Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 18h30

Résumé de la réunion

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  • empreinte
  • reconditionné
  • résilience
  • terminaux
  • émissions

La réunion

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La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (n° 3730) (M. Vincent Thiébaut, rapporteur).

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Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France. Je remercie M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, pour sa présence parmi nous.

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Je tiens à saluer le travail et l'engagement des parlementaires du Sénat, en particulier M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi, et les rapporteurs MM. Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte. Ce texte fait suite à une mission parlementaire riche, sur un sujet qui fait l'objet de préoccupations croissantes.

S'il est indéniable que le numérique permet d'importants gains environnementaux – à l'image des visioconférences, qui se sont multipliées ces derniers mois, les technologies numériques, en réduisant la mobilité, permettent d'éviter des émissions de gaz à effet de serre (GES) – il a un impact, direct ou indirect, sur l'environnement. Le secteur représente près de 4 % des émissions de GES dans le monde – 2 % en France –, soit 15 millions de tonnes de CO2 en 2019. On estime que ce chiffre pourrait atteindre 24 millions en 2040, soit une croissance de 60 %. Il est donc urgent d'agir.

Le premier enjeu est celui de la bonne connaissance de l'impact environnemental du numérique et de la sensibilisation des utilisateurs. C'est l'objet du chapitre Ier de la proposition de loi. La formation des élèves à l'utilisation des outils et des ressources numériques doit comporter une sensibilisation à l'impact environnemental et inciter à la sobriété numérique, ce que prévoit l'article 1er. L'article 2 vise à généraliser les modules relatifs à l'écoconception au sein des formations d'ingénieur en informatique. Je pense qu'il faut aller plus loin et proposer cet enseignement dans les formations de niveau bac + 2 en informatique, dans les écoles de commerce ou d'architecture. Il convient aussi d'améliorer la connaissance de l'empreinte environnementale du numérique. L'observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique, que vise à créer l'article 3, nous permettra de disposer de données objectives et fiables.

Près de 80 % des impacts sont liés aux terminaux – smartphones, tablettes, ordinateurs portables – et 70 % à leur fabrication. Le chapitre II de la proposition de loi vise donc à limiter leur renouvellement en proposant une série de mesures qui viennent compléter celles inscrites dans la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Il s'agit de mieux lutter contre l'obsolescence programmée, en supprimant, à l'article 6, l'un des deux critères d'intentionnalité nécessaires pour caractériser ce délit. C'est une avancée majeure puisque la définition de l'obsolescence programmée rend impossible aujourd'hui toute condamnation sur ce motif. L'article 7 prévoit par ailleurs d'y intégrer l'obsolescence logicielle. Ces dispositions complètent utilement les articles 25 à 28 de la loi AGEC.

Les articles 8 à 11 permettent de faciliter l'installation et la désinstallation de mises à jour et d'améliorer les droits des consommateurs. Quant à l'article 12, il prévoit que les objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation fixés par les cahiers des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'équipements électriques et électroniques sont déclinés de manière spécifique pour certaines catégories d'équipements numériques, comme les téléphones ou les tablettes. Cette distinction est importante car ces produits sont aujourd'hui mal recyclés.

Afin de ne pas freiner le développement de la filière des appareils reconditionnés, l'article 14 bis B inscrit dans la loi le non-assujettissement de ces appareils à la rémunération pour copie privée, dès lors que ces équipements ont déjà donné lieu à une telle rémunération. Enfin, l'article 14 bis vise à renforcer l'information du consommateur sur les offres de mobiles subventionnés, qui associent l'achat d'un téléphone portable à la souscription d'un forfait mobile pendant une période d'engagement allant souvent jusqu'à vingt-quatre mois. Ces offres induisent un renouvellement forcé des appareils. Je souhaite que nous profitions de l'examen du texte en commission pour avancer encore sur cette question du renouvellement des terminaux et vous proposerai plusieurs amendements en ce sens.

Le chapitre III de la proposition de loi vise à développer des usages plus vertueux du numérique. L'utilisation des réseaux, en particulier mobiles, est en forte hausse, puisque le trafic de données double tous les trois ans en France. L'article 16 crée une obligation d'écoconception des services numériques en ligne, applicable aux plus gros utilisateurs de la bande passante. En France, ils ne sont qu'une quinzaine d'acteurs à se partager 80 % du trafic ! Cette obligation s'accompagne d'un référentiel général de l'écoconception, défini par voie réglementaire afin d'être souple et adaptable aux mutations, souvent rapides, du numérique. Toutefois, la difficulté tient au fait que ces acteurs ne sont pas toujours des entreprises françaises et qu'ils ne sont donc pas forcément soumis au droit français.

En parallèle, l'article 16 bis introduit une obligation d'information des utilisateurs de plateformes de vidéos à la demande sur l'impact environnemental du visionnage, lequel représente 64 % du trafic de données sur les appareils mobiles. Je souhaite renforcer ce dispositif car l'information des consommateurs est primordiale.

Le chapitre IV traite de la promotion de centres de données et de réseaux moins énergivores. Les articles 21 et 21 bis renforcent l'écoconditionnalité du tarif réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) applicable aux data centers, que le rapporteur pour avis avait introduite dans le projet de loi de finances pour 2019. Il est en effet essentiel d'inciter les centres de données à valoriser leur chaleur fatale et à réduire leur consommation d'énergie ainsi que l'eau utilisée pour leur refroidissement. Il convient toutefois de conserver une approche pragmatique et juste puisque l'on constate que, bien qu'ayant décuplé leur puissance en dix ans, les data centers n'ont augmenté leur consommation d'énergie que de 6 % sur la même période.

Les articles 23 et 24 visent à réduire l'impact environnemental des réseaux. Ils prévoient que les opérateurs souscriront des engagements environnementaux auprès du ministre chargé des communications électroniques, après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Pour assurer l'effectivité de la mesure, il est prévu que l'ARCEP dispose d'un pouvoir de sanction.

Enfin, le Sénat a introduit un chapitre V, qui vise à promouvoir l'établissement de stratégies numériques responsable dans nos territoires. Je suis heureux d'avoir pu échanger sur le sujet avec des représentants de collectivités, notamment la commission numérique commune à l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et à France urbaine. Je suis favorable à la proposition d'inclure la stratégie numérique des collectivités dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), en particulier la valorisation de la chaleur des data centers. Nous serons ainsi cohérents avec l'objet de l'article 21. Nous aurons, à l'article 26, une réflexion à mener. Les collectivités sont très volontaires sur le sujet et elles y travaillent avec le cabinet du secrétaire d'État.

J'espère que notre travail en commission permettra d'enrichir cette proposition de loi, au travers de l'examen des quelque 250 amendements déposés, et de préciser certains des dispositifs proposés par le Sénat. Il faut en effet trouver une articulation avec les directives européennes que la France doit ratifier avant le 1er janvier 2022, les ordonnances qui seront bientôt publiées et le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit « climat et résilience », actuellement examiné par le Sénat, notamment son article 5 ter. Ce débat s'annonce riche, il sera parfois technique. La loi qui en ressortira ne sera pas l'alpha et l'oméga dans le domaine, mais elle nous permettra de disposer d'outils de mesure pour suivre l'évolution des impacts environnementaux du numérique.

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Comme l'indique l'étude commandée par les sénateurs dans le cadre de leur mission d'information, les émissions de GES par le secteur numérique tendent à croître. Ce véhicule législatif me semble donc particulièrement bienvenu pour mobiliser tous les leviers, dans un domaine où les attentes de nos concitoyens sont fortes. La proposition de loi embrasse la question des usages des terminaux, des réseaux et des centres de données dans une approche globale qu'il convient de saluer.

Je veux rappeler ici les résultats de mes travaux et les échanges que nous avons eus en commission des affaires économiques. D'abord, nous devons veiller à la bonne coordination entre les différents textes afin d'assurer une sécurité juridique maximale. Il peut exister, chez les acteurs concernés, un sentiment d'instabilité. Nous devons le prendre en compte et faire preuve de vigilance. C'est l'objet des amendements de suppression adoptés par la commission des affaires économiques.

Il me semble important aussi d'adopter une approche aussi objective que possible. La tendance à l'accroissement des impacts environnementaux, en l'absence d'actions proactives, fait consensus, tout comme la prépondérance du rôle des terminaux et de leur fabrication. Je rappelle ici que nous ne parlons pas uniquement des smartphones mais aussi des écrans d'ordinateurs – le diable est souvent dans les détails et nombre de questions ne sont pas encore tranchées.

S'agissant de la sécurité, nous devons trouver un juste équilibre. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), que nous avons auditionnée dans le cadre de nos travaux, nous a alertés sur certains points. Ses préconisations ont été reprises, à mon initiative, dans des amendements. J'espère qu'ils seront l'occasion d'un débat utile : ne sacrifions pas sur l'autel de l'environnement les enjeux de la sécurité numérique, alors que la menace n'a jamais été aussi élevée !

Pour conclure, je reviens sur l'article 14 bis B et la rémunération pour copie privée. Les échanges que nous avons eus, hier encore, indiquent qu'il convient de préserver le secteur du reconditionné afin de lui permettre de se consolider – il dispose de marges encore faibles. Par ailleurs, le sens de cette rémunération pose problème dans une économie numérique marquée par une logique de flux, et non de stocks. C'est la raison pour laquelle l'un de mes amendements comportera une demande de rapport, notamment sur le fonctionnement de la commission pour la rémunération de la copie privée, qui me semble manquer d'équilibre et de transparence.

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Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Je suis très heureux d'être parmi vous pour l'examen de cette proposition de loi – j'avoue avoir « poussé » afin qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de votre assemblée. Pourquoi le sujet est-il si important ? D'un point de vue très général, le numérique et l'environnement sont le cadre de deux grandes révolutions qui perturbent notre approche économique et sociale, modifient les relations internationales et remettent en question le monde tel que nous l'avons connu.

Ces révolutions se répondent. La transition environnementale, notamment énergétique, m'apparaît comme un problème mathématique : nous avons des ressources finies, alors que le monde continue de se développer – une personne sur quatre vit aujourd'hui avec moins de 3 dollars par jour, deux personnes sur trois avec moins de 10 dollars. Il nous faut augmenter l'intensité carbone de notre consommation, c'est-à-dire consommer beaucoup mieux et faire en sorte qu'une unité de consommation supplémentaire ne consomme pas une unité de ressources premières supplémentaire. Si nous devons répondre à cette tension mathématique, c'est que nous souhaitons que les personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ou disposent de revenus très bas puissent rejoindre le niveau de vie des pays occidentaux. Pour le dire plus clairement, nous avons besoin d'être beaucoup plus efficaces – en augmentant notre capacité à innover et à tirer profit d'énergies moins consommatrices de ressources premières – et d'éviter le gaspillage.

Dans ce domaine, le numérique nous fournit des leviers sur le long terme. La théorie mathématique de la communication, appelée aussi théorie de l'information, veut que plus vous mettrez d'information dans un système, plus ce système sera efficace. L'avantage du numérique, c'est que le système est plus efficace parce que vous y mettez de l'information. Quelques ordres de grandeur : lorsque Schneider Electric connecte une usine, cela réduit de 60 % sa consommation électrique, lorsqu'un tracteur est connecté pour optimiser son déplacement, il utilise 20 % de pétrole et de produits phytosanitaires en moins, lorsqu'un exploitant agricole relie des appareils d'hygrométrie au système d'arrosage, il économise quinze jours de consommation d'eau.

Dans le même temps, le numérique pollue. S'il faut avoir à l'esprit, là encore, les ordres de grandeur – votre aller-retour Paris-Nice en avion représente deux ans de votre pollution numérique – il n'en reste pas moins que le numérique, comme les autres secteurs, et aussi parce qu'il est parmi les plus dynamiques, doit faire un effort.

Il y a quelques semaines, j'ai présenté avec la ministre de la transition écologique Mme Barbara Pompili une feuille de route « numérique et environnement ». Elle comporte trois grands axes d'action. Le premier consiste à mesurer le phénomène. Les chiffres dont nous disposons en matière de pollution par le numérique sont en effet incertains et la fourchette que l'on donne habituellement – entre 5 et 10 % des émissions de GES – est tout sauf précise. Certaines des dispositions de ce texte ainsi que du projet de loi « climat et résilience » prévoient que l'Agence de la transition écologique (ADEME) est chargée de cette mesure, tandis que l'ARCEP recueille les données chez les opérateurs. Ces dispositions sont indispensables pour mieux évaluer et comprendre la pollution numérique.

Le deuxième axe consiste à améliorer l'efficacité du secteur économique. Un certain nombre de mesures prévues par la proposition de loi vont dans ce sens : lutte contre l'obsolescence programmée ; objectivation des impacts positifs et négatifs ; soutien aux data centers les plus vertueux ; régulation par la donnée ; mutualisation des pylônes pour éviter la spéculation foncière dans les zones rurales. Ces dispositions recueillent l'approbation pleine et entière du Gouvernement. Nous n'arrivons pas sur un terrain vierge : depuis l'adoption de la proposition de loi au Sénat, certaines dispositions ont été satisfaites par la mise en œuvre des mesures de la loi AGEC, comme la définition d'un bien reconditionné et l'intégration de critères environnementaux dans la commande publique. Parmi celles-ci, l'indice de réparabilité est essentiel puisqu'il permet de traiter de la question fondamentale de la durabilité des équipements.

Je terminerai par un propos plus politique. Deux visions, transpartisanes, se font face. La première considère que l'urgence écologique est telle que nous ne nous en sortirons pas sans une coercition très forte des individus, notamment dans leurs actes de consommation – ce qui peut aller jusqu'à soulever la question de la démocratie, je vous renvoie aux travaux de M. Jean-Marc Jancovici. La seconde fait le pari de la formation, de l'information, de la prise de conscience et de l'intelligence collective. Elle sous-tend ce texte. Rien n'est perdu, encore faut-il que nous ayons conscience de ce qui se passe afin de faire des choix éclairés.

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Je remercie le rapporteur pour les nombreuses et fructueuses auditions qu'il a menées. Cette proposition de loi, rédigée au terme d'une mission d'information sénatoriale transpartisane, s'inscrit dans la continuité des débats que nous avons eus dans le cadre de l'examen de la loi AGEC et du projet de loi « climat et résilience ».

Fondée sur l'idée que la transition écologique et la transition économique ne sont réalisables que dans une interdépendance fonctionnelle, elle s'articule autour de trois axes. Il faut que les utilisateurs du numérique, grâce à la formation et à l'information, prennent conscience de leur empreinte écologique et adoptent les bons usages. Le renouvellement des terminaux numériques doit être limité. La fabrication et la distribution des terminaux représentent en effet plus de 70 % de l'empreinte carbone du numérique. Ce chiffre est énorme ! Il faut lutter contre l'obsolescence programmée des logiciels et encourager le réemploi des outils grâce aux activités de reconditionnement et de réparation. Le troisième axe est de faire émerger une régulation environnementale qui prévienne l'augmentation de la consommation énergétique et des émissions de réseaux et des centres de données, afin de promouvoir des usages numériques écologiquement vertueux.

Ce texte répond à trois objectifs : connaître les données disponibles pour que chacun se responsabilise en prenant conscience des conséquences de ces utilisations ; être plus efficace et plus rationnel dans l'usage du numérique ; utiliser les innovations du numérique pour favoriser la transition écologique. Il ne s'agit surtout pas de culpabiliser les Français pour leur usage du numérique. Ce serait malvenu dans la période de crise que nous vivons encore et qui nous démontre que notre société a besoin de ces technologies, que ce soit dans les entreprises, le télétravail, l'éducation ou la médecine. C'est pourquoi le déploiement du numérique sur tout le territoire reste l'une des priorités du plan de relance, sans perdre de vue la préservation de l'environnement.

Porteur de croissance, d'innovation et de compétitivité, le numérique fait partie de nos vies. Ce texte propose de rechercher le bon équilibre entre les différents usages du numérique et la protection de notre environnement. Il nous faudra trouver cet ajustement au cours de nos débats ; nous présenterons des amendements dans ce sens. Les députés du groupe La République en Marche soutiennent ce texte et le voteront avec enthousiasme.

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Je suis heureuse de rejoindre temporairement cette commission pour défendre ce texte nécessaire et ambitieux, visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France. Je remercie son rédacteur, le sénateur M. Patrick Chaize, également membre de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), très engagé sur ces questions. Il a su rassembler, avec M. Guillaume Chevrollier, des sénateurs de différents partis politiques dans une démarche transpartisane et j'espère que nous pourrons travailler dans le même esprit à l'Assemblée nationale.

Nous examinons aujourd'hui un texte abouti, amendé en bonne intelligence et profondément nécessaire face aux carences du projet de loi « climat et résilience ».

À l'origine de la démarche, il y a un constat et un objectif. Le constat, c'est que le numérique et ses usages explosent en France et partout dans le monde. Les périodes inédites de confinement que nous avons vécues sont d'ailleurs venues confirmer à quel point nous en avions besoin. Ce développement est indispensable à la transition écologique, du fait notamment des innovations qu'il permet dans les secteurs industriels les plus polluants. Mais il a aussi des impacts directs et quantifiables en termes d'émissions de GES, d'utilisation des ressources halieutiques, de consommation d'énergie et d'utilisation d'eau douce.

Notre objectif était donc clair : agir sans attendre, prendre le tournant de la transition numérique en s'assurant que ce secteur indispensable à la transition écologique ne devienne pas une source de pollution exponentielle. Il fallait aussi pallier quelques carences du projet de loi « climat et résilience », qui n'a malheureusement que survolé le sujet de la pollution numérique et manque d'une expertise sérieuse et actualisée.

Quelques chiffres démontrent pourtant la nécessité d'être ambitieux : si rien ne change, la part du numérique dans l'empreinte carbone pourrait passer de 2 % à 7 % d'ici 2040 ; en 2025, les centres de données représenteront 20 % de la consommation d'électricité mondiale, 10 % des émissions de GES et 1 300 trilliards de litres d'eau. Si nous ne soutenons pas, dès aujourd'hui, les filières de reconditionnement des terminaux numériques ou les centres de données énergiquement sobres, d'autres le feront pour nous et nous serons dépassés.

La proposition de loi met en avant cinq leviers d'action : la prise de conscience par les utilisateurs du numérique de son impact environnemental, avec notamment une sensibilisation à l'école dès le plus jeune âge ; la limitation du renouvellement des terminaux ; le développement d'usages du numérique écologiquement vertueux ; la création de centres de données et de réseaux moins énergivores ; enfin, la promotion d'une stratégie numérique responsable dans les territoires.

Une question sera importante dans nos débats, celle de l'inclusion ou non du secteur du reconditionné dans la redevance culturelle. Ce n'est pas un sujet négligeable, à l'heure où les ayants droit essaient de ponctionner les téléphones et tablettes reconditionnés. Mais les difficultés d'un secteur ne justifient pas d'en saper un autre. Nous aurons l'occasion d'y revenir. En attendant, notre groupe est très favorable à ce texte.

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Au nom de mon groupe, je salue le travail mené par les sénateurs sur cet enjeu fondamental qu'est le numérique responsable et remercie M. Patrick Chaize d'avoir pris l'initiative de présenter cette proposition de loi.

Ce texte nous permet d'aborder des questions qui n'avaient pas trouvé leur place dans le projet de loi « climat et résilience » pour des raisons de procédure, et surtout de préciser ou de compléter l'important travail que nous avions déjà engagé avec le Sénat lors de la loi AGEC : avec l'extension de la garantie légale, le fonds de réparation, l'indice de réparabilité ou l'amélioration de la collecte des déchets électroniques, nous avions œuvré à développer les secteurs du réemploi et du recyclage pour réduire l'impact environnemental du numérique. L'enjeu immédiat, selon nous, est l'application de cette loi AGEC. Les derniers décrets doivent sortir rapidement. Le retard pris, que la crise sanitaire explique en partie, est préjudiciable à notre travail : le rapport sur l'obsolescence logicielle demandé par le Parlement nous aurait par exemple été très utile pour éclairer les discussions à venir.

Notre groupe aborde ces débats avec une conviction, celle que le texte issu du Sénat doit être au maximum préservé et qu'il est préférable de modifier une disposition plutôt que de la supprimer, lorsque cela est possible – car, après avoir échangé avec le rapporteur, nous comprenons que certaines mesures manquent de clarté ou d'intérêt : certaines sont redondantes avec le droit existant ou à venir, c'est-à-dire modifié par la prochaine transposition des directives européennes ou la future loi « climat et résilience ».

Nous accordons une importance particulière aux dispositions visant à limiter le renouvellement des terminaux, car les études montrent que leur production compte pour 80 % des émissions de GES du secteur. Lutter contre leur obsolescence accélérée, favoriser leur réparation et leur réemploi est donc indispensable. Nous sommes favorables à l'esprit des articles traitant des mises à jour et à l'article 14 bis, qui veut limiter le renouvellement des smartphones.

Nous présenterons par ailleurs des amendements pour renforcer l'obligation faite aux opérateurs de mutualiser les infrastructures de réseau. Il arrive encore trop souvent que des antennes soient installées à quelques mètres les unes des autres, à la grande incompréhension des riverains. Plus de transparence sur les objectifs, un pouvoir accru de l'ARCEP et une meilleure information des maires, voilà nos propositions.

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Je remercie nos collègues du Sénat, tout particulièrement MM. Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, pour leur travail et les propositions ambitieuses qu'ils ont fait adopter. Je salue l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée. Il est essentiel que nous puissions débattre de ce sujet important, et nous regrettons que cela n'ait pu être fait dans le cadre du projet de loi « climat et résilience ».

D'ici à 2040, la part du numérique dans les émissions de GES passera de 2 % à 7 %. Il est essentiel de préciser que nous devons prendre en compte l'ensemble des atteintes environnementales : au-delà des émissions, le numérique a un impact sur les sols ou les ressources naturelles comme l'eau, du fait notamment des activités d'extraction et de raffinement des métaux. L'activité de certaines industries liées à la fabrication des terminaux peut également avoir des conséquences sociales et géopolitiques. Il nous faudra nous pencher sur ces questions.

Comme l'indique le rapport sénatorial, l'essor de cette pollution sera inexorable si rien n'est fait pour enrayer cette dynamique. Les membres de la Convention citoyenne pour le climat avaient fait plusieurs propositions qui n'ont pas été reprises dans le projet de loi « climat et résilience ». Il est donc essentiel que le législateur se saisisse de cette question et impose les grandes orientations nécessaires. Face aux géants du numérique, nous ne pouvons nous contenter de sensibiliser et d'accompagner, comme le propose la feuille de route de février dernier.

Trois points sont importants dans cette proposition de loi. D'abord, l'importance de l'information du public pour une culture de la sobriété numérique. Ensuite, le rôle central de notre action pour favoriser le reconditionnement, le réemploi et la réparabilité. Alors que plus de 70 % du bilan carbone du numérique émane de la fabrication de terminaux, il nous revient de faciliter et d'inciter à l'évolution des pratiques. En France, on change de smartphone tous les 23 mois environ. C'est notamment dû aux différentes techniques de l'obsolescence programmée. Il nous revient de lutter concrètement contre ces phénomènes.

Le troisième point concerne les pratiques, ce qui fait entrer en jeu la question de l'économie de l'attention. Comme le dit M. Alain Damasio, l'économie de l'attention ne nous affecte pas, elle nous infecte. Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais pour faire face aux évolutions présentes et à venir, il nous faudra en donner les moyens aux autorités régulatrices comme l'ARCEP et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), à qui nous demandons toujours plus sans les renforcer.

Pour finir, je souhaite remercier les différentes organisations non gouvernementales avec lesquelles nous avons travaillé sur ce texte technique et dont l'expertise fut précieuse. Face à la révolution que représente le numérique pour nos vies et nos sociétés, il est temps de disposer d'un premier texte ambitieux pour contrôler l'impact du numérique sur notre environnement.

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Le numérique, à la fois incontournable et indispensable, est également un accélérateur de la transition énergétique et écologique. Il est d'ailleurs évident que pour optimiser nos ressources, il est nécessaire d'effectuer une transition numérique basée sur des réseaux efficients. Mais le numérique nous rend aussi vulnérables face aux différentes cybermenaces, aux dérives qui risquent d'aliéner le consommateur, le travailleur ou le citoyen, aux mauvais usages de nos données personnelles ou encore aux impacts négatifs sur nos modes de vie. Le piège serait de penser, avec naïveté, que parce que le numérique dématérialise nos usages, il pollue moins.

Le constat est sans appel : le numérique induit un certain nombre d'émissions de GES et de pollutions qu'il est de notre devoir de contrôler et de réduire. Notre philosophie sur ce sujet est simple : il faut inciter, encadrer, réguler mais pas stigmatiser ou interdire sans alternative crédible. La proposition de loi de M. Patrick Chaize vise, dans cet esprit, à réduire l'empreinte écologique dès la conception des produits, services et installations concernés, et incite les acteurs à s'engager dans cette démarche vertueuse par des référentiels communs.

Nous soutenons les mesures telles que le crédit d'impôt pour la numérisation durable des petites et moyennes entreprises (PME), la réduction de l'empreinte environnementale des centres de données et le soutien aux produits réutilisés et recyclés. Enfin, le texte consacre un peu plus encore l'ARCEP comme régulateur environnemental du numérique. C'est une bonne chose que de confier cette mission à une autorité indépendante dotée de pouvoirs de sanction et dont la présidente, Mme Laure de La Raudière, a la volonté de relever le défi.

Nous défendrons des amendements sur ce texte. Monsieur le secrétaire d'État, notre collègue Mme Valérie Six vous a adressé un courrier au sujet de la rémunération pour copie privée. À ce sujet, nous sommes pour le maintien de l'article 14 bis B, afin de ne pas pénaliser fiscalement le secteur de la réparation. Par ailleurs, le démarchage téléphonique est indirectement concerné par la proposition de loi. Compte tenu de la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, il apparaît nécessaire d'apporter quelques précisions et compléments afin de limiter la consommation de données et leur empreinte environnementale, mais aussi les produits et services dont la surconsommation encouragée par un démarchage téléphonique intempestif a des effets néfastes évidents. Je salue vos services, monsieur le secrétaire d'État, et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour le travail que nous avons accompli ensemble sur ces amendements qui nous tiennent à cœur.

Vous l'aurez compris, notre groupe aborde les débats de manière constructive et fera des propositions concrètes tout en soutenant l'ambition de ce texte.

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En tant que président de l'Institut national de l'économie circulaire (INEC), je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ce que vous avez dit sur la question de l'économie circulaire. Nous sommes d'accord, il ne s'agit pas de recycler, mais bien de trouver l'efficience dans l'usage des ressources – pas seulement du carbone, mais de toutes nos ressources.

Sur une planète aux ressources finies, qui navigue dans l'univers depuis des milliards d'années, nous connaissons une forte croissance non seulement démographique – nous serons bientôt 11 milliards – mais également sociale, vous l'avez dit. Nous devons donc trouver un modèle qui utilise beaucoup mieux nos ressources, sans quoi ce sera la pénurie – la guerre dont parlait M. Nicolas Hulot. Le Commissaire européen M. Thierry Breton disait qu'en l'an 2020, nous aurions à peu près autant de données que de grains de sable estimés sur cette planète : 20 000 milliards. Depuis, leur croissance continue. Nous devons utiliser ces data. C'est le sens du rapport que j'avais remis au ministre de l'économie de 2016, M. Emmanuel Macron, pour France logistique 2025. Il nous faut une stratégie de connaissance et de maîtrise des données pour améliorer notre performance logistique : la France est au seizième rang mondial en ce domaine et cela lui fait perdre 60 milliards d'euros par rapport à l'Allemagne. Bref, nous sommes d'accord sur ce point, mais encore faut-il poser les bases comme je viens de le faire.

Cela a été dit, 80 % de l'empreinte environnementale du secteur vient des terminaux numériques. L'électricité consommée est également en croissance exponentielle, 9 % par an, et nous aurons bientôt besoin d'une nouvelle révolution technologique, sans parler d'une révolution dans notre relation au numérique. Le projet de loi « climat et résilience » n'a traité le sujet qu'à la marge, et la feuille de route du Gouvernement n'apporte pas de garanties suffisantes.

Mais la présente proposition de loi traite un sujet d'importance, celui de l'obsolescence programmée. Ainsi, l'article 8 vise à dissocier les mises à jour correctives des mises à jour évolutives. Je défendais un amendement semblable lors de la discussion du projet de loi AGEC il y a déjà deux ans. Et voilà six ans maintenant que nous demandons une TVA à taux réduit sur les produits reconditionnés, qui profiterait à la filière du réemploi ! Il faut aussi une stratégie visant les matériels électroniques qui dorment dans nos tiroirs. J'ai proposé dans différents textes un système de consigne ; à chaque fois, il a été balayé. Je me réjouis tout de même que le sujet de la chaleur perdue ait été intégré dans la proposition de loi, à l'article 25 : je le proposais depuis plusieurs années.

Bref, nous avançons à petits pas et je remercie le sénateur M. Patrick Chaize de nous permettre de débattre. Ce texte pose les premiers jalons d'un numérique plus responsable, au service de la transformation écologique partagée par tous. Force est de constater qu'on n'y est pas encore, et encore moins avec le déploiement de la 5G : son apport est évident, mais ses impacts indirects sont ignorés et nous n'avons pas eu de débat sur ce point.

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Le numérique est d'abord une solution d'avenir pour accélérer la transition écologique, il faut le rappeler, et cette proposition de loi vise à rendre le secteur exemplaire en matière de sobriété numérique. Notre groupe estime qu'elle va dans le bon sens, en continuité et en complémentarité avec la loi AGEC et le projet de loi « climat et résilience ».

Le numérique représenterait aujourd'hui 2 % des émissions de GES et 4 % de la consommation mondiale d'énergie primaire. Parmi les objectifs du texte, j'insiste sur celui d'améliorer nos connaissances. L'observatoire qui doit être créé à l'article 3 doit pouvoir établir un bilan net entre l'empreinte écologique des activités numérique et le gain qu'elles permettent. Car le secteur, qui est consommateur et émetteur de gaz à effet de serre, nous en fait aussi économiser : c'est une donnée fondamentale, qu'il serait bon de voir inscrite dans la loi.

Les enjeux du numérique en matière de développement sont majeurs, puisque son empreinte écologique devrait croître de 60 % d'ici à 2040. Il faut donc être exemplaire. Parmi l'ensemble du bilan carbone du secteur, 80 % proviendraient de la fabrication et de l'utilisation des terminaux. Notre groupe soutient les mesures visant à favoriser la sobriété numérique et l'utilisation des matériaux reconditionnés, et est favorable au maintien de l'article 14 bis B.

En revanche, les articles 14 bis A et 11 bis font l'objet d'amendements des rapporteurs qui nous inquiètent. Il faut rappeler l'objectif final : favoriser le reconditionné. Peut-il vraiment être poursuivi si les entreprises qui font du reconditionnement sont soumises à l'affichage de l'indice de réparabilité ou à l'obligation de traçabilité, qui sont très difficiles à mettre en œuvre ? Prenons garde de rendre le texte contreproductif : il faut au contraire un soutien total à l'utilisation des produits reconditionnés.

S'agissant de la redevance pour copie privée, j'ai une approche assez pragmatique : je crois qu'elle a été conçue pour le neuf, et qu'il est difficile de l'appliquer une seconde fois sur les produits reconditionnés. Enfin, nous soutiendrons des amendements incitant à la mutualisation des réseaux, à laquelle nous sommes très attachés.

Mon groupe soutiendra donc globalement cette proposition de loi, avec les réserves que j'ai émises.

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Nous ne pouvons que soutenir l'intention de cette proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique : à l'heure de l'urgence climatique, nous devons tout faire pour enrayer le bouleversement du climat et préserver le seul écosystème compatible avec la vie humaine. Les technologies numériques ont la réputation fausse et pourtant tenace d'être plus écologiques. On se rend compte aisément de la quantité de papier qu'on envoie par courrier, moins du coût écologique d'un mail, immédiat et virtuel. Le lexique entretient cette confusion, puisqu'on utilise volontiers le mot de « dématérialisation ». Or le numérique a des serveurs qui occupent des bâtiments, produisent de la chaleur et sont alimentés en électricité…

Aussi est-il crucial de s'interroger sur l'impact environnemental de ces technologies. L'électricité nécessaire à leur fonctionnement n'est pas virtuelle. Les objets numériques demandent des procédés de fabrication complexes et des matières premières, des métaux, des terres rares dont l'extraction a un fort impact écologique. Ce n'est pas parce que les objets sont de plus en plus petits qu'ils ont moins d'impact, et leur évolution rapide produit des montagnes de déchets qui n'ont rien de virtuel non plus. Avec une technologie de pointe qui devient obsolète en quelques années et une conception quasiment jetable, qui rend la réparation difficile, ils sont remplacés par des objets toujours plus chers et sophistiqués.

Dans le domaine numérique comme dans les autres donc, il faut engager une bifurcation écologique. Cela commence par faire prendre conscience de l'impact écologique du numérique, dans son utilisation et sa fabrication. Il faut ensuite que la législation définisse des normes contraignantes : c'est là que cette proposition de loi doit être améliorée, car les belles intentions ne suffisent pas pour répondre à l'urgence écologique. Enfin, il faut agir davantage au niveau de la production que du consommateur – prendre le problème par ses causes et non par ses conséquences. C'est pourquoi nous proposons de renforcer l'éducation aux impacts technologiques et aux moyens de les limiter, de faciliter la réparation des objets et la disponibilité des pièces détachées pour éviter l'obsolescence programmée, y compris logicielle, et d'assurer l'accès au numérique pour tous en réduisant la fracture numérique, avec un moratoire sur la 5G et le réseau Starlink.

Nous avons proposé par amendement un moratoire sur l'utilisation des sols en vue de l'implantation de data centers, mais pour la majorité, ce serait hors sujet : l'arbitraire et l'application abusive de l'article 45 de la Constitution ont encore frappé. De même, nous ne débattrons pas de l'exploitation des fonds marins et de leurs matières premières : un écosystème fragile pourrait être irrémédiablement atteint pour construire des gadgets numériques jetables, mais là encore, la majorité a considéré que c'était hors sujet. Avec La République en marche, où le lobby passe, le débat parlementaire trépasse ! C'est fort regrettable.

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L'impact du numérique sur le climat est évident. Il a même été chiffré précisément à 2 % des émissions de carbone, avec une augmentation exponentielle pour les années à venir. Nous le savons depuis que la mission d'information présidée par M. Patrick Chaize a rendu ses conclusions, il y a un an. Malheureusement, le projet de loi « climat et résilience » n'a repris aucune de ses propositions et il a fallu attendre que le présent texte soit déposé pour pouvoir s'inquiéter du sujet.

Parmi les données importantes du problème, il y a les data centers, au nombre de 160 en France. S'ils ne polluent pas plus, c'est tout simplement parce que l'électricité bas‑carbone est développée dans notre pays. Mais je constate un renversement essentiel : dans la philosophie du projet de loi « climat et résilience », l'idée était que si les camions n'arrivaient pas à polluer moins en 2030, il faudrait les taxer ; ici, on explique que si les data centers se verdissent, ils seront exonérés. C'est un grand changement, qui permet d'en finir avec l'écologie punitive.

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Je tiens d'abord à relever que ce texte fait l'objet d'un consensus global : pour tout le monde, il va dans le bon sens. J'ai hâte d'entrer dans la discussion des articles, car je pense que nous convergerons vite.

Le reconditionné est un sujet sensible, qui a souvent été évoqué. En la matière, nous devons faire un travail de mise en cohérence d'une part avec les lois qui ont déjà été votées, notamment la loi AGEC, dont les décrets sont en cours de publication, et d'autre part avec les directives européennes, sachant que les ordonnances de transposition ont été soumises au Conseil d'État. Nous avons essayé de faire un premier point et nous continuerons avec vous en commission, mais il faudra aussi poursuivre ce travail en séance publique : en effet, des évolutions pourraient avoir lieu entre-temps, notamment si le rapport sur l'obsolescence logicielle programmée, prévu par la loi AGEC et commandé au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), est rendu.

Le sujet de la copie privée fait énormément débat. Je serai clair : mon objectif est de stabiliser le texte. La commission n'est pas le lieu du procès des avantages ou des inconvénients de la copie privée, et je ne voudrais pas que l'on stigmatise un article alors que le texte contient de grandes avancées. N'opposons pas non plus culture et environnement. Le débat est passionné ; c'est pour cela qu'il devient urgent d'attendre le retour à la raison. C'est une question à laquelle le Gouvernement est très attentif et nous devons faire attention à ce que nous faisons. Le reconditionné est une filière en voie d'émergence, nous sommes tous très sensibles au fait qu'elle continue à se développer. Il faudra aussi travailler à la question de la collecte des objets, puisqu'un des gros problèmes du reconditionné concerne le gisement de produits délaissés.

Pour répondre aux interpellations de M. Bastien Lachaud, il y a à l'Assemblée nationale des procédures de traitement des amendements, ce n'est pas la majorité qui juge le pourquoi du comment. Vous nous faites un faux procès, puisque nous avons intérêt à ce que tous convergent sur ce texte. Je suis par ailleurs très sensible aux aspects sociaux que vous avez évoqués : de ce point de vue, le reconditionnement est un élément important de la réduction de la fracture numérique. Focalisons-nous sur les sujets qui sont traités dans la loi. Pour les autres, je laisse à Mme la présidente le soin de gérer les interventions de chacun.

Enfin, M. Jean-Marie Sermier s'étonne qu'il n'y ait rien concernant le numérique dans le projet de loi « climat et résilience ». Nous avons tout de même voté l'article 5 ter, qui confie à l'ARCEP des pouvoirs supplémentaires en matière de collecte des données environnementales. C'est important, car toute la difficulté est d'avoir des référentiels et des données communément admis et partagés. Le choix a été fait de ne pas aller plus loin en raison de la proposition de loi M. Patrick Chaize, que le Gouvernement a fait inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée. Nous avons aujourd'hui l'occasion d'avancer : faisons le travail ensemble et je n'ai aucun doute sur le fait que nous convergerons.

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Cédric O, secrétaire d'État

Je veux simplement remercier M. Patrick Chaize pour sa démarche transpartisane et M. Vincent Thiébaut pour le travail qu'il a accompli. Il y a une convergence sur la nécessité d'avancer. Monsieur Jean-Marie Sermier, votre propos laisse à penser que nous avions oublié le numérique dans le projet de loi « climat et résilience ». Mais voyez‑vous, la proposition de loi avait été votée avant : face à ce texte proposé par un sénateur LR, travaillé de manière transpartisane et qui avait recueilli l'assentiment du groupe socialiste et de presque tous les groupes du Sénat, le Gouvernement a fait preuve de sa volonté d'avancer. Pour laisser se dérouler cette démarche collective, il n'a pas abordé, ou très peu, le sujet dans le projet de loi « climat et résilience ». C'est un peu une mauvaise manière de nous en faire le reproche après coup. Je vous invite à vérifier auprès de M. Patrick Chaize le déroulement de ce processus parlementaire.