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Andrée Taurinya
Question N° 2947 au Ministère de la culture


Question soumise le 8 novembre 2022

Mme Andrée Taurinya alerte Mme la ministre de la culture sur le caractère systémique des cumuls d'emploi, de rémunération et de retraite illégaux au sein des écoles nationales d'architecture. Conformément au code de la fonction publique, l'exercice de la profession d'architecte par des fonctionnaires enseignants-chercheurs sous forme de société à but lucratif est interdit, sauf à exercer sous la forme des sociétés d'exercice libéral. Des relances rappelant le caractère illégal de l'exercice des fonctions de direction ou d'associé au sein de sociétés commerciales ont été faites. On constate cependant des situations irrégulières dans les ENSA, où cette règle est souvent transgressée, parfois de façon massive : certains fonctionnaires dirigent plusieurs sociétés à caractère commercial, compris sans lien avec leur fonction d'architecte ; d'autres occupent, sans autorisation préalable et sans aucun contrôle, deux emplois à temps plein dans des établissements différents ; d'autres enfin cumulent l'ensemble de ces situations. L'administration accepte par son immobilisme les cumuls hors règles et sans limites. C'est un constat très choquant lorsque l'on sait la grande précarité dans laquelle les jeunes chercheurs et les enseignants évoluent aujourd'hui et, plus largement, lorsque l'on connaît l'investissement professionnel de nombreux agents entièrement dévoués à leur fonction. Malgré les alertes faites depuis de nombreuses années sur l'irrespect de ces règles, Mme la députée constate que les services du ministère de tutelle ont refusé jusqu'ici de prendre les mesures d'inspection - voire de sanction - qui s'imposaient. L'administration semble ainsi se refuser à assurer le respect du droit de la fonction publique et l'équité parmi ses personnels. En confortant les mandarinats, ce refus d'agir décourage au plus haut point les agents en situation régulière. En tolérant ces abus et cumuls scandaleux et massifs dans les ENSA, en refusant d'appliquer ou de clarifier les règles, l'administration met en danger la présence même - pourtant indispensable - des professionnels dans l'enseignement. Ces pratiques illégales parasitent le fonctionnement des ENSA : elles paralysent l'exercice plein et entier des fonctions d'enseignants-chercheurs. Il est temps de les faire cesser. Elle espère qu'elle usera sans délai de son pouvoir d'enquête et enjoindra à ses agents de se mettre en conformité avec les articles L. 123-1 et suivants du code général de la fonction publique, précisément, les articles L. 123-3 et L. 122- 7 concernant les enseignants-chercheurs des écoles d'architecture, ainsi qu'avec l'article 11 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique.

Réponse émise le 25 avril 2023

Les écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) sont des établissements qui ont vocation à former de futurs professionnels de l'architecture, mais aussi à conduire des travaux de recherche. De ce fait, il est important que les enseignants, professeurs et maîtres de conférence, aient pour certains des compétences académiques solides et pour d'autres, notamment pour ce qui concerne l'enseignement du projet, des compétences professionnelles reconnues, exercées en leur nom propre. Ces deux types d'enseignants ont depuis 2018 des statuts harmonisés d'enseignant-chercheur des ENSA, définis par le décret n° 2018-105 du 15 février 2018. Le statut des enseignants au profil académique qui converge peu à peu avec celui des enseignants des universités, leur permettra à terme une évolution favorable de leurs carrières. Les enseignants qui ont une expérience pratique en architecture, nécessaire pour maintenir la dimension professionnalisante de la formation, ont aussi un statut d'enseignant-chercheur. Ce cumul d'activité est prévu par le code général de la fonction publique, notamment son article L. 123-3 : « L'agent public membre du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement (…) peut exercer les professions libérales qui découlent de la nature de ses fonctions ». La notion de « profession libérale » vient d'être précisée dans l'article 1 de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées : « Les professions libérales réglementées groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité ayant pour objet d'assurer, dans l'intérêt du client, du patient et du public, des prestations mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées. Ces professions sont soumises à un statut législatif ou réglementaire ou leur titre est protégé. Elles sont tenues, quel que soit le mode d'exercice de leur profession et conformément aux textes qui régissent son accès et son exercice, au respect de principes éthiques ou d'une déontologie professionnelle susceptibles d'être sanctionnés par l'autorité compétente en matière disciplinaire. » La suite de l'ordonnance définit les différentes formes d'exercice de ces professions, notamment celles des sociétés qu'elles peuvent adopter. L'exercice en société d'un enseignant-chercheur praticien des ENSA ne remet pas en cause la nature libérale de sa profession, qui permet l'application de l'article L. 123 3 du code de la fonction publique. Enfin, le collège de déontologie du ministère de la culture suit ces questions de cumuls d'activité et un référent « déontologie » a été nommé dans chaque ENSA.

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