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Jean-Yves Bony
Question N° 1988 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 11 octobre 2022

M. Jean-Yves Bony appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les inquiétudes des agriculteurs cantaliens face à la prolifération de rats taupiers. Les méthodes de lutte employées actuellement semblent inefficaces face à l'ampleur du fléau et les dégâts provoqués par les campagnols, en phase de pullulation, impactent fortement les exploitations agricoles concernées. À ce fléau s'ajoute la présence de prédateurs tels que le loup ou le vautour fauve, qui menacent de plus en plus dans les régions d'élevage comme le Cantal. Cet été, le loup a rôdé en Margueride cantalienne et attaqué plusieurs troupeaux. Cette colonisation des territoires par la population lupine conduit à une explosion des attaques sur les troupeaux et il est grand temps de prendre des mesures adéquates pour préserver et protéger les territoires. Quant aux vautours, ils demeurent une menace pour les velages et les animaux fragiles. Si ces rapaces sont toujours des équarisseurs naturels des troupeaux dans les massifs, leur présence plus prégnante sur l'Aubrac, la Margeride, le Cezallier interroge et inquiète. Force est de constater que, malgré une mobilisation des services départementaux de l'État sur le sujet, des solutions peinent à être trouvées. Il est grand temps de donner à tous les éleveurs et les agriculteurs de réels moyens pour défendre leurs animaux et leurs exploitations. Il lui demande de lui préciser les mesures que le Gouvernement entend prendre de façon radicale pour éradiquer les rats taupiers des campagnes, car jusqu'à ce jour aucune solution durable n'a pu être mise en place pour éviter leur prolifération. Par ailleurs, à la veille du Plan national quinquennal sur le loup, il lui demande de lui indiquer les dispositions qui seront prises pour protéger les éleveurs contre de telles attaques. Il ne faut pas oublier qu'à la prédation du loup se sont ajoutées celles d'autres prédateurs comme le vautour fauve. La tension est palpable sur le terrain et les éleveurs n'en peuvent plus de vivre dans un quotidien rythmé par la peur de découvrir leurs troupeaux décimés.

Réponse émise le 14 mars 2023

La lutte collective contre les campagnols est essentielle pour préserver la qualité des prairies. Elle suppose une implication pleine et entière de tous les acteurs : agriculteurs, organisations consulaires, réseaux de surveillance et de lutte sanitaire, et services de l'État. À ce titre, faisant le constat des résultats obtenus dans d'autres parties du territoire national, l'État a renforcé les moyens dédiés à cette lutte collective en Auvergne-Rhône-Alpes, en s'appuyant sur le réseau des chambres afin de garantir une meilleure synergie des acteurs impliqués. Cette lutte collective se révèle la plus efficace lorsque la population de rongeurs est de basse densité, avant la phase de pullulation. En effet, la population progresse de façon exponentielle lorsque la phase initiale n'est pas correctement maîtrisée, et seul le déclin naturel peut alors inverser la courbe. Le ministère chargé de l'agriculture accompagne les agriculteurs en cas de dommages causés par les campagnols terrestres de plusieurs façons. L'État contribue ainsi chaque année au fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), à hauteur de 65 % du montant des indemnisations versées aux agriculteurs selon le coût des mesures de lutte. Les mesures de lutte pouvant être indemnisées par le FMSE concernent l'utilisation de produits phytosanitaires, la mise en place de pièges, la destruction des réseaux de galeries souterraines des ravageurs, ainsi que la mise en place d'équipements favorisant la présence de prédateurs naturels du campagnol. Cette contribution représente une enveloppe de plus de 5 millions d'euros (M€) depuis 2016. Concernant l'indemnisation pour pertes de récolte, un programme d'indemnisation au titre des pertes subies a été mis en place à ce jour, en 2016, pour les éleveurs du Cantal et du Puy-de-Dôme. L'aide publique consacrée aux nouvelles méthodes de lutte contre le campagnol et de préservation de la faune sauvage s'élève à 1,9 M€ pour la période 2016-2022. Ce financement porte notamment sur les projets en cours suivants : - projet « PHEROCAMP » : étude de la communication phéromonale chez le campagnol terrestre - application au contrôle des populations par piégeage (INRAE Tours) ; - projet « CONTRACAMP » : régulation des populations du campagnol terrestre par une approche vaccinale d'immuno-contraception (Université Clermont Auvergne) ; - étude sur les préférences alimentaires du campagnol terrestre et identification de la flore prairiale favorable à son installation et aux pullulations (VetAgroSup). Concernant le loup, il s'agit d'une espèce « strictement protégée » au titre de la convention de Berne et de la directive européenne « habitats, faune, flore », mais son expansion dans un contexte d'activités pastorales remet en question la vitalité de certains territoires. La politique mise en œuvre dans le cadre du plan national d'actions (PNA) pour le loup et les activités d'élevage 2018-2023 vise à concilier un double impératif : d'une part, assurer les engagements en terme de protection du loup et, d'autre part, permettre au pastoralisme d'atteindre ses objectifs économiques, garantir l'aménagement des espaces ruraux et le lien social indispensable à la vie des territoires. En premier lieu, il convient d'observer que malgré l'augmentation de la population lupine et son expansion géographique (924 individus en sortie d'hiver 2022 contre 783 en 2021), les efforts menés ont permis une stabilisation des dommages aux troupeaux depuis 2019 (10 826 victimes en 2021 contre 12 451 en 2019). Ce bilan conforte l'importance des actions historiquement menées en matière de protection des troupeaux. L'État accompagne financièrement les éleveurs pour la mise en place de mesures de protection des troupeaux (aide au gardiennage par les bergers, achat de clôtures, achat en entretien de chiens de protection, accompagnement technique) dans le cadre de la mesure prédation relevant de la politique agricole commune (PAC). En 2021, 30,42 M€ ont été engagés afin d'aider un peu plus de 3 000 éleveurs. Un dispositif d'accompagnement technique des éleveurs a été ouvert en 2018 en vue d'optimiser l'efficacité des moyens de protection. Cette mesure a été principalement utilisée pour accompagner les éleveurs à la mise en place et à l'utilisation des chiens de protection grâce à des conseils personnalisés et des formations collectives. Ils ont ainsi pu bénéficier des savoirs et savoir-faire du réseau national d'expertise sur les chiens de protection mis en place courant 2018 et désormais bien implanté. Par ailleurs, depuis 2020, un soutien plus important a été mis en place pour les éleveurs situés dans les foyers de prédation grâce au déplafonnement des dépenses de gardiennage par des bergers salariés ou prestataires et, pour ceux situés en front de colonisation, les éleveurs ont été nouvellement éligibles à l'aide pour l'acquisition, l'entretien et la formation à l'utilisation des chiens de protection. Par ailleurs, un échantillon de 200 élevages fortement prédatés fait l'objet d'expertises et d'un accompagnement spécifique. Enfin, des brigades de bergers mobiles sont déployées dans les parcs nationaux alpins afin de venir prêter main forte aux bergers en difficulté. En matière d'indemnisation des dommages, 3,49 M€ ont été versés en 2021 en réponse à 3 537 constats d'attaques. Pour réduire la pression de prédation sur les troupeaux et tenir compte de la dynamique démographique du loup, le Gouvernement met également en œuvre une politique de tirs dérogatoire à l'interdiction de destruction de l'espèce prévue par le cadre européen. Depuis, 2020, le plafond est fixé à 19 % de l'effectif estimé, en se fondant sur les données du suivi hivernal de la population de loups fournies par l'office français de la biodiversité (OFB). Ce cadre d'intervention prévoit la possibilité d'un plafond supplémentaire de 2 % si le seuil de 19 % venait à être atteint avant la fin de l'année, afin de permettre la poursuite des tirs de défense simple toute l'année pour défendre des troupeaux. Pour l'année 2022, 168 loups ont été détruits dans ce cadre sur un plafond maximum de 174. En 2021, 106 loups avaient été prélevés dans le cadre d'un plafond de 118 individus. Une gestion maîtrisée de ce plafond permet de cibler les prélèvements vers les loups en situation d'attaque et les foyers de prédation. En 2022, au-delà des actions historiques, conscient des conséquences de l'augmentation de la population lupine, des pistes de progrès ont été identifiées et des nouvelles actions ont été lancées. Dans le cadre de la nouvelle PAC 2023, le dispositif d'aide à la protection des troupeaux est conservé et intègre des adaptations visant à mieux couvrir les besoins identifiés par les éleveurs, notamment pour les élevages situés dans des foyers de prédation et en zone de plaine. Concernant le suivi de la population de loups, des efforts de formation des acteurs du réseau de collecte ont été développés afin, d'une part, de mieux faire connaître et reconnaître la méthode utilisée, identifiée par la Commission européenne comme l'une des plus complètes et efficaces en Europe, et d'autre part, de renforcer la confiance en l'Office français de la biodiversité (OFB), opérateur compétent en la matière qui mobilise un réseau de près de 4 000 correspondants en France.  En complément de la constitution d'un réseau d'expertise sur les chiens de protection piloté par l'institut de l'élevage visant à conseiller et former des éleveurs à leur utilisation, des travaux ont été engagés pour mettre en place une « filière » chiens de protection. Il s'agit du recensement et de la caractérisation des chiens en activité pour pouvoir disposer, à terme, d'un outil de sélection des reproducteurs, ainsi que de la mise en place d'un réseau d'éleveurs naisseurs. En parallèle, un meilleur suivi des incidents impliquant les chiens de protection a été mis en place depuis l'été 2021. Le sujet de la révision du statut de « protection stricte » du loup dans les textes internationaux constitue une demande régulière des représentants du monde de l'élevage en tant que solution permettant de mieux réguler la population de loups dans un contexte de forte croissance de l'espèce. Cette préoccupation est partagée par d'autres états membres européens. La perspective d'un déclassement du loup dans les textes internationaux s'avère cependant un objectif d'une part difficilement atteignable compte tenu des règles de décisions et d'autre part qui ne lèverait pas l'obligation de maintenir l'espèce dans un bon état de conservation régie par la règlementation européenne. Pour permettre aux États membres d'organiser au mieux la coexistence entre activités d'élevage et présence du loup, la France défend le principe selon lequel le cadre européen, en particulier le guide interprétatif de la directive habitat doit pouvoir donner aux États membres la flexibilité nécessaire. Par ailleurs, elle souhaite que soit mis en place une réflexion prospective sur les conditions permettant de caractériser le bon état de conservation de l'espèce à l'échelle européenne.  Dans ce contexte, l'élaboration du futur PNA vont très prochainement faire l'objet de discussions avec les organisations professionnelles agricoles et les associations de protection de l'environnement sous l'égide du préfet coordonnateur du plan loup. Elles seront soumises au groupe national loup et activités d'élevage. L'objectif est de conserver un esprit de dialogue et de concertation avec l'ensemble des parties prenantes et de parvenir à un traitement équilibré du dossier au regard des différents enjeux.

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