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Barbara Pompili
Question N° 4781 au Ministère de la santé


Question soumise le 17 janvier 2023

Mme Barbara Pompili appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la question des soins sans consentement et des pratiques privatives de liberté en psychiatrie. Une récente étude publiée en juin 2022 par l'IRDES (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé), intitulée « Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre », fait en effet état d'un recours aux soins sans consentement, isolement et contentieux toujours important au sein des services psychiatriques français. Ainsi, en 2021, plus de 26 % des personnes hospitalisées à temps plein en psychiatrie auraient été pris en charge en soins sans consentement au moins une fois dans l'année. Les mesures d'isolement auraient concerné près de 29 000 hospitalisés à temps plein en psychiatrie, dont près de 85 % en hospitalisation sans consentement. Enfin, le recours à la contention mécanique concernerait environ 10000 personnes en 2021, soit plus d'une personne hospitalisée sans son consentement sur dix. Dans sa circonscription Mme la députée a pu, depuis de nombreuses années, échanger régulièrement avec les personnels hospitaliers de l'Établissement public de santé mentale de la Somme Philippe Pinel, sur les conditions d'accueil des patients, leurs conditions de travail et sur ces pratiques en particulier. Ils font état d'une amélioration positive ces dernières années, avec une adaptation des parcours de soin et l'instauration de nouvelles modalités d'accompagnement, notamment à domicile, pour les soins sans consentement. Ainsi, les soignants ont été formés à une psychiatrie plus humaine, des salles d'apaisement ont été créées afin de permettre de n'utiliser l'isolement qu'en dernier recours et des programmes de soins en ambulatoire ont été mis en place. Toutefois, tous évoquent encore une grande marge de progression et un manque de moyens financiers et humains rendant difficiles les conditions de soin. Il existe ainsi une corrélation évidente entre l'effectif de soignants et le recours à la chambre d'isolement et aux contentions. Les maladies mentales sont un des premiers postes de dépenses de l'Assurance-maladie et concernent tous les âges et toutes les situations économiques ; pourtant, les réponses thérapeutiques, financières et humaines restent encore insuffisantes. Elle lui demande donc quelles mesures il envisage de prendre pour améliorer la prévention, le traitement et le soin des personnes malades et mobiliser plus fortement les acteurs, publics et privés, en faveur de la lutte contre les maladies mentale .

Réponse émise le 18 avril 2023

Le consentement aux soins est un principe fondamental du droit de la santé. Cependant, l'une des manifestations de la maladie mentale peut être, pour la personne en souffrance, l'ignorance de sa pathologie et l'incapacité à formuler le besoin d'une prise en charge sanitaire. Ainsi, afin de garantir un accès aux soins aux personnes se trouvant dans cette situation, un dispositif d'encadrement rigoureux des « soins psychiatriques sans consentement » a été conçu, conciliant tant le besoin de soins, la sécurité des patients et des tiers, que le respect des droits des personnes malades.  L'action 22 de la feuille de route Santé mentale et psychiatrie officialisée en juin 2018, prévoit de réduire le recours aux soins sans consentement, à l'isolement et à la contention. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une politique déterminée de prévention, de réduction et de contrôle des pratiques d'isolement et de contention, partagée au niveau européen. Elle s'est traduite en France par le déploiement depuis 2016, sous l'égide du centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé (CCOMS) de Lille, de l'initiative de l'OMS Quality Rights, basée sur la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et par les travaux du comité de pilotage de la psychiatrie, puis de la commission nationale de la psychiatrie, qui ont permis d'engager un plan d'actions de réduction déterminée du recours aux mesures d'isolement, de contention et de soins sans consentement les plus attentatoires aux droits des patients. Ce plan d'action comprend 4 axes : - améliorer la qualité des données qualitatives et quantitatives sur le recours aux soins sans consentement et les pratiques d'isolement et de contention ; - identifier et diffuser les bonnes pratiques de prévention et de gestion de crise à même de réduire de façon déterminée et significative le recours à l'isolement, à la contention et aux soins sans consentement ; - encourager et faire connaître les mesures améliorant le respect des droits des patients ; - créer et installer un observatoire des droits des patients en psychiatrie et santé mentale au sein du comité national de pilotage. Il est également à noter la publication par la Haute Autorité de santé en mars 2021 d'un guide de bonnes pratiques professionnelles contenant près de 44 préconisations et des outils pratiques pour aider les professionnels à mettre en œuvre, en alternative aux hospitalisations complètes, les programmes de soins sans consentement, afin d'en améliorer la qualité et la pertinence. Par ailleurs, dans le cadre de la réforme des autorisations, une mention "soins sans consentement" a été créée. Les établissements devront donc respecter des conditions techniques d'implantation et de fonctionnement spécifiques afin d'être autorisés à dispenser des soins sans consentement au sein de leur structure. Ces conditions encadrent la prise en charge des patients en soins sans consentement, à travers notamment la nécessité de disposer a minima d'un espace d'apaisement, d'une chambre d'isolement individuelle équipée (aération, disposition d'appel accessible, sanitaires, point d'eau, horloge, mobilier adapté), un espace d'accueil pour l'entourage du patient et un espace extérieur sécurisé (cf. article D. 6124-265 du code de la santé publique). Enfin, le ministère de la santé et de la prévention mène depuis plusieurs années une politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention comme en témoigne l'instruction n° DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017 relative à la politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie et désignés par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement. L'importance de celle-ci a été réaffirmée dans l'instruction n° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d'isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d'isolement et de contention qui a accompagné la réforme du cadre juridique des mesures d'isolement et de contention de janvier 2022. En effet, ces pratiques sont des « pratiques de dernier recours » et ne doivent être utilisées que « pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui » comme le prévoit l'article L. 3222-5-1 du Code de la Santé Publique. Une attention particulière est portée par les agences régionales de santé (ARS) à la mise en œuvre effective de la politique de réduction de ces pratiques dans les établissements de santé. Cette réforme a été accompagnée financièrement puisqu'une première délégation de crédits à hauteur de 15 millions pérennes d'euros est intervenue en 2021, assortie de 20 millions d'euros non reconductibles. Des financements supplémentaires à hauteur de 15 millions d'euros pérennes ont également été accordés en 2022 aux établissements concernés. Les crédits ont permis notamment de financer, selon les besoins de chaque établissement et après évaluation par les ARS en tenant compte du contexte local : les recrutements nécessaires à la nouvelle organisation et au renfort éventuel de la permanence médicale et/ou soignante ; la mise en place des binômes médecin/ infirmier « référents isolement contention » ; le financement des actions de formation ; la création d'espaces d'apaisement. Le suivi de la mise en œuvre de ces dispositions est assuré par les ARS et les équipes du ministère de la santé et de la prévention. La commission nationale de la psychiatrie est également mobilisée pour accompagner les équipes soignantes et leur permettre de respecter le cadre réglementaire en vigueur.

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