Intervention de Marie-Hélène Fabre

Séance en hémicycle du 27 septembre 2016 à 21h35
Dispositif de continuité de fourniture de gaz et d'électricité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Fabre :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’ordonnance que ce projet de loi nous invite à ratifier traite une situation bien particulière. Précisons d’emblée les choses pour éviter les amalgames.

Il n’est pas question ici de légiférer sur le principe même de la fin des tarifs réglementés de vente pour les consommateurs non résidentiels. Il ne faut pas non plus confondre ces tarifs réglementés avec les tarifs sociaux dont bénéficient – et continueront à bénéficier – les consommateurs en situation de précarité énergétique, jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par le nouveau chèque énergie, créé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et actuellement en phase d’expérimentation.

Nous parlons d’autre chose. En effet, depuis l’adoption de la loi NOME, en 2010, la France s’est engagée à supprimer progressivement les tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz pour les consommateurs non domestiques. Depuis le 1er janvier 2016, tous les tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz naturel sont supprimés pour les gros et moyens consommateurs professionnels. Or, à ce jour, malgré de nombreux rappels, un nombre significatif de consommateurs concernés par la suppression de ces tarifs réglementés n’ont toujours pas contracté une nouvelle offre de marché. Leurs contrats déjà souscrits devenant caducs, ils s’exposaient à une interruption de leur fourniture de gaz ou d’électricité.

Afin d’éviter de telles situations, particulièrement préjudiciables aux professionnels, la loi relative à la consommation a prévu que les consommateurs n’ayant pas souscrit une nouvelle offre de marché avant l’extinction des tarifs réglementés puissent, à défaut, basculer vers des offres transitoires. Il était donc absolument nécessaire de mettre en oeuvre un nouveau dispositif permettant de garantir la continuité de la fourniture d’énergie : l’ordonnance du 10 février 2016 a été élaborée à cette fin.

Des sursis ont bien été accordés mais, à la veille de l’échéance des offres transitoires et compte tenu du nombre important de clients concernés, nous ne pouvions pas ne pas prévoir un nouveau système pour assurer la continuité de la fourniture. Dans cette perspective, l’ordonnance est bienvenue : c’est une bonne chose que d’avoir attribué à la Commission de régulation de l’énergie la charge de désigner les fournisseurs à l’issue d’une procédure de mise en concurrence.

Autre aspect appréciable de l’ordonnance, les relations contractuelles entre les fournisseurs et leurs clients, en particulier les principales obligations des premiers à l’égard des seconds, ont été précisément définies et semblent de nature à garantir la protection des consommateurs. Je précise que la suppression des tarifs réglementés ne concerne en aucune façon les ménages. Chacun le sait, mais il vaut mieux le répéter !

La Commission européenne a longtemps reproché à la France la non-limitation des tarifs réglementés dans le temps. Des négociations engagées récemment sur ce sujet par le Gouvernement ont cependant abouti à la préservation des tarifs réglementés pour les ménages et les petits professionnels. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car des millions de ménages, de petits consommateurs non résidentiels et de petites copropriétés pourront ainsi continuer à bénéficier des tarifs réglementés, lesquels restent malgré tout plus protecteurs dans la durée.

Or, après être passés sous le niveau des tarifs réglementés, les prix de marché avaient fortement augmenté, mettant en difficulté les entreprises qui avaient fait le choix de la concurrence, comme de nombreux hôpitaux et collectivités territoriales, à tel point qu’il fallut mettre en oeuvre le tarif réglementé transitoire d’ajustement au marché, le fameux TaRTAM. Grâce à ce dispositif, les entreprises qui avaient choisi de basculer vers l’offre de marché ont pu revenir à une forme de tarif réglementé plus avantageux.

Plus récemment, nous avons encore dû prendre des dispositions en faveur des électro-intensifs, pour que ces derniers ne soient pas soumis aux forces du marché et ne subissent pas des prix qui pourraient nuire à leur activité.

Nous continuerons à agir pour contrecarrer les effets négatifs d’un certain laisser-faire. Je ne crois pas qu’il soit opportun de libéraliser les tarifs pour les simples particuliers. Sur les marchés de gros, les prix sont exposés à une forte volatilité, et le gain que les nouveaux tarifs représentent pour les ménages n’est pas à la hauteur de la baisse des prix du marché. Ce constat milite en faveur du maintien des tarifs réglementés.

Par ailleurs, le problème que nous évoquons aujourd’hui nous rappelle l’urgence de créer une véritable Europe de l’énergie. Notre dépendance vis-à-vis des importations d’énergie s’est aggravée et certains États membres maintiennent voire accroissent leur recours au charbon. Dans le même temps, la maîtrise de la consommation reste lente et le marché carbone souffre de dysfonctionnements.

Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’un simple régulateur, qui se limite à la surveillance de la formation d’un marché et à la libéralisation de nos économies. Nous avons besoin d’une Europe plus solidaire, plus coopérative, capable d’investir à long terme et de promouvoir un autre modèle de production, plus respectueux de l’environnement, donc à faible intensité de carbone. Ce constat est d’ailleurs partagé par les grands groupes énergétiques du continent, qui ont lancé, en 2014, un appel pour qu’émerge une véritable politique commune européenne de l’énergie.

Nous pouvons nous féliciter que de nouvelles propositions à l’horizon 2030 aient été réunies dans le nouveau paquet climat-énergie de la Commission européenne. Ces objectifs sont connus ; il est heureux que la France les ait traduits dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Je reste persuadée que l’Union européenne doit faire preuve d’un réel volontarisme politique, à l’exemple de la France, afin de transcender les égoïsmes nationaux. Ce faisant, elle pourra garantir la sécurité de ses approvisionnements et assurer des prix compétitifs pour nos entreprises, tout en préservant le pouvoir d’achat de nos ménages.

Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter pour ce texte.

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