez la désigner ainsi.

La mission Action extérieure de l'État gagnera 50,3 millions d'euros, soit une progression de 2 % par rapport à cette année. Soulignons que ce budget connaît une hausse continuelle depuis trois ans. Les crédits du programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence augmenteront de 17,8 millions d'euros. Il nous semble primordial de rappeler, comme vous le faites dans votre rapport, que cette augmentation aura des conséquences réelles pour la mobilité des jeunes étrangers, donc pour l'attractivité de notre enseignement supérieur, mais aussi pour l'enseignement du français à l'étranger et la francophonie, et enfin pour le patrimoine culturel mondial, puisque 5 millions d'euros sont prévus pour financer l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH).

Dans votre rapport, vous mentionnez à plusieurs reprises la future feuille de route de la diplomatie d'influence. Où en sont les discussions au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères à ce sujet ? Quelles priorités et quelles lignes directrices sont retenues pour cette feuille de route ? Quand pouvons-nous espérer qu'elle soit rendue publique ?

Le groupe La République en marche est favorable aux dispositions relatives au programme Diplomatie culturelle et influence et votera les crédits de la mission.

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Je vous félicite à mon tour pour votre travail, monsieur le rapporteur pour avis. Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à rendre hommage à votre action et à votre engagement, depuis le début du quinquennat, sur les questions relevant de la diplomatie culturelle et d'influence ou, pour reprendre les termes qui vous tiennent à cœur, de la diplomatie de métiers.

Vous avez relevé à juste titre les progrès réalisés par l'Institut français et les alliances françaises. Le groupe Les Républicains était très mobilisé sur cette question.

Lors de son audition par notre commission, le ministre Jean-Yves Le Drian a annoncé la mise au point d'un tableau de bord pour mesurer les résultats de notre diplomatie d'influence. Nous nous étonnons – disons-le ainsi – que cela intervienne à la toute fin du quinquennat, alors que le Président de la République a considéré dès 2017 la diplomatie d'influence comme une priorité de notre politique étrangère. Pour reprendre un proverbe chinois, il est plus tard que tu ne crois… En tout cas, nous attendons avec impatience de voir cet outil de mesure.

Dans votre rapport, vous expliquez que la crise sanitaire a réduit les capacités financières des familles dont les enfants sont scolarisés dans des établissements français à l'étranger et que, dès lors, ces établissements peuvent se retrouver en difficulté. Le taux de recouvrement des frais de scolarité a baissé de 5 points depuis l'année dernière, ce qui peut fragiliser grandement la trésorerie de certains établissements. Des mesures sont-elles prévues pour leur venir en aide ?

Vous mentionnez en outre le développement et l'homologation d'établissements français grâce au « dynamisme latent des communautés francophones et francophiles locales ». Ainsi, 85 % des lycées français sont issus d'initiatives parentales, la plupart du temps associatives. De votre point de vue, cette prise de responsabilité citoyenne est-elle nécessairement positive ? L'État français ne devrait-il pas intervenir davantage dans ce domaine et être à l'origine du développement des lycées français ?

Vous accordez très justement une attention particulière au Liban, où la situation est très préoccupante. Vous notez dans votre rapport que les aides aux établissements français au Liban augmentent, mais que le nombre d'élèves qui y sont scolarisés baisse. Face à la résurgence de la violence, doit-on prévoir de nouveaux efforts pour aider ces établissements ? Quelle doit être selon vous l'ambition de ce budget dans la durée ?

Pour finir, je reviens sur le budget d'Atout France, à propos duquel j'ai interrogé le ministre la semaine dernière. Cinq millions d'euros avaient été ouverts dans la troisième loi de finances rectificative de 2020 et 2 millions d'euros de crédits additionnels avaient été versés à la fin de l'année 2020. Ces fonds, qui n'étaient pas pérennes, ont été absorbés. La représentation nationale étudie en ce moment le budget pour 2022, et non celui de 2020, et je ne peux que constater une nouvelle fois que la subvention prévue pour Atout France est inférieure de 7 millions d'euros à celle qui lui était versée avant la crise sanitaire. Ne pensez-vous pas qu'il serait pertinent de soutenir et de stimuler le tourisme en cette période de reprise, sachant que le secteur fournit plus de 2 millions d'emplois directs et indirects en France ?

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En 2022, les crédits du programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence augmenteront de plus de 15 millions d'euros, pour atteindre 730 millions d'euros. Nous nous réjouissons de ce renforcement.

Il y a plus d'un an, la politique d'influence française a été fortement perturbée par la crise sanitaire : scolarisations suspendues, mobilités étudiantes limitées, nombre de touristes étrangers en fort recul. Face à ces difficultés, le ministère a dû adapter son action et ses moyens. Au nom du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, je félicite les agents français qui ont permis d'assurer la continuité de nos services, en particulier dans les secteurs de l'éducation et de la coopération culturelle. Ils ont fait vivre la diplomatie française en plein cœur de la pandémie.

Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, la francophonie et, plus largement, la promotion de la langue française dans toute sa diversité demeurent des outils majeurs d'influence. C'est pourquoi le projet de loi de finances pour 2022 prévoit de maintenir la subvention versée à l'AEFE à son niveau de 2021, sachant que les établissements scolaires à l'étranger ont été durement frappés par la crise. Cette mesure va bien évidemment dans le bon sens. Ces établissements, acteurs de la diffusion de l'enseignement français et en français, sont au cœur des politiques de développement et de rayonnement culturel et linguistique de la France. Il convient donc de les soutenir. Nous notons que 10 millions d'euros additionnels seront dédiés à des aides en faveur des établissements d'enseignement français au Liban, particulièrement fragilisés par la pandémie.

Dans le cadre de vos fonctions, monsieur le rapporteur pour avis, vous vous êtes rendu au Liban à deux reprises, en 2017 et en 2021. Vous nous avez fait une intéressante présentation des modes de coopération adoptés dans les secteurs éducatif, culturel et scientifique. Toutefois, compte tenu du contexte, comment voyez-vous l'évolution de cette coopération dans les années à venir ?

L'influence de la France ne se limite pas à sa capacité à rayonner dans le monde ; elle dépend également de sa capacité à se montrer attractive. De nombreux efforts seront réalisés en la matière en 2022. Les espaces Campus France seront renforcés, ce qui contribuera à l'objectif de diversification des pays d'origine des étudiants. Plus de 6 millions d'euros de crédits additionnels seront alloués aux bourses pour soutenir les étudiants étrangers en mobilité internationale. Enfin, des tractations sont en cours en vue de créer une université franco-étrangère dans la zone indo-pacifique. Où en est-on à ce sujet ?

Les crédits ouverts en 2022 permettront d'intensifier nos actions de coopération culturelle. Les grandes plateformes de production et de diffusion à l'américaine, à l'instar de Netflix, nous rappellent tous les jours l'importance de savoir exporter un modèle et des références culturelles pour participer au jeu d'influences sur la scène internationale. Les industries culturelles et créatives constituent un levier majeur d'attractivité et de rayonnement pour la France. Le lancement de la villa Albertine aux États-Unis contribue à ce dynamisme, en remettant au goût du jour le modèle de la villa culturelle. Lancé en 2021, ce projet permettra à notre pays de jouer un rôle moteur dans la diffusion d'œuvres d'artistes français mais aussi étrangers.

Notre groupe juge ce budget équilibré et votera les crédits de la mission.

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Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie pour votre présentation, comme toujours passionnée.

Je m'inquiète d'une tendance lourde dans le financement des missions du ministère de l'Europe et des affaires étrangère : le remplacement des crédits budgétaires classiques par un recours de plus en plus fréquent à l'autofinancement. En effet, les établissements à autonomie financière, les alliances françaises et autres établissements conventionnés sont encouragés à s'autofinancer. Cela a deux conséquences importantes. Premièrement, les frais de scolarité et le coût des services proposés ont tendance à augmenter, ce qui compromet un accès universel à ces établissements. Deuxièmement, l'enseignement du français et l'offre culturelle à l'étranger reposent de plus en plus sur des structures privées, ce qui soulève des questions de fond quant à la cohérence et à l'orientation de la politique culturelle et éducative de la France à l'étranger.

Par ailleurs, les besoins de financement qui auraient dû être couverts par des crédits budgétaires nouveaux le sont de plus en plus par des crédits redéployés au sein du budget du ministère ou par des prélèvements sur la trésorerie des opérateurs, comme l'AEFE.

Ainsi, en matière d'aide à la scolarité, le projet de loi de finances réduit de 10 millions d'euros les crédits destinés aux bourses de scolarité et compense cette baisse par une somme identique provenant des excédents de trésorerie de l'AEFE.

Si notre ambition d'influence culturelle reste forte, ne conviendrait-il pas de le manifester dans un budget qui ne recourt pas à de semblables artifices ?

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Avec ce budget, nous renforçons nos outils d'influence, à travers la pérennisation des campus franco-étrangers et le soutien aux industries culturelles et créatives qui font chaque jour rayonner les sensibilités et le savoir-faire français.

La crise a fragilisé le réseau, du fait de la diminution, voire de l'arrêt des activités génératrices de revenus – cours de langue, organisation des examens, certification, instruction étudiante sur la plateforme Études en France –, de la baisse du mécénat et de l'érosion du public, pour cause de baisse des revenus ou d'évolution des priorités au sein des foyers. Tout cela a affecté le quotidien de nos 3,5 millions de compatriotes à l'étranger.

Toutefois, le réseau d'enseignement français à l'étranger a bénéficié d'un plan exceptionnel de 150 millions d'euros, voté dans la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020. L'objectif était de venir en aide aux familles, françaises ou étrangères, ayant des enfants scolarisés dans notre réseau, ainsi qu'à tout établissement en difficulté, quel que soit son statut. En conséquence, le groupe Agir ensemble soutiendra la répartition des crédits alloués à l'action extérieure de l'État, à la diplomatie culturelle et d'influence et à la francophonie.

Nous nous interrogeons néanmoins sur la situation financière de certains établissements auxquels ont été consenties des avances de trésorerie remboursables et qui demeurent malgré tout fragiles. Ils risquent de ne pas pouvoir respecter le délai de remboursement imposé par l'Agence France Trésor : un an, c'est très court, surtout pour des établissements qui vont continuer à subir les effets de la crise sanitaire. Comment les établissements partenaires qui n'auraient pas la possibilité de rembourser et de conclure avec l'AEFE un conventionnement temporaire qui allégerait leurs difficultés financières vont-ils s'en sortir ?

N'est-il pas temps aussi d'accélérer la réflexion sur le financement des fameux 78 établissements en gestion directe ? Il nous faut trouver un financement innovant pour notre réseau d'enseignement français à l'étranger, fondé entre autres sur les anciens élèves et le mécénat ; il faut diversifier les ressources et arrêter de compresser les familles en faisant tout porter aux frais de scolarité.

Enfin, alors qu'il est acquis que le 18e sommet de la francophonie sera une nouvelle fois reporté, quel impact cela aura-t-il sur la francophonie institutionnelle, dont l'efficacité est déjà discutée, et par ricochet sur notre propre stratégie d'influence ?

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Les crédits du programme Diplomatie culturelle et d'influence s'élèvent pour 2022 à 730 millions d'euros, soit une hausse de 2,15 %. Fort bien, une hausse de crédits est en soi toujours la bienvenue. Mais il ne s'agit pour l'instant que de l'autorisation d'engagement : l'avenir post-élections présidentielles nous dira la vérité des dépenses effectives.

La véritable question est : pour quoi faire ? Le programme budgétaire vise tout d'abord la promotion de la langue française et l'attractivité internationale de l'université française. L'objectif est louable, mais ne croyez-vous pas qu'il soit un peu dérisoire lorsque le sentiment antifrançais se répand partout en Afrique, premier continent francophone ? Lorsque la jeunesse africaine, écœurée par tant de compromissions de la France avec les dictateurs africains, se tourne même vers la Russie ou la Turquie ? Ce que la France donne d'une main au travers de l'aide publique au développement, elle le perd de l'autre main, celle de sa diplomatie qui ignore l'État de droit et de démocratie en Afrique.

Second objectif : la diplomatie économique. Là encore, croyez-vous qu'en soutenant les dictateurs africains en échange de quelques contrats pour les grandes entreprises françaises, la France améliore sa diplomatie culturelle et d'influence ? Croyez-vous au moins que la France exerce une diplomatie économique efficace, à défaut d'être digne ? Ce n'est même pas le cas. La France oublie trop souvent les immenses possibilités d'échanges économiques entre le tissu des PME africaines et les PME françaises, qui en auraient pourtant bien besoin.

Et combien d'événements pour la gloire présidentielle, sur le modèle du récent sommet Afrique-France de Montpellier, seront-ils organisés l'an prochain sur les deniers publics ?

Derrière les chiffres dérisoires d'une comptabilité budgétaire, il y a la réalité de terrain. Il y a l'implacable réalité du recul de l'influence française dans le monde – oui, et particulièrement en Afrique. Je ne m'y résous pas, le groupe Libertés et Territoires non plus.

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Ces crédits connaissent une hausse, après des années de baisse : c'est mieux que rien, même s'ils restent faibles. Surtout, il n'y a pas de vision politique. Il y a un budget, mais l'on ne sait ni à quoi il sert, ni où l'on va. Ce n'est pas la montée en puissance de la diplomatie sous l'égide de Business France qui est de nature à nous rassurer : vous connaissez nos réserves sur le sujet.

Surtout, le ministre Le Drian avait promis d'ici à la fin de l'année un tableau de bord sur l'influence française. Nous attendons toujours ce document qui devient très mystérieux. Il nous permettrait peut-être d'éclairer votre stratégie et votre vision pour ce secteur particulièrement important.

J'appelle votre attention sur le fait que la France a constamment réduit les financements bilatéraux en matière de promotion du français, s'engageant dans des accords multilatéraux dont nous estimons qu'ils ne sont pas aussi efficaces.

Par ailleurs, les difficultés s'accumulent pour les étudiants étrangers : problèmes de visas, hausse des frais de scolarité… Cela pèse plus particulièrement sur les étudiants qui auraient le plus besoin de venir en France, provenant de pays africains bien sûr, mais pas seulement. C'est un grave problème.

Je pense enfin aux difficultés des instituts français à l'étranger, qui doivent s'autofinancer aujourd'hui aux trois quarts de leur budget, ce qui est énorme. Ils sont bien évidemment fragilisés et la France s'honorerait à faire davantage sur ce terrain.

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J'ai trois questions à poser à notre rapporteur pour avis Frédéric Petit, qui a suivi ces questions sur toute la législature.

D'abord, avez-vous eu écho de ce que certains étudiants étrangers auraient été empêchés de poursuivre un cursus universitaire en France en raison de leur statut vaccinal ou de certains problèmes, tels que ceux que Mme Autain a évoqués, qui ressortent du ministère de l'intérieur ? Le MEAE et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont-ils pris des initiatives dans ce domaine ? Il serait à cet égard utile que la ministre de l'enseignement supérieur vienne brosser le tableau devant la commission des difficultés que rencontrent ces étudiants, notamment extracommunautaires.

Ensuite, alors que le français est considéré comme une langue essentiellement maîtrisée par les élites, pouvez-vous nous dire quelle est la stratégie de développement de la francophonie pour les classes modestes ?

Enfin, après le Rwanda, c'est au tour du Gabon de déposer sa candidature au Commonwealth, ce qui a suscité l'intérêt d'autres pays. Une autre tendance se dessine avec l'introduction du mandarin dans les programmes scolaires de certains pays d'Afrique, notamment l'Afrique du Sud, le Kenya ou le Mozambique. Comment assurer la cohérence de l'espace francophone en Afrique, au milieu de ces dynamiques ?

À titre subsidiaire, pensez-vous que la prochaine présidence française du Conseil de l'Union européenne, qui s'ouvrira en même temps que la présidence tournante de l'Union africaine (UA) sera prise par un grand pays pourvoyeur d'étudiants en France, abordera toutes ces questions ? Seront-elles posées à l'occasion du sommet UE-UA ?

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Dans ses propositions, le rapporteur pour avis Frédéric Petit suggère d'étudier de plus près l'apprentissage du français en Malaisie, où le nombre d'apprenants a triplé en dix ans, afin d'en faire un exemple à généraliser. Ce chiffre est assez étonnant, peut-on avoir quelques explications ?

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Un certain nombre d'écoles ont été affectées par la crise du covid, et notamment par le confinement, puisque les enfants qui étaient de passage en France n'ont pas pu retourner dans leur établissement. Cela a pesé sur leurs recettes. Quelque chose a-t-il été fait sur ce point particulier ? Surtout, y a-t-il quelque chose de prévu si la crise venait à se renouveler ?

Par ailleurs, par manque de moyens, nous ne pouvons pas établir des écoles françaises dans tous les territoires que nous souhaitons. Certaines personnes privées qui ouvrent des écoles semblent avoir du mal à se faire labelliser par l'AEFE, bien que respectant évidemment le programme que leur fournit cette dernière. Avons-nous une stratégie claire de développement de notre réseau ?

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Dans la crise massive que traverse le Liban – politique, sociale, culturelle, alimentaire – estimez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, que notre action, avec les moyens dont elle dispose et les priorités qui lui ont été fixées, permet de sauver notre système d'enseignement dans ce pays ? Tout ne risque-t-il pas d'être emporté ? Comment analysez-vous l'évolution à moyen terme de l'enseignement français au Liban ?

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Commençons par les bourses, dont beaucoup ont parlé. Non, monsieur Mbaye, je n'ai pas entendu parler d'étudiant étranger bloqué par la décision que nous avons prise il y a quelques années de relever les frais de scolarité. Je rappelle sur ce sujet à Mme Autain que la mécanique qui avait permis le relèvement de certains droits de scolarité en France n'a quasiment pas d'effet sur les boursiers.

Pour répondre de façon plus technique à M. Mbaye, nous avons un opérateur en la matière, qui est Campus France. La mécanique budgétaire de Campus France fait qu'il ne gère directement que 40 % à peu près de son volume de subventions. Dans ce cas, il est opérateur de programme d'échange ; le reste du temps, il est utilisé par des postes d'ambassade qui souhaitent faire venir un étudiant en France. Or il manque manifestement un outil financier à Campus France pour connaître en temps réel le niveau d'utilisation de son budget pour les bourses dont il n'est pas l'opérateur principal : très souvent, Campus France découvre en année n+1 qu'il n'a pas utilisé tout le budget dont il disposait. Voilà le vrai problème dans la gestion des bourses qui font partie de notre stratégie d'influence.

Beaucoup m'ont interrogé sur la feuille de route, ou tableau de bord. Ce n'est pas un tableau d'indicateurs. Ce travail, qui n'est pas terminé et qui devrait, madame Amadou, commencer à être disponible en fin d'année, a sans doute pour origine toute la mobilisation qui s'est opérée ici autour de l'importance de la coordination.

Car il faut bien être conscient que notre réseau a une histoire. J'entends que les familles, maintenant, sont obligées de financer le réseau d'enseignement français à l'étranger… C'est se méprendre complètement sur l'histoire de ce réseau ! Notre réseau, nous y consacrons 400 millions : il pèse 3,5 milliards ! Depuis des siècles, le lycée français de Berlin n'est financé ni par l'État français, ni par les familles d'ailleurs, mais par le Sénat de Berlin !

L'histoire de ce réseau est celle de la mise en cohérence d'une myriade d'expériences et d'initiatives familiales, économiques, associatives. Prenez le Liban : on y trouve 54 lycées et établissements homologués, 300 lycées soit labellisés soit certifiés, et 1 500 lycées privés ; et nous n'y avons aucun lycée géré directement par l'État ! Nous n'avons aucun lycée d'État aux États-Unis non plus, où il y a 57 lycées français. Ils contribuent à notre budget, et ils n'ont jamais rien coûté.

Il n'y a donc pas de changement, pas de politique nouvelle : c'est comme ça. Le processus d'homologation n'est pas lancé par l'AEFE, mais par des gens qui ont envie de créer là où ils habitent un lycée où l'on parle français, et qui se demandent ensuite comment faire pour être reconnus par l'État français. Voilà l'histoire de 90 % de notre réseau. Quand Michel Rocard, en 1990, en a eu assez de cette dispersion, il a créé l'AEFE pour regrouper les établissements et les gérer ensemble. C'est cela, notre histoire, pas celle d'un réseau qui était complètement financé par l'État et qui ne l'est plus.

Je vais beaucoup plus loin : que dirions-nous donc si un État étranger achetait 2 hectares dans le 10e arrondissement de Paris, construisait un terrain de foot, une piscine et un bâtiment de quatre étages et envoyait 100 fonctionnaires avec un statut particulier ? Que ferions-nous si l'État turc commençait à dire que dorénavant, les enfants turcs iront dans cette école et pas dans une autre, et que les Français pourront venir s'ils parlent turc ?

Je rappelle que les statuts de l'AEFE font état de coopération éducative : cela ne consiste pas à exporter des lycées sous cloche, mais à envoyer des équipes, des parents. C'est ce que nous avons fait au Liban. Et lorsque nous avons imposé au ministre l'an dernier, en projet de loi de finances rectificative, d'aider pendant la pandémie aussi les familles étrangères, cela venait de la même logique – car nous, sur le terrain, voyons bien que ce sont elles qui travaillent. Pour reprendre un exemple que j'ai déjà pris devant vous, le lycée d'Erbil, au Kurdistan, qui a tenu à trente kilomètres du front pendant trois ans, est tenu d'une main de maître par une Américaine, qui n'a même pas droit aux bourses ! C'est cela, l'histoire de notre réseau. Si on ne comprend pas cela, on s'expose à des erreurs.

C'est pour cette raison, monsieur Nadot, que je dis que notre diplomatie d'influence doit être une diplomatie d'animation du réseau. Si un conseiller de coopération et d'action culturelle, au Liban, ne se soucie que de « ses » 54 lycées français sans se préoccuper des 300 lycées francophones ni des 1 500 lycées privés, il passe à côté du sujet.

Oui, monsieur le président, la présence française au Liban soutient aujourd'hui la population. Je suis allé là-bas, et j'en suis revenu beaucoup moins marqué que de ma mission en territoire palestinien et en Israël – ceux qui y sont allés s'en souviennent : à Hébron par exemple, la haine est littéralement tangible. Au Liban donc, j'ai trouvé des élus qui, quand on leur demande de quoi ils ont besoin – des élus municipaux qui n'ont plus de compte en banque, qui gagnent 50 euros par mois ! – répondent qu'ils viennent de créer un conseil municipal de jeunes, parce qu'il faut reconstruire la démocratie dans leur pays, et qu'il faudrait leur trouver un jumelage dans une ville comparable. J'ai trouvé des maires pleins de projets. Dans cette société qui se projette, notre diplomatie d'influence est sur les bons carrefours, parce que ce n'est pas une administration qui se concentre sur ce qui dépend d'elle à 100 %. Par exemple, nous sommes présents dans la Bekaa : pas un seul fonctionnaire n'a le droit d'aller dans la Bekaa, pour des raisons de sécurité, mais nous y sommes présents, grâce à notre réseau, à notre tissu !

Voilà ce que je pense du rôle que doit jouer l'État. Et encore une fois, madame Autain, tout cela n'est pas nouveau. Les premiers consuls français, il y a deux cents ans, étaient des entrepreneurs élus par leurs pairs. L'histoire de la diplomatie française, c'est l'histoire d'une présence active dans des pays étrangers, pas celle d'un État qui envoie des fonctionnaires. Ce n'est pas notre tradition, et trop se concentrer sur ce point aveugle. Il est évident que l'État a un rôle à jouer, je le dis depuis quatre ans en demandant une augmentation des crédits, mais chaque chose doit être à sa place : si les pistons ne sont pas en face des cylindres, ce n'est pas en mettant plus d'essence qu'on fera avancer la voiture.

Ce qui nous ramène à ce que disait M. Maire tout à l'heure sur le métier diplomatique : si nous ne faisons pas la différence entre la gestion des réseaux et la diplomatie de métiers, nous aurons beaucoup de mal à préserver notre travail. Or, comme il l'a dit, ce sont les « métiers périphériques » qui ont disparu les premiers. Mais ce n'est pas périphérique, c'est fondamental ! Sauf que ce sont des métiers différents, et qu'il faut garder cette différence en tête, dans l'esprit du discours de 2019 : il y a des chefs d'orchestre, formés comme tels, et pour le reste, la présence active de la France se manifeste au travers de métiers, qu'il faut gérer différemment.

Comment toucher les classes modestes ? Justement par notre effort d'homologation. J'ai visité au Liban une école qui existe depuis vingt ans mais vient seulement d'être homologuée. C'est une école dite semi-gratuite, destinée donc à des gens modestes, qui est en fait une œuvre sociale d'une famille du coin. Et nous voilà donc avec une école française, qui va pour l'instant de la maternelle au CE1, qui a évolué, qui forme ses professeurs comme nous, qui a des filles et des garçons comme nous. Leur grand problème, c'est qu'ils ne savent pas trop comment faire pour que les parents soient représentés dans la gestion de l'établissement, ce que nous leur demandons pour être homologués.

Voilà le génie de cette façon de faire : cela ne coûte pas grand-chose à la France, mais l'éducation française atteint des gens qui n'ont pas les moyens de se payer une éducation haut de gamme. J'ai le cas dans ma circonscription : les écoles de Varna ou Sarajevo ne sont pas très chères, elles sont gérées par le tissu local et elles ont réussi à se faire homologuer. C'est compliqué, l'homologation, mais ce n'est pas en envoyant une équipe de fonctionnaires sous bulle qu'on y arrive. Je le répète, 85 % du réseau n'est pas géré directement par l'État.

Pour ce qui est de l'influence numérique, nous avons un outil qui est désormais utilisable sur toute la planète. Le ministère de l'éducation nationale a recruté quatre spécialistes du numérique de haut de gamme il y a trois ans, et a fait un travail énorme. Nous avons maintenant une plateforme en open data, utilisable par toutes les écoles et opérateurs du ministère de l'éducation nationale, capable de concurrencer les géants que sont les GAFAM. Bref, l'outil existe, les pistons sont en face des cylindres. Je propose qu'on suggère, voire qu'on impose à nos réseaux à l'étranger de quitter Zoom et de passer sur cette plateforme. C'est là que la résistance commence : puisque nous pouvons le faire dans un domaine, faisons-le.

Pour ce qui est de la Malaisie, je ne sais pas pourquoi elle, au milieu des autres, a triplé le nombre de ses apprenants en français – qui n'est pas anecdotique, puisqu'il doit y avoir, de tête, quatre ou cinq implantations. J'ai demandé un retour d'expérience, pour en savoir plus.

Madame Autain, bien sûr qu'il faut une vision, c'est ce que je dis depuis quatre ans. Mais cela ne se fait pas d'un claquement de doigts, du haut vers le bas. C'est la raison pour laquelle établir la feuille d'influence prend du temps.

Cette feuille d'influence, c'est la mise en cohérence des mises en cohérence : l'articulation de tout ce dont nous disposons, comme le plan AEFE, le nouveau plan Alliance française… Ce dernier plan est venu des alliances françaises, madame Autain : personne, dans aucun ministère parisien, ne leur a dit de s'en occuper. Ce sont les alliances françaises qui, profitant de la crise, se sont réorganisées, en partant d'un magnifique congrès mondial qui s'est tenu à l'automne 2020, par visioconférence évidemment. Tout cela doit maintenant se construire, et quand on construit de manière non centralisée, cela prend du temps.

Nous avons vu émerger cette problématique de la construction de notre stratégie d'influence à cinq ou dix ans, qui se pose de la même manière dans divers secteurs. Le ministre a compris l'importance du sujet et y a consacré des équipes et des moyens. Ces gens m'ont auditionné, et j'ai été impressionné par la qualité de leurs travaux. Ils s'attachent maintenant à établir cette feuille de route, c'est-à-dire un cadre pour l'ensemble de notre présence, qui intègre également l'aide publique au développement par exemple.

S'agissant de ce que vous avez dit sur le Commonwealth ou le mandarin appris à l'école en Afrique, oui, c'est un combat. Sans fausse modestie, je dois dire que le ministre Le Drian a repris mon expression : il ne s'agit plus de « soft power », nous sommes dans le « hard ». C'est pour cela qu'il faut s'organiser, à l'aide d'une bonne feuille de route. Dans certains pays, c'est le lycée français qui sera l'outil de base, dans d'autres ce sera l'économie.

Madame Autain, ce n'est pas Business France, avec ses quelques dizaines de millions d'euros, qui finance les 150 milliards d'investissements directs à l'étranger. Business France aide les PME à partir à l'étranger. Pour la Pologne, que je connais bien, Business France nous coûte un poste partagé à sept pays, pour une présence de nos PME qui est de l'ordre de 10 milliards d'euros.

Quant au sentiment antifrançais, évidemment qu'il faut se battre. Nous avons fait des choses importantes pour la francophonie en Afrique, par exemple en reconnaissant les langues maternelles dans l'enseignement français. Jusqu'à il y a une dizaine d'années, il n'était question que de faire parler le français aux élèves. Mais, surtout dans les petites classes, comment se targuer de faire de « l'éducation à la française » en commençant par dire aux enfants que leurs parents ne parlent pas la bonne langue ? Nous avons beaucoup évolué en matière de pédagogie, d'intégration, de tissage de relations. C'est important. Mais oui, nous sommes exposés et cette action est de l'ordre du combat.

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Je voudrais juste remercier la commission pour le travail, lancé par la présidente de Sarnez et repris par vous, monsieur le président, qu'elle fait pour accompagner la présence française dans le monde. Les rapports d'aujourd'hui en sont un nouvel exemple. Au nom de tous les Français qui habitent à l'étranger, je peux vous assurer que le soutien qu'elle leur apporte a pesé dans le destin de nos communautés et dans l'importance qu'elles revêtent pour la présence et l'influence de la France dans le monde.

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Vous êtes moins fondée à nous remercier que vous ne l'auriez été à nous critiquer si nous ne l'avions pas fait !

Vote sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État »

Article 20 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE3 de M. Alain David.

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Cet amendement et les trois suivants sont défendus

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Il s'agit de doubler la dotation du Fonds citoyen commun, créé par le traité franco-allemand d'Aix la Chapelle. Cela a déjà été fait par le ministère de l'éducation nationale, qui a porté les moyens du Fonds à 2,5 millions, soit 5 millions au total avec les crédits allemands. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendements II-AE1, II-AE2 et II-AE4 de M. Alain David.

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Avis défavorable : les crédits concernés sont déjà prévus dans le projet de loi de finances pour 2022.

La commission rejette successivement les amendements.

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Le groupe Les Républicains s'abstiendra sur le vote des crédits de cette mission – une abstention attentive.

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Le groupe Socialistes s'abstiendra également.

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Le groupe Libertés et Territoires fera de même.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Action extérieure de l'État non modifiés.

Examen pour avis des crédits de la mission « Aide publique au développement » (Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis) ; Vote sur les crédits de la mission « Aide publique au développement»

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Après la présentation de ces crédits par Mme Thomas, M. Nadot exposera la contribution du groupe Libertés et Territoires.

Le budget pour 2022 de l'aide publique au développement est, on peut le dire, le budget de la parole tenue. La trajectoire que nous avons votée dans la loi de programmation du 4 août 2021 est respectée : 0,55 % du revenu national brut en 2022, pour s'efforcer d'atteindre 0,7 % en 2025. Les crédits de la mission augmentent de près de 1 milliard d'euros, pour atteindre 4,9 milliards, dont 3 fournis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. La prévision budgétaire pour 2022 inscrite à l'article 2 de la loi du 4 août 2021 est d'ores et déjà dépassée de 100 millions. Compte tenu de la prévision du revenu national brut pour 2022, l'aide publique française dépassera les 14,5 milliards d'euros l'an prochain.

Vous avez la chance, madame la rapporteure, de présenter une politique qui a été l'objet d'une mobilisation importante de tous les groupes de l'Assemblée à l'occasion du vote de cette loi, préparée par Marielle de Sarnez et notre commission, et défendue avec le concours et la compréhension de nos collègues du Sénat et l'enthousiasme du ministre. C'est vraiment d'une grande politique qu'il s'agit. Votre rapport en montre toute l'importance pour 2022, année qui marque, je crois, le retour de la France dans l'aide au développement où elle s'était montrée assez pâle ces dernières années – mais je laisse chacun se prononcer sur ce point.

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Les crédits de la mission Aide publique au développement (APD) étaient très attendus cette année puisque nous avons définitivement adopté, il y a quelques semaines, une loi particulièrement ambitieuse qui fixe le cadre et les orientations de notre politique de développement solidaire pour les prochaines années. Nous avons doté notre pays d'une réelle vision stratégique et d'une doctrine nouvelle à l'égard de nos partenaires du Sud. Je tiens à rappeler à quel point cette loi a été élaborée en étroite collaboration avec tous les groupes politiques de cette commission et avec les ministères concernés. Nous pouvons collectivement en être très fiers.

Les crédits pour 2022 s'inscrivent dans une dynamique engagée dès 2017, et qui s'est traduite par une augmentation constante des montants alloués à la mission APD. Ce budget se compose de deux programmes principaux : le programme 110, Aide économique et financière au développement, mis en œuvre par le ministère de l'économie et des finances, et le programme 209, Solidarité à l'égard des pays en développement, mis en œuvre par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Les crédits de paiement cumulés de ces deux programmes augmenteront de près de 1 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

Cette hausse sans précédent permettra à notre pays d'atteindre et même de dépasser l'objectif, fixé par la loi du 4 août dernier, d'une aide publique au développement représentant 0,55 % de notre revenu national brut en 2022, l'objectif étant, comme vous le savez, d'atteindre un niveau de 0,7 % en 2025.

Si les crédits de paiement de la mission APD, dont le total sera supérieur à 5 milliards d'euros, doivent baisser légèrement par rapport à l'année dernière, tous programmes confondus, il s'agit d'un effet d'optique dû à la réduction du programme de renforcement des fonds propres de l'AFD, réalisé pour l'essentiel en 2021, et au transfert progressif du financement de la coopération communautaire au budget général de l'Union européenne.

Les crédits des deux programmes qui soutiennent concrètement notre aide, les programmes 110 et 209, augmentent, quant à eux, très nettement, de plus de 27 % pour le premier et de plus de 23 % pour le second. Sur l'ensemble du quinquennat, les crédits de la mission APD auront ainsi augmenté de plus de 70 % entre la loi de finances initiale pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2022, ce qui représente la plus forte hausse relative du budget de l'État.

Cette augmentation très substantielle permettra à la France d'honorer ses engagements vis-à-vis des organisations internationales et des grands fonds sectoriels, tels que le Fonds vert pour le climat, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou encore le Partenariat mondial pour l'éducation. Une enveloppe est également ouverte pour financer la contribution de la France à la reconstitution de l'Association internationale de développement. Par ailleurs, la hausse des crédits nous permettra de tenir nos engagements en matière de coopération sanitaire : une nouvelle enveloppe sera ainsi mobilisée pour l'initiative ACT-A (dispositif pour accélérer l'accès aux outils de lutte contre la covid-19), au travers de versements à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à l'Alliance Gavi et à Unitaid.

Les ressources allouées à l'Agence française de développement (AFD) au titre de l'aide projet, rémunération de l'Agence comprise, atteindront pour la première fois 1 milliard d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de plus de 23 %.

Par ailleurs, l'objectif de consacrer 500 millions à l'aide humanitaire, fixé par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018, sera atteint grâce à une hausse de ce type de crédits de près de 170 millions par rapport à 2021. Je tiens à saluer le travail et l'implication de l'ensemble des travailleurs humanitaires, en particulier du Centre de crise et de soutien du ministère, dont nous avons pu voir à de nombreuses reprises qu'il fait un travail absolument remarquable.

Concernant la maquette budgétaire, j'appelle votre attention sur la présence, pour la première fois, d'un programme Restitution des « biens mal acquis ». La loi de programmation du 4 août dernier a en effet prévu un mécanisme de restitution des avoirs issus de la corruption internationale aux populations victimes de ces infractions, par la mise en œuvre d'actions de développement dans les pays concernés. Le projet de loi de finances pour 2022 ne prévoit pas à ce stade d'ouverture de crédits pour ce programme mais celui-ci sera doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente de biens mal acquis – la première restitution devrait concerner la Guinée équatoriale. C'est un mécanisme innovant et inédit que l'on doit à la ténacité du Président de la République, du ministère des affaires étrangères et des parlementaires, et je souhaite qu'il puisse inspirer d'autres pays.

Il y a un an, je vous présentais mon rapport sur ce que j'appelais « l'équipe France » du développement, c'est-à-dire ces femmes et ces hommes qui travaillent au quotidien au sein de nos administrations, des institutions, des ONG et des associations pour mettre en œuvre au plus près du terrain nos politiques de solidarité internationale. Depuis, de nombreux progrès ont été accomplis, et d'autres restent à venir.

L'examen du dernier projet de loi de finances de cette législature est le moment de faire un bilan, dans un contexte de crise mondiale dont les premières victimes sont principalement les femmes, les adolescentes et les jeunes filles. À la suite du rapport présentant « 100 propositions pour une diplomatie féministe » de nos collègues Mireille Clapot et Laurence Dumont, il me paraît important de mettre l'accent sur la question de l'égalité femmes-hommes et de l'émancipation des femmes. C'est un axe majeur de ce quinquennat, qui a été érigé en priorité nationale par le Président de la République et dont la loi du 4 août dernier fait une priorité transversale. J'ai souhaité m'assurer que cette dimension était bien prise en compte dans notre politique d'aide au développement.

J'ai d'abord constaté que des progrès importants et incontestables ont été réalisés au cours des dernières années. Des engagements internationaux ont notamment été pris dans le cadre du Partenariat de Biarritz de 2019, du sommet Finance en commun de 2020 ou du Forum Génération Égalité de juillet dernier, organisé en France et qui a lancé des coalitions d'action portant sur l'autonomie corporelle ou les droits en matière de santé sexuelle et reproductive. L'Union européenne n'a pas été en reste, grâce à ses différents plans d'action pour l'égalité entre les femmes et les hommes, très largement soutenus par la France.

Il existe également une émulation internationale. Le Canada et la Suède ont donné un accent résolument féministe à leur diplomatie. J'ai pu auditionner le premier secrétaire, chargé de la diplomatie féministe, de l'ambassade de Suède à Paris, qui a cité l'exemple des élections organisées en Somalie en 2016 : l'aide de la Suède dans le processus électoral a permis une augmentation de 70 % de la participation des femmes.

La France a emboîté le pas. Elle a repris à son compte le concept de diplomatie féministe et s'est dotée d'une stratégie internationale pour l'égalité entre les femmes et les hommes couvrant la période 2018-2022. Notre pays s'est engagé, dans la loi du 4 août dernier, « à tendre vers un marquage égalité femmes-hommes conforme aux recommandations du plan d'action sur l'égalité des genres de l'Union européenne, soit en pourcentage des volumes annuels d'engagements de l'aide publique au développement bilatérale programmable française : 85 % comme objectif principal ou significatif et 20 % comme objectif principal ».

L'AFD, de son côté, s'est dotée d'un réseau de 70 « référents égalité ». Son contrat d'objectifs et de moyens lui fixe une cible de 55 % pour la part de ses projets à l'étranger qui doivent avoir un objectif de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes marqués « CAD 1 » ou « CAD 2 », c'est-à-dire ayant cette égalité comme objectif principal ou significatif. L'AFD se définit désormais comme une agence féministe. Elle a créé un Fonds de soutien aux organisations féministes, doté de 120 millions d'euros sur trois ans, et promeut l'émancipation des femmes à travers de multiples initiatives. Son Fonds paix et résilience Minka, par exemple, comporte des objectifs en matière d'égalité femmes-hommes concernant les populations en sortie de crise.

Le ministère des affaires étrangères soutient lui-même directement, de multiples manières, la promotion de l'égalité femmes-hommes. Je pense notamment au soutien apporté au fonds du docteur Mukwege et à l'initiative AFAWA (Initiative pour favoriser l'accès des femmes au financement en Afrique) en faveur de l'entrepreneuriat féminin, dont l'idée première est de considérer les femmes comme des actrices de développement à part entière et de les accompagner dans la réalisation de leurs projets. La France apporte également son soutien à ONU Femmes, une agence des Nations unies assez récente, puisqu'elle a été créée en juillet 2010, et encore trop méconnue mais particulièrement active. J'ai pu m'entretenir avec plusieurs de ses représentants. La France a déjà fortement augmenté sa contribution à ONU Femmes : cet effort financier mérite d'être prolongé et de se doubler d'un investissement politique et diplomatique afin que notre pays fasse entendre sa voix au sein de cette agence pleine d'avenir.

J'insiste aussi dans mon rapport sur la réussite que constitue le Fonds français Muskoka, qui agit avec efficacité depuis 2010 pour la santé et le bien-être de la femme et de l'enfant en Afrique de l'Ouest et centrale. Géré par le ministère des affaires étrangères, en lien avec l'OMS et plusieurs agences onusiennes, ce fonds accomplit un remarquable travail sur le terrain – j'ai pu le constater au Niger et au Togo. Il intervient aujourd'hui dans neuf pays mais pourrait encore élargir son champ d'action.

Les droits des femmes ont trouvé leur place au sein de notre APD. Néanmoins, les défis qui restent à relever sont immenses, d'autant que les crises actuelles tendent à fragiliser les acquis.

Tout d'abord, la crise de la covid-19 a entraîné de forts reculs sur le front de l'égalité femmes-hommes. Premières victimes des conséquences de la pandémie, les femmes sont dans le même temps aux avant-postes de la réponse à la crise sanitaire puisqu'elles représentent plus de 70 % du personnel soignant dans le monde, ici comme au Sud. Les femmes sont particulièrement touchées par la crise des secteurs du tourisme, de la restauration et des services, où elles sont fortement employées. Nombreuses aussi à travailler dans le secteur informel, et donc dépourvues de toute assurance sociale, beaucoup de femmes se trouvent aujourd'hui démunies. Par ailleurs, les filles pâtissent tout particulièrement de la fermeture des écoles. Lorsque ces dernières rouvrent après les confinements, de nombreuses jeunes filles n'y retournent pas, car elles ont été mises à contribution pour travailler et subvenir aux besoins de leur famille. On estime ainsi que plus de cinq millions de filles risquent de ne plus retourner à l'école.

Les zones dans lesquelles les défis en matière d'égalité femmes-hommes sont les plus aigus demeurent situées en Afrique de l'Ouest et centrale, en particulier dans le Sahel et les pays en situation de conflit. Le mariage forcé, les mutilations génitales ou encore l'absence d'enregistrement de la naissance des filles y sont encore des réalités répandues. On assiste incontestablement depuis quelques années, dans certaines zones, à une forme de retour aux traditions, parfois sous l'influence de pays étrangers.

Par ailleurs, les femmes sont des actrices incontournables du développement, et il convient de multiplier les actions et les projets visant à les accompagner sur la voie de l'émancipation économique.

Dans ce contexte, je crois que la France peut faire encore davantage et mieux, en collaboration avec ses partenaires étrangers et en lien avec les grandes organisations internationales.

S'agissant des projets en faveur du genre, nous pouvons progresser concernant les projets marqués CAD 2, c'est-à-dire ayant l'égalité femmes-hommes comme objectif principal. Nous devrons y veiller particulièrement dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD, pour la période 2023-2025.

En outre, un renforcement du caractère féministe de notre aide au développement pourrait passer par la nomination d'un ambassadeur, ou d'une ambassadrice, thématique en charge de l'égalité femmes-hommes. Il me paraît surprenant, alors que notre diplomatie se déclare officiellement féministe depuis plusieurs années, que nous ayons des ambassadeurs pour le sport, la science, la santé ou le numérique, mais pas pour l'égalité entre les femmes et les hommes. La nomination d'un tel ambassadeur serait déterminante pour porter la voix de la France en la matière dans les grandes enceintes internationales, pour veiller à la mise en œuvre des engagements adoptés dans le cadre de rencontres telles que le Forum Génération Égalité et pour rappeler que les femmes ne doivent pas être vues seulement comme des victimes d'injustices à réparer mais aussi comme des acteurs essentiels du développement.

Je recommande aussi que le représentant d'ONU Femmes, lorsqu'il en existe un dans le pays concerné, soit systématiquement convié aux réunions du conseil local du développement organisées par l'ambassadeur.

Le manque de moyens en personnel de nos ambassades a des conséquences dommageables sur cet outil précieux qu'est le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), qui est majoritairement mis en œuvre par les postes diplomatiques. Ce fonds est très utile pour soutenir les initiatives en faveur de l'autonomisation des femmes, en complément de l'action de l'AFD. Malheureusement, l'élaboration, la mise en œuvre et le suivi des projets nécessitent des moyens humains qui ne sont pas toujours au rendez-vous.

Des efforts doivent aussi être accomplis pour améliorer la redevabilité de l'APD française en matière d'égalité femmes-hommes. À cet égard, il pourrait être utile que la commission d'évaluation de l'aide publique au développement qui est prévue par la loi du 4 août dernier se penche sur l'efficacité de notre APD dans ce domaine. Je rappelle que cette commission peut être saisie de demandes d'évaluation par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, qu'elle doit adresser l'ensemble de ses rapports d'évaluation au Parlement et qu'elle est chargée de remettre à ce dernier, une fois par an, un rapport faisant état de ses travaux, conclusions et recommandations.

J'ajoute que mon avis budgétaire contient d'autres propositions visant à placer plus que jamais l'égalité entre les femmes et les hommes au cœur de notre politique d'aide publique au développement. Les progrès déjà accomplis pourront ainsi être consolidés.

Les crédits prévus pour l'APD dans le présent projet de loi de finances me paraissent aller dans ce sens. C'est pourquoi je vous invite à émettre un avis favorable à leur adoption.

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Nous allons maintenant entendre M. Nadot dans le cadre de la procédure instaurée à la demande de Marielle de Sarnez pour permettre à des groupes qui n'auraient pas la possibilité, pour des raisons numériques, d'avoir des rapporteurs pour avis de mieux participer à nos travaux. M. Nadot est ainsi l'auteur d'une contribution au nom du groupe Libertés et Territoires.

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La crise sanitaire a conduit 118 millions de personnes supplémentaires à souffrir de la faim entre 2019 et 2020. Le contexte particulier que nous connaissons nécessite un effort de solidarité décuplé. C'est pourquoi nous saluons la hausse des crédits de près de 1 milliard d'euros pour la mission Aide publique au développement, qui s'élève à plus de 4,9 milliards d'euros au total. Nous saluons en particulier la hausse de l'aide humanitaire, dont le montant passera à 500 millions d'euros, ce qui représente 170 millions de plus qu'en 2021.

Le nouveau programme 370, Restitution des « biens mal acquis », permettra d'appliquer une disposition particulièrement bienvenue de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, du 4 août 2021. Il s'agit de restituer aux populations une partie des biens qui ont été spoliés par leurs dirigeants.

Il faut aussi rappeler que les crédits de cette mission ne représentent qu'un tiers du total de ce qui est comptabilisé comme aide publique au développement. Le calcul intègre, en effet, des dépenses diverses en fonction de critères établis par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il existe une certaine dispersion comptable qui rend ardus le pilotage, le suivi et l'évaluation de l'aide publique au développement, tant par la société civile que par les parlementaires, comme le souligne notamment Coordination Sud, organisation regroupant les ONG françaises de solidarité internationale. Parfois, les montants globaux de l'aide publique au développement peuvent ainsi être considérés comme du trompe-l'œil. Par exemple, la très forte hausse de l'année 2021 est notamment due à la comptabilisation de l'effacement de la dette du Soudan, pour près de 5 milliards.

S'agissant de 2022, l'ensemble de ce qui est comptabilisé comme aide publique au développement représente 14,6 milliards d'euros, et la trajectoire prévue par la loi de programmation du 4 août dernier est ainsi respectée. Le total de l'aide publique au développement devrait représenter 0,56 % du revenu national brut l'année prochaine, ce qui permettra d'atteindre et même de dépasser un peu l'objectif fixé en la matière.

Nous nous satisfaisons de cet effort, mais nous rappelons que nous avons été nombreux à regretter lors de l'examen du projet de loi de programmation que la programmation prévue n'aille que jusqu'en 2022. La loi prévoit que la France « s'efforcera d'atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2025 » : nous regrettons que cette formulation n'ait pas de valeur contraignante. Nous aurions préféré que la France « consacre » 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement en 2025, conformément à l'engagement de campagne d'Emmanuel Macron. Nous espérons que l'effort se poursuivra afin d'atteindre l'objectif de 0,7 % en 2025, comme l'ensemble des pays riches se sont engagés à le faire dans une résolution adoptée en 1970 par l'Assemblée générale des Nations unies.

La loi de programmation a néanmoins gravé dans le marbre de nombreuses orientations positives que nous demandions. Ce texte a notamment prévu un meilleur contrôle parlementaire sur l'affectation et l'utilisation de l'aide. Il a également établi des priorités thématiques, au premier rang desquelles l'éradication de la pauvreté, ainsi que des priorités géographiques, dont une cible d'au moins 25 % de l'aide consacrés à 19 pays prioritaires parmi les moins avancés – des pays d'Afrique subsaharienne et Haïti. Toutefois, le montant affecté à cette cible aurait pu être plus important : l'argent de l'aide au développement doit aller en priorité aux populations qui en ont le plus besoin. Nos amendements visant à renforcer l'accessibilité des produits de santé issus de la recherche publique ou à imposer une obligation de vigilance aux acteurs du développement ont également contribué à améliorer la loi.

Notre groupe a demandé à de nombreuses reprises que l'aide au développement française donne davantage la priorité aux dons par rapport aux prêts, à l'instar de ce que font la plupart des pays. La loi de programmation a consacré cette priorité en prévoyant que les dons devront représenter 70 % du montant total de l'APD, hors allégements de dette et prêts aux institutions financières. Cela fera évoluer d'une manière positive le modèle français d'aide au développement, qui tend encore trop à concevoir l'aide comme un investissement alors qu'elle devrait en premier lieu avoir vocation à aider les populations. La part qui est prévue reste toutefois inférieure à notre demande et à la moyenne des pays donateurs de l'OCDE, qui se situe autour de 85 %.

Une des recommandations que notre groupe relaie avec insistance consiste à accroître le fléchage de la taxe sur les transactions financières vers l'aide publique au développement. Cette taxe représentera 1,3 milliard d'euros de recettes en 2022, dont moins de la moitié sera affectée à l'APD. Il est nécessaire de faire de ce moyen de financement innovant un véritable outil de justice fiscale alors que la spéculation financière ne cesse de s'accroître.

Je ne renchérirai pas sur la question de l'égalité femmes-hommes évoquée par la rapporteure pour avis, mais ce point nous paraît également important.

Malgré les quelques réserves dont j'ai fait part, le groupe Libertés et Territoires est favorable à la hausse significative des crédits de cette mission budgétaire, qui permettra de donner une traduction à plusieurs objectifs fixés par la loi de programmation du 4 août dernier, que nous avions contribué à renforcer.

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Valérie Thomas est une rapporteure chanceuse et sans doute heureuse, effectivement, parce que les hausses annoncées pour 2022 ne peuvent que nous satisfaire.

Le Président de la République a fait de l'aide publique au développement une des priorités du quinquennat. Il a donné une ambition nouvelle à cette politique, qui doit devenir plus agile, plus efficace et plus utile, dans un contexte notamment marqué par de fortes attentes chez nos partenaires internationaux.

Une étape importante a été franchie en février 2018 lors de la réunion du CICID, qui a profondément renouvelé les objectifs et la méthode suivie en établissant des régions prioritaires et des priorités thématiques – crise et fragilité, lutte contre le changement climatique, éducation, égalité femmes-hommes, sujet qui nous est cher, et renforcement des systèmes de santé –, afin de bien répondre aux enjeux du développement durable.

La loi du 4 août dernier a ensuite été adoptée, à l'issue d'un travail transversal, très inclusif, qui se traduit dans le projet de loi de finances pour 2022 par une hausse sans précédent des moyens consacrés à l'aide publique au développement : 0,55 %, ou 0,56 %, du revenu national brut seront consacrés à l'APD en 2022 et notre perspective est d'atteindre 0,7 % en 2025. Les objectifs sont tenus. Les crédits de paiement augmenteront de presque 1 milliard d'euros, hors renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement et hors transferts à l'Union européenne. La trajectoire budgétaire prévue au début du quinquennat est ainsi pleinement respectée. L'augmentation des moyens entre la loi de finances pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2022 s'élève à 70 %, ce qui constitue la plus forte hausse relative au sein du budget de l'État.

Merci, madame la rapporteure pour avis, d'avoir traité de l'égalité femmes-hommes, car c'est un sujet tout à fait important. La situation est très contrastée. Il y a toutes les données positives que vous avez rappelées, notamment la tenue du Forum Génération Égalité, qui s'est achevé le 2 juillet dernier, à Paris, et dont la secrétaire générale était notre ancienne collègue Delphine O. Ce forum a permis de lancer un parcours d'action mondial, sur cinq ans, qui vise à produire une accélération en matière d'égalité femmes-hommes. Un Pacte sur les femmes, la paix, la sécurité et l'action humanitaire et de nouvelles initiatives ont également vu le jour. D'un autre côté, le contexte international est marqué par la crise sanitaire et économique, par la désertion voulue ou subie des filles au sein de l'école, et je ne crois pas avoir besoin d'insister sur la situation en Afghanistan ou au Mali. J'invite donc à regarder les propositions que vous faites, madame la rapporteure pour avis, notamment en ce qui concerne les incitations budgétaires et le renforcement des contributions à ONU Femmes. Je rappelle aussi que nous avons prévu des marqueurs CAD 1 et CAD 2 dans la loi d'août dernier. Comment arriver à être assez agile pour se positionner sur le long terme tout en réagissant aux crises qui affectent les droits des femmes dans le monde entier ?

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La pauvreté a considérablement augmenté au niveau mondial en lien avec la covid, c'est vrai, alors qu'elle avait plutôt tendance à régresser, même si ce n'était pas assez rapide, et nous devrons affronter des crises majeures qui seront très pénalisantes pour les pays en développement – je pense aux questions climatiques et démographiques. Cela justifie l'augmentation importante de notre aide publique au développement et le fait que la France réponde à nouveau présente en la matière : nous avons tout à fait soutenu cette évolution. L'enjeu n'est pas seulement financier : il porte aussi sur la structure de l'aide publique au développement, comme Sébastien Nadot l'a dit. Cela concerne nos pratiques en matière de frais d'écolage, qui représentent la grande majorité de l'aide à l'éducation, mais aussi l'équilibre entre les prêts et les dons, les pays prioritaires et l'accueil des réfugiés.

Nous ne pouvons que nous réjouir du respect des engagements pris par le Président de la République et, en particulier, de l'augmentation des crédits de l'aide publique au développement pour 2022, comme le prévoyait la loi de programmation. L'année 2022 est d'ailleurs la seule à bénéficier de cette programmation, ce qui fait partie de nos regrets. Le Président de la République avait aussi fixé un objectif de 0,7 % du RNB pour l'année 2025.

Nous avons fait part au cours de ces dernières années, alors que les crédits augmentaient, de notre regret qu'il n'y ait pas plus de transparence, d'explications, de visibilité concernant ces politiques qui sont tout à fait obscures. Le ministère des affaires étrangères et l'AFD ne sont pas très bien classés dans l' Aid Transparency Index, y compris cette année. En effet, nous n'avons pas encore établi la commission d'évaluation de l'aide publique au développement et la transparence prévue par la loi du 4 août dernier. Il est aujourd'hui très compliqué pour les parlementaires de s'y retrouver. Le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui est en dehors du budget, nous échappe ainsi complètement : des crédits ne sont pas soumis à la sagacité des parlementaires.

J'ai déjà eu l'occasion d'interroger le ministre des affaires étrangères au sujet du fonds Covax : alors que cette initiative a été lancée par la France et que nous devions apporter plus de 1 milliard d'euros, nous n'avons décaissé qu'environ 300 millions – nous sommes ainsi les derniers au sein du G7. Pourriez-vous revenir sur ce point, madame la rapporteure pour avis ?

S'agissant de l'égalité femmes-hommes, je trouve que nous sommes beaucoup dans les discours, les déclarations, et pas assez dans du concret. La condition des femmes s'aggrave, ou en tout cas elle ne s'améliore pas, dans des pays que nous aidons pourtant. Il n'y a pas toujours de cohérence entre le discours qui est tenu et les politiques menées. Je citerai un exemple que j'ai connu au conseil d'administration de l'AFD. Il nous était demandé de prêter au Pakistan, me semble-t-il, des crédits assez importants pour un tramway où on savait d'ores et déjà qu'une discrimination entre les hommes et les femmes serait pratiquée – les hommes vont dans les wagons de tête et les femmes dans ceux de queue. Nous nous sommes demandé s'il fallait apporter une aide, et la réponse a été positive. Cela se passe fréquemment ainsi : on sait, par exemple, que l'excision est pratiquée dans certains pays, on dit qu'il ne faut pas le faire, les cas augmentent et on continue à aider. J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez, madame la rapporteure pour avis.

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La hausse des crédits de la mission Aide publique au développement se poursuit, conformément à la dynamique enclenchée depuis le début de la législature. Nous vivons un moment important : c'est une grande fierté de voter ce budget qui concrétise l'engagement présidentiel de porter l'APD à 0,55 % du revenu national brut en 2022. Nous avons atteint un premier palier et je suis convaincu que les crédits additionnels ouverts pour l'année prochaine permettront de poursuivre et de renforcer nos efforts de solidarité avec les pays en voie de développement.

L'actualité nous le rappelle, en effet : la solidarité internationale est plus que jamais essentielle à l'heure où les crises, qu'elles soient sanitaires, économiques ou environnementales, ne cessent de se multiplier. La loi que nous avons adoptée en août 2021 a permis de redéfinir les priorités thématiques et géographiques de l'APD et de fixer la trajectoire budgétaire, à savoir un objectif de 0,55 % du RNB en 2022 et de 0,7 % d'ici à 2025.

Les crédits prévus pour 2022 traduisent l'ambition nouvelle qui est la nôtre en ce qui concerne la politique de développement et de solidarité internationale. Ces moyens budgétaires permettront à la France d'honorer ses engagements vis-à-vis des organisations internationales et des grands fonds sectoriels, tels que le Fonds vert pour le climat, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou encore le Partenariat mondial pour l'éducation. Les contributions multilatérales sont étroitement liées à la mise en œuvre de notre politique de développement, puisqu'elles permettent d'orienter l'action des organismes internationaux vers les zones géographiques et les secteurs que nous considérons comme prioritaires.

Je salue tout particulièrement l'effort financier qui servira à accompagner la reconstitution de l'Association internationale de développement. Cet organisme, qui œuvre en faveur d'une reprise économique durable, notamment à travers le renforcement des institutions, sera un partenaire majeur de notre politique de développement. Par ailleurs, dans le cadre de la réponse internationale à la crise sanitaire, le budget pour 2022 comporte des crédits qui permettront de poursuivre la coopération en matière de santé. Une nouvelle enveloppe de 125 millions d'euros doit ainsi être mobilisée pour l'initiative internationale ACT-A. Pilotée par l'Organisation mondiale de la santé, cette initiative s'efforce d'apporter une réponse globale, juste et solidaire à la crise de la covid-19.

Enfin, je me réjouis de voir apparaître, pour la première fois, un programme destiné à la restitution des biens mal acquis, à la suite de la loi de programmation que nous avons adoptée. Ce dispositif permettra de restituer aux populations concernées, sous forme de projets de coopération et de développement, les recettes issues de la cession de biens mal acquis.

Le groupe Démocrate se prononcera en faveur de l'adoption de ces crédits, qui sont ceux d'un budget cohérent, à même d'atteindre les objectifs de notre aide publique au développement.

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Merci à notre rapporteure pour sa présentation éclairante et à Sébastien Nadot pour sa contribution.

Les programmes 110 et 209 de la mission Aide publique au développement connaissent un double mouvement, qui peut apparaître contradictoire, de contraction des CP, d'un peu moins de 290 millions d'euros, et d'expansion des AE, de 1 milliard, en total contraste avec le projet de loi de finances pour 2021 qui avait été marqué par une contraction importante des AE, de 2 milliards, et par une expansion significative des CP, de 1,6 milliard. Au total, le rattrapage des AE en 2022 ne compensera pas la diminution très importante subie en 2021, et la baisse des CP en 2022 minorera l'augmentation significative de 2021.

L'augmentation très importante des AE en 2022 provient essentiellement de la hausse des crédits du programme 110, Aide économique et financière au développement, qui sera affectée en quasi-totalité à l'aide multilatérale, laquelle avait fortement baissé l'an dernier avec la fin du cycle budgétaire des grandes organisations financières multilatérales. C'est donc un effet de rattrapage et non une augmentation de crédits substantielle.

La baisse des CP en 2022 est également due, pour l'essentiel, à un effet mécanique, la baisse, par rapport au projet de loi de finances pour 2021, des crédits destinés au renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement – la minoration est de 1,2 milliard.

Le point positif de ce budget pour 2022 est l'augmentation des CP dévolus au programme 209, Solidarité à l'égard des pays en développement, à hauteur de 576 millions, principalement pour la coopération multilatérale. On peut regretter que les fonds dédiés à la coopération bilatérale, qui regroupe l'essentiel des dons-projets, n'aient pas été augmentés d'une manière plus significative.

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Il existe peu de sujets faisant l'objet parmi nous d'une telle unanimité et d'une telle fierté. Ces lignes budgétaires sont tout à l'honneur de notre pays : ce sont des actes de solidarité forts. La loi de programmation a consacré la montée en puissance des crédits de la mission Aide publique au développement, qui augmenteront de près de 1 milliard par rapport à la LFI pour 2021. Nous nous réjouissons de cette hausse sans précédent grâce à laquelle la France honorera ses engagements vis-à-vis des organisations internationales et des grands fonds sectoriels, tels que le Fonds vert pour le climat, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou encore le Partenariat mondial pour l'éducation.

Comme l'avait demandé le groupe Agir ensemble lors de l'examen de la loi de programmation, notre effort sera stratégiquement concentré sur les pays les plus fragiles et les grandes priorités du XXIe siècle. Le projet de loi de finances pour 2022 marque ainsi notre détermination à mettre en œuvre les objectifs de développement durable, en particulier en matière d'éducation, de santé, d'égalité femmes-hommes, de préservation de l'environnement et de résilience face aux crises.

Notre groupe appelle toutefois l'attention sur un point : la loi du 4 août 2021 crée un mécanisme visant à restituer aux populations victimes de corruption internationale les avoirs qui en sont issus, par l'intermédiaire d'actions de développement menées dans les pays concernés, en accord avec eux. C'est l'objet du programme 370, qui sera doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente de biens mal acquis. Comment s'assurer que la mise en œuvre de ce programme, que le groupe Agir ensemble a appelé de ses vœux, permette de répondre à l'urgence de restituer au plus vite des fonds essentiels pour les peuples auxquels ils ont été dérobés et à l'impératif de vigilance que nous devons appliquer afin d'éviter que les montants restitués ne soient aussitôt détournés ?

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Je tiens à mettre en lumière, parmi les financements du programme 110, l'initiative du G7 concernant l'inclusion financière numérique des femmes en Afrique et la contribution de 25 millions de dollars de la France, sur la période 2020-2022, à plusieurs actions complémentaires pour améliorer l'égalité entre les sexes, qui constitue le cinquième objectif de développement durable de l'Agenda 2030 de l'Organisation des Nations unies. L'ombre d'un rapport produit par la Fondation Bill & Melinda Gates plane toutefois sur ces initiatives, ce qui démontre que les États sont très loin d'en faire assez pour l'égalité.

Selon l'Indice du genre dans les objectifs de développement durable, pas un seul pays n'atteindra l'égalité des sexes d'ici à 2030. Cet outil interactif, dont l'interface est très simple d'utilisation, permet d'évaluer l'état de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que les efforts à réaliser pour mettre fin aux inégalités entre les sexes dans 129 pays. Une cinquantaine de critères sont analysés, comme la santé, la violence sexiste, le changement climatique, le travail décent mais aussi l'accès des femmes aux services bancaires, à internet et à une source d'eau salubre. Aucun des dix États modèles figurant en haut du classement, à savoir le Danemark, la Finlande, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, la Slovénie, l'Allemagne, le Canada, l'Irlande et l'Australie, ne parviendra, je le répète, à atteindre l'objectif d'égalité d'ici à 2030. Alors que penser des dix derniers, la Sierra Leone, le Libéria, le Nigéria, le Mali, le Niger, le Yémen, le Congo, la République démocratique du Congo, le Tchad et la Mauritanie, dont vous saluez dans votre rapport la clairvoyance ? Pouvez-vous nous en dire plus, madame la rapporteure pour avis ? Il faut que la France tienne réellement ses engagements à travers sa politique publique d'aide au développement.

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Je tiens à vous féliciter, madame la rapporteure, pour votre travail et saluer ce que vous avez dit au sujet de la progression vers l'égalité femmes-hommes dans le monde. C'est une priorité défendue avec beaucoup de volontarisme par la France. Notre politique de développement intègre pleinement cette problématique et de nombreuses actions sont menées en la matière, notamment dans le cadre de la stratégie internationale pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2018-2022, qui vise entre autres à améliorer la prise en compte de la parité dans l'aide publique au développement.

Vous avez souligné que les femmes jouent un rôle incontournable en matière de croissance et de développement. J'aimerais revenir sur les propositions que vous formulez pour poursuivre nos efforts et conforter notre engagement international en faveur de l'émancipation des femmes et de la garantie de leurs droits. Ma question porte sur votre douzième recommandation, qui est de réfléchir à la mise en place d'un dispositif de bonus pour les programmes ou les projets intégrant la promotion de l'égalité femmes-hommes. Quelles formes pourrait prendre ce bonus, et dans quelle mesure un tel dispositif serait-il plus pertinent qu'un conditionnement des aides ?

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Je tiens à saluer votre travail, madame la rapporteure pour avis, mais aussi celui qui a été fait par Bérengère Poletti et Rodrigue Kokouendo dans le cadre de leur mission d'information sur l'aide publique au développement ainsi que par Hervé Berville à propos du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Tout cela a contribué à la concrétisation de nos engagements, qui sont tenus.

Vous avez choisi de traiter une thématique très forte, qui est celle de l'égalité hommes-femmes, de mettre en relief certains défis sur ce plan mais aussi en matière de santé, et de pointer les difficultés qui se posent plus particulièrement dans certaines régions, comme l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique centrale et le Sahel. Vous avez eu raison de le faire, car des pays tels que le Burkina Faso, qui est une véritable clef de voûte, concentrent les défis : il faudra évidemment y consolider notre effort.

Vous avez également parlé du Fonds français Muskoka, excellente initiative lancée par notre pays. Quelles sont les perspectives pour ce fonds, notamment dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne ?

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Je salue l'initiative de M. Nadot, qui a déposé une contribution.

Nous revenons chaque année sur la question des critères de l'OCDE en matière d'aide au développement. Ces critères sont ce qu'ils sont, mais il conviendrait au moins que tout le monde les applique de la même façon au niveau international, car il existe des variations. Une réflexion devrait être menée à cet égard pour que les choses soient plus transparentes et plus précises, notamment quand il s'agit de faire des comparaisons et de mesurer les évolutions.

La taxe sur les transactions financières est également un marronnier, si je puis dire. Certains d'entre nous déposent chaque année des amendements pour faire évoluer la situation, et on nous oppose à chaque fois un « non » catégorique. Il faudra engager une véritable réflexion sur les taxes affectées durant la prochaine législature, le temps qui nous est imparti étant désormais très court. Il conviendra de débattre de cette question, et en particulier de l'évolution des montants attribués à l'aide publique au développement, car des financements importants, comme ceux du FSD et des grands fonds verticaux, sont en jeu. Nous devons assurer la sécurité du financement de certaines actions de développement. Il faut que la discussion ait lieu : le blocage actuel est incompréhensible – il est peut-être surtout psychologique.

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Tout à fait.

Nous avons de l'agilité, madame Clapot, grâce à différents programmes, notamment humanitaires, qui permettent d'agir rapidement en cas de crise. Je rappelle d'ailleurs que les crédits de l'aide humanitaire seront portés à 500 millions d'euros. L'agilité consiste aussi à répondre mieux sur le terrain. Nous avons des outils extraordinaires, comme le FSPI, qui est géré directement par les ambassadeurs. Je cite dans mon rapport quelques exemples d'actions : ce sont des interventions souples, rapides, au plus près du terrain et coconstruites très localement. Cela permet d'intervenir là où l'AFD ne peut pas le faire, parce qu'il s'agit de projets trop petits pour elle. Très souvent, certains programmes menés dans le cadre du FSPI sont repris par l'AFD à une autre échelle, ce qui démontre toute leur pertinence. Nous devons vraiment faire confiance à cet outil, qui bénéficiera l'année prochaine de 70 millions d'euros. J'ai souligné la nécessité de se doter, au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, des moyens humains nécessaires. Les ambassadeurs nous disent qu'ils pourraient faire plus.

S'agissant de la vision à plus long terme, certains programmes entrent dans ce cadre, mais il revient au Parlement de s'assurer de leur bonne mise en œuvre. À cet égard, je mise beaucoup sur la commission d'évaluation de l'aide publique au développement. Une de ses premières missions pourrait consister à analyser l'existant. Je partage le sentiment de Bérengère Poletti, il est en effet très difficile d'avoir une vision large et complète de ce qui est fait en faveur des femmes. Il serait bon de disposer d'une photographie qui montrerait qui fait quoi en matière d'égalité femmes-hommes et de santé, par exemple.

S'agissant de COVAX, le ministre s'est engagé à répondre au banc. Nous l'interrogerons donc le 29 octobre. Je rappelle que la France a, par le biais d'ACT-A, pris des engagements importants : 5 millions d'euros en 2021 et 15 millions d'euros en 2022.

S'agissant de la transparence, je renvoie également Bérengère Poletti à la commission d'évaluation. J'espère que cet outil dont nous nous sommes dotés au travers de la loi du 4 août 2021 sera suffisant. Plus globalement, une réflexion doit être menée sur le budget d'aide publique au développement. Est-il toujours pertinent de conserver les deux programmes 110 et 209 ? Ne doit-on pas procéder à une restructuration ? Nous gagnerions sans doute en lisibilité en présentant les choses un peu différemment : faudrait-il par exemple distinguer les crédits multilatéraux des crédits bilatéraux ? La question mérite d'être posée. Les rapports qui nous seront présentés – pas en cette année de transition – amélioreront la visibilité de l'ensemble des programmes.

S'agissant des exemples concrets de femmes, c'est compliqué. Peut-être que la nomination d'un ambassadeur ou d'une ambassadrice qui porterait l'exigence de l'égalité femmes hommes, permettrait un regard transversal et sans doute plus précis sur les politiques concernées.

Je mise également beaucoup sur les conseils locaux de développement, qui, au-delà de la mise en place des plans d'action dans les pays, pourraient, si on les utilise bien, devenir, en raison de leur proximité, des sortes de lanceurs d'alerte. Ils pourraient nous interpeller sur un certain nombre de sujets.

Monsieur David, le budget suit malgré tout une trajectoire ascendante. Nous avons tous porté la loi du 4 août et nous nous sommes collectivement battus pour parvenir à atteindre cette trajectoire. Soyons-en fiers !

Sur les biens mal acquis, monsieur El Guerrab, c'est bien grâce au programme 370, désormais intégré au projet de loi de finances, que la transparence sera assurée s'agissant notamment des sommes « récupérées » par l'État français. Comment seront-elles utilisées ? Si l'idée est bien qu'elles aillent aux populations lésées par ces transferts d'argent accaparés par des responsables politiques pour leur usage personnel à l'étranger, le ministère devra mener une réflexion à ce sujet. Il faudra y travailler en étroite collaboration avec les ambassades et avec les acteurs locaux du développement hors État, notamment les ONG locales. Le conseil local de développement aura également un rôle à jouer dans l'affectation des sommes concernées.

La Mauritanie, pays que connaît bien Marion Lenne, est un exemple à suivre : parti de très loin en ce qui concerne l'égalité femmes-hommes, il a pris conscience qu'il était nécessaire de se saisir de cet enjeu et a mis en place de nombreuses actions, en matière de santé, d'éducation, d'économie. Peut-être est-il insuffisamment accompagné par la France ? Comme je l'ai dit au ministère, ce pays pourrait servir de pilote, particulièrement dans cette zone sahélienne où la place des femmes est un des grands enjeux de demain. Les Mauritaniens ont compris que les femmes peuvent être source de développement. Ils souhaitent d'ailleurs que la France accompagne un vaste plan de construction d'internats pour jeunes filles afin qu'elles puissent poursuivre leur scolarité. Il s'agit d'une très bonne idée, que la commission pourrait soutenir.

Malheureusement, d'autres pays n'ont pas la même vision : là encore, les conseils locaux de développement seront des acteurs majeurs afin qu'elle s'y développe. Un ambassadeur ou une ambassadrice thématique pourrait également y contribuer dans les pays dans lesquels notre aide est importante, au Gouvernement ou au sein des instances nationales.

Madame Tanguy, s'agissant du bonus, nous avons des objectifs chiffrés dans la loi du 4 août tant pour l'AFD que pour le MEAE. Est-ce suffisant ? Comment inciter plus fortement des pays à s'engager sur cette voie de l'égalité femmes-hommes ? Peut-être faudrait-il mettre en place un fonds dédié qui abonderait les projets de développement ayant une réelle dimension égalité femmes-hommes – projets dans le cadre du FSPI ou de l'AFD ? Je soumets cette réflexion à la commission. Cet outil « carotte », qui serait très lisible, pourrait favoriser la progression de cette démarche.

Monsieur Mbaye, le fonds français Muskoka est un très bel outil, catalyseur, peu coûteux et qui produit des effets énormes parce qu'il parvient à coordonner sur le terrain de multiples acteurs, qu'il s'agisse d'agences onusiennes ou d'ONG. Il permet d'être efficient et rapide. Il pourrait être étendu à d'autres pays.

En outre, nous pourrions imaginer des fonds Muskoka sur d'autres thématiques. Je pense à l'éducation, en particulier à la scolarisation des filles. Il existe déjà de nombreux outils en la matière, notamment le Partenariat mondial pour l'éducation, mais un fonds Muskoka dédié à l'éducation permettrait sans doute une action plus rapide, plus forte et plus pertinente. Nous devons réfléchir collectivement à des instruments innovants pour l'aide publique au développement. Notre commission pourrait formuler des propositions sur de nombreux sujets, dont celui-ci.

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La dispersion comptable et l'opportunité d'appliquer les critères de l'OCDE sont des questions que l'on pourra soulever avec la future commission d'évaluation de l'aide publique au développement, même si cela reporte la discussion à la prochaine législature. On peut tout à fait améliorer les choses en partant de l'existant, et ce n'est pas un vœu pieux.

Pour ce qui est de l'égalité femmes-hommes, je partage le sentiment de Bérengère Poletti : on en reste à un discours que l'on a du mal à traduire en actes sur le terrain. Le discours est une bonne chose, et je sais gré à la majorité de propager partout et dans tous les milieux un message clair sur ce thème. Néanmoins, avec la désignation d'un ambassadeur ou d'une ambassadrice thématique, on s'en tiendrait encore au discours. La création d'un fonds dédié à l'égalité femmes-hommes permettrait de développer une action plus concrète, de mettre en œuvre des dispositifs qui promeuvent cette égalité. Il conviendrait d'explorer cette piste.

S'agissant du fléchage de la TTF vers l'aide publique au développement, je fais à ce stade un constat d'échec. Si c'est un marronnier, c'est précisément parce que c'est une bonne idée devant laquelle on flanche. À l'évidence, nous devrions au minimum expérimenter la mesure. N'appartenant pas à la majorité, je ne peux guère la défendre davantage. Pourquoi la majorité ne la présente-t-elle pas à l'occasion de ce dernier budget, en écho à la loi du 4 août 2021 ? Le Gouvernement et le Parlement s'inscriraient ainsi dans une même dynamique. Et ce n'est pas un piège que je tends : nous devons travailler ensemble sur ce point.

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En tout cas, madame la rapporteure pour avis, je vous remercie pour votre rapport précis et précieux, qui propose des pistes intéressantes.

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L'affectation des taxes est une question très importante. Nous sommes sous le coup de modifications de la loi organique relative aux finances publiques (LOLF) qui visent à casser les mécanismes d'affectation des taxes aux organismes dépourvus de la personnalité morale. C'est, depuis toujours, une idée maîtresse des budgétaires. Elle était en arrière-plan de l'examen du texte qui est devenu la loi du 4 août 2021. Tout au long des discussions, en particulier à l'approche de la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons bien senti les réticences de Bercy, mais ni le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ni nous-mêmes n'en avions pleinement mesuré l'étendue. La fin de ces mécanismes d'affectation serait un mauvais coup – même si les coups portés par Bercy le sont au service de l'intérêt général. Avec cette proposition, nous sommes dans le viseur.

Vous appelez, madame Poletti, à davantage de transparence. Ce que nous attendons de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement, c'est non seulement qu'elle évalue les politiques menées, mais surtout qu'elle nous fournisse une grille d'analyse grâce à laquelle nous pourrons nous assurer que l'aide publique au développement, en particulier l'action de l'AFD, respecte les priorités fixées dans la loi. Pour évaluer, la représentation nationale a besoin d'un outil clarificateur qui lui permette de se faire une idée très précise de la façon dont l'argent est orienté. Sans jeter la pierre à qui que ce soit, il est arrivé dans le passé que l'on finance des projets que l'on n'aurait pas dû soutenir, par exemple une centrale à charbon en Chine.

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L'élaboration d'une telle grille d'analyse est un préalable à l'évaluation.

Article 20 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE5 de M. Alain David.

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Conformément à une demande récurrente que nous avions tous exprimée lors de l'examen du projet de loi de programmation, les crédits affectés à l'aide projet sont appelés à suivre une trajectoire ascendante. Le projet de loi de finances pour 2022 traduit d'ores et déjà cette progression, puisqu'il prévoit en la matière une hausse de 20 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 130 millions d'euros en crédits de paiement. J'émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE6 de M. Alain David.

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Il vise à abonder de 10 millions d'euros les crédits prévus pour les dons aux ONG. Or les dons aux ONG ont très fortement augmenté au cours des dernières années. Alors qu'ils s'établissaient à 97,8 millions d'euros en 2019, le montant inscrit dans le présent projet de loi de finances est de 150 millions. Là aussi, la trajectoire est ascendante. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l'amendement.

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La loi de programmation que nous avons adoptée n'ayant pas encore produit tous ses effets, le groupe Les Républicains exprimera une abstention bienveillante. J'en profite pour remercier la rapporteure pour avis de son travail remarquable.

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Vous passez donc de l'abstention attentive à l'abstention bienveillante. La gradation des appréciations portées par le groupe Les Républicains me paraît aussi subtile que la hiérarchie des anges dans la théologie de saint Thomas !

(Sourires.)

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Aide publique au développement non modifiés.

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Au nom de la commission, j'exprime mes remerciements aux rapporteurs pour avis et aux administrateurs, qui ont réalisé un travail remarquable. Il convient de saluer la qualité technique des rapports présentés. Quels qu'aient été le sens de nos votes et la teneur de nos appréciations politiques, nous disposons là d'instruments très utiles, à même d'éclairer nos concitoyens sur la politique menée par notre pays.

La séance est levée à 13 heures 05

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Aude Amadou, Mme Clémentine Autain, M Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, Mme Sandra Boëlle, M. Jean-Claude Bouchet, M Jean-Louis Bourlanges, M. Pierre Cabaré, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Christophe Di Pompeo, Mme Frédérique Dumas, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, M. Nicolas Forissier, Mme Maud Gatel, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Michel Herbillon, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sonia Krimi, Mme Aina Kuric, Mme Fiona Lazaar, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Sébastien Nadot, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Michèle Tabarot, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse

Excusés. - M. Philippe Benassaya, M. Jean-Michel Clément, Mme Laurence Dumont, M Bruno Fuchs, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Sira Sylla, Mme Laurence Vichnievsky