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Benjamin Saint-Huile
Question N° 4123 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 20 décembre 2022

M. Benjamin Saint-Huile alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation préoccupante de l'agriculture biologique française et plus particulièrement de la filière laitière. Depuis des années et de manière intensive depuis 2018, l'État a invité, en y apportant un soutien financier notable, l'ensemble des agriculteurs à se convertir à l'agriculture biologique, menant ainsi à un doublement de la consommation biologique entre 2015 et 2020. Sur le territoire de l'Avesnois, dans le département du Nord, la filière du lait biologique connaît ainsi un réel succès avec un peu plus de 120 exploitations qui représentent à elles seules 80 % de la production laitière biologique de la région Hauts-de-France. Cette conversion, indispensable afin d'atteindre les objectifs environnementaux nationaux et internationaux de la France, se trouve aujourd'hui fragilisée par une série de crises et de défaillances. Alors que la quantité de lait produite dépend de la production d'herbe, la sécheresse a entraîné une perte de 10 à 20 % de la production, alors même que la consommation de production biologique ne cesse de baisser depuis la crise sanitaire. Les difficultés sont telles, aggravées par la crise énergétique, que les coopératives laitières invitent à présent les exploitants à repasser en production conventionnelle et refusent de financer les surcoûts. Les agriculteurs revendent actuellement 1 000 litres de lait pour 400 euros, qui sont eux-mêmes revendus en magasins de grande distribution à 1 310 euros. Cet écart important interroge légitimement les acteurs du secteur. Leurs inquiétudes sont d'autant plus légitimes qu'il a été annoncé dans la prochaine politique agricole commune (PAC) la disparition en 2023 de la prime au maintien de l'agriculture biologique, qui est censée compenser les surcoûts liés à la mise en place opérationnelle de ces pratiques. À ce déplorable choix politique s'additionnent donc les effets conjoncturels de la sécheresse et la hausse du tarif, qui entraînent une grande fragilité de la filière. Alors que ces crises poussent de plus en plus de producteurs à repartir vers l'agriculture conventionnelle, M. le député demande donc à M. le ministre si le Gouvernement envisage un retour sous quelques formes que ce soit à une « prime au maintien » de la filière biologique. La loi EGalim promulguée en 2021 permettrait une vraie relance de cette consommation, en imposant l'introduction de 20 % de produits issus de l'agriculture biologique dans les restaurations collectives. Puisque cet objectif est aujourd'hui loin d'être atteint, il l'interroge sur les moyens de contrôle déployés au sein des DDTM (notamment en Hauts-de-France) pour vérifier la mise en place effective des dispositions EGalim par les prestataires publics comme privés de restauration collective.

Réponse émise le 31 janvier 2023

Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire suit avec attention la situation des filières agricoles et en particulier celle de la filière bovine laitière biologique. En effet, alors que la production laitière biologique a continué de progresser nettement (en hausse de 11 % en 2021 par rapport à 2020) en raison de la finalisation des importantes conversions démarrées au cours des dernières années, la demande des consommateurs en produits laitiers biologiques semble fléchir. Toutefois, la hausse de la collecte de lait biologique ralentit sur les premiers mois de 2022 (+ 2 % sur les 8 premiers mois de 2022 par rapport à la même période de 2021). En raison du déséquilibre entre l'offre et la demande, le prix du lait biologique a diminué au cours des quatre derniers mois de l'année 2021 et des premiers mois de 2022 avant de progresser de nouveau pendant l'été 2022, dans un contexte de hausse des charges des exploitations agricoles, exacerbé par les conséquences de la guerre en Ukraine. Par ailleurs, les entreprises souhaitent limiter le nombre des futures conversions et certaines d'entre elles opèrent des déclassements de lait biologique qui est alors valorisé sur d'autres marchés et moins rémunérateur pour les producteurs. Il y a donc indubitablement une part conjoncturelle importante dans cette baisse. L'objectif de développement de la production biologique, et notamment laitière, sur le moyen terme tel qu'inscrit au plan national dans le programme Ambition bio et au plan européen dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la table » reste pleinement d'actualité. Dans cette perspective, la demande en produits laitiers biologiques doit être dynamisée. Pour relancer la consommation, l'État a contribué à hauteur de 500 000 euros (€) à une campagne exceptionnelle de promotion du bio, lancée en mai 2022 par l'Agence Bio, dans le cadre du Printemps Bio 2022. Cette campagne, reprise par 8 interprofessions, vise à stimuler le « bioréflexe » chez les consommateurs en rappelant les garanties associées au mode de production biologique. L'interprofession laitière nationale, le centre national interprofessionnel de l'économie laitière, a notamment repris cette campagne en adaptant les messages aux spécificités de la filière laitière. Les sondages ont montré l'efficacité de cette campagne auprès des consommateurs. De ce fait, le ministère chargé de l'agriculture a décidé, et l'a annoncé aux Assises de la bio, d'allouer 750 000 € pour une nouvelle campagne de communication qui sera lancée début 2023. Le ministère chargé de l'agriculture va également accorder des moyens financiers supplémentaires à l'Agence Bio afin d'engager d'ici la fin de l'année des études visant à avoir rapidement une compréhension plus fine de la situation, et notamment des motifs de la diminution de la demande. Cette étude permettra de cibler la communication des prochains mois et cela servira aussi de travail préparatoire en vue de l'étude prospective qui sera menée en 2023 comme évoquée ci-après. Par ailleurs, les critères du Fonds Avenir Bio vont évoluer afin de pouvoir financer davantage de projets visant à structurer et développer l'aval, et donc les débouchés pour les filières bio. Ce fonds sera d'ailleurs augmenté de 5 millions d'euros (M€) en 2023 pour un montant total de 13 M€. En dehors de cette aide à la communication et au développement des débouchés pour la filière bio, le Gouvernement soutient les conversions en agriculture biologique et réaffirme que l'ambition française est d'atteindre 18 % de surface agricole utile en agriculture biologique d'ici 2027. Dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune 2023-2027, 340 M€ par an en moyenne seront consacrés à l'aide à la conversion à l'agriculture biologique, soit une augmentation de 36 % par rapport à 2020. Par ailleurs, les services rendus par les agriculteurs déjà convertis resteront reconnus par l'accès au niveau supérieur de l'éco-régime et par la revalorisation du crédit d'impôt bio porté à 4 500 € par an à compter de 2023 et prolongé jusqu'en 2025. Le programme Ambition bio 2018-2022 adopté en 2018 soutient le développement des filières biologiques de l'amont à l'aval et l'identification des freins techniques et réglementaires au développement du secteur. Le programme contribue à développer l'offre du bio mais aussi les débouchés et la structuration de la filière. Ce programme sera prolongé en 2023, année charnière consacrée à une réflexion sur la situation de la filière, avec notamment la réalisation d'une étude prospective pour définir des scénarios de développement du secteur bio à l'horizon 2040 et identifier des leviers d'action pour parvenir aux objectifs retenus. Ceux-ci seront retenus pour construire un programme Ambition bio 2023-2027 adapté à la situation. À moyen terme, des relais de croissance existent pour la filière lait de vache biologique, en particulier en restauration collective. Dans ce secteur, l'objectif prévu par la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous de 2018 (EGALIM 1), d'un minimum de 20 % de produits biologiques dans la restauration collective publique doit être atteint. Cette obligation a de plus été étendue par la loi « climat et résilience » (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021) à la restauration collective privée à compter du 1er janvier 2024. L'État continuera à accompagner les gestionnaires des établissements de restauration collective dans l'application de ces lois. Des mesures d'urgence de portée générale ont également été prises et bénéficient à la filière bovine laitière. Ainsi, dans l'attente de la finalisation des négociations commerciales relancées au printemps 2022 pour tenir compte de la hausse des coûts de production des éleveurs et des entreprises et pour venir en aide aux éleveurs les plus impactés par les augmentations des charges, liées à la guerre en Ukraine, le Gouvernement a annoncé le 16 mars 2022 un plan de résilience économique et sociale. Ce plan met notamment en place une mesure exceptionnelle en prenant en charge pour les éleveurs une partie du surcoût supporté pour l'alimentation de leur cheptel lié aux conséquences de la guerre en Ukraine. Dotée d'une enveloppe s'élevant jusqu'à 489 M€, y compris crédits européens, cette mesure est ciblée sur les élevages fortement dépendants d'achats d'aliments dont les élevages laitiers, qui connaissent des pertes liées à cette hausse. Cette aide, visant à couvrir ces pertes sur une durée de quatre mois (du 15 mars au 15 juillet 2022) a été ouverte jusqu'au 29 juin 2022. Un dispositif spécifique est également déployé pour les entreprises « intégrateurs » qui portent la charge financière de l'achat des aliments ainsi qu'un dispositif pour les départements d'outre-mer et la Corse. Par ailleurs, l'enveloppe des prises en charge des cotisations sociales dues par les exploitants à la mutualité sociale agricole a été abondée cette année à hauteur de 150 M€ supplémentaires (en plus de l'enveloppe de droit commun et des abondements réalisés pour prendre en compte les conséquences du gel d'avril 2021 et les annonces du 31 janvier 2022 liées à la crise porcine) pour venir en aide aux exploitations confrontées à des hausses de charges qui dégradent leur compte d'exploitation de manière significative. Les éleveurs laitiers peuvent bénéficier de ces mesures dès lors qu'ils remplissent les critères d'éligibilité.

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