Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 12 octobre 2016 à 15h00
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Nous, le groupe majoritaire, ainsi que le Gouvernement, avec Christiane Taubira puis Jean-Jacques Urvoas, nous avons cette ambition pour la justice.

Je passerai très vite sur la première partie du texte, nous en avons beaucoup parlé. Ce n’est pas la moins importante, elle comporte nombre des dispositions qui ont provoqué l’échec de la commission mixte paritaire : la suppression des tribunaux pour mineurs dont la démonstration de l’inutilité n’est plus à faire, le très attendu transfert des pactes civils de solidarité aux maires, la nouvelle procédure conventionnelle de divorce par consentement mutuel qui permettra de régler plus vite des situations de souffrance, les modalités de modification de la mention du sexe à l’état civil, saluons ici le travail de Pascale Crozon et d’Erwann Binet.

Elle comporte aussi des avancées incontestables visant à rapprocher la justice du citoyen, faciliter l’accès au service public de la justice avec notamment le SAUJ – service d’accès unique du justiciable – et redonner leur juste place aux tribunaux des affaires de Sécurité sociale et de l’incapacité en les fusionnant dans un pôle social, tribunaux trop longtemps laissés à la marge du service public de la justice, comme Pierre Joxe l’a dénoncé et démontré avec force dans un ouvrage frappant nos consciences.

Je ne reviendrai pas non plus sur les mesures prises tendant à replacer le juge dans son métier. En revanche, je m’attarderai sur la seconde partie de ce projet de loi dont on a moins parlé, qui traite d’une part de l’action de groupe, posant ainsi pour la première fois, les règles générales de procédure et facilitant le recours à l’action de groupe pour toutes les personnes lésées dans les domaines de la discrimination, de l’environnement, des données personnelles, etc. C’était un enjeu de justice important que de permettre l’action de groupe laquelle dans certaines circonstances est la seule en capacité de permettre la défense de nos droits et la réparation des préjudices. Elle traite, d’autre part, des exigences déontologiques s’imposant aux magistrats consulaires et conseillers de prud’hommes.

Ces dispositions s’inscrivent en cohérence avec les textes sur la transparence de la vie publique de 2013, la récente loi du 20 avril 2016 sur la déontologie et les droits et obligations des fonctionnaires – je salue à ce propos Françoise Descamps-Crosnier – et la dernière loi organique relative aux garanties des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

Le texte aujourd’hui en débat soumet les juges des tribunaux de commerce et les membres des conseils de prud’hommes à l’obligation de déclarer leurs intérêts auprès du président du tribunal et, pour les présidents et vice-présidents de ces juridictions, de déclarer leur patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Ces mesures ont été prises en miroir de celles de la loi organique imposant également l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts pour tous les magistrats judiciaires et, pour les plus hauts d’entre eux, des déclarations de patrimoine adressées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Depuis lors, le Conseil constitutionnel, saisi de la loi organique, a rendu le 28 juillet 2016 une décision par laquelle il considère que l’obligation de dépôt auprès d’une autorité administrative indépendante des déclarations de situation patrimoniale des magistrats a pour objectif de renforcer les garanties de probité et d’intégrité de ces personnes et qu’elle est justifiée par un motif d’intérêt général. Il considère, en revanche, qu’en imposant une obligation de dépôt aux seuls plus hauts magistrats judiciaires, le législateur organique applique à ces magistrats un traitement différent de celui qui s’applique aux autres magistrats exerçant des fonctions en juridiction et méconnaît le principe d’égalité devant la loi. Il en résulte que la mesure visée devrait, pour être constitutionnelle, être appliquée à l’ensemble des juges, et non à certains magistrats.

Nous avions débattu de cette question et le principe de faisabilité nous avait poussés à cette solution, acceptable sur le plan de la stricte gestion par la Haute Autorité. Il nous faut désormais tenir compte de cette décision du Conseil constitutionnel. Le fait qu’il s’agisse de juges de nature et de statut différents ne permet pas de penser que la décision du Conseil constitutionnel – qui ne manquerait pas d’être interrogé sur ce point – serait différente de celle qu’il a rendue à propos des magistrats judiciaires. La rupture d’égalité est en effet tout aussi présente.

Ainsi, ne sera conservée que la mesure tendant à la déclaration d’intérêts effectuée par l’ensemble des juges, qui est à mes yeux la mesure déontologique la plus importante, en ce qu’elle tend à la prévention des conflits d’intérêts dans l’acte de juger.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite, au nom de notre groupe, à adopter ce texte avec fierté et conviction. Il ouvrira la voie à de nombreuses avancées au profit tant des magistrats que des justiciables.

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