Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Réunion du mercredi 10 janvier 2018 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures cinquante.

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Mes chers collègues, nous accueillons maintenant M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques (DGFiP), et deux membres de son administration.

Monsieur le directeur, merci de vous être rendu disponible pour nous aujourd'hui. Je rappelle que vous êtes déjà intervenu ici lors de l'audition de M. le ministre Gérald Darmanin.

Les dispositions relatives aux finances publiques sont l'un des noyaux durs du projet de loi et l'un des domaines dans lesquels il semble particulièrement opportun de renouer la confiance.

Le droit à l'erreur et le rescrit sont dès à présent mis en oeuvre dans des champs restreints. Il peut donc être utile de clarifier devant notre commission les avancées proposées dans le texte. Il serait intéressant également que vous puissiez valoriser tout ce que vous avez déjà fait au sein de votre administration dans la relation de confiance avec les usagers. Peut-être pourrez-vous nous parler de vos retours d'expérience.

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Comme souvent, madame la présidente, mes questions rejoignent votre introduction. Nous l'avons déjà dit, l'administration fiscale est souvent perçue comme celle qui a su évoluer dans le sens de la philosophie de ce texte.

Le droit à l'erreur existe déjà sous différentes formes pour l'administration fiscale : présomption de bonne foi, non-application de sanctions en cas d'erreur ou d'omission dans les déclarations. Il est important que vous nous fassiez part de votre retour d'expérience, à la fois en ce qui concerne les difficultés éventuelles d'application et l'accompagnement managérial que cela implique pour les agents. Cela obère-t-il votre capacité à devoir parfois redresser ?

Lors de son audition, Gérald Darmanin a rappelé l'adage : « Faute avouée est à moitié pardonnée ». Certains disent qu'il faut aller plus loin et faire tomber tous les intérêts de retard. Qu'en pensez-vous ? Y a-t-il des lignes rouges ? Peut-on aller au bout du geste ? J'imagine que vous vous êtes déjà posé ces questions.

Il serait intéressant également de connaître votre avis sur le droit au contrôle qui est une disposition importante de ce texte.

L'article 7 prévoit la généralisation de la relation de confiance qui prend appui sur l'expérimentation, pouvez-vous dresser un bilan de l'expérimentation qui a eu lieu à ce sujet ? Quelles pistes pourrait-on envisager pour élargir ce dispositif, même s'il s'agit en la matière d'habiliter le Gouvernement à prendre des dispositions par ordonnance ?

Enfin, j'aimerais connaître votre avis sur l'article relatif à la durée de contrôle dans les petites et moyennes entreprises (PME), parce que certaines questions pratiques peuvent se poser quant à son application et à la coordination entre les différentes administrations. Qu'entend-on par durée de contrôle, durée effective, présence à compter de la notification jusqu'à la fin du contrôle ?

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Bruno Parent, directeur général des finances publiques

Je suis accompagné de Mme Maïté Gabet, cheffe du service du contrôle fiscal à la direction générale des finances publiques, et de M. Édouard Marcus, chef du service juridique de la fiscalité. Je suis donc bien entouré pour essayer de répondre à vos questions.

Je vous remercie d'avoir indiqué que l'administration fiscale n'est pas en retard, pour parler pudiquement, s'agissant du droit à l'erreur. Il m'est arrivé de répondre à des questions des médias sur notre positionnement en la matière. Je le dis sans forfanterie, mais c'est une petite fierté pour notre administration – il en faut y compris pour des questions managériales – de voir que ce projet vise notamment à étendre nos pratiques, dont nos pratiques anciennes, à d'autres entités publiques. Vous avez pris l'exemple du rescrit, c'est-à-dire la prise de position formelle qui nous engage sur une situation de fait. C'est une pratique extrêmement ancienne de l'administration. Nous le faisons à une échelle importante puisque des dizaines de milliers de rescrits sont délivrées chaque année.

L'autre exemple pour lequel nous sommes au coeur du sujet concerne l'erreur versus la fraude. Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, l'erreur, on la comprend bien, d'autant qu'étant porteur avec vous, si j'ose dire, de la complexité de la législation fiscale, notre administration est assez bien placée pour savoir qu'erreur il peut y avoir. En réalité, depuis très longtemps, l'erreur n'est pas sanctionnée. Dans la logique qui est reprise par ce texte lorsqu'il s'agit de sanctionner, c'est-à-dire de mettre des pénalités, la charge de la preuve nous incombe. Pour résumer, cela signifie en quelque sorte, en matière fiscale en tout cas, que la bonne foi est présumée puisqu'il faut faire la démonstration qu'il n'y a pas bonne foi pour mettre une sanction. On pourrait également citer les publications d'instructions opposables et bien d'autres choses encore.

Merci aussi d'avoir évoqué le fait que nous avions évolué et que nous étions tout à fait dans l'esprit du texte que le Gouvernement vous présente.

Sommes-nous au bout du chemin ? Ce texte comporte des améliorations qui continuent à creuser le chemin positif d'une administration qui s'inspire de l'idée de confiance.

Vous me demandez si cela obère nos capacités de contrôle. Objectivement, non pour des raisons à la fois juridiques, institutionnelles et quasi psychologiques et managériales. Notre conception est que, bien au contraire, assurer la sécurité juridique à nos contribuables, savoir séparer le bon grain de l'ivraie, est quelque chose qui légitime, renforce notre capacité à appliquer les sanctions que le législateur a prévues lorsque l'on rencontre une vraie situation de fraude. Face à une législation complexe, nous avons un devoir d'accompagnement, de pédagogie. Lorsque nous nous trouvons dans des situations qui appellent des sanctions – au total, elles sont rares par rapport à l'ensemble de nos entreprises ou de nos concitoyens – notre légitimité est alors encore plus grande pour tirer les conséquences que la loi nous oblige à appliquer, c'est-à-dire l'assiette et les intérêts de retard dont je rappelle qu'ils ne sont pas une sanction mais simplement, comme on dit couramment, le prix du temps. Je pense que notre action est d'autant mieux comprise, même si elle ne l'est pas toujours suffisamment, que nous avons su faire cette distinction. Je ne dirai donc pas que cela obère nos capacités de contrôle, cela les légitime. Or l'acceptation de l'impôt et donc l'acceptation du contrôle – que l'on appelle quelquefois en mauvais français la compliance – est au coeur de notre positionnement dans la République. Notre modeste contribution à l'acceptation de l'impôt permet à nos concitoyens de penser légitimement que nous menons une action en faveur de l'égalité devant l'impôt, c'est-à-dire aussi du contrôle, et notre légitimité tient au fait que nous sommes dans une situation d'accompagnement et de pédagogie en toutes circonstances, avec des outils modernes comme internet, ou au guichet, au téléphone, etc.

Tout à l'heure, j'ai souri lorsque vous avez posé cette question, Monsieur le rapporteur, parce que certains de mes collègues d'autres administrations sont venus me voir en me disant : vous qui le faites depuis longtemps, expliquez-nous comment ça se passe. Et je leur ai donné la même réponse, c'est-à-dire que nous avons une image positive. Or, l'image d'une institution est extrêmement importante, y compris quand elle doit manier des choses moins sympathiques que l'accompagnement.

Vous avez fait allusion au droit au contrôle. Il y a une dizaine d'années, nous avons proposé, et le Parlement a bien voulu l'instituer, une capacité dans la sphère des entreprises à demander un contrôle fiscal. C'est la preuve que les esprits évoluent : à l'époque cela avait fait un peu sourire. Ce dispositif a-t-il connu un succès considérable ? Soyons honnêtes, la réponse est non. On n'a peut-être pas fait suffisamment de publicité. L'existence même du produit en tant que tel avait une vertu : montrer une certaine ouverture, mais peut-être cela sera-t-il différent dans les temps qui viennent. Je le répète, notre expérience en la matière n'a pas conduit à constater une utilisation fréquente de ce texte. Mais il existe, et après tout il ne gêne personne.

La question de la relation de confiance est un peu plus compliquée. Je serai plus rapide parce que, comme vous l'avez vu, le texte proposé renvoie à des travaux complémentaires. La relation de confiance, telle qu'elle a été expérimentée, reposait sur plusieurs idées-forces. D'une part, elle s'adresse à des entreprises plutôt fiscalement en bonne situation. D'autre part, il s'agit de faire une revue de détail très complète de leur situation fiscale, dans des délais assez brefs et même avant la clôture de l'exercice. Force est de reconnaître qu'en dépit de la grande publicité que nous avons faite pour ce dispositif, il n'y a pas eu beaucoup d'entreprises qui se sont présentées pour l'expérimentation. Ce n'est pas très grave d'ailleurs, mais c'est la réalité. Au total, sur trois ans environ, cette expérimentation a été faite avec une vingtaine d'entreprises. Notre avis sur cette expérimentation – dont je vous parle très librement car tout cela n'est pas complètement stabilisé – est qu'elle est assez chronophage, presque autant, voire autant, qu'un contrôle fiscal pour elles comme pour nous, ce dont les entreprises n'étaient pas très ravies, est qu'elle s'adresse plutôt à des entreprises supposées être les plus « dans les clous » si j'ose dire. Étendre cette expérimentation à une échelle plus vaste pose tout de même un sérieux problème.

Nous nous sommes demandé ce qui, au vu de la réalité de l'économie française et de la situation fiscale des entreprises, était le plus utile pour leur développement, pour qu'elles puissent dormir tranquillement sur le plan fiscal, si je puis dire, et qu'elles ne consacrent pas un temps excessif à ces matières car ce n'est pas leur métier. Il nous a semblé qu'il fallait surtout s'intéresser – c'est pourquoi le texte fait allusion à une typologie qui serait un mode de ciblage – aux entreprises qui sont un peu l'économie de demain, celles qui ont par exemple des capacités de recherche importantes, les futures entreprises de taille intermédiaire (ETI), bref tous ces sujets que vous connaissez bien. Ce sont probablement ces entreprises en développement qui ont à la fois le plus de problèmes novateurs à leurs yeux, y compris au plan fiscal, pour lesquelles les enjeux économiques de développement et de croissance de notre économie sont les plus forts et qui sont le potentiel de demain. On pensait concentrer toute notre action sur celles-ci et le faire sans chercher à couvrir l'ensemble des problèmes fiscaux des entreprises, mais plutôt, en dialogue avec elles, cibler des opérations, des objets pour lesquels elles se posent de vraies questions. Si je puis me permettre d'évoquer des contacts que nous avons pu avoir avec certaines d'entre elles, je dirai que les chefs d'entreprise se posent moins la question du taux de TVA qui doit s'appliquer à leurs produits que celle de la manière dont elles doivent racheter une entreprise lorsque c'est la première fois qu'elles le font, ou encore de dire le droit lorsqu'elles créent un objet dont la fiscalité n'avait pas imaginé qu'il existerait et qu'il aurait une vraie utilité. Je pense aux « jeunes pousses » de la nouvelle économie mais pas seulement à elles. Cet accompagnement de nos futures grandes entreprises ou futures ETI avec un ciblage sur des opérations pour établir cette relation de confiance, a aussi du prix dans le temps, c'est-à-dire que, si on les accompagne complètement lorsqu'elles commencent à croître, on peut penser que dans la durée leur comportement vis-à-vis de nous sera plus détendu. Tout à l'heure, j'ai indiqué que l'on délivrait plusieurs dizaines de milliers de rescrits par an, mais on pourrait en délivrer encore plus.

Nous disposons encore pour le crédit d'impôt recherche (CIR) d'une possibilité de rescrit, qui a été amélioré il y a peu.

Toutefois, le nombre d'entreprises qui utilisent et bénéficient très opportunément de ces dispositions montre que nous sommes en dessous des possibilités. Nous pensons – et c'est une pierre dans notre jardin – que c'est parce que des entreprises, ou leurs conseils, considèrent qu'il est préférable de ne pas nous demander d'intervenir, et choisissent de demeurer attentistes.

Cette relation de confiance doit donc se nouer dans la durée, et être fluide, sans arrière-pensée d'une part comme de l'autre. Mais cela n'est pas réalisable avec trois millions d'entreprises, car nous n'avons pas la capacité d'offrir le même service à tout le monde.

Il nous semblait qu'il était économiquement pertinent de mettre des ressources rares – de plus en plus rares à la DGFiP (Sourires.) – au service des enjeux économiques les plus importants. Ce qui nous a conduits à nous concentrer sur les entreprises innovantes, les jeunes pousses, les futures ETI, etc. Toutes choses que la réflexion conduira à définir plus précisément au fil des travaux.

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Cela a-t-il démarré avec un rescrit « projet », pour le type d'entreprises que vous évoquez ?

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Bruno Parent, directeur général des finances publiques

Dans notre jargon, nous appelons cela le rescrit dynamique. Ce dispositif est né d'un autre champ de nos compétences, qui est celui de l'agrément. Le législateur, c'est-à-dire vous, nous donne pour des cas précis le devoir de délivrer des agréments lorsqu'un certain nombre de conditions sont remplies afin qu'une entreprise bénéficie d'un régime que la loi a prévu comme étant favorable.

Cela signifie en théorie que lorsqu'une entreprise nous présente un projet de restructuration par exemple, nous l'analysons et en déduisons que l'entreprise peut ou non bénéficier du régime de transfert de déficit ou toute autre chose de ce genre.

Mais dans les faits, les choses ne se passent pas ainsi. En réalité, un dialogue se noue, et lorsque nous signifions à l'entreprise que le schéma qu'elle présente ne respecte pas complètement l'épure, nous travaillons avec elle afin de voir si son projet peut entrer dans le cadre législatif sans pour autant dénaturer l'opération économique visée.

Je ne prétends pas que nous co-construisons la solution, mais nous n'en sommes pas loin. Et c'est de cette expérience des agréments qu'est née l'idée du rescrit dynamique.

Car il ne suffit pas de dire que face à une situation A, le régime fiscal applicable est le régime B. Il s'agit, par itérations successives, de trouver avec l'entreprise – y compris sur place, ce que ni l'agrément ni le rescrit ne prévoient pour le moment –, car nous venons à sa demande alors qu'il s'agit d'habitude du contraire, les conditions d'un dialogue. C'est cela que j'appelle un rescrit dynamique : par opposition à une réponse statique, c'est quelque chose qui se construit.

Voilà l'idée, qui certes demeure à construire et à écrire. Notre expérience est qu'en fonction des moyens dont nous disposons, il n'est pas envisageable de se consacrer au rescrit dynamique dans des proportions considérables. Or, c'est ce type d'action qui serait le plus utile à notre pays.

S'agissant de la durée des contrôles, des textes régissent déjà nos activités et limitent la durée, particulièrement dans les petites entreprises. La question de savoir ce qu'est la durée d'un contrôle s'est donc déjà posée.

Sur le plan technique, je suggère que cette durée soit bornée par la première et la dernière intervention sur place. Cela ne signifie pas qu'avant il ne se passe rien, car les entreprises sont prévenues ; cela ne signifie pas non plus qu'après il ne se passe rien, puisque le dialogue oral et contradictoire se poursuit, ce qui est heureux.

Au demeurant, nous devons élaborer le cahier des charges de cette expérimentation ; et le texte qui vous est soumis en donne les grandes lignes de façon constructive. Pour que cette expérimentation prenne corps, nous devons l'organiser et nous consacrer plus que nous l'avons fait jusqu'à présent à ce cahier des charges.

En dépit du fait que nous sommes à l'inspiration de certaines mesures, il est naturel que nous continuions à progresser ; c'est la raison pour laquelle un certain nombre d'articles vous sont soumis. Ils tournent autour de quelques idées simples : la régularisation vaut mieux que la notification de redressement, même sympathique et sans pénalité ; et la sécurité juridique constitue un enjeu tel qu'il faut l'améliorer en toute occasion.

Ainsi que vous l'avez constaté, nous incitons aux régularisations spontanées en réduisant le taux d'intérêt de retard. Nous incitons aussi aux régularisations en cours de contrôle, là aussi en améliorant le dispositif, car le but est bien que le contrôle dure le moins longtemps possible, ce qui est bon pour l'entreprise, mais aussi pour l'utilisation optimale des deniers de l'État.

Cette démarche est donc à la fois altruiste et rationnelle. Et la notion du temps dans les relations avec les entreprises est centrale, ainsi, tout ce qui concourt à réduire la durée du contrôle est-il bienvenu. C'est pourquoi nous proposons au législateur d'étendre les dispositions de l'article 62 du projet de loi, qui prévoit déjà des régularisations en cours de contrôle, en étendant son champ au contrôle des particuliers, que nous appelons sur pièces dans notre jargon.

Autant j'ai pu dire que l'article relatif aux contrôles à la demande n'avait pas connu un succès considérable, autant la régularisation au cours du contrôle a très bien fonctionné ; je pourrais dire qu'elle est devenue un produit d'appel. De fait, tout temps fiscal gagné par une entreprise est gagné pour l'économie et son développement.

Si nous constatons qu'une entreprise s'est trompée, elle paie vite et la situation est régularisée : tout le monde y gagne. Cet élément est important, car notre droit fiscal est complexe et changeant, grâce au Parlement…

Les aspects à privilégier sont donc l'incitation, la prévention des conflits plutôt que le contentieux, et la transaction avec l'entreprise – parfois critiquée –, qui est un contrat dans lequel l'État comme l'entreprise trouvent leur intérêt. Cette pratique a en outre le mérite de purger l'affaire puisqu'il y a eu accord : c'est pourquoi nous y recourons sans avoir le sentiment de biaiser la loi.

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Ne serait-il pas possible d'aller plus loin dans le domaine des indemnités de retard ?

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Bruno Parent, directeur général des finances publiques

Sur la proposition du Gouvernement, le Législateur vient de diviser par deux le taux des intérêts de retard. Le texte propose de poursuivre cette incitation à la régularisation en diminuant ces intérêts à proposition de 50 %, 70 %, etc.

Faut-il supprimer complètement l'intérêt de retard ?

Cette question excède la seule fiscalité : l'État veut-il être le banquier gratuit de toutes nos collectivités, qu'elles soient entrepreneuriales ou citoyennes ? C'est ce que signifierait l'absence d'indemnités de retard. Pour ma part, ce n'est pas ce que je recommanderais. Car dans tout monde économique rationnel, dans la logique d'une relation entre débiteur et créditeur – même si en ce moment les taux d'intérêt sont très bas, nul ne sait ce qu'il en sera dans cinq ou dix ans –, il n'est pas incongru d'acquitter un petit montant supplémentaire lorsque l'on paie plus tard. C'est ce que l'on appelle l'intérêt de retard.

Aussi, la combinaison de la baisse que vous venez de décider et des diminutions proposées à l'occasion de l'examen du projet de loi aboutit à une situation qui ne me paraît pas problématique.

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Chacun s'accorde à considérer que la confiance et le droit à l'erreur constituent le pilier central de ce projet de loi. Or, il se trouve que l'article 158 du code général des impôts (CGI) part d'une présomption de mauvaise foi.

Ainsi hier ai-je entendu une fleuriste qui, si elle avait constitué une société à responsabilité limitée (SARL) ou une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ; sur un bénéfice de 100 – ce que j'évoque c'est le dispositif dit « 1,25 » – aurait été imposée sur la base de 100. De même, si en tant que commerçante n'ayant pas souhaité constituer une société, elle adhérait à un centre de gestion agréé (CGA), elle serait imposable sur 100 % de ses bénéfices.

Si en revanche, cette personne n'a pas souhaité se constituer en société ni adhérer à un centre de gestion, l'administration du fisc considérera qu'elle triche sur 25 % de ses revenus ; ainsi se verra-t-elle imposée sur la base de 125 %.

Je ne ferai pas l'historique des textes ayant conduit à une telle situation, mais c'est la réalité : si l'on n'appartient pas à un centre de gestion ou que l'on n'est pas constitué en société, le CGI considère qu'il y a présomption de mauvaise foi. Par surcroît, cette prétendue mauvaise foi est chiffrée puisque l'on estime que l'intéressée a réalisé un bénéfice de 125 et non de 100 ! On l'accuse donc d'avoir dissimulé 25 % !

Pour en avoir discuté avec des fonctionnaires de votre administration, je puis vous assurer que certains jugent cette situation scandaleuse ; et je partage leur avis.

Toutefois, je vous concède que, depuis quelques années, l'administration fiscale a considérablement amélioré ses relations avec les entreprises et les contribuables ; sans atteindre la confiance absolue, le dialogue a singulièrement progressé. Ainsi, dans le cadre de la numérisation des procédures, si un bug informatique empêche le contribuable de déposer sa déclaration de revenus dans les délais, un appel téléphonique et un courrier permettent en général de surseoir à l'application de la majoration de 40 % sanctionnant le retard ; même si quelques difficultés administratives perdurent.

Je souhaiterais donc connaître votre position sur ce fameux 1,25 ; sachant que l'adhésion aux centres de gestion agréés, dont je ne souhaite pas la disparition, car ils ont encore pour fonction l'exercice d'un précontrôle des petits dossiers, constitue pratiquement le seul moyen d'y échapper.

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Au cours de ma vie professionnelle passée, j'ai vu beaucoup d'entreprises éligibles au CIR qui n'osaient pas demander le rescrit par crainte que cela incite à leur faire subir un contrôle fiscal. Il ne me semble pas que cela se vérifie dans les faits ; il n'empêche que ce fantasme négatif répandu empêche d'atteindre un nombre intéressant de rescrits.

Dans ces conditions, comment adresser aux entreprises un message clair établissant qu'une demande de rescrit n'implique pas un contrôle fiscal ? Le sujet est d'importance et, même si la mesure ne paraît pas relever du domaine législatif, le risque est de passer à côté d'un dispositif très intéressant, notamment avec le rescrit dynamique que vous venez de nous présenter.

À l'occasion de la rédaction de mon rapport spécial sur les crédits du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local », j'ai entendu les syndicats représentatifs des agents de la DGFiP. J'avais alors avancé l'idée d'un référent unique représentant un certain nombre d'administrations, ce que prévoit l'article 15 du projet de loi.

Avec beaucoup de franchise, mes interlocuteurs m'ont fait part de leur assentiment à la condition que ce référent unique soit un agent de la DGFiP exerçant dans les locaux de cette dernière. Cette réponse signifie que ces fonctionnaires considèrent que personne d'autre qu'eux-mêmes ne sait faire leur métier ni même les représenter, et qu'il est hors de question de l'exercer ailleurs que dans une agence de la DGFiP ou une trésorerie municipale.

Dans ces conditions, comment imaginez-vous un référent unique capable de parler de fiscalité à des usagers ? Jusqu'à quel point ? Éventuellement avec quel degré de pouvoir de décision ? Cela permettrait à l'usager comme à votre direction de gagner du temps, mais aussi d'ouvrir des perspectives de réorganisation territoriale dans le cadre de CAP 2022.

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Merci, monsieur le directeur général, pour vos explications très complètes.

Ma question, plus terre à terre, porte sur la relation de confiance entre l'administration fiscale et les administrés, problématique qui se pose avec une acuité particulière dans nos territoires. Avant-hier lundi, le directeur des finances publiques de mon département du Tarn m'indiquait qu'il était très fréquemment question, dans les petites trésoreries des communes rurales – ma circonscription compte 111 de ces communes –, que les agents aident les secrétaires des mairies à établir le budget. C'est dans une telle relation de proximité avec les administrés que se tisse le lien de confiance. Voyez d'ailleurs quel petit psychodrame cause chaque fermeture de trésorerie ; le département du Tarn en a connu trois l'an dernier, j'espère qu'elles seront moins nombreuses en 2018. Nous comprenons bien la nécessité d'une rationalisation, mais ces petites trésoreries, qui comptent deux ou trois agents, maillent le territoire et nourrissent cette confiance.

Je profite donc de votre audition, monsieur le directeur général, pour évoquer la question des moyens humains. Prenez-vous en compte ce paramètre lorsque vous envisagez la question de la relation de confiance entre l'administration et les administrés ?

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Le principe des niches fiscales est que le contribuable peut bénéficier d'un avantage fiscal à la suite d'une dépense ou d'un investissement qui répond à un intérêt général ou compense une charge assumée par la collectivité. Malheureusement, elles souffrent d'une mauvaise publicité et d'évaluations tronquées. Nous avons effectivement le sentiment que les gains budgétaires induits ne sont pas intégralement pris en compte.

En tant que parlementaire, je pense que c'est un outil important pour réformer et agir de manière efficace et efficiente, mais il paraît souvent nécessaire de contrôler le recours aux niches fiscales, et l'idée que l'avantage est accordé pour servir l'intérêt général n'est pas parfaitement admise. Peut-être devons-nous effectivement, en tant que parlementaires, encadrer de manière plus rigoureuse ces dispositifs, mais quel est votre avis ?

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À l'heure de la fermeture de trésoreries en milieu rural, la DGFiP pourrait-elle être un partenaire des maisons de services au public ou y tenir des permanences ? Ce pourrait être une solution de proximité de nature à permettre aux citoyens et aux petites entreprises d'accéder à certains services.

Par ailleurs, certes, l'État ne peut servir de banquier au contribuable, et les intérêts de retard sont le prix du temps, mais l'État tarde parfois lui-même à rembourser certaines sommes qu'il doit aux citoyens. Ne devrait-il donc pas lui aussi s'acquitter de ce prix du temps ?

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Il peut arriver que l'on soit à la fois créancier et débiteur du trésor public, et les délais suscitent des crispations – la question se pose particulièrement outre-mer. Certes, on n'est pas débiteur et créancier des mêmes caisses, l'argent dû n'est pas le même que celui qui nous est dû, mais l'État met parfois très longtemps à rembourser une dette, payer une somme due ou une facture, alors que le contribuable doit, à l'inverse, respecter des délais bien précis. S'ajoute à cela le fait que l'on n'ose pas réclamer des intérêts moratoires au trésor public, parce qu'il s'agit d'argent public – je parle d'expérience, pour avoir connu cette situation dans ma vie professionnelle. Il y a là une distorsion.

Par ailleurs, j'ai récemment reçu le témoignage d'une entreprise qui a fait l'objet d'un contrôle fiscal alors qu'elle n'avait pas deux ans d'existence. Est-ce pertinent ? Et le contrôle a bloqué un remboursement, qui n'avait rien à voir, de 200 000 euros de crédit de taxe sur la valeur ajoutée !

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J'aurais voulu, monsieur le directeur général, des précisions supplémentaires sur le rescrit dynamique. Jusqu'où aller ? Vous avez parlé de co-construction. J'ignore si les avocats fiscalistes ont du souci à se faire mais le rescrit ne risque-t-il pas, si nous allons assez loin, d'être victime de son succès ? De nombreuses entreprises pourraient vouloir être accompagnées par la DGFiP – car qui les accompagnerait mieux ?

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Bruno Parent, directeur général des finances publiques

Monsieur Laqhila, je vous transmettrai une fiche technique qui explicite mieux que je ne saurais le faire pour quelle raison il n'y a aucune présomption de mauvaise foi dans cette multiplication par 1,25 des bénéfices. Il existait il y a treize ans un certain barème de l'impôt sur le revenu, avec certains taux, mais s'appliquait systématiquement un abattement de 25 %. En somme, le barème était un barème apparent. Dans sa grande sagesse, le législateur de l'époque a considéré qu'il n'était pas souhaitable d'afficher des taux d'impôt sur le revenu totalement fictifs. Un nouveau barème a donc été conçu, dont les taux moindres intègrent l'effet induit par l'abattement de 25 % sur les taux du barème antérieur. Par ailleurs, le législateur a voulu, il y a très longtemps, que les entreprises – plutôt les petites entreprises – qui adhéraient à une association de gestion agréée (AGA) bénéficient d'une « ristourne fiscale ». L'AGA effectue un certain nombre de contrôles, remplit un certain nombre d'obligations. Nous voyons bien l'analogie : le salarié ne peut frauder, puisqu'il dépend d'un tiers ; faisons donc la même chose pour les entreprises, avec les associations de gestion agréées. En vertu de cette analogie, les deux bénéficiaient donc du même abattement de 25 %.

Lorsque le barème a été modifié et que les taux de l'impôt ont été réduits, le législateur a voulu conserver un avantage aux entreprises qui adhéraient à une AGA. Comment faire ? La technique choisie fut la multiplication par 1,25, en cas de non-adhésion à une AGA, du bénéfice imposable. Il ne s'agit pas du tout de stigmatiser des entreprises au motif d'une supposée immoralité, c'est simplement le moyen de maintenir un avantage – et personne n'a été lésé, puisque la modification du barème était arithmétiquement neutre. Je reconnais cependant que cela peut sembler un peu « chinois » et me permettrai donc de vous adresser une fiche arithmétique précise qui vous démontre qu'il n'y a ni présomption de mauvaise foi ni traitement inégalitaire. Le législateur veut simplement que l'adhésion à une AGA permette toujours de bénéficier d'un avantage fiscal. La technique utilisée peut paraître insolite, mais elle ne répond qu'à cette logique, il n'y a pas de présomption de fraude ou de mauvaise foi. Précisons aussi que l'adhésion aux AGA n'est pas réservée aux entreprises individuelles.

M. le député Saint-Martin me pose une question encore plus difficile : comment lutter contre les fantasmes ou les impressions ? C'est effectivement assez compliqué. Peut-être ne communiquons-nous pas assez, en tant qu'institution, sur nos manières d'être, nos procédures, nos contrôles, nos rescrits. Il est cependant une réalité arithmétique, sous l'angle de laquelle nous pourrions d'ailleurs communiquer. Si nous ne contrôlions que les entreprises qui recourent au rescrit et si nous le faisions systématiquement, la réalité de nos contrôles serait arithmétiquement très différente. Deuxième angle sous lequel nous pourrions communiquer, les équipes chargées du rescrit et les équipes chargées du contrôle ne sont pas du tout les mêmes. Évidemment, c'est la même administration, mais, reconnaissons-le, celle-ci est assez vaste. Une difficulté tient à l'idée répandue d'un contrôle automatique en cas de recours au crédit d'impôt recherche. L'arithmétique pure et simple démontre exactement que c'est tout à fait impossible. Voyez combien d'entreprises recourent à ce dispositif et combien sont contrôlées. Le contrôle de ce chef n'est pas du tout systématique ! Effectivement, nous avons un problème de communication et d'explication, et votre question, monsieur le député, nous incitera peut-être à réfléchir davantage à notre approche en la matière.

Autour des niches fiscales et des avantages de ce type, tout un écosystème se développe, et le crédit d'impôt recherche est évidemment l'un des plus importants dispositifs. Nombreuses sont donc les entreprises dont le métier est d'accompagner les autres entreprises qui veulent bénéficier du crédit d'impôt recherche. Des conseils d'entreprise suggèrent-ils de recourir non au rescrit mais aux prestations de conseil proposées ? Peut-être n'est-ce pas, dans certaines circonstances – sûrement très rares –, totalement impossible… Je me trompe peut-être, mais on peut imaginer ce genre de chose. La sous-utilisation du rescrit tient à tous ces phénomènes.

Peut-être faut-il que notre administration fasse la promotion des niches fiscales, plus qu'elle ne l'a faite jusqu'à présent. Le devoir premier de l'administration fiscale est d'appliquer la loi votée, sans états d'âme. Nous pouvons toujours nous poser des questions en tant que citoyens ; en tant qu'administration, nous savons que c'est compliqué et que cela change souvent – nous-mêmes avons parfois du mal à suivre – mais la loi est la loi, et un avantage fiscal est un avantage fiscal ! D'ailleurs, lors de contrôles, il nous arrive, plus souvent qu'on ne l'imagine, de rétablir au contribuable qui pouvait en bénéficier des avantages qu'il n'avait pas réclamés. Les erreurs décelées lors des contrôles sont parfois au détriment non du trésor public mais du contribuable lui-même.

Tout cela renvoie à la question, plus difficile, de savoir quelle est l'image d'une entité publique comme la DGFiP. Nous souffrons d'un handicap, que j'évoque sans vouloir qu'on y change quoi que ce soit, car j'en suis un farouche partisan : le secret fiscal, dont je suis en quelque sorte, chaque jour, le gardien méthodique. Il conduit effectivement l'administration à rester muette dans toute une série de circonstances, y compris quand des affirmations totalement erronées sont proférées ; elle ne peut répondre publiquement.

C'est à tous ces éléments que tiennent les procès d'intention, les fantasmes, les quiproquos, les erreurs d'interprétation contre lesquels il est difficile de lutter. Je retiens néanmoins votre question comme une incitation à communiquer davantage et une invitation à une promotion plus proactive de ce genre de dispositifs.

S'agissant du référent unique, distinguons deux configurations.

La première est la sphère fiscale. Toute notre administration est organisée de façon qu'entreprises et particuliers aient affaire à un interlocuteur et un seul. Toute personne créant une entreprise reçoit de la part d'un fonctionnaire du service des impôts des entreprises (SIE) une lettre lui précisant son nom et ses coordonnées et lui rappelant les obligations qui s'appliquent. Pour les grandes entreprises, ce référent appartiendra à la direction des grandes entreprises ; pour la majorité des autres entreprises, au service des impôts des entreprises du territoire concerné. Il en va de même pour les personnes physiques : chaque contribuable a un référent au service des impôts des particuliers. Il existe donc un interlocuteur unique pour toutes les questions de gestion, de pédagogie, d'obligations déclaratives, de paiement. Cela ne veut pas dire qu'il résout toutes les questions seul – il peut recourir à des experts dans telle ou telle circonstance – ou qu'il procédera lui-même au contrôle s'il y a lieu.

La deuxième configuration est beaucoup plus large : le référent unique prendrait place dans un agrégat d'administrations différentes, relevant de législations différentes, changement de dimension qui rendrait selon moi – et tous mes propos ici n'engagent que moi – une telle organisation illusoire. Si un guichet unique servant de portail pour accéder à diverses administrations paraît envisageable, il me semble impossible qu'une seule entité soit à même d'apporter un traitement de fond pour des démarches relevant aussi bien du droit du travail que de la législation fiscale, des normes d'hygiène et de sécurité, des bonnes pratiques environnementales ou encore du droit de la construction. Un référent technique ne peut avoir d'utilité que s'il connaît intimement tel ou tel sujet. Je crois au savoir-faire et au professionnalisme des agents publics. On se tromperait et l'on tromperait les entreprises et les particuliers si on leur donnait l'impression qu'une seule et même personne, omnisciente, est capable de résoudre tous leurs problèmes.

S'agissant du maillage territorial des trésoreries, je comprends bien les préoccupations qui sont les vôtres. Nous les vivons comme vous : nous ne procédons jamais à la fermeture d'une trésorerie sans passer par une phase de consultation étroite auprès des parlementaires, des élus locaux, des préfets, des organisations syndicales. Nous avons à arbitrer entre deux valeurs : la présence physique dans un territoire et la qualité du service. Je préférerais pouvoir dire qu'il est possible de les concilier. En réalité, la grande majorité de ces petits postes qui comptent deux, trois ou quatre agents – du moins sur le papier – ne sont plus à même d'apporter un service de qualité, notamment aux collectivités locales qui en ont besoin pour leurs comptes qu'il s'agisse des opérations de recettes comme de dépenses. L'enjeu du resserrement que nous opérons est de trouver un moyen à terme entre partir complètement et rester complètement.

Il faut reconnaître que la qualité, le professionnalisme, la disponibilité, le savoir-faire supposent une certaine masse critique en termes de personnel, ce qui implique de concentrer, donc de s'éloigner de quelques dizaines de kilomètres. Il faut reconnaître aussi que la tradition historique de l'administration – un bâtiment, une administration, un drapeau – est une forme coûteuse, et probablement un peu dépassée, de la présence de l'État dans les territoires. Nous considérons que celle-ci devrait être encore plus technologique qu'elle ne l'est aujourd'hui. La compréhension réciproque ne passe pas nécessairement par la proximité physique. À cet égard, les maisons de services publics, les maisons de services au public, les permanences mais aussi les visioconférences représentent autant de formes de présence intelligente de l'administration dans les territoires. Elles concilient souci d'économies et qualité de service.

Cela suppose de décloisonner, ce qui renvoie à la politique immobilière de l'État, sous-tendue par la volonté d'utiliser le plus rationnellement possible les immeubles, que l'État les possède ou qu'il les loue, et par une logique de concentration. Quel que soit l'angle par lequel on aborde le sujet, on aboutit à la même conclusion : une forme de modernité à plusieurs plutôt qu'un jardin à la française.

J'ajoute que l'évolution qu'ont connue les collectivités territoriales, et plus particulièrement les établissements publics de coopération intercommunale, beaucoup moins nombreux que par le passé, nous fournit peut-être un cadre de référence pertinent pour concevoir des modes différents de présence des administrations.

Monsieur Da Silva, je ne peux vous laisser parler sans protester d'évaluations tronquées » au sujet des niches fiscales. Il me semble nécessaire de distinguer deux objets d'évaluation. Il y a, d'une part, l'évaluation de la dépense fiscale née de la réduction des ressources que l'État autorise, après accord du Parlement, en créant tel ou tel avantage fiscal. Ce coût est parfois difficile à cerner mais j'estime que nos calculs sont raisonnablement conduits. Il y a, d'autre part, les retombées économiques attendues de tel ou tel avantage fiscal. Sur un plan strictement technique, cette évaluation qui mobilise économistes et statisticiens est beaucoup moins aisée à mener. Ce sont peut-être ces évaluations que vous estimez tronquées.

Permalien
Bruno Parent, directeur général des finances publiques

Vous connaissez le grand débat sur les effets sur la natalité de la conjugalisation ou de la familialisation de l'impôt. Cela paraît éloigné de la fiscalité stricto sensu mais en réalité s'il y a un quotient familial, c'est qu'il existe une politique familiale ancienne dans notre pays. Les avantages fiscaux pour les territoires ultramarins renvoient eux aussi à une politique de soutien ancienne, à laquelle s'attachent de grands enjeux économiques. Il en va de même pour l'environnement et le logement.

J'en viens au prix du temps. Le taux d'intérêt de retard était auparavant différent suivant que l'État était débiteur ou créditeur puis il a été décidé d'unifier les taux, peut-être dans une logique de confiance assez proche de celle qui vous occupe aujourd'hui, si vous me permettez un tel carambolage temporel. Depuis le mois de novembre dernier, un taux réduit de moitié, fixé à 2,4 % ; s'applique aux intérêts de retard dus par les contribuables et aux intérêts moratoires dus par l'État. Dans les deux cas, les remboursements sont assez rapides.

Vous avez soulevé une autre difficulté, madame la présidente, en évoquant les factures. La DGFiP acquitte aussi bien celles des collectivités que celles de l'État. Les délais de paiement dépendent non seulement du comptable mais aussi de l'ordonnateur. Il faut par définition que l'administration concernée, qu'il s'agisse de la commune, du département, de la région, déclare le service fait pour que se déclenchent la liquidation et le paiement. Nous suivons de très près les délais de paiement. Selon les indicateurs, ils s'améliorent : ils sont même inférieurs à ce que la loi prescrit. Autrement dit, l'État paie peu d'intérêts moratoires car il paie rapidement. Il s'agit bien sûr de moyennes – je ne suis pas en train de dire que nous sommes dans un monde idéal où tout est parfait, il y a des accidents et des différences selon qu'il s'agit d'établissements hospitaliers ou de collectivités territoriales.

Pour être tout à fait complet, j'ajouterai qu'il n'y a pas de mécanismes de compensation entre les impôts et les factures même si notre administration est compétente dans ces deux domaines. La loi ne permet pas qu'une entité qui devrait acquitter un impôt auprès de l'État puisse le voir alléger des sommes que l'État lui doit au titre de telle ou telle prestation.

Vous avez aussi appelé mon attention sur les contrôles fiscaux menés dans les entreprises créées depuis moins de trois ans, question intéressante qui nous place au coeur des difficultés de compréhension entre l'administration fiscale et les entreprises. Pour caricaturer, je dirai que les responsables d'une entreprise contrôlée au bout de six ans nous reprocheront de ne pas leur avoir signalé avant les imperfections et les erreurs que nous avons mises au jour quand ceux d'une entreprise contrôlée au bout de trois ans nous opposeront qu'ils ont autre chose à faire et qu'il faudrait intervenir plus tard. Rien n'est simple !

Les remboursements de crédits de TVA sont un sujet à part. Des dizaines de milliards d'euros sont en jeu chaque année et nous sommes forcément attentifs aux fraudes. Ces remboursements peuvent en effet aboutir pour l'État à des décaissements nets, autrement dit à faire sortir du bon argent budgétaire.

C'est une bonne illustration du fait qu'en matière de contrôle fiscal, il n'y a pas de règle absolue. Décider de ne contrôler aucune entreprise ayant moins de x années serait contre-performant. Cela reviendrait à donner un blanc-seing qui entraînerait du laxisme. Je ne dis pas que le contrôle fiscal est une pure joie mais il contribue à l'application de la loi. Sur les trois millions d'entreprises que compte notre pays, nous en contrôlons moins de 50 000 chaque année et nous nous concentrons sur les plus grosses. L'une des difficultés de compréhension les plus récurrentes que nous avons avec les entreprises, c'est qu'elles trouvent injuste que nous les sanctionnions pour des fautes qu'elles n'auraient pas commises si nous les avions portées à leur connaissance avant. Elles nous demandent de passer l'éponge sur le passé mais la loi, bien sûr, ne le permet pas.

Tout cela peut vous paraître « vaseux », mais la relation entre le fonctionnaire des impôts et l'entreprise contrôlée repose beaucoup sur la psychologie, dimension très importante dans la confiance.

S'agissant enfin du rescrit dynamique, nous n'aurons effectivement pas les moyens de répondre à la demande d'accompagnement de toutes les entreprises, monsieur Mazars. Il peut paraître paradoxal que l'on ne puisse pas offrir le même « service » – si j'ose dire – à tout le monde mais on ne peut pas vouloir à la fois que la direction générale des finances publiques rende de l'emploi public, dans des proportions que nulle autre administration ne parvient à atteindre – 35 000 emplois rendus en une quinzaine d'années –, que le contrôle fiscal continue à assurer l'égalité de nos concitoyens et de nos entreprises devant l'impôt – ce qui suppose des moyens humains importants –, et accompagner la totalité des 3 millions d'entreprises. Pour sortir de cette impasse, le Gouvernement propose dans ce texte d'identifier le plus intelligemment possible les vrais enjeux de développement économique. Les spécialistes décrivent très bien les phases les plus cruciales du développement des entreprises, phases au cours desquelles ces dernières sont confrontées à des problèmes qui ne se posaient pas quand elles étaient plus petites et où l'on enregistre en France un taux de mortalité important des entreprises. On vante les ETI allemandes et l'on se plaint en France de ne pas en avoir assez – ce qui, statistiquement, est tout à fait juste. Nous vous proposons donc de « mettre le paquet » sur l'accompagnement des entreprises et de cibler nos actions. Mais vous avez raison : on ne peut pas tout faire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La direction générale des finances publiques a déjà fait beaucoup et pourrait d'ailleurs valoriser davantage son action. Cela étant, nous avons recueilli les témoignages d'entreprises ayant ressenti de la crispation ou de l'incompréhension à l'égard de l'administration fiscale et ma question de tout à l'heure était de savoir pourquoi, quand le fisc contrôle une entreprise, il bloque ses remboursements de crédits de TVA. Nous en reparlerons mais je tenais à vous faire part des sentiments mêlés de certains contribuables. Il nous revient à tous d'expliquer quelle relation de confiance la DGFiP souhaite établir avec les entreprises. Je le dis car j'ai aussi recueilli beaucoup de témoignages de contribuables et d'entreprises qui ont eu de très bons interlocuteurs, ayant répondu très clairement et très rapidement à leurs questions.

Monsieur le directeur général, je vous remercie.

La séance se termine à dix-neuf heures dix.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 10 janvier 2018 à 17 h 30

Présents. – Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Yves Daniel, M. Dominique Da Silva, Mme Typhanie Degois, Mme Jeanine Dubié, Mme Sophie Errante, Mme Véronique Hammerer, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Mohamed Laqhila, Mme Florence Lasserre-David, M. Gaël Le Bohec, M. Stéphane Mazars, Mme Monica Michel, Mme Sandrine Mörch, Mme Cendra Motin, M. Laurent Pietraszewski, M. Benoit Potterie, M. Cédric Roussel, M. Laurent Saint-Martin, M. Olivier Serva, M. Jean Terlier, M. Boris Vallaud, M. Arnaud Viala

Excusés. – M. Philippe Gosselin, Mme Marietta Karamanli, Mme Nicole Le Peih, Mme Monique Limon, Mme Sereine Mauborgne, M. Bruno Questel, M. Frédéric Reiss, Mme Alice Thourot

Assistait également à la réunion. – Mme Danièle Hérin