Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 17h00

La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique.

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Madame la ministre, bienvenue à vous et à votre équipe. Réconcilier écologie et transition écologique, nous l'avons fait quand vous étiez présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Nous n'étions pas toujours d'accord, mais je pense que les deux commissions ont su montrer qu'elles savaient travailler intelligemment pour finalement réconcilier deux enjeux – économie et écologie – qui sont, de fait, plus que réconciliables. C'est même la condition nécessaire du succès de l'un, comme de celui de l'autre. L'économie ne doit plus aller sans transition écologique, et celle-ci doit aussi pouvoir intégrer les enjeux économiques.

Deux nouveautés sont intervenues depuis nos derniers échanges, quand vous étiez encore présidente de la commission du développement durable. D'abord, vous avez été nommée ministre. Ensuite, la contrainte budgétaire s'est largement relâchée. L'occasion est historique pour « profiter » de cette crise afin d'accélérer la transition écologique. Le plan de relance prévoit d'ailleurs un pilier environnemental très important, dont vous nous parlerez sans doute.

Je suis très heureux que vous ayez réservé votre deuxième audition à notre commission, vingt-quatre heures après avoir donné la primeur, et c'était normal, à celle du développement durable.

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Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Je suis ravie de revenir dans cette belle maison ! Vous avez voulu m'auditionner au sujet des enjeux énergétiques auxquels notre pays fait face. La situation est assez simple : personne ne peut plus ignorer le dérèglement climatique. Personne ne peut plus nier qu'il nous reste encore quelques années – et seulement quelques années – pour en atténuer l'ampleur et diminuer drastiquement nos émissions. Tout le monde sait que la décennie que nous vivons est décisive. Nous n'avons pas droit à l'erreur. Fermer les yeux et continuer comme avant serait inacceptable et coupable. Notre jeunesse ne nous le pardonnerait pas et elle aurait raison.

C'est pourquoi, à la tête de ce beau ministère de la transition écologique, j'ai deux priorités absolues. La première vise à baisser nos émissions de gaz à effet de serre pour atténuer le changement climatique. C'est la mère de toutes les batailles. La seconde priorité, aussi importante, consiste à préparer notre pays à l'inévitable, puisque le changement climatique est déjà là. Ce sont des canicules, des sécheresses et des inondations de plus en plus fréquentes et intenses chaque année. La question de la gestion de l'eau devient plus cruciale, année après année. La crise sanitaire inédite que traverse notre pays appelle d'autant plus à cette refondation écologique. Une France neutre en carbone, une France avec un mix énergétique diversifié sera une France plus résiliente, respectueuse de la planète, capable de faire face aux défis de notre siècle. Pour y parvenir, nous avons un objectif – la neutralité carbone en 2050 –, une feuille de route – la stratégie nationale bas carbone – et les moyens de nos ambitions, avec la programmation pluriannuelle de l'énergie, la PPE, et le plan de relance que le Gouvernement a présenté. La PPE, qui a été adoptée avant que ce ministère change de main, est un pilier d'une France plus résiliente. Avec ce texte, nous nous tournons résolument vers l'énergie de demain. Le premier objectif, à court terme, est un taux de 27 % d'énergies renouvelables en 2023. Je ne referai pas un long discours sur les crédits que la PPE prévoit pour la transition énergétique de notre pays – un soutien public de 9 à 10 milliards d'euros jusqu'en 2023 pour les énergies renouvelables électriques, par exemple. C'est considérable.

Je souhaite profiter de l'occasion de cette rencontre pour aborder deux sujets sensibles de la PPE. Le premier est celui du biogaz. Je suis heureuse de pouvoir répondre aux inquiétudes qui s'expriment : nous réfléchissons à des mécanismes de soutien non budgétaires. Je pense, par exemple, à une piste à creuser avec les acteurs de la filière et à l'obligation d'incorporer du biogaz dans le gaz. Nous lancerons une concertation avec les professionnels dans les prochaines semaines.

L'autre sujet sensible est celui du nucléaire. Comme nombre d'entre vous, j'ai la conviction que notre pays ne peut plus dépendre à 70 % d'une seule industrie. J'ai la conviction que ramener la part du nucléaire à 50 % en 2035 est bien le moins. C'est même le choix du bon sens. C'est aussi permettre – j'insiste sur ce point – un véritable choix démocratique quant à l'avenir du nucléaire dans notre pays, en ouvrant largement le champ des possibles pour les décisions qui devront être prises en 2022-2023 concernant l'avenir du parc. La PPE fixe un calendrier progressif de fermeture de 14 réacteurs, et nous accompagnerons chacun des territoires et chacun des salariés concernés dans la reconversion, comme nous le faisons déjà à Fessenheim. Toujours dans ce domaine, un autre chantier mobilisera mon action dans les mois à venir : la régulation du nucléaire existant, notamment la réforme de l'ARENH, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique. Le nucléaire occupe une place très spécifique dans le mix énergétique français et européen, compte tenu de sa taille et de sa structure de coûts. Du fait de sa proportion dans notre mix électrique, il joue un rôle non négligeable dans la sécurité et l'approvisionnement. Dans la mesure où il a été historiquement et majoritairement financé par la collectivité nationale, il est normal que celle-ci puisse continuer à en bénéficier. Ce sujet est en discussion avec la Commission européenne. La position de mon ministère est inchangée. Nous avons trois ambitions : garantir une protection des consommateurs contre les hausses de prix dans la durée, leur faire bénéficier en retour de l'avantage lié à l'investissement dans le parc nucléaire historique, et donner à EDF la capacité financière d'assurer la pérennité de son outil de production, notamment dans ses dépenses de sûreté. Ainsi, avec la PPE, nous plaçons notre pays dans la trajectoire de la neutralité carbone et nous le rendons plus résilient.

Mais notre action va au-delà. À côté de la transition énergétique de notre pays, mon autre priorité est la décarbonation de tous les secteurs de l'économie. Le plan de relance représente une occasion inédite de redémarrer notre pays en changeant ce que l'on peut appeler « l'ADN du système ». L'État va injecter 100 milliards d'euros dans l'économie, dont 30 milliards seront dédiés à l'écologie. C'est une victoire, et c'est surtout l'occasion de faire un bond vers neutralité carbone. Avec ce plan, nous répondons à l'appel des experts en mobilisant les financements nécessaires pour mettre notre pays dans la trajectoire de l'accord de Paris. Les experts de I4CE, par exemple, ont confirmé que c'était ce qu'il convenait de faire en termes de moyens. C'est un choix de cohérence, de responsabilité et d'ambition. Avec les 30 milliards d'euros de la relance, nous décarbonerons quatre secteurs économiques qui représentent à eux seuls 80 % de nos émissions carbone – l'industrie, le bâtiment, le transport et l'agriculture.

Dans le secteur de l'industrie, les émissions baissent beaucoup trop lentement. C'est pourquoi nous déployons 1,2 milliard pour agir dès aujourd'hui. Décarboner notre pays, c'est aussi accélérer les technologies de rupture dont nous avons besoin pour construire et structurer les filières de demain. Je pense notamment à l'hydrogène, une révolution du XXIe siècle qui peut être française. C'est le pari que nous avons décidé de faire en mobilisant 7,2 milliards d'euros pour la décennie, afin de changer d'échelle. Accélérer la décarbonation de l'industrie, déployer les solutions qui existent déjà, investir pour inventer celles qui nous manquent, voilà notre feuille de route. Et si nous décarbonons notre production industrielle, ce n'est pas pour mieux réimporter des émissions de l'étranger. J'ai donc l'ambition que nous puissions mettre rapidement un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Europe.

Dans le secteur du bâtiment, le plan de relance propose un grand coup d'accélérateur en faveur de la rénovation. Mme Emmanuelle Wargon et moi-même sommes à la tâche pour que chaque euro des près de 7 milliards d'euros mobilisés en plus des crédits habituels change concrètement notre habitat, en rénovant les bâtiments publics, en accélérant la rénovation globale des logements et en accompagnant les bailleurs comme les copropriétaires. Je suis fière que dès le 1er janvier, le dispositif MaPrimeRenov' soit enfin ouvert à tous les Français, car nous gagnerons à bataille de la rénovation maison par maison, appartement par appartement, cage d'escalier par cage d'escalier.

Décarboner notre pays constitue aussi un effort inédit dans les transports. Nous y consacrons près de 11 milliards d'euros dans le plan de relance, dont près de la moitié pour le ferroviaire. Je pense aux petites lignes, au développement du fret et aux transports en commun, mais aussi à l'aide à la conversion vers des véhicules moins polluants, aux bornes de recharge accessibles partout, à l'innovation et aux mobilités de demain, plus douces et plus propres. Nous avons d'ailleurs annoncé, avec M. Jean-Baptiste Djebbari, que nous pérenniserions la dynamique du coup de pouce vélo – cette aide de 50 euros par vélo décidée au moment du déconfinement – en la renforçant de 20 millions d'euros. Ainsi, avec les 620 000 réparations qui ont déjà eu lieu, nous espérons atteindre le million d'ici la fin de l'année. Ces réalisations sur le terrain sont les succès au quotidien des Françaises et des Français qui se remettent en selle et lâchent la voiture pour pédaler. C'est aussi cela, la décarbonation de notre pays.

Enfin, nous consacrons 1,2 milliard d'euros à la transition agricole, pour aider les agriculteurs à renouveler les équipements, pour réduire l'utilisation de pesticides – j'y travaille avec mon collègue Julien Denormandie –, mais aussi pour aider nos forêts à s'adapter au nouveau climat. Dans la lutte contre le dérèglement planétaire, celles-ci constituent un puits de carbone naturel particulièrement précieux et méritent toute notre vigilance.

Changer l'ADN du système et décarboner notre pays, c'est aussi l'ambition des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. C'est le sens même de la question qui lui a été posée : comment réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030, dans un esprit de justice sociale ? Je rends hommage aux 150 citoyens qui ont travaillé d'arrache-pied durant neuf mois, et qui y ont répondu avec sérieux, avec rigueur et avec passion. Je suis très attachée à ce que leur travail se concrétise, comme le Président de la République s'y est engagé et comme le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement y travaillent. J'en suis la garante. Depuis juillet, de premières mesures ont été adoptées – interdiction des terrasses chauffées, ou de l'installation de chaudières au fioul ou au charbon neuves. Ces premières étapes concrètes, opérationnelles, contribuent à la décarbonation de notre pays. Le plan de relance répond aussi à bon nombre des propositions des 150, dans le ferroviaire ou la rénovation, mais aussi pour le développement de l'hydrogène ou l'électrification des ports. Mais nous devons aller plus loin. C'est l'ambition du projet de loi qui s'annonce. Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation pour faire vivre pleinement les promesses de cet exercice démocratique inédit.

Décarboner notre pays n'est plus une question réservée aux seuls écologistes. C'est l'affaire de tous. Comme je vous l'ai dit, nous avons le cap et nous avons les moyens. À nous de réussir. Je vous remercie pour votre invitation et me réjouis de notre échange. Je sais que vos questions seront nombreuses, tant l'agenda des mois à venir est dense, avec la Convention citoyenne dont j'ai parlé, le projet de loi sur les néonicotinoïdes ou encore celui d'accélération et de simplification de l'action publique, dit projet de loi ASAP, en discussion actuellement et qui sera bientôt en séance. Soyez rassurés, je suis prête à répondre à tout !

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Au nom du groupe La République en Marche, je salue l'importance accordée à la transition écologique dans le plan de relance présenté par le Gouvernement le 3 septembre dernier. Il s'agit de promouvoir une croissance à la fois durable et juste, à travers la rénovation énergétique des bâtiments, l'aide à la décarbonation de l'industrie, le bonus écologique, la prime à la conversion pour l'achat d'un véhicule propre ou encore la transformation du secteur agricole. France Relance vise avant tout à soutenir nos entreprises et nos salariés en transformant notre économie et en créant des emplois. La partie verte du plan répond également à cet objectif. En effet, selon les estimations de votre ministère, il pourrait générer ou permettre de préserver près de 200 000 emplois directs. Pour nos entreprises, la transition écologique est une réelle opportunité et un facteur important de compétitivité. Vous avez beaucoup parlé des enjeux énergétiques. Mes collègues y reviendront.

Pour ma part, je souhaite évoquer les travaux que nous avons réalisés ensemble avec la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui ont déjà démontré que l'écologie et l'économie peuvent et doivent aller ensemble. Comme l'a rappelé le Premier ministre, ce plan doit avoir un effet d'entraînement et de levier, et il ne peut aboutir qu'en rassemblant les acteurs économiques. L'économie circulaire n'est pas non plus oubliée : France Relance alloue 500 millions d'euros au fonds Économie circulaire de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) – de quoi poursuivre la dynamique lancée avec la loi précitée. Pourriez-vous nous indiquer à qui, précisément, est destinée cette enveloppe ? Le confinement a été particulièrement difficile pour les structures du réemploi solidaire. Ressourceries, recycleries et structures Emmaüs ont perdu la quasi-totalité de leurs recettes commerciales durant la crise. Elles sont pourtant essentielles pour l'atteinte des objectifs que nous avons fixés dans la loi du 10 février 2020, de renouvellement de nos modes de production et de consommation. Ces acteurs bénéficieront-ils de cette enveloppe et comment ?

Par ailleurs, je tiens à rappeler l'importance du dialogue avec les acteurs économiques. Il sera plus que jamais nécessaire pour les inciter à aller vers un modèle plus vertueux et plus respectueux de notre environnement, et pour que la transition écologique ne se fasse pas contre les entreprises mais avec elles. Vous avez parlé de la Convention citoyenne pour le climat. Quel sera notre rôle, en tant que législateur ?

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Au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, je vous remercie pour votre présence à cette première audition de notre commission depuis votre nomination. Je souhaite vous interroger sur un projet de loi que nous allons examiner la semaine prochaine. Historiquement leader au niveau européen, la filière « Betteraves-Sucre-Bioénergies » est désormais la plus fragilisée d'Europe. Elle répond pourtant à tous les enjeux affichés par le Président de la République au début de la crise – souveraineté alimentaire, agricole, industrielle, énergétique et sanitaire. Surtout, cette filière est le symbole même du savoir-faire français. La situation d'impasse dans laquelle elle se trouve depuis près de deux ans nécessite une réponse forte du Gouvernement. Le groupe MoDem ne cesse de le dire depuis le début de cette législature : si la transition vers une agriculture sans pesticide doit être entreprise avec sincérité et résolution, elle ne peut raisonnablement faire l'impasse sur le principe de réalité. Nous ne pouvons dire oui à des interdictions sans ambition. C'est la raison pour laquelle notre groupe soutient les orientations du projet de loi dont nous débattrons la semaine prochaine.

Toutefois, nous ne pouvons pas non plus accorder de nouvelles dérogations à intervalles réguliers. Il est indispensable que la recherche avance afin de déboucher sur des solutions concrètes, lesquelles respectent l'environnement et puissent être efficacement durables. Le conseil scientifique exceptionnel qui a eu lieu au début de l'été a conclu qu'en l'état des connaissances scientifiques actuelles, il n'était pas identifié des solutions alternatives crédibles aux néonicotinoïdes avant cinq ans au mieux, alors que le projet de loi prévoit une dérogation pour 3 ans. Quelle garantie le Gouvernement peut-il apporter pour ne pas répéter les failles de la loi sur la biodiversité de 2016 et nous assurer que des alternatives efficientes seront trouvées dans les trois années à venir ?

Enfin, l'utilisation des néonicotinoïdes est envisagée via l'enrobage de semences est envisagée pour les pesticides qui ne circulent pas à l'intérieur des plantes. Des travaux sont-ils néanmoins en cours pour s'assurer que les produits ne circulent pas dans la terre et ne se propagent pas dans d'autres cultures situées à proximité des plants de betteraves ?

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Je vous interrogerai à propos de deux sujets « énergie ». Tout d'abord, chacun convient de la nécessité de revoir le cadre du secteur du nucléaire et de réformer rapidement le dispositif de l'ARENH, qui est totalement obsolète. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la teneur des discussions que vous avez actuellement avec la Commission européenne à ce sujet ?

Ensuite, les stations de transfert d'énergie par pompage, les STEP, constituent le seul moyen de stockage de l'électricité. Bien que fiables et efficaces, elles sont pénalisées par un système fiscal très défavorable – j'avais aussi interrogé M. Bruno Le Maire à ce sujet lors de son audition concernant le plan de relance. Nous proposons d'alléger les charges et la fiscalité qui pèsent sur ces STEP. Ces charges sont notamment liées au tarif d'utilisation du réseau public d'électricité, le TURPE, et à l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux dans la mesure où il ne s'agit pas d'unités de production mais d'une assurance pour le système électrique au titre de la réserve de puissance qu'elles représentent. Or cette composante n'est absolument pas prise en compte. Il nous semble important de soutenir l'augmentation des moyens de stockage qui permettront la croissance des énergies non renouvelables, les ENR. C'est un excellent levier pour réussir la transition énergétique.

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S'agissant de la décarbonation et de la conversion du modèle des entreprises industrielles en termes d'approvisionnement en énergie, les territoires ruraux sont potentiellement sources de production de biogaz – des unités s'installent et fournissent du biogaz dans le réseau. Mais, pour l'instant, ces territoires ruraux n'ont que très peu accès à ce gaz qui dessert les grandes villes et les grands centres urbains, parce que le modèle économique actuel ne permet pas d'irriguer ces territoires. Quelles sont vos réflexions et vos propositions dans ce domaine ?

Concernant le bâtiment, il existe de nombreux dispositifs en faveur de la rénovation énergétique. Souvent, la porte d'entrée vers ces aides sont les plateformes locales de rénovation énergétique, avec des cofinancements de l'ADEME et des régions, et des crédits territoriaux. Depuis de nombreuses années, la pérennité de leur modèle économique se pose. Quelle est votre vision en la matière ? J'avais posé la question à M. Nicolas Hulot, il y a quelques années. Il devait m'écrire, mais je n'ai toujours pas la réponse. Or, dans les territoires, les élus cherchent des solutions. Pour l'instant, il n'y a pas de modèle économique bien clair.

Pour ce qui est des transports, le coup de pouce vélo concerne l'urbain, les grandes villes. Lorsque vous vivez à 15 ou 20 kilomètres d'un chef-lieu de canton ou d'une ville moyenne de 15 000 à 20 000 habitants non desservie par le réseau ferroviaire, il est compliqué d'utiliser le vélo. Envisagez-vous des dispositifs innovants, notamment l'hydrogène, pour irriguer ces territoires ?

J'en viens à l'agriculture. Serez-vous une ministre de la transition écologique favorable à éviter les confrontations ? Je pense notamment aux produits phytosanitaires et aux sujets de société, comme le référendum d'initiative populaire en faveur du bien-être animal. Nombre de chevaux et de bovins sont victimes de mutilations, mais je n'entends ni M. Clément, ni L214 s'en émouvoir ou œuvrer en faveur d'un apaisement ou pour éviter des confrontations envers le monde rural.

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Je salue les dispositions du plan de relance relatives à la rénovation énergétique, notamment leur extension aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés. Ces acteurs de la rénovation ont besoin de stabilité et de visibilité quant à l'ensemble des aides. Pourquoi ne pas avoir prévu une pérennisation des dispositifs ? Qu'avez-vous prévu si l'enveloppe allouée était consommée avant 2022, tant nous savons que les besoins sont importants ?

Toujours concernant la rénovation énergétique, la ministre du logement a annoncé la semaine dernière le verdissement des dispositifs prêts à taux zéro (PTZ) et du dispositif d'investissement locatif qui porte mon nom. Pouvez-vous nous indiquer quels seront les contours de ces dispositifs revisités et quels critères environnementaux seront retenus ?

S'agissant du volet mobilité, vous avez parlé du soutien aux petites lignes ferroviaires et l'on peut s'en réjouir pour les territoires ruraux. Mais qu'en est-il des projets structurants, notamment la LGV Bordeaux-Toulouse ?

Enfin, vous avez évoqué la question de la gestion de l'eau et des épisodes de sécheresse. Dans un département comme le mien, ces derniers se multiplient. Quelle est votre feuille de route pour concilier les besoins des agriculteurs, notamment les arboriculteurs, et la nécessaire gestion de l'eau ?

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Nous sommes dans un rythme absolument sidérant d'accélération du changement climatique et de ses effets tangibles, un rythme sidérant d'effondrement du vivant. Nous subissons une pandémie qui va durer. Cette zoonose est probablement liée à la destruction des écosystèmes. Or, dans ce contexte, on conclut de l'arrivée d'un ravageur dans une filière de production agricole – parce que le climat change – qu'il faut réautoriser en France des produits chimiques dangereux et destructeurs de la biodiversité, et ce alors qu'il y a déjà 85 % d'insectes et un tiers des oiseaux des champs en moins. C'est gravissime !

Chaque gouvernement a connu un tournant, ce moment où l'on n'assume plus d'affronter le réel, où l'on fait preuve de faiblesse et où l'on cède à la moindre pression. Jusqu'ici, on pouvait reprocher à la politique gouvernementale de ne pas faire assez, de ne pas avancer. Mais elle est passée à autre chose : des reculs et une accélération de la destruction. La 5G signifie augmenter la consommation d'énergie de la France et mettre au rebut des millions de smartphones. La réautorisation des néonicotinoïdes se traduit par l'autorisation de l'utilisation, en France, du Gaucho de Bayer et du Cruiser de Syngenta, dont chaque tonne de produit entraîne la mort de 150 000 milliards d'abeilles. Le projet de loi que vous présentez vise à permettre l'utilisation d'environ 80 à 100 tonnes de ces produits pendant trois ans. Hier, nous avons auditionné, avec le rapporteur du projet de loi, le ministre de l'agriculture. Il a reconnu que ce projet de loi placerait la France dans l'illégalité, en permettant l'enrobage de semences avec trois produits interdits en Europe – l'imidaclopride, le thiamethoxam et la clothianidine –, alors même que l'arrêté de dérogation ne sera publié que fin janvier. La ministre de la République que vous êtes peut-elle accepter une situation d'illégalité pareille ?

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Avec vous, il y a un avant – quand vous étiez députée – et un après, maintenant que vous êtes ministre. Avant, s'agissant des néonicotinoïdes, c'était « ce sera fini en 2022 ». Mais, désormais, vous préparez un projet de loi pour les autoriser à nouveau. Avant, concernant la 5G, c'était « il faut d'abord qu'il y ait la fibre et la 4G partout ». Mais aujourd'hui, vous appartenez à un gouvernement qui nous traite d'Amish et qui préfère qu'on impose la 5G aux Français. Avant, à propos du plan de relance, c'était « il faudra qu'il y ait des contreparties ». Mais maintenant, c'est zéro contrepartie pour les entreprises. Avant, dans l'affaire de la ferme des mille vaches, c'était « cela va être une aggravation des problèmes pour les agriculteurs ». Maintenant, c'est un gouvernement qui s'arrange avec le propriétaire pour que les pénalités ne soient pas payées.

Avant, s'agissant des accords de libre-échange, vous demandiez quel était l'intérêt d'importer du bœuf alors que nous sommes producteurs et même exportateurs. « Les accords n'ont de sens que s'ils nous permettent d'importer des biens que nous ne produisons pas ». Or le CETA nous a été imposé avec le Canada. Un accord de libre-échange avec le Mexique a été signé ce printemps, et il y en aura un avec le Mercosur – qui conduira à importer du soja et des animaux en provenance du Brésil et du Mexique. Pour mémoire, M. Nicolas Hulot affirmait que « la mondialisation et les traités de libre-échange sont la cause de toute la crise que nous vivons. Si l'on ne s'attaque pas à cela, ça ne sert à rien. Ce n'est pas en installant trois éoliennes que l'on va y arriver ». Serez-vous la ministre qui mettra clairement dans la balance son veto ou sa démission en cas de signature d'un traité avec le Mercosur ?

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S'agissant de la politique énergétique, j'aurais voulu vous entendre quant au fait que quel que soit le mode de production énergétique, la PPE implique une reprise en main de la puissance publique. La notion de service public et de bien commun, lorsqu'on parle d'énergie, doit être remise au cœur des priorités et de la conversation. Concernant les enjeux environnementaux, je suis bousculé tous jours, comme père de famille par mes enfants mais aussi par toutes les personnes que je rencontre, quant à cette impérieuse nécessité de veiller à la planète d'aujourd'hui et de demain. Mais, dans le même temps, je suis obnubilé par l'idée qu'on n'atteindra cet objectif que si l'on réconcilie la France avec elle‑même, que si l'on réconcilie « fonte des glaces et lutte des classes », que si l'on fait en sorte que la poursuite légitime, nécessaire et accélérée des enjeux environnementaux ne représente pas l'humiliation de classe que les Gilets jaunes ont incarnée, ou l'humiliation territoriale que les territoires ruraux sont prêts à exprimer.

Le plan de relance prévoit 4,7 milliards d'euros pour les transports ferroviaires. On peut considérer que c'est insuffisant. La semaine prochaine, je participerai au comité de pilotage de la ligne Abbeville-Le Tréport, une ligne de vie qui permet d'aller se former, d'aller se soigner, d'aller travailler. L'ancienne députée de la Somme que vous êtes ne peut pas être insensible à cette impérieuse nécessité de connecter ces territoires. Les régions des Hauts‑de‑France et de Normandie, parce que nous avons fait pression, mettent de l'argent sur la table pour cette ligne de vie nécessaire à ceux que l'on appelle « les humiliés de la République ». Combien l'État met-il sur la table pour faire en sorte que le soleil brille pour tout le monde pareil, que l'environnement ne soit pas réservé à 30 % des métropolitains, que mes enfants et ceux des autres aient la même chose dans leur assiette ? C'est cela, je crois, la mission de la ministre. Sa priorité consiste à faire en sorte que l'écologie ne soit pas réservée au petit nombre et que les efforts ne soient pas portés sur ceux qui sont déjà les oubliés de la croissance.

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Barbara Pompili, ministre

Permettez-moi d'ajouter que ma priorité est aussi de faire en sorte que les efforts ne soient pas non plus portés par vos enfants et par les miens.

Merci pour ces nombreuses questions diverses et variées – je n'en attendais pas moins. Concernant l'économie circulaire, les abondements de l'enveloppe se répartiront comme suit : 226 millions d'euros seront ajoutés au fonds Économie circulaire de l'ADEME ; 40 millions seront consacrés en 2021 et 2022 au soutien au réemploi, aux activités de réduction et/ou de substitution des emballages plastiques notamment à usage unique ; les structures de l'économie sociale et solidaire seront éligibles de plein droit aux aides à l'investissement dans le domaine du réemploi ; 156 millions serviront au soutien à l'incorporation de matières plastiques recyclées, dont 16 millions de soutien direct au fonctionnement en 2020 pour faire face à la forte chute de la demande et des prix et 140 millions en 2021 et 2022 en soutien aux investissements destinés à l'incorporation ; 5 millions serviront à accélérer la responsabilité élargie des producteurs avec une aide à la traçabilité dans la filière Bâtiment ; 21 millions seront attribués au soutien au développement de la réparation et de ressourceries en vue du réemploi – matériel électrique et électronique, meubles, vêtements et autres produits de consommation ; un plan d'accompagnement de 4 millions d'euros permettra d'aider la filière plastique à mener à bien sa transition. Un deuxième volet complétant cette enveloppe concerne la modernisation des centres de tri, de recyclage et de valorisation des déchets, à hauteur de 274 millions d'euros supplémentaires entre 2020 et 2022, dont 84 millions pour le tri des déchets recyclables au travers du déploiement du tri sélectif – l'économie sociale et solidaire y sera éligible –, 80 millions en 2021-2022 pour le soutien aux installations de production d'énergie à partir de combustibles solides de récupération (CSR), 100 millions sur le soutien à l'investissement en équipements pour faciliter le tri à la source, la collecte et la valorisation des biodéchets, et 10 millions pour le soutien à l'acquisition d'un banaliseur par un établissement de santé. Voilà le détail de la distribution des aides.

En ce qui concerne la Convention citoyenne pour le climat et la question de l'association des uns et des autres, nous sommes en phase de concertation. Cette phase est toujours un moment fort, parce que les citoyens se retrouvent confrontés à ceux qui appliqueront leurs recommandations. Ces moments ne sont pas simples, mais ils sont nécessaires. Évidemment, les parlementaires sont associés au travers d'un groupe de travail qui se réunira avec les citoyens pour commencer à aborder les premiers articles de la loi.

S'agissant des néonicotinoïdes, je répondrai en une seule fois. D'abord, le premier principe de réalité que j'essaie d'appliquer – et je rejoins Mme Delphine Batho –, est que si notre agriculture ne s'adapte pas au réchauffement climatique et à la perte de biodiversité, elle mourra. Notre rôle à tous consiste donc à faire en sorte de construire, avec les acteurs, un mode de production agricole adapté au monde dans lequel nous sommes déjà en train de vivre. Sinon, on se paie de mots. Toute la difficulté consiste donc à gérer cette transition et à accompagner les acteurs, car je ne saurai pas faire une agriculture sans les paysans. Il faut que nous les aidions parce que le virage est difficile à prendre, après des années durant lesquelles on les a entraînés dans une autre direction.

Monsieur Ruffin, ce n'est pas la députée qui disait qu'on allait interdire tous les néonicotinoïdes, mais la membre du Gouvernement. J'étais au Gouvernement, à l'époque, et je me suis battue. Je n'ai d'ailleurs pas vraiment entendu votre soutien, mais je suis ravie de l'avoir maintenant – et, le cas échéant, je vous remercie pour votre soutien à l'époque. Je me suis beaucoup battue, s'agissant des néonicotinoïdes. Quelques personnes ici présentes ont constaté la bataille homérique que c'était, et les difficultés que nous avons rencontrées pour réussir à obtenir ce vote à deux voix près, car personne n'était prêt à cela. Je refusais qu'il y ait des dérogations au-delà de 2020. Mme Delphine Batho trouvait même que c'était trop tard, et elle avait peut-être raison. Je refusais ces dérogations, et c'est pour cela qu'aujourd'hui – j'insiste – nous avons quasiment réussi. Il manque la dernière marche, et elle est difficile à passer. Je me suis rendu compte que c'était une marche quand je suis arrivée au ministère. Auparavant, je pensais que c'était réglé. Tout le monde pensait que c'était réglé. Certes, il y a toujours des filières qui nous expliquent que cela ne va pas, parce qu'elles essaient de tirer sur la corde. Et si on les écoute, on ne fait jamais rien. On pensait que c'était réglé, parce que les organismes de recherche nous affirmaient qu'il existait des alternatives. Or, on se rend compte que ce n'est pas réglé. À partir de là, et alors qu'il apparaît qu'une filière entière peut s'écrouler en six mois – ce qui n'est pas le cas des autres filières qui tapent à la porte pour avoir des dérogations, je tiens à le dire –, on se retrouve face à un choix. Vous imaginez bien le poids politique qu'il a pour moi. J'ai déjà fait l'explication en long, en large et en travers hier, devant la commission du développement durable, mais je vais le refaire tant je respecte votre commission.

L'alternative était la suivante. Soit on considérait que les néonicotinoïdes ne devaient pas bénéficier d'une quelconque dérogation après 2020. Dans ce cas-là, on acceptait que la filière sucrière meure en France. Je n'ai pas de religion en la matière, puisque je sais que la transition écologique fait qu'un certain nombre de métiers et de filières n'existeront plus dans quelques années, et que d'autres naîtront. C'est la vie. C'est ainsi. Le tout, quand on fait des choix de ce type, est de s'y préparer. Il faut s'y préparer, il faut préparer les territoires, il faut convertir les activités, il faut former les personnes concernées. Or nous nous retrouvons à devoir faire ce choix en six mois, c'est-à-dire sans aucun débat démocratique pour savoir si nous voulons encore une filière sucrière en France, avec tout ce que cela signifie : j'imagine que nous continuerons à utiliser du sucre en France, donc nous le ferons venir d'ailleurs. Comment vérifie-t-on que ce qui vient d'ailleurs est mieux que ce que l'on a ici ? Ce petit côté que certains peuvent avoir – pas ici, mais ailleurs – sur le thème « on fait bien chez nous et on ferme les yeux sur ce qui se passe ailleurs » me pose un problème, en matière d'écologie comme dans toutes les autres.

Soit on passe cette étape en se redonnant du lest vis-à-vis de produits dangereux et mauvais pour l'environnement – ce que je ne remets pas en cause. Nous avons considéré que c'était le meilleur, pour ne pas dire le « moins pire » moyen d'essayer d'arriver à quelque chose, en disant à la filière qu'on lui laisse une chance de survivre. Il faut donc qu'elle trouve des alternatives. Je ne crois pas trop aux alternatives en produits. Vouloir garder le même système en essayant de trouver le produit miracle qui remplacera l'autre, je n'y crois pas. Je crois qu'il faut travailler sur des changements de méthode. Il peut exister des alternatives, notamment avec des parcelles plus petites. Mais je mets au défi de réduire en six mois toutes les parcelles de betteraves en France. Pour ma part, je ne sais pas le faire. De la même façon, je pense qu'on peut aussi trouver des solutions en passant en bio. Malheureusement, nous ne passerons pas tous les betteraviers de France au bio en six mois. Toutefois, j'observe que l'imagination est fertile, dans le cadre de ce débat. Je le dis donc devant cette commission : si l'on trouve une meilleure solution pour préserver la filière sucrière, dans les six mois et sans être obligé de faire une dérogation sur ces produits, qui sont de mauvais produits, je prends ! Et ce sera avec un grand bonheur.

S'agissant de l'importante question de la recherche d'alternatives, le manque de suivi a été le poison de cette affaire de néonicotinoïdes. Aussi créerons-nous, avec M. Julien Denormandie, un comité de suivi que pourront rejoindre les parlementaires qui le souhaitent, pour suivre de près le travail d'élaboration d'alternatives pour la filière sucre. Un délégué interministériel a été nommé ce matin en conseil des ministres pour coordonner cette démarche. Par ailleurs, l'ANSES est en train d'évaluer la propagation des néonicotinoïdes dans la terre, ce qui nous permettra de préciser, dans le texte de loi, la période durant laquelle on ne peut pas replanter de plantes mellifères – étant entendu que l'on résout le problème des abeilles qui butinent, mais pas celui du sol puisque les néonicotinoïdes propagent leurs effets dans le sol et dans l'eau.

S'agissant d'un tout autre sujet, l'ARENH, les négociations sont en cours. M. Bruno Le Maire et moi-même nous rendrons lundi prochain à Bruxelles, pour vous rencontrer Mme Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, et envisager une réforme globale. Se posera notamment la question du relèvement du plafond, en fonction de l'issue des négociations de la future régulation puisque l'accord de la Commission européenne est requis. Une décision unilatérale de la France qui modifierait le volume d'ARENH contre l'avis de la Commission risquerait de mettre en péril l'ensemble du dispositif ARENH ainsi que la future régulation du nucléaire. Je rappelle qu'à travers l'ARENH, les consommateurs français bénéficient – et ce, malgré l'effet du plafonnement – d'une protection importante contre les hausses de prix du marché, car l'ARENH continue à couvrir une part substantielle de leur approvisionnement à un prix maintenu à 42 euros par mégawattheure, très inférieur au prix de marché actuel. Il est donc important de ne pas mettre en risque ce dispositif sans échange avec la Commission européenne. Je ne suis pas en mesure de vous en dire beaucoup plus à ce stade, puisque les négociations sont en cours. La Commission réfléchit aussi à des contreparties en termes d'organisation d'EDF, au sujet desquelles nous essayons de voir comment avancer.

Par ailleurs, nous n'avons pas besoin de nouvelles STEP à court terme, et elles reçoivent déjà des aides au titre du TURPE. Néanmoins, la PPE prévoit de développer du stockage à l'horizon 2030-2035. Les cadres de soutien – fiscalité, raccordement – seront réétudiés pour voir s'il existe un besoin d'adaptation. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus à ce stade.

Concernant l'irrigation en gaz des territoires ruraux, le réseau de gaz naturel a peu vocation à s'étendre. En effet, son coût est trop élevé pour un territoire peu dense. Un dispositif existe toutefois pour faciliter malgré tout le développement du biogaz, y compris en zone éloignée des réseaux, et faciliter le raccordement des méthaniseurs. Dans la mesure où il est récent, nous sommes encore en train de travailler pour le renforcer.

Pour ce qui est de la pérennité des plateformes locales de rénovation énergétique, un programme de 200 millions d'euros a été lancé en 2019 pour financer l'accompagnement de l'information des particuliers. Outre le programme SARE, service d'accompagnement à la rénovation énergétique, nous contractualisons avec les régions pour uniformiser les dispositifs à l'échelle d'un territoire. Une part importante du plan de relance sera consacrée à la rénovation globale des bâtiments et logements privés. Afin de simplifier et faciliter les démarches, tout passera par MaPrimeRénov', laquelle sera ouverte à tous à compter du 1er janvier 2021. D'ores et déjà, les citoyens peuvent se renseigner via le site maprimerenov.gouv.fr ou contacter le 0808 800 700.

J'en viens au vélo. L'accroissement de cette pratique, constaté depuis le confinement, ne concerne pas uniquement la ville, mais tous les territoires, y compris ruraux – même si elle y est un peu moins marquée qu'ailleurs. Dans le plan vélo, nous prévoirons aussi des financements pour financer des infrastructures partout. Nous avons notamment besoin de voies de vélo sécurisées. Or dans les campagnes, ces voies ne sont pas très sécurisées, pas très entretenues et discontinues, ce qui s'avère très dissuasif. Les aides portent aussi sur les vélos à assistance électrique et la multimodalité, afin d'installer des garages à vélos sécurisés dans les gares, par exemple.

Par ailleurs, éviter les confrontations dans l'agriculture est l'un de mes chevaux de bataille. Je suis assez atterrée de constater le niveau du débat public en la matière : au lieu d'essayer de réunir toutes les parties autour de la table pour trouver des solutions, on considère que le monde est partagé entre les « méchants » et les « gentils » – et selon le côté où l'on se trouve, le méchant est toujours l'autre. Pour ma part, j'essaie de ne pas tomber dans les polémiques et de considérer que tout le monde fait de son mieux, pour accompagner tout le monde. Car gentils ou méchants, nous subirons tous les conséquences du changement climatique et de la perte de biodiversité. À commencer, malheureusement, par les plus vulnérables, notamment les habitants des territoires ruraux. Vous pouvez donc compter sur moi pour faire en sorte de ne jamais entrer dans ces débats stériles et dangereux pour la démocratie. Dans le débat démocratique, on doit pouvoir ne pas être d'accord sans considérer que l'autre est un traître.

Madame la ministre Pinel, je partage vos propos selon lesquels les acteurs ont besoin de stabilité et de visibilité. S'agissant des dispositifs PTZ et Pinel, nous sommes en cours d'arbitrage. Nous avons pour objectif de poursuivre le verdissement du Pinel et de limiter l'artificialisation des sols – sans pour autant pénaliser les ménages, y compris les plus modestes, qui veulent accéder à la propriété.

Pour la LGV Bordeaux-Toulouse, je me fonde sur les travaux du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) qui, lorsque j'en étais membre, avait essayé de hiérarchiser les priorités. Certes, puisque nous disposons de plus d'argent, nous pourrons faire plus de choses. Mais nous essayons de rester dans la logique du COI. Je ne connais pas le détail pour chacune des lignes, mais la priorité qui avait été fixée à l'époque portait sur la rénovation des nœuds ferroviaires de Bordeaux et de Toulouse afin de réduire les temps de trajet, tant pour les usagers du TGV que pour ceux des lignes du quotidien. Cela ne signifie pas que rien d'autre ne sera fait, mais nous essayons de respecter cet ordre de priorité.

La gestion de la ressource en eau est un sujet de taille, qui se posera très vite. Et je crains, si l'on ne s'y prend pas bien, qu'il y ait de véritables guerres de l'eau. Face à cela, les projets de territoire pour la gestion de l'eau, les PTGE, semblent être l'outil le plus adapté puisqu'il permet de réunir tout le monde pour réfléchir à la façon de préserver et d'utiliser au mieux la ressource en eau, pour les différents acteurs et les différents besoins. Il n'est pas envisageable qu'une catégorie d'acteurs s'approprie la ressource en eau et empêche les autres d'en profiter. Les PTGE permettent de conduire une analyse lucide quant à la répartition de la ressource, mais aussi quant à la façon dont le monde agricole peut s'emparer du sujet – car il n'est pas possible de continuer à planter du maïs et à l'arroser à grandes eaux là où il n'y a plus d'eau. Les PTGE doivent permettre d'identifier ce qui peut être planté à la place.

Madame Batho, s'agissant des néonicotinoïdes, vous évoquiez l'utilisation de la clause d'urgence de l'article 53 du règlement européen pour les cultures sans alternative identifiée. Ce n'était pas prévu dans la loi de 2016. Nous le faisons dans le projet de loi, étant entendu que cette dérogation ne doit pas venir en concurrence avec le déploiement d'alternatives, sinon le problème se posera à nouveau dans trois ans. Le Conseil d'État s'est prononcé sur la question de la conformité de l'interdiction des néonicotinoïdes en 2019. Le projet de loi sera l'occasion d'actualiser le décret et de le sécuriser juridiquement. Dans le cas contraire, il serait annulé, ce qui rendrait inopérant l'ensemble des interdictions de néonicotinoïdes – ce qui serait gênant. Le nouveau décret permettra de bien identifier d'une part les substances qui sont interdites au niveau national, d'autre part celles qui l'ont été, depuis, au niveau européen. En tout état de cause, le périmètre que nous avions identifié ne sera pas modifié. Enfin, le Gouvernement prendra évidemment ce décret de manière concomitante à la loi, pour éviter toute rupture au principe et au périmètre de l'interdiction.

Concernant la 5G, j'ai deux obligations : faire en sorte que ce qui a été demandé par la Convention citoyenne pour le climat soit tenu, et m'occuper de la question de l'influence sur l'environnement du passage à la 5G – sans laisser de côté la question sanitaire, bien sûr. Les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont considéré que la 5G pouvait être une opportunité sous réserve de disposer d'assurances quant à ses conséquences sanitaires et environnementales en amont de son déploiement. Aussi avons-nous lancé une inspection, dès juillet dernier. Quatre corps d'inspection de nos ministères ont fait la revue de toute la littérature scientifique existante relative aux ondes, notamment celles concernées par la 5G, d'abord sous l'angle sanitaire. Leur rapport a été rendu et publié hier, tant je suis attachée à la transparence. Vous pouvez donc vous y référer. Je m'engage par avance à ce que les autres rapports – celui de l'Autorité de régulation des communications électroniques des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et de l'ADEME relatif à la sobriété numérique prévu en novembre, de même que celui de l'ANSES prévu en mars 2021 – soient intégralement publiés. Le premier rapport dont nous disposons permet de rassurer quant au volet sanitaire, s'agissant des enchères qui seront lancées en fin septembre. En effet, celles-ci porteront sur la bande-fréquence de 3,5 gigahertz, déjà utilisée de longue date et à propos desquelles nous disposons d'un recul scientifique. En l'occurrence, le rapport et toutes les études scientifiques indiquent qu'aucun problème sanitaire n'est identifié à partir du moment où les normes légales sont respectées. S'agissant de la bande‑fréquence de 26 gigahertz, qui n'est pas concernée par les enchères de fin septembre mais qui pourrait l'être si la 5G était déployée, des analyses complémentaires sont nécessaires. Elles sont d'ores et déjà lancées par le biais de l'ANSES.

Concernant l'empreinte écologique du développement de la 5G, des analyses seront conduites en amont des enchères et du déploiement, qui aura lieu en fin d'année. Le rapport permettra ainsi d'adapter le déploiement. Le numérique permet de limiter les émissions de gaz à effet de serre, par exemple en évitant un certain nombre de déplacements. Organiser des réunions en visioconférence permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il y a donc un côté positif. Mais il existe aussi un aspect négatif, dans la mesure où les échanges de données produisent des émissions de gaz à effet de serre. Or la 5G autorisera une augmentation de l'utilisation des données. On pourrait en déduire que, mathématiquement, elle risque d'accroître les émissions de gaz à effet de serre. Certes, la 5G est plus efficace que la 4G et permet de transporter proportionnellement plus de données en limitant les émissions de gaz à effet. Mais dans la mesure où elle transportera beaucoup plus de données, ces émissions seront en augmentation. Il s'agit donc de réfléchir à la façon de gérer toutes ces données en limitant l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. On pourrait décider de ne pas utiliser cette technologie. Ce n'est pas le choix qui a été fait en France. Ce n'est pas non plus le choix qui a été fait dans le reste du monde. En tout état de cause, il convient d'acquérir une culture de la sobriété, ce qui ne signifie en rien le retour à la lampe à pétrole.

De la même manière qu'on nous a appris, enfants, qu'il fallait arrêter l'eau pendant que nous nous brossions les dents – sans que cela change notre qualité de vie –, nous devons réfléchir à la façon de mieux utiliser le numérique. Aucune technologie n'étant neutre en matière d'émissions de gaz à effet de serre, il faut arrêter le gaspillage. Grâce aux rapports de l'ARCEP et de l'ADEME, nous élaborerons une stratégie de sobriété numérique et de réduction de certains usages. Vous serez associés à ce travail. Par exemple, est-il pertinent d'utiliser la 4K pour visionner une vidéo sur un smartphone ? De nombreuses solutions de ce type existent. Il n'y a pas de raison qu'on dise qu'il faut arrêter le gaspillage dans tous les domaines sans inclure le numérique.

S'agissant des contreparties au plan de relance, je n'ai pas changé d'avis, Monsieur Ruffin. Je n'ai absolument pas changé d'avis et je trouve qu'il est normal que des entreprises qui s'engagent dans une stratégie de baisse de leurs émissions de carbone bénéficient d'une certification qui démontre qu'elles sont engagées dans la bonne direction, et qu'une réflexion soit entreprise quant à la façon de traiter celles qui ne respectent pas cette stratégie. C'est parfaitement normal, et je suis en train d'y travailler pour essayer d'apporter des solutions.

Je n'ai pas non plus changé d'avis s'agissant du Mercosur. Pour autant, je ne mets pas ma démission dans la balance à tout propos. Je sais que certains seraient trop contents que je parte. Je vous en fais l'annonce : je reste !

Monsieur Jumel, j'ai répondu à votre question relative au bien commun. Il paraît que vous répétez systématiquement qu'il faut « réconcilier fonte des glaces et lutte des classes ». C'est la première fois que je vous entends le dire, mais je suis pleinement d'accord avec vous. Enfin, je vous apporterai la réponse concernant la ligne Abbeville-Le Tréport.

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Je me réjouis de constater que nombre des propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont été intégrées au plan de relance. Je pense notamment à la rénovation énergétique des bâtiments, ou encore à l'accélération de la transition agroécologique. Ma première question concerne la lisibilité dans l'application de ces propositions. Entre les mesures réglementaires du plan de relance, le projet de loi de finances en général et une loi spécifique, comment les citoyens pourront-ils suivre la traduction de ces différentes mesures ? Des comités de suivi seront-ils instaurés ? Comment les parlementaires seront-ils associés ?

Ensuite, j'ai pris l'initiative d'organiser dans ma circonscription une convention citoyenne locale. Les habitants de Loire-Atlantique qui y ont participé ont porté de nombreuses propositions pour le climat et la transition écologique. Comment envisagez-vous l'articulation entre le local et le national ?

Enfin, comment encourager les collectivités locales à aller plus haut ?

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Le 14 juillet, le Président déclarait que l'on redévelopperait massivement le fret ferroviaire. On sait que ce moyen de transport de marchandises ne représente que 10 % de l'activité et n'a cessé de chuter au cours des 50 dernières années. Nous sommes même en retard par rapport à certains de nos voisins européens comme la Suisse, l'Autriche ou l'Allemagne. Les avantages du fret ferroviaire sont avérés, et pas seulement au plan écologique. Dans le plan de relance, au sein des 6 milliards d'euros consacrés au ferroviaire, quel est le montant destiné au ferroutage ? Quels sont les montants précis ? Quels sont les chantiers et les projets que vous soutiendrez ? Que pourrait-on faire pour favoriser et stimuler le ferroutage dans notre pays, et rattraper notre retard ?

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Mon intervention concerne l'emploi en Guadeloupe. La ministre de la cohésion des territoires, Mme Jacqueline Gourault, dois présenter cet automne un projet de loi dit « 3D » – déconcentration, différenciation et décentralisation –, visant à renforcer les compétences des régions en leur confiant les stratégies de développement et d'aménagement du territoire concernant, entre autres, la transition écologique. En Guadeloupe, le non‑renouvellement du contrat d'achat d'électricité de la centrale Énergies Antilles est intervenu dans le cadre de l'arrêt des énergies fossiles. Bien sûr, la transition écologique est un impératif environnemental. Pour autant, elle ne doit pas être destructrice d'emplois, a fortiori sur un territoire comme la Guadeloupe, déjà profondément touché par le fléau du chômage. Le taux de chômage y est de 24 % en moyenne et atteint même 40 % chez les moins de 30 ans.

Avec la fermeture de la centrale Énergies Antilles, une quarantaine de personnes sont menacées de licenciement ou seront licenciées dans les prochains jours, le 24 septembre pour être précis, si aucune mesure n'est prise. Il existe pourtant une solution, au travers d'un projet de reconversion des installations afin de remplacer le fioul par la biomasse C'est pourquoi, il y a 15 jours, avec tous mes collègues parlementaires et le président du conseil régional de la Guadeloupe, nous vous avons demandé par courrier un rendez-vous d'urgence. Nous voulions examiner avec vous la possibilité d'une dérogation de trois ans au maximum, permettant de poursuivre l'activité de la centrale, d'engager la rénovation énergétique et de sauver des emplois. Nous sommes toujours dans l'attente de ce rendez-vous.

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Vous avez parlé de stratégie nucléaire, en partie dans l'évolution du mix. J'aimerais approfondir cette question du nucléaire. Ce sujet est très régulièrement abordé par l'OPECST, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, même si le champ de ce dernier est considérablement plus diversifié. Les auditions y sont régulières et contradictoires, ce qui est précieux et permet d'apprécier le niveau de tension qu'il peut y avoir dans la filière – et vous réalisez à quel point quand vous voyez l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et Framatome se disputer sous vos yeux, en l'occurrence au sujet de la cuve de l'EPR de Flamanville.

Ce domaine souffre de problèmes d'image et de vocation, mais aussi de problèmes techniques et de compétences. Les centrales nucléaires sont prolongées très au-delà de la durée pour laquelle elles ont été conçues initialement. Les grands EPR accusent des retards considérables – dix ans pour Flamanville, déjà onze ans pour l'EPR en Finlande. Les projets de recherche ont été abandonnés ces derniers temps. On a vu les déboires du réacteur Jules Horowitz. Il y a eu l'abandon du projet Astrid, au sujet duquel le président André Chassaigne nous a saisis. Je pourrais également évoquer les dossiers de spallation dans le retraitement des déchets, dont la France ne semble pas réussir à se saisir, ou encore des dossiers qui semblent revenir – comme les petits réacteurs modulaires et, peut-être, le thorium –, le sujet de l'enfouissement – il faut de nouvelles cuves, mais ce n'est pas d'actualité –, le programme national de prévention de déchets, la question de Cigéo qui revient sans arrêt dans un contexte d'aménagement du territoire compliqué, mais aussi la quantité d'acteurs – CEA, EDF, Orano, Framatome, ASN, IRNS, CNE2, PNGMDR et bien d'autres. Et le chef d'orchestre, normalement, c'est vous, Madame la ministre. Pouvez-vous nous dire quelle est la stratégie de la France, pour le présent et pour l'avenir, pour avoir une filière qui tourne, c'est-à-dire qui soit sûre et qui fonctionne au plan technique ?

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Le plan France Relance du Gouvernement prévoit de déployer 50 millions d'euros pour soutenir les porteurs de projets innovants à fort ancrage territorial, destinés à développer le tourisme durable. La France – je parle en présence de l'ancienne ministre du tourisme, Mme Sylvia Pinel – consacre assez peu de moyens au secteur de l'industrie touristique : 194 milliards d'euros, soit 8 % du PIB, pour le tourisme hexagonal et ultramarin.

La France est aujourd'hui la première destination touristique au monde. Demain, peut‑elle est la première destination du tourisme durable ? Peut-on envisager les moyens d'y parvenir, à travers des projets et un label ? Voulez-vous être, aux côtés de votre collègue Jean‑Baptiste Lemoyne, l'ambassadrice du tourisme durable en France et dans le monde ? Nous attendons un visage féminin, pour séduire l'ensemble de nos clientèles.

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La crise sanitaire a eu pour résultat direct 20 000 logements neufs en moins cette année, selon la Caisse des dépôts et consignations. Ce déficit doit être corrélé avec la crise de l'offre, déjà présente avant les effets néfastes du coronavirus.

Le plan de relance prévoit une enveloppe globale de 650 millions d'euros pour soutenir les collectivités dans la construction de plus de logements. C'est une partie de la solution. Comment coupler cet objectif de constructions neuves avec celui qui vise à limiter l'étalement des villes au détriment des terres agricoles, des forêts et des zones naturelles ? Le Gouvernement est-il prêt à aider les collectivités à détruire ou déconstruire des bâtiments pour lesquels la rénovation serait trop importante et représenterait un gouffre financier, et ce au profil de la construction de logements neufs ?

Concernant la question de la rénovation énergétique, le plan de relance prévoit aussi 6,7 milliards d'euros sur deux ans pour rénover tous les types de bâtiments en France. Quelles sont vos priorités dans cette campagne ambitieuse de rénovation ? Un effort particulier est-il prévu pour privilégier la rénovation du parc social ?

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Il y a exactement 48 ans, en 1972, une dérogation un peu similaire à celle qui sera accordée pour les néonicotinoïdes a eu des effets assez graves, puisque près de 50 % des terres agricoles martiniquaises et guadeloupéennes ont été polluées et empoisonnées au chlordécone. Le rapport d'une commission d'enquête que j'ai présidée a émis 49 propositions pour sortir de cette situation grave, puisque 92 % des Martiniquais et 93 % des Guadeloupéens sont pollués par le chlordécone. Cela a engendré une situation sociale tellement grave, que de manifestations multiples se déroulent sur le terrain. Si on veut qu'il y ait un embrasement par une convergence de la situation sociale, de la situation écologique et de l'empoisonnement de ces terres, la meilleure solution pour l'État serait de ne pas donner suite à ce rapport. En l'occurrence, c'est ce que je ressens. Ce serait du mépris. Je l'interprète ainsi, même si je ne veux pas croire dans la mesure où le président Macron avait eu le courage d'annoncer qu'il y avait une responsabilité d'État – laquelle a été déclarée par trois ministres présents lors de la commission d'enquête. Que comptez-vous faire de ce rapport ? Je pense que la ministre que vous êtes peut débloquer la situation et remettre sur la table les solutions proposées. Si aucune solution n'est retenue en matière de santé, d'agriculture, de pêche et de dépollution des eaux, les terres seront polluées pour plusieurs centaines d'années.

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Je n'avais pas prévu de parler d'agriculture, puisque nous consacrerons dans quelques jours une réunion au sujet des néonicotinoïdes, mais vous avez tendu une perche en évoquant l'exemple des betteraves sucrières et du maïs que l'on arrose allègrement dans certaines régions où la sécheresse sévit. Vous avez indiqué qu'il y avait lieu de réfléchir à des cultures alternatives. Certes. Mais cela suppose de construire des filières de l'amont à l'aval, y compris les débouchés, et vous avez les clés de la réponse avec le plan « Protéines végétales », qui est sur le bureau de votre collègue chargé de l'agriculture et de l'alimentation – avec qui vous échangez, je n'en doute pas – depuis bien longtemps. Il semble opportun de débloquer ce dossier.

Ma question concerne l'hydrogène vert ou propre, dont le développement est poussé par le plan de relance qui prévoit une enveloppe de 7 milliards d'euros. Ce développement suppose de recourir à la technique de l'électrolyse, fortement consommatrice d'électricité. Pour aller au bout de la logique, qu'entendons-nous par hydrogène vert ou propre ? À quel type d'électricité allons-nous recourir : une électricité issue du nucléaire, produite sur notre territoire, ou envisagez-vous des alternatives, par exemple la poursuite du développement de champs éoliens dans nos belles régions de Picardie ?

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Alors que l'industrie automobile française est confrontée à une crise économique sans précédent, les inquiétudes sont nombreuses et les espoirs reposent sur le plan de relance annoncé le 26 mai comme sur le plan de relance du 3 septembre. Au mois d'avril, l'industrie automobile a connu une baisse moyenne d'activité et de ventes de près de 80 %. Aujourd'hui, 18 % du chiffre d'affaires de l'industrie française sont en péril et ont besoin de notre soutien. Si la relance s'oriente déjà largement vers une mobilité plus responsable, avec un soutien de 7 milliards d'euros à l'hydrogène vert et à l'achat de véhicules propres, investir dans le domaine de l'innovation permettrait de repenser l'activité dans sa complexité. La fondation d'une industrie automobile responsable s'inscrit nécessairement dans un esprit d'innovation et de conquête à la hauteur des ambitions de notre pays. Comment les grandes orientations du plan de relance prendront-elles en considération ce besoin d'investissement dans la recherche et l'innovation, tout en accordant une véritable autonomie industrielle à ce secteur stratégique ?

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Tous les experts s'accordent à dire que les fonds prévus dans le plan bâtiment ne sont pas suffisants. C'est pourtant la principale source de lutte contre les gaz à effet de serre. Quelle est votre position ?

Vous avez évoqué l'agriculture sans parler du plan protéines ou de la haute valeur environnementale. Est-ce un oubli ou un choix politique ?

Nos territoires à énergie positive ou de transition écologique, les CTE, n'ont pas de moyens spécifiques. L'ingénierie d'État est très faible. Envisagez-vous de changer la donne et de doter ces territoires de moyens financiers ?

Si je devais exprimer une seule alerte, je vous demanderais d'ouvrir les yeux, Madame la ministre. Ouvrez les yeux sur les dégâts que fait une certaine méthanisation sur nos territoires – en Bretagne, dans le Grand Est, partout en France. Ces territoires sont en train d'être déformés, défigurés, détériorés par une méthanisation antisociale et anti écologique. Il existe une bonne méthanisation, mais aussi une mauvaise. Il est temps de choisir, parce que les dégâts sont très importants pour les modèles agricoles, pour l'installation, du fait de la spéculation et de l'accaparement des terres. Des bilans écologiques sont signalés comme très mauvais par tous les experts. Il est temps de bâtir une bonne méthanisation et d'arrêter l'autre. C'est un enjeu considérable, à propos duquel il y a eu un certain autisme gouvernemental depuis quelques années. Il est temps de réagir.

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La lutte contre l'artificialisation des sols a été posée comme une priorité de l'enjeu climatique par le Président de la République après la remise du rapport de l'IPBES (plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques). Avec un département équivalant à la Seine‑et‑Marne artificialisé par décennie, ce doit effectivement être une priorité. Si cette problématique est particulièrement complexe, nous nous sommes réjouis, à la mi-juillet, du moratoire annoncé pour les projets de nouveaux entrepôts d' e -commerce, dont le bilan environnemental est inquiétant, avec des dizaines de milliers d'hectares d'emprise au sol artificialisés – et généralement sur des terres agricoles. La circulaire du 24 août demandant aux préfets d'agir via l'aménagement commercial est une première étape encourageante. Cependant, le moratoire pour les installations d'entrepôts d' e -commerce ne devrait pas être écarté. Sans doute aurait-il une pertinence dans l'attente des conclusions de la mission – parlementaire ou non – annoncée dans ce domaine. En effet, l'impact de ces entrepôts n'est pas contestable, mais il convient d'évaluer l'élaboration du cadre permettant de concilier les enjeux économiques et les enjeux environnementaux. D'un point de vue uniquement environnemental, ces entrepôts sont assez catastrophiques. Je pense aux projets d'installation de tels entrepôts à Belfort, à Quimper ou dans la périphérie de Strasbourg, sur des terres de zones humides ou des terres agricoles pour une superficie totale de 236 000 mètres carrés. Que pensez-vous de l'éventualité d'un tel moratoire ? Des mesures complémentaires sont-elles à venir ?

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Nous ne pouvons que défendre le plan de soutien au secteur ferroviaire – du frêt comme du transport de passagers – et à la réouverture de petites lignes. Je souhaite, toutefois, vous interroger sur la rénovation et la requalification des lignes existantes, notamment la ligne Paris-Rodez. Qu'elle soit de nuit ou de jour, celle-ci propose une offre relativement obsolète, qu'il s'agisse de la qualité des wagons et des engins de tractage, mais aussi des horaires en permanence remaniés, et des très nombreux trains supprimés. Ainsi, s'il y a lieu de développer l'offre ferroviaire, il faut, dans un premier temps, améliorer ce qui existe et qui contribue aussi au désenclavement des territoires, auquel je suis particulièrement attachée. Quelle est la répartition des moyens qui seront attribués au plan de soutien au secteur ferroviaire pour le volet rénovation ?

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Le 25 juillet dernier, le navire « Wakashio » a fait naufrage près de l'île Maurice. Le 6 août, le fuel transporté par ce navire s'est échappé, créant une catastrophe environnementale. Cette fuite de matière dangereuse peut engendrer d'importants dégâts pour l'écosystème de La Réunion et de l'océan Indien en général. Selon le rapport de l'organisation de la sécurité civile maritime, le nombre de marchandises dangereuses et polluantes qui transitent autour de La Réunion a été multiplié par trois en cinq ans – soit 135 millions de tonnes. Le nombre de signalements de pollution potentielle ne cesse d'augmenter d'année en année. Sans une protection optimale de nos richesses, ce sont l'économie et la santé des Réunionnais qui sont mises en jeu. Dans le cadre du plan de relance, cela devient un impératif au sujet duquel le Gouvernement ne peut fermer les yeux. Il ne faut surtout pas attendre qu'un nouveau navire échoue pour agir. Que comptez-vous faire pour sécuriser et renforcer nos territoires, notamment le littoral réunionnais ?

Le plan de relance servira aussi de complément au surcoût de la nouvelle route du littoral, à La Réunion. Nous savons que cette route n'a pas la capacité d'accueillir une voie ferroviaire. Il faudra donc prévoir d'autres aménagements coûteux, et même très coûteux. Trouvez-vous cette approche raisonnable ? N'est-elle pas totalement opposée à la transition écologique ?

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Il est indispensable de lier environnement et santé. Nous savons tous que notre environnement conditionne notre santé. Selon la constitution de l'OMS, la santé environnementale doit devenir une priorité de notre politique publique. En France, prenons‑nous suffisamment en compte le lien fondamental qui existe entre santé et environnement ? Non, pour l'instant.

C'est pour cela qu'il devient impératif d'orienter les financements vers la prévention et la recherche, afin de mieux identifier les interactions entre tous les facteurs de dégradation de l'environnement et les conséquences sanitaires. Je pense, entre autres, aux conséquences du réchauffement climatique sur la santé, aux diverses pollutions dont celle de l'air, aux expositions aux produits chimiques comme les perturbateurs endocriniens et les pesticides, ou encore aux expositions aux ondes électromagnétiques.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon l'OMS, dans notre pays, la mortalité est due à 14 % à des causes environnementales, ce qui représente 84 000 morts par an. Nous comptons 20 millions de malades chroniques, dont 10,7 millions de personnes classées en affection de longue durée. La pollution de l'air tue prématurément 50 000 personnes chaque année en France. Son coût socio-économique est évalué à 100 milliards d'euros. Pour un homme, le risque de développer un cancer approche deux chances sur trois. Que proposez-vous afin de changer notre vision, mais surtout notre approche dans les choix politiques et budgétaires, afin de prioriser et renforcer la prévention et la recherche comme socle de solutions ?

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Nos territoires ruraux ont de beaux projets en matière de mobilité verte, menés par des industriels mais aussi au travers de programmes de recherche très avancés au sein de nos universités. Dans mon département, un constructeur s'est associé au programme de recherche appliquée Inway, mené à l'université de Pau. Il propose un nouveau mode de transport rail-route innovant, afin d'ouvrir au transport routier les potentialités techniques et environnementales du ferroviaire. Partout dans nos territoires et nos universités, des solutions de mobilité se développent pour répondre aux enjeux locaux et aux préoccupations environnementales. Comment le ministère de de la transition écologique, en concertation avec celui de l'enseignement supérieur, envisage-t-il d'encourager la recherche universitaire dans le domaine des mobilités vertes, avec une attention plus particulière portée aux territoires ruraux ?

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Le plan de relance compte un volet relatif au développement du fret. Le chantier du tunnel Lyon-Turin se poursuit, du côté français comme du côté italien. Pourtant, notamment en Savoie, nous manquons encore de visibilité quant au financement des accès. Pour un report modal effectif et une lutte active contre la pollution de l'air, nous avons besoin de construire de nouveaux accès pour accueillir les nouveaux trains. La France a déjà pris beaucoup de retard dans ce projet européen, comparé à nos voisins suisses et autrichiens. Quelle est la position du Gouvernement s'agissant des accès ? Comment le plan de relance pourrait-il se traduire pour le chantier du Lyon-Turin ?

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Barbara Pompili, ministre

J'ai déjà un peu répondu aux questions relatives à la Convention citoyenne pour le climat. Les citoyens se sont organisés en association, puisque la Convention est presque terminée – il n'y aura plus qu'une réunion d'évaluation des premières propositions qui seront faites, en fin d'année. Cette association est notre interlocuteur. Nous l'associons aux différentes phases de concertation, tant avec les acteurs qui auront à appliquer les propositions qu'avec les parlementaires constitués en groupe de travail. Pour l'instant, celui‑ci est uniquement composé de députés, mais nous espérons que les sénateurs nous rejoindront une fois qu'ils auront terminé leurs épisodes électoraux.

Nous ne pourrons pas nous concerter avec tous les citoyens de France. Les initiatives de conventions locales sont très positives, mais elles sont organisées en concertation avec les collectivités qui le souhaitent, au niveau local. Toute une vie de territoire s'instaure, à propos de laquelle nous n'avons pas à intervenir. Mon travail se limite aux 146 propositions de la Convention citoyenne retenues par le Président de la République – c'est déjà beaucoup !

S'agissant du fret ferroviaire, l'effort sera consenti de plusieurs manières. Il concernera d'abord les investissements en dur, donc les infrastructures, notamment pour favoriser les autoroutes ferroviaires. Plusieurs projets de mise aux normes ou de creusement de tunnels seront financés. Un travail concernera également les péages. Les autres chantiers sont en cours de définition. Je vous apporterai une réponse plus précise le moment venu. Les 4,7 milliards d'euros du plan de relance affectés au ferroviaire concernent aussi le fret et l'aide à la SNCF. Des arbitrages ont été effectués jusqu'à la semaine dernière pour définir ces différentes parts, mais j'ignore s'ils ont été rendus publics. En tout état de cause, les investissements seront lourds. Sans cela, nous ne pourrons pas développer le fret. Or la baisse de la part du fret ferroviaire est catastrophique. Nous travaillerons aussi au raccordement des ports. Notre ambition consiste à créer un maillage entre les ports, les grosses d'autoroute ferroviaire et les péages, afin de revenir sur le bon chemin.

La centrale Énergies Antilles a été mise en service en 2000. Cette centrale de 15 mégawatts fonctionnait au fuel lourd. Son contrat d'achat de l'électricité produite est arrivé à échéance en 2020, conformément à ce qui était prévu. Au regard des besoins du système électrique et des capacités installées, la prolongation de la centrale ne répond pas à un besoin du système électrique sur le territoire, comme cela a été indiqué aux acteurs locaux lors de la présentation du projet de révision de la PPE de Guadeloupe lors de la plénière du conseil régional du 3 mai 2019. Il est donc de la responsabilité de l'État, conjointement avec la région, de conduire la transition énergétique prévue par la PPE – laquelle fixe d'ailleurs un cap ambitieux pour la Guadeloupe, puisqu'il s'agit d'atteindre l'autonomie énergétique en 2030 avec un mix électrique 100 % renouvelable. Dans le même temps, l'État est et restera très mobilisé pour permettre à un maximum de salariés de retrouver un emploi au sein de la branche ou en dehors de celle-ci. Nombre d'actions ont déjà été effectuées dans ce sens. Depuis janvier 2019, 23 rencontres associant la préfecture et la région ont été organisées pour limiter l'impact de la fermeture de la centrale en accompagnant le reclassement des salariés et des négociations avec l'employeur. Tout cela a été conjugué aux actions engagées par l'employeur, conformément à ses obligations en la matière. La très forte implication de l'État et de la région sur ce dossier a permis des avancées concrètes pour les salariés de la centrale : cinq salariés ont été reclassés dans la branche des industries électriques et gazières, un salarié a créé son entreprise, deux salariés sont partis à la retraite fin juin et quatorze salariés ont reçu leur notification de licenciement, dont des salariés protégés pour lesquels les règles de protection prévues par le code du travail seront appliquées par l'employeur. L'État et la région restent vigilants pour assurer dans la durée le plein effet des mesures d'accompagnement. Pour les salariés qui ont abandonné la formation qui leur était proposée, l'État reste pleinement mobilisé et apportera l'appui nécessaire à ceux qui souhaiteraient finalement en bénéficier. L'État a demandé à ContourGlobal de jouer un rôle exemplaire en continuant à accompagner les salariés qui pourraient être concernés, de façon individualisée, avec le soutien du préfet. Enfin, il a été demandé aujourd'hui au préfet de réunir les parlementaires – dont vous-même – conjointement avec la région, afin de faire périodiquement le point sur la situation. Voilà les éléments que je pouvais vous donner.

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Je suis très étonné par votre réponse. D'une part, parce que la région a modifié sa PPE pour intégrer cette reconversion. D'autre part, le président de région a lui-même signé le courrier que les parlementaires vous ont envoyé. Nous dit-il quelque chose sur place et autre chose quand nous sommes à Paris ? Des citoyens vont se retrouve au chômage. Je n'ai pas du tout les mêmes informations que vous.

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Barbara Pompili, ministre

Ce sont celles que j'ai.

Monsieur Villani, vous m'avez demandé de présenter toute la stratégie nucléaire du pays en deux minutes ! Je vais dire l'essentiel. Pour que le nucléaire fonctionne, nous avons des décisions à prendre concernant l'après-2035. Nous les prendrons en 2022-2023. Il s'agit notamment de décider si nous voulons continuer avec une part de nucléaire sensiblement similaire à celle qui sera à l'œuvre en 2035, c'est-à-dire aux alentours de 50 % – auquel cas il faut prévoir des investissements pour de nouveaux réacteurs, ou si nous baissons cette part, éventuellement jusqu'à arriver à 100 % de renouvelable en 2050. Telles sont les options qui sont sur la table. Ma mission, en tant que ministre chargée de l'énergie, consiste à faire en sorte que le choix puisse se faire entre des alternatives qui tiennent la route. Un travail de préparation de ces alternatives doit donc être effectué pour que les citoyens, par le biais de leurs représentants ou un autre biais, puissent se prononcer. EDF travaille à un scénario de relance du nucléaire, avec des EPR ou autres. Il travaille aussi, avec RTE et l'AIE, à un scénario de baisse progressive de la part du nucléaire pour arriver à 100 % de renouvelable. Je souhaite que ces deux scénarios soient suffisamment renseignés, scientifiquement, économiquement et en termes de prospective, pour que le choix puisse être fait de manière démocratique. Il ne sera effectué ni par moi, ni par EDF, mais par la représentation du peuple – c'est bien normal.

En attendant, notre parc nucléaire doit fonctionner correctement et en toute sûreté pour apporter l'alimentation en électricité pour nos concitoyens à un tarif à peu près raisonnable. Il faut aussi qu'il soit en capacité de faire face aux investissements à engager. S'agissant du prix, des négociations sont en cours avec la Commission européenne concernant l'ARENH et une éventuelle restructuration d'EDF. S'agissant des installations nucléaires, dont certaines ont un âge respectable, des investissements de sûreté doivent être engagés. Les négociations sur l'ARENH doivent aussi nous permettre d'assurer une rémunération d'EDF suffisante pour permettre ces investissements. Les investissements post-Fukushima sont lourds. Nous serons là pour qu'ils puissent être engagés. En effet, que l'on soit pour ou contre le nucléaire, on veut pouvoir se sentir en sécurité à côté d'une centrale.

Le plan de relance nous aidera aussi à avancer concernant la question du nucléaire. À la grande surprise de beaucoup, j'ai été d'accord pour dédier 400 millions d'euros à la filière Ce montant couvrira plusieurs besoins, à commencer par le renforcement des compétences. Nous financerons des formations afin de développer la filière du nucléaire. Il convient également de développer la recherche – sur la sûreté, mais aussi sur la gestion des déchets puisque le PNGMDR, le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, a fait l'objet d'un débat public dans lequel il a été demandé de travailler davantage les alternatives. Le plan de relance financera aussi le travail de préparation du démantèlement des réacteurs d'un certain âge, ainsi qu'une recherche sur les SMR, les small modular reactors. J'essaie d'être la plus droite possible dans ce que je fais et je veux qu'il y ait des alternatives crédibles aux EPR pour le choix démocratique qui devra être fait en 2022-2023.

La multiplicité d'acteurs est ce qu'elle est. Je me félicite que nous ayons l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui est un très bon outil d'expertise, de même que l'ASN, qui garantit un minimum d'indépendance dans le travail sur la sûreté – je l'en remercie, parce que nous en avons besoin.

Concernant le tourisme durable, les mesures annoncées par le Gouvernement comportent des outils consacrés à la transition écologique du secteur touristique, afin de préparer son avenir. Il s'agit donc d'un soutien à la transition vers un tourisme plus durable et digitalisé, qui sera le critère de sélection du montant de 1,350 milliard qui sera investi en fonds propres et quasi-fonds propres par la Banque des territoires et BPIfrance, pour un effet attendu en matière d'investissement de 6,7 milliards d'euros. Ces aides toucheront des très petites entreprises (TPE) jusqu'aux grands groupes. Les aides du plan de relance destinées au tourisme social sont, elles aussi, assorties de conditions de transition durable.

Parallèlement, le plan de relance crée un fonds pour le tourisme durable doté de 50 millions d'euros et confié à l'ADEME pour accompagner la transition écologique des hôtels et des restaurants en milieu rural. Ces fonds seront attribués à des porteurs de projets. Les critères fixés par les appels à projets sont en train d'être définis, pour un lancement en 2021 après le vote de la loi de finances. La transition durable de l'offre touristique sera aussi incluse dans les contrats de plan État-région 2021-2027 en cours de négociation.

Le plan de relance ne sera ce sera un aspect de la transition écologique du tourisme, qui est d'ores et déjà engagée. L'ADEME effectue actuellement, avec le cabinet Carbone 4 et la SCET, une mesure des émissions de gaz à effet de serre liées au tourisme en France. Cette étude devrait être disponible début 2021. Le comité de la filière « Tourisme », qui rassemble de nombreux professionnels du tourisme depuis sa création à la mi-2019 réalise pour sa part un travail de prospective très approfondie de quatre thématiques, dont le tourisme durable, en vue d'alimenter la stratégie touristique de la France.

Je précise que l'impact carbone du tourisme mondial représente 8 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 75 % sont dus au transport, 21 % aux hébergements et le reste aux activités touristiques. Il existe aussi d'autres impacts, comme les déchets, la pression sur la ressource en eau, l'artificialisation des sols, la sur-fréquentation de zones fragiles ou la pression sur l'immobilier de centre-ville. Nous prendrons tous ces éléments en compte, pour que le tourisme s'adapte. De nombreux chantiers sont ouverts.

S'agissant des constructions neuves et de la rénovation du parc social, le pacte d'investissement passé en 2019 entre l'État et les bailleurs prévoit l'engagement de 125 000 rénovations énergétique par an entre 2020 et 2022 pour un total de 5 millions de logements. Le plan de relance prévoit 500 millions d'euros pour la rénovation du parc social, avec des critères d'exigence, de performance énergétique qui seront fixés. Il faut aussi noter le fort engagement des bailleurs pour réduire les passoires énergétiques, qui leur a permis de n'avoir que 7 % de logements classés en catégories F et G, contre 19 % dans le parc privé. Ce meilleur point de départ devrait permettre d'avancer plus vite.

Sachez, M. Serge Letchimy, que je n'en peux plus que l'excellent travail des parlementaires serve à « caler des meubles ». Vous pouvez donc compter sur moi. Je n'étais pas encore au courant de l'existence du rapport dont vous avez parlé sur le chlordécone. Je vais le trouver, le sortir de là où il est et je peux vous garantir que nous verrons comment y apporter des suites. De manière générale, ces rapports portent des propositions très intéressantes et qui peuvent servir. Pour ce qui est du chlordécone, un plan d'action existe. Nous en reparlerons, mais lorsqu'un travail a été effectué, il doit avoir des suites – a fortiori lorsqu'il concerne un sujet aussi douloureux que celui-ci.

J'en viens aux questions relatives à l'hydrogène. Il est vrai que les électrolyseurs dépensent beaucoup d'énergie. La production d'hydrogène, notamment d'hydrogène décarboné, n'est pas encore rentable. Le principe même des investissements que nous avons prévus vise à rendre la filière mature, pour qu'elle devienne rentable. Par ailleurs, une partie de l'hydrogène fabriqué aujourd'hui l'est à partir d'énergie fossile, ce qui n'est pas très intéressant d'un point de vue environnemental. Nous voulons fabriquer de l'hydrogène décarboné par électrolyse, ce qui impose de développer les électrolyseurs dans notre pays, pour le fabriquer en France. Or l'électrolyse est obtenue avec de l'électricité, laquelle est fabriquée à 70 % par du nucléaire dans notre pays. De fait, une partie de l'hydrogène viendra du nucléaire. Une autre partie viendra des énergies renouvelables. Mais vous pouvez compter sur moi pour que nous respections la PPE, donc pour que la part des énergies renouvelables – et de toutes les énergies renouvelables – augmente, de manière concertée et intelligente. La part de l'hydrogène vert, produit à partir de renouvelables, augmentera. Nous pouvons tous nous en féliciter. En tout cas, je m'en féliciterai.

Concernant l'industrie automobile, nous soutiendrons la recherche sur les véhicules électriques et sur les véhicules à hydrogène et nous aiderons nos concitoyens à s'équiper, grâce au bonus/malus et à toutes les mesures déjà lancées.

Il y a bien de l'argent pour le bâtiment, puisque le plan de relance prévoit 7 milliards d'euros.

Le plan Protéines est important. Il est sur le bureau de M. Julien Denormandie, dont je sais qu'il le développera parce que c'est aussi une partie de la réponse à la question de la stratégie nationale contre la déforestation importée. Le plan de relance prévoira des investissements pour aider les agriculteurs à passer en HVE3.

Les contrats de transition écologique (CTE) seront transformés en CRDE, contrats de relance et de développement écologique. Par ailleurs, un soutien de l'Agence nationale de la cohésion des territoires est prévu, en association les services de notre ministère. Le Commissariat général au développement durable, notamment, prendra part au pilotage.

S'agissant de la méthanisation, nous sommes partis vite et nous avons beaucoup avancé. Certaines filières sont matures, d'autres moins. Un travail est en cours, pour réajuster les tarifs, pour aider les acteurs les plus petits afin qu'ils ne soient pas pénalisés, mais aussi pour mettre un terme aux dérives qui nous ont été signalées. La méthanisation est plutôt porteuse d'avenir. Mais comme toute filière qui démarre, il faut faire attention à ne pas déraper.

J'en viens aux moratoires sur le e -commerce.

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Ce sujet fait l'objet d'une proposition de loi de Mme Delphine Batho. Nous en parlerons assez largement, la semaine prochaine, avec nos collègues du groupe Écologie Démocratie Solidarité.

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Barbara Pompili, ministre

Nous aurons donc l'occasion d'en discuter. Nous avons d'ores et déjà lancé une mission portant sur l' e -commerce en général, confiée au commissaire général de France Stratégie, au Conseil général de l'environnement et du développement durable et à l'Inspection générale des finances. Il s'agit de proposer des mesures visant à garantir un développement durable du commerce en ligne et des entrepôts logistiques. Je ferai peut-être appel à un parlementaire également. Il est important d'analyser les tenants et les aboutissants de l' e -commerce, tant en matière d'intégration économique dans les territoires – ce sujet doit être véritablement pensé – qu'en termes d'empreinte environnementale. Les conclusions de cette mission sont attendues en décembre, l'objectif étant d'apporter des solutions le plus rapidement possible. Qui plus est, des mesures visent à restreindre l'artificialisation des sols. Par ailleurs, même si le terme « moratoire » n'a pas été acté, je pense qu'il est de l'intérêt de tous les acteurs de prendre le temps de la réflexion, afin d'éviter que des projets soient en contradiction avec les objectifs que je viens de mentionner. Je le dis à bon entendeur.

J'ai répondu s'agissant du plan de soutien au ferroviaire. J'ajoute que je partage pleinement les propos de Mme Anne Blanc quant au fait qu'il faut d'abord favoriser l'existant et essayer de rénover plutôt que d'engager de nouveaux investissements. C'est l'essentiel de ce prévoit le plan de relance. Nous y tenons énormément.

M. Ratenon me demande ce que nous ferons pour protéger le littoral de La Réunion des marchandises dangereuses. Il existe une régulation maritime. Nous devons toutefois étudier le sujet plus largement : vous êtes victimes du trafic maritime de bateaux qui ne respectent pas un certain nombre de normes. La réflexion, déjà en cours au niveau international, doit se poursuivre. À notre échelle, nous prévoyons, avec le plan de relance, d'aménager les ports pour éviter que des bateaux y entrent et les polluent, en leur donnant la possibilité de se raccorder. En tout état de cause, la question que vous posez relève d'accords internationaux.

Les mesures du plan de relance qui concernent les infrastructures, notamment routières, feront l'objet d'appels à projets. S'agissant de la route de La Réunion, nous nous assurerons que les projets sont matures et le plus en accord possible avec les enjeux de la transition écologique. Initialement, je ne souhaitais pas que le plan prévoie des investissements pour la route. Mais lorsqu'il n'existe pas d'alternative, notamment dans certains territoires d'outre-mer, une étude plus précise doit être conduite. En effet, il faut bien que ces territoires soient alimentés par une infrastructure.

Le lien entre santé et environnement est un sujet de taille. La crise du Covid a permis de mettre en lumière, de manière assez brutale, l'interaction entre les atteintes à l'environnement et les risques sanitaires. Une commission d'enquête relative à la santé environnementale a été constituée. Elle rendra ses conclusions dans six mois. Nous y serons très attentifs. En attendant, un PNSE, plan national santé environnement, définit une feuille de route et rassemble les actions menées par l'État pour prévenir les impacts sanitaires liés à différentes pollutions et nuisances – vous avez cité quelques-unes, notamment la qualité de l'air, le bruit ou la pollution des eaux. Le PNSE est renouvelé tous les cinq ans. Le quatrième, en préparation depuis le début de 2019, listera vingt actions très concrètes autour de quatre axes : s'informer et informer sur l'état de son environnement, réduire les expositions environnementales qui affectent notre santé, démultiplier les actions concrètes dans les territoires, mieux connaître les expositions et les effets de l'environnement sur la santé. Le GSE, groupe santé environnement, regroupe élus et parties prenantes, et assure le suivi des PNSE. Les 16 et 17 juillet, celui-ci a été consacré aux enseignements du Covid-19 et à leur future prise en compte dans le futur PNSE4. Ce groupe est présidé par l'une de vos collègues, Mme Élisabeth Toutut-Picard, qui est aussi à la tête de la commission d'enquête. Tous ces travaux seront donc étroitement coordonnés, et je m'en félicite. Le projet de PNSE4 sera mis en consultation publique dans les semaines à venir, après une nouvelle consultation du GSE.

Comme le fait observer M. Jean-Bernard Sempastous, il faut profiter de la période pour faire de la recherche et favoriser l'inventivité et la créativité pour définir de nouvelles manières de se déplacer, en adaptation avec les contraintes et les opportunités des différents territoires – ce qui sera réalisé à Pau ne sera évidemment pas la même chose que ce qui le sera chez moi en Picardie. Le principe du plan de relance consiste à essayer de financer tout ce peut permettre ce renouvellement et cette adaptation aux territoires. N'hésitez donc pas à inviter les territoires à faire remonter leurs projets, afin que ces derniers puissent être financés. Je rappelle que la loi d'orientation des mobilités (LOM) a créé des autorités organisatrices de mobilité partout, lesquelles doivent être à la manœuvre de tout cela.

Par ailleurs, il est prévu d'allouer des moyens à la recherche sur tous les nouveaux modes de mobilité – dont l'hydrogène n'est qu'un élément parmi d'autres.

Enfin, j'ai le souvenir que le COI avait identifié que les accès au Lyon-Turin faisaient partie des programmes prioritaires et que des investissements étaient déjà prévus avant le plan de relance. En toute logique, ce sujet devrait relever des différentes attributions du plan de relance. Les arbitrages plus fins seront rendus publics lors de l'examen du projet de loi de finances. Je ne veux pas donner de faux espoirs, donc je parle au conditionnel. En tout cas, il me semble que les accès au Lyon-Turin faisaient partie des travaux identifiés comme prioritaires.

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Merci. Les échanges ont été complets, variés et, de ce fait, satisfaisants pour toutes et tous.

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Informations relatives à la commission

Mme Delphine Batho a est nommée rapporteure sur la proposition de loi instaurant un moratoire sur l'implantation de nouveaux entrepôts logistiques destinés aux opérateurs du commerce en ligne et portant mesures d'urgence pour protéger le commerce de proximité d'une concurrence déloyale (n° 3040).

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 17 heures

Présents. – M. Patrice Anato, Mme Delphine Batho, M. Thierry Benoit, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Bruno Bonnell, M. Alain Bruneel, Mme Anne-France Brunet, M. Sébastien Cazenove, M. David Corceiro, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, Mme Typhanie Degois, Mme Stéphanie Do, M. Olivier Falorni, M. Sébastien Jumel, Mme Laure de La Raudière, M. Roland Lescure, M. Serge Letchimy, M. Didier Martin, M. Max Mathiasin, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Sylvia Pinel, M. Dominique Potier, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Stéphane Travert

Excusés. – M. José Evrard, M. Philippe Huppé, M. Robert Therry

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Hugues Ratenon, M. Cédric Villani