Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 18 octobre 2016 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

…pourquoi, si ce n’est pour des raisons électoralistes, une telle facilité à l’approche de 2017 ?

Tout cela, au-delà des commentaires savants que nous pouvons échanger sur les hypothèses de croissance, a des conséquences évidentes sur les prévisions de recettes fiscales, celles de la TVA se trouvant enflées, comme sur celles concernant l’évolution de l’emploi et de la masse salariale : bref, des recettes publiques, qu’elles soient fiscales ou sociales, manifestement surévaluées.

Votre trajectoire financière, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, comme le dit avec pudeur et tact le Haut conseil des finances publiques, est « improbable ». Personne ne croit aux 2,7 % de déficit public en 2017 ; probablement vous-mêmes n’y croyez pas et vous êtes sans doute, au regard des exigences d’une part de votre majorité, résignés à ce que ce chiffre se dégrade au fil des prochaines semaines. Je reviendrai tout à l’heure sur ce point car il faut bien en définir la portée, même s’il appelle une critique évidente. Si le taux de 2,7 % n’est pas raisonnable, un chiffrage trop enflé de la trajectoire vraisemblable en 2017 n’est pas bienvenu non plus.

Les pratiques de cavalerie budgétaire ne sont pas une innovation absolue. Nombreuses, abondantes et généreuses dans le projet de loi de finances pour 2017, elles dénotent une facilité consistant à renvoyer les difficultés à la période à venir, au mandat à venir, à la majorité à venir, au Gouvernement à venir. Elles sont d’abord la preuve de l’irrespect de vos engagements, chers collègues de la majorité, pour dire les choses très directement.

Remplacer la baisse de la C3S ou de l’impôt sur les sociétés par un crédit d’impôt, ce n’est pas simplement une mesure de facilité et de cavalerie budgétaire, c’est aussi, si les choses ont un sens, un viol des engagements que vous avez pris auprès des entreprises. Non seulement vous chargez l’avenir à l’horizon de 2018 mais vous abîmez le présent, car les entreprises peuvent moins que jamais accorder leur confiance au Gouvernement, c’est-à-dire, hélas ! à l’État – mais sans doute ne vous faites-vous plus beaucoup d’illusions sur ce point.

J’en viens aux économies. Pendant quelques mois et même quelques années, vous n’avez eu de cesse, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’invoquer de façon un peu glissante le chiffre totem de 50 milliards d’économies. Vous reconnaissez aujourd’hui que ces économies ne sont pas au rendez-vous, quelles que soient les facilités de gestion que vous vous accordez. La gestion de la dette, évoquée tout à l’heure, va très au-delà d’une optimisation raisonnable : vous vous installez manifestement dans une facilité de gestion assez redoutable, reposant sur des initiatives qui ne pourront être multipliées inconsidérément, ni dans leur ampleur ni dans le temps.

En matière de dépenses, comme l’a rappelé M. le président de la commission des finances, il y a probablement eu, au cours de ce mandat, des moments où vous avez été plus attentifs que d’autres à la tenue de certaines dépenses : ce fut très inégal et très inconstant à certains égards mais il serait injuste de dire que rien n’a été fait et qu’aucun effort n’a été réalisé. Néanmoins, 2017 n’est clairement pas une saison d’efforts : la dépense est stable en volume et augmente en euros courants ; les effectifs de la fonction publique augmentent de 14 000 postes. On est très loin de votre engagement initial d’équilibrage entre l’augmentation des effectifs dans l’éducation nationale – qui, de notre point de vue, n’a jamais été garante d’une amélioration de la qualité de l’éducation – et des baisses d’effectifs dans d’autres ministères.

Nous souscrivons à l’idée selon laquelle les enjeux ont évolué et les tragédies auxquelles la France a été soumise justifient une augmentation de l’effort en matière de sécurité, de défense, de police et de justice. Toutefois, gouverner c’est choisir : l’augmentation de ces efforts devait trouver une contrepartie dans la gestion des effectifs d’administrations publiques correspondant à d’autres missions de l’État. Du reste, même dans ces secteurs prioritaires pour des augmentations d’effectifs, les événements de la nuit dernière rappellent, hélas ! que celles-ci ne compensent pas l’absence d’autorité et d’efficacité de l’État : quand on en arrive à des manifestations de policiers, la nuit, dans Paris, on peut penser que l’autorité de l’État est tombée bien bas et que la mission exigeante et indispensable de sécurité demande une volonté et une cohérence politiques davantage que la seule pratique des augmentations d’effectifs.

En outre, comme nous l’avons dit en commission et comme nous le répéterons au fil des heures de ce débat, le projet de loi de finances comporte un certain nombre d’impasses, dont vous avez justifié une partie – car je peux entendre certains raisonnements – mais ni leur globalité ni leur ampleur, comme les conditions de recapitalisation d’Areva. Que vous n’en connaissiez pas les termes exacts, nous pouvons l’entendre, mais ce que vous nous présentez aujourd’hui ne tient manifestement aucun compte de son éventuel coût pour l’État.

Par ailleurs, si votre mandat avait bien démarré sur des sujets qu’il m’est arrivé de suivre au fil des législatures, il s’est mal poursuivi, avec des arbitrages caractérisés par le manque de courage et d’affirmation du Gouvernement. Prenons l’exemple de la politique des infrastructures, sur lequel je pense que nous sommes d’accord, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État : alors que des enquêtes publiques et des démonstrations répétées contestent l’utilité de tel projet de ligne à grande vitesse, le Président de la République ou tel autre membre de l’exécutif déclare qu’il pense différemment et préfère telle ou telle infrastructure, qui ressemblera davantage à un « éléphant blanc » qu’à un véritable atout pour la vie de nos concitoyens ou la compétitivité de nos entreprises.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion