Adaptation au droit de l'union européenne dans les domaines de l'économie de la santé du travail des transports et de l'agriculture — Texte n° 748

Amendement N° 81 (Non soutenu)

Publié le 20 janvier 2023 par : M. Bothorel.

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Texte de loi N° 748

Article 5 bis

I. – Rédiger ainsi cet article :

« Après l’article L. 54‑10‑3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 54‑10‑3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 54‑10‑3-1. – Les prestataires de services sur actifs numériques souhaitant s’enregistrer à compter du 1er janvier 2024 conformément à l’article L. 54‑10‑3 respectent les dispositions du présent article.

« I. – Les prestataires de services sur actifs numériques agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, au mieux des intérêts de leurs clients et clients potentiels.
« Les prestataires de services sur actifs numériques fournissent à leurs clients une information loyale, claire et non trompeuse, en particulier dans leurs communications commerciales, qui doivent être identifiées comme telles. Les prestataires de services sur actifs numériques n’induisent pas un client en erreur, que ce soit délibérément ou par négligence, quant aux avantages réels ou supposés d’un actif numérique.
« Les prestataires de services sur actifs numériques avertissent leurs clients des risques liés à l’achat d’actifs numériques.
« Les prestataires de services sur actifs numériques établissent, tiennent à jour et mettent leur politique tarifaire à la disposition du public, en la mettant en ligne à un endroit bien visible de leur site web et sur tout autre support en ligne pertinent.
« II. – Les prestataires de services sur actifs numériques notifient à l’Autorité des marchés financiers toute modification apportée à leur organe de direction et lui fournissent toutes les informations nécessaires pour évaluer si le présent III est respecté.
« Les prestataires de service d’exploitation d’une plate-forme de négociation d’actifs numériques veillent à maintenir des ressources et des mécanismes de sauvegarde leur permettant de rendre compte à tout moment à l’Autorité des marchés financiers.
« III. – Tout prestataire de services sur actifs numériques qui détient des actifs numériques appartenant à des clients, ou les moyens d’accès à ces actifs numériques, prend des dispositions adéquates pour protéger les droits de propriété de ces clients, en particulier au cas où il deviendrait insolvable, et pour empêcher l’utilisation pour compte propre de ces actifs numériques, sauf accord exprès du client.
« Si son modèle d’entreprise ou ses services d’actifs numériques imposent la détention de fonds de clients, le prestataire de services sur actifs numériques prend des dispositions adéquates pour protéger les droits de ces clients et empêcher l’utilisation pour compte propre de leurs fonds au sens du point 25 de l’article 4 de la directive (UE) 2015/23666.
« Les prestataires de services sur actifs numériques placent rapidement les fonds de leurs clients auprès d’une banque centrale ou d’un établissement de crédit. Les prestataires de services sur actifs numériques prennent toutes les mesures nécessaires pour que les fonds de clients détenus auprès d’une banque centrale ou d’un établissement de crédit soient détenus sur un ou des comptes identifiables séparément des comptes éventuellement utilisés pour placer des fonds appartenant à ces prestataires.
« Un prestataire de services sur actifs numériques peut fournir lui-même, ou par l’intermédiaire d’un tiers, des services de paiement liés au service sur actifs numériques qu’il propose, à condition que ce prestataire, ou ce tiers, soit lui-même un établissement de paiement au sens du point 4 de l’article 4 de la directive (UE) 2015/2366.
« Les deuxième et troisième alinéas du présent III ne s’appliquent pas aux prestataires de services sur actifs numériques qui sont des établissements de monnaie électronique au sens du point 1 de l’article 2 de la directive 2009/110/CE ou des établissements de paiement au sens du point 4 de l’article 4 de la directive (UE) 2015/2366.
« IV. – Les prestataires de services sur actifs numériques établissent et maintiennent des procédures efficaces et transparentes pour le traitement rapide, équitable et cohérent des réclamations des clients.
« Les clients peuvent introduire des réclamations gratuitement auprès des prestataires de services sur actifs numériques.
« Les prestataires de services sur actifs numériques élaborent et mettent à la disposition de leurs clients un modèle de réclamation standard et conservent un enregistrement de toutes les réclamations reçues et des mesures prises à leur sujet.
« Les prestataires de services d’actifs numériques examinent toutes les réclamations dans les meilleurs délais et de manière équitable, et communiquent les résultats de cet examen à leurs clients dans un délai raisonnable.
« V. – Les prestataires de services sur actifs numériques maintiennent et appliquent une politique efficace de prévention, de détection, de gestion et de communication des conflits d’intérêts entre eux-mêmes et :
« 1° Leurs actionnaires, ou toute personne directement ou indirectement liée à eux par une relation de contrôle ;
« 2° Leurs dirigeants et salariés ;
« 3° Leurs clients, ou entre deux de leurs clients.
« Les prestataires de services sur actifs numériques communiquent à leurs clients et à leurs clients potentiels la nature générale et les sources des conflits d’intérêts, ainsi que les mesures prises pour les atténuer. Les prestataires de services sur actifs numériques publient ces communications sur leur site web, à un endroit bien visible.
« Les communications visées à l’alinéa 5 du présent V sont suffisamment précises, compte tenu de la nature de chaque client, pour permettre à chacun d’entre eux de prendre une décision éclairée sur le service dans le cadre duquel apparaissent les conflits d’intérêts.
« Les prestataires de services sur actifs numériques évaluent et réexaminent au moins une fois par an leur politique en matière de conflits d’intérêts et prennent toutes les mesures appropriées pour remédier à d’éventuelles défaillances.
« VI. – Les prestataires de services sur actifs numériques sont tenus d’établir un plan de transition présentant les moyens et actions engagés pour se mettre en conformité avec les dispositions de la proposition de règlement (UE) 2020/0265 du Parlement européen et du Conseil relatif aux marchés de crypto-actifs, et modifiant la directive (UE) 2019/1937. Ce plan de transition est mis à jour et communiqué à l’Autorité des marchés financiers tous les six mois à compter de l’enregistrement. Il précise, le cas échéant, les actions mises en œuvre depuis le précédent plan. »

II. – Un décret précise les modalités d’application du présent article.

Exposé sommaire :

Cet amendement de réécriture globale de l’article 5 bis a pour objectif d’accompagner le secteur des crypto-actifs vers le règlement européen MiCA (Markets in Crypto-Assets) à venir, en répondant de manière plus adaptée aux objectifs de protection des épargnants et de rétablissement de la confiance sur ces marchés, sans pour autant brider l’innovation.

Il s’agit de renforcer l’encadrement des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) en les soumettant aux obligations qui constitueront demain, des prérequis communs à l’ensemble d’entre eux pour être en conformité avec la réglementation européenne :

_ L’obligation d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle au mieux des intérêts des clients, et informations à fournir aux clients ;

_ La communication d'informations prédéfinies à leur autorité de tutelle ;

_ Des exigences en matière de conservation des actifs numériques et des fonds des clients ;

_ Une procédure de traitement des réclamations ;

_ Une politique interne de prévention, détection, gestion et communication des conflits d’intérêts ;

_ En complément, il est demandé aux entreprises de remettre à l’Autorité des marchés financiers un rapport expliquant comment elles comptent se conformer à la réglementation européenne d’ici son entrée en application. Un bilan des actions effectivements mises en place devra en outre être communiqué par l’entreprise tous les six mois à son autorité de tutelle.

Une telle proposition semble plus adaptée que l’article 5 bis tel qu’adopté par le Sénat, visant à rendre l’agrément français obligatoire (alors que la loi Pacte l’avait voulu optionnel), ce qui pose à ce stade plusieurs problématiques :

Premièrement, à l’heure actuelle, l’agrément est en pratique difficile, voire impossible à obtenir pour de petites et moyennes entreprises qui constituent l’industrie des actifs numériques et qui peinent – entre autres – à se procurer le contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle requis. Or, cette assurance est indispensable pour des entreprises en lancement, dont on ne pourrait pas attendre qu’elles se reposent entièrement sur leurs fonds propres (alors même que les entreprises bien établies sur les marchés classiques combinent fonds propres et assurances). La même problématique se pose pour les exigences en matière de système de cybersécurité. Le calendrier acté par l’Union européenne apparaît à ce titre nécessaire afin de trouver les solutions pratiques afin de lever ces blocages et permettre aux entreprises d’être en mesure d’aller au bout de leur demande d’agrément.

En outre, les autorités ont elles-mêmes besoin de temps pour se préparer à la réglementation européenne à venir l’année prochaine. À ce jour, le délai d’enregistrement d’un PSAN est de 10 mois en moyenne, mais il n’est pas rare que des prestataires expérimentent des délais bien plus longs. Rendre l’agrément issu de la loi Pacte obligatoire, dont la procédure est plus lourde et qui ne correspondra pas en tout point à celle de l’agrément MiCA, contribuera nécessairement à alourdir la charge de travail de l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui pourrait autrement se préparer à l’arrivée de l’agrément MiCA en 2024. Un renforcement des effectifs est un prérequis indispensable à défaut duquel les entreprises ne pourront être autorisées dans des délais raisonnables et par conséquent démarrer leur activité. Il peut par ailleurs sembler improductif de tout miser aujourd’hui sur le régime d’agrément français, quand ce dernier sera nécessairement remis en cause quelques mois plus tard par MiCA, dont il faut encore attendre la finalisation des textes réglementaires par les autorités communautaires.

Deuxièmement, rendre l’agrément français entièrement obligatoire tandis que les autres pays de l’Union européenne s’orientent vers MiCA selon le calendrier prévu s'avérerait inefficace pour atteindre l’objectif de protection des consommateurs.

Tout d’abord parce que les utilisateurs français ont peu d’indications leur permettant de différencier les acteurs conformes des acteurs non conformes. Selon une étude Adan-KPMG–Ispos publiée en février 2022, seuls 9% souhaitant investir dans les crypto-actifs connaissent le régime d’enregistrement PSAN. Rien n’indique qu’un passage à un agrément obligatoire permettra davantage d’orienter les Français vers des prestataires vertueux.

Les citoyens français font d’ailleurs régulièrement appel aux services des prestataires étrangers qui ne respectent pas nécessairement la réglementation nationale et qui, pour autant, restent accessibles. Ce fut le cas de la plateforme FTX qui n’a pas fait la démarche de s’enregistrer auprès de l’AMF en France, et qui recourait toutefois à des méthodes marketing agressives afin de capter ce marché. Une telle situation révèle un manque de contrôle, de supervision et de sanctions des acteurs non enregistrés, lié au manque de ressources humaines susmentionnées qui soient dédiées à ces questions au sein des autorités de tutelle. Le passage accéléré à un agrément obligatoire ne laisse ainsi pas présager ni une amélioration de la supervision des acteurs non régulés ni une application universelle des règles par les acteurs, ni une meilleure protection des investisseurs.

Cette brèche est encore accentuée par le principe de “sollicitation inversée”, qui dispense un prestataire étranger de s’enregistrer aujourd’hui et de s’agréer demain, si l’entreprise ne sollicite pas “activement” l’utilisateur. Or, dans un monde numérique tel que celui des actifs numériques, il est très difficile d’établir juridiquement que l’entreprise a sollicité les utilisateurs et en pratique d’agir à son encontre en dehors de nos frontières. Des abus sont déjà constatés par des acteurs contournant la réglementation française par ce prétexte.

Les prestataires de services qui sont autorisés sous des dispositifs nationaux à l’entrée en application de MiCA, bénéficieront d’une période de tolérance de 18 mois durant laquelle ils pourraient exercer en attendant d’obtenir l’agrément européen. Si l'objectif est d’empêcher que trop de prestataires de services ne s’enregistrent en France de manière opportuniste afin de bénéficier de ce régime de tolérance au délai de tolérance, il faut rappeler trois points clés : il suffirait pour les prestataires de s’enregistrer dans un autre État membre pour bénéficier du même délai de tolérance ; changer la date d’entrée en application de l’agrément obligatoire n'empêchera pas la potentielle apparition de pratiques opportunistes, qu’elles interviennent tôt ou tard ; le secteur et l’innovation sont jeunes et en plein développement, on ne peut - par défaut - prêter de mauvaises intentions à ceux qui souhaiteront s’enregistrer au delà de 2023.

C’est à ce titre que le présent amendement permet aux entreprises de continuer à se lancer en France et exercer leurs activités dès lors qu’elles sont enregistrées auprès de l’Autorité des marchés financiers, tout en leur demandant des obligations renforcées et conformes à ce qui leur sera demandé au niveau européen dont on peut pragmatiquement attendre qu’elles pourront s’y conformer par anticipation car il n’existe pas d’obstacles pratiques à ces obligations.

In fine, cette proposition - tout en favorisant l’émergence d’acteurs plus sûrs et solides - n’omet pas l'impérative nécessité d’accompagner le développement d’une industrie forte et compétitive en France. L’enjeu est donc de créer une concurrence domestique crédible, mais encadrée et supervisée, vers laquelle le public français européen et même mondial préfèrera se tourner car alliant compétitivité et sécurité pour les utilisateurs. La réglementation doit accompagner cette démarche.

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