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Michel Herbillon
Question N° 4166 au Ministère de la culture


Question soumise le 20 décembre 2022

M. Michel Herbillon interroge Mme la ministre de la culture sur la décision du Conseil d'État n° 45-4477 du 15 novembre 2022 visant à annuler en partie l'ordonnance du ministère de la culture du 12 mai 2021 car elle ne transposait pas le droit à une rémunération appropriée pour les artistes-auteurs et autrices. Il voudrait connaître les intentions du Gouvernement à propos de cette transposition en droit français de l'obligation européenne et il voudrait savoir les mesures envisagées pour que les artistes-auteurs et autrices soient rémunérés pour leur création de manière appropriée.

Réponse émise le 7 mars 2023

Dans sa décision n° 454477 rendue le 15 novembre 2022, le Conseil d'État s'est prononcé sur les recours visant l'ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 transposant certains volets de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (DAMUN). La Haute juridiction a rejeté l'essentiel des moyens soumis à son examen, validant ainsi la possibilité pour les organismes de gestion collective de participer, aux côtés des organisations syndicales, aux négociations professionnelles qui portent sur les conditions dans lesquelles sont gérés les droits d'exploitation cédés à des tiers. En revanche, le Conseil d'État a considéré que l'ordonnance a insuffisamment transposé l'article 18 de la directive, lequel consacre au niveau européen le principe d'une « rémunération appropriée et proportionnelle ». À cet égard, les juges ont estimé que le texte aurait dû reprendre la lettre de la directive, qui exige une rémunération « appropriée » des auteurs cédant leurs droits pour l'exploitation de leurs œuvres. Cette précision quant au caractère « approprié » de la rémunération n'avait pas été reprise par l'ordonnance. Il avait alors été considéré que le droit français garantissait d'ores et déjà une rémunération proportionnelle et appropriée aux auteurs. Le principe d'une rémunération proportionnelle des auteurs aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation de l'œuvre est, en effet, inscrit en droit français depuis 1957. En outre, le recours au droit commun des contrats, notamment à l'article 1169 du code civil qui prohibe les contreparties illicites ou illusoires, permet de garantir un certain équilibre entre les parties au contrat. De façon plus générale, la transposition de la directive DAMUN, que la France a activement contribué à faire adopter, a permis de prendre plusieurs mesures visant à améliorer la situation des auteurs au regard de leur rémunération. Le mécanisme, prévu à l'article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle (CPI), permettant à l'auteur de bénéficier d'une rémunération revalorisée en cas de lésion a ainsi été élargi à la rémunération proportionnelle. Afin de garantir l'effectivité de ce dispositif, une obligation générale de transparence, à la charge de tout bénéficiaire de contrats d'exploitation, a également été instaurée. Par ailleurs, une nouvelle disposition a été introduite dans le CPI afin de lutter contre les pratiques dites de « buy out » de certaines plateformes qui se font consentir une cession globale et définitive des droits sur les compositions musicales en contrepartie d'une rémunération forfaitaire, permise par le droit américain, mais en contrariété avec le droit français. Enfin, le recours à la négociation collective est encouragé pour conforter la mise en œuvre du droit à rémunération proportionnelle dans le secteur audiovisuel. L'articulation du principe de la rémunération proportionnelle et des mécanismes d'ajustement précités paraît ainsi à même de garantir le droit pour les auteurs de percevoir une rémunération juste et équitable. Le Conseil d'État a néanmoins jugé que ces mécanismes d'ajustement – a posteriori – en cas de rémunération exagérément faible sont insuffisants. La juridiction a estimé qu'il convenait que le CPI garantisse « d'emblée » que la rémunération des auteurs soit, de manière générale, « appropriée », en plus d'être proportionnelle. Dans un souci d'intelligibilité du droit français, la décision du Conseil d'État invite le législateur à préciser davantage les textes en vigueur, afin que le caractère « approprié » de la rémunération soit expressément prévu. Cette précision pourra être apportée à l'occasion d'une prochaine modification législative du code de la propriété intellectuelle.

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