Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 24 février 2022 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission examine le rapport d'information sur les dotations de soutien à l'investissement du bloc communal (M. François Jolivet et Mme Christine Pires Beaune, co-rapporteurs).

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Chers collègues, le 13 décembre 2019, notre commission avait créé une mission d'information sur la refonte des critères d'attribution de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). M. Jean-René Cazeneuve en était le président et, après que M. Joël Giraud était devenu membre du Gouvernement, Mme Christine Pires Beaune la rapporteure unique. La mission d'information nous a présenté le résultat de ses travaux en deux temps, par une communication en octobre 2020 puis un rapport en mars 2021.

Toutefois, il a été souhaité que les travaux de la mission se poursuivent au delà de ce premier rapport, en élargissant le champ de la réflexion à l'ensemble des dotations d'investissement en faveur des collectivités territoriales, en particulier la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Mme Christine Pires Beaune et M. François Jolivet ont été rapporteurs de ces travaux, tandis que M. Jean-René Cazeneuve demeurait président.

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À titre liminaire, je souhaiterais avoir aujourd'hui une pensée pour le peuple ukrainien. Par ailleurs, puisqu'il s'agit sans doute de ma dernière intervention du mandat devant la commission des finances, je voudrais dire que cela a été un honneur et un privilège que de servir ainsi mon pays, de même qu'un grand plaisir de travailler au sein de la commission des finances. Je vous remercie tous, chers collègues, pour votre travail de très grande qualité.

En tant que président, depuis sa création, de cette mission d'information, dont les rapporteurs étaient à l'origine Mme Christine Pires Beaune et M. Joël Giraud, je proposerai une conclusion d'ensemble de ces travaux sur les dotations de soutien à l'investissement public local, sans entrer dans le détail du tome II, que je laisserai aux deux rapporteurs le soin d'exposer.

L'objet initial de cette mission était d'étudier la répartition des enveloppes départementales de la DETR, à la suite du gel, pour une année, des enveloppes de DETR qui avait été décidé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Il s'agissait alors de se donner le temps de faire la lumière sur la bonne répartition des crédits entre départements, en particulier de mesurer les effets des regroupements d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui avaient suivi la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). En effet, un certain nombre de modifications année après année étaient difficilement compréhensibles.

La première partie de cette mission d'information a permis de faire un point complet sur cette dotation, ce qui n'avait jamais été fait jusqu'alors. Elle a permis de comprendre, au moins en partie, la mécanique des critères de répartition, dont la complexité est liée à l'ancienneté de cette dotation. Elle a aussi été l'occasion de faire le point sur la définition de la ruralité, afin que celle-ci cesse d'être définie en creux, par opposition à l'urbain. Nous sommes tous tombés d'accord pour retenir la définition de la grille de densité établie par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en lien avec Eurostat, les territoires ruraux étant ainsi caractérisés comme les communes « peu denses » ou « très peu denses ».

Je tiens à remercier les rapporteurs pour le travail de grande qualité, et inédit, qui avait alors été fait. La conclusion logique de ce tome I a été de proposer d'intégrer cette définition de la ruralité dans les critères de répartition de la DETR. Il en est résulté de nombreuses simulations et l'adoption lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 d'un amendement travaillé avec la direction générale des collectivités locales (DGCL). Je salue ce premier pas important vers une meilleure prise en compte de la ruralité dans la loi et les concours financiers de l'État.

Les rapporteurs, notamment Mme Pires Beaune, proposent d'aller un peu plus loin ; c'est la préconisation n° 2 du rapport présenté aujourd'hui. Je voudrais ici ouvrir la discussion, car il me semble important que la DETR favorise la triple ruralité, c'est-à-dire les communes rurales situées dans des EPCI ruraux eux-mêmes situés dans des départements ruraux. Il ne va pas de soi de mettre sur le même plan les collectivités d'un département purement rural – comme le Gers, la Creuse ou le Cantal – et celles établies dans un département qui comporte une population rurale, même importante, qui est établie à proximité d'une grande agglomération – comme le Puy‑de‑Dôme. Les synergies intra départementales ne sont potentiellement pas les mêmes.

Ce premier rapport consacré à la DETR a conduit la commission à s'intéresser ensuite à la DSIL. En effet, les deux dotations présentent un certain nombre de similarités. Les deux dotations sont d'un montant élevé : un milliard d'euros pour la DETR et 873 millions d'euros pour la DSIL en 2022. Les deux dotations soutiennent l'investissement du bloc communal – communes et EPCI –, et les critères d'éligibilité sont larges. Les deux dotations fonctionnent également par appels à projets selon une logique déconcentrée. Dans les faits, nous nous sommes aperçus que ces dotations sont gérées ensemble par les préfectures, avec une forme de complémentarité. Un projet non retenu à la DETR peut être « basculé » sur la DSIL ou vice versa.

Cependant, il y a aussi des différences importantes entre les deux dotations. Le champ des communes et EPCI éligibles à la DETR est plus restreint et cette dotation ne concerne que les territoires ruraux, tandis que la DSIL est ouverte à l'ensemble du bloc communal – on parle d'éligibilité totale. La DETR soutient également des projets plus petits avec une mise en œuvre plus rapide que la DSIL, qui vise plutôt des projets structurants. Je vous renvoie au rapport spécial que mon collègue Christophe Jerretie et moi-même avions présenté sur la mission Relations avec les collectivités territoriales du budget général de l'État.

En conséquence, le niveau de pilotage est différent : la DETR est gérée au niveau départemental, une commission d'élus rendant un avis, tandis que la DSIL relève du préfet de région. Nous en avons débattu à de multiples reprises lors de l'examen des projets de loi de finances. Il était donc nécessaire de faire le point sur cette dotation et cette question du pilotage.

Prenant acte de la faculté prévue par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, à savoir la possibilité pour les préfets de région de déléguer la signature des subventions au préfet de département, les rapporteurs proposent dans ce tome II d'aller plus loin dans la départementalisation de la DSIL.

Je reconnais la pertinence de la méthode des rapporteurs. Elle a consisté, d'une part, à étudier de près la répartition des crédits entre départements et régions, avec un rapport qui propose plusieurs observations empiriques intéressantes, sous forme de cartes et de graphiques. Elle a consisté, d'autre part, à interroger, par des questionnaires et des auditions, les associations d'élus locaux, un large échantillon de préfectures de département ainsi que l'ensemble des préfectures de région, pour faire le point sur la doctrine de chaque territoire et sur l'efficacité de ce pilotage régional.

Toutefois, j'émettrai des réserves sur la volonté de départementaliser la DSIL. En effet, j'estime que la logique initiale de la DSIL, qui consiste à permettre à l'État de disposer d'une large enveloppe de crédits mobilisables de manière souple sur des projets réellement structurants pour les territoires, doit être préservée, ce qui plaide pour le maintien d'une vision régionale. Nous avons d'ailleurs vu que cette souplesse avait permis un fléchage temporaire et efficace des crédits de l'État sur la relance territoriale, avec cette enveloppe de près d'un milliard d'euros de DSIL exceptionnelle en 2020-2021.

Le rapport met en exergue – j'en remercie les rapporteurs – les écarts d'utilisation entre régions et entre départements. Faut-il pour autant gommer les différences ? Il y a un paradoxe à vouloir favoriser la décentralisation, la prise en compte des différences locales, le pouvoir de décision au plus près du terrain, tout en étant surpris dès que des écarts sont constatés. Il faut accepter, quand on décentralise, qu'il y ait un minimum d'écart dans les pratiques locales. Je crois qu'il faut partager les bonnes pratiques, non brider toute modulation opérationnelle.

Je voudrais également éviter de déstabiliser certains territoires où le schéma actuel fonctionne à la satisfaction de tous. Les rapporteurs l'ont d'ailleurs dit dans leur rapport. Rappelons-nous que la DSIL est une dotation encore jeune, puisqu'elle n'existe formellement que depuis 2017. L'équilibre de la loi 3DS, avec une délégation facultative, me semble déjà satisfaisant et s'inscrit dans un esprit de différenciation.

Enfin, d'une manière générale, évitons de rajouter trop de règles à la règle. C'est ma troisième remarque sur l'ensemble des propositions des rapporteurs. Certaines préconisations – je pense notamment aux préconisations 4, 7, 8, 9 et 10 – rajoutent des contraintes d'utilisation. Chacune de ces recommandations me paraît pertinente, et intéressante à évaluer– c'est d'ailleurs l'esprit du rapport –, mais faisons attention à ne pas alourdir les procédures, d'autant que, globalement, nous sommes d'accord pour dire qu'en l'état la DSIL fonctionne.

Pour conclure, j'insiste sur l'importance de ces travaux. Comme je l'avais déjà dit pour la DETR, le soutien financier de l'État aux collectivités est une politique publique essentielle. Il s'agit d'une politique économique – car elle soutient, ponctuellement, la relance et, structurellement, la croissance de long terme –, d'une politique sociale – car elle finance les services publics des collectivités – et d'une politique d'aménagement du territoire – car elle structure le territoire national par le développement des équipements publics.

Ces deux rapports ont permis un travail de contrôle parlementaire que j'estime de qualité, car il permet de disposer d'éléments tangibles sur la mise en œuvre de cette politique publique déconcentrée sur le terrain. Je pense, premièrement, au déroulement de la procédure et aux doctrines d'emploi des crédits, avec des différences parfois marquées entre territoires – ce qui est logique s'agissant d'une politique déconcentrée –, deuxièmement, à l'identification de bonnes pratiques que l'on propose de généraliser et, finalement, à la formulation de recommandations qui pourront nourrir utilement nos débats parlementaires futurs.

Je salue d'ailleurs l'adoption, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, d'amendements directement issus des travaux de cette mission. Ils portent sur la publication des données locales sur les subventions accordées au titre de la DSIL ou de la DETR par les préfectures dans un format libre et réutilisable pour les analyser ; c'est un approfondissement des efforts de transparence engagés depuis quatre ans. Ils portent également sur la clarification du calendrier d'engagement des crédits de l'État sur les dotations, en prévoyant une notification au premier semestre de 80 % des crédits pour l'ensemble des dotations – DSIL, DETR, dotation de politique de la ville (DPV), dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) –, de façon à donner de la visibilité aux élus locaux.

Enfin, je remercie les services de l'État –préfectures et DGCL – pour le concours qu'ils ont bien voulu apporter avec diligence aux rapporteurs depuis un an, parfois dans des circonstances difficiles liées à la crise sanitaire ou à l'examen du projet de loi de finances.

J'invite donc la commission des finances à autoriser la publication du rapport de la mission d'information à l'issue de cette réunion.

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En préambule, permettez-moi, madame la présidente, de dire et d'apporter, au nom de mon groupe, tout notre soutien au peuple ukrainien. Je voudrais aussi remercier Jean-René Cazeneuve, qui aura présidé cette mission d'information de longue haleine, Joël Giraud, pour sa contribution au tome I, même si elle a dû, pour une bonne raison, s'interrompre, François Jolivet, avec qui j'ai eu plaisir à travailler sur ce tome II, et les services de la commission des finances.

Beaucoup a déjà été dit par le président Jean-René Cazeneuve. Cette mission a donné lieu en mars 2021 à la publication d'un tome I consacré à la DETR. Aujourd'hui, nous vous proposons, chers collègues, un tome II consacré à la DSIL, quoiqu'il comporte également des compléments relatifs à la DETR. La mission d'information sur la DETR a été créée dans le sillage des évolutions constatées sur la répartition de cette dotation depuis 2018, qui n'étaient pas toujours bien comprises par les départements et qui nous avaient d'ailleurs conduits à voter le gel des enveloppes pour l'année 2020, le temps de mieux appréhender les dynamiques qui déterminent la répartition des enveloppes départementales.

Les travaux de la mission ont permis de parvenir à l'identification d'une définition pertinente et consensuelle de la ruralité – j'y reviendrai – et de dresser plusieurs constats.

Premier constat, les critères d'éligibilité des EPCI à la DETR sont larges et peu discriminants. La refonte de la carte intercommunale en 2017 a eu pour conséquence une augmentation sensible de la population éligible à la DETR, puisque 5 millions d'habitants y ont été rendus éligibles entre 2014 et 2019, ce qui a eu pour effet de pénaliser les collectivités déjà éligibles, notamment les collectivités rurales à qui s'adresse la DETR. Ce problème demeure.

Deuxième constat, la répartition de la DETR par habitant rural est très hétérogène selon les départements, avec des écarts difficiles à justifier, puisqu'ils vont de 1 à 15. Ce problème subsiste également.

Troisième point, les enveloppes départementales de DETR peuvent adopter des trajectoires pluriannuelles contre-intuitives et divergentes, sans que cela s'explique par une évolution du caractère rural des départements concernés. Ce problème demeure lui aussi.

J'ai bien entendu les arguments sur la triple ruralité, mais le nord-ouest du département du Puy-de-Dôme, à plus d'une heure de la métropole de Clermont-Ferrand, ne profite absolument pas de cette métropole et une commune de 200 habitants située dans le nord-ouest du département a les mêmes caractéristiques qu'une commune d'un département uniquement rural.

Ces trois constats militent pour une révision des critères de l'éligibilité à la DETR d'une part et des critères utilisés pour le calcul des enveloppes départementales d'autre part.

En revanche, la mission d'information a pu se rendre compte que la DETR était une dotation qui fonctionnait bien.

À l'issue de la restitution de ses travaux, la mission avait souhaité poursuivre ses investigations sur la DETR et élargir son périmètre d'analyse à la principale autre dotation de l'État destinée aux collectivités territoriales : la DSIL.

Plus récente que la DETR, la DSIL a été créée en 2016 sous la forme d'un fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) pour compenser les effets de la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'investissement public local. Cette dotation a été pérennisée par la loi de finances pour 2018.

L'enjeu de la DSIL n'est pas le même que celui de la DETR. Pour la DETR, il se situait plutôt dans la répartition des crédits entre départements et sur la question des collectivités éligibles, qui sont censées correspondre aux territoires ruraux. La DSIL ne fait pas l'objet d'un encadrement départemental. L'éligibilité à cette dotation est très large et le rôle de la commission départementale des élus est réduit. L'enjeu réside dans l'examen approfondi de la pertinence du niveau régional de gestion retenu par le législateur depuis sa création, qui offre aux représentants de l'État la liberté la plus grande pour répartir les subventions.

De prime abord, le niveau régional peut apparaître mieux à même de cibler des projets dits structurants et il offre une vision plus large et une souplesse accrue aux préfets de région. La mission a donc cherché à savoir si les choix discrétionnaires des préfets de région ne conduisaient pas à traiter de manière très différente des collectivités et des projets aux caractéristiques similaires. Elle a donc procédé à une analyse des doctrines des préfets de région en matière de gestion administrative et de répartition des crédits de la DSIL.

Avant de laisser la parole à mon collègue François Jolivet, qui vous présentera les conclusions de la mission concernant la gestion administrative de la DSIL, je vais évoquer la DETR, afin de rendre compte de compléments à nos travaux sur cette dotation.

Tout d'abord, je reviens sur la définition de la notion de ruralité. Plusieurs dotations – la dotation de solidarité rurale (DSR), la dotation de soutien à l'investissement des départements, la dotation minimale de péréquation des départements, etc. – prennent en compte le caractère rural ou urbain des collectivités pour déterminer l'éligibilité de celles-ci, mais elles utilisent des notions différentes pour définir la ruralité, telles que le taux d'urbanisation ou l'appartenance à une aire urbaine. La mission considère donc qu'il est temps d'utiliser la méthode de la grille communale de densité de l'INSEE, qui fait consensus. On peut considérer qu'elle est la plus fonctionnelle et la mieux à même de mettre en valeur le poids de la population rurale.

On peut relever que la loi de finances pour 2022 a commencé à intégrer la grille de densité dans certains dispositifs. La mission propose donc de généraliser l'usage de la grille de densité aux autres dispositifs à destination des collectivités rurales et de déterminer l'éligibilité à la DETR principalement en fonction de ce critère.

La mission est revenue sur la question du taux de subventionnement, car le traitement des projets entre départements paraît inégal. Si l'on compare les DETR des trois départements du Gers, de l'Indre et du Puy-de-Dôme en 2020, on constate que la doctrine des préfets en la matière est très diverse, ce qui revient à traiter de manière inéquitable des dossiers pourtant similaires.

Un constat semblable peut être fait s'agissant de la proportion de dossiers écartés. Des dossiers sont plus susceptibles d'être écartés faute de crédits dans certains départements plutôt que dans d'autres. Par exemple, dans mon département du Puy-de-Dôme, 30 dossiers ont été écartés en 2020, ce qui semble encore raisonnable, dont 10 pour insuffisance de crédits. En 2021, le nombre de dossiers écartés a littéralement explosé, pour atteindre 130, dont 96 pour insuffisance de crédits. Je m'interroge sur cette progression. Je ne suis pas la seule, puisque mon préfet me le rappelle souvent. Combien de dossiers seront refusés en 2022 pour insuffisance de crédits ? À ce stade, nous n'avons pas de réponse.

Les enveloppes départementales peuvent sensiblement diverger dans le temps, sans que ces mouvements puissent s'expliquer par un changement du poids de la ruralité dans les départements. Ce constat de déséquilibre a justifié le resserrement du « tunnel » d'évolution des enveloppes départementales à plus ou moins 3 % en loi de finances pour 2021 – auparavant, il était de plus ou moins 5 %. Le problème ne demeure pas moins entier. En 2021 et en 2022, l'enveloppe du Puy-de-Dôme et de certains départements – tels que la Vienne, le Doubs, le Calvados, l'Eure, les Côtes d'Armor, les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées Atlantiques, la Haute-Garonne, la Manche et la Charente – ont baissé de 3 % chaque année tandis que celles d'autres départements ont progressé. Cela justifie notre recommandation de revoir les critères d'éligibilité : il faut éviter que cette trajectoire devienne insoutenable.

Il me semble que ce phénomène est la traduction d'une prise en compte insatisfaisante de la population rurale. J'en veux pour preuve le montant de DETR par habitant rural au sens de la grille de densité : en 2020, il était de 93 euros dans le Gers et de 51,5 euros seulement dans le Puy-de-Dôme. Je ne m'explique pas cet écart de dotation ! Une commune rurale de 250 habitants doit faire face aux mêmes charges, qu'elle soit dans le Gers, l'Indre ou le Puy-de-Dôme ; dans la même situation financière, elle devrait donc pouvoir recevoir les mêmes subventions pour les mêmes travaux.

Je considère que la répartition de la DETR devrait davantage prendre en compte la population rurale en évitant les écarts de DETR par habitant rural entre départements. Cela passe sans doute par une refonte des critères de répartition et d'éligibilité.

Tels sont les trois compléments que je souhaitais apporter aux travaux réalisés par la mission sur la DETR.

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J'aurai également une pensée pour l'Ukraine avant de présenter mon exposé. Par ailleurs, je tiens à dire que siéger au sein de cette commission fut pour moi un honneur et un bonheur, en même temps qu'une belle expérience et l'occasion de belles rencontres.

Je présenterai pour ma part, dans un premier temps, les conclusions de ce qu'on pourrait appeler notre analyse administrative de la DSIL, c'est-à-dire le déroulement complet de la procédure du dépôt du projet jusqu'à l'octroi de la subvention ou le rejet par le préfet.

Nous avons tenu à interroger un large échantillon représentatif de préfectures de départements ruraux ou urbains, ainsi que l'ensemble des préfectures de région, y compris outre-mer. Je remercie donc les préfectures qui nous ont consacré du temps dans le cadre de cette étude.

La procédure commence par l'envoi par le Gouvernement d'une circulaire aux préfets. En effet, il s'agit de crédits de l'État, et la DSIL s'inscrit chaque année dans un ensemble de priorités politiques fixées par le Gouvernement. Cette année, par exemple, on peut citer parmi les priorités retenues le financement des contrats entre l'État et les collectivités – contrats de relance et de transition écologique, Action cœur de ville, Petites villes de demain, France services, Territoires d'industrie… –, la transition écologique des territoires, et, dans la perspective des jeux Olympiques de 2024, la construction et la rénovation d'équipements sportifs.

Je veux saluer la publication tôt dans l'année de cette circulaire. Signée le 7 janvier, elle est mise en ligne le 21 janvier, ce qui permet une organisation optimale des préfets et des élus pour le lancement des appels à projets, l'instruction des dossiers, et donc l'établissement de la programmation des subventions.

Comme on le sait, la DSIL est pilotée au niveau régional dans un cadre déconcentré. Il en résulte que les préfets de région établissent des priorités régionales. Par exemple, en Auvergne-Rhône-Alpes, le préfet de région a invité les préfets de département à bonifier les financements des projets « qui contribuent de manière claire à décliner les objectifs de la stratégie régionale eau-air-sol ».

Globalement, la liberté de choix laissée aux préfets est plus large que pour la DETR. En effet, en l'absence de commission d'élus, les préfets retiennent rarement des planchers ou des plafonds de subvention, ou des bonifications. Ils essaient cependant de cibler un montant plutôt élevé, ce qui correspond au caractère structurant qui est recherché : ils permettent ainsi à des dossiers de sortir lorsqu'ils sont structurants. À mon sens, on pourrait cependant aussi s'interroger sur la pertinence de fixer un montant minimal de subvention pour éviter un coût en instruction – traitement comptable, temps agent… – supérieur au montant de la subvention ; celle-ci peut effectivement être parfois très modeste, ce qui peut faire douter du caractère structurant du projet concerné. Je reprends là une suggestion de la région Normandie.

Le dépôt des dossiers intervient en début d'année. Je salue l'utilisation qui semble de plus en plus fréquente de la plateforme en ligne dite démarches simplifiées – je dirai en conclusion les évolutions que je souhaite à ce sujet. Elle permet un dépôt facile par voie numérique ; c'est un progrès, même si d'autres progrès restent nécessaires.

Au total, le dépôt des dossiers prend un mois et demi, comme l'instruction. Un délai moyen d'environ trois mois s'écoule donc entre l'ouverture des appels à projets et la fin de l'instruction par les services de l'État. Avec une circulaire gouvernementale publiée à la fin du mois de janvier, une programmation des subventions peut être prête aux environs de la fin du mois d'avril dans les préfectures, ce qui constitue une petite prouesse.

Il faut cependant noter – c'est un point important de notre rapport – l'intérêt du pilotage régional de la DSIL. Nous avons en effet observé, en étudiant les réponses des préfectures, que le pilotage régional induit un délai moyen supplémentaire d'environ un mois dans la procédure par rapport à une procédure purement départementale comme celle appliquée à la DETR. En effet, dans la pratique, la répartition des rôles pour la DSIL s'opère ainsi : les projets sont instruits, étudiés et sélectionnés par les préfets de département, voire dans certains cas par les sous-préfets d'arrondissement ; c'est le cas en Bretagne, en Normandie, dans les Pays de la Loire, ou encore dans le département du Gers de notre président Cazeneuve. La loi prévoit cependant que les arrêtés attributifs de subvention restent signés par le préfet de région ou le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) compétent. Ce découplage induit donc un délai supplémentaire d'un mois. Ainsi, dans le département des Hautes-Alpes, pour la DSIL 2021, 38 arrêtés ont été transmis le 20 avril 2021 à la préfecture de région et n'ont été signés que le 7 juin 2021.

Quand on connaît l'importance de la rapidité d'attribution des subventions et de l'engagement des crédits pour l'efficacité de l'investissement local, ce constat plaide pour une gestion départementale de la DSIL. Il ne s'agit pas de rationaliser l'enveloppe mais de départementaliser.

Nous avons interrogé les préfets sur ce point : certains penchent pour la départementalisation, éventuellement totale, mais d'autres estiment que l'équilibre actuel est satisfaisant. Cela dépend en fait largement des doctrines régionales et des spécificités de chaque territoire.

En faveur de la régionalisation, on note la souplesse, le ciblage de projets structurants, la possibilité d'avoir une « régulation régionale » par la DSIL, avec des attributions péréquatrices en fonction de la situation des territoires, comme dans ma région, ou favorables aux territoires ruraux, etc. En faveur de la départementalisation, on note la définition floue de ce qu'est un projet structurant, et la lourdeur de la procédure que l'on a évoquée.

En réalité, l'état du droit a déjà évolué, car la loi du 21 février 2022 dite 3DS prévoit que le préfet de région va pouvoir déléguer cette faculté de signature au préfet de département. Il s'agit cependant d'une délégation facultative ; dans un an au moins, il faudra donc faire le point sur le nombre de préfets de région ayant saisi cette possibilité, et en analyser les conséquences sur la rapidité de l'attribution des subventions dans les régions où elle a été utilisée. Nous recommandons d'ores et déjà d'attribuer au préfet de département la compétence de signer les arrêtés. Un premier bilan de cette disposition de la loi 3DS devrait fournir des éléments intéressants pour appuyer cette proposition.

Un autre point important de notre étude a été l'analyse du taux de rejet des projets, car il est plus élevé dans certains départements, et de ce qu'on pourrait appeler le taux de chute, c'est-à-dire le nombre de projets qui, ayant reçu une subvention, n'aboutissent pas, ce qui constitue un handicap pour les dossiers qui avaient été présentés et non retenus.

Le taux est en forte hausse en 2020 et 2021, car la DSIL exceptionnelle, d'un montant de près d'un milliard d'euros, et les crédits du plan de relance ont parfois créé dans les territoires un appel d'air. Le nombre de dossiers déposés a connu une forte hausse et, malgré les crédits disponibles, le taux de rejet également. Dans l'Indre, il passe ainsi, pour la DSIL, de 29,4 % en 2020 à 72,7 % en 2021.

Néanmoins, il faut nuancer cette notion de taux de rejet. Certains projets rejetés pour la DSIL sont « rattrapés » avec la DETR, ou inversement ; un projet rejeté à la première programmation de printemps, où l'on attribue 80 % des crédits, peut être subventionné dans la seconde programmation de fin d'année. En outre, des projets rejetés sont parfois retenus l'année suivante. Dans l'Indre, 29 % des dossiers rejetés sont redéposés l'année suivante. Enfin, la qualité des échanges entre préfectures et collectivités permet souvent d'éviter en amont le dépôt de projets non éligibles.

Quant au taux de chute, il apparaît globalement négligeable, ce qui est plutôt encourageant. Ainsi, pour la DSIL, depuis qu'a été créée cette dotation, en 2016, le nombre de projets déprogrammés se compte le plus souvent sur les doigts d'une main, l'abandon pouvant notamment être causé par un changement de majorité municipale ou par une annulation liée à une décision de justice. Cela montre que, globalement, les services préfectoraux parviennent à réaliser une instruction efficace et à sélectionner les projets réellement aboutis.

C'est donc dans l'ensemble un constat satisfaisant que nous dressons sur la procédure de la DSIL. Sur le terrain, on voit toute la souplesse que donne une gestion déconcentrée, mais la question du pilotage régional ou départemental reste posée.

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Concernant l'exécution des crédits, on peut rappeler que la DSIL est une dotation récente, dont le montant est resté stable de 2018 à 2021, avant de se rapprocher de celui de la DTER, grâce à la majoration de 303 millions d'euros intervenue lors de la discussion de la loi de finances pour 2022.

À la différence de la répartition départementale de la DETR, qui est complexe, la répartition régionale de la DSIL obéit à une règle simple qui fait intervenir pour 65 % la population régionale et pour 35 % celle des communes situées dans une aire urbaine de moins de 50 000 habitants. Cette règle n'en est pas moins rigide puisque seul le critère de la population est pris en compte dans la définition des enveloppes régionales. Dès lors, le poids de chaque région dans la DSIL nationale évolue très marginalement chaque année.

Nous avons aussi constaté la faible intensité péréquatrice de ces enveloppes régionales : l'écart entre l'enveloppe par habitant la plus faible, celle d'Île-de-France, et l'enveloppe par habitant la plus élevée, celle de Mayotte, n'est que de 1 à 2 tandis que des régions plus riches, que ce soit en termes de revenus par habitant, de PIB par habitant, de potentiel financier par habitant, telles la Bretagne ou les Pays-de-la-Loire, disposent d'une dotation par habitant plus élevée que des régions plus pauvres, comme La Réunion ou les Hauts-de-France.

L'analyse des attributions de la DSIL à l'échelle départementale montre, au contraire, des amplitudes importantes d'une année sur l'autre. En moyenne, elle varie annuellement de plus ou moins 20 %. Nous avons cependant constaté que, dans certaines régions, notamment les régions Hauts-de-France, Centre-Val de Loire et Normandie, les attributions départementales sont plutôt stables, ce qui suggère une clé de répartition départementale prédéfinie. Dans les autres régions, notamment les régions Grand Est, Île-de-France et Occitanie, les attributions entre les départements varient plus ou moins fortement, ce qui veut dire que le préfet de région ne tient pas compte de l'échelon départemental ou qu'il fait appel à des critères variables pour répartir la DSIL au niveau des départements.

L'analyse des réponses révèle que chaque préfecture a sa doctrine en matière de répartition entre départements. Il peut s'agir d'une clé de répartition fixe, assez rigide mais qui donne de la visibilité aux préfets de département et aux élus locaux sur les crédits disponibles, ou de critères péréquateurs, voire d'une répartition totalement discrétionnaire. Dans ce dernier cas, la répartition est souple mais entraîne de fortes fluctuations annuelles.

Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, la baisse de l'enveloppe régionale liée à la fin des pactes métropolitains et des contrats de ruralité a été répercutée sur l'ensemble des départements à l'identique, sauf pour deux départements incluant une métropole, l'Isère et le Rhône. Cette pratique a abouti à la constitution d'un préciput au profit de ces deux métropoles de Lyon et Grenoble, alors que la région en compte quatre. La préfecture nous a indiqué que la répartition était en cours de redéfinition pour remédier à cette situation inéquitable.

Hormis ce cas particulier, et d'une manière générale, la répartition départementale apparaît plus péréquatrice que les enveloppes régionales : les préfets de région tiennent compte de la fragilité des départements. Par exemple, dans le Grand Est, la dotation par habitant est presque quatre fois plus élevée dans la Meuse, département plutôt rural, avec un revenu moyen par habitant inférieur au revenu moyen régional par habitant, que la moyenne régionale : 35,5 euros contre 9,16 euros. En revanche, elle est inférieure de 40 % à la moyenne régionale dans le Bas-Rhin, département plutôt urbain, avec un revenu moyen par habitant supérieur au revenu moyen régional par habitant.

Nous avons également constaté, d'une part, qu'il y avait un lien statistique entre la densité de population au sens de la grille de densité de l'INSEE et les attributions départementales et, d'autre part, que les préfets de région attribuent à chaque département un montant de DSIL minimal. Autrement dit, alors que la répartition entre départements est totalement libre pour les préfets de région, ceux-ci ne déshabillent pas Pierre pour habiller Paul.

La pratique des préfets de région apparaît plutôt vertueuse : si les montants des attributions départementales peuvent varier parfois de manière significative d'une année sur l'autre, ces variations ne portent pas préjudice au caractère péréquateur des choix opérés par les préfets de région à l'échelon départemental. Autrement dit, la péréquation s'effectue dans les faits entre départements et non entre régions. La mission propose de formaliser cette bonne pratique des préfets en limitant de manière souple les variations annuelles d'attributions départementales de DSIL et en fixant un montant minimal de DSIL par département.

Nous avons ensuite analysé les subventions versées aux communes et aux intercommunalités qui, je le rappelle, sont toutes éligibles à la DSIL.

Les projets des EPCI sont moins nombreux que ceux des communes mais davantage subventionnés : ils représentent 22,5 % de l'ensemble des projets subventionnés et 34,2 % de la DSIL en 2020. Le montant moyen de subvention aux intercommunalités est 51 % plus élevé que celui des communes. Les réponses que nous avons obtenues des préfectures montrent que la répartition entre communes et EPCI est le plus souvent constatée a posteriori. Cependant, des divergences significatives entre départements sont relevées : les Bouches-du-Rhône et le Puy-de-Dôme allouent plus de 60 % de l'enveloppe aux EPCI. À l'inverse, dans le Maine-et-Loire, près de 90 % de la DSIL sont versés aux communes alors que moins de 15 % reviennent aux intercommunalités. Nous estimons qu'il serait pertinent de garantir un certain équilibre dans la répartition de la DSIL entre collectivités éligibles en plafonnant la part des EPCI, par exemple à 30 %.

Nous avons ensuite tenté de répondre à deux questions fréquemment posées sur la DSIL. Tout d'abord, nous nous sommes demandé si la DSIL favorisait les communes urbaines. Ensuite, nous nous sommes demandé si les préfets avantageaient les chefs-lieux, qui sont parfois des métropoles. À ces deux questions, nos travaux semblent répondre par la négative, hors le cas particulier de la région Auvergne-Rhône-Alpes, dont nous avons parlé.

Nous n'avons pas remarqué de déséquilibre dans les communes bénéficiant des subventions de DSIL : la DSIL est principalement attribuée aux communes rurales dans les départements plutôt ruraux et aux communes urbaines dans les départements plutôt urbains. Par ailleurs, dans l'échantillon de vingt chefs-lieux que nous avons étudié, seuls deux perçoivent une DSIL par habitant supérieure à la moyenne régionale, encore s'agit-il de deux communes de densité intermédiaire – Ajaccio et Laon – et non de métropoles.

La DSIL est une dotation fléchée vers des thématiques prioritaires nationales. Elle permet également le financement d'opérations visant au développement des territoires ruraux qui sont inscrites dans un contrat entre une intercommunalité et le représentant de l'État.

Environ 30 % de la DSIL est consacrée au financement de ces dispositifs contractuels – CRTE, Action cœur de ville, Petites villes de demain, etc. – qui sont aujourd'hui plus nombreux et ont justifié la majoration de la DSIL dans le cadre de la loi de finances pour 2022.

Certains projets financés par la DSIL sur un dispositif contractuel ne concernent pas des territoires ruraux. Citons l'exemple du financement de l'éclairage public dans la communauté d'agglomération de Roissy-Pays de France, qui n'est évidemment pas un territoire rural, pour 300 000 euros, dans le cadre du programme Territoires d'industrie en 2020. Ce type de financement rentre tout à fait dans le cœur de cible de la DSIL et il ne s'agit pas de le remettre en cause, mais il y a une contradiction avec la loi qui justifierait qu'une clarification législative soit apportée.

Enfin, comme mon collègue François Jolivet l'a exposé, notre étude a porté sur l'analyse des taux de rejets des projets. Au niveau des crédits, nous avons relevé que des rejets sont motivés par des insuffisances de crédits, mais la situation est différente selon les départements.

Par exemple, dans le Puy-de-Dôme, la préfecture nous a signalé qu'aucun dossier DSIL n'avait été écarté en 2020 mais 58 l'ont été en 2021, dont 39 pour insuffisance de crédits. Dans l'Indre, 39 dossiers DSIL ont été écartés sur 54 déposés en 2020, dont 21 pour insuffisance de crédits. Dans le Nord, le taux de rejet atteint 59 % pour la DETR et la DSIL. La préfecture du Grand Est nous a signalé un taux de rejet de 57 %. La complémentarité des dotations ne permet pas toujours de compenser les insuffisances de crédits.

En revanche, s'agissant des crédits de paiement, les tensions sont moindres et concernent des indisponibilités limitées à certains départements, en fin d'exercice.

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Permettez-moi de conclure en évoquant un point sur lequel Christine Pires Beaune et moi nous sommes beaucoup interrogés : la performance des outils informatiques utilisés par les préfectures pour gérer la DETR et de la DSIL.

Comme l'a souvent dit notre collègue Jean-René Cazeneuve en tant que rapporteur de la mission Relations avec les collectivités territoriales, il ne s'agit pas d'un défaut de transparence – il faut d'ailleurs saluer l'effort et le travail des fonctionnaires pour assurer cette transparence et faciliter la mission de contrôle qui est la nôtre. En fait – et c'est un premier motif d'étonnement –, chaque préfecture a son propre système de gestion des dotations allouées aux collectivités… parce qu'il n'y a pas de système commun. Cela a pour conséquence de rendre difficile la consolidation des données – je me mets à la place du préfet de région qui souhaite obtenir des informations de ses préfets de départements… On pourrait sans doute imaginer une uniformisation du suivi par un outil facile à utiliser. Sachez, chers collègues, même si je ne fais pas de publicité pour un éditeur de logiciel, que le format Excel n'a pas cours au sein des préfectures. On ne peut donc pas s'en servir pour extraire des documents, l'État utilisant des logiciels gratuits que peu arrivent à maîtriser – certains fonctionnaires se servent même parfois de leurs propres outils pour travailler. En la matière, un acte de modernisation me semblerait donc de nature à faciliter notre contrôle, celui des préfets de région et, j'imagine, celui de la DGCL.

Je vous ai présenté le processus de la DSIL ; c'est le même pour la DETR. Comme il n'y a rien de commun, chaque préfecture a son propre dossier. Cela veut donc dire que le maire de la commune de Saint-Maur, dans l'Indre, que j'étais, n'ayant pas l'habitude de lire les documents de la préfecture du Puy-de-Dôme et ne connaissant pas les pratiques locales, ne pourrait pas comprendre les dossiers DSIL présentés par le préfet de ce département. Il faut moderniser les pratiques et uniformiser les documents.

Ensuite, une fois que le maire obtient son arrêté de subvention et que le préfet sait qu'il va devoir payer des acomptes, il appartient aux fonctionnaires de chaque préfecture de faire le tour des maîtres d'ouvrage publics durant le mois de mai et de leur demander s'ils ont l'intention d'adresser des demandes d'acomptes afin de savoir si des crédits de paiement seront nécessaires ; c'est là une gestion « à la mano », si vous me permettez l'expression. Il n'y a pas d'outil intégré. Siégeant au conseil d'administration du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) qui finance les organismes HLM, je peux en témoigner : même au ministère du logement, qui est vu comme un parent pauvre, cela ne se fait plus.

Bien que chaque dossier différent soit aujourd'hui dématérialisé dans chaque préfecture, l'État devrait mieux suivre les besoins en crédits de paiement et l'avancée des projets des maîtres d'ouvrage afin que nous puissions, en commission des finances comme en séance, examiner et voter les crédits de paiement au plus près des besoins. Aujourd'hui, il peut arriver que nous votions des crédits de paiement qui ne servent à rien parce que les projets ne sont pas suffisamment avancés.

La DSIL est une belle dotation qui permet aux collectivités territoriales de développer des projets et de moderniser leur territoire. Le suivi de ces projets demande cependant un travail supplémentaire à des fonctionnaires dont le nombre n'augmente pas. L'État devrait donc se doter d'un outil intégré comme on en trouve dans de grandes entreprises et leurs sociétés filiales mais aussi dans des collectivités territoriales et des intercommunalités, notamment des intercommunalités intégrées. Un acte de modernisation que la commission des finances et vos rapporteurs, chers collègues, pourrait susciter permettrait des gains de performance d'autant plus importants que l'organisation à moderniser n'est même pas celle du siècle dernier : c'est une organisation du dix-neuvième siècle. Notre mission de contrôle, la vie des fonctionnaires et celle de la DGCL s'en trouveraient facilitées, et nous pourrions voter en connaissance de cause les montants de crédits de paiement qui nous sont proposés chaque année.

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Je vous remercie, madame et monsieur les rapporteurs, pour la présentation de ce travail très fouillé. Vous nous aviez déjà éclairés sur le fonctionnement de la DETR, et nous nous étions déjà posé la question, lors de nos débats budgétaires, de la départementalisation de la DSIL. Vous nous permettez aujourd'hui de dresser un état des lieux précis, et vos réflexions et vos propositions pourront être utiles à la prochaine législature.

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Tout d'abord, j'exprime la solidarité et le soutien du groupe La République en marche au peuple ukrainien.

Au terme de cette législature et à l'occasion de cette dernière matinée de réunion de la commission des finances, je souhaite remercier les administrateurs de la commission des finances qui nous ont accompagnés avec talent et professionnalisme et exprimer le plaisir que j'ai eu à être membre de cette commission riche des personnalités qui la composent.

Madame et monsieur les rapporteurs, je vous remercie de ces travaux très intéressants.

Ils s'inscrivent dans un contexte de très forte augmentation des dotations de l'État aux collectivités locales et pourront, nous l'avons déjà observé, aboutir à des améliorations du cadre législatif, notamment lors de l'examen des lois de finances.

En tant que membre de la mission Agenda rural, je me réjouis que l'on tienne désormais compte, comme le recommandait cette mission – c'était même la première de ses 200 recommandations, de cette nouvelle définition des territoires ruraux, reposant sur un critère clair de densité de la population. Sans définition correcte, une bonne politique publique n'est pas possible, et ces territoires n'étaient auparavant définis qu'en creux, comme des territoires non urbains. Je vous remercie d'avoir souligné la nécessité de retenir la définition de l'INSEE.

Votre rapport est riche et documenté. Vous conduisez une analyse détaillée de la procédure et de la doctrine d'attribution des subventions suivie par les préfets de région. De votre point de vue, la procédure n'est pas suffisamment encadrée : problèmes de calendrier, problèmes de doctrine, problèmes de suivi de projet... Qu'est-ce qui pourrait être fait pour accélérer encore le calendrier ? Vous avez indiqué que les notifications arrivaient maintenant en avril, ce qui est un exploit, mais certains élus souhaiteraient que ce soit encore plus tôt pour qu'ils puissent élaborer leur budget. Une amélioration de la productivité le permettrait peut-être.

Par ailleurs, pouvez-vous préciser votre point de vue concernant la doctrine, standardisée ou au contraire différenciée ? Et, s'agissant du suivi, que préconisez-vous de manière concrète ?

Les maires de ma circonscription me disent qu'il faudrait alléger les procédures d'attribution de la DETR et de la DSIL. Que pourrait-on faire ?

En ce qui concerne les notifications, la campagne 2022 pour la DETR et la DSIL est ouverte. Les collectivités vont recevoir une notification pour la DETR mais pas pour la DSIL. Or certaines collectivités ne savent même pas qu'elles peuvent prétendre à la DSIL.

Enfin, votre rapport rappelle que des dispositifs contractuels – Action cœur de ville, Petites villes de demain, Territoires d'industrie – orientent la DSIL. Il y a ensuite des priorités nationales, tels les jeux Olympiques ou la transition écologique, qui ne sont pas toujours en adéquation avec les besoins des territoires. Enfin, il y a la région qui intervient.

Dans ce contexte, quelles sont vos recommandations pour rendre l'attribution de la DSIL plus favorable aux besoins des petites villes ? Faut-il associer les élus locaux aux priorités définies par les régions ?

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Je m'associe aux propos de mes collègues et ai, à cet instant, une pensée forte pour le peuple ukrainien.

Cette mission est très intéressante et documentée, même si vous avez eu des difficultés pour obtenir certains chiffres. Elle nous permet de bien comprendre la différence entre la DETR et la DSIL. Les critères d'obtention de la DSIL sont bien définis par la loi. En revanche, les élus avaient une plus grande liberté quant à l'application des critères de priorité de la DETR. Avez-vous pu constater dans vos travaux des différences de pratiques ? Je me souviens, ayant siégé à la commission d'élus de la DETR, de la tendance à financer les zones économiques au détriment d'autres politiques comme les équipements de sécurité, qui étaient pourtant inscrits dans les critères de priorité et me semblaient plus importants, et l'on assistait parfois à certains dérapages. Ne faudrait-il pas rendre cohérent les critères de la DSIL avec ceux de la DETR ?

Vous évoquez, dans vos propositions, deux mesures visant à rendre plus opérationnelle et efficace la DSIL : la disponibilité des crédits de paiement en fin d'année pour toutes les préfectures et l'élargissement du rôle du préfet dans son attribution. Que pensez-vous de la possibilité de renforcer la part des communes concernées par une zone de revitalisation rurale ou par un plan Action cœur de ville ?

Par ailleurs, votre proposition de limiter à 30 % la part de la DSIL attribuée aux intercommunalités pourrait-elle s'articuler avec une action des maisons France services qui viserait à accompagner les plus petites communes dans la constitution de demandes de ces subventions ? Cela n'est pas toujours évident pour elles : elles manquent d'outils et d'éléments pour pouvoir établir ces dossiers.

Enfin, seriez-vous favorable à l'extension de la durée de validité des subventions, qui peut déjà, dans certains cas et sur autorisation du préfet, atteindre neuf années, trois pour le commencement de l'exécution et six pour l'achèvement de l'opération ?

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Je m'associe à mes collègues pour affirmer notre soutien à nos amis ukrainiens.

Je félicite les rapporteurs pour leur engagement constant tout au long de la législature en faveur des collectivités territoriales, de leur financement et de leurs investissements. Leur analyse est particulièrement précise. De plus, vos travaux, chers collègues, se fondent sur des exemples et une expérience de terrain, ce qui est appréciable.

La DSIL est un outil de soutien à l'investissement au profit des collectivités et des élus. C'est un sujet important qui renvoie à la commande publique et à ses possibles impacts sur l'économie. J'aborderai le sujet avec une vision d'élu, puisque c'est à lui, en particulier au maire, que l'on s'adresse. L'élu a trois attentes essentielles : visibilité, simplicité et équité.

La question de l'équité renvoie à celle de la répartition des enveloppes. Comme vous l'avez constaté, il existe parfois des écarts, des injustices et des arbitrages flous au sujet des critères. Je me réjouis de vos propositions visant à assurer une meilleure définition de la ruralité et à une prise en compte de ses difficultés, ainsi que de celles relatives au pilotage de la DSIL par les préfets de région tel qu'encadré par la loi 3DS.

J'ai toujours trouvé que le critère de la proximité n'était pas pris en compte dans les arbitrages. Les critères de la ruralité et de la situation financière des communes sont considérés mais pas leurs besoins réels. Toutes les collectivités ne sont pas logées à la même enseigne. Lorsque j'ai été lu maire, j'ai, par exemple, trouvé un parc de véhicules très vieillissant qui justifiait des besoins financiers importants. Seule la proximité peut donner une visibilité sur ces besoins et sur l'aide nécessaire à apporter à ces communes, en plus grande difficulté que d'autres pour investir.

En ce qui concerne la simplicité et la visibilité, il existe aujourd'hui pléthore de dispositifs, qui font appel à des financements croisés et qui utilisent les mêmes enveloppes. Vous avez tous dû participer, chers collègues, à des présentations de projets Petites villes de demain. Il y a toujours une forme d'incertitude quant à la disponibilité de crédits provenant de la DETR, de la DSIL, des aides régionales et départementales. Est-il possible qu'une part des enveloppes de DSIL et de DETR soit affectée à ces projets ? Si chaque dispositif bénéficiait de crédits fléchés, cela apporterait beaucoup de simplicité.

Enfin, sur les taux de rejets, il est difficile d'être précis. Certains projets refusés sont en réalité reportés ou bénéficient de dérogations pour l'exécution des travaux.

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Mes pensées vont naturellement vers l'Ukraine et le peuple ukrainien à qui nous exprimons notre solidarité et notre fraternité, en espérant un retour à la paix. Je veux aussi saluer les administrateurs de cette belle commission et leur excellente expertise, et vous remercier tous, chers collègues, pour la qualité de nos échanges et de nos travaux.

Je remercie à la fois le président de la mission d'information, M. Jean-René Cazeneuve, et nos collègues Mme Christine Pires Beaune et M. François Jolivet, pour ces analyses et ces approches très intéressantes parce qu'elles sont trempées de pragmatisme.

Nos collègues proposent – c'est la préconisation n° 8 – d'encadrer de manière souple l'évolution annuelle du montant total des attributions de DSIL de chaque département. De quelle façon le faire ?

Il s'agirait aussi – c'est l'objet de la préconisation n° 10 – de limiter à 30 % la part des intercommunalités dans le montant total des attributions de DSIL à l'échelon départemental. Cela n'est-il pas un peu contre-intuitif alors que vous constatez, chers collègues, que les projets des intercommunalités sont moins nombreux mais plus subventionnés que ceux des communes ?

Enfin, ma dernière question concerne la DSIL dite exceptionnelle. Votre rapport ne porte pas sur cette question mais pouvez-vous nous présenter l'utilisation de cette DSIL exceptionnelle ?

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Cher collègue Labaronne, je salue d'abord votre action au sujet de l'Agenda rural : vous êtes devenu l'un des experts au sein de notre assemblée.

En ce qui concerne la procédure, qu'il faudrait alléger et rendre plus lisible, ce qui peut d'ailleurs faire écho aux propos de notre collègue Bricout, c'est tout de même l'État, en fait, qui s'en occupe ; alléger, vous le savez, c'est donc souvent complexifier. C'est ce que disait notre collègue Jean-René Cazeneuve dans ses propos introductifs en indiquant qu'il ne faut pas mettre trop de règles car cela se complexifie déjà tout seul.

Chaque année, le Gouvernement établit une circulaire, qui fixe parfois de nouvelles priorités, parce que la politique contractuelle progresse dans notre pays et qu'il y a des choses nouvelles qui sont amenées à être financées. Cependant, depuis quatre ans, les priorités n'ont pas beaucoup changé. Dans la pratique, certains préfets de département et préfets de région mettent en œuvre des appels à manifestation d'intérêt, des appels à projet, afin de recenser tous les projets des territoires. Ils savent ce qui va ou ce qui peut être financé par la DSIL, mais cela suppose aussi qu'il y ait des projets de territoire. Un meilleur fonctionnement de la DSIL requiert donc aussi une modification des pratiques des territoires, puisque ce sont bien des acteurs publics qui sont obligés de travailler ensemble. Quand il y a des appels à projets, avec des préfets de département aux commandes, et une Agence nationale de la cohésion des territoires dont l'objet est de mobiliser de l'ingénierie d'État au service des collectivités territoriales, cela permet évidemment d'anticiper et d'avoir des dossiers prêts.

Parfois des préfets, qui sont seuls aux commandes, ne veulent prendre que les dossiers « prêts à démarrer », mais ce qui est « prêt à démarrer », ce ne sont pas les études, ce sont les travaux, ce qui veut dire qu'il y a un sur-financement de la part travaux, qui prend une part de financement destinée aux études. Dans d'autres territoires, on envisage de construire un gymnase sans avoir encore acheté le terrain. Ce qui serait donc nécessaire, c'est une modification des pratiques, y compris celle des acteurs publics.

En fait de visibilité, pour répondre à mon collège Bricout, il est vrai que les élus ont aujourd'hui du mal à connaître tous les dispositifs qui existent – nous le vérifions tous dans nos circonscriptions. Le rôle du député est d'ailleurs plutôt de vulgariser, au sens positif du terme, les possibilités pour les collectivités de se financer, et c'est aussi la raison pour laquelle une circulaire de la ministre de la cohésion sociale invite, je crois, les préfets à être la solution de financement pour les projets structurants. De plus en plus d'élus vont d'ailleurs voir leur sous-préfet ou leur préfet pour les interroger sur les démarches à entreprendre et la direction à suivre afin d'obtenir que tel projet qu'ils jugent prioritaire bénéficie de subventions. Les préfets et l'État interviennent dans cette partie, et nous le devons plutôt à l'action menée au cours de cette législature. En tout cas, c'est ce que nous essayons de promouvoir et cela commence à prendre.

Cher collègue Mattei, la circulaire éclaire, si j'ose dire, les priorités définies par la loi. Comme j'ai pu le dire à notre collègue Labaronne, il est normal que cette circulaire existe puisque cela permet de rendre éligibles de nouvelles politiques publiques à des financements. Cela dit, les critères sont quand même assez larges et il est évident que les préfets font en sorte de faire entrer les projets prioritaires du territoire dans les priorités de financement de l'État. C'est tout l'intérêt de la déconcentration… et de la liberté. En revanche, ce que je note et qui m'a beaucoup surpris, c'est que la distinction entre une DSIL plutôt destinée aux territoires urbains et une DETR plutôt destinée aux territoires ruraux ne se vérifie pas forcément : tout se mélange.

Certains territoires et certaines régions fonctionnent de manière très différente, en raison non de la volonté des élus mais de celle des responsables des services de l'État. Prenons un préfet de région qui a le schéma régional d'aménagement du territoire de la région (SRAT), édité par son président de région et toutes les études que lui ont faites ses services : il connaît les priorités du territoire et, pour prendre l'exemple d'une région que mon collègue Labaronne et moi connaissons bien, il peut décider d'aider l'Indre et le Cher, même si la loi et la circulaire ne le prévoient pas, à rattraper leur retard en les structurant et en les préparant à l'avenir, en les aidant plus que l'Indre-et-Loire, le Loiret, le Loir-et-Cher et l'Eure-et-Loir, à travers des financements divers et variés. À l'inverse, dans telle autre région, que connaît ma collègue rapporteure, on entend dire que tel territoire bénéficie de toute façon d'une part de DSIL obligatoire. Ce sont donc les personnes qui sont aux affaires qui définissent les priorités. Les territoires devraient pouvoir les fixer davantage, mais, pour cela, il faudrait que les élus modifient un peu leurs pratiques, ce qui est plus facile à dire qu'à faire.

Aujourd'hui, les intercommunalités ont des fonctionnements différents, et c'est assez extraordinaire. Les intercommunalités, mes chers collègues, sont l'ingénierie des communes. Les communes membres d'intercommunalités dotées d'une ingénierie forte sortent des projets, tandis que les communes rurales membres d'une intercommunalité sans ingénierie n'arrivent pas à en sortir. C'est un sujet qui me paraît extrêmement important.

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Il faudra peut-être, chers collègues, qu'une expertise complète nos recommandations et permette d'améliorer encore ce qui peut l'être. La proposition n° 8 a été citée plusieurs fois : faut-il encadrer ou non la part du financement consacrée aux projets des intercommunalités ? La question est posée. Nous proposons pour notre part une limite fixée à 30 %, parce que c'est à peu près la moyenne. À nos collègues de la prochaine législature de s'emparer de nos propositions pour éventuellement aller plus loin.

Je remercie, pour terminer, les services des préfectures, que nous avons, dans une période un peu compliquée, particulièrement mis à contribution et qui nous ont répondu assez rapidement.

En application de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale, la commission autorise la publication du rapport d'information.

Puis la commission entend une communication de M. Julien Aubert, rapporteur spécial des crédits relatifs à l'énergie de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

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Notre collègue Julien Aubert, rapporteur spécial des crédits relatifs à l'énergie de la mission Écologie, développement et mobilité durables a usé de ses pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place afin d'obtenir de la Commission de régulation de l'énergie un certain nombre d'informations relatives au dispositif de l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH). Cette communication est l'occasion d'évoquer ces questions.

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Je vous rends compte en effet d'un contrôle que j'ai effectué récemment sur le fonctionnement de l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique, l'ARENH. Ce sujet est, vous le savez, au cœur du débat sur la protection du pouvoir d'achat des Français et l'avenir d'EDF.

Ce dispositif en vigueur depuis 2011 et devant expirer à la fin de l'année 2025 contraint EDF à mettre une part importante de sa production électrique d'origine nucléaire à la disposition des fournisseurs alternatifs d'électricité, principalement dans le but de favoriser le développement de la concurrence.

Jusqu'à une date récente, les volumes d'ARENH mis à disposition par EDF représentaient au maximum 100 térawattheures par an, soit habituellement environ un quart de sa production totale. EDF est tenue de vendre cette électricité nucléaire au prix de 42 euros par mégawattheure, et ce quel que soit le prix de marché. Or ce prix de 42 euros par mégawattheure est inchangé depuis dix ans et est très éloigné des prix actuels de marché : ces derniers se situent aux environs de 200 euros par mégawattheure, soit cinq fois plus.

Récemment, pour compléter le « bouclier tarifaire » et contenir la croissance des tarifs réglementés de vente de l'électricité à 4 %, le Gouvernement a décidé de relever le volume d'électricité vendu par EDF à ses concurrents. Le projet d'arrêté prévoit, à compter du 1er avril 2022, et pour une durée d'un an, l'augmentation du volume d'ARENH, qui passerait de 100 à 120 térawattheures, et, simultanément, le relèvement de la rémunération de ce volume complémentaire de 20 térawattheures, rémunération qui passerait de 42 à 46,20 euros par mégawattheure.

Ce relèvement du volume de l'ARENH a constitué une surprise, même si la Commission de régulation de l'énergie (CRE) l'avait appelé de ses vœux. Le 22 septembre 2021, au Sénat, le Gouvernement avait en effet explicitement écarté cette hypothèse en déclarant qu'un relèvement de l'ARENH présenterait « des risques juridiques trop importants à court terme ». Cependant, la vérité de septembre n'est pas celle de janvier et le Gouvernement a finalement choisi de relever le volume de l'ARENH…

Je souligne tout d'abord que, juridiquement, cette décision est risquée. Voici par exemple ce qu'écrivait au mois d'octobre 2020 notre collègue Marie-Noëlle Battistel, dans son avis budgétaire rendu au nom de la commission des affaires économiques : « la direction générale de la concurrence européenne a confirmé (…) que la modification du plafond au-delà de 100 térawattheures ainsi que du prix actuel de 42 euros par mégawattheure requiert un accord de la Commission européenne. Ces paramètres sont encadrés par la décision de la Commission européenne du 12 juin 2012. »

Le Gouvernement s'est donc affranchi de ces risques et a décidé de se passer de l'accord préalable de la Commission européenne. En cela, il suppose que le relèvement de l'ARENH est compatible avec la « boîte à outils » énergétique présentée par la Commission européenne le 13 octobre 2021. Ce postulat n'a cependant rien d'évident, et il appartiendra au Conseil d'État de se prononcer puisqu'il devrait être saisi du prochain arrêté par des syndicats d'EDF. Une ombre plane donc sur la légalité de la décision de relever l'ARENH.

Incertaine juridiquement, cette décision intervient surtout dans un contexte défavorable pour EDF. Nous savons tous qu'EDF rencontre des difficultés de production électrique imputables à l'indisponibilité, parfois inattendue, de plusieurs réacteurs. EDF a ainsi révisé récemment sa perspective de production électrique d'origine nucléaire à la baisse, et l'a fixée à un niveau se situant entre 295 et 315 térawattheures, le plus faible depuis 1991.

En 2022, la fourniture de 120 térawattheures au titre de l'ARENH devrait donc conduire EDF à vendre jusqu'à 40 % – j'y insiste – de son électricité nucléaire à ses concurrents à un prix discount. Les conséquences de cette décision sur les finances d'EDF ont suscité une controverse.

L'ensemble de ces éléments m'ont conduit, en tant que rapporteur spécial, à effectuer un contrôle auprès de la CRE et à échanger avec EDF. Les éléments rassemblés me permettent de répondre aux deux questions suivantes : qui bénéficie de l'ARENH et quelles sont les conséquences attendues du relèvement de l'ARENH sur les finances d'EDF ?

Pour ce qui est des bénéficiaires de l'ARENH, en décembre 2021, 81 fournisseurs alternatifs avaient signé un contrat-cadre avec EDF leur ouvrant droit à l'ARENH. Cette liste est publiée sur le site de la CRE. Parmi ces 81 fournisseurs, quelques-uns n'utiliseront pas leur « droit de tirage », soit parce qu'ils y ont renoncé, soit parce qu'ils ont cessé leur activité ces dernières semaines ; 81 fournisseurs, c'est 8 de plus qu'en 2020 et 51 de plus qu'en 2017. Naturellement, plus les prix de l'électricité sont élevés, plus il y a de fournisseurs désireux d'acheter de l'électricité à prix discount auprès d'EDF. Pour les fournisseurs alternatifs d'électricité, grâce l'ARENH, c'est en effet tous les jours Noël !

La liste de ces fournisseurs comprend des entités très différentes. On trouve bien sûr des énergéticiens comme TotalEnergies ou Engie, mais aussi des sociétés comme Auchan Énergies appartenant à des groupes dont l'énergie n'est pas le cœur de métier. On trouve également des entreprises locales de distribution comme Électricité de Grenoble ou la régie municipale Électricité de La Bresse, entreprise locale de distribution d'une commune vosgienne de 4 500 habitants.

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Pour l'exercice 2022, ces 81 fournisseurs ont demandé 160 térawattheures d'électricité, soit un volume record. La CRE satisfera ces demandes à hauteur de 100 puis 120 térawattheures. Les quantités d'électricité attribuées à chaque fournisseur ne sont cependant pas connues d'EDF et la CRE m'a demandé de ne pas les dévoiler ; je respecterai cette demande tout en soulignant trois points.

En premier lieu, chacun des fournisseurs concernés sera de facto subventionné par EDF. Je le répète : depuis 2012, dans le cadre de l'ARENH, EDF cède de l'électricité à ces fournisseurs au prix de 42 euros le mégawattheure même si, comme en ce moment, celle-ci vaut quatre ou cinq fois plus cher sur le marché. Cette subvention indirecte versée par EDF à ses concurrents est pour le moins curieuse quand TotalEnergies présente un résultat net record de 16 milliards de dollars pour l'année 2021. Pourquoi EDF, dont les finances sont sous pression, devait-il subventionner un concurrent dont les finances sont florissantes ? Pourquoi un tel effet d'aubaine ?

En deuxième lieu, le code de l'énergie ne garantit pas que les fournisseurs répercuteront intégralement leurs achats d'ARENH auprès de leurs clients. En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'un fournisseur achète de l'électricité à bas prix auprès d'EDF qu'il la revendra à bas prix au consommateur. Certes, si un fournisseur demande un volume d'électricité trop important, un double mécanisme de pénalité rétroactive, dit CP1 et CP2, existe, mais la CRE l'utilise peu. Le Gouvernement et la CRE sont conscients de cette faille et ont promis d'y accorder leur attention. Nous verrons ce qu'il en sera.

En troisième lieu, l'ARENH ignore toute considération stratégique. Aucun contrôle n'est exercé sur la nationalité des sociétés en bénéficiant. Je ne vois pas d'obstacle à ce que l'espagnol Iberdrola bénéficie de l'ARENH ; en revanche, je ne comprends pas que Gazprom et China Power France figurent parmi les attributaires potentiels de l'ARENH pour leurs clients français… Car Gazprom est bel et bien l'un des bénéficiaires potentiels de l'ARENH ! En 2022, Gazprom a choisi de ne pas exercer son droit de tirage sur l'ARENH mais cette société a conclu avec EDF un contrat-cadre qui lui permettrait d'y prétendre et en a bénéficié à plusieurs reprises depuis 2012. Afin de respecter l'engagement de confidentialité que j'ai pris auprès de la CRE, je ne peux être davantage précis mais sachez que c'est encore arrivé récemment et que les volumes d'électricité concernés ne sont pas négligeables.

Il y a là un vrai paradoxe, pour ne pas dire une hérésie. D'un côté, l'envolée des prix de l'électricité s'explique par les tensions sur le marché du gaz auxquelles Gazprom n'est pas étranger. De l'autre côté, Gazprom se retrouve subventionné par EDF pour acheter de l'électricité à bas prix. Où est la logique ? Pourquoi le pompier devrait-il subventionner le pyromane ? De plus, il est curieux de faire une fleur à Gazprom au moment où la Russie menace l'Ukraine.

J'en viens à la deuxième interrogation à laquelle je souhaitais répondre. Quel est le coût prévisionnel du relèvement de l'ARENH pour EDF et comment se décompose-t-il ?

Hier, EDF m'a confirmé que le coût attendu du relèvement de l'ARENH et des autres mesures annoncées par le Gouvernement le 13 janvier 2022 était estimé, selon les hypothèses de prix de marché, entre 7,7 et 8,4 milliards d'euros sur un an, dont 6 milliards d'euros sont directement liés à l'augmentation des volumes de l'ARENH. Ce coût correspond à l'addition de deux principales sources de pertes. La première sera l'impossibilité pour EDF de vendre l'électricité qu'il produit au prix de marché. En 2022, EDF sera ainsi tenu de vendre 40 % de ses électrons à ses concurrents au prix de 42 euros ou 46,20 euros le mégawattheure au lieu de les céder à 150 ou 200 euros le mégawattheure sur le marché. La seconde source de pertes tiendra à la nécessité pour EDF d'acheter sur le marché l'électricité qu'il ne produit pas en quantité suffisante avant de la revendre à prix cassé aux fournisseurs alternatifs. Si EDF n'a pas encore commencé à le faire, il le fera bientôt.

À titre de comparaison, la somme de 8 milliards d'euros représente presque la moitié du coût de construction de l'EPR de Flamanville ou 14 fois le coût du chèque énergie exceptionnel versé à la fin de l'année 2021 à 5,8 millions de ménages. Je rappelle aussi que ce coût de 8 milliards d'euros pèse sur une entreprise dont les finances sont dégradées. L'endettement d'EDF s'établit aujourd'hui à 43 milliards d'euros pour un chiffre d'affaires annuel de 84,5 milliards d'euros.

Enfin, ce montant est susceptible d'être majoré par des coûts indirects. Deux agences de notation ont par exemple abaissé la notation financière d'EDF après les annonces gouvernementales.

Le relèvement de l'ARENH constitue donc un rude coup financier porté à EDF. Le 10 février, à Belfort, le Président de la République a déclaré qu' « EDF traverse une période difficile ». C'est justement parce qu'EDF traverse une période difficile que le relèvement de l'ARENH est un non-sens : relever l'ARENH, c'est mettre EDF à genoux. Certes, nous savons depuis vendredi dernier qu'EDF va organiser une augmentation de capital de 2,5 milliards d'euros à laquelle l'État souscrira à hauteur de 2,1 milliards d'euros. La belle affaire ! L'État donne 2,1 milliards à EDF d'une main mais en prend 8 de l'autre. Là encore, où est la logique ?

Comment voulez-vous qu'EDF modernise ses centrales nucléaires, rachète les turbines Arabelle, finance de nouveaux EPR et investisse dans les énergies renouvelables si, dans le même temps, vous le ponctionnez de plusieurs milliards d'euros ? Même si les ingénieurs d'EDF sont brillants, je ne les crois pas encore capables de résoudre la quadrature du cercle. Ce jugement sévère sur les tours de passe-passe de l'État est partagé par beaucoup, y compris par le Conseil supérieur de l'énergie qui, fait rare, s'est prononcé contre le projet d'arrêté relevant l'ARENH – je précise d'ailleurs que je n'ai pas pris part à cette décision. Depuis longtemps, je dis que l'ARENH est un poison qui coule lentement mais sûrement dans les veines d'EDF. Avec le relèvement de l'ARENH, un grand pas est fait vers l'overdose.

Le relèvement de l'ARENH pose enfin un réel problème en termes de finances publiques qui devrait interpeller notre commission. Cette décision revient effectivement à faire prendre en charge par EDF une mesure de soutien aux ménages qui devrait relever du budget de l'État. Le dispositif retenu constitue une débudgétisation portant atteinte à la sincérité des comptes publics. EDF ne doit pas être le sous-traitant social de l'État pour répondre aux difficultés posées par la crise énergétique. À l'inverse, l'État doit supporter cette dépense au moyen, par exemple, d'un allégement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l'électricité ou de mesures ciblées en faveur des électro-intensifs.

Pour toutes ces raisons, il serait nécessaire de renoncer au relèvement du plafond de l'ARENH. Si l'objectif de contenir à 4 % la hausse des prix de l'électricité est louable, d'autres moyens auraient pu être mis en œuvre. En choisissant de relever ce plafond en dépit des doutes juridiques planant sur la légalité de cette décision, le Gouvernement affaiblit durablement EDF, subventionne les fournisseurs alternatifs sans garantie que cela profite aux consommateurs et porte atteinte à la sincérité budgétaire, sans même résoudre le problème de fond. Demain, quelle position adopter si, comme cela est probable, les prix de l'énergie demeurent élevés ?

Dans un document confidentiel auquel j'ai eu accès en ma qualité de rapporteur spécial, un groupe de travail missionné par le ministère de la transition énergétique écrit ainsi que les prix élevés de l'énergie pourraient « s'installer durablement » et qu' « il n'est pas anticipé de retour aux prix pré-2020 […] lors de la décennie ».

En conclusion, je dirai que le relèvement du plafond de l'ARENH illustre une politique énergétique faite de retournements permanents. Ce quinquennat qui a commencé en arrêtant le projet Astrid et en fermant, après 42 ans d'activité, la centrale de Fessenheim se termine en relançant le nucléaire civil et en voulant prolonger la durée d'activité des centrales nucléaires au-delà de 50 ans. Ce quinquennat qui a commencé en fermant les centrales à charbon se termine en doublant les autorisations de production accordées à ces mêmes centrales. Ce quinquennat qui a commencé en voyant l'État renoncer à percevoir un dividende d'EDF se termine par une ponction de 8 milliards d'euros sur EDF. Ce quinquennat, « le mal qu'il fit, il le fit bien, le bien qu'il fit, il le fit mal ».

Sur ce sujet comme sur d'autres, il est grand temps de tourner la page.

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Monsieur le rapporteur spécial, vous terminez cette législature en soutenant le discours de la CGT ; c'est la preuve que nous pouvons encore être surpris. Pour vous répondre, je relèverai simplement que le résultat d'EDF a été multiplié par 8 en 2021 et s'établit à 5,1 milliards d'euros. Comme vous l'avez indiqué, l'État mènera une opération de recapitalisation à hauteur de 2,1 milliards d'euros pour garantir la pérennité de cette entreprise. De plus, le plan France 2030 sera mobilisé pour la soutenir et investir dans l'énergie nucléaire.

Vous évoquez la question de Gazprom dans une période marquée par de très grandes tensions internationales en Ukraine. Quelle est la part d'électricité vendue au tarif de l'ARENH à cette entreprise ? Je tends à penser que celle-ci n'est pas élevée dans la mesure où les relations commerciales entre la France et la Russie ne représentent que 2 % de notre balance commerciale ; le ministre de l'économie, des finances et de la relance a par ailleurs rappelé que l'incidence de la crise actuelle sur l'économie française devrait en tout état de cause être limitée.

Certes, l'État a demandé à EDF de réaliser un effort important, compris entre 7 et 8 milliards d'euros. En parallèle, l'État a réalisé un effort comparable avec la réduction de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), dont le coût s'élève à 8 milliards d'euros pour les finances publiques, et le soutien qu'il apporte à EDF. Ces mesures sont par ailleurs rassurantes pour les Français, légitimement inquiets pour leur pouvoir d'achat. Je n'ose imaginer la situation dans laquelle nous serions si nous n'avions pas mis en place le bouclier tarifaire.

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Comme je l'ai indiqué, je ne peux vous communiquer le détail du volume d'électricité vendu à Gazprom sans contrevenir au secret des affaires.

Le bouclier tarifaire est une excellente mesure. La question demeure de savoir qui doit la financer. Les dépenses soutenant les ménages relèvent par nature du budget général et n'ont pas à être financées par les comptes d'une entreprise dont le capital est en partie ouvert aux actionnaires privés.

Je ne tiens pas un discours qui pourrait m'apparenter à la CGT en défendant la liberté d'entreprendre, mais bien un discours libéral consistant à expliquer que l'État doit se comporter en actionnaire et non en prédateur.

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Merci, en tout cas, pour votre éclairage, monsieur le rapporteur spécial. L'énergie est un sujet important dans un contexte de tensions inflationnistes.

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Là où M. le rapporteur spécial voit une incohérence concernant les mesures prises en matière de politique énergétique en 2017 et 2022, je vois le signe d'une capacité d'adaptation face à une situation qui a significativement évolué en plusieurs années. Nous ne pouvons nier que le Gouvernement a agi pour préserver les intérêts des Français et les intérêts nationaux. Il convient de rappeler que le bouclier tarifaire est en effet une très bonne mesure, qui a été étendue aux petites entreprises. S'y ajoutent le blocage des prix du gaz au 1er octobre 2021, l'octroi d'un chèque énergie complémentaire de 100 euros, l'indemnité inflation de 100 euros et la revalorisation du barème de l'indemnité kilométrique. Ces dispositifs permettent de soutenir le pouvoir d'achat des Français via une contribution du budget général de l'ordre de 14 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable. Rappelons que si le bouclier tarifaire n'avait pas été mis en œuvre, les prix de l'électricité auraient augmenté de 35 %.

Le relèvement du plafond de l'ARENH crée en effet un risque juridique, que je félicite l'État d'avoir pris, compte tenu de l'intérêt pour les Français de bénéficier d'une protection de leur pouvoir d'achat.

Quelles sont vos propositions pour qu'à la revente les fournisseurs répercutent le prix d'achat dont ils ont pu bénéficier dans le cadre de l'ARENH sur le prix facturé à leurs clients ?

Enfin, si le relèvement du plafond de l'ARENH a un coût pour EDF, l'État a clairement indiqué qu'il soutiendrait cette entreprise. Nous faisons face à une situation géostratégique particulière qui doit nous conduire à engager une réflexion collective, au niveau européen, sur la question de l'énergie. J'espère que ce sujet sera traité dans le cadre de la campagne présidentielle.

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Je salue la qualité des travaux menés par M. Julien Aubert, qui dresse un constat alarmant.

L'État ne remplit pas son rôle protecteur et met à genoux l'un de nos fleurons nationaux, dans une période où cette entreprise pourrait être particulièrement utile à notre pays pour développer le nucléaire ou les énergies renouvelables. Par ailleurs, quand bien même un certain nombre de mesures ont été prises pour préserver le pouvoir d'achat des Français, je constate, sur le territoire de ma circonscription, que de nombreuses personnes demeurent en grande difficulté financière en raison de la hausse du coût de l'énergie. Certaines d'entre elles ne peuvent se chauffer correctement, ou sont contraintes d'acheter leur carburant sans faire le plein par manque de moyens. Ces mesures sont donc insuffisantes, et j'espère que de nouvelles décisions seront prises d'ici peu.

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Je suis très sensible à vos propos, cher collègue Bricout.

Cher collègue Ahamada, nous savons en effet que le bouclier tarifaire du gaz ne couvrait pas tout puisque les logements collectifs en étaient exclus. Quant au blocage des prix de l'électricité, la difficulté n'est pas la forme retenue – le bouclier tarifaire – mais son moyen de financement. Le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité n'est valide qu'un an. Or les experts indiquent que les prix de l'électricité risquent d'être similaires pendant dix ans. Nous ne pourrons pas financer chaque année ce bouclier tarifaire par l'ARENH, en ponctionnant 10 milliards d'euros par an sur une entreprise dont la dette est de 43 milliards d'euros.

De plus, cette solution ne garantit pas que les entreprises répercuteront sur les prix au consommateur la baisse de leurs coûts : il existe un risque de captation par certaines entreprises. Un financement budgétaire aurait eu un impact plus direct pour l'usager, sans passer par l'intermédiaire d'une entreprise qui agit pour le compte de l'État. Le mécanisme retenu n'est pas pérenne, soit en raison de la matérialisation du risque juridique dont j'ai parlé, soit parce qu'il ne sera pas possible de le financer plus d'un an. Je suis d'accord avec le diagnostic de M. Bricout sur le caractère disproportionné du dispositif. Nous avons en effet besoin de trouver des solutions alternatives et disruptives dans le contexte actuel de transition énergétique et de crise énergétique qui entraînent toutes les deux une augmentation des coûts et un risque d'asphyxie des ménages les plus fragiles. Il faudrait peut-être réfléchir désormais en termes de reste à vivre des ménages et l'État pourrait essayer de plafonner les hausses, mais, si cette situation s'installe durablement, il faudra certainement réaménager profondément notre fiscalité énergétique.

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 24 février 2022 à 9 heures

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Julien Aubert, M. Jean-René Cazeneuve, M. Francis Chouat, M. Charles de Courson, Mme Dominique David, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Vincent Ledoux, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, M. Xavier Roseren, Mme Claudia Rouaux, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Jennifer De Temmerman, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, Mme Valérie Rabault, M. Laurent Saint-Martin, M. Olivier Serva, M. Éric Woerth