Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 9h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • conflit
  • haute
  • haute intensité
  • militaire

La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures cinq.

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Mes chers collègues, nous avons autorisé il y a quelques mois la création d'une mission d'information sur la préparation à la haute intensité, terme quelque peu à la mode. Depuis la guerre du Donbass et celle du Haut-Karabakh, en effet, les nations occidentales se préparent à vivre des conflits plus durs après des décennies de combat asymétrique. C'est dans ce contexte que la notion de haute intensité a fait son retour dans le discours des autorités militaires. Alors que notre outil de défense est en pleine modernisation et réorientation, il s'agissait pour nous de nous interroger sur la question de savoir si nous préparons efficacement les conflits du futur.

Nos collègues Patricia Mirallès et Jean-Louis Thiériot ont relevé ce défi. Au bilan, mes chers collègues, vous avez réalisé une cinquantaine d'auditions, d'une grande variété, qui témoignent de votre implication dans cette thématique vaste et complexe. Les personnes que vous avez entendues n'ont pas manqué de le remarquer, la liste d'auditions étant, à bon droit, jugée impressionnante.

Vous vous êtes aussi déplacés à Tallin, ou plus précisément à Tapa, auprès du détachement français de l'opération Lynx, qui assure la présence avancée renforcée de l'Organisation du traité de l'Atlantique-Nord (OTAN) en Estonie, aux côtés de nos alliés britanniques. Vous avez suivi de près les grands exercices interarmées et interalliés organisés ces derniers mois : Warfighter, aux États-Unis, en avril 2021, à dominante Terre, ou Polaris, le grand exercice conduit sous l'égide de notre Marine nationale au large de Toulon avec nos alliés américain, britannique, espagnol, grec et italien.

Dans quelques instants, vous allez nous livrer vos conclusions. Vous confirmez que nous sommes engagés dans la bonne direction, tout en mettant à juste titre en lumière quelques points de vigilance. Mais avant, et c'est heureux, vous avez fait un effort remarquable de définition et de pédagogie. Je précise que votre rapport comprendra trois scénarios fictifs illustrant ce que pourrait être, demain, la haute intensité. Vous avez en effet identifié parmi d'autres enjeux celui de mieux partager avec nos concitoyens les enjeux de notre défense, et ces scénarios doivent y contribuer.

En vous remerciant encore pour ce travail ambitieux et destiné au plus grand nombre, et d'une actualité brûlante, je vais vous céder la parole.

Je dois toutefois vous indiquer que je serai obligée de vous quitter au milieu de cette réunion et que je serai remplacée par la vice-présidente Isabelle Santiago. Je suis désolée, d'autant plus que je sais, pour avoir rencontré nombre des personnes que vous avez entendues depuis le début de vos travaux, combien votre travail est sérieux et remarquable. Par avance, merci.

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Madame la présidente, mesdames et messieurs mes chers collègues,

Au terme d'une cinquantaine d'auditions, de deux déplacements et grâce à l'apport de contributions écrites, nous sommes en mesure de vous présenter aujourd'hui l'état de notre réflexion sur la préparation nécessaire à un conflit de haute intensité.

Avant de vous présenter nos conclusions, je voudrais insister sur le grand plaisir que j'ai eu à travailler avec mon collègue Jean-Louis Thiériot et remercier nos collègues Fabien Gouttefarde et François Cormier-Bouligeon pour leur participation assidue à nos travaux.

Depuis 1945, la France évolue dans un système international qu'elle a contribué à façonner et qui lui permet de préserver les libertés de ses citoyens et d'atteindre des performances économiques permettant un progrès social. Cet ordre international est aujourd'hui contesté par des puissances révisionnistes, insatisfaites d'un système qui leur confère des garanties de sécurité ou de développement jugées insuffisantes et des normes philosophico-politiques jugées « décadentes ». Les puissances dites occidentales, sorties victorieuses de la Seconde Guerre mondiale, ont jusqu'alors défendu le statu quo, en attendant une évolution des puissances révisionnistes longtemps perçue comme inéluctable sous l'effet de la croissance économique, grâce à une alliance politico-militaire vieille de soixante-dix ans, des moyens militaires pour l'instant sans équivalents et la dissuasion nucléaire. Leurs adversaires, maîtres de l'approche indirecte, contre-attaquent avec des moyens sous le seuil du conflit armé – arsenalisation des dépendances, guerre informationnelle, cyberattaques – tout en investissant de manière croissante dans la puissance militaire. De plus en plus de nations empruntent aux mêmes modes opératoires pour obtenir des gains. Ce faisant, elles contribuent à la déliquescence des instances de dialogue multilatéral, confinées à l'impuissance, et réduisent par là même les opportunités de dialogue et de désescalade. Forte de son expérience de deux guerres mondiales, la France doit agir sur deux plans parallèles : elle doit favoriser le dialogue et tous les mécanismes y concourant tout en se préparant à affronter des conflits durs, notamment pour dissuader ses adversaires potentiels d'avoir recours à la force.

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C'est dans ce contexte que s'est imposée l'idée d'une mission d'information sur la préparation à un conflit de haute intensité à la commission de la Défense nationale et des forces armées. Dans le même temps, la conférence des présidents de l'Assemblée nationale a décidé la création d'une mission sur la résilience nationale qui rejoint pour partie nos préoccupations. Afin que ces travaux se complètent, nous avons choisi d'axer notre travail sur la préparation de l'appareil de sécurité et de défense à la haute intensité, afin de contribuer par une modeste brique à l'édification de la prochaine loi de programmation militaire (LPM). Nous souhaitons en effet contribuer à la réflexion collective par un travail transpartisan, dépourvu d'arrière-pensées puisque nous arrivons en fin de législature. Il reviendra à nos successeurs d'en tirer les conclusions utiles.

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Notre rapport commence par détailler la diversification et l'accentuation des menaces auxquelles nous assistons depuis 2008 et, plus encore depuis 2017. Les grandes tendances identifiées dans les livres blancs et les revues stratégiques se sont toutes confirmées et accélérées. J'ajoute que le réarmement observé dans la plupart des régions du monde pourrait en outre s'accompagner de ruptures technologiques aux conséquences stratégiques majeures. Outre l'intelligence artificielle, l'apprentissage profond (deep learning), le combat collaboratif, la robotique ou la guerre électronique, qui sont déjà des réalités, certaines innovations devraient, elles, survenir dans les dix ou vingt prochaines années.

Par exemple, une rupture est à craindre dans le domaine de l'informatique quantique. La Chine est l'un des pays les plus avancés dans le domaine de processeurs photoniques. Ces deux dernières années, elle a franchi plusieurs étapes importantes atteignant des vitesses de calcul sidérantes. Une expérience dite d'échantillonnage de bosons a été réalisée en deux cents secondes avec un processeur photonique alors qu'elle aurait nécessité, en théorie, autour de deux milliards et demi d'années avec l'actuel troisième supercalculateur du monde. La technologie quantique pourrait aussi être utilisée pour détecter les basses fréquences des sous-marins, contribuant à ce que les spécialistes appellent « la transparence des océans ». Depuis l'annonce par Moscou en 2019 de l'entrée en service du missile aéroporté hypersonique Kinzhal, les armes hypersoniques sont devenues une priorité pour plusieurs pays. Les armes à énergie dirigée, les lasers, ou les canons électromagnétiques sont d'autres ruptures à anticiper. Encore faut-il ajouter la guerre cognitique, qui alliera hyperconnectivité, manipulation de masse et biotechnologies, et la militarisation de l'espace auquel notre rapport réserve quelques développements.

Dans ce contexte alarmant, pourtant, que pourrait être un conflit de haute intensité ? Est-ce une perspective réaliste ? Nous avons voulu discuter de cette hypothèse en toute rigueur, après un effort de définition.

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Comme l'ont reconnu plusieurs spécialistes, ce terme a été quelque peu galvaudé ou employé à mauvais escient. Assimiler un conflit de haute intensité à une guerre totale réduit d'emblée le crédit d'une telle possibilité. En effet, la dissuasion nucléaire, pour les nations dotées, réduit a priori le risque d'« ascension aux extrêmes », pour reprendre les mots de Clausewitz, et ne laisse dès lors entrevoir que des conflits limités.

L'hypothèse d'engagement majeur (HEM) est souvent citée, en référence aux livres blancs de défense et de sécurité nationale et aux contrats opérationnels des armées. Mais elle n'est pas totalement assimilable à ce que serait un futur conflit de haute intensité. L'HEM est en effet une hypothèse technico-opérationnelle qui procède d'une analyse stratégique autant que de choix programmatiques et budgétaires.

L'actualisation stratégique publiée en 2021 par le ministère des Armées évoque pour la première fois depuis la fin de la guerre froide un risque d'affrontement entre grandes puissances. Le concept d'emploi des forces réactualisé par l'état-major des armées en 2021 a ensuite défini précisément les implications qu'aurait un tel conflit. En somme, la France pourrait s'engager dans un conflit de haute intensité temporairement seule ou aux côtés de ses alliés pour mettre fin à des actions déstabilisatrices de l'ordre international particulièrement préjudiciables à ses intérêts, ceux-ci incluant l'intégrité territoriale des pays de l'Union européenne. La dissuasion nucléaire et les alliances la prémunissent théoriquement d'une escalade. Cependant, les adversaires potentiels se sont évidemment adaptés à ces réalités et s'assureront de porter des coups qui pourront être très durs en dessous du seuil de riposte nucléaire ou de déclenchement des clauses de sécurité collective. Rappelons que la riposte nucléaire n'est envisageable qu'en cas d'atteinte aux intérêts vitaux.

Au bilan, nous estimons qu'un affrontement de haute intensité pourrait survenir dans trois cas de figure.

Premièrement, l'erreur de calcul ou miscalculation en anglais. L'un des États, au moins, peut franchir un seuil jugé majeur voire existentiel pour un autre compétiteur sans s'en rendre compte. Bien que les échanges diplomatiques prémunissent normalement des erreurs d'appréciation sur les intérêts et les seuils des adversaires, une erreur est toujours possible. Le manque de transparence entretenu sur les intentions, comme l'a brillamment montré Christopher Clark dans Les Somnambules à propos du déclenchement de la guerre de 1914, peut conduire à un conflit. La synchronisation des initiatives, le dialogue politique, sont des éléments cruciaux pour limiter ces risques.

Deuxième hypothèse : une escalade non maîtrisée. L'intensification de la compétition et sa diversification peuvent conduire à un déchaînement de la violence, par une dynamique d'escalade qui aurait tendance à échapper aux belligérants et à ceux qui croient pouvoir la contrôler, liée au fait que certains dirigeants puissent ne pas accepter le déshonneur d'avoir subi des pertes sans être capables de mener le combat jusqu'au bout, en quelque sorte victimes d'un mécanisme dit d'addiction au jeu. Là encore, le dialogue politique doit offrir des portes de sortie.

Troisième hypothèse : la dissimulation. Le développement des pratiques hybrides est évidemment un facteur de conflit majeur. L'instrumentalisation de groupes sociaux, d'États satellisés ou manipulés pour mener des actions violentes exonère les États instigateurs de ces actions de toute riposte tant qu'elles ne sont leur sont pas attribuées. Pour dissuader de telles entreprises ou les déjouer, il faut disposer de solides capacités de renseignement et d'épaisseur conventionnelle.

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Notre rapport propose trois scénarios fictifs pour illustrer ce que pourrait être un conflit de haute intensité. Il nous a semblé indispensable de publier ces scénarios pour rendre cette hypothèse tangible, en montrer les ressorts et les implications et ainsi identifier nos vulnérabilités mais aussi nos forces.

Ce faisant, nous avons listé cinq caractéristiques des futurs conflits de haute intensité :

Premièrement, le brouillard des intentions : la notion de haute intensité est parfois opposée, à tort, à celle de guerre hybride. En réalité, tous les experts entendus par la mission indiquent que les modes opératoires hybrides seront systématiquement employés à l'avenir aux côtés des moyens conventionnels. Un futur engagement de haute intensité commencerait probablement dans le domaine cybernétique, l'espace ou le champ informationnel. Il ne serait pas facile d'en lire les prémices. Il aurait des prolongements sur le territoire national, dans les champs immatériels ou susciterait des attaques sur les services essentiels. Un expert entendu par la mission a fait observer que dans deux des conflits récents qui ont pu donner le sentiment d'un retour de la haute intensité – le Donbass et le Haut-Karabakh – aucune puissance majeure n'avait été directement engagée. Pour autant, elles ont trouvé des moyens de l'être indirectement en fournissant des armes ou des équipements, par la formation des forces des belligérants ou d'autres actions indétectables.

Comprendre la situation, identifier les intérêts en présence, attribuer les actions, dissuader sont les maîtres-mots de la réaction à ces conflits qui pourront donner lieu à un déchaînement de violence important avant que la possibilité d'attribuer l'action ne rétablisse le rapport de forces et le jeu des alliances.

Deuxièmement, la fin d'un relatif confort opératif : face à des adversaires aux équipements modernes, utilisant des nuées de drones ou soutenus par des hyperpuissances militaires, la supériorité aérienne cessera d'être acquise à nos armées qui, depuis trente ans, ont évolué avec elle. Par ailleurs, les six semaines de conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie au Haut-Karabakh en octobre 2020 ont donné lieu à des commentaires focalisés sur les drones, sans noter l'importance de la guerre électronique menée par les Azéris, soutenus par leurs alliés, qui a manifestement rendu les Arméniens sourds et aveugles rapidement, les rendant incapables de s'opposer à des armes relativement simples. Comme l'ont confirmé plusieurs aviateurs, le brouillage du signal GPS est devenu quotidien sur les théâtres d'affrontement.

Troisièmement, une forte attrition en hommes et en matériels : par ce terme technique, les armées désignent avec pudeur la perte de pilotes, les tués et les blessés au combat, les disparus en mer, les destructions d'appareils, l'épuisement des stocks et des ressources, des données quasiment absentes de la planification depuis trente ans. En extrapolant à partir des taux d'attrition constatés lors de conflits symétriques entre forces aériennes (la guerre de Kippour ou la guerre des Malouines), il est manifeste que l'aviation de chasse française pourrait être réduite à néant en cinq jours. Dans le domaine terrestre, l'exercice Warfighter conduit aux États-Unis en avril 2021 a entraîné fictivement la mort d'un millier de soldats et davantage de blessés en dix jours. Une frappe de drone, en particulier, a provoqué la mort de huit cents soldats. Au terme de l'exercice Polaris, organisé du 27 novembre au 3 décembre dernier, sept à huit bâtiments de guerre ont été détruits. En une quinzaine de minutes d'un premier combat, deux frégates avaient été envoyées par le fond et deux autres étaient neutralisées, soit entre deux cents et quatre cents marins tués ou disparus.

Quatrièmement, une incertitude quant à la durée de la confrontation : parce qu'il est multiforme, le conflit de haute intensité peut s'éterniser. Un épuisement rapide des ressources est probable qui peut être suivi d'un appel aux alliés ou d'une remontée en puissance durant laquelle le conflit peut s'enliser et changer de forme.

Cinquièmement, une population civile à la fois victime et instrument de la guerre : la notion de front n'existe plus, et la confrontation peut avoir lieu sur une profondeur qui concerne l'ensemble du territoire. Les belligérants peuvent faire appel à des modes d'action hybrides, notamment les campagnes d'influence destinées à attiser les conflits sociaux internes, les attaques cyber contre des services essentiels mais aussi, en utilisant des armes aujourd'hui prohibées comme les armes chimiques.

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La perspective d'un conflit de haute intensité éclaire donc d'un jour nouveau les évolutions souhaitables de notre modèle de défense. Nous avons identifié neuf enjeux.

Premièrement, l'anticipation : c'est le « gagner la guerre avant la guerre » du chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard. Cela nécessite d'intégrer tous les instruments de la puissance de la nation, dont l'outil militaire, et de montrer une détermination sans faille. Comme l'a très justement dit le secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN), « la haute intensité, pour nous, c'est de la haute interministérialité ! »

Deuxièmement, la réactivité : d'après nos auditions, « on n'aura pas six mois ». Je précise que six mois, c'est le temps de remontée en puissance prévue dans l'hypothèse d'engagement majeur. Les durées de conflit et les préavis des contrats opérationnels paraissent ainsi irréalistes à la majorité de nos interlocuteurs. Il faut en tirer les conséquences pour nos stocks et nos formats d'armée mais aussi pour nos modes de décision.

Troisième élément, l'interopérabilité : une coalition est la seule force qui pourra faire face dans la durée. Il faut cultiver une culture stratégique et opérationnelle commune avec nos alliés et réduire les freins techniques à l'interopérabilité dans le respect de notre autonomie stratégique. Tout un programme !

Quatrième point, la masse : elle est nécessaire pour tenir plusieurs engagements simultanés mais aussi pour sanctuariser les fonctions stratégiques, comme la dissuasion, et pour garantir la résilience face aux pertes. Elle pourrait permettre dès maintenant un entraînement suffisant.

Cinquième élément, l'épaisseur : c'est le produit de la masse et de la résilience du soutien. En somme, notre aptitude à durer. Elle est trop faible aujourd'hui.

Sixièmement, l'arbitrage entre rusticité et technologie, ou le mix capacitaire. Des combinaisons de capacités très performantes et de systèmes moins coûteux, plus spécialisés mais plus nombreux doivent nous donner davantage d'agilité.

Septième point, la synchronisation des effets : dans le même ordre d'idée, plutôt qu'un renforcement général et homogène des capacités, il faut rechercher leur intégration pour produire des effets. C'est le combat collaboratif que chacun promeut aujourd'hui.

Huitièmement, les compétences : au-delà des considérations capacitaires, les conflits de demain demanderont de plus en plus de compétences, renouvelant les défis de l'attractivité et de la fidélisation, car à la fin des fins, dans une guerre, ce sont toujours les femmes et les hommes qui font la différence.

Neuvième élément, les forces morales : il faut que les forces morales soient suffisantes pour affronter des adversaires dont le rapport à la mort, au sacrifice et à la patrie ne sont pas les mêmes que chez nous.

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Notre outil de défense, tourné depuis trente ans vers la lutte anti-terroriste et le maintien de la paix, est en pleine réorientation. Notre rapport rend hommage à nos armées qui, bien qu'échantillonnaires, ont eu le génie de conserver une cohérence, une crédibilité, une capacité à entrer en premier et des compétences permettant à tout moment de remonter en puissance. La Revue stratégique de 2017 a précédé une loi de programmation militaire ambitieuse amorçant une « réparation » de l'appareil de défense par un effort financier de 197,8 milliards d'euros sur cinq ans, plus de 295 milliards d'euros sur sept ans, rigoureusement respectée depuis son adoption en 2018. En revanche, si la loi de programmation militaire évoque une « réparation » jusqu'en 2025, suivie d'une « modernisation », un renforcement éventuel n'est envisagé qu'après 2030.

C'est pourquoi la hausse de notre effort de défense doit être poursuivie. D'après nos calculs, le respect des marches à trois milliards prévues par la LPM est un minimum et cet effort devra se poursuivre bien au-delà de 2025.

Pour « gagner la guerre avant la guerre », dissiper le brouillard des intentions dans un champ informationnel saturé, conserver la supériorité informationnelle est indispensable. Dans ce contexte, notre bien le plus précieux sera constitué par les données dont le traitement et le stockage nécessitent d'accroître les capacités de nos data centers et de nos réseaux d'infrastructure. La perte de la supériorité aérienne imposera de faire évoluer nos capteurs qui sont mal protégés aujourd'hui. La direction du renseignement militaire travaille en outre avec le commandement de l'espace (CDE) pour se doter de meilleures capacités de surveillance et de protection de nos satellites, soit par des moyens dédiés, sous la forme de satellites d'observation spatiale, soit par des moyens d'autoprotection embarqués à bord des satellites (caméras, moyens de brouillage, etc.). D'autres ajustements sont nécessaires au profit de la fonction connaissance et anticipation.

Nous devons augmenter la préparation opérationnelle de nos soldats. Nos collègues rapporteurs budgétaires en ont tous souligné les limites. Pour cela, il est indispensable de reconstituer les stocks de munitions et de pièces pour permettre un entraînement de haute intensité. Le besoin financier complémentaire est estimé à 6 milliards d'euros sur une LPM.

Nous devons poursuivre la modernisation engagée. Cela signifie de préparer les futurs standards du Rafale en attendant le système de combat aérien du futur (SCAF), de commander le prochain porte-avions tout en se préparant à sauver les projets de lutte anti-mines, de futurs missiles de croisière et de la patrouille maritime enlisés aujourd'hui, de renouveler le segment lourd et de développer la robotisation dans les forces terrestres, de poursuivre la numérisation des soutiens et de la maintenance. Toutes ces dépenses sont prévues, évaluées, mais elles ne sont pour l'instant pas inscrites en loi de finances, ni même, pour certaines, en programmation. Une attention particulière devra aussi être portée à la masse salariale qui pourrait croître sous l'effet des mesures prises pour attirer et fidéliser, et pour renforcer l'entraînement. Les moyens trouvés pour financer l'essor, justifié, du commandement de l'espace devront être pérennisés après 2025.

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Un effort autrement plus élevé serait nécessaire pour amener le modèle au niveau requis par la haute intensité.

Nous formulons des propositions pour faciliter la remontée en puissance de notre outil industriel. Il faut, en effet, entre dix-huit et trente-six mois pour relancer la production de la plupart des matériels. Parfois plus. Pour autant, constituer des stocks pléthoriques n'est pas une solution efficace. Nous préconisons déjà de planifier la remontée en puissance, en créant une cellule dédiée au ministère des armées sous l'égide de la direction générale de l'armement (DGA). Cette cellule identifiera les espaces qui pourraient être utilisés, s'assurera de la solidité des chaînes de sous-traitance, recensera les dépendances à l'égard de matières premières sensibles et les matériels dont le temps de production justifierait qu'il en soit fait des stocks. Alors, seulement, des stocks ciblés de produits préusinés et de matières premières pourront être envisagés. Au niveau national, cette politique pourrait d'ailleurs rejoindre celles d'autres acteurs et conduire à la constitution d'opérateurs privés de stockage mutualisé avec la garantie de l'État. Elle trouvera son prolongement dans la recherche d'une autonomie stratégique européenne que M. Thierry Breton, commissaire à la défense et à l'industrie, essaie de traduire par un plan d'investissement massif en faveur d'une production européenne de semi-conducteurs.

Le manque de masse que nous constatons aujourd'hui et le temps de formation de certains spécialistes doivent nous amener à réexaminer le format de nos forces aériennes. En effet, quand bien même nous aurions l'industrie la plus performante du monde et les alliés les plus coopératifs du monde, il faut entre quatre et cinq ans pour former un pilote. Le rapport propose divers scénarios capacitaires pour acquérir de la masse de manière intelligente, en utilisant les drones et les robots.

Nous avons soigneusement listé les capacités des forces aéroterrestres qui doivent être renforcées aujourd'hui : les capacités de frappes dans la profondeur, la défense sol-air, le génie divisionnaire, et le système d'armes du maintenancier.

Un conflit de haute intensité imposerait de renforcer nos capacités logistiques et d'honorer le socle d'emploi militaire de tous les services de soutien, ceux du renseignement, du service de santé des armées, mais aussi du soutien en énergie, en munitions, qui sont aujourd'hui trop limités. Ce n'est pas au jour du déclenchement d'un conflit qu'il faudra se préoccuper du nombre et de la formation de ces personnels qualifiés. Je m'autorise une référence historique : face à la montée des périls dans les années 1930, le Front populaire avait engagé un grand réarmement, dès 1937. Hélas, à cause des délais de production, la France ne disposait, en 1939, que d'une cinquantaine de Dewoitine 520, pourtant les meilleurs chasseurs du monde. Cela donne la mesure des enjeux, sachant que la sophistication des aéronefs était moindre à l'époque.

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Notre rapport liste d'autres défis qui concernent la Nation dans son ensemble. Je voudrais en citer un, qui me paraît particulièrement important. Il s'agit de mieux faire partager les enjeux de défense à nos concitoyens. Il ressort de tout ce qui précède que les efforts consentis pour préparer l'appareil de défense à la haute intensité seront vains si les Français ne sont pas davantage informés des enjeux de défense et impliqués dans les choix structurants à faire pour le pays. Ce rapport se veut d'ailleurs une modeste contribution à leur information. L'insuffisance des dispositifs actuels a été évoquée en filigrane de nombreuses auditions : faiblesse du service national universel (SNU), dont il faudrait encourager la montée en puissance pour capitaliser sur son potentiel de sensibilisation de la jeunesse aux enjeux de défense – quitte à trouver un financement ad hoc qui ne pèse pas sur le budget des armées –, de l'enseignement de défense, des relations civilo-militaires dans les territoires, des réserves, manque d'exercices d'envergure, de planification interministérielle, « indifférence positive » à l'égard du monde militaire.

Nous partageons le sentiment que les armées font beaucoup mais que tout ne peut pas venir d'elles. Par ailleurs, ce ne sont pas les armées qui pourront élaborer un discours face à celui de nos compétiteurs. Nous devons impérativement renforcer l'intérêt de nos concitoyens pour les questions de défense.

Je voudrais remercier le secrétariat de la commission et mes collaborateurs, Hugo et Thomas.

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Je m'associe aux propos de Patricia Mirallès. Nous avons dressé un état de la menace et de notre situation et il est clair que les besoins sont patents. D'après nos travaux, en étant tout à fait raisonnables, à format constant, pour conserver un modèle d'armée complet et éviter d'être échantillonnaire, les besoins complémentaires peuvent être évalués entre 20 et 30 milliards d'euros, rien que pour la prochaine loi de programmation militaire. Puisque nous sommes en fin de législature, je veux remercier tous ceux qui ont participé à ce rapport. En premier lieu, ma collègue Patricia Mirallès avec laquelle j'ai eu plaisir à travailler, au service de l'intérêt national. Il n'y avait pas l'épaisseur d'une feuille de papier entre nous dans l'analyse que nous avons faite. Ce rapport est véritablement celui des deux rapporteurs et de la mission, et j'en profite pour saluer la participation exceptionnelle de notre collègue Fabien Gouttefarde tout au long de nos travaux. Je veux dire un mot de chaleureux remerciement à notre administratrice et son apprentie, qui ont fait un travail remarquable. Les comptes rendus de cinquante auditions, deux déplacements, représentent un travail conséquent, un travail d'équipe que je tiens à saluer. Ce rapport étant achevé, il appartiendra à nos successeurs de faire en sorte qu'il ne prenne pas la poussière ou serve à caler des armoires, mais qu'il contribue au contraire à l'édification de l'outil de défense dont notre pays a besoin.

(Applaudissements sur tous les bancs)

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Merci, vraiment, chers collègues, pour l'excellence de vos travaux. Cette contribution va ouvrir des débats aujourd'hui mais elle sera aussi lue attentivement par tous ceux qui s'intéressent de près aux enjeux de défense et de sécurité. Je vous prie de bien vouloir m'excuser.

La réunion est présidée par Mme Isabelle Santiago, vice-présidente.

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Chers collègues, je voudrais d'abord saluer la connaissance encyclopédique dont vous avez fait montre et la sagacité exceptionnelle que nous vous connaissons et avec laquelle vous avez mené ce travail, notamment l'ensemble des cinquante auditions qui ont permis d'aboutir à ce rapport qui, je vous rassure, ne calera aucune armoire mais inspirera au contraire les travaux, les nôtres ou ceux de nos successeurs, en prévision de la prochaine loi de programmation militaire. Vous l'avez rappelé : l'évolution de la situation géopolitique nous fait craindre un retour à des conflits de haute intensité après plusieurs décennies de conflits asymétriques de basse à moyenne intensité. Les tensions russo-ukrainiennes laissent entrevoir la possibilité d'un conflit entre États au cœur de l'Europe, même si les dernières nouvelles semblent aller dans le sens de la désescalade. Je tiens d'ailleurs ici à saluer l'action de notre président de la République pour tenter jusqu'au bout d'empêcher le pire avec d'autres acteurs européens, en maintenant un dialogue avec Moscou et Kiev. Face à cet éventuel retour à la haute intensité, nos armées se préparent d'ores et déjà. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons voté une loi de programmation ambitieuse, qui est déjà historique du fait qu'elle est la première depuis les années soixante dont les augmentations budgétaires sont respectées année après année. Nous avons pu constater la semaine dernière aux écoles militaires de Bourges avec ma collègue Sereine Mauborgne, que les premiers retours de terrain sur le Griffon, véhicule du programme Scorpion, sont excellents et qu'ils le seront aussi sur les premiers Jaguar livrés. Mais si la préparation à ce retour à la haute intensité passe par une remontée de la puissance de nos capacités militaires conventionnelles, il interroge également sur le rôle que joueront dans les conflits de demain certaines technologies de pointe. Dans votre introduction liminaire, vous évoquez l'enjeu des capacités de calcul quantiques dans la perspective de conflits de haute intensité. Le président de la République Emmanuel Macron a lui-même accordé une grande importance à cette capacité de rupture en annonçant en début d'année dernière un plan d'1,8 milliard d'euros sur cinq ans. Pourriez-vous nous expliquer en quoi cette technologie duale, attentivement étudiée dans le monde civil, peut être considérée comme un enjeu militaire et de souveraineté nationale ? J'ajoute que l'importance que vous avez accordée aux forces morales de la nation dans votre présentation a suscité mon plus vif intérêt. Vous savez peut-être que je viens de la commission des Affaires culturelles et de l'éducation. Il me semble qu'il appartiendrait à nos enseignants – qui portent déjà beaucoup sur les épaules, il est vrai –, d'apprendre à nos enfants qu'ils appartiennent à une nation, à une patrie, à une république, et que cela a un certain nombre de conséquences. Je pense que c'est aussi un point important qu'il faudra développer à l'avenir.

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Je ne peux que m'associer aux félicitations déjà entendues reconnaissant la qualité de votre rapport, résultat d'une mission d'information dans laquelle vous vous êtes largement investis. Dans vos préconisations, vous pointez bien sûr l'ampleur de l'effort budgétaire qui sera nécessaire, notamment sur la remontée en puissance de nos capacités. Pouvez-vous nous préciser un peu plus particulièrement quelles sont nos lacunes capacitaires ?

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Le Modem, qui aime le pluralisme politique et la recherche de consensus, se félicite de ce travail transpartisan à l'instar de celui que nous avons mené avec Jean-Jacques Ferrara sur les enjeux stratégiques en Méditerranée avec nos collègues Thomas Gassilloud, Jean-Christophe Lagarde, Jacques Marilossian ou Stéphane Vojetta. Ces remerciements introductifs trouveront un écho dans ma conclusion, vous le verrez.

Vous avez cité neuf enjeux pour faire face à des conflits de haute intensité. Certains sont aussi présents dans le rapport que nous présenterons cet après-midi, comme la réactivité et le mix capacitaire, ou encore le remplacement de nos Exocet subsoniques par des missiles plus performants. Sur l'impératif de réactivité dans l'information, nous vous relaterons un incident de septembre 2018 en Méditerranée orientale, qui a vu les Russes accuser la frégate Auvergne d'avoir abattu un avion russe. Il a fallu un certain temps pour arriver à rétablir la vérité. Heureusement, et vous l'entendrez aussi cet après-midi, que nous avons des relations militaires fondées sur le respect, bien que tendues, avec les Russes qui ont garanti notre crédibilité. Mais le temps a failli nous manquer parce qu'à l'heure de missiles hypersoniques comme le Zircon, qui en six minutes peut détruire un groupe aéronaval, le délai de réponse devient de plus en plus court. Les paliers prévus par notre loi de programmation militaire sont remarquables et la trajectoire budgétaire que nous allons respecter des trois milliards permet de remettre à niveau, de réparer, notre modèle d'armée. Vous semblez envisager d'aller plus loin. Nos conclusions, notamment sur nos forces navales en Méditerranée, cet après-midi, iront dans le même sens. Vous l'avez dit : s'agissant des capacités aériennes, un fil du rasoir se profile. Cela doit être effectivement relié au besoin d'éduquer le public afin qu'il soutienne cet effort financier. Je me demande si, au fond, nous ne devrions pas profiter de cette excellente entente que nous développons entre nous à l'occasion de ces rapports pour aller bien au-delà et constituer un vrai bloc au sein de cette commission de la défense, pas seulement à l'égard de nos concitoyens, mais aussi à l'égard des décisionnaires budgétaires et de l'administration budgétaire que l'on affronte. Vous vous souvenez peut-être qu'en tout début de législature, j'ai eu un échange vif avec une de nos collègues de la commission des Finances qui nous avait tranquillement expliqué que « ces milliards-là, c'était une fleur. » Elle était à l'époque dans la majorité et sa trajectoire politique depuis m'a donné raison et je l'en remercie. (Sourires) J'avais répondu, peut-être aussi vite qu'un Exocet, que le fait qu'il s'agissait d'une fleur que la commission des Finances nous faisait pour cette loi de programmation militaire était un propos inacceptable. Donc ne croyez-vous pas, mes chers collègues, que nous devrions au sein de cette commission faire un bloc de manière à franchir ce cap budgétaire à l'avenir ?

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Merci pour vos travaux d'excellente qualité. J'ai deux questions. D'abord, vous l'avez dit et bien expliqué, le retour de la haute intensité pose des questions essentielles sur le format de nos armées en hommes, en équipements, sur l'état des stocks de pièces de rechange ou de munitions, et évidemment du fait de l'irruption de technologies nouvelles, parfois de ruptures. À ce sujet, vous avez cité le quantique, les missiles hypervéloces et la guerre cognitive. En conclusion, vous affirmez, au fond, votre attachement à un modèle d'armée complet et échantillonnaire, indiquant par ailleurs que si nous voulons tenir ce modèle d'armée complet il faut envisager une hausse de budget de vingt à trente milliards d'euros. Au cours de vos travaux, avez-vous eu l'occasion de discuter de choix technologiques qui impliqueraient des renoncements par rapport à des grands programmes ou des capacités et, au fond, l'abandon de ce modèle d'armée complet ? Les Russes l'ont fait. Les Britanniques aussi, à leur manière. Où en sont aujourd'hui vos réflexions sur le modèle d'armée complet ?

Ma deuxième question porte sur l'OTAN. S'il y a bien des organisations qui ont vocation à gagner la guerre avant la guerre – et vous avez parlé de l'importance des coalitions – ce sont des organisations comme l'OTAN qui, par des mesures de réassurance, par leurs politiques défensives, parfois perçues d'ailleurs comme offensives par d'autres États, comme l'actualité invite à le constater, peuvent permettre de faire la différence. Comment s'appliquent les enjeux de la haute intensité dans le cadre de l'OTAN, dans un contexte de fortes tensions notamment entre l'Ukraine et la Russie, et où tout est hors de calculs ? Vous avez parlé à ce sujet de « miscalculation », qui peut être une étincelle possible dans l'éclatement d'un conflit.

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Je remercie les rapporteurs pour leurs travaux et pour leurs contributions à la réflexion collective. Les tensions dans le monde s'accroissent et les dépenses d'armement augmentent. La hiérarchie des puissances est contestée et plusieurs États revendiquent une prééminence régionale à laquelle certains avaient imprudemment voulu croire qu'ils renonceraient. Les avancées techniques et leurs généralisations ont permis à divers acteurs, étatiques ou non, de rivaliser avec des forces armées objectivement plus nombreuses, mieux formées et mieux dotées. À ces paramètres, il faut bien sûr ajouter la crise écologique, source de déstabilisation. Enfin, la pandémie de Covid-19 a mis en évidence certaines vulnérabilités en matière d'approvisionnement, notamment. Dans ces conditions, il est certes logique de se demander comment adapter notre outil de défense.

Il me semble cependant que la nouveauté du problème devrait être un peu relativisée. Depuis une quinzaine d'années, nos forces sont engagées dans des opérations dures au cours desquelles nous avons perdu des soldats et eu de nombreux blessés. Le besoin d'une préparation à la haute intensité s'explique surtout du fait de la réduction du format des armées, de la baisse des budgets et de l'intensité opérationnelle sous les derniers quinquennats. L'usure du matériel et des hommes appelle des réponses qualitatives autant que quantitatives. Je suggère, selon une méthode bien connue, d'examiner les présupposés et implications de notre sujet sous l'angle de la doctrine, de l'organisation, des ressources humaines, de l'entraînement, du soutien et de l'équipement (DORESE). Je ne pourrai malheureusement pas entrer dans les détails.

Sur la doctrine : la haute intensité, pour quoi faire ? Premièrement, la haute intensité ne doit pas être une alternative à la dissuasion. Elle répond certes à des situations dans lesquelles la dissuasion peut être prise en défaut mais il est fondamental de ne pas banaliser l'idée d'un engagement majeur. Deuxièmement, la haute intensité ne peut se concevoir que dans le cadre d'un conflit engagé pour la défense d'intérêts clairs : le territoire et la population. Il ne saurait être question de penser ce genre de sacrifices au nom de grands principes qui nous érigeraient en gendarme du monde ou pire, nous embarqueraient dans des conflits de géants pour l'hégémonie. Par conséquent, c'est plutôt en regardant vers nos outremers qu'il faut penser la haute intensité et c'est en partant de leurs réalités qu'il faudra faire des choix. Enfin, il me semble que le véritable scénario de l'engagement majeur, c'est celui qui résulte des crises cumulées, lorsque se rencontrent l'attaque informatique, la catastrophe naturelle, l'action militaire opportuniste et peut-être d'autres encore. C'est à cela que nous devons le plus sûrement nous préparer.

Sur l'organisation, une des principales sources de vulnérabilité actuelle résulte de la recherche d'efficience qui a déterminé toutes les politiques menées au ministère des Armées depuis Nicolas Sarkozy : le choix d'une logique, non plus de stocks, mais de flux, et de la mutualisation des ressources. La réforme des bases de défense de 2015 est la quintessence de cette approche. La redondance est la clé de la résilience et la condition d'un effort continu.

Sur les ressources humaines, à ce sujet, la leçon me paraît certaine. Il n'y a pas de haute intensité sans une forme d'implication populaire dans la défense, d'où l'instauration nécessaire d'une conscription. C'est une question de démocratie et aussi d'efficacité. Une action militaire d'ampleur suppose a minima un soutien moral fort mais aussi des structures permettant de changer de dimension rapidement.

Sur l'entraînement, je ne m'étendrai pas, sur un aspect qui est proprement la compétence de l'état-major mais qui nécessite néanmoins les moyens nécessaires.

Sur le soutien, il est indispensable de poser deux questions : celle du service de santé des armées et celle ensuite de la fin prochaine du pétrole.

Sur les équipements, il sera indispensable de disposer d'une masse critique de matériels et de pouvoir en augmenter rapidement et durablement le volume. On ne saurait l'envisager sans que l'État ait dans sa main tous les moyens d'une planification rigoureuse. On ne peut non plus le concevoir si nous restons enferrés dans une logique commerciale qui fait préférer la haute technologie plutôt que l'efficacité de matériels rustiques.

Il y aurait encore beaucoup à dire mais la défense de la patrie implique d'envisager des scénarios multiples, et la haute intensité en est un. Il ne doit pas occulter les autres ni être instrumentalisé. Au contraire, il faut y faire face et se donner les moyens essentiellement politiques de le traiter conséquemment.

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Je voudrais d'abord féliciter nos collègues pour ce rapport précis et intéressant, du moins à l'aune de la présentation qui nous en a été faite, puisque le rapport lui-même n'a pas été distribué. Nos armées et la préparation à la guerre de haute intensité peuvent être perçues comme une assurance. Nous cotisons tout en espérant que nous n'en aurons pas besoin. Par contre, comme dans notre quotidien, la première mesure qui nous évite d'utiliser notre assurance est une vie prudente. N'oublions donc pas que la guerre de haute intensité doit être le dernier recours après la diplomatie et le dialogue. Vous avez eu des mots très justes sur cette question, parlant notamment du dialogue politique qui doit nous éviter de devenir les victimes d'un mécanisme d'addiction au jeu pour reprendre, je crois, une expression que vous avez employée.

Je voudrais revenir sur trois points qui me semblent essentiels. Le premier a trait à la résilience de la population. Je parle de la population entière et pas seulement de nos armées. Une guerre moderne de haute intensité avec, par exemple, des campagnes de désinformation, des attaques cyber, des actions de désorganisation de nos services essentiels ou d'attaques sur des sites stratégiques comme les centrales nucléaires, affecterait autant la population que des cibles militaires sur notre territoire. Je pense en particulier au risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC). Nous allons rendre avec ma collègue Carole Bureau-Bonnard la semaine prochaine un rapport sur ce sujet, qui sera bien sûr excellent. (Sourires) Je pense qu'il est important de revenir sur ces risques NRBC, qui ont été insuffisamment pris en compte depuis quelques années. Est-ce que l'on prépare suffisamment la population ? La Suède par exemple, mêle la défense militaire à la protection civile. Est-ce que l'on fait suffisamment, vous l'avez dit, sur le service national universel avec une forme de conscription ?

Cette question mène directement à mon deuxième point : notre perte de souveraineté à la suite de la désindustrialisation avancée, commencée par la mise en concurrence des États européens dans les années 1980 et une multi-délocalisation, notamment en Asie. Nos dépendances touchent tous les secteurs : l'industrie, les matières premières critiques, la production de munitions et de pièces détachées, la santé, les productions de masques et de médicaments, l'alimentation mais aussi, et surtout, l'énergie avec le pétrole importé. Comment mener une guerre de haute intensité sans pétrole pour les avions et les chars ? Se préparer à un conflit de haute intensité, c'est d'abord réindustrialiser notre pays, regagner notre capacité de production, d'innovation et de savoir-faire. C'est indispensable pour avoir une base industrielle et technologique de défense de haut niveau.

Mon troisième point concerne le financement de notre défense. J'y reviendrai cet après-midi, avec le chef d'état-major des armées. Un renouvellement de l'équipement des forces armées françaises pour permettre des interventions simultanées et sur des terrains multiples est indispensable. Il a lieu en ce moment dans le cadre de la loi de programmation militaire mais il y a des carences. Je reviendrai encore une fois sur le NRBC. Trop de véhicules ne sont pas protégés, par exemple.

Enfin, je termine avec la question de la dissuasion nucléaire. Cette dissuasion nucléaire dévore une grande partie de nos moyens, plus de treize millions d'euros par jour. Mais quel est son rôle dans la guerre de haute intensité ? Vous avez parlé, je crois, d'un risque d'ascension aux extrêmes. Est-ce que la dissuasion nucléaire permet réellement de prévenir une escalade ? Est-ce que la menace de riposte nucléaire n'est pas allée trop loin en quelque sorte ? Je voudrais quelques explications sur ce point.

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Monsieur Cormier-Bouligeon, vous avez en effet raison de souligner l'importance du quantique. Nous évoquons plus en détail dans le rapport le plan annoncé par le président Emmanuel Macron. Notre président a en effet bien saisi ce que peuvent apporter ces capacités à notre société. Ses potentialités militaires sont majeures, a fortiori dans un conflit de haute intensité. Cette rupture technologique peut décupler les capacités de détection des radars ou antennes et accélérer considérablement le traitement et l'analyse des données. Ses implications pour le renseignement sont majeures tant dans notre capacité à détecter que dans notre aptitude à ne pas l'être ou encore dans la maitrise des attaques informationnelles et cyber. Cette technologie illustre à merveille la dualité de certaines innovations.

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Oui, l'accélération des calculs est un élément absolument essentiel qui permettra une analyse rapide des situations. Par exemple, face à la menace de missiles hypersoniques, nous aurons probablement besoin de ce type de calculateurs.

Ma co-rapporteure et moi-même sommes particulièrement sensibles à la question des forces morales. Une nation ne se défend que si elle veut se défendre et s'aime suffisamment pour se défendre. L'Éducation nationale a évidemment un rôle majeur à jouer car c'est là où passe toute la jeunesse de France. Des initiatives existent et se développent, comme les « classes défense » dans certains lycées. Les enseignants qui portent ce type de projets sont remarquables. La vraie difficulté, c'est d'avoir suffisamment d'enseignants engagés dans cette démarche. Je cite un exemple vu dans mon département de Seine-et-Marne. Il y a trois ans, nous avions un directeur adjoint départemental à l'Éducation nationale qui n'avait aucune culture de défense. C'était, pour lui, un autre monde. Il a cependant été désigné auditeur de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et faisait partie de ma promotion. Grâce à ce qu'il a vu à l'IHEDN, il porte aujourd'hui la sensibilisation aux enjeux de défense à bout de bras et on arrive à des résultats, notamment avec des « classes défense ». Dans le lycée de Nangis pour ne pas le citer, les élèves ont pu participer au concours national de la résistance et de la déportation. Le lycée a été primé et ça a créé une véritable émulation. J'ai appris qu'un jeune élève de terminal au sortir de cette classe venait de s'engager dans la gendarmerie comme gendarme adjoint volontaire. Il faut encourager ces initiatives et les inscrire dans un plan d'action global. Cela rejoint ce que disait ma co-rapporteure sur le parcours de citoyenneté.

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La personne que tu cites appartient plutôt à ma promotion, il me semble. Effectivement, au début, il n'y connaissait absolument rien. Mais il voulait être en mesure d'apporter des éléments nouveaux à notre jeunesse et comprendre pourquoi nous consentons des efforts si considérables, notamment budgétaires, pour notre défense, ou encore pourquoi certains jeunes s'engagent pour leur Nation jusqu'au point de donner leur vie. Je crois qu'il n'y a rien de pire que quand on ne sait pas et qu'on croit savoir. C'est le rôle de l'Education nationale qui est très important. Nous pensons sincèrement que nous avons aujourd'hui cette démarche à faire auprès de la jeunesse. Bien évidemment, nous ne souhaitons pas qu'ils soient tous militaires mais nous souhaitons qu'ils aient connaissance de ce que font et sont les armées, pourquoi nous y mettons autant d'argent et pourquoi nous devons continuer cette démarche.

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Je vais répondre à la question de notre collègue Marianne Dubois sur les « trous capacitaires ». Je distingue deux grandes lacunes. Le premier, qui touche toutes nos armées, est le manque de stocks de munitions, qu'elles soient simples ou complexes. Le second est relatif au manque de moyens pour l'entraînement. Pour prendre un exemple, l'armée de Terre atteint péniblement 64 % des normes définies en LPM pour la préparation opérationnelle des forces terrestres. Certes, les résultats progressent mais la marge de progression reste importante. En Estonie, avec ma co-rapporteure, nous avons appris qu'eu égard au potentiel insuffisant de nos chars Leclerc sur place, ils ne pouvaient pas être utilisés autant que souhaité. Lors d'une discussion avec un capitaine du 1er régiment de chasseurs de Conti Cavalerie, nous avons ainsi appris qu'à l'entraînement, celui-ci ne commandait pas à l'avant comme il le ferait en opérations, et ce afin de garder du potentiel au profit de l'entraînement de ses hommes. Voilà typiquement le genre de lacunes devant être comblées. Je cite l'armée de Terre mais on pourrait décliner ce type d'exemples dans les autres armées.

Je développerais peu sur le spatial et le cyber. Il s'agit moins de combler des lacunes capacitaires que d'accélérer des évolutions et de conduire des réflexions. Par exemple, pour avoir une résilience des réseaux satellitaires, il conviendrait sans doute d'avoir davantage de satellites en propre mais il serait aussi intéressant de s'appuyer sur les constellations de satellites civils. Cela offrirait de la redondance. Sur le cyber, l'enjeu est finalement moins d'investir dans des capacités que d'avoir des ressources humaines au bon niveau.

Pour l'armée de Terre, quelques trous capacitaires ont été clairement identifiés. Premier élément, les capacités de frappe dans la profondeur, en clair les lance-roquettes unitaires et les canons Caesar, avec toute l'architecture permettant la gestion des feux dans le combat collaboratif. Deuxième élément, la défense sol-air basse couche, puisque nous ne sommes plus certains d'avoir la supériorité aérienne et qu'à cela s'ajoute la menace générale des drones. Enfin, je citerai les capacités de minage-bréchage, que nous avons quasiment abandonnées, ainsi que la chaîne logistique et le système d'armes du maintenancier. Voilà les lacunes à combler aujourd'hui, sachant que nous restons dans l'obligation de préparer le renouvellement du segment lourd, c'est-à-dire, pour faire simple, la succession du char Leclerc par le Main Ground Combat System (MGCS) si ce projet parvient à son terme.

Concernant ensuite l'armée de l'Air, nous sommes préoccupés de la taille de notre flotte de Rafale, amputée – et on s'en félicite – par les ventes à l'export. Il faut remédier à la situation actuelle qui est extrêmement tendue. Les avions ravitailleurs, les MRTT, sont en nombre insuffisant. Nous manquons d'avions de cargo de taille intermédiaire. Nous avons nos A400M mais nos CASA arrivent en bout de course et une solution devra être trouvée. À ce titre, un projet européen de petits A400 – que j'appelle A200, bien que je serais sans doute désapprouvé par les industriels – pourrait nous intéresser. J'ajoute que nous n'avons plus du tout d'hélicoptères lourds, dont on a pourtant vu l'intérêt pour l'opération Barkhane. Aucune production européenne n'existe dans ce domaine. Mais vous le verrez dans le rapport, certains pays pourraient vendre leurs flottes d'occasion ou les louer. Doit-on s'y intéresser ? C'est une question à se poser.

Enfin, pour la Marine, les lacunes sont de deux ordres : premièrement, la densité de l'armement de nos bateaux et quelques capacités insuffisantes ; deuxièmement, le format de la flotte de surface. À propos de l'armement de nos bateaux, je précise que nos navires sont relativement sous-armés en nombre de tubes – puisqu'on raisonne désormais davantage en nombre de tubes qu'en tonnage. Notre pratique actuelle des refontes à mi-vie conduit malheureusement à ce que nos navires soient déclassés trop rapidement ; une refonte plus régulière de nos bateaux serait dès lors souhaitable. Nous devons aussi avancer rapidement sur le successeur de l'Exocet, un excellent missile mer-mer mais dont la conception date des années 1970. Nous avons besoin d'une allonge de plus de 100 kilomètres aujourd'hui . Le projet franco-britannique de guerre des mines doit être accéléré. Il reste du travail à faire sur les drones, etc.

À propos du format de la flotte de surface, la question est la suivante : est-ce que notre format à quinze frégates de premier rang est suffisant ? Si je m'en tiens aux ambitions du livre blanc – et nous pensons tous les deux qu'elles sont justifiées – de rester une grande puissance navale au regard des enjeux dans le Pacifique, nous devons augmenter le format de quinze à dix‑huit frégates, afin de conserver une permanence à la mer en différents endroits, et grâce aussi à des bateaux plus petits et moins chers. Je pense au programme européen de patrouilleurs (European Patrol Corvette) qui peut nous offrir une présence à la mer complémentaire tout en étant une belle opportunité de coopération européenne. Voilà un panorama très bref, très rapide mais qui retrace ce que nous avons identifié et que vous retrouverez beaucoup plus en détails dans le rapport.

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Je n'ai pas grand-chose à rajouter si ce n'est un point de vigilance sur les Rafale biplaces qui doivent demeurer en nombre suffisant. Or, les récents contrats à l'export nous en ont fait perdre quatre et des accidents deux autres, de sorte que nous manquons de marges de manœuvre pour ces avions principalement employés pour la dissuasion.

Monsieur Philippe Michel-Kleisbauer, je serai évidemment là tout à l'heure pour écouter votre rapport. Je connais votre implication et la finesse de vos analyses. Oui, nous devons embarquer la Nation dans la loi de programmation militaire. Il faut avoir un regard humain plutôt que technologique ou budgétaire et c'est un peu ce que nous avons essayé d'apporter durant les cinq ans passés au sein de cette commission. Avoir un regard différent, comme par exemple avec le plan Famille, est nécessaire, car nos vies changent mais celles des militaires aussi. Nous devons montrer l'engagement personnel et familial des militaires car l'engagement militaire est l'engagement de toute une famille. Donc oui, nous devons continuer notre effort de remontée en puissance et j'invite ceux et celles qui seront élus à la prochaine législature à ne pas s'en dessaisir car il est indispensable de faire bloc.

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Une fois encore je partage totalement ce que vient de dire mon excellente collègue. Faire bloc est une caractéristique de cette commission, grâce à notre capacité à travailler ensemble, face notamment à la tentation des budgétaires à réduire la défense à une dépense, ce qu'elle est mais seulement en partie, car la défense est une dépense, mais aussi, et surtout, une assurance-vie. Il y a des circonstances où le pays doit d'abord être protégé. Oui, nous devons être unis. Je pense surtout qu'il faudra porter ce que nous partageons assez unanimement auprès des autres parlementaires des autres commissions. Ce qui relève désormais pour nous de l'évidence ne l'est pas pour les autres. Nous devons faire connaître le caractère dual de l'industrie de défense, le coefficient multiplicateur de l'investissement dans la défense ou encore le rôle décisif de la défense sur tous les territoires, à l'instar des entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Nos collègues n'ont rien contre mais n'en sont pas conscients. Collectivement, nous avons un rôle pédagogique à jouer.

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Je vais répondre à Monsieur Larsonneur. La haute intensité est une forme de conflictualité qui peut venir s'ajouter aux conflits asymétriques actuels. Notre rapport ne propose pas de renoncer à un modèle d'armée complet, bien au contraire. Il y a plusieurs possibilités pour modifier notre mix capacitaire et gagner de la masse sans renoncer à des capacités critiques.

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Il est possible que je me sois mal exprimé car je n'ai pas proposé que nous restions une armée échantillonnaire. J'ai justement dit que face aux défis de la haute intensité nous devions sortir du modèle échantillonnaire, d'où les marches budgétaires supplémentaires que j'évoquais. Mais je devine que vous faites référence à l' Integrated Review de nos amis britanniques : est-ce que nous avons des capacités auxquelles nous devons renoncer ? Moi je pense, et c'est aussi la conclusion de notre rapport, que dans tous les cas, nous ne devons pas renoncer à des capacités. L'armée britannique a fait le choix de réduire largement le périmètre de son armée de Terre. Très bien, mais le respect que la France inspire dans le monde repose à la fois sur notre capacité de dissuasion – et donc, conjointement, sur notre statut de membre permanent au conseil de sécurité des Nations-Unies – mais aussi dans l'excellence de nos armées capables d'agir dans tous les secteurs. Il faut être très prudent sur l'idée de renoncer à une capacité sachant que la reconquérir et la retrouver est très difficile. Je prends l'exemple du minage-bréchage : un domaine que nous avons totalement abandonné mais qui fait aujourd'hui l'objet d'une remontée en puissance, lente, car il s'agit d'un élément nécessaire dans le cadre de la sécurisation d'un théâtre d'opération. Vous l'avez vu au travers de notre présentation, nous ne pouvons pas savoir le visage que prendrait le conflit de haute intensité dans la durée. Eu égard aux stocks qui sont limités, chez nous mais aussi chez nos adversaires, nous pourrions très bien connaître un épisode de haute intensité, puis une période trouble peu intense qui précèderait une remontée en puissance. Dans ce contexte, disposer d'une capacité technique même échantillonnaire est important et je suis d'avis qu'il ne faut renoncer à rien.

En réponse à votre question sur l'OTAN, évidemment que la coopération et l'interopérabilité sont indispensables. Cela suppose que nos partenaires de l'OTAN fassent aussi l'effort de défense nécessaire. La France le fait dans cette LPM et le fera davantage mais elle ne peut pas faire seule cet effort. Il est possible d'envisager confier certaines capacités à nos alliés de l'OTAN mais je suis très réservé sur cette idée. Le souvenir des Malouines est bien présent à l'esprit de la plupart de nos interlocuteurs. Le Royaume-Uni s'est trouvé seul pour reconquérir les Malouines. Je ne sais pas nous serons dans la même situation si les îles Éparses sont prises – le combat ne serait peut-être pas symétrique – mais nous pouvons nous retrouver seuls. Même si, chacun en est conscient, un conflit de haute intensité dans la durée sera nécessairement un conflit dans le cadre d'une coalition. C'est pourquoi l'initiative européenne d'intervention (IEI) est un outil intéressant pour mesurer les apports des uns et des autres au travers de différentes situations.

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Monsieur Lachaud, concernant la question budgétaire, nous espérons que la LPM soit une première étape et nous appelons à ce que la prochaine LPM soit massive et modernisante. Sur la circonscription, je ne pense pas qu'à notre époque, elle suscite l'adhésion de la jeunesse. Je suis plutôt favorable à une invitation comme le service national universel (SNU), qui encourage et sensibilise notre jeunesse. À mon avis, il faut renforcer ce dispositif pour habituer, informer voire susciter des vocations. Vous avez aussi souligné l'importance des soutiens auquel sont consacrés plusieurs développements du rapport. Il est impératif de les revaloriser. Sur la fin du pétrole, vous verrez à un de nos scénarios que ce sujet est pris très au sérieux, y compris, au sein de nos armées, par le service de l'énergie opérationnelle.

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J'ajouterai simplement qu'il ne faut pas faire d'erreur d'analyse sur ce qu'est la dissuasion par rapport au conflit de haute intensité. La dissuasion a pour vocation de protéger les intérêts vitaux, intérêts que nous ne devons pas définir afin de laisser nos compétiteurs stratégiques dans l'incertitude sur la riposte qui serait la nôtre. Il n'a jamais été dans nos intentions de présenter le conflit de haute intensité comme une dissuasion conventionnelle. La haute intensité n'est pas la dissuasion, c'est autre chose. En revanche, le fait de s'y préparer, cela contribue à ce que le chef d'état-major des armées appelle « gagner la guerre avant la guerre ». Le fait d'avoir un outil conventionnel puissant, résilient et susceptible de répondre aux menaces permet de décourager un adversaire de franchir les degrés de l'échelle de perroquet qui peuvent aller jusqu'au conflit de haute intensité. Donc dissuasion et conflit de haute intensité sont bien deux choses totalement différentes. Enfin, sur la conscription, je rejoins complètement ma collègue : nous ne pouvons pas refaire l'armée nouvelle de Jean Jaurès. Comment armons-nous les conscrits ? Qu'en faisons-nous ? Je serai ravi d'avoir 700 000 jeunes qui passent une année de leur vie dans nos armées. Ce serait une belle école de la vie. Mais ce qui développe un esprit de corps et fait qu'on s'entraîne bien, c'est le fait de se préparer à une mission. Si c'est uniquement pour faire la corvée de pluche et balayer la cour de la caserne, cela ne sert à rien et pire, on fera de nos jeunes des antimilitaristes ! Ne refaisons pas les guerres du passé, nous avons bien pris la peine de préciser que nous ne sommes plus en 1914 et qu'il n'était pas question de refaire une guerre totale, où les soldats se battraient dans les tranchées de l'Artois ou de l'Argonne. Le sujet est de penser la guerre d'aujourd'hui.

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Pour répondre au président Chassaigne sur la protection civile, je confirme que nos armées pourraient être amenées à lutter sur plusieurs fronts et notamment en cas de catastrophe naturelle. Concernant les stocks stratégiques que vous avez évoqués, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) doit impérativement les constituer. Nos efforts, aussi belliqueux puissent-ils sembler, n'ont pas d'autres objectifs que de cultiver la paix. Le meilleur moyen d'éviter la guerre, c'est de s'y préparer. Sur la désindustrialisation, je partage sincèrement votre constat et les efforts d'investissements consentis pour le calcul quantique s'inscrivent, il me semble, dans la bonne direction.

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Je partage aussi très largement les analyses du camarade-président Chassaigne ! (Sourires) Nous évoquons bien la montée des menaces NRBC dans notre rapport, soulignée par le service de santé des armées (SSA). Des indices d'accentuation de cette menace de la part de nos compétiteurs stratégiques ou de groupuscules infra-étatiques existent. En ce qui concerne la protection civile, nous avons des pompiers dans nos services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) qui font un travail formidable, nous avons les militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ou de Marseille également, mais cela ne fait jamais que deux régiments de protection civile. Ces moyens pourraient légitimement être renforcés notamment en raison de la problématique du dérèglement climatique. Sur le sujet de la perte de souveraineté et de la nécessaire réindustrialisation, nous partageons également le même combat, monsieur Chassaigne. La revue stratégique de 2017, qui distinguait trois types de capacités en fonction du degré de maîtrise technologique et de la production qui serait nécessaire, procédait d'une juste démarche. En revanche, nous devons revoir la répartition qui mérite d'évoluer, comme l'a montré la pandémie de Covid‑19 : à mon avis, nous devons davantage recherche une autonomie française ou européenne sur certains sujets.

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Je remercie les rapporteurs pour leur apport majeur à des arbitrages clefs pour l'exercice démocratique à venir que sont les élections présidentielles et législatives. Je ferai d'abord un commentaire sur le fait que vous avez indiqué qu'il ne fallait pas opposer la guerre hybride à la haute intensité, dans la mesure où la haute intensité pourrait tout à fait avoir une composante hybride. En réalité, il ne peut y avoir de haute intensité sans hybridité mais il peut y avoir de l'hybridité sans haute intensité. Cet état de fait complique la constitution d'un modèle d'armée car il faut être bon aux deux extrémités de la chaîne. Il faut éviter le saupoudrage dans le modèle d'armée et, pour ce faire, on pourrait s'appuyer sur les coalitions, ce que vous avez à mon sens peu évoqué. Ensuite, ma question porte sur la résilience et l'association de nos concitoyens. La défense opérationnelle du territoire (DOT) devrait-elle être repensée, ou au moins revitalisée, et éventuellement confiée à la réserve dans sa totalité afin que nos armées se concentrent sur la projection ?

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Je vous félicite pour votre excellent rapport qui nous fait comprendre que la haute intensité concerne nos armées mais aussi, au-delà, l'avenir de notre Nation et notamment notre jeunesse. Vous l'avez évoquée sous l'angle des « classes de défense » et en répondant sur la conscription mais aussi à propos du champ informationnel. Or, s'il est évidemment triste d'y penser, notre jeunesse sera en première ligne pour faire face aux attaques informationnelles et pour combattre au sein de nos armées. Comment pensez-vous les préparer ?

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Sur le plan budgétaire, vous avez indiqué qu'il fallait respecter les marches à trois milliards et qu'à format d'armée constant, il faudrait 20 à 30 milliards d'euros supplémentaires sur la prochaine LPM. Compte tenu de toutes les nécessités que vous avez énoncées, notamment la modernisation des data centers, le comblement des lacunes, le renforcement de certains domaines, pourriez-vous nous préciser le montant de l'effort budgétaire total nécessaire ?

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J'ai retenu de votre exposé le mot « profondeur » qui me renvoie à ma préoccupation sur les équipements et le maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos matériels aéroterrestres, en particulier les stocks de pièces de rechange qui sont, de mon point de vue, un point de vulnérabilité, outre le besoin de simplification et de modernisation du MCO terrestre. Je pense notamment au travail que j'ai mené sur la rénovation de l'entrepôt central de Moulins, grâce auquel le projet Viperops de modernisation de cette infrastructure a pu être pris en compte dans l'actualisation de la LPM, ou à celui d'André Chassaigne sur les stocks de munitions. Concernant la résistance du pays à la haute intensité, je pense que vos propositions rejoindront les nôtres, dans le rapport de la mission d'information sur la résilience à laquelle j'ai participé, dans quelques jours. Je pense que les Français ont changé de paradigme et s'interrogent sur ce qu'ils peuvent faire pour leur pays.

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Je vais répondre à la question de Fabien Gouttefarde concernant l'hybridité et donc la guerre informationnelle. La lutte informationnelle pose évidemment une question de principe dans une démocratie – une doctrine a justement été émise récemment par le ministère des Armées à ce sujet – et une question d'hommes et de moyens. Nous avons auditionné le centre interarmées des actions sur l'environnement (CIAE) qui est en charge de ce domaine essentiel et qui est très clairement sous-dimensionné aujourd'hui. Nous proposons d'ailleurs dans le rapport qu'une mission d'information soit lancée sur la guerre informationnelle dès le début de la prochaine législature. Concernant la DOT, nous abordons également cette problématique dans le rapport et faisons des propositions car le territoire national pourrait être confronté à des troubles, en cas de compromission des réseaux bancaires, par exemple, qui ne manquerait pas de provoquer des émeutes. Il y a donc une réflexion à mener sur l'organisation DOT, sur le rôle des réserves, qui doivent être renforcées, en gardant à l'esprit que le rôle de nos armées n'est pas de faire du maintien de l'ordre ou gérer des crises intérieures, sauf rares exceptions. Il est donc plutôt souhaitable d'encourager la remontée en puissance de la réserve de la gendarmerie et, sur le haut du spectre, de développer les dispositifs d'intervention augmentés de la gendarmerie (DIAG), qui sont de très beaux outils. Je ne serai pas très long sur le sujet des réserves : c'est un travail pour la prochaine législature, appuyé sur le travail de nos collègues Blanchet et Parigi. Je signale simplement que nous avons entendu à ce propos des avis très contrastés. Bien que la remontée en puissance s'impose, les modalités font encore débat.

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Il faut parler des dispositifs d'intervention augmentés de la gendarmerie (DIAG) parce que cela va dans le bon sens. Ils ont été durement éprouvés aux Antilles. Je salue le travail de nos gendarmes et leur capacité d'innovation.

Notre rapport réserve une place essentielle aux coalitions. Toutes nos propositions ont pour but de nous conférer une capacité à entraîner nos alliés, une coalition étant la seule force capable de durer en haute intensité.

Cher collègue Christophe Lejeune, la jeunesse sera en effet au cœur de la haute intensité. Comme nous l'avons développé dans notre rapport, le citoyen est malheureusement un acteur malgré lui de la haute intensité. Les stratégies de déstabilisation par l'information font partie intégrante des doctrines adoptées par nos compétiteurs. Une démocratie comme la nôtre, qui a fondamentalement vocation à garantir la liberté d'expression ne peut se permettre, comme le font certains régimes autoritaires, de brider la parole de ses propres citoyens, y compris dans la sphère numérique. Nous sommes par conséquent plus vulnérables à la diffusion de fausses informations à des fins stratégiques. Les scénarios que nous avons choisis pour illustrer notre propos dans le rapport en tiennent pleinement compte.

N'ayant pas vocation à interdire à ses propres citoyens de s'exprimer comme ils l'entendent, la France doit baser sa lutte contre ces manipulations sur l'éducation. Et c'est ici que notre jeunesse entre en jeu. Nous estimons que l'Éducation nationale, mais aussi les parents eux-mêmes, ont vocation à instruire les enfants à un usage lucide et raisonné des réseaux sociaux, notamment. Par ailleurs, des initiatives comme le SNU pourraient davantage inculquer à chaque jeune la conscience de ces enjeux. À ce titre, le SNU est un outil formidable que nous devons à tout prix approfondir, pour transmettre à nos enfants un sens du civisme, un sentiment d'appartenance à une communauté de destin, qui qu'ils soient, et la conscience du fait que, chacun à leur manière, ils ont un rôle à jouer au sein de notre société. Ainsi, sans pour autant en faire un instrument de propagande militariste à destination de la jeunesse, le SNU peut contribuer à transmettre à nos jeunes une meilleure connaissance des enjeux de défense pour notre pays. J'ai appuyé une initiative de l'association Civisme défense armées nation (Cidan) consistant à proposer aux jeunes du SNU un jeu leur montrant comment, justement, gagner la guerre avant la guerre, en déjouant des manipulations d'information.

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Sur la question budgétaire posée par notre collègue Nathalie Serre, je précise que nous avons salué l'effort de restauration consenti sous cette législature. C'est une réalité incontestable. Ce qui est incontestable aussi, c'est que les marches de 3 milliards d'euros par an jusqu'en 2025 sont vitales. Le plus dur est devant nous. Avec un budget qui atteindra 50 milliards d'euros en 2025, cela représente, au doigt mouillé, un effort à hauteur de 2,5 % du produit intérieur brut (PIB).

Sous réserve de garder les mêmes ambitions, et nous croyons que l'intérêt de la France est de les conserver, la poursuite de la trajectoire de modernisation de notre modèle d'armée complet représente un effort supplémentaire compris entre 20 et 30 milliards d'euros supplémentaires sur une LPM.

L'une des singularités de la France est en effet qu'elle a prévu de pouvoir être nation-cadre dans l'hypothèse d'engagement majeur, c'est-à-dire de réunir autour d'elle et de piloter, dans un cadre ad hoc ou dans le cadre de l'OTAN, une coalition. C'est un outil de puissance et un poids diplomatique considérable auquel il serait très coûteux de renoncer. Dans l'histoire des cinquante ou soixante dernières années, la France a déjà consenti un effort de défense plus important qu'aujourd'hui. Je rappelle que pendant la Guerre froide, nous étions à 4 % voire 4,5 % du PIB. L'effort de défense représentait encore 3 % du PIB à la fin du septennat de Valéry Giscard d'Estaing et 2,4 % à la fin du premier septennat de François Mitterrand. Cet effort paraît donc raisonnable et rappelons qu'il n'a pas freiné la croissance française, loin de là, puisque les Trente Glorieuses se sont accompagnées de telles dépenses de défense.

J'ajoute que le multiplicateur keynésien joue à plein s'agissant des industries de défense. Un euro investi dans l'industrie de défense rapporte entre 1,7 et 2,3 euros à dix ans, selon les modes de calcul de ce multiplicateur. L'argent investi dans la défense n'est donc pas de l'argent dépensé à fonds perdus, d'autant plus que la défense est un secteur plus vital pour notre économie, plus en France que chez nos alliés, notamment allemands. L'industrie allemande, même avec moins d'industries de défense, se porte très bien. En France, l'industrie de défense est majeure pour notre économie, avec 4 000 petites et moyennes entreprises réparties sur tout le territoire, et une dimension duale, c'est-à-dire une capacité à développer des technologies de pointe utiles pour les militaires mais aussi dans le monde civil. C'est pourquoi je pense que l'effort que nous proposons serait conséquent mais pas déraisonnable. A contrario, le rogner serait regrettable eu égard à nos ambitions. Les aléas budgétaires sont l'un des grands dangers qui menacent notre outil de défense. Il faut une ascension régulière et prévisible des crédits budgétaires, une programmation respectée comme cela a été fait jusqu'à présent. Ce sera aux députés de la prochaine législature d'en décider et de porter cette programmation.

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Chère Sereine Mauborgne, merci pour votre question et vos travaux précurseurs sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) terrestre qui ont suscité une réaction au ministère des Armées, de sorte que nous avons pu nous appuyer pour nos travaux sur les réflexions du groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) et de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) sur la remontée en puissance industrielle en cas de crise majeure. Nous attendons avec impatience les conclusions de la mission d'information de la conférence des présidents sur la résilience nationale, le 23 février prochain, qui seront certainement complémentaires des nôtres.

Sur la question que vous posez – que puis-je faire pour mon pays ? – il est évident qu'un changement de mentalité, de paradigme est nécessaire. Il s'agit de mieux préparer la nation, de satisfaire un désir d'engagement, de mieux informer et sensibiliser sur les enjeux de défense. Nous avons travaillé en ce sens. Mais il faut reconnaître que nous sommes la génération « paix ». Notre jeunesse vient de connaître une période très difficile et le président de la République avait parlé à bon droit d'une guerre sanitaire. Cette jeunesse a connu des privations, des conditions de vie difficiles, un isolement. Cette pandémie, aussi terrible soit-elle, doit nous servir pour faire comprendre à notre jeunesse que nous pouvons nous attendre à des moments difficiles et que nous aurons besoin de leur compréhension, de leur sagesse et de leur engagement.

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Je ne peux qu'applaudir aux propos de ma co-rapporteure et à ceux de Sereine Mauborgne. C'est évidemment un enjeu majeur. Un État de droit suppose des devoirs ainsi que l'engagement et de la passion. Nos militaires sont animés par la passion de servir et l'amour de notre pays, même s'ils ne le verbalisent pas ainsi. Une hausse d'engagements dans la réserve a suivi les attentats de 2015. Reste à inscrire cet engagement dans la durée, l'émotion passée, et c'est le travail de nos forces parlementaires que de faire passer ce message : la France est un pays que nous servons parce que c'est un pays que nous aimons.

(Applaudissements)

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Chère Patricia, chère Jean-Louis, je vous remercie pour votre excellente présentation et pour la qualité des réponses – précises, nombreuses, éclairantes – que vous nous avez fournies. J'aurai grand plaisir à lire votre rapport qui fait écho à nombre d'auditions auxquelles j'ai assisté pendant l'année et demie que j'ai passée à la commission de la Défense nationale et des forces armées. Peut-être qu'il pourra aider nos concitoyens à comprendre les enjeux au Haut-Karabakh, en Ukraine et dans le monde en général, qui sont un peu moins simples à saisir qu'il n'y paraît. Je retiens en tout cas que nous faisons bloc au sein de cette commission et que nous défendrons avec force la poursuite de la LPM.

La commission de la Défense nationale et des forces armées autorise à l'unanimité le dépôt du rapport d'information sur la préparation à la haute intensité en vue de sa publication.

La séance est levée à onze heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Catherine Daufès-Roux, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Fabien Gouttefarde, Mme Marie Guévenoux, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Gilles Le Gendre, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Gérard Menuel, Mme Monica Michel-Brassart, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Josy Poueyto, Mme Catherine Pujol, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Thierry Solère, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Trastour-Isnart

Excusés. - M. Florian Bachelier, Mme Françoise Ballet-Blu, M. Xavier Batut, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, M. Christophe Castaner, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Séverine Gipson, M. Stanislas Guerini, M. David Habib, M. Jean-Michel Jacques, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean Lassalle, M. Patrick Mignola, M. Joachim Son-Forget, M. Aurélien Taché, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson