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Antoine Armand
Question N° 4881 au Ministère de la justice


Question soumise le 24 janvier 2023

M. Antoine Armand appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la complexité de la procédure menant au paiement des experts judiciaires par l'État pour les expertises qu'ils ont rendues, voire à l'absence de paiement si les demandes sont formulées hors d'un délai qui s'avère en pratique très bref. En effet, selon l'article 800 du code de procédure pénale, afin d'obtenir le règlement relatif à leurs prestations, les experts judiciaires doivent transmettre à l'autorité judiciaire une demande de paiement par voie dématérialisée via le logiciel CHORUS. La généralisation de l'utilisation de ce logiciel par l'ensemble des services de l'État au cours de la dernière décennie n'a pas été sans accrocs. Les experts judiciaires, en particulier dans le domaine de la santé, ont notamment relevé à de nombreuses reprises les difficultés de prise en main de ce logiciel. Le remplissage des demandes apparaît particulièrement fastidieux pour ses utilisateurs, sans que ceux-ci soient accompagnés dans leur démarche, et toute erreur leur impose de redémarrer le processus en entier. Ainsi, une demande mal remplie ne sera pas prise en compte. Ces difficultés peuvent conduire les experts, y compris ceux qui rencontrent des difficultés à maîtriser les outils informatiques, à dépasser le délai étonnamment succinct qui leur est accordé pour transmettre leurs demandes de paiement. Selon le même article, cette demande doit être présentée à l'autorité judiciaire dans le délai d'un an à compter de l'achèvement de la mission. Dans le cas où la demande est présentée au-delà de ce délai, le magistrat taxateur constate l'acquisition de la forclusion, soit la déchéance du droit au paiement de la prestation, pourtant réalisée par l'expert judiciaire et utilisée par la justice. Ainsi, il l'interroge sur les raisons expliquant la brièveté de ce délai et sur les mesures que le Gouvernement compte mettre en place pour assurer le paiement des prestations réalisées par les experts judiciaires de façon plus juste.

Réponse émise le 16 mai 2023

En ce qui concerne, en premier lieu, le délai requis, il convient de rappeler que le décret n° 59-318 du 25 février 1959 avait instauré un délai d'une année « à partir de l'époque à laquelle les frais ont été faits » pour présenter le mémoire à la taxe du juge. Depuis l'abrogation de cette disposition par décret n° 83-455 du 8 juin 1983, l'absence d'un délai de forclusion engendrait des difficultés liées à la maîtrise de la dépense et à la gestion des mémoires adressés aux juridictions. En outre, le dépôt d'un mémoire plusieurs années après la réalisation de la mission contraignait les services à des recherches complexes et emportait également un risque dans la réalisation des contrôles sur la réalité de la dette de l'Etat. Enfin, la Cour des comptes identifiant également ces risques, a préconisé dans divers rapports publics de rétablir un délai de forclusion pour le dépôt des mémoires par les experts. C'est dans ce contexte que l'article 236 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a complété l'article 800 du code de procédure pénale de quatre alinéas instaurant à nouveau un délai de forclusion d'une année à compter de l'achèvement de sa mission par le prestataire, pour soumettre au paiement le mémoire de frais à la juridiction concernée. A cet égard, s'il incombe au magistrat taxateur de constater l'acquisition de la forclusion dans l'hypothèse où la demande de paiement est présentée au-delà du délai d'un an, conformément au troisième alinéa de l'article 800 du code de procédure pénale, cette prescription ne saurait être interprétée comme remettant en cause le pouvoir d'appréciation du magistrat taxateur inhérent aux procédures des articles R. 225 et R. 226 du code de procédure pénale. Ainsi, le magistrat taxateur reste habilité à suivre ou ne pas suivre le refus d'établir le certificat, les réquisitions et, le cas échéant, à faire droit à la demande de paiement du prestataire. En tout état de cause et conformément au quatrième alinéa de l'article 800 précité, une voie de recours est ouverte aux collaborateurs du service public de la justice contre la décision constatant la forclusion. Ainsi, le rétablissement du délai de forclusion n'a pas pour vocation de ne pas rémunérer les collaborateurs du service public de la justice de leur mission, mais seulement d'encadrer, dans un délai raisonnable d'un an, les demandes de paiement dans une perspective d'amliorer le pilotage des dépenses de l'Etat. En ce qui concerne, en second lieu, l'utilisation de Chorus Pro, il convient de souligner que le ministère de la Justice, en partenariat avec les services de l'Agence pour l'Informatique Financière de l'Etat, met en place un nombre élevé de dispositifs afin de permettre une bonne appréhension du portail de services Chorus Pro sur lequel sont déposés les mémoires de frais de justice. Ainsi, l'ensemble de la documentation est disponible 24h/24 sur le site de la Communauté Chorus Pro www.chorus-pro.gouv.fr. Il comprend ainsi par exemple un guide de saisie d'un mémoire de frais de justice, le référentiel des juridictions, le référentiel des tarifs, la réglementation applicable, une foire aux questions, etc. En outre, un ensemble de dispositifs a vocation à aider les prestataires en difficulté : une assistante virtuelle pour les difficultés de mot de passe par exemple, un tchat en ligne aux heures de bureau de métropole, un système de tickets auxquels il est répondu dans des délais variant de quelques heures à quelques jours et enfin mais surtout l'organisation de formations gratuites en ligne (de type « webinaire ») une fois par mois, d'une durée de deux heures environ. Ces webinaires ont été suivis par plus de 900 prestataires de frais de justice au cours de l'année 2022 avec un taux de satisfaction particulièrement élevé.

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