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Emmanuel Fernandes
Question N° 3592 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 29 novembre 2022

M. Emmanuel Fernandes appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la dramatique situation des personnels de l'éducation nationale en situation de handicap. M. le député, après avoir consulté des associations, considère qu'il y a urgence : manque de dialogue, manque de moyens, manque d'adaptation pour les personnels, manque - voire absence - de perspectives pour ceux et celles qui travaillent pour l'éducation et qui sont en même temps handicapés, voilà le triste bilan pour une école de la République, en principe inclusive et ouverte. Le temps doit être à l'action. Premièrement, le temps du dialogue doit advenir : les associations demandent à être auditionnées, elles n'ont reçu - pour le moment - rien d'autre que de l'ignorance. M. le député demande à M. le ministre si un agenda a été défini pour que ces associations puissent, enfin, être écoutées. Deuxièmement, il est temps de mettre les moyens pour que les personnes soient correctement accompagnées : elles manquent de médecin de prévention - envion 80 pour la France entière - il y a insuffisamment de formation pour les chefs d'établissements pour qu'ils aient les outils pour travailler avec les personnels en situation de handicap. On constate parfois une absence de budget pour financer les allègements de service, ce qui rend leurs applications impossibles. M. le député ajoute à ces éléments le fait qu'on constate une absence de compensation des temps partiels ; ce phénomène est d'ailleurs global au secteur public, pas uniquement à l'éducation nationale. Pourtant, la compensation des temps partiels, c'est la norme dans le secteur privé. Pour illustrer ces manques, M. le député a pu apprendre qu'il fallait - par exemple - attendre parfois plus de six mois pour avoir un siège ergonomique à destination des personnes qui le demandent. De là, comment le ministre compte-t-il faire pour que ces situations disparaissent ? Troisièmement, dans un souci d'égalité et de fraternité-sororité, il est temps que l'éducation nationale prévoie des moyens pour que le travail et le bâti scolaire soient adaptés aux personnes en situation de handicap. En effet, M. le député a pu voir qu'il y a, dans tel ou tel établissement, des problèmes matériels d'adaptation des postes de travail aux personnes en situation de handicap. Aussi, les allègements de service - pourtant nécessaires - sont accordés de manière exceptionnelle. De plus, le changement d'administration est presque impossible, tout comme le changement de poste au sein de l'éducation nationale pour avoir un nouveau poste moins exposé aux problématiques que rencontrent les personnels en situation de handicap. S'il est vrai que des postes au Centre national d'étude à distance (Cned) sont ouverts à destination des personnels en situation de handicap, leur nombre est très insuffisant et comme le dit le rectorat - cité par Médiapart dans un article publié le 6 novembre 2022 : « Le dispositif d'affectation sur des postes adaptés est une aide temporaire aux personnels en difficulté de santé, dans la perspective d'une reprise des fonctions initiales ou de la préparation d'une reconversion professionnelle ». Par conséquent, le changement de poste est « temporaire », le personnel a vocation soit à revenir au poste précédent, soit à quitter l'éducation. Plus que de s'adapter à eux, l'éducation nationale préfère laisser partir les personnels handicapés. Par la suite, le journal en ligne précise que le Cned use et abuse de méthode d'organisation inspirée du travail à la chaîne, source de stress et cite deux chercheurs, Frédéric Grimaud et Laurence de Cock, qui affirment que le Cned est « un laboratoire du management néolibéral dans l'éducation nationale ». Alors, quand est-ce que M. le ministre compte enclencher un processus d'adaptation de l'école à toutes et tous ? Comment M. le ministre compte-t-il faire pour que les allègements de service soient davantage accordés ? Comment M. le ministre compte-t-il rendre les méthodes de travail plus humaines et davantage sources d'épanouissement ? Enfin, il y a un manque de perspective pour les personnels concernés : souvent dotés de postes à mi-temps sans compensations, les personnels en situation de handicap ont des salaires très bas et donc des cotisations retraite très frugales. Aussi, en raison des arrêts maladies, du jour de carence, sont retirés du salaire des montants importants. L'avancement dans les carrières se voit - pour les mêmes raisons - être ralenti. Alors que salaires sont bas et que le principe du « travailler plus pour gagner davantage » est mis en exergue par la gouvernance de l'éducation nationale, la situation des personnels en situation de handicap est oubliée puisque « travailler plus » relève de l'impossible pour eux et elles. Quelles sont les mesures que M. le ministre compte prendre pour tarir ces injustices ? Pour conclure, M. le député tient à nouveau à souligner l'urgence de la situation : les personnels sont en détresse psychologique, physique, épuisés par l'absence de considération, d'écoute des autorités, parfois de marginalisation dans la sphère du travail et d'attitudes discriminatoires de la part de leur institution. M. le député demande quand et comment M. le ministre pense agir pour que la bienveillance soit au cœur de l'institution qu'il dirige. M. le député demande à savoir les modalités de la mise en place, par le ministre, d'un cadre de dialogue avec les représentants de ces personnels, le déploiement de moyens supplémentaires importants pour répondre aux besoins. Pour finir, il lui demande comment il compte apporter de la considération à l'égard de ces personnes.

Réponse émise le 12 décembre 2023

Le ministère chargé de l'éducation nationale et de la jeunesse développe, depuis plusieurs années, une politique volontariste en matière d'accueil, de recrutement et de maintien dans l'emploi des personnels en situation de handicap ou confrontés à des difficultés de santé. Cette politique fait porter ses efforts sur les points suivants : - Un mouvement de transformation en profondeur de la politique de gestion des ressources humaines du ministère : Depuis la mise en place du Grenelle de l'éducation et en lien avec les évolutions réglementaires intervenues ces trois dernières années, notamment avec les dispositions de la loi n° 2019-828 de transformation de la fonction publique, un ensemble de mesures visant à transformer en profondeur la gestion des ressources humaines et l'accompagnement des situations les plus complexes a été développé au sein du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Plusieurs exemples peuvent être cités : la définition des feuilles de route RH, la constitution d'un réseau de conseillers RH de proximité, le déploiement progressif de « groupes d'appui RH » dans toutes les académies et au sein de l'administration centrale visant à l'accompagnement des situations les plus complexes, par un regard croisé des différents experts ayant à intervenir dans l'accompagnement des situations sous le pilotage des directeurs des ressources humaines. Plus particulièrement, les groupes d'appui RH, en tant qu'instance pérenne et régulièrement réunie, permet l'identification de solutions graduelles, coordonnées entre les différents acteurs et adaptées à la situation de la personne, selon une logique de gestion plus qualitative des ressources humaines. A cet égard, la mise en place de parcours professionnels en faveur des personnels bénéficiaires de l'obligation d'emploi (BOE) constitue un des leviers de la politique de gestion des ressources humaines du ministère, visant à permettre la promotion de certains personnels en situation de handicap ou rencontrant des difficultés de santé au cours de leur carrière, par la mise en oeuvre de dispositifs novateurs et spécifiques (par exemple, les nouveaux dispositifs RH issus de ladite loi de transformation de la fonction publique).  - La préparation du nouveau plan ministériel 2023-2027 : En concertation avec les différents acteurs de la « fonction handicap » le nouveau plan ministériel 2023-2027 s'inscrit dans la continuité des principes de la circulaire du premier ministre du 17 novembre 2020 relative à la « mobilisation interministérielle pour un État plus inclusif », en convergence également avec la démarche de labellisations « Egalité » et « Diversité » (obtenus par le ministère en 2022) : il vise à soutenir les actions en vue d'améliorer l'accompagnement des agents en situation de handicap, en facilitant leurs démarches, et à approfondir, sur le fondement de l'article 92 LTFP et de la circulaire DGAFP du 17 mars 2022 « relative à la mise en place de la fonction de référents handicap dans la fonction publique d'État », la professionnalisation des acteurs intervenant dans la prise en charge de ces situations. Il s'agit de favoriser, autour du correspondant handicap, la synergie de travail entre les différents partenaires en interne au-delà du réseau des correspondants handicap et en externe à l'éducation nationale, en s'appuyant notamment sur les organismes partenaires (FIPHFP, Cap Emploi) ainsi que sur les organisations syndicales et le tissu associatif. Afin d'assurer un dialogue constant, une écoute des usagers est mise en place, en vue de permettre de mieux prendre en compte les difficultés rencontrées par les personnels, et d'identifier des solutions pérennes, dans une logique d'égalité de traitement entre les agents sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, depuis avril 2022, plusieurs associations ont été rencontrées par la DGRH, en préparation du plan ministériel. La question de la sensibilisation, de l'information et de la formation au handicap est une thématique centrale, l'une des trois « missions » des correspondants handicap. Ainsi, les modules d'auto-formation proposés à destination des personnels d'encadrement pour un recrutement sans discrimination et favoriser l'accueil des personnes en situation de handicap lancés lors de la SEEPH 2021 seront approfondis et enrichis à l'occasion du prochain plan, grâce à la mise en place d'une équipe ressource nationale, chargée d'élaborer et de développer les contenus de formation à diffuser dans les académies. - Des moyens approfondis pour le développement d'une politique handicap ambitieuse pour les personnels : Si les moyens assumés en propre par l'employeur constituent désormais la source principale du financement de cette politique, ils peuvent venir également en cofinancement de la part versée par le FIPHFP, dans un budget dédié à la politique handicap : ces deux sources de financement devraient permettre à l'avenir d'assurer toute l'année la disponibilité des crédits nécessaires, notamment pour la mise en place des aménagements de poste. Il convient toutefois d'attirer l'attention sur le fait qu'il peut exister un délai incompressible de mise en oeuvre de certains aménagements, lié notamment à la fabrication, à la livraison et à l'installation adaptée des matériels. L'existence de dispositifs spécifiques propres à l'éducation nationale allègements de service et postes adaptés doit être soulignée. Le ministère a créé en 2007 ces dispositifs dédiés aux personnels d'enseignement, d'éducation et d'orientation, population largement majoritaire en nombre au sein du ministère, pour répondre à leurs besoins, compte-tenu des spécificités liées aux missions qu'ils assurent et à la responsabilité qui leur incombe en matière d'encadrement des élèves. Cette dernière mission nécessite qu'ils disposent de leurs pleines capacités et aptitudes pour assurer notamment la sécurité des élèves. Ainsi, ces dispositifs viennent en complément des dispositifs de droit commun existants et ne sont pas constitutifs de droits acquis au sens de l'article L.131-8 CGFP (réf ex art. 6 sexies L.83-634) : ils constituent une réponse spécifique du ministère, parmi un ensemble de mesures, pour maintenir dans l'emploi les personnels concernés, en proposant des solutions transitoires aux agents rencontrant des problèmes de santé au cours de leur carrière. Ainsi, ils ne peuvent représenter à eux seuls des solutions pérennes de compensation du handicap. D'année en année, le ministère maintient son engagement à l'égard des allègements de service, en permettant aux bénéficiaires de disposer d'un service allégé à hauteur du tiers de leurs obligations de service, tout en étant rémunérés à temps complet. Ainsi, en 2021, ces allègements représentent un coût constant annuel d'environ 30 M€, et ont bénéficié à 3 353 enseignants pour 15 102,5 d'heures hebdomadaires accordées ; il convient d'ajouter à ce coût celui (non évalué) de la rémunération des contractuels devant assurer les heures non effectuées par les titulaires. Les postes adaptés sont également entièrement gérés par les académies et permettent à un enseignant de bénéficier d'une affectation différente, alors même qu'il rencontre une situation de handicap ou des difficultés de santé ; l'objectif est de maintenir dans l'emploi l'agent concerné, pendant cette période et avant qu'un retour aux fonctions initiales ne soit possible, ou d'envisager pour la personne un projet de reclassement professionnel, dans l'éventualité d'une inaptitude prévisible ou confirmée. A la rentrée 2021, ce sont 2 247 enseignants qui en bénéficiaient, dont environ 65 % bénéficiaires de l'obligation d'emploi (BOE). Cet effort est intégralement supporté sur ressources propres, le FIPHFP ne prévoyant pas de financement en matière de rémunération pour ce type de dispositif. De plus, le ministère est très attentif au suivi des agents en poste adapté au CNED, et réalise, à ce titre, des réunions bilatérales régulières entre les services du CNED et ceux de la DGRH (Mission handicap inclusion professionnelle).

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