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Thibault Bazin
Question N° 77 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 12 juillet 2022

M. Thibault Bazin appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la menace qui pèse sur la prescription des anticoccidiens au sein des élevages. En effet, le 24 mars 2022, l'ordonnance n° 2022-414 du 23 mars 2022 portant adaptation des dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux a été publiée au Journal officiel de la République française. Cette ordonnance vient notamment modifier certaines dispositions du code la santé publique afférentes à la préparation extemporanée et la vente au détail de médicaments vétérinaires et, parmi celles-ci, celles de son article L. 5143-6 prévoyant l'agrément des groupements professionnels agricoles pour l'achat et la détention des médicaments vétérinaires dans le cadre de la mise en œuvre d'un programme sanitaire d'élevage (PSE). Or une des modifications prévoit : « Cette liste ne peut comprendre de substances antibiotiques », excluant de fait les substances antimicrobiennes et, donc les anticoccidiens. Cette disposition irait à l'encontre des objectifs préconisés et constituerait une menace pour les élevages. C'est ainsi que dans une note, l'Agence européenne du médicament (EMA) propose clairement de conserver l'usage préventif des anticoccidiens chez les jeunes animaux, plutôt que d'attendre des signes cliniques pour déclencher trop tardivement une métaphylaxie ou un traitement curatif. Car, contre la coccidiose, la prévention est jugée comme une stratégie bien plus efficace que la métaphylaxie ou un traitement curatif. L'Agence européenne du médicament considère donc que la prévention avec les anticoccidiens, même pratiquée couramment en élevage, peut être considérée comme « exceptionnelle » si elle est ciblée sur des jeunes animaux pendant de très courtes périodes « stratégiques » et qu'il s'agit là de la seule méthode de contrôle efficace des coccidioses dans les élevages. De plus, l'interdiction de l'usage des anticoccidiens aurait pour effet de réduire l'activité sanitaire des groupements professionnels agricoles en diminuant l'activité de leurs vétérinaires, alors même que les structures vétérinaires tendent à disparaître dans les territoires, privant parfois les éleveurs de ce recours précieux. Il lui demande donc si le Gouvernement a l'intention de rectifier la rédaction de l'article L. 5143-6 du code de la santé publique afin de permettre aux groupements agréés d'acheter et de détenir des anticoccidiens.

Réponse émise le 8 novembre 2022

Les règlements européens formant le « paquet médicaments vétérinaires » ont été négociés au niveau communautaire entre septembre 2014 et fin novembre 2018 avec des consultations publiques systématiques avant une publication au Journal officiel de l'Union européenne (UE) le 7 janvier 2019. Durant ces trois dernières années, les services de la direction générale de l'alimentation ont tenu 8 réunions d'information destinées aux professionnels vétérinaires et agricoles (exemple : SPACE en septembre 2019, 3ème journée de l'agence nationale du médicament vétérinaire en octobre 2021…). Le projet d'ordonnance relatif aux médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux quant à lui a été soumis à une consultation large, notamment auprès de tous les membres du conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV-santé animale), à deux reprises en octobre 2021 et en janvier 2022 avec l'envoi du texte et des présentations écrites, permettant ainsi de recueillir les avis des parties prenantes. Par ailleurs, préalablement à sa promulgation, cette ordonnance a été examinée par le Conseil d'État qui a contrôlé la légalité des mesures proposées et s'est assuré que le périmètre des travaux interministériels d'adaptation du droit n'excédait pas le champ de l'habilitation accordée au Gouvernement dans le cadre de l'article 27 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'UE en matière économique et financière. Sur le plan de la santé animale et de la santé publique, le règlement (UE) 2019/6 relatif aux médicaments vétérinaires reconnaît dès son considérant n° 41 que « la résistance aux médicaments antimicrobiens à usage humain et vétérinaire est un problème sanitaire grandissant dans l'Union et le monde entier. […] Cette résistance est devenue un problème de santé publique à l'échelle mondiale, qui touche l'ensemble de la société et nécessite une action intersectorielle urgente et coordonnée, conformément au concept « Une seule santé ». La lutte contre les phénomènes de résistance aux antimicrobiens constitue une véritable trame de fond de ce texte. Ses dispositions prennent le pas sur les dispositions nationales et le terme « antimicrobien » remplace le terme « antibiotique », ce qui implique au niveau national d'étendre les restrictions déjà appliquées aux antibiotiques à l'ensemble des antimicrobiens (contenant en plus des antibiotiques, les antiviraux, antifongiques et antiprotozoaires). Plus précisément, l'article 107 du règlement (UE) 2019/6 impose au point 1 que « Les médicaments antimicrobiens ne sont pas administrés de manière systématique » et au point 3 qu'ils « ne sont pas utilisés à des fins prophylactiques, si ce n'est dans des cas exceptionnels, pour l'administration sur un animal individuel ou un nombre restreint d'animaux lorsque le risque d'infection ou de maladie infectieuse est très élevé et que les conséquences ont toutes les chances d'être graves ». Cet usage exceptionnel ne rentre pas dans le cadre des programmes sanitaires d'élevage (PSE) tel que défini dans la loi aujourd'hui. Il reste néanmoins possible dans le cadre de l'exercice libéral de la médecine vétérinaire et ainsi disponible pour les éleveurs qui le nécessitent. L'avis (« reflection paper ») de l'agence européenne des médicaments (EMA) auquel il est fait référence est encore en cours de consultation et n'est pas un avis définitif. Il reconnaît certes la sévérité des conséquences de la coccidiose en élevage, mais ne préconise pas l'usage systématique des anticoccidiens en prophylaxie. Il prévoit en revanche que dans les élevages disposant d'un historique de cette maladie, la prophylaxie sur des animaux à haut risque d'infection coccidienne puisse être envisagée comme un cas exceptionnel et sur un nombre restreint d'animaux, par exemple chez les jeunes animaux, afin de rester en conformité avec le règlement (UE) 2019/6. Cet avis de l'EMA rappelle également l'importance d'appliquer aux élevages concernés des stratégies alternatives pour réduire l'usage prophylactique des antimicrobiens, telles que les pratiques d'hygiène et de la biosécurité. La réflexion sur une juste utilisation des antimicrobiens, que ce soit en métaphylaxie ou exceptionnellement en prophylaxie, se poursuit au niveau européen, notamment dans le cadre des travaux de l'EMA. Les autorités françaises y sont attentives, aux développements dans le domaine, tout en tenant compte des particularités nationales. Des contacts ont également été établis avec d'autres États membres de l'UE pour objectiver l'adaptation des pratiques locales en matière de distribution et d'utilisation des anticoccidiens en élevage.

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