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Romain Daubié
Question N° 5021 au Ministère de l’économie


Question soumise le 31 janvier 2023

M. Romain Daubié appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les freins au crédit engendrés par la rigidité des taux d'usure établis par la Banque de France. Afin de contenir la hausse des prix, la Banque centrale européenne a déjà augmenté ses taux directeurs de 250 points de base pour arriver dans « une zone de normalisation » où la politique monétaire est neutre et ne stimule ni ne fait diminuer l'inflation. La BCE, par conséquent, a indiqué qu'elle continuerait à augmenter ses taux directeurs dans les prochains mois. Dans un contexte de forte progression des taux d'emprunts liés à l'inflation, le taux d'usure se trouve, de fait, bousculé et les banques préfèrent refuser de prêter plutôt que de perdre de l'argent, entravant ainsi le dynamisme du marché de l'immobilier déjà atteint par la conjoncture économique, le plafond d'augmentation des loyers et le retrait des « passoires thermiques » à la location. C'est d'ailleurs pour cette raison que Bercy, de concert avec la Banque de France, a décidé de calculer le taux d'usure mensuellement et non plus trimestriellement pendant six mois. L'ampleur sociale prise par ce problème de l'accès au crédit immobilier, le nombre croissant de refus d'emprunts que subissent les ménages désireux d'accéder à la propriété ainsi que la baisse d'activité engendrée pour les études notariales et les agences immobilières, plaident pour une action publique rapide et volontariste en la matière. Pour les collectivités locales, le risque est également de voir s'éroder leur base fiscale en diminuant le rendement des droits de mutations à titre onéreux, alors même que la hausse généralisée des coûts de l'énergie grève leur budget, mettant ainsi en péril le financement des services publics locaux permettant le maintien d'une vie locale dynamique et de l'attractivité des territoires. Aussi, il lui demande si, d'une part, il a l'intention de pérenniser la mensualisation des taux d'usure et si, d'autre part, il serait susceptible d'accepter des assouplissements dans son mode de calcul, notamment en augmentant le seuil du tiers de la moyenne des taux effectifs globaux ou en le libéralisant par voie réglementaire pour certaines catégories de crédits.

Réponse émise le 14 mars 2023

Le Gouvernement est très attentif à l'accès au crédit des ménages français et au risque d'éviction de certains ménages dans le contexte actuel de remontée des taux d'intérêt. Pour rappel, le taux de l'usure a été établi pour protéger les consommateurs et certaines personnes morales contre une tarification abusive du crédit, en limitant les écarts à la hausse des taux d'intérêt possibles par rapport à la moyenne des taux constatés. Cette formule permet de contenir les taux d'intérêt pratiqués par les établissements bancaires dans une fourchette réduite, qui bénéficie ainsi à la majorité des emprunteurs. Il convient de noter que le taux d'usure poursuit sa hausse, reflétant ainsi l'augmentation des taux d'intérêt pratiqués par les établissements bancaires : pour les crédits immobiliers à taux fixe de plus de 20 ans au 1er mars 2023, il s'établit à 4 %, contre 3,05 % au 1er octobre 2022 (2,57 % au 1er juillet 2022). Dans ce contexte de hausse des taux d'intérêt, la production mensuelle de nouveaux crédits à l'habitat a certes ralenti en décembre 2022, s'élevant à 14,0 Mds€, après 15,9 Mds€ en novembre 2022, mais reste, à date, proche de son niveau de moyen terme. Si, sur l'année 2022, la production s'élève à 218 milliards d'euros, contre 225 milliards d'euros en 2021, il convient de rappeler que 2021 demeure une année exceptionnelle pour le crédit à l'habitat et que la production de crédit à l'habitat en 2022 reste la 2e plus élevée depuis 2003. Les taux sur les nouveaux crédits poursuivent leur remontée progressive : ils étaient de 2,12 % en décembre 2022 après 1,96 % en novembre 2022 (en hausse de 106 pbs sur un an). La part des primo-accédants dans la production se maintient au-dessus de 50 %. Sur recommandation du gouverneur de la banque de France, le ministre a souhaité rendre la révision des taux d'usure mensuelle plutôt que trimestrielle depuis le 1er février 2023. La mensualisation a été mise en place en application de l'article L. 314-8 du code de la consommation qui prévoit la possibilité de mettre en œuvre des mesures transitoires en cas de variation d'une ampleur exceptionnelle du coût des ressources des établissements de crédit et des sociétés de financement. Son objectif est d'améliorer la réactivité du taux d'usure dans le contexte de hausse rapide des taux que nous connaissons. Les effets de cette mensualisation sur le marché de l'immobilier feront l'objet d'un suivi attentif par le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et la Banque de France. Il n'est à ce stade pas envisagé de modifier le mode de calcul du taux d'usure dont l'objet est bien de protéger le consommateur de taux d'intérêt abusif.

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